Tag: Union Européenne

  • #InMyName: Mobilisation pour la justice migratoire

    Photo : Liesbeth

    Hier, une manifestation a eu lieu à Bruxelles dans le quartier européen à l’appel de nombreuses ONG et associations afin de dénoncer la politique migratoire européenne répressive. Les organisateurs parlent de 2.000 participants ce qui est très bien au vu des conditions météos et de l’heure de rendez-vous (17h). Cette mobilisation a pris place dans le contexte d’un sommet européen sur les politiques migratoires.

    Les puissances occidentales pillent les pays du monde néocolonial avec leurs multinationales et leurs interventions militaires. La crise des réfugiés y est inextricablement liée. La seule réponse de l’Union européenne est de bloquer les réfugiés autant que possible. Mais rien n’est fait contre les causes pour lesquelles ces gens fuient leur pays d’origine.

    Le texte de l’appel dénonçait à juste titre que ‘‘L’Union européenne repousse toujours plus loin l’inacceptable, fait de la Méditerranée un cimetière et négocie avec les pays du Sud pour qu’ils deviennent nos gardes-frontières. Elle finance également les garde-côtes libyens qui repoussent les migrants africains vers les camps de détention et l’esclavage.’’

    Les manifestants ont tenu à répéter une fois de plus que fuir la misère et la guerre n’est pas un crime. Il est crucial de lutter aujourd’hui pour la régularisation de tous les sans-papiers, le droit au logement, l’abolition des centres fermés, la liberté de circulation, l’arrêt des expulsions et de la criminalisation des sans-papiers, la fin du racisme et de l’hypocrisie de l’État, le respect des droits fondamentaux comme l’accès aux soins médicaux, à l’éducation et à la formation.

    Mais tout cela doit être couplé avec une lutte incessante pour l’unité du mouvement de tous les travailleurs contre les politiques d’austérité et le racisme, pour une société libérée de toutes les inégalités, pour une société socialiste.

    Il y a un mois, une autre manifestation avait eu lieu en faveur de la régularisation des sans-papiers. Nous revenons sur  cette dernière dans cette interview de Pietro Tosi, animateur au MOC (Mouvement ouvrier chrétien) et au Comité des Travailleurs avec et Sans Papiers (TSP) de la CSC de Bruxelles et également membre du Parti Socialiste de Lutte.

    Reportage-photos de Liesbeth :

    Betoging rond migratietop EU // Liesbeth

    Reportage-photos de Mario :

    Betoging rond migratietop EU // Foto's door Mario

  • L’esclavage existe toujours au 21e siècle

    Image: fers d’esclaves, Wikipedia.

    Un reportage tourné fin octobre 2017 et diffusé sur CNN à la mi-novembre mettait au-devant de la scène l’existence de marchés aux esclaves en Libye. Le trafic d’êtres humains ne se limite pas à ce pays plongé dans le chaos, en raison notamment de l’intervention militaire de forces armées occidentales en 2011. On parle d’une industrie planétaire qui fait des millions de victimes sur la planète, essentiellement des femmes. Selon l’ONU, 71% des victimes identifiées sont des femmes.

    La traite des êtres humains représente le troisième trafic le plus lucratif au monde, derrière la drogue et la contrefaçon. L’Organisation des Nations unies estime ces profits à plus de 27 milliards d’euros par an. Les réseaux de trafiquants alimentent le travail forcé, l’exploitation sexuelle, le trafic d’organes… Des victimes venues de 137 pays ont été identifiées dans au moins 69 Etats différents. Les régions les plus touchées par ces trafics sont l’Asie du Sud-Est, l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine, l’Europe de l’Est, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

    La responsabilité de l’Union européenne dans le cas Libyen

    Les premières négociations entre l’Italie et la Libye de Kadhafi concernant la manière de bloquer les réfugiés en Libye remontent à 2000. Accords et aides financières pour des camps de réfugiés et pour des opérations de garde-côtes se sont succédé depuis lors. Mais depuis l’éclatement de la guerre civile, le blocage est devenu un immense piège.

    La Libye est progressivement devenue un enfer pour les migrants, un enfer alimenté par les financements de l’Union européenne qui a accordé plusieurs millions d’euros aux garde-côtes libyens et aux ‘‘autorités’’ du pays, dont les exactions sont pourtant dénoncées par les grandes organisations des droits humains. La politique migratoire européenne participe sciemment à la torture, au viol et désormais à la mise en esclavage d’individus.

  • Manifestation syndicale pour une Europe sociale

    Beaucoup de militants n’avaient tout simplement pas été mobilisés mais, selon les orateurs, 6300 personnes ont participé à la manifestation syndicale pour une Europe sociale qui a pris place hier à Bruxelles. Il est certain que la résistance s’impose contre le dumping social et la dégradation sociale perpétuelle de l’Union européenne. Organiser cette résistance à l’échelle internationale n’est pas non plus un luxe inutile face à l’organisation internationale du capital.

    Dans les discours qui ont suivi la petite manifestation, la critique de la politique néolibérale au cœur de cette Union européenne a été très prudente. A la CSC, il était clair que les syndicats étaient toujours pour l’Europe, mais qu’ils doutent de l’UE – ce n’était pas un rejet radical de l’Europe du capital, sans parler du lancement d’une organisation européenne de l’opposition à l’UE néolibérale… L’orateur de la FGTB, Robert Vertenueil, a défendu l’idée d’une Europe sociale – un concept particulièrement vague qui n’est jamais lié à une stratégie pour la faire respecter. Après les discours, des syndicalistes ont eu une conversation avec certains membres du Parlement européen. L’action visait également à organiser une réunion européenne la semaine prochaine à Göteborg, où les dirigeants syndicaux espèrent faire un pas en avant dans le dialogue social.

    Dans l’ensemble, il s’agissait d’une simple démonstration du manque de stratégie de lutte contre la politique d’austérité, tant au niveau européen qu’au niveau national. Débattre très sérieusement de cela est urgent. Cette discussion ne doit certainement pas être pessimiste: la participation à cette manifestation fut encore une confirmation du potentiel pour un plan d’action. Les témoignages ne manquent sur les divers lieux de travail pour illustrer à quel point la politique d’austérité est de plus en plus insupportable ! Le progrès social ne s’obtient pas en le demandant gentiment, il s’arrache par la lutte en assurant la plus large implication possible et en lui associant une alternative politique.

    Le PSL était présent à cette manifestation avec une équipe de militants et de délégués. Nous avons vendus 33 exemplaires de notre journal et réalisé un abonnement.

    Vakbondsbetoging voor een sociaal Europa

  • Nous ne voulons plus de l’UE! Pour une Europe socialiste, démocratique et solidaire!

    L’Union européenne en crise permanente.

    Il y a moins d’un an, une majorité de Britanniques votait favorablement à la sortie de leur pays de l’Union Européenne. Le 29 avril 2017, les chefs d’État des autres 27 pays membres ont approuvé à l’unanimité les directives pour les négociations du Brexit. C’était le sommet le plus court et le plus consensuel depuis très longtemps. Il n’a fallu que 15 minutes pour trouver un accord. Les dirigeants de l’UE veulent ainsi donner une image d’unité et d’unanimité au reste du monde.

    Dossier de Tanja (Gand) publié dans l’édition de juin de Lutte Socialiste

    Le projet d’unification européenne traverse une crise profonde. Pour la première fois de son existence, il n’y a aucune perspective d’élargissement du projet d’intégration européen alors qu’un pays veut quitter l’UE. Pour éviter la contamination politique, l’UE veut faire payer le prix fort à la Grande-Bretagne. La première-ministre britannique Theresa May (Parti conservateur), de son côté, ne doit pas broncher pour contenter sa base et éviter une fracture de son propre parti. Elle a prévenu Juncker, président de la Commission européenne, qu’elle sera une “femme sacrément difficile” lors des négociations.

    La deadline pour la clôture des négociations est fixée dans les traités européens à deux ans après l’activation officielle de l’article 50. Cela tombe donc en mars 2019, quelques mois après les prochaines élections européennes. Reste à voir si les négociations se concluront avec ou sans accord entre les deux partenaires de négociation.

    Y a-t-il des raisons d’être optimiste ?

    L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la France a provisoirement soulagé Bruxelles. Mais beaucoup de facteurs et d’évènements au sein de l’UE et de la Grande-Bretagne peuvent perturber les négociations. En automne se tiendront d’importantes élections en Allemagne. Des menaces économiques et des risques dans le secteur bancaire continuent de peser. L’instabilité économique et politique reviendra à chaque élection. L’Écosse menace d’organiser un nouveau referendum sur l’indépendance et des tensions pèsent avec l’Irlande du Nord. Le 8 juin, des élections anticipées auront aussi lieu en Grande-Bretagne. Theresa May veut utiliser ces élections pour renforcer sa majorité. La question est de savoir si Jeremy Corbyn (le dirigeant du Parti travailliste) pourra mobiliser la classe ouvrière pour marquer les négociations de son sceau. S’il n’y parvient pas, la classe ouvrière risque d’être entraînée, des deux côtés de la Manche, dans des discussions dominées par de lugubres tendances nationalistes et racistes.

    En ce moment, l’unanimité semble régner parmi les dirigeants européens. Mais, tôt ou tard, les contradictions entre États membres vont refaire surface. La Belgique, les Pays-Bas et l’Irlande entretiennent des relations commerciales étroites avec le Royaume-Uni. Respectivement 8,8%, 9,3% et 13,7% de l’exportation de ces pays vont vers le Royaume-Uni. Pour ces pays, la question de savoir si un accord commercial fera ou non partie des négociations du Brexit n’est pas une question secondaire.

    Que signifie le vote pour le Brexit ?

    Dans les médias, le vote pour le Brexit est présenté comme un vote purement raciste et anti-migrants. Le vote pro-UE était soi-disant l’expression d’un état d’esprit progressiste. En réalité, les choses sont rarement blanches ou noires. Tous les sondages d’opinion montrent que l’immigration a joué un rôle, mais ce sont surtout les questions sociales qui ont été déterminantes dans le comportement électoral. Pour une grande partie de la population, l’immigration ouvrière et les mesures d’austérité imposées depuis Bruxelles ont été vues comme un instrument de l’élite pour faire baisser les conditions générales de salaire et de travail.

    Nos partis frères en Angleterre et au Pays de Galle, en Écosse et en Irlande du Nord ont mené campagne pour un Brexit. Non pas pour créer l’illusion qu’après un Brexit, les attaques contre la classe ouvrière cesseraient automatiquement. Mais parce que le Brexit serait un meilleur point de départ pour la lutte sociale dans le pays.

    Nous n’avons jamais prétendu que le Brexit était en soi positif ou négatif, mais nous avons mis l’accent sur le caractère antisocial de l’UE actuelle. Une majorité de la population en faveur du Brexit serait une issue plus favorable, selon nous, pour permettre de renforcer la lutte pour de meilleurs soins de santé et contre l’austérité et les privatisations. Cela aurait pu contrer la campagne nationaliste de l’UKIP surtout si cela avait été soutenu par les syndicats et le nouveau président du Labour, Jeremy Corbyn à travers un message internationaliste fort. Nous avons regretté la position de Jeremy Corbyn qui, malgré son attitude critique vis-à-vis de “l’Employers Union” (l’Union des employeurs) a voté pour le “Remain” (maintien dans l’UE). En faisant cela, il s’est rendu responsable du monopole par les forces réactionnaires du discours en faveur du “Leave” (sortie de l’UE) et d’une certaine confusion des esprits.

    Il n’en reste pas moins que le Brexit était une sanction pour l’establishment européen et le projet de néolibéralisme et de l’austérité institutionnalisée. Des millions de personnes, surtout dans des pays comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal, ont été poussées dans la misère et la pauvreté. Pas étonnant, donc, que des gens soient dégoûtés de l’arrogance de l’establishment européen planqué bien loin à Bruxelles et qui prend des décisions asociales au-dessus d’eux.

    Ces expériences assurent que de moins en moins de gens sont enthousiastes vis-à-vis de l’UE. Ce n’est pas un hasard si la crise de confiance à l’égard de l’UE coïncide avec celle envers l’establishment politique. Tous les soi-disant grands partis pro-européens qui déterminent et défendent la politique européenne sont aujourd’hui sanctionnés. La social-démocratie en est la principale victime. En Grèce, en Irlande et maintenant aux Pays-Bas et en France, elle a subi de sérieux revers. Dans certains pays, il est loin d’être sûr que ces partis parviennent à se rétablir.

    Malheureusement, les partis “euro-sceptiques”, racistes, de droite et réactionnaires en profitent souvent le plus. De grandes parties de la gauche essaient de s’accrocher au mythe d’une Europe sociale. Pour ceux qui croient à ces illusions, l’UE est “plus internationaliste” et “progressiste” qu’un retour à l’État-nation. Ils ajoutent souvent aussi que, grâce au processus d’intégration européen, cela fait 70 ans que la paix règne sur le continent européen autrefois en guerre.

    Si nous ne pouvons choisir qu’entre l’UE asociale actuelle ou un bain de sang nationaliste, c’est effectivement un choix cornélien. Qui voudrait encore d’une guerre en Europe ? Qui pourrait trouver que les programmes d’échange internationaux pour les étudiants sont une mauvaise chose ?

    Le PSL est convaincu que l’UE et le processus d’intégration européen basé sur une économie capitaliste et géré pour le 1 % des plus riches et ses vassaux politiques ne seront jamais progressistes.

    C’est pourquoi, dans la deuxième partie de cet article, nous approfondissons l’histoire de l’UE. Nous argumentons qu’une unification de l’Europe n’est possible que sur une base socialiste, démocratique et solidaire. Une Europe dans laquelle les intérêts, droits et talents de tous les habitants d’Europe sont garantis, construits et assurés.

    L’UE: construite sur des fondements capitalistes antisociaux

    Fin mars 2017, on a fêté, à Rome, le 60ème anniversaire du Traité de Rome qui a fixé la base de la Communauté économique européenne (CEE). Les dirigeants européens ont essayé avec beaucoup de tam-tam et de belles paroles de redorer le blason de l’UE. Ils ne savent que trop bien qu’ils traversent la crise la plus profonde que le projet ait jamais connu.

    La confiance de la population en l’UE est à un niveau historiquement bas. Lors des élections européennes de 2014, le taux de participation n’était que de 42%. Même dans les pays traditionnellement pro-UE, tels que l’Italie, l’Espagne, la France et l’Allemagne, en 2016, seuls 35 à 38% de la population avaient encore une image positive de l’UE.

    Comme en 2012 lorsque l’UE a gagné le prix Nobel de la paix en plein milieu de sa plus lourde crise, on mettra l’accent à Rome cette fois-ci aussi sur le fait que l’UE est le garant de sept décennies de paix et de prospérité croissante en Europe. Dans le Traité, signé par les six pays fondateurs en 1957, il est, en effet, question de “l’amélioration du niveau de vie et des conditions de travail des travailleurs, l’harmonisation des systèmes sociaux, un salaire égal entre hommes et femmes à travail égal, la garantie de l’équilibre des échanges commerciaux et une concurrence loyale”.

    Ce traité fut rédigé dans le contexte historique des années 1950. L’économie progressait sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, d’une part et avec à l’arrière-plan, la rhétorique de la guerre froide, d’autre part. L’Ouest capitaliste devait surtout faire ses preuves sur le plan social face aux pays dits communistes, où la propriété privée des moyens de production et par voie de conséquence la maximalisation des profits comme ressort de l’économie avaient été abolies.

    1957 a été le point de départ d’un marché unique et des premiers pas en direction de la libre circulation des capitaux, biens et services, l’un des aspects centraux de l’UE.

    Le processus d’intégration européen a connu, à ses débuts, des oppositions, des intérêts contradictoires et il a toujours été dominé pour des motivations économiques. La capacité de production des grandes entreprises dépassait les frontières nationales, les multinationales dominaient de plus en plus l’économie et le commerce. Les plus grands capitalistes européens devaient subir la concurrence des multinationales américaines et asiatiques qui se développaient rapidement et qui disposaient d’un beaucoup plus grand marché domestique. L’UE a été utilisée comme instrument politique sur le marché mondial. En même temps, elle a été utilisée sur le plan national, dans les États membres, pour imposer des contre-réformes pour renforcer la position concurrentielle de la bourgeoisie nationale, au sein même de l’UE.

    L’aspiration à la paix pour huiler le mécanisme

    L’aspiration à la paix était incontestablement grande en Europe. Les deux guerres mondiales avaient causé de lourdes pertes humaines. C’est pour cela qu’une alliance regroupant des ennemis mortels comme la France et l’Allemagne a été accueillie avec enthousiasme par la population. Même des idées socialistes telles qu’une société sans guerre et misère, une répartition équitable des richesses, du travail et la sécurité sociale pour tous étaient populaires à ce moment-là.

    On ne peut pas dire du projet qu’il était pacifiste. Déjà en 1950, une proposition de politique militaire commune a été lancée. La France était à l’initiative en la matière et a proposé de construire une armée européenne. Les USA voulaient remilitariser l’Allemagne, principalement comme tampon face à l’Union soviétique. L’Allemagne serait, bien entendu, non seulement un tampon, mais servirait aussi les intérêts américains en Europe de l’Est. La France essayait d’éviter cela. Finalement, la proposition d’une armée européenne a été balayée et la demande d’une politique militaire européenne reste jusqu’à aujourd’hui, un thème délicat du fait des différents intérêts impérialistes des grands pays européens.

    En Belgique et aux Pays-Bas, la perte des anciennes colonies a été un fort incitant à créer, via une union douanière, de nouveaux débouchés dans les pays voisins. Le ministre belge des Affaires étrangères de l’époque, Paul Henri Spaak, a pris l’initiative à ce sujet et a utilisé la coopération existant dans la Communauté du Charbon et de l’Acier (CECA) pour démarrer la Communauté économique européenne (CEE). L’Allemagne était sceptique à ce moment-là. La part du commerce allemand avec des pays en dehors des cinq autres états fondateurs de la CEE était beaucoup plus élevée. Elle craignait que les tarifs douaniers de pays tiers n’augmentent suite à une union douanière.

    En 1968, l’union douanière est quand même entrée en vigueur et le commerce entre les pays qui en faisaient partie a considérablement augmenté. Une première tentative d’union monétaire a échoué dans les années 1970, mais la CEE a connu une extension constante. Depuis 2002, l’euro a été instauré (voir plus loin). Le dernier grand élargissement a suivi en 2004, avec 10 nouveaux États membres, dont 7 issus de l’ancien bloc de l’Est. Ils ont tous dû subir, entre autres, un programme de privatisation sévère pour pouvoir adhérer à l’Union européenne. Le démantèlement de ce qui reste de l’économie planifiée a été imposé en 1993 en vue de l’adhésion à l’UE par ce qu’on appelle les critères de Copenhague. Ils stipulent, entre autres, que les États membres “ont une économie de marché opérationnelle qui puisse supporter la concurrence du marché interne”.

    L’unité monétaire comme aboutissement de l’union néolibérale

    En 1992, les préparatifs de l’union monétaire ont démarré avec l’instauration des critères de Maastricht et l’installation du pacte de stabilité et de croissance. Il s’agit de règles monétaires strictes qui imposent aux États membres une discipline budgétaire et d’austérité. Le déficit budgétaire ne peut pas excéder les 3% et la dette publique ne peut pas dépasser les 60% du PIB.

    Récemment, les critères ont encore été affutés et institutionnalisés avec le SixPack et le Pacte fiscal. Cela permet, entre autres, d’imposer des sanctions aux pays qui ne satisfont pas aux critères. Les budgets nationaux doivent aussi être soumis à l’approbation de la Commission européenne dans le cadre du Semestre européen avant d’être approuvés par les parlements nationaux élus. Cela a été vu, à juste titre, par de nombreuses personnes comme une limitation des compétences des parlements nationaux élus. Dans toute la législation européenne, des principes économiques libéraux de droite ont été gravés dans la pierre. Cela laisse peu d’espace aux pays membres pour des investissements publics dans l’emploi, l’enseignement, la santé et l’environnement.

    Le PSL est ses organisations-sœurs au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ont argumenté depuis le début contre cette unification libérale imposée et contre l’union monétaire. Dans la brochure “Non à l’Europe des patrons! Non à l’UME (union monétaire européenne)! Luttons pour une Europe socialiste démocratique”, nous écrivions en 1999: “La lutte contre l’euro/UME doit devenir une activité de campagne importante dans notre fonctionnement. Parce que les gouvernements et les patrons seront obligés d’intensifier leurs attaques contre les droits des travailleurs et l’État-providence. L’euro sera surtout utilisé comme arme pour continuer à déréguler le marché du travail, créer plus d’insécurité d’emploi, compresser les salaires et attaquer les droits acquis. À terme, cela mènera à un rejet croissant de l’euro/EMU dans de larges couches de la population.”

    Le processus d’intégration est allé plus loin que ce à quoi nous nous attendions. Cependant, notre perspective de l’époque s’est aujourd’hui confirmée. Les libéralisations et privatisations sont ancrées dans la politique européenne. Les directives qui prescrivent la libéralisation du secteur des télécommunications, du trafic aérien, de l’énergie, de la poste et des chemins de fer, des ports émanent toutes de l’Union européenne. Elles ont évidemment été approuvées par l’establishment politique dont les partis de la social-démocratie. Au moment où la stratégie de Lisbonne a été tracée, qui devait faire de l’UE l’économie de la connaissance la plus dynamique et concurrentielle, 2 pays de l’UE sur 3 avaient un parti social-démocrate au gouvernement.

    Une UE sociale est une illusion, une UE socialiste une nécessité

    L’actuelle UE est un projet capitaliste et le marché interne est le veau d’or de l’UE. C’est un instrument politique pour les grandes entreprises et banques européennes qui, dans un contexte d’économie globale, recherche la maximalisation des profits. Des interventions de l’État qui “perturberaient la concurrence” sont, par exemple, interdites. L’UE fonctionne comme un bloc économique pour concurrencer les autres blocs économiques et en même temps, la concurrence interne entre États membres existe. C’est pourquoi cette Europe ne développera jamais une réelle politique sociale harmonisée.

    Sur le plan du salaire minimum, par exemple, il y a un énorme fossé entre des pays comme le Luxembourg avec un salaire minimum de 11,27 euros et la Bulgarie avec un salaire minimum de 1,42 euro. C’est la réalité de l’Europe aujourd’hui. Tant que le principe à travail égal, salaire égal ne vaudra pas, l’UE fonctionnera comme une spirale vers le bas pour les conditions de salaire et de travail.

    Sur la politique des réfugiés aussi, l’UE montre son vrai visage. Les accords avec la Turquie et la Libye de même que l’élargissement des moyens et des compétences du corps européen de garde-frontières ont pour unique but de refuser de l’aide à autant de personnes que possible.

    L’élection de Trump est utilisée par certains pour plaider à nouveau pour une extension de la capacité d’action militaire de l’UE. Le ministre belge des Affaires étrangères de l’époque, Mark Eyskens, décrivait, en 1991, l’UE comme un géant économique, un nain politique et une larve militaire. Ce fossé devrait être comblé. Mais ici aussi il ressortira que les contradictions entre les intérêts nationaux et l’UE persistent tant que le capitalisme règne.

    Le processus d’intégration européen est allé plus loin que ce à quoi le PSL s’attendait. Malgré les forces centrifuges qui divisent le projet, l’élite essaie d’arrache-pied de maintenir une sorte de collaboration. Si nécessaire, d’autres formules seront étudiées.

    Jusqu’à présent, le but était d’approfondir l’Union. Dans le nouveau Livre blanc de la Commission européenne, on parle pour la première fois ouvertement de la possibilité d’une Europe à plusieurs vitesses. Une désintégration complète de l’UE signifierait une catastrophe politique et économique pour l’establishment actuel. C’est pourquoi l’agonie de ce projet va encore durer un petit temps.

    En fonction des rapports de force sociaux, une alternative de gauche peut aussi se développer. Pour cela, il est temps que la gauche conséquente en Europe ose ouvertement choisir une Europe basée sur la solidarité et la démocratie économique. Ce ne sera possible que si les besoins et intérêts de la majorité de la population en Europe sont centraux. Ces dix dernières années, l’UE a montré son vrai visage: les banques ont été sauvées, les profits des entreprises préservés d’une part; économie sur les budgets sociaux, salaires inférieurs et privatisation de services d’autre part. Nous devons lutter tous ensemble pour une collaboration européenne sur base socialiste.

  • [DOSSIER] Traités de libre-échange & dictature des multinationales

    p7ttip5Les travailleurs, la jeunesse et la planète VS la soif de profits

    La colère gronde contre le ‘‘grand marché transatlantique’’ (connu sous diverses appellations : TTIP, TAFTA, GMT, …). Ce traité est négocié par l’Union européenne et les États-Unis pour créer la plus grande zone de libre-échange de la planète, laquelle engloberait 820 millions de personnes et 45,5 % du PIB mondial. À ses côtés doit également être approuvé le CETA (traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne), tandis que se négocie également le TISA, un accord commercial portant sur les services qui concerne 23 membres de l’Organisation mondiale du commerce (représentant ensemble 70 % du commerce mondial des services), dont l’Union européenne.

    L’administration étasunienne négocie parallèlement le TPP (Traité Trans Pacifique) avec l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam (40 % du PIB mondial). Il est encore question de ‘‘moderniser’’ le traité commercial conclu en 2000 entre le Mexique et l’Union européenne afin de mieux le faire cadrer dans ce contexte global de nouveaux accords de libre-échange. Après la crise économique de 2008, la solution du système capitaliste se résume en définitive en une fuite en avant, jusqu’à l’overdose.

    L’emploi, un prétexte fourre-tout

    p7ttip3Leur logique est non seulement d’abolir les barrières douanières et fiscales, mais aussi de s’en prendre frontalement aux barrières dites non-tarifaires, à savoir les législations de protections sociales, sanitaires et écologiques (considérées comme des freins à la libre concurrence des entreprises). Disons-le clairement, ces accords sont synonymes de concurrence accrue entre les travailleurs, de destruction de l’agriculture paysanne et de désintégration de nos services publics déjà bien mal en point.

    Le TTIP, par exemple, autoriserait en Europe la commercialisation de poulets nettoyés au chlore, supprimerait l’étiquetage obligatoire des produits à base d’OGM, libéraliserait les sources d’énergie issues de la fracturation hydraulique,… À chaque fois, la norme la plus basse d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique deviendra la règle, quitte à trainer les États devant des tribunaux privés grâce à un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE). C’est par le biais de ces RDIE qu’en 2010, le Guatemala fut condamné à payer 25 millions de dollars à cause d’une loi instaurant un prix maximum sur l’électricité ou encore que le Canada a dû verser 11 millions d’euros à Exxon-mobil suite à une loi conditionnant l’exploitation de pétrole offshore a des investissements dans l’énergie renouvelable, etc.

    Dans son discours sur l’état de l’Union du 13 février 2013, le Président Obama annonçait : ‘‘Nous allons lancer des négociations pour un vaste partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec l’Union européenne parce qu’un commerce atlantique libre et juste permettra de créer des millions d’emplois de qualité en Amérique.’’ Le commissaire européen au commerce de l’époque, le Belge Karel de Gucht, défendait la même logique en parlant de retombées de ‘‘centaines de milliers d’emplois créés.’’ De nombreuses études sont venues corroborer leurs dires.

    Sauf que, pour le professeur Clive George (Université de Manchester) ‘‘les modèles économiques sur lesquels ces estimations sont basées ont été décrits par plusieurs économistes de renom comme extrêmement spéculatifs’’. Il préconise plutôt de considérer les précédentes expériences d’accords commerciaux. Le constat s’avère de suite moins reluisant.

    20 ans d’ALENA

    Selon l’Economic Policy Institute (EPI), l’ALENA (traité de libre-échange conclu entre les USA, le Mexique et le Canada signé en 1994) devait créer 20 millions d’emplois aux États-Unis. En 2013, 845.000 Américains avaient bénéficié du programme d’aide à l’ajustement commercial (trade adjustment assistance) destiné aux travailleurs ayant perdu leur emploi à cause des délocalisations au Canada et au Mexique ou de l’augmentation des importations en provenance de ces pays. Les travailleurs de l’industrie licenciés se sont tournés vers le secteur – déjà saturé – des services (hôtellerie, entretien, restauration, etc.) aux salaires et conditions de travail moindres. Cet afflux de nouveaux travailleurs a par ailleurs exercé une nouvelle pression à la baisse sur les salaires. Concernant l’alimentation, en dépit du triplement des importations, le prix des denrées aux États-Unis a bondi de 67 % entre 1994 et 2014.

    Au Mexique aussi, les conséquences de ce traité furent désastreuses. Les États-Unis ont inondé le pays de leur maïs subventionné et issu de l’agriculture intensive, engendrant une baisse des prix qui a déstabilisé l’économie rurale. Des millions de paysans expulsés des campagnes ont migré pour trouver du travail ailleurs, exerçant une pression à la baisse sur les salaires, ou ont tenté d’immigrer aux USA. Cet exode rural n’a pas non plus été sans conséquences dans les villes mexicaines, où les problèmes sociaux ont été exacerbés tandis que la guerre de la drogue gagnait en intensité. En vingt ans, le prix des produits de première nécessité a été multiplié par sept et le salaire minimum, seulement par quatre. Alors que l’ALENA devait leur apporter la prospérité, plus de 50 % des Mexicains vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

    La victoire n’est pas impossible

    En 1995, des négociations en vue d’établir un accord du même type, alors nommé Accord Multilatéral pour l’Investissement (AMI) avaient été entamées dans le plus grand secret, à l’image de l’opacité qui entoure les actuelles tractations. Mais les mobilisations qui avaient suivi la divulgation du projet le tuèrent dans l’œuf. ‘‘L’AMI, tel un Dracula politique, ne pouvait vivre à la lumière’’ dira Lori Wallach, fondatrice du Global Trade Watch.

    Durant l’été 2012, une campagne publique a mis fin à l’ACTA, un accord extrêmement controversée (Accord commercial anti-contrefaçon) qui avait soulevé des inquiétudes similaires au sujet de la non-transparence des négociations. La Commission européenne avait reçu une claque sévère.

    En 2014, à la veille du troisième round de négociations du TTIP, une suspension partielle des négociations avait été annoncée afin de permettre la tenue de consultations publiques, sous la pression des diverses mobilisations syndicales, écologistes, de députés européens de gauche radicale,… Ce fut une première victoire. Peu avant, Obama avait perdu (au Sénat et à la Chambre des représentants) un vote sur le ‘‘Trade Promotion Authority Act’’, qui visait à faciliter la prise de décision en faveur du TTIP. La principale raison de cette défaite était l’énorme pression de la base de la société, entre autres organisée par le plus grand syndicat du pays, l’AFL-CIO. Depuis lors, la colère contre ces traités n’a fait que grandir.

    Aujourd’hui, seuls 20 % des Allemands approuvent le projet, en dépit de tous les efforts de la chancelière Angela Merkel. Aux États-Unis, tant Hillary Clinton que Donald Trump se sont vus forcés de se prononcer contre le Traité Trans Pacifique. Nous savons ce que vaut leur parole, mais il s’agit malgré tout d’une précieuse indication de l’impact des mobilisations et de la prise de conscience des enjeux qui se cachent derrière ces manœuvres commerciales.

    Les élites capitalistes, d’où qu’elles soient, tenteront par tous les moyens de calmer les choses et de noyer le poisson, au moyen de concessions partielles destinées à sauver leurs accords sur le long terme ou via des clauses pleines de bonnes intentions qui ne seront jamais appliquées. L’Accord global UE-Mexique contient par exemple une ‘‘clause démocratique’’ prévoyant la possibilité de suspension du traité en cas de violation des droits humains. Jamais cette clause n’a été utilisée alors que la violence est inouïe au Mexique. Près de 70.000 personnes ont été assassinées ces 10 dernières années et on compte encore plus de 27.000 personnes disparues. La répression par les forces de police lors de la mobilisation des professeurs dans le sud du Mexique en juin dernier (qui a causé 9 morts) ou encore l’assassinat des 43 étudiants d’Ayotzinapa en 2014 ne sont que les cas les plus connus sur l’arène internationale. Syndicats, ONG et instances internationales dénoncent depuis des années les violations des droits humains et l’impunité au Mexique.

    Les choses se révèlent plus difficiles que prévu pour l’establishment capitaliste, ce qui doit nous encourager à poursuivre la lutte avec une ardeur renouvelée. Le mieux pour ce faire est encore d’amplifier le mouvement contre le TTIP, le CETA & Co en le liant à la résistance mondiale contre la politique austéritaire. En Belgique, une manifestation syndicale nationale aura lieu 9 jours après la mobilisation ‘‘STOP TTIP & CETA’’ du 20 septembre dans la perspective d’une grève générale en front commun le 7 octobre. Ce sont des dates cruciales pour poursuivre le combat. Ce n’est qu’au travers de mobilisations massives que nous pourrons mettre fin à cette tentative de détruire nos conquêtes sociales. Ce serait aussi le meilleur terreau pour débattre et construire notre alternative politique à la logique nocive du libre-échange et de l’austérité. Le TTIP ou le CETA n’ont rien de neuf au regard de la logique capitaliste : ils n’en sont qu’un prolongement naturel, nous ne serons à l’abri de ces dangers qu’avec le renversement du capitalisme et la transformation socialiste de la société.

    Mardi 20 septembre :  Mobilisation contre le CETA et le TTIP. 17h, Quartier européen, Bruxelles (Métro Schuman).

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  • [DOSSIER] Brexit. L'élite capitaliste plongée dans un profond désarroi

    brexit01Le vote pour quitter l’Union européenne a ébranlé l’ensemble des institutions capitalistes au Royaume-Uni et partout dans le monde. Il ne s’agit en fait que de rien d’autre qu’une nouvelle expression de la colère populaire face à la misère de masse et à l’austérité brutale, en plus d’un sentiment de révolte grandissante contre l’ensemble des élites. Et de nouvelles secousses vont encore se faire sentir sur le plan politique.

    Par Peter Taaffe, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Face à cette révolte populaire, les stratèges du capital ont été entendus se dire en privé : « Le peuple a parlé… ces salauds ! ». À la suite du référendum sur l’Union européenne, nous avons été témoins de cette démonstration publique de la fureur avec laquelle le « commentariat » bourgeois a exprimé tout son mépris à peine contenu envers tous ceux qui osent défier les grandes puissances en votant pour « quitter ». Polly Toynbee, écrivant dans le Guardian, a donné libre cours à sa rage contre tous ces électeurs « sans aucune éducation » qui se sont dressés en masse contre l’austérité. Donald Tusk, président du Conseil européen, a déclaré que la décision des Britanniques représente « le début de l’anéantissement non seulement de l’Union européenne, mais aussi de la civilisation politique occidentale » (Financial Times).

    La victoire du « quitter » dans le référendum a déjà eu d’immenses répercussions sur l’avenir du Royaume-Uni, en particulier pour le mouvement syndical, au Royaume-Uni comme dans le reste de l’Europe. Le résultat du scrutin (52 % contre 48 %) représente fondamentalement une révolte essentiellement prolétarienne contre l’austérité et contre le gouvernement des millionnaires dirigé par David Cameron et George Osborne qui a dévasté le niveau de vie de la population dans toutes ses composantes.

    Il est totalement erroné de tirer, comme l’ont fait certains groupes de gauche, la conclusion absolument pessimiste selon laquelle ce résultat ne serait qu’un « carnaval de réaction », qui va encourager les forces de droite en Europe et ailleurs. Il ne fait aucun doute que la droite européenne va tenter d’exploiter ce résultat en sa faveur. Mais la conférence du Bloc de gauche au Portugal qui a été organisée immédiatement après ce scrutin a montré que les représentants du mouvement syndical en Grèce, en France et en Espagne se sentent renforcés par le résultat du référendum.

    Il n’est pas dit que la réaction, incarnée par des individus tels que Boris Johnson (l’ancien maire de Londres, conservateur et qui a fait campagne pour « quitter ») ou Michael Glove, gagnera automatiquement le pouvoir après la démission de Cameron, gagnant ainsi une position pour renforcer sa base et remporter les prochaines élections nationales. En réalité, la droite peut fort bien se retrouver vaincue. Encore la veille du référendum, les enseignants ont exprimé leur opposition aux plans du gouvernements concernant leur secteur en votant à 90 % le départ en grève à partir du 5 juillet. En fait, on voit une mini vague de grèves en train de monter au Royaume-Uni, déjà entamée avec les travailleurs du rail et le syndicat des boulangers.

    Une opposition contre l’ensemble de la classe dirigeante

    De nombreux travailleurs qui sont entrés en conflit avec le gouvernement se sont emparés de la chance qui leur était offerte par le référendum pour infliger un coup à leur ennemi juré : l’affreux Cameron et son acolyte Osborne. Ce que ce vote n’a pas exprimé, est un soutien à Johnson contre Cameron. Au contraire, le lendemain du référendum, Johnson a été hué en sortant de sa maison, et pas seulement par des gens qui avaient voté « rester ».

    Dans les jours qui ont suivi le référendum, les militants du Parti socialiste (CIO) qui vendaient notre journal dans la rue ont rencontré de nombreuses personnes qui avaient voté pour « rester » mais qui, à travers la discussion avec nos camarades, ont été convaincu de nos arguments pour leur expliquer pourquoi le « quitter » était en réalité le résultat le plus intéressant, d’un point de vue de classe. On voit ainsi ce qui aurait été possible si les dirigeants du mouvement syndical ne s’étaient pas laissés entrainer dans le camp du commandant en chef de l’austérité, Cameron, qui a à présent été rejeté dans la poubelle de l’histoire, comme nous l’avions prédit au cas où il perdrait le référendum.

    Le rapport de forces entre la classe prolétaire organisée et ses alliés d’une part et le gouvernement des capitalistes d’autre part peut être renforcé en faveur des syndicats et du mouvement ouvrier si seulement ces forces prolétariennes tirent des conclusions combattives par rapport au résultat de ce scrutin. Car le résultat du référendum, loin de pétrifier les forces impliquées dans le camp du « quitter », représente bel et bien une révolte majeure de la population de simples citoyens travailleurs contre l’élite dirigeante.

    Il est vrai que le caractère binaire d’un référendum (« Pour » ou « Contre ») permet à différents participants de voter pour la même position que d’autres personnes qui ne partagent pas les mêmes intére?ts, voire des intérêts de classe opposés, car chacun peut adopter cette position pour des raisons complètement différentes. Cela peut biaiser le résultat final sur le plan politique, en rendant difficile le fait de tirer une conclusion générale claire. Mais pas dans ce cas-ci. Les arrondissements et régions qui votent traditionnellement à gauche se sont massivement exprimés contre le gouvernement des « bouchers » Cameron et Osborne ; seules l’Irlande du Nord, l’Écosse et Londres ont globalement voté pour « rester ». Même là où le « rester » a fini par obtenir la majorité, on a vu s’exprimer une détermination typiquement prolétarienne de « leur montrer » (aux Conservateurs et à l’élite dirigeante) que « trop c’est trop ».

    D’un autre côté, on estime que trois quarts des jeunes ont voté pour « rester », ce qui révèle une tendance compréhensible, bien que déformée, à exprimer un vote internationaliste. Beaucoup de ces jeunes ont voté en partant du point de vue erroné que l’Union européenne serait un facteur progressiste : une ouverture vers l’Europe et le reste du monde. Ce sentiment a été exploité de manière répugnante par les Conservateurs partisans du « rester » ainsi que par leurs partisans. Comme l’a toujours dit le Parti socialiste et le CIO dans son ensemble, l’Union européenne n’est rien d’autre qu’une construction néolibérale, une machine capitaliste et impérialiste d’exploitation qui opprime non seulement la classe prolétaire européenne mais aussi, via divers accords commerciaux, l’ensemble des masses du monde néocolonial.

    On a vu une détermination d’acier, particulièrement dans les quartiers populaires, à sortir en masse pour voter « quitter ». Et ce, malgré une incroyable campagne d’intimidation et de haine menée par le front des économistes bourgeois, tous alignés pour prédire que le ciel allait nous tomber sur la tête, qu’il y aurait une nouvelle crise économique, l’apocalypse et une troisième guerre mondiale si les « gens » ne votaient pas « correctement », c’est-à-dire, pour le « rester ». On a vu une détermination à prendre une revanche sur les « riches », sur tous ceux qui n’ont pas à subir la misère que les Conservateurs et le capitalisme ont créée. On a vu une participation des masses sans précédent dans certains quartiers populaires, y compris dans les quartiers de logements sociaux, avec un impressionnant taux de participation à 72 %, plus élevé que lors des élections nationales.

    Défendre les bons intérêts

    C’est vrai que le Parti de l’indépendance du Royaume-Uni, une organisation raciste, était pour « quitter », tout comme le brutal duo capitaliste conservateur de Johnson et Gove, qui ont concentré leur campagne sur des attaques contre les immigrés. Il ne fait aucun doute que certains travailleurs ont été séduits par le discours anti-immigrés propagé par ces forces réactionnaires. C’était particulièrement le cas parce que la direction officielle du mouvement ouvrier, que ce soit celle des syndicats ou celle du Parti travailliste, s’est laissée prendre à leur jeu, en abandonnant complètement tout programme indépendant de classe, socialiste et internationaliste. Le Parti socialiste a adopté cette approche de classe, que ce soit dans ce référendum ou dans celui de 1975 (sur l’adhésion à l’UE), au cours duquel Jeremy Corbyn avait d’ailleurs défendu la même position anti-UE que nous.

    Malheureusement, Jeremy s’est laissé aujourd’hui piéger derrière les lignes ennemies, retenu là par les créatures blairites qui étaient pour « rester ». Et ces mêmes comploteurs, Hilary Benn et autres, l’ont bien récompensé en organisant à présent un véritable coup d’État contre lui pour le chasser de la tête du Parti travailliste. Quelle que soit la position adoptée par Jeremy, l’aile droite du Parti travailliste est prête à l’accuser de n’importe quoi, y compris pour le mauvais temps. Ces gens l’ont forcé (très clairement à contrecœur) à adopter la position de « rester ». S’il l’acceptait, il était condamné ; s’il refusait, il aurait encore plus été attaqué !

    Tout au long de la campagne, nous avons mis en avant le fait que si Jeremy avait adopté une position claire contre l’UE en y apportant des arguments socialistes et internationalistes, en portant la revendication d’une Grande-Bretagne socialiste rattachée à une nouvelle Confédération socialiste d’Europe, il aurait considérablement renforcé sa propre position. Le choix alors ne se serait plus porté entre deux factions de la droite, mais on serait rapidement arrivé à de nouvelles élections nationales qui nous auraient permis de dégager tous ces vauriens en même temps. Le rapport de forces qui aurait pu se développé sur base d’une telle campagne aurait certainement fait en sorte que cet appel soit directement très largement suivi.

    De nombreux travailleurs rejettent le programme de division raciste avancé par la droite nationaliste, mais sont néanmoins préoccupés, à juste titre, par le manque de ressources, de places dans les écoles, de logements, etc. dans les quartiers populaires déjà surpeuplés. Il y a une véritable peur de voir se développer une « course vers le bas », par laquelle de plus en plus d’emplois mal payés et à « zéro heures » seront créés. La solution à ce problème n’est pas d’accuser les immigrés, mais d’avancer un programme exigeant plus de budget pour la construction de logements sociaux, d’écoles, etc. (Rappelons au passage qu’il y a 50 000 logements vides rien qu’à Londres).

    Aucune indication d’un tel programme n’a malheureusement été entendue du côté des dirigeants du mouvement syndical et du parti travailliste, qui ont préféré passer leur temps à se faire prendre en photo aux côtés des ennemis jurés de la classe prolétaire, qu’ils se battent pour « quitter » ou pour « rester ». Nous avons eu droit au spectacle du maire de Londres, M. Sadiq Khan (Parti travailliste), paradant avec Cameron pour « attaquer » Johnson dans une défense commune de l’UE capitaliste. Le même cadre travailliste, lors de sa campagne électorale, avait également défendu l’idée qu’il faudrait plus de milliardaires à Londres – une ville qui en compte déjà 141, soit le plus grand nombre de milliardaires au monde dans une même ville ! C’est cette attitude qui a justement permis à Johnson (ex-maire de Londres, conservateur) de recourir à toute sa démagogie pour dénoncer les inégalités créées par l’UE et se présenter dans la foulée comme un « défenseur des simples citoyens ».

    Le mythe de « l’Europe sociale »

    Tony Blair, qui, au moment de la guerre d’Irak, était accusé de « mentir comme il respire », a fait une nouvelle apparition dans ce même registre lorsqu’il a tout à coup commencé à vouloir se faire défenseur des droits syndicaux. Dans un article du Daily Mirror, il a eu le culot d’écrire « n’abandonnez pas les droits des travailleurs » ! Lui qui avait pourtant passé treize ans au pouvoir à maintenir coute que coute l’ensemble des lois antisyndicales héritées de Thatcher ! Frances O’Gradey, la nullité qui sert de secrétaire générale au Congrès syndical (TUC), est quant à elle venu déclarer que, selon ses calculs, chaque travailleur perdrait 38 £ par semaine d’ici 2030, à moins de se ranger derrière l’UE des patrons.

    Alors que tout progrès social, toute victoire qui a permis de relever le niveau de vie des travailleurs, est toujours venu des syndicats en tant qu’organisations combatives, voici que les dirigeants des mêmes syndicats imputent maintenant ces victoires à l’UE plutôt qu’à leurs propres organisations ! Il ne peut y avoir plus grande expression de la faillite totale de ce qui sert aujourd’hui de direction à la plus grande fédération syndicale du Royaume-Uni.

    Si les syndicats se sont retrouvés dans cette position peu reluisante, c’est du fait de leur adaptation à l’UE capitaliste. En 1988, le commissaire européen Jacques Delors avait donné aux dirigeants syndicaux une possibilité de salut malgré toute une série de graves défaites durant les années ’80 (la grève des mineurs, Wapping, l’effondrement de la lutte contre les coupes budgétaires des conseils communaux, etc.), en leur vendant le concept d’une « Europe sociale ». Cela n’a toujours été qu’une fausse perspective. En effet, toute loi destinée à garantir les droits des travailleurs ne peut jamais être obtenue et appliquée que du fait d’une lutte syndicale et d’un rapport de force en faveur des travailleurs – jamais on n’a vu une telle loi tomber du ciel. Mais les dirigeants syndicaux, en gage de gratitude, ont chanté les louanges de « Frère Jacques » qui semblait avoir ainsi trouvé une manière bon marché (et ne requérant aucune lutte) de garantir les droits des travailleurs.

    C’est de là qu’est venue cette politique de collaboration de classes appelée « partenariat social » qui, tant que l’économie connaissait une croissance, a permis d’obtenir quelques acquis limités. Mais dès que la crise économique a frappé, en particulier à partir de 2007-2008, suivie d’une période prolongée de croissance extrêmement faible, cette politique de « partenariat » s’est changée en son contraire : un niveau de vie qui stagne ou qui recule, et une absence de riposte vis-à-vis des attaques patronales menées sur tous les fronts.

    Il est donc scandaleux de voir que le Congrès syndical n’a pas organisé la moindre véritable action de grève contre la dernière offensive menée par Cameron et Osborne contre les droits syndicaux. Les dirigeants syndicaux ont préféré éviter cela en proposant un nouvel accord de collaboration au gouvernement : ils feraient campagne pour rester dans l’UE, en échange de quelques concessions mineures par rapport à certaines régulations du travail, etc., promises par le gouvernement.

    Un projet néolibéral

    L’argument de Blair et d’O’Grady, comme quoi l’UE défend les droits des travailleurs par des mesures telles que la limitation du temps de travail, etc. est une véritable plaisanterie. Toute loi favorisant les travailleurs et les syndicats n’est jamais, en dernier recours, que le résultat et l’expression de la puissance et de l’organisation des syndicats, et non pas d’une quelconque tendance « progressiste » dans le chef des organisations patronales telles que l’UE. De plus, au cours de la campagne pour le référendum, on a vu certains des entreprises les plus brutales et les plus cupides d’Europe, telles que les lignes d’aviation EasyJet et Ryanair, démontrer une fois de plus quel peu de cas elles font des régulations européennes censées protéger les droits des travailleurs, tout en faisant pourtant elles-mêmes campagne pour « rester » dans l’UE.

    Ces entreprises ont proposé que l’UE coordonne cet été les actions destinées à éviter les mauvaises conséquences de la grève des contrôleurs aériens français, en permettant aux contrôleurs allemands de reprendre leur travail à leur place. Souvenons-nous que Ronald Reagan, le président qui a inauguré l’ère sombre du néolibéralisme aux États-Unis, avait commencé son œuvre en vainquant de manière décisive les contrôleurs du ciel de son pays en 1981. Les conditions ainsi créées ont constitué un précédent pour tous les autres patrons aux États-Unis. Le fait que de telles mesures puissent être à présent proposées à l’UE démontre bien la brutalité de son caractère néolibéral.

    Il devrait suffire de mentionner ne serait-ce que l’historique de toutes les privatisations imposées par l’UE, notamment dans le cadre de sa relation avec la Grèce, pour qu’il soit clair que la seule position syndicale valable est le « quitter ». L’UE a imposé à la Grèce un plan de privatisations massif de 71 000 entreprises et propriétés, y compris la vente des aéroports régionaux. Aux yeux d’un travailleur grec, l’idée d’une UE « progressiste » entre en contradiction totale avec toute son expérience ! Des millions de gens sont à présent de nouveau contraints de vivre uniquement sur base de la pension ou salaire misérable d’un seul membre de la famille.

    Il ne fait aucun doute que les luttes des travailleurs grecs seront incroyablement renforcées par la prise de position ferme de la classe prolétaire britannique au cours de ce référendum. On voit un nouveau scénario de « dominos cascade » s’ouvrir en Europe : la répercussion des évènements au Royaume-Uni pourrait rapidement se refléter dans des pays comme les Pays-Bas, la Suède, voir l’Italie qui pourraient réclamer eux aussi un nouveau référendum. Ils pourraient suivre la voie des travailleurs du Royaume-Uni, non pas en renforçant leur nationalisme, mais en créant une véritable solidarité des populations d’Europe sur le plan syndical et sur le plan politique, liée à la perspective du socialisme.

    Les États-nations

    Comme nous l’avons dit depuis le tout début du prédécesseur de l’Union européenne (la Communauté économique européenne CEE), malgré tous les efforts de ses dirigeants, on ne pourra jamais parvenir à une véritable unification de l’Europe tant qu’on restera dans le capitalisme. Certains marxistes ne partagent pas notre avis ; durant la campagne pour le référendum, ils ont même été jusqu’à ressortir des textes de Léon Trotsky pour tenter de justifier leur soutien au « rester », en propageant l’idée selon laquelle le capitalisme serait capable d’accomplir cette tâche historique qu’est l’unification de l’Europe, et que cela serait quelque chose de « progressiste ». Une telle conclusion, soi-disant basée sur les écrits de Trotsky, est totalement erronée.

    La nécessité d’unifier le continent européen découle des besoins de la production et de la technique à l’époque moderne. Les forces productives ont depuis longtemps dépassé les étroites limites de la propriété privée d’une petite poignée de capitalistes et de l’État-nation. L’industrie moderne, avec les gros monopoles, les multinationales, etc. ne réfléchit plus en termes de marchés nationaux mais régionaux ; les plus grandes firmes ne considèrent leurs activités qu’en termes de marché mondial. Cela s’exprime dans la tendance à vouloir éliminer les barrières nationales, les limites à la production, les droits de douane, etc. ce qui va de pair avec la création de gigantesques blocs commerciaux tels que le NAFTA (Accord de libre échange nord-américain) ou le TTIP (Partenariat transatlantique pour le commerce et les investissements).

    Un tel processus peut aller très loin tant qu’on est dans une phase de croissance : c’est le cas concernant l’UE, en particulier au début des années ‘2000. Cette tendance a poussé certains capitalistes et, malheureusement, même certains marxistes, à imaginer que le capitalisme pourrait un jour surmonter ces limites nationales et passer à l’unification de la classe capitaliste européenne (puisque c’est de cela qu’il s’agit en réalité).

    Pour justifier leur position, ces gens se sont mis à fouiller dans les archives de Trotsky, où ils ont trouvé la citation suivante : « Si les puissances capitalistes d’Europe fusionnaient en un seul conglomérat impérialiste, ce serait un pas en avant par rapport à la situation actuelle, car ce serait une base matérielle et collective pour le mouvement ouvrier. Dans ce cas, le prolétaire n’aurait plus à se battre non pas contre le retour à un gouvernement « national », mais pour la conversion de ce conglomérat en une République fédérative européenne. » (Le Programme de la paix, cliquer ici pour le texte complet).

    Trotsky parlait clairement ici d’une situation hypothétique, qu’il ne s’attendait pas à voir se matérialiser. Il ne s’agit d’ailleurs pas non plus d’une description de l’UE actuelle, qui n’est pas parvenue à « fusionner » les différents États-nations d’Europe. Dans le même article, Trotsky poursuit en disant que « L’unification républicaine et démocratique de l’Europe, seule capable de garantir le développement national, ne peut se faire que par la voie de la lutte révolutionnaire […] par le soulèvement des différentes nations, aboutissant à la fusion de toutes ces insurrections en une seule révolution européenne généralisée. »

    Une colère longtemps refoulée

    La situation au Royaume-Uni avant le référendum, particulièrement à la suite des résultats, est l’expression d’une colère longtemps refoulée par le prolétariat contre le régime Cameron-Osborne. Elle nous offre une chance unique de complètement transformer la situation en faveur de la classe prolétaire. Même avant le référendum, le gouvernement s’était vu contraint d’accomplir au moins 20 revirements complets ou partiels sur diverses questions, tandis que la machine des Conservateurs perd de nouvelles pièces chaque jour. Le gouvernement reste assiégé sur chaque front. L’économie se dirige vers une nouvelle crise, avec le plus grand déficit commercial depuis 1948 (la différence entre importations et exportations), sans même parler des récents évènements ! Le chômage est en hausse parmi la jeunesse, tandis que la catastrophe du logement à Londres et dans les grandes villes se poursuit sans que personne ne lève le petit doigt.

    À Londres, dans le quartier de Waltham Forest, les prix des loyers ont augmenté de 25 % cette année ; à Butterfields, des familles pauvres sont déguerpies et « exilées » dans d’autres villes situées à des centaines de kilomètres. Tout ça pour que les propriétaires puissent vendre leurs modestes logements aux riches qui accourent de partout pour s’arracher les maisons dont la valeur a explosé.

    Il y a aussi une révolte grondante autour de la question des salaires, qui ont diminué de 8 % depuis 2007. Nous aimerions rappeler au passage à Mme O’Gradey, dirigeante du TUC, que tout ça s’est fait alors que le Royaume-Uni faisait partie de l’UE ! Au sein des syndicats aussi, la colère monte, comme on l’a vu lors de récentes conférences syndicales. Le TUC du pays de Galles, mis sous pression par les camarades du Parti socialiste (CIO), a passé toute une série de motions combatives, incluant entre autres le soutien à l’idée de conseils communaux « sans coupes budgétaires » (un appel aux communes de refuser l’austérité imposée par le gouvernement national) et une motion en faveur de la nationalisation de l’industrie de l’acier.

    Toutes ces résolutions ont été votées à l’unanimité, ou presque. Il était d’ailleurs remarquable de voir de nouvelles couches de travailleurs jeunes qui participaient à ce genre de rencontres pour la première fois. À l’assemblée générale du GMB (Syndicat des travailleurs généraux, municipaux et fabricants de chaudières), le plus grand syndicat britannique privé comme public, des résolutions en faveur de la nationalisation ont été portées à l’ordre du jour pour la première fois depuis très longtemps.

    À la conférence du syndicat du secteur public Unison, une nouvelle organisation des militants de gauche a été formée pour mettre une tendance destinée à transformer ce syndicat en une association combative et militante capable de mobiliser ses membres pour la lutte, plutôt qu’une union moribonde qui passe son temps à dénoncer et isoler les militants « trop remuants ». Tout cela montre que le Royaume-Uni est sur le point d’entrer dans une nouvelle période extrêmement combative.

    De nouvelles guerres civiles politiques

    Au même moment, on a vu s’intensifier les deux « guerres civiles » (une dans le Parti conservateur, une dans le Parti travailliste) tout au long de la campagne du référendum. Comme on pouvait le prédire (et comme l’a prédit le Parti socialiste), les tentatives des partisans de Corbyn d’amadouer l’aile droite du Parti travailliste en appelant à voter « rester » n’a pas le moins du monde adouci l’opposition de cette aile à Corbyn ; bien au contraire, cela n’a fait que l’encourager. Quelques heures après l’annonce des résultats du référendum, la députée Margaret Hodge a fait circuler une lettre appelant à un vote de censure contre Corbyn visant à provoquer une nouvelle élection à la tête du parti, dans l’objectif avoué de chasser Corbyn de la direction travailliste. Suite à cela, Corbyn a viré le député et ancien secrétaire d’État à l’Environnement Hilary Benn, ce qui a provoqué la démission de toute une série de cadres du parti.

    Il est clair que le Parti travailliste est totalement paralysé en ce moment, tiraillé entre les forces corrompues des blairites et les forces antiaustéritaires potentiellement croissantes rassemblées autour de Jeremy Corbyn. Mais les forces de « gauche » petite-bourgeoise qui dirigent l’alliance pro-Corbyn, Momentum, ont totalement gâché l’occasion rêvée de frapper un grand coup contre la droite. Au départ, Momentum avait promis une régénération démocratique et ouverte du mouvement ouvrier, avec le démantèlement de la structure centralisée et bureaucratique en ce moment à la tête du parti. Cependant, vu les hésitations désastreuses de la direction actuelle, cette promesse a fini par être oubliée, pour être remplacée par des tentatives jusqu’ici infructueuses d’amadouer la droite. Tout cela n’a fait que renforcer la détermination de cette faction à chasser Corbyn et à réinstaurer le règne des blairites.

    C’est la méfiance de cette aile droite qui a fait que le syndicat PCS (Syndicat des services publics et commerciaux), lors de sa dernière conférence, a finalement refusé une motion demandant l’affiliation de ce syndicat au Parti travailliste, parce qu’il est clair qu’en ce moment, la droite blairite contrôle toujours la machine du parti, en plus d’avoir presque tous les députés de leur côté. Pendant le référendum, 71 « volontaires » ont été envoyés par la direction travailliste au QG de la campagne pour le « rester ». Les membres du PCS ont compris que l’affiliation de leur union au Parti travailliste reviendrait à financer cette machine droitière qui filtre les militants pour empêcher l’affiliation au parti des syndicalistes et militants de gauche désireux de le remettre sur le chemin du socialisme et de la lutte.

    Si elle devait échouer dans cette mission, l’aile droite est à nouveau prête à scinder le Parti travailliste. C’est ainsi qu’on a déjà vu une véritable « coalition nationale » en train de se mettre en place tout au long du référendum, avec cette riante collaboration entre les travaillistes de droite et les conservateurs « de gauche libérale » ainsi que les libéraux-démocrates. C’est ce même sentiment d’« alliance nationale » qui a mené à la proposition absurde (qui n’a d’ailleurs pas été retenue) que les députés du gouvernement et de l’opposition s’asseyent ensemble de part et d’autre du parlement au cours de la session spéciale qui a suivi le meurtre de la députée Jo Cox. On a aussi vu le dirigeant des lib-dem Tim Farron concentrer toutes ses remarques d’après-référendum en une attaque sur Jeremy Corbyn qui, selon lui, s’est montré trop « tiède » dans son soutien au « rester ». De même, la guerre civile au sein du Parti travailliste, qui a été déclenchée dès le jour où Corbyn a été élu à la tête de ce parti, se poursuit sans s’arrêter : pas une journée ne passe sans qu’il ne soit attaqué d’une manière ou d’une autre.

    Les attaques entre « camarades » du Parti conservateur ont elles aussi créé de profondes divisions entre l’aile Cameron-Osborne du parti et la faction Johnson-Gove. Une nouvelle élection à la tête du Parti conservateur pourrait certainement élargir ces divisions et pourrait résulter en une séparation ouverte, ce qui pourrait donner naissance à un regroupement avec les libéraux-démocrates et les travaillistes de droite.

    Conclusion

    Il faut voir ce référendum comme un gigantesque rocher jeté au milieu d’un lac : les vagues et ondulations issues de ce choc vont se prolonger pendant des mois et des années. L’onde de choc a déjà atteint l’Europe et pourrait, à terme, mener à l’effondrement de la zone euro et au démantèlement de l’UE. Le résultat de ce scrutin pose également la question d’un nouveau référendum pour l’indépendance de l’Écosse, qui pourrait mener à la disparition du Royaume-Uni en tant que tel. Les conséquences sont en effet tout aussi importantes pour l’Irlande, surtout l’Irlande du Nord, où le Sinn Fein (nationaliste « de gauche ») a déjà exigé la tenue d’un nouveau référendum sur la réunification de l’ile – ce qui pourrait, à son tour, entrainé une reprise des hostilités entre les différentes communautés religieuses et ethniques d’Irlande du Nord (les protestants d’origine anglaise voulant plutôt rester dans le Royaume-Uni, tandis que les catholiques d’origine irlandaise seraient plus pour le rattachement avec l’Irlande du Sud – fondement des nombreux conflits armés et violences dans le pays tout au long du siècle dernier).

    Cependant, au milieu de toutes les évolutions qui vont découler de ce référendum, le mouvement syndical et la gauche doivent tirer des conclusions socialistes claires et agir conformément à cela, en luttant pour un programme prolétarien indépendant. La revendication immédiate est de lutte pour une conférence d’urgence des travaillistes de gauche, qui doit être démocratique et ouverte à l’ensemble des forces de gauche pro-Corbyn, y compris les syndicats, associations et partis politiques minoritaires. Le but de cette conférence serait de défendre Jeremy Corbyn en mettant un terme aux tentatives de « coup d’État » de la part de la droite, par l’adoption d’un programme socialiste clair et de structures démocratiques suivant une forme d’organisation fédérative.

    Le référendum sur l’UE a été un choc terrible pour la classe dirigeante et pour leurs pantins au sein du mouvement ouvrier, et dont les ondes de choc se feront encore sentir pour un bon moment. Au même moment, il représente une importante chance de reconstruire le mouvemente ouvrier suivant une ligne démocratique et socialiste.

  • Stop TTIP – Stop à la dictature des multinationales

    TTIP02Bien que le contenu du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership, traité de libre-échange transatlantique) ne soit pas encore connu dans son entièreté, ses grandes lignes sont claires : tout le pouvoir aux actionnaires ! Les autorités européennes et étasuniennes prétendent qu’il est nécessaire de le soutenir afin de ‘‘relancer l’économie’’ et de ‘‘créer de l’emploi’’… sur base des recettes à la base même de la crise économique et du chômage structurel qui sévit depuis plusieurs décennies !

    Par Julien (Bruxelles)

    Envie de poulet au chlore dans vos assiettes ?

    TTIP01Que nous propose le TTIP ? Créer la plus vaste zone de libre-échange au monde entre l’Union européenne et les États-Unis. S’il est voté, il couvrira près de la moitié du PIB mondial (45,5%, Royaume-Uni y compris). En 2006, le Parlement européen expliquait que ce traité visait à ‘‘harmoniser les réglementations’’ en poussant les États à adapter leurs lois selon les besoins des entreprises. L’idée centrale est de pouvoir considérer les législations environnementales, sanitaires et autres codes du travail comme de potentiels freins à la libre entreprise.

    Il est même question de permettre aux multinationales de poursuivre en justice les litiges entre États et entreprises devant des tribunaux spéciaux. Si un État instaure une loi capable de diminuer les profits d’une multinationale (qu’elle soit américaine ou européenne), l’État pourra être condamné à de lourdes sanctions ! Les actionnaires auraient ainsi le droit d’interférer directement dans les lois ou les services publics d’un pays dès lors que ses profits à venir seraient quelque peu menacés, le tout sous le regard complaisant de ces tribunaux spéciaux sur lesquels nous n’aurons aucun contrôle. La logique est à sens unique, les multinationales n’auraient bien entendu aucune obligation vis-à-vis des États.

    Il existe déjà une flopée d’exemples d’États condamnés via ces fameux tribunaux spéciaux dans diverses régions du monde : l’Égypte pour avoir voulu augmenter le salaire minimum, le Pérou pour avoir voulu limiter les émissions toxiques, l’Uruguay et l’Australie pour leur politique anti-tabac, le Canada pour avoir réformé le système des brevets pharmaceutiques pour rendre certains médicaments plus abordables ou encore l’Allemagne pour sa promesse de sortie du nucléaire. Santé, environnement, salaire, etc. : tout sera soumis à la volonté des actionnaires le plus légalement du monde.

    Le TTIP permettrait également à la multinationale Monsanto d’imposer ses produits OGM dans toutes nos assiettes tout en nous empêchant de concrètement savoir ce que l’on mange. Le groupe Yum (propriétaire entre autres de la chaine de restaurant KFC) désire quant à lui lever les interdictions européennes de désinfecter les poulets avec du chlore. Côté vie privée, cette citation de l’USCIB (un groupement de sociétés américaines) vaut mieux qu’un long discours : ‘‘l’accord devrait chercher à circonscrire les exceptions comme la sécurité et la vie privée, afin d’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves déguisées au commerce.’’ Concernant la finance : le TTIP prévoit la suppression de toute réglementation du secteur. Et des exemples comme cela, il y en a à la pelle. ‘‘Démocratie’’, ça voulait pas dire ‘‘pouvoir au peuple’’ en grec ?

    Mais pourquoi ‘‘nos élus’’ soutiennent-ils ce texte ?

    Comment se fait-il que la majorité des politiciens et des gouvernements semblent prêts à soutenir ce texte qui limiterait leur pouvoir de décision ? Certains sont tout simplement achetés. D’autres sont déjà de gros actionnaires ou attendent de finir leur carrière dans un conseil d’administration, à l’exemple de l’ancien Premier ministre belge Jean-Luc Dehaene (1991-1999) qui s’est retrouvé à la direction de la multinationale brassicole InBev en 2001. Mais cela n’explique pas tout.

    À la base de la société, il y a la manière dont l’économie est organisée. Aujourd’hui, l’économie repose sur la concurrence plutôt que sur la collaboration et la solidarité, sur la course au profit des actionnaires plutôt que sur le respect des droits humains et environnementaux. Tant que l’ADN de la société actuelle et la logique de compétitivité ne sont pas fondamentalement remis en cause, impossible de sortir de l’idée que ‘‘nos’’ entreprises doivent être les mieux armées face aux autres. Quitte à sabrer dans les conditions de travail et de vie ? ‘‘Que voulez-vous ! On ne peut rien y faire ! Et sans ça, ce serait encore pire…’’ Le moteur de la soumission de certains politiciens au marché ‘‘libre’’ résulte de l’avidité la plus crasse de l’argent ou du prestige. Chez d’autres, c’est tout simplement l’absence d’alternative et le triste désarroi qui en découle.

    Ces politiciens considèrent donc essentiellement leur travail, avec plus ou moins d’enthousiasme, comme une recherche effrénée des mesures les plus astucieuses pour ‘‘attirer les investisseurs’’. Après tout, n’est-ce pas de cette manière que l’on peut protéger l’emploi ? Sauf que ça ne marche pas, mais alors pas du tout ! Les résultats de la politique économique dominante de ces dernières décennies sont catastrophiques. Les élites politiques et économiques font penser à ces images d’apothicaires et médecins des siècles passés, avec leurs chapeaux noirs et leurs collerettes blanches, dont la solution passait systématiquement par une multitude de sangsues posées sur le dos des malades.

    Passons à une médecine économique digne des capacités actuelles !

    Depuis cette époque, la médecine a fait des pas de géant en avant. Quand on s’y intéresse un peu, les capacités techniques et scientifiques actuelles donnent le tournis. Mais elles restent bridées par la camisole de force de la logique de profit. L’objectif des multinationales n’est pas de faire avancer la société humaine, ses connaissances et son bien-être. Il est de faire du profit ; à tout prix. Quitte à revenir sur des conquêtes sociales historiques comme la journée des 8 heures. Quitte à sacrifier la forêt amazonienne, les peuples indigènes qui y vivent et les nombreux mystères médicaux et autres que représente son écosystème. Quitte à détruire nos services sociaux, etc. Le maître mot des autorités capitalistes, c’est ‘‘l’harmonisation’’. Harmonisation des salaires, des conditions de vie,… vers le bas bien sûr ! La logique que nous défendons est exactement inverse. Entre ces deux approches, il n’y a rien de conciliable.

    Imaginons un instant que les secteurs-clés de l’économie tels que la finance, la recherche scientifique, la grande distribution, la pharmacie,… puissent fonctionner en harmonie, sur base d’un partage de savoirs, avec l’implication dans la gestion et la prise de décision des travailleurs concernés, des usagers, etc. L’avenir est de suite teinté de couleurs moins sombres, non ?

    Mais nous ne contrôlons pas ce que nous ne possédons pas. Parvenir à construire un tel futur implique de se battre pour arracher les leviers de commande de la société des mains des multinationales et des grands actionnaires par leur expropriation et leur nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques afin de pouvoir faire fonctionner l’économie de manière rationnelle, c’est-à-dire planifiée. Les défenseurs du capitalisme brandiront immédiatement la sanglante caricature qu’a été l’Union Soviétique. L’économie y était effectivement nationalisée et planifiée. Mais par une monstrueuse dictature bureaucratique. Comme le disait Léon Trotsky, opposant de la première heure à Staline : ‘‘une économie planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène.’’ Nous ne voulons pas déplacer le pouvoir des conseils d’administration d’entreprise à une couche parasitaire de bureaucrates. Nous défendons une société socialiste démocratique.

    Jamais il n’y a eu autant de richesses qu’aujourd’hui. Mais elles n’ont jamais été aussi inéquitablement réparties. Ces moyens pourraient être utilisés pour satisfaire les besoins sociaux, pour créer des logements sociaux bien isolés et le plus énergétiquement neutre possible, pour massivement refinancer l’enseignement et l’orienter vers le développement personnel de chacun et non vers les intérêts du marché, pour développer les soins de santé et les structures d’accueil pour nos aînés ou encore pour s’en prendre aux dégâts causés par l’économie capitaliste à l’environnement et aux relations humaines. Il serait aussi possible de répartir le temps de travail entre tous, pour travailler moins et vivre mieux.

    L’utopiste, c’est celui qui croit en l’avenir du capitalisme !

    Les traités transatlantiques (TTIP et CETA) sont des exemples parmi d’autres du cauchemar que réserve ce système aux générations futures. À nous d’organiser notre colère pour mener victorieusement la bataille pour une autre société. ‘‘Nos dirigeants’’ veulent monter les travailleurs et les pauvres de chaque pays les uns contre les autres. Mais nous avons beaucoup plus en commun avec un ouvrier américain ou tunisien qu’avec un capitaliste belge ! C’est pourquoi le PSL fait partie d’un instrument de lutte mondial, le Comité pour une Internationale Ouvrière. Notre parti-frère ‘Socialist Alternative’ participe ainsi activement à la lutte contre le TTIP et autres traités de libre-échange aux États-Unis.

    Le TTIP est une bataille, mais l’offensive antisociale est bien plus large. Les divers projets de casse de la législation du travail comme la loi Peeters en Belgique ou la loi El Khomri en France adressent le même message aux entreprises : ‘‘venez, nous adaptons nos lois pour vos profits ! ’’ Luttons tous ensemble contre le système à la base de ces horreurs !
    Le mardi 20 septembre à 17 h, une manifestation nationale est prévue à Bruxelles contre le TTIP et le CETA, dans le quartier européen (plus d’informations sur socialisme.be). Le 29 du même mois, une manifestation de masse du front commun syndical est organisée contre la Loi Travail et le gouvernement Michel, suivie le 7 octobre par une journée de grève générale. Ces actions sont liées. Lutter contre les 45h, c’est aussi lutter contre le TTIP, et c’est lutter contre le capitalisme.

  • [DOSSIER] L'Union Européenne: un projet antisocial dès ses origines

    UE_protestLe modèle social européen «est déjà mort», comme l’a un jour déclaré Mario Draghi, le président de la Banque Centrale Européenne. La réalité de la crise économique, l’empressement avec laquelle le monde politico-économique s’en est servi pour aller vers toujours plus de néo-libéralisme ont piétiné l’illusion de la soi-disant «Europe sociale» promue par tous les sociaux-démocrates de la communauté européenne. Certains pourtant, y compris dans les rangs de ceux qui la critiquent, persistent à défendre le retour à une Europe meilleure et plus sociale.

    Le texte qui suit est issu de la brochure de PAUL MURPHY «TSCG, un traité qui rime avec austérité» écrite dans le cadre du référendum irlandais de 2012 consacré au Traité de Stabilité, de Coopération et de Gouvernance (TSCG), le pacte budgétaire européen. Paul Murphy était à l’époque député européen du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière). Il est aujourd’hui député au parlement irlandais.

    Il s’agit encore d’une idée fausse. L’Union Européenne n’a pas été transformée, «l’Europe de l’Austérité» n’a pas pris la place de «l’Europe Sociale». La crise économique lui a au contraire permis d’apparaître sous son vrai jour maintenant que le capitalisme et ses représentants montrent leurs dents. Les divers textes législatifs ont, les uns à la suite des autres, façonné une Europe conçue dans l’intérêt du capital et non dans celui des travailleurs.

    L’Union Européenne, que ce soit dans ces formes anciennes ou actuelles, n’a jamais eu vocation à être sociale. Il s’agit depuis toujours d’un club pour les capitalistes qu’elle représente et grâce auquel ils peuvent mieux apparaître sur le marché mondial. Sa création ne participe pas d’un processus élaboré à la base avec l’implication des travailleurs et à leur bénéfice. Comme l’a observé le révolutionnaire Léon Trotsky dès 1923 : «les forces de production capitalistes ont dépassé le cadre des Etats nationaux européens». A l’époque déjà, les classes capitalistes étaient à la recherche de plus grands marchés et souhaitaient obtenir un plus grand pouvoir politique.

    La construction européenne eut pour premier déclencheur la fondation de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951. Les capitalistes français, soutenus en cela par l’impérialisme US, entendaient contenir la domination allemande dans l’Europe d’après-guerre. Pour y parvenir, ils enfermèrent ce pays dans un projet de développement à l’Ouest du continent. On redoutait également la force du mouvement ouvrier, alors une menace pour le capitalisme en Europe. On espérait protéger le capitalisme de la révolution par la stabilité qu’apporterait le développement économique.

    A mesure que le projet européen avançait, deux processus émergèrent pour satisfaire les besoins des classes capitalistes en Europe.

    1. Par la construction d’un marché commun, dans lequel la libre circulation du capital et de la main d’oeuvre en Europe rendrait possible une pression à la baisse sur les salaires et les droits des travailleurs, tandis qu’elle s’emploierait à étendre le libéralisme.

    2. Par une action commune sur la scène internationale en mutualisant les ressources fut-ce en sacrifiant une certaine souveraineté. Cette stratégie comporte deux volets: le premier consiste à accroître leur pouvoir pour mieux exploiter les peuples et les ressources dans les pays les moins développés, grâce à la possibilité de négocier en tant que bloc; les accords sur le libre échange en sont un bon exemple. Quant au second, il s’agit de concurrencer une Amérique sur le déclin tandis que la Chine commence à émerger. On retrouve cette préoccupation dans l’ensemble des documents rédigés par l’élite politique européenne au cours des dix années écoulées. Que cela soit dans ces formes anciennes ou actuelles l’Union Européenne n’a jamais eu de vocation sociale.

    Conflits entre capitalistes européens

    On observe des tensions entre ces deux objectifs clé, tout comme des conflits entre différentes formes de capitalisme. Du côté britannique, le lien spécifique avec l’impérialisme américain conduit à privilégier le premier aspect ; en France au contraire on insiste sur l’intégration politique et l’indépendance de l’Europe pour ne plus subir la main mise américaine. Cela eut pour conséquence l’opposition du président de Gaulle à l’entrée de la Grande Bretagne dans le Marché Commun en 1963 et, si elle y est parvenue ultérieurement, elle n’a jamais montré beaucoup d’enthousiasme dans sa participation (rappelons que ce texte a été écrit avant le vote du Brexit, NDLR).

    Les tensions à ce propos ont toujours été de mise parmi les différents capitalistes d’Europe. On parle généralement pour cela d’une opposition entre l’approche «fédéraliste» et l’autre, «intergouvernementale». L’Allemagne pousse le plus souvent vers une Europe «fédérale» dans laquelle les principaux pouvoirs seraient attribués à la Commission Européenne et dans une moindre mesure au Parlement. A l’inverse les gouvernements français ont toujours insisté sur la nature intergouvernementale du projet. Ils cherchent ainsi à donner le pouvoir au Conseil Européen dans lequel chaque état membre est représenté. Ces différences illustrent tant la confiance du capitalisme français dans sa capacité à mieux négocier dans un cadre intergouvernemental que l’ambition allemande d’étendre sa domination à l’Est, d’où son besoin croissant en institutions fédérales.

    On a vu les traités se succéder, chacun dépassant son prédécesseur pour rendre l’Europe encore plus néo-libérale. Le Traité de Maastricht et ses «Critères de Convergences» suivi du Pacte de Croissance et de Stabilité affichent la volonté de graver ce modèle dans le marbre, d’accélérer dans toute l’Europe les attaques contre les travailleurs par la réduction des dépenses publiques. Ce phénomène, tout comme le processus d’intégration politique et militaire prit de l’ampleur à Nice et à Lisbonne.

    Malgré l’idée suggérée puis abandonnée d’une conscription européenne par les partisans du OUI à Lisbonne II, les establishments politiques doivent disposer d’une force militaire pour consolider leur pouvoir. Le président français Sarkozy a souligné ce concept sous-jacent en déclarant: «L’Europe ne peut à la fois être un nain en matière de défense et un géant économique.» Quant à Javier Solana, ancien Haut Représentant de l’UE, il a déclaré alors qu’il nommait un chef de l’Agence de Défense Européenne: «L’Europe a plus que jamais besoin de mettre son potentiel militaire à la hauteur de ses aspirations. Il nous faut aussi mieux répondre aux défis auxquels sont confrontés nos industries de l’armement. Cette Agence peut changer beaucoup de choses.»

    Retardé par une large opposition des opinions publiques aux différents traités, ce processus s’est cependant poursuivi, celui de Lisbonne permettant d’établir des alliances militaires internes au sein même de l’Union,

    Une Europe sociale?

    Les aspects plus «sociaux» de l’Europe capitaliste comme les «Etats providence» et les droits des travailleurs, sont des réalisations d’après-guerre; non pas de généreux cadeaux offerts par le système économique, mais au contraire le fruit de luttes menées par un mouvement ouvrier relativement fort. Y compris dans les occasions où la transposition de la législation européenne au cadre national irlandais a par exemple permis d’améliorer la condition des salariés et des femmes, on doit y voir le résultat de luttes menées tant sur en Irlande que dans l’ensemble de l’Europe, et non un don octroyé par le système. De façon générale cependant, l’Union Européenne et ses leaders ont préféré travailler à leur réduction et à leur sape plutôt qu’à leur sauvegarde.

    Ces vingt dernières années, les partis dits «sociaux-démocrates», comme le Parti Travailliste, le Parti Socialiste en France et le SPD en Allemagne ont connu une profonde mutation. Malgré une direction acquise au capitalisme, ils possédaient autrefois une base ouvrière ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Toutefois, si les directions ne se sont jamais réclamées d’une authentique transformation socialiste, ces partis offrirent jadis une réelle alternative à l’orthodoxie capitaliste.

    Sous l’effet combiné de graves défaites ouvrières dans les années ‘80, comme la grève des mineurs britanniques, et de la chute du stalinisme, ces appareils se trouvèrent désorientés et effectuèrent un virage à droite significatif. Une fois perdu le lien avec la classe ouvrière, ils devinrent ouvertement des partis capitalistes. Les sociaux-démocrates ont mené des politiques néo-libérales dans toute l’Europe, minant les précédentes conquêtes que l’on pouvait dans une certaine mesure porter à leur crédit.

    L’intégration européenne et la montée de ce que l’on appelle couramment le néo-libéralisme se sont déroulées simultanément. Le néolibéralisme a été porté par des économistes comme Milton Friedman et des chefs politiques comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Dans les grandes lignes, l’idée est de prôner une intervention réduite de l’Etat, la privatisation des services publics, la réduction des dépenses sociales, tout ceci accompagné d’une politique monétaire donnant priorité au contrôle de l’inflation sur la lutte contre le chômage.

    Pendant la crise des années ’70, ce courant de pensée devint majoritaire dans le camp capitaliste, tant dans les milieux universitaires que politiques. David Harvey en explique les causes dans son livre Une Brève Histoire du Néo-Libéralisme: «la baisse des profits a amené la classe capitaliste à augmenter le taux d’exploitation des travailleurs et à diminuer la part des salaires dans la répartition des richesses; il a également fallu ouvrir de nouveaux marchés, privatiser la santé et l’éducation.» (David Harvey, « Brève Histoire du Néo-Libéralisme », Oxford Press, 2005.)

    Le lancement de l’euro

    La création du Mécanisme de Maintien des Taux de Change en 1979, puis le lancement de l’euro comme monnaie commune en 1999 constituent d’autres étapes vers la construction de ce club pour capitalistes. De leur point de vue, ce processus servait un double objectif tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

    A l’intérieur il devait mener à une plus grande intégration du le marché commun, par la baisse du coût des transactions et une meilleure rétribution du capital. Le néo-libéralisme se forgea une autre arme : il créa la Banque Centrale Européenne, qu’il voulut indépendante et donc libre de tout contrôle démocratique. On lui donna un rôle encore bien plus limité que celui de la Réserve Fédérale : en effet sa seule fonction consiste à limiter l’inflation, sans chercher à parvenir au plein emploi. Combler un déficit de compétitivité par la dévaluation étant devenu impossible, la pression sur les salaires et les conditions de travail se fit plus forte.

    Autre idée, créer une nouvelle monnaie de réserve pouvant rivaliser avec le dollar sur les marchés internationaux; elle contribua à établir la primauté du capital financier et fit de l’Allemagne un élément clé dans ce système international.

    Aujourd’hui encore, le processus d’intégration reste truffé de contradictions, traversé par les conflits entre les différents capitalistes d’Europe, car le capitalisme européen continue d’opérer au niveau national ; il repose sur des grandes entreprises implantées dans des états-nations particuliers, généralement celui où elles sont nées et qui représente leurs intérêts.

    On a sans doute assisté à une «européanisation» du capital au moyen de fusions transfrontalières ; certaines entreprises ont d’ailleurs accru leur activité dans un pays différent du leur.

    Concrètement, cette tendance s’est traduite par la création de lobbies agissant au niveau de l’Union telle La Table Ronde des Industriels, même si dans leur majorité les grosses entreprises restent liées à un Etat en particulier.

    Ces contradictions sont devenues un facteur prépondérant dans la crise économique ; l’absence d’union politique et fiscale d’une part, la divergence plutôt que la convergence économique de l’autre ont contribué à les exacerber. Sous l’effet de la crise, on a vu apparaître – en plus de l’opposition capital/travail – des conflits à l’intérieur même de la classe capitaliste dont les intérêts ne sont pas homogènes.

    Et la démocratie?

    La démocratie n’est jamais été l’apanage du projet européen, conçu par les élites politiques et économiques, auquel les peuples n’ont jamais été associés. A son stade actuel, il rappelle beaucoup les propos de Friedrich von Hayek: à une époque, ce théoricien du néo-libéralisme défendit ardemment la perspective de l’intégration ; il y voyait un effet un moyen de réduire la capacité d’intervention des Etats dans l’économie.

    Comme l’a expliqué Peter Gowan : « Pour Hayek, les problèmes de l’Europe prennent leur source dans la montée de la souveraineté populaire et dans le possible contrôle démocratique de l’économie. Il perçoit de façon brillante comment les lois contenues dans ce traité international permettent de transgresser celles en vigueur dans les parlements nationaux classiques ; il en est de même pour leurs choix politiques. Qu’un traité puisse statuer sur des questions propres à chaque Etat permet donc d’empêcher ceux-ci de les élaborer démocratiquement, d’où ce zèle exercé depuis les années ‘80 pour l’établir. L’Europe selon Hayek se doit donc d’agir en force négative, en obstacle au contrôle démocratique des économies nationales.» (Peter Gowan, L’Etat de l’Union, le Contexte International, Euromemo Annual Workshop, 2005)

    Cela reste vrai à l’heure actuelle. Karel De Gucht, alors ministre belge de la politique étrangère et ensuite commissaire européen a ainsi expliqué le lien entre le Traité de Lisbonne et la Constitution que les peuples français et néerlandais ont rejetée : «Le Traité Constitutionnel avait pour but d’être lisible à l’inverse de celui-ci […] La Constitution visait à être claire alors que ce traité se doit d’être obscur. Pari gagné.» (Flanders Info, 23 juin 2007.)

    Il s’agit d’adopter une approche technocratique de la politique et de l’économie. Des discussions importantes relatives à notre vie quotidienne se tiennent au niveau de l’Union Européenne ; leur sens est cependant occulté par un langage technocratique. Ainsi, les peuples peuvent difficilement les suivre, encore moins s’y opposer et le pouvoir de décision leur échappe.

    Les Institutions Européennes

    L’Europe dispose d’une architecture institutionnelle profondément anti-démocratique, y compris selon les critères du parlementarisme bourgeois, car elle constitue un moyen terme entre ses principaux protagonistes, certains partisans du fédéralisme, d’autres d’une structure intergouvernementale. De fait, seuls les membres de la Commission et du Conseil, instances non élues, y détiennent un réel pouvoir.

    Les membres de la Commission Européenne sont nommés par différents gouvernements de l’Union. Son rôle consiste à élaborer des politiques conformes aux intérêts du capital en Europe et son seul pouvoir se résume à proposer des lois ; vient ensuite le Conseil Européen qui réunit les chefs de gouvernement et les ministres des différents Etats.

    Le soi-disant Parlement Européen n’en possède que le nom, dépourvu de son droit le plus élémentaire, celui de proposer des lois et de demander des comptes à l’exécutif. Perry Anderson a très bien résumé son rôle : «C’est une machine à produire une mise en scène gouvernementale bien plus que des lois ; elle donne à voir une façade symbolique assez semblable, dirais-je, à la monarchie britannique.» (Perry Anderson, Ce Nouveau Vieux Monde, p 23, Verso 2009.)

    Grâce à cette façade on crée une illusion de démocratie ; on peut par exemple citer le droit d’ «Initiative Citoyenne» qui assure aux auteurs d’une pétition qu’elle recevra «toute l’attention» de la Commission Européenne à une condition : avoir recueilli un million de signataires.

    Que les adeptes du Traité de Lisbonne aient bruyamment annoncé un pouvoir accru au Parlement ne les a guère empêchés de l’ignorer et l’Europe actuelle fonctionne encore moins démocratiquement qu’à sa création.

    Le projet européen n’a même jamais été social-démocrate ; il est depuis toujours inspiré par les pouvoirs capitalistes à l’intérieur de l’Union, dont le «masque social» est tombé avec la crise. Une chose apparait désormais clairement : l’Europe capitaliste n’offre aucune perspective à la classe ouvrière ; il faudra donc en construire une autre.

    SocialistWorld_jeunesL’ALTERNATIVE SOCIALISTE

    Le capitalisme et les politiques néo-libérales ont mené l’Europe à une grave crise : l’UE doit faire face à la stagnation économique, alors que les Etats à sa périphérie connaissent un sérieux déclin. Les salariés en font les frais: le chômage a explosé depuis l’arrivée de l’euro -17 millions de chômeurs dans la zone euro et 25 dans l’ensemble de l’Union. Le niveau de vie, les services publics sont menacés et les solutions préconisées par le traité ne font qu’aggraver les choses.

    Voici l’Europe à la croisée des chemins. Si elle continue dans cette voie, elle est condamnée à une grave dépression économique, à un effondrement qui suscitera à la fois l’instabilité et une crise massive, une pauvreté jamais connue depuis des décennies. Cela annonce également plus d’oppression pour les peuples car la dictature des marchés et de la finance se maintiendra au détriment des droits démocratiques.

    Une solution radicale s’impose, allant à contre-courant du traité, un changement révolutionnaire pour rompre avec l’actuelle Union Européenne capitaliste. Il faut dépasser une société et une économie façonnées conformément aux intérêts des banquiers, des grosses entreprises et des plus riches ; pour ce faire il faut mettre en place des gouvernements au service des travailleurs d’Europe, déterminés à accomplir des changements socialistes et ainsi donner priorité aux besoins des peuples sur les profits d’une minorité.

    Un combat commun à tous les travailleurs d’Europe

    La nécessité de se battre contre les politiques d’austérité qui détruisent la vie des gens s’impose dans toute l’Union. Ce sont les institutions européennes comme la Commission et la Banque Centrale qui ont elles-mêmes lancé cet assaut si bien coordonné contre le niveau de vie, aidées en cela par les gouvernements allemand et français.

    Le mouvement ouvrier européen est d’abord confronté à une tâche à moyen terme : coordonner et unifier les luttes contre l’austérité. Cela permettrait également d’enrayer la montée des nationalismes qui visent à le diviser. Les errements des directions syndicales européennes, organisant au mieux une journée de protestation sans réel caractère en freinent la progression ; la mobilisation n’est donc pas à la hauteur de l’enjeu. Il revient à la base de lancer un appel massif à l’unité d’action et à la coordination des luttes.

    Ces deux dernières années (2010 et 2011, NDLR), le Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) a pris des initiatives en ce sens, relayées par des parlementaires de la fraction Gauche Unie Européenne au Parlement européen: l’une d’entre elles fut l’organisation d’une manifestation en Grèce qui rassembla plusieurs milliers de participants et au cours de laquelle Joe Higgins (à l’époque député irlandais du Socialist Party) prit la parole. Le dernier appel date de l’an dernier (2011), signé par 11 euro-députés ainsi que moi-même; en voici un extrait :

    «Nous demandons solennellement aux syndicats européens de tout mettre en oeuvre pour faire du 21 juin une grande journée de protestation et de grèves contre l’austérité. Pour ce faire des actions solidaires exprimant une opposition claire à l’establishment européen devraient se tenir dans toute l’Union pendant les semaines à venir. Nous appellerons à un rassemblement des partis politiques, des syndicats et des associations auxquelles nous sommes affiliés.

    Dans tous les pays le niveau de vie est menacé. Les travailleurs, la jeunesse, les chômeurs, les exclus et les retraités doivent d’urgence organiser la réplique unitaire. Cette première étape devra déboucher sur d’autres actions de même ampleur, y compris dans les entreprises, afin d’aboutir à une journée de grève générale dans toute l’Europe.»

    Cet objectif demeure essentiel. Une journée européenne de grève générale contre l’austérité montrerait la capacité des travailleurs à se mobiliser et sèmerait la peur chez tous les capitalistes de l’Union. Ce sera le point de départ pour une action dans l’ensemble des pays du PIIGS; le mouvement ouvrier doit désormais s’organiser à ce niveau.(PIGS (littéralement, « porcs » en anglais) est un acronyme1 utilisé pour la première fois en 2008 par quelques journalistes britanniques et américains, spécialisés en finances ou en économie, pour désigner quatre pays de l’Union européenne : Portugal, Irlande, Grèce et Espagne (« Spain », en anglais) Parfois, l’Italie est incluse dans le lot, ce qui donne PIIGS)

    Pour des gouvernements ouvriers

    Appeler à une «Europe sociale» mythique ne suffit pas pour défier la logique de l’austérité et de la crise économique dont les travailleurs subissent les conséquences ; il faut aussi proposer une politique alternative. Pour tous ceux qui dans le monde pensent comme nous, au Comité pour une Internationale Ouvrière, cela signifie une rupture radicale avec le système capitaliste qui conditionne l’organisation sociale à la recherche du profit.

    Nous nous battons au contraire pour un gouvernement des travailleurs qui briserait cette logique, leur donnerait le pouvoir au lieu de l’abandonner aux représentants du grand capital et mettrait en oeuvre des politiques socialistes planifiées démocratiquement ; nous satisferions ainsi les besoins du peuple et non du capital.

    Détailler ici ce que serait une politique 100% socialiste serait trop long. Nous nous contenterons de mettre en avant quelques grands axes de référence pour plusieurs pays d’Europe.

    D’où viendraient les ressources ?

    Quoiqu’en dise la propagande, l’Europe ne manque pas de richesses. En Irlande comme ailleurs, la crise a profité aux riches. Un rapport publié par Merrill Lynch en 2011 montre que le «Club des riches» d’Europe possède plus de 7.5 trilliards d’euros, soit deux fois le PIB de l’Allemagne, la plus grande puissance économique européenne. Malgré la crise les énormes profits réalisés par les grandes entreprises continuent d’augmenter ; dans la zone euro elles ont enregistré jusqu’à 3.6 trilliards de bénéfices en 2010. Une taxation des excédents à au moins 50%, un impôt sur les richesses, les gros revenus et les bénéfices des grandes entreprises, permettrait de socialiser cet argent et de l’employer au bien-être de tous plutôt qu’à l’enrichissement de quelques-uns. Les entreprises qui refuseraient d’investir leurs énormes profits dans la création d’emplois seraient nationalisées et placées sous contrôle public démocratique ; elles serviraient ainsi la société dans son ensemble.

    Refusons de payer les dettes

    Des niveaux de dettes insupportables paralysent l’économie des pays à la périphérie de l’Europe. L’Irlande devra rembourser 7 milliards d’intérêts en 2011 et ce chiffre dépassera les 9 milliards dans les années à venir. Faire supporter cela aux peuples est une injustice. L’intérêt des salariés doit l’emporter sur ceux qui des obligataires. Pour toucher des compensations ils devraient prouver que leur argent ainsi investi est indispensable au paiement des retraites des travailleurs ayant placé leurs économies dans des fonds de pension ou à la garantie de leur épargne. Aux riches d’assumer eux-mêmes les conséquences de leur crise.

    Aidons les peuples, pas les banques.

    La crise économique a montré l’immense pouvoir du secteur financier que banquiers et spéculateurs emploient actuellement à mener des politiques de droite. Les travailleurs du monde entier s’exposent à la colère des marchés s’ils refusent des baisses de salaires ou des coupes dans les services publics. Nationaliser les secteurs clés de la finance permettrait d’inverser la tendance ; l’argent profiterait alors à la collectivité par des prêts bon marché attribués aux patrons de petites entreprises ou exploitations agricoles ; les prêts immobiliers et leurs mensualités seraient recalculés en fonction de la valeur de l’habitation. Les banques centrales passeraient sous contrôle démocratique de sorte à servir les intérêts des travailleurs et non plus ceux du capital.

    De ce fait la puissance et la richesse du secteur financier seraient employés à libérer les peuples du poids de la dette, plutôt qu’à soutenir les banques, les actionnaires et les riches obligataires.

    De l’investissement public pour créer des emplois

    En Irlande comme ailleurs, l’effondrement de l’investissement privé explique en grande partie cette profonde crise économique. En Europe, sa chute en termes d’apport en capital brut a atteint 565 milliards, la perte totale atteignant 611 milliards, ceci malgré les 2 trilliards de réserves injectés dans la trésorerie des principales entreprises. Nous assistons donc à une baisse de l’investissement et à une explosion de la richesse associées à un chômage tel qu’un investissement public massif s’impose pour y remédier. Lors de sa proposition de pré-budget en 2011, l’Alliance de la Gauche Unie a mis l’accent sur un pan d’investissement public qui créerait 150 000 emplois : cela inclurait un programme de collecte des eaux de pluie, la remise en état et l’isolation de bâtiments publics, la démolition de tous les logements sociaux désormais inadaptés et leur remplacement par des constructions conformes aux normes du développement durable. La demande pour de tels programmes s’étend à toute l’Europe. Si de plus celle-ci devenait socialiste, on pourrait élaborer un vaste programme d’investissement public dans l’infrastructure pan-européenne.

    En lieu et place de la crise capitaliste, la planification démocratique

    Cette crise économique, cause de souffrances pour des milliards d’entre nous n’est autre que celle du capitalisme. Ce système s’appuie à la fois sur la possession de capitaux privés et de scandaleuses quantités de richesses : il doit disparaitre. Une Europe des Travailleurs nationaliserait les secteurs clés de l’économie qui deviendraient propriété des salariés ; ils seraient gérés démocratiquement selon une planification rationnelle pour satisfaire les besoins des peuples.

    Ce que nous proposons n’a rien à voir avec la caricature de planification socialiste en vigueur sous le stalinisme où elle s’exerçait de manière bureaucratique sous une dictature. Bien au contraire, le contexte serait celui d’une authentique démocratie ; chaque citoyen prendrait part aux décisions relatives au fonctionnement de la société, de l’économie au lieu de s’en remettre à une main invisible uniquement vouée à augmenter les profits des grosses entreprises. Dans une telle société socialiste, les représentants élus seraient révocables, rendraient compte à leurs mandataires et recevraient un salaire équivalent au leur.

    Une planification socialiste coordonnée et démocratique permettrait de consacrer les ressources de l’Europe à l’industrie, au développement et à la recherche sur tout le continent qui a subi une désindustrialisation au cours des précédentes décennies. Cette tendance s’inverserait dans un plan respectueux du développement durable ; on investirait dans la transition des carburants fossiles vers les énergies renouvelables et leur usage efficient. Cela apporterait une croissance tant économique qu’écologique, à l’inverse des bulles immobilières financées par le crédit comme ce fut le cas en Irlande et en Espagne.

    NON à l’Europe des Patrons OUI à une Confédération Européenne Démocratique et Socialiste

    Une Europe démocratique et socialiste ne naîtra pas des cendres de l’Europe capitaliste. Les travailleurs devront arracher le pouvoir à ceux qui aujourd’hui le détiennent.

    L’impact mondial des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, l’occupation grandissante des places publiques montrent la puissance de l’exemple, alors que les idées et le désir d’action se propagent à la rapidité de l’éclair. Qu’un seul pays d’Europe devienne socialiste et l’impact révolutionnaire sur les autres serait immédiat. Qu’en Grèce ou au Portugal les travailleurs prennent le pouvoir dynamiserait ceux des autres pays de l’Union.

    L’avènement du socialisme dans certains pays nécessiterait un débat: faudrait-il limiter l’expérience à ces pays ou fonder une confédération d’états socialistes européens? Il ne s’agirait pas seulement de « réformer » l’Europe capitaliste, mais d’en construire une autre, complètement différente dans son organisation, fondée sur les principes de solidarité et d’égalité.

    A l’opposé de ce que nous connaissons dans l’actuelle Union, où les peuples sont le plus possible maintenus éloignés des décisions, une société socialiste déplacerait le pouvoir au niveau local, comme le lieu de travail ou de résidence. Des représentants élus démocratiquement, révocables prendraient des décisions au plan européen. On utiliserait l’investissement public et la planification économique pour aider au développement des pays aux économies les plus faibles et assurer l’égalité entre les différents états.

    Pour mener à bien ce combat, il nous faut non seulement refuser le Traité d’Austérité, mais aussi construire dans toute l’Europe des partis qui se consacreront à élaborer ces changements révolutionnaires. Le Socialist Party ainsi que d’autres partis frères au « Comité pour une Internationale Ouvrière » (www.socialist-world.net) est pleinement engagé dans cette tâche essentielle. De même, nous nous attachons à reconstruire le mouvement ouvrier : nous voulons pour cela que les syndicats deviennent des outils démocratiques servant les luttes des travailleurs ; nous travaillons également à la construction de nouveaux partis politiques de masse représentant la classe ouvrière. Ici en Irlande, le lancement et la création de l’Alliance de la Gauche Unie constitue une large part de ce processus.

  • Brexit : Organiser la colère contre les conservateurs et leur politique !

    brexitLe 23 juin, une majorité de Britanniques ont voté en faveur d’une sortie de l’Union européenne. L’establishment, tant en Grande-Bretagne que dans le reste de l’Europe, est ébranlé. Directement, il a été question d’électeurs ne comprenant rien ou de motivations unilatéralement racistes. Mais ce n’est pas ça. Ce résultat provient d’une révolte des travailleurs qui en ont assez. Nous en avons discuté avec Hannah Sell, du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles).

    “‘Avec le Socialist Party, nous avons fait campagne pour quitter l’UE. Mais nous n’avons rien en commun avec Nigel Farage (UKIP) ou les politiciens conservateurs Boris Johnson et Gove de la campagne pour le Leave (‘‘quitter’’). Notre campagne visait tout d’abord à protester contre le fait que ces gens aient obtenu le statut officiel de porte-paroles de la campagne pour le Leave. Nous savions, en effet, qu’ils allaient utiliser des millions de livres sterling et leur temps d’antenne dans les médias pour un appel à quitter l’UE basé sur le nationalisme et le racisme.

    ‘‘Nous nous opposons à l’Europe du capital, et c’est ce qu’est l’Union européenne. Il s’agit d’une union patronale qui agit dans les intérêts du 1 % le plus fortuné. L’UE impose des privatisations et des coupes budgétaires dans nos services publics. Nous nous opposons donc à l’UE, tout comme la classe ouvrière britannique qui a voté en faveur du Brexit, ainsi que des millions de travailleurs à travers l’Europe, en Grèce, en Espagne et au Portugal, qui souffrent de l’impact des politiques brutales de l’UE.

    ‘‘Il y a un sentiment d’euphorie parce que nous avons infligé une défaite à l’establishment ce 23 juin. Mais nous comprenons aussi que de nombreux travailleurs et jeunes ont voté remain (‘‘rester’’) et soient préoccupés par l’impact de la sortie de l’UE. Beaucoup craignent que ce soit une nouvelle fois les gens ordinaires qui payent le plus lourd tribut suite à la crise économique provoquée par la sortie de l’UE. Ils sont aussi inquiets concernant le danger que constitue la montée du racisme, du nationalisme après le référendum.

    ‘‘C’est un danger réel, peu importe qui a gagné le référendum. Les politiciens capitalistes des deux côtés du débat référendaire ont usé de postures anti-immigrés durant la campagne. Malheureusement, une position indépendante et massive du monde du travail était absence. Les dirigeants du Parti travailliste et malheureusement également la grande majorité des dirigeants syndicaux ont appuyé la position de la campagne officielle du Remain. Le racisme est un danger, mais nous pouvons le combattre avec un mouvement unitaire de lutte contre le racisme et l’austérité.

    ‘‘Les dirigeants syndicaux doivent être clairs : chaque tentative de s’en prendre aux conditions de vie des travailleurs prétextant les suites du référendum pour le Brexit doit immédiatement être combattue par une grève générale de 24 heures pour bloquer l’austérité.

    ‘‘Parallèlement, nous devons passer à l’offensive et, dès à présent, nous battre pour des élections anticipées. La droite ne ressortira pas nécessairement comme le vainqueur après ce référendum. Comme l’a dit à juste titre le président du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, des millions de personnes ont voté contre l’austérité par ce référendum. Nous devons maintenant convertir cela en un mouvement.

    ‘‘Les sentiments sont partagés parmi les travailleurs face au résultat du référendum. Mais parmi l’élite – les grandes entreprises et les capitalistes – il y a unanimité. Ils sont unis dans leur choc, car ce résultat n’est pas dans leur intérêt. Le Financial Times a ainsi résumé ce sentiment le 24 juin dans son édito : ‘‘The pitchforks are coming’’ [traduction : “les fourches arrivent”]. C’est de cela qu’ils ont peur. Ils sont affaiblis et leur parti traditionnel – les conservateurs – est dans les cordes. Tellement détesté, le Premier ministre David Cameron a dû annoncer sa démission.
    ‘‘La gauche et la classe des travailleurs doivent utiliser cette situation à leur faveur. Nous savons qu’un gouvernement de gauche avec un programme anti-austérité, reposant sur les intérêts de la majorité de la population est le cauchemar de l’establishment. Comme nous l’avions prévenu, les représentants de l’establishment au sein du Parti travailliste (les partisans de Tony Blair) vont essayer de se débarrasser de Jeremy Corbyn après le référendum. Il n’y a pas de compromis possible avec les représentants du capitalisme.

    ‘‘Corbyn doit se montrer ferme et immédiatement exiger la tenue de nouvelles élections pour y défendre un programme clairement anti-austérité. Le programme qu’il a défendu pour accéder à la présidence du parti est un bon point de départ : une augmentation du salaire minimum à 10 £ par l’heure, la construction massive de logements sociaux, la renationalisation des chemins de fer et du secteur de l’énergie. Il doit également insister sur la nécessité de s’opposer à la politique antisociale dans les municipalités et s’engager à ce que toute municipalité contrôlée par le Parti travailliste n’applique pas l’austérité dans son budget.

    ‘‘Un tel programme serait un bon début, mais nous devons aller plus loin. Nous luttons pour un programme socialiste développé comprenant la nationalisation sous contrôle démocratique par les travailleurs des grandes entreprises qui dominent notre économie. Nous allons mener campagne en faveur de ce programme. Mais si Jeremy Corbyn défend un programme anti-austérité, cela pourrait générer beaucoup d’enthousiasme. Il existe de nombreuses possibilités pour le mouvement des travailleurs afin de répondre au mécontentement, mais nous devons nous organiser pour saisir ces opportunités.’’

  • Déclaration du syndicat des pompiers britanniques FBU sur le résultat du référendum sur l'UE

    fbuMatt Wrack, secrétaire général de l’Union des Brigades d’Incendie, en réponse à l’annonce que le Royaume-Uni a voté pour quitter l’Union Européenne, a déclaré: «Le gouvernement de Westminster doit respecter le résultat du référendum d’hier et prendre des mesures pour le mettre en œuvre.

    “La démission de David Cameron (NT : le premier ministre britannique) ne sera pas pleurée par les pompiers ou les autres travailleurs, il serait même préférable que l’ensemble du gouvernement démissionne. Depuis 2010, Cameron a supervisé un programme visant à faire baisser les salaires et de réduire le financement des services publics. En conséquence, les salaires et le niveau de vie ont stagné, les services publics sont dans un état critique et nous sommes confrontés à une crise croissante de logements. C’est ce contexte qui a marqué le référendum.

    “Dans le cadre des services d’incendie et de secours, nous avons subi une attaque honteuse sur les pensions des pompiers, sur la rémunération du secteur public et on nous a imposé les pires coupes budgétaires de l’Histoire des pompiers.

    “Les syndicats doivent maintenant lutter pour veiller à ce que les travailleurs ne paient pas le prix de toute l’agitation politique ou économique qui suit le vote. Le gouvernement (…) doit donner l’assurance que les droits en matière d’emploi, de sécurité, (…) seront protégés pour les travailleurs britanniques. Ils doivent aussi protéger les emplois qui seront à risque en raison de la turbulence économique après le vote.

    “Toute tentative d’introduire un budget d’urgence qui attaque davantage les services publics ou cherche à augmenter les taxes sur les travailleurs, doit être combattue par le mouvement syndical et le Parti travailliste.

    “Les syndicats doivent faire campagne sur la base de l’unité. Nous devons nous assurer que tout débat sur l’immigration ne pointe pas les travailleurs immigrés comme boucs émissaires, ceux-ci servant par milliers dans nos soins de santé et dans nos services d’incendie et de secours. Là où d’autres veulent la division, nous devons répondre avec l’unité et la solidarité.

    “Nous disons à tous les travailleurs du Royaume-Uni : si vous avez voté Leave (NT : quitter l’Union Européenne) ou Remain (NT : rester dans l’Union Européenne), nous devons combattre ensemble dans la défense des emplois, de nos droits et de nos services publics.”

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