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Tag: Union Européenne
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Grande Bretagne. Après le référendum, dégageons les Tories!
De nouvelles élections maintenant ! Luttons pour une grève générale de 24 heures !« Le référendum pourrait très bien rentrer dans l’Histoire comme un point tournant », a déclaré le journal Financial Times, se faisant l’écho de la colère et du désespoir de l’élite britannique suite à la décision de la majorité des électeurs en Grande-Bretagne de quitter l’Union Européenne. Pour la classe capitaliste britannique et à travers l’UE toute entière, il s’agit d’un coup majeur, décrit par le Financial Times comme « le plus gros recul de l’histoire de l’UE ».
Par Hannah Sell, Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre & au Pays de Galles
Pour le capitalisme britannique en particulier, c’est une terrible défaite. Elle pourrait mener à la scission du Royaume-Uni s’il y avait un nouveau vote sur l’indépendance de l’Écosse, et conduire à l’effondrement du parti conservateur, le Tory Party, qui compta parmi les partis capitalistes les plus prospères de la planète.
Il est également possible que le parti travailliste, le Labour Party, scissionne à la suite des événements du 23 juin, alors que la droite du parti, pro-business, complote pour faire tomber Jeremy Corbyn [l’actuel secrétaire du Labour, NdT]. Le champ politique est en pleine tempête.
Beaucoup des 17 millions de personnes qui ont voté pour sortir de l’UE, cependant, se seront réveillés avec un sentiment d’euphorie car ils ont pu exprimer leur rage face à tout ce qu’ils ont eu à endurer à cause du big business qui a voulu faire payer à la classe ouvrière la crise économique de ces dernières années : salaires faibles, contrats zéro heure, coupes dans les aides sociales, manque de logement à prix abordables, et des services publics qui subissent coupe après coupe.
De plus, ce faisant, ils ont forcé Cameron – le tant détesté Premier ministre – à annoncer sa démission.
Ce n’est pas seulement en Grande-Bretagne mais aussi à travers l’Europe que de nombreux travailleurs ont pu être inspirés par ce vote contre l’UE des patrons. Il n’y a aucun doute sur le fait que de nombreux travailleurs en Grèce, dont les conditions de vie ont été dévastées entre mains des institutions de l’UE, se seront réjouis du résultat du référendum.
En réponse au résultat du référendum, les marchés financiers sont dans la tourmente, avec la livre sterling plongeant à son niveau le plus bas depuis trente ans. C’est en partie à cause du fait que les financiers, les « maîtres de l’univers », avaient arrogamment calculé que ce seraient leurs propres choix qui l’emporteraient, et ils n’étaient pas prêts à cette victoire du Brexit.
Les fluctuations des marchés financiers ne se refléteront pas nécessairement immédiatement dans une nouvelle crise dans l’économie « réelle », ni en Bretagne ni à l’échelle mondiale. Cependant, le débat autour du référendum a été utilisé par le chancelier Osborne pour détourner l’attention des signes d’une nouvelle étape de la crise économique, à la fois pour le Royaume-Uni et le capitalisme mondial, nouvelle étape qui se développe indépendamment du Brexit, et qui peut s’ajouter aux ondes de choc causées par le résultat du référendum.
Le « Projet Peur »
Pendant le référendum, le « projet peur » [une campagne médiatique anti-Brexit, NdT] a atteint des proportions gigantesques. La catastrophe économique, la troisième guerre mondiale et la peur de la montée du racisme et de l’intolérance ont toutes été utilisées pour essayer d’intimider les électeurs et soutenir le camp du « Remain », « rester ». Des peurs légitimes autour de ces questions ont été des facteurs majeurs et expliquent pourquoi 48% des gens ont finalement décidé de voter pour « Remain ». En particulier, il semble qu’une majorité de jeunes a voté « Remain » partiellement à cause de leur peur que le racisme augmenterait s’il y avait un vote pour le Brexit.
Néanmoins, c’est incroyable le nombre de gens qui ont voté pour le « Leave », « Partir », et qui se sont servis du référendum comme d’une opportunité pour s’opposer à l’UE non démocratique et lointaine et pour protester, ignorant les menaces des dirigeants de tous les partis de l’establishment britanniques, et de tous les dirigeants mondiaux, de Merkel à Obama.
De manière incroyablement cynique, même le terrible meurtre de la députée Labour et militante de la campagne « Remain », Jo Cox, a été utilisé pour essayer d’augmenter le nombre de voix pour le « Remain ».
Sans aucun doute, l’atmosphère dangereuse exacerbée par les politiciens de droite pendant les débats autour du référendum ont augmenté le danger d’attaques racistes et d’extrême droite. Mais ce n’était pas que le racisme du côté du « Leave » officiel, mais aussi les attaques constantes de Cameron contre les migrants, avec la droite du Labour qui a même demandé qu’il aille encore plus loin dans les derniers jours de la campagne ! Indépendamment de l’issue du référendum, il aurait été tout autant nécessaire pour le mouvement ouvrier d’adopter une position claire pour l’unité, contre le racisme et en défense des droits des travailleurs migrants en Grande Bretagne.
De même, il est complètement faux de suggérer que le vote pour le Brexit avait – dans l’ensemble – un caractère droitier ou raciste. Bien sûr, certains de ceux qui ont voté pour le Brexit l’auront fait pour des motivations racistes ou nationalistes, mais le caractère fondamental du vote pour le Brexit était un vote de révolte de la classe ouvrière.
En particulier avec un référendum, ou les électeurs font face à un choix binaire de « Oui » ou « Non », il y a forcément des motivations différentes parmi les votants, de part et d’autre. Mais dans les faits, aucun mouvement de la classe ouvrière n’est 100% pur, complètement vierge d’éléments réactionnaires ou de courants sous-jacents. C’est la tâche des socialistes révolutionnaires de voir ce qui prime – dans ce cas, un soulèvement électoral largement ouvrier contre l’establishment.
En général, il y a eu une corrélation entre le niveau de pauvreté dans un endroit et à quel point les habitants y ont voté pour le Brexit. L’Écosse et l’Irlande du Nord, où le référendum était vu différemment, étaient des exceptions. Pourtant, en Angleterre et au Pays de Galles, ce n’étaient pas que les zones plus ouvrières et blanches mais aussi les zones ouvrières plus diversifiées ethniquement qui ont voté pour le Brexit.
Une majorité à Bradford, avec une forte population asiatique, a par exemple voté pour le Brexit. Même si à Londres – avec une population plus jeune et relativement plus riche – une majorité a voté pour le « Remain », le nombre de gens ayant voté pour le Brexit était plus élevé dans les quartiers plus pauvres. À Barking et Dagenham, où moins de la moitié de la population s’identifie comme britannique blanche, 62% des gens ont voté pour le Brexit. Non loin, à Newham, un des endroits les plus pauvres et les plus diversifiés ethniquement du pays, 47% ont voté pour le Brexit.
Alors que l’ampleur de l’immigration est devenue un sujet central de la campagne sur le referendum pour la majorité il ne s’agissait pas en général de s’opposer à ce que des gens d’autres pays viennent en Grande Bretagne. Non, c’était plutôt à partir de l’expérience de patrons utilisant tous les moyens possibles – dont l’emploi de travailleurs d’autres pays – pour baisser les salaires, plus la colère contre les immenses coupes budgétaires qui ont eu lieu dans les services publics et la peur de ne pas pouvoir faire face à une augmentation de la population.
Le fait que même Farage [le leader du parti de droite populiste Ukip, NdT] ait dû dire qu’il n’était pas pour que les migrants de l’UE perdent leur droit à rester dans le pays est un reflet de cela, même si bien sûr le mouvement ouvrier doit se battre pour s’assurer que cela soit bien le cas.
Ceci doit être lié à la lutte pour un salaire minimum de 10 £ de l’heure pour tous les travailleurs, et l’opposition aux coupes dans les services publics comme seul moyen de défendre le droit de tous les travailleurs, indépendamment de leur pays d’origine.
Une colère qui s’exprime
Le soulèvement électoral qui a eu lieu avait été prévu par le Socialist Party. Comme nous l’avons expliqué dans le document voté à notre Conférence nationale de mars : « Comme le vote sur l’indépendance de l’Écosse de 2014, il est possible que le référendum sur l’UE puisse devenir un moyen grâce auquel beaucoup de travailleurs expriment leur rage contre une austérité sans fin. Nous devons poser le référendum dans ces termes, en expliquant que le vote “Leave” pourrait mener à la possibilité de dégager les Tories. ».
À présent que le référendum est terminé, cela a été faiblement reconnu par Momentum, l’organisation initialement montée pour soutenir Jeremy Corbyn, quand ils ont déclaré : « Des millions semblent avoir choisi le vote “Leave” pour voter contre la mondialisation débridée qui a vu les conditions de vie stagner ou chuter alors que le coût de la vie a augmenté. » Malheureusement, ils ne l’ont reconnu qu’aujourd’hui, le jour du résultat, alors qu’ils ont passé la durée du référendum à faire campagne pour le « Remain » !
En fait, la révolte a eu lieu malgré la faillite complète de la majorité des dirigeants des syndicats et malheureusement de Jeremy Corbyn aussi à mettre en avant une position indépendante de classe en dirigeant une campagne socialiste et internationaliste pour le Brexit, de manière complètement indépendante et en opposition aux « Little Englanders » de Ukip & Co.
C’est ce qu’a fait le Socialist Party : expliquer que nous sommes contre l’UE des patrons, qui agit dans l’intérêt des 1%, mais que nous sommes en faveur de la solidarité entre les travailleurs à travers le continent et que nous défendons une confédération socialiste volontaire d’Europe.
En lieu et place de cela, Frances O’Grady, secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, est apparue aux côtés du dirigeant des Tories en Écosse, Ruth Davidson, sans prononcer une seule critique contre le gouvernement Tory.
Jeremy Corbyn et John McDonnell [un membre de la direction parlementaire du Labour] ont, eux, correctement refusé d’apparaître aux côtés de politiciens conservateurs, mais ont néanmoins été impitoyablement utilisés par David Cameron pour essayer de gagner une majorité pour le « Remain » et sauver sa peau.
Dans le journal The Observer (12 juin 2016), David Cameron a impudemment déclaré qu’il ne pouvait pas être « accusé de mener un coup monté de l’establishment » parce qu’il « disait d’écouter Jeremy Corbyn et les Verts ».
La situation politique aurait été transformée si Jeremy Corbyn était resté sur sa position historique de s’opposer à l’Union Européenne car, comme il le disait à l’époque du Traité de Maastricht : « Il retire aux Parlements nationaux le pouvoir de définir sa politique économique et abandonne celui-ci à un groupe non élu de banquiers. »
Une campagne qui aurait expliqué comment la nationalisation des chemins de fer ou de l’industrie métallurgique est illégale sous législation européenne, et en solidarité avec les travailleurs en Grèce, en Irlande et dans le reste de l’UE, aurait augmenté la majorité pour le Brexit et forcé non seulement Cameron à démissionner, mais aussi de nouvelles élections générales, avec la possibilité de l’arrivée au pouvoir d’ un gouvernement Labour dirigé par Jeremy Corbyn.
L’absence complète d’une voix des travailleurs à une échelle de masse dans le référendum a laissé le champ libre à Nigel Farage, l’ex-Tory, l’ex courtier en valeur, pour se poser comme la voix des « petites gens ». En réalité bien sûr, les idées nationalistes et réactionnaires de Ukip n’offrent pas de solution aux travailleurs.
Toutefois, malgré les graves erreurs faites par la majorité des dirigeants du mouvement ouvrier dans la campagne sur le référendum, ce n’est pas automatique que l’Ukip et leurs semblables en soient les gagnants.
Un appel, dès à présent, pour des élections générales immédiates pourraient toujours voir l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Labour avec Corbyn à sa tête, surtout si un programme anti-austérité est mis en avant.
Par ailleurs, le mouvement syndical doit passer à l’offensive contre ce gouvernement Tory faible et divisé, et lutter pour qu’une grève générale de 24 heures soit appelée contre toute nouvelle menace austéritaire dans le sillage du Brexit.
Le vote à 91% en faveur de la grève par le syndicat enseignant le NUT donne une indication du climat qui se développait même avant le référendum. Tout comme les votes, passés par les membres des exécutifs locaux des syndicats Unite et Unison, la conférence du syndicat GMB et la branche galloise de la TUC, pour exiger que les conseils municipaux ne votent pas de budgets de coupes.
Toutefois, ces résolutions doivent être transformées en action. La conférence du National Shop Stewards Network [NSSN, Réseau National des Délégués Syndicaux] qui aura lieu le 2 juillet prochain, sera une importante opportunité pour les syndicalistes de base de se réunir et de discuter de comment construire un tel mouvement.
Bien sûr, pour le big business en Grande Bretagne, un gouvernement Labour dirigé par Corbyn est un cauchemar qu’ils feront tout pour éviter, tant ils craignent les espoirs qu’un tel gouvernement créerait parmi les travailleurs qui ont souffert année après année d’austérité.
Ainsi, la classe capitaliste et leurs loyaux représentants au sein du Labour sont, comme nous avions averti, déjà en train d’essayer de rejeter la responsabilité du vote en faveur du Brexit sur les épaules de Jeremy Corbyn et ainsi essayer d’utiliser cela comme une excuse pour manœuvrer contre lui.
À l’heure où nous écrivons, deux députées de la droite dure du Labour, Margaret Hodge et Anne Coffey, ont présenté au groupe parlementaire Labour une motion de défiance contre Jeremy Corbyn.
L’élection de Jeremy Corbyn comme dirigeant du Labour était l’expression du climat anti-austérité qui grandissait dans la société. Malgré qu’il ait pu trouver, de manière inattendue, une expression dans la bataille pour la direction du Labour, il s’agissait essentiellement d’un mouvement depuis l’extérieur du Labour, surtout de jeunes et de « vieux revenants » Labour qui recherchaient quelque chose de différent comparé à la suite de dirigeants de partis – Tory comme New Labour – qui ont agi dans les intérêts du 1%.
Malheureusement cependant, depuis le début, Jeremy Corbyn a été entouré d’une machine blairiste (en référence à Tony Blair, le dirigeant travailliste qui a supervisé le virage à droite du parti dans les années ’90) déterminée à le discréditer puis le faire tomber.
Les derniers mois ont montré, comme nous avions averti, qu’aucun compromis avec ces représentants de l’establishment capitaliste n’est possible. Au contraire, tout nouveau recul de la part de la direction du Labour conduirait inévitablement à un reflux du soutien envers Corbyn parmi ceux qui sont enthousiasmés par son attitude.
Les bravades de la droite devraient être confrontées implacablement et avec détermination. Jeremy Corbyn a correctement dit que d’aucuns avaient voté pour le Brexit pour protester contre l’austérité.
Combattons l’austérité
Il devrait à présent lancer la bataille contre l’austérité, avec comme point de départ le programme qu’il avait quand il se présentait pour la direction du Labour. Cela devrait comprendre une position claire contre l’austérité, d’où qu’elle vienne : Bruxelles, Westminster ou les conseils locaux. Une telle position – y compris un salaire minimum de 10£/heure et la construction massive de logements – pourrait enthousiasmer non seulement ceux qui l’ont élu à la tête du Labour, mais également de plus en plus de travailleurs, peu importe ce qu’ils ont voté dans le référendum.
La classe capitaliste est face à une crise : ils trépignent pour essayer de trouver un moyen de trouver des parties fiables pour agir en leurs intérêts. Il ne leur sera pas aisé d’éviter une élection générale. Il est même possible à présent que les divisions à la fois dans le Labour et chez les Tories, qui ne tiennent debout en réalité que grâce au système électoral, amène à un réalignement de la politique britannique. Une scission des Tories et du Labour pourrait mener à un nouvel alignement de l’aile pro-capitaliste du Labour Party et des Tories pro-UE.
Ce n’est pas pour rien que Janan Ganesh a écrit dans le Financial Times (14 juin 2016) : « Les modérés Tory et Labour qui commencent à se mélanger dans les bureaux de “Remain” vont plutôt bien ensemble. » Il est même possible que la classe capitaliste puisse promouvoir un changement du système électoral vers une représentation proportionnelle pour essayer de mettre une telle coalition au pouvoir.
Mais alors que la classe capitaliste est en plein chaos, il est urgent que la classe ouvrière trouve sa propre voix politique. Le résultat du référendum montre le potentiel énorme pour une riposte de masse contre l’austérité en Grande Bretagne. La tâche est de créer un parti politique de masse capable de diriger une telle riposte, politiquement armée de politique réellement socialistes.
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Le cruel système capitaliste est responsable de la crise des réfugiés
La campagne référendaire pour le maintien ou nom de la Grande-Bretagne dans l'Union Européenne se prépare et la question des migrations a été placée au centre du débat par les campagnes pro-big business tant du côté du maintien que de celui de la sortie. Certains de ceux qui sont – à juste titre – repoussés par le nationalisme de la campagne capitaliste pour quitter l'UE seront tentés de voter pour rester en son sein dans l'espoir que cela puisse être synonyme d'une attitude plus humaine envers les réfugiés fuyant la guerre.
Éditorial de l’hebdomadaire The Socialist, journal du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)
Mais la vérité est toute différente. La discussion portant sur les réfugiés menace de déchirer l’UE, elle met en évidence à quel point les politiciens capitalistes – européens ou non – sont incapables d’offrir une solution à la crise des réfugiés. Ils tentent tous de se décharger du problème sur d’autres pays que le leur, tout en laissant les réfugiés vivre dans des conditions inhumaines effroyables.
Les politiciens capitalistes à l’échelle continentale se présentent comme des «durs sur la migration» en jouant sur les craintes des travailleurs quant à la capacité des services publics à faire face à une augmentation du nombre de réfugiés, services publics dont les budgets été coupés jusqu’à l’os par ces mêmes politiciens capitalistes.
Contrairement à la propagande des gouvernements capitalistes, la plupart de ceux qui tentent d’atteindre l’Europe n’ont entamé un tel périple qu’en conséquence d’une situation véritablement désespérée. Parmi ceux qui arrivent d’abord en Grèce (actuellement plus de la moitié du total) plus de 85% sont issus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak et de Somalie. Dans tous ces pays, l’intervention militaire occidentale a contribué à créer les situations de cauchemar qui contraignent maintenant la population à prendre la fuite. La plupart n’atteindront jamais l’Europe. Autour de six millions et demi de réfugiés syriens sont par exemple déplacés à l’intérieur même du pays.
La guerre d’Irak
Le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne dirigé par Tony Blair a pris part à l’invasion de l’Irak en 2003 malgré l’opposition massive de la population, intervention qui a marqué le début de l’enfer sur terre qui a depuis lors englouti une bonne partie du Moyen-Orient – surtout la Syrie. L’actuel gouvernement britannique conservateur de David Cameron a rejoint les bombardements effectués par les USA en Syrie aux côtés de la France et d’autres pays. Cela ne fera rien pour ramener la paix en Syrie, cela ne fera qu’augmenter la mort, la misère et le nombre de réfugiés contraints de fuir pour sauver leur vie.
Et cela coûte une fortune – 438.000 £ (environ 556.000 euros) par raid aérien selon le journal Metro. Alors qu’une fortune est dépensée pour faire pleuvoir la mort sur les Syriens, peu d’entre eux se voient accorder l’asile. Au cours du dernier trimestre de 2015, après que Cameron ait été forcé de promettre d’aider les demandeurs d’asiles syriens sous la pression publique, seuls 339 d’entre eux ont reçu le statut de réfugié par le gouvernement britannique.
Mais l’UE n’est pas non plus un havre pour les réfugiés: elle n’est pas connue sous le nom d’Europe-Forteresse pour rien. La tragédie des réfugiés qui se noient dans la Méditerranée a précisément été causée par la politique de l’UE au cours de ces dernières années.
La construction de murs énormes, gardés par des soldats armés, a stoppé les gens qui traversent l’Europe par voie terrestre, ils ont donc pris la mer. Les politiciens capitalistes d’Europe, y compris le gouvernement britannique, ont réagi en réduisant le nombre de navires de sauvetage. La logique barbare de l’argument était que si plus de réfugiés se noient, cela convaincra les autres de ne pas venir.
Cette incroyable cruauté n’a bien entendu pas fonctionné. Le nombre de noyés a augmenté de façon exponentielle. En avril 2015, 1.308 migrants sont soupçonnés d’être décédés de cette façon, contre 42 dans le mois d’avril précédent, quand les bateaux de l’opération Mare Nostrum étaient encore en activité.
L’été dernier, les politiciens capitalistes ont temporairement changé leur fusil d’épaule face à la clameur publique qui a suivi les photographies d’un enfant en bas âge syrien noyé, Aylan Kurdi. Un certain nombre de pays – en particulier l’Allemagne – ont assoupli leurs frontières et ont permis à plus de réfugiés d’entrer. Cette phase n’a cependant pas duré longtemps.
Rapidement les différents pays de l’UE ont commencé à se chamailler en essayant de se décharger des réfugiés. L’accord de Schengen censé permettre la libre circulation dans de grandes parties de l’UE (sans la Grande-Bretagne) a été suspendu dans les faits alors que divers pays ont réintroduit des contrôles à leurs frontières nationales les uns après les autres.
L’Etat turc
La dernière ruse qui a émergé d’un sommet de l’UE est d’essayer de payer le gouvernement turc pour qu’il agisse comme une police des frontières en retenant les réfugiés qui tentent d’atteindre l’Europe. En retour, les dirigeants européens ont promis 6 milliards € d’aide à l’Etat turc (bien que l’engagement précédent de 3 milliards € n’a toujours pas été effectivement payé) et d’accélérer les négociations d’adhésion à l’UE.
En outre, pour chaque individu renvoyé dans l’Etat turc, l’UE a accepté de prendre un réfugié syrien de ce pays (où il y en a actuellement plus de 600.000). Ce plan désespéré sera un cauchemar logistique quand il faudra le mettre en oeuvre.
Cela n’incitera pas non plus le gouvernement Erdogan à essayer d’arrêter les bateaux de réfugiés qui partaient pour la Grèce. Au contraire, l’Etat turc peut conclure que permettre aux bateaux de partir forcera l’UE à accepter plus de Syriens.
Dans leur désespoir pour se décharger de la crise des réfugiés sur l’Etat turc, l’UE a fermé les yeux sur le caractère antidémocratique du régime turc et la guerre qu’il mène contre le peuple kurde. Le gouvernement turc est encore récemment intervenu pour reprendre en main le plus grand journal du pays parce qu’il avait osé le critiquer.
Le gouvernement turc mène une guerre civile brutale contre le peuple kurde dans le sud-est du pays qui a fait des centaines de morts. Il a également été bombarder des villages contrôlés par les Kurdes en Syrie, ce qui a efficacement aidé l’Etat Islamique (Daesh). Les puissances européennes n’ont rien fait de plus que de doucement réprimander le président Erdogan pour ce crime.
Les propositions de l’UE visent aussi à transformer la Grèce en un enclos géant – un camp de prisonniers en réalité – pour les réfugiés. Il y aura bientôt environ 70.000 réfugiés bloqués en Grèce suite à la fermeture de la frontière de la Grèce avec la Macédoine. Cette décision n’a pas été prise par le gouvernement macédonien à lui seul, elle provient d’un «mini-sommet» qui a réuni les autorités autrichiennes et les Etats d’Europe centrale et orientale. La Grèce n’a même pas été invitée.
La grande majorité des réfugiés n’a pas pour objectif de rester en Grèce mais de traverser le pays pour se rendre en Europe du Nord. Ils se retrouvent maintenant affamés et sans abri dans les rues de Grèce. La Grèce souffre déjà des conséquences d’une vicieuse politique d’austérité imposée par l’UE, avec plus de 50% de taux de chômage parmi les jeunes et le salaire moyen qui a chuté de plus d’un tiers. Le pays est maintenant censé se débrouiller avec les réfugiés qui parviennent à atteindre l’Europe .
Le contrôle des décisions d’accorder ou non l’asile ne peut pas être laissé entre les mains des conservateurs ou des gouvernements tout aussi impitoyables du reste de l’UE. Le mouvement des travailleurs à travers l’Europe devrait exiger que des comités élus des travailleurs, avec des représentants des organisations de migrants, disposent du droit d’examiner les demandes d’asile et d’accorder l’asile.
Beaucoup de gens de la classe ouvrière – en Grèce, mais aussi en Grande-Bretagne et dans d’autres pays – estiment qu’alors qu’ils sympathisent avec les souffrances des réfugiés les services publics de leur pays et l’offre de logements ne peuvent pas faire face au nombre de personnes à la recherche d’un abri. Cette idée est martelée par les politiciens de droite qui racontent constamment que si les travailleurs ne sont pas assez payés ou ne peuvent pas trouver de logement ou d’emploi décent, c’est à cause des migrants.
Les plus pauvres
Parallèlement, ce sont généralement les communautés les plus pauvres de la société qui doivent accueillir les réfugiés. En Grande-Bretagne, par exemple, les entreprises privées sur lesquelles le gouvernement s’est déchargé de la responsabilité des réfugiés en matière de logement ont un «modèle d’affaires» pour loger les réfugiés dans des logements compris dans les endroits de Grande-Bretagne où les loyers sont les plus bas.
Pendant ce temps, dans les arrondissements les plus riches de Londres, il y a environ 75.000 propriétés résidentielles inoccupées, la plupart appartenant à des spéculateurs uniquement intéressés par les profits qu’ils peuvent réaliser. Si les maisons appartenant aux spéculateurs étaient réquisitionnées par le gouvernement, cela permettrait de fournir des logements tant pour les 68.000 ménages actuellement enregistrés comme sans-abri en Grande-Bretagne que pour les réfugiés.
Les réfugiés et les migrants ne sont pas responsables de l’austérité sans fin que nous avons enduré en Grande-Bretagne et dans toute l’UE. En Grande-Bretagne 80 milliards £ (environ 100 milliards d’euros) ont été coupés des dépenses publiques sous le précédent gouvernement de David Cameron (où les conservateurs étaient en coalition avec les Libéraux-Démocrates). Ce montant est identique à celui des bonus reçus par les banquiers depuis que la crise économique a commencé.
Si nous laissons les gouvernements européens rejeter à tort la responsabilité de l’austérité sur les migrants au lieu de pointer du doigt le système capitaliste en crise et les banquiers et milliardaires qui en bénéficient, les capitalistes vont réussir à broyer nos conditions de vie. Il est vital que le mouvement des travailleurs offre une issue faute de quoi l’extrême droite pourra en profiter.
Le fait que l’UE soit en pleine crise existentielle devant son incapacité d’accueillir environ un million de réfugiés sur une population totale de 500 millions est une vibrante condamnation du projet capitaliste européen. Pourtant, selon le journal The Guardian, il y a onze millions de foyers inoccupés dans l’UE, soit assez pour résoudre la crise du logement de la population et abriter les réfugiés.
La richesse existe pour fournir une aide aux réfugiés – mais elle ne doit pas être recherchée dans les poches de ceux qui souffrent déjà d’austérité. Cette richesse, il faut la saisir dans les caisses du pourcent le plus riche de la société, à la fois en Grande-Bretagne et à l’étranger. Abdullah Kurdi, le père des tout-petits qui se sont noyés dans l’été, a ainsi souligné que les régimes du Moyen-Orient ne font rien non plus pour aider les réfugiés, pas même reconnaître le droit d’asile dans leur pays.
Le référendum sur l’appartenance à l’Union Européenne
De vastes sommes détenues par les élites milliardaires d’Arabie Saoudite et d’autres régimes du Moyen-Orient sont placées au loin en Grande-Bretagne et dans d’autres pays européens. Plus de 80% des propriétés d’une valeur de plus de 2 millions de £ à Londres sont propriétés de personnes issues des milieux d’affaires de l’étranger, dont beaucoup du Moyen-Orient. Les richesses des élites du Moyen-Orient en Europe devraient être elles aussi saisies pour s’occuper des réfugiés qui fuient leurs régimes et leurs guerres.
The Socialist (hebdomadaire de la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles) exhorte ses lecteurs à voter en faveur de la sortie de l’UE lors du prochain référendum sur cette question, sur une base socialiste et internationaliste. L’UE, comme le démontre le traitement réservé aux réfugiés, n’est pas internationaliste.
C’est en substance un rassemblement de grandes entreprises à travers l’Europe afin de maximiser les marchés et les profits. Loin d’aboutir à l’harmonie européenne, comme l’illustre la crise actuelle des réfugiés, tout problème grave conduit à une augmentation des tensions nationalistes alors que les différentes classes capitalistes d’Europe tentent d’assurer qu’elles ne doivent pas supporter le fardeau.
Les lois et les traités de l’UE sont conçus pour aider les classes capitalistes d’Europe au détriment de la classe ouvrière et des pauvres. En conséquence de quoi les plus modestes propositions visant à faire payer le 1% le plus plus riche de la société pour la crise seraient déclarées illégales en vertu du droit de l’UE. Bien sûr, cela ne suffirait pas pour empêcher un gouvernement socialiste déterminé à mettre en oeuvre de telles politiques, mais cela représenterait une difficulté supplémentaire à surmonter.
Un gouvernement qui instaurerait une politique véritablement socialiste ne serait pas isolé. Il serait même extrêmement populaire, non seulement dans son pays mais aussi à l’échelle internationale. Il serait en mesure de lancer un appel international pour mobiliser le soutien des travailleurs à travers l’Europe et le monde.
La seule manière de mettre définitivement fin à la crise des réfugiés est de se battre pour un monde socialiste démocratique. Il y aura toujours des gens contraints de fuir leur pays, non pas par choix, mais en désespoir de cause à la suite de guerres, d’une catastrophe environnementale et de famines en restant dans le cadre du système capitaliste.
Une société socialiste pourrait exploiter les richesses, la science et la technique créées par le capitalisme pour satisfaire les besoins de la majorité de la population à travers le monde. Ce n’est que sur cette base qu’il serait possible de disposer d’un monde où les gens seront libres de se déplacer s’ils le souhaitent et non pas pour fuir un cauchemar.
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Référendum sur le Brexit: Votons pour faire dégager les conservateurs!
Le référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne se tiendra le 23 juin 2016. L’événement ne concernera pas seulement que l’Union européenne, ce sera également une opportunité de donner son verdict à David Cameron ainsi qu’à son gouvernement pourri.Éditorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)
La victoire de la sortie de l’Union européenne porterait un coup mortel au gouvernement qui pourrait conduire à la convocation de nouvelles élections générales et à la chute des conservateurs détestés actuellement au pouvoir. Voter ‘out’ est particulièrement important.
David Cameron a mis son destin en jeu dans cette bataille entre forces pro et anti Union européenne, de même que d’autres ministres du camp du ‘in’ comme George Osborne et Theresa May. Même s’ils remportent la victoire à une marge étroite, leur autorité sera gravement endommagée. En outre, d’intenses luttes intestines vont déchirer le parti conservateur quel que soit le résultat final.Les masques sont tombés dès l’annonce du référendum. Le maire conservateur de Londres Boris Johnson a pris le camp du ‘out’, ce qui constitue un revers significatif pour Cameron. L’écrasante majorité de la base du parti Tory veut également soutenir le ‘out’, plus environ 120 députés conservateurs, un nombre à peine plus court que les 129 qui, aux dires du Daily Mirror, veulent voter pour rester au sein de l’UE.
C’est une grave erreur pour Jeremy Corbyn et le Parti travailliste de soutenir le rester dans l’UE alors que ce vote pourrait conduire à la chute du gouvernement conservateur, déjà dans les cordes. Ils doivent changer de cap et aider à faire tomber Cameron & Co afin que des élections générales puissent être convoquées.
Cette campagne doit durer quatre mois, David Cameron va tirer toutes les ficelles qu’il peut, y compris en demandant le soutien des chefs de gouvernement à travers le monde, des États-Unis à la Chine. Les politiciens capitalistes des deux côtés du débat jouent sur la peur et les menaces, et nous ne sommes pas encore au paroxysme de ces manœuvres. Le spectre d’une plus grande vulnérabilité au terrorisme a été soulevé par les ministres Iain Duncan Smith et Michael Gove dans le cas où l’adhésion à l’UE était confirmée, David Cameron utilisant le même argument en cas de Brexit. Mais tous ceux-là soutiennent le bombardement de l’Irak et de la Syrie qui alimente le fléau du terrorisme.
La classe des travailleurs n’a aucun intérêt commun avec ces politiciens capitalistes favorables à l’austérité, qu’ils soient pour ou contre l’adhésion à l’UE. Tout en se distançant fortement des positions nationalistes et pro-capitalistes des conservateurs opposés au maintien dans l’Union et du parti populiste de droite Ukip, le mouvement des travailleurs a besoin de faire entendre sa propre voix contre l’UE dans ce référendum, de s’opposer au club patronal que représente l’UE et de lutter pour les intérêts des gens ordinaires en Grande-Bretagne et en Europe.
L’inquiétude des capitalistes
Face à l’inquiétude croissante de nombreux capitalistes britanniques à la perspective de leurs intérêts minés par le Brexit, David Cameron a désespérément obtenu des concessions de dernière minute à Bruxelles qui pourraient aider à soutenir un vote pro-UE. Mais ses gesticulations politiques et les concessions très limitées qu’il a acquises des 27 autres chefs de gouvernement de l’UE ont peu fait pour changer les choses.
Il a obtenu un accord partiel concernant une attaque contre les allocations de travailleurs de l’UE qui travaillent en Grande-Bretagne et a affirmé que le Royaume-Uni aura désormais un «statut spécial» dans les futurs traités de l’UE, en plus des dérogations déjà existantes. Mais il a été signalé que la chancelière allemande Angela Merkel aurait mis en garde David Cameron que les exceptions pour la Grande-Bretagne dans les traités futurs pourraient ne jamais voir le jour dans la pratique. Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, a quant à lui réaffirmé: “Il n’y aura pas de révision des traités, aucun droit de veto pour le Royaume-Uni sur le renforcement de la zone euro et aucune remise en cause du principe de libre circulation”.
Mais le référendum ne concernera pas principalement l’accord obtenu par Cameron mais bien l’UE dans son ensemble. Partout en Europe, les tensions entre les classes dirigeantes représentent beaucoup plus que les exemptions demandées par le gouvernement britannique. L’économie des 19 pays de la zone euro stagne en dépit des bas prix de l’énergie, d’un taux d’intérêt négatif et d’un assouplissement quantitatif massif de la part de la Banque centrale européenne.
Cette impasse a conduit à une croissance du nationalisme et des division sur l’ampleur et la répartition des mesures d’austérité brutales que l’UE a tenté de mettre en œuvre et, plus récemment, sur la crise des réfugiés, entre autres questions. L’UE est loin d’être un véhicule pour l’amélioration des droits des travailleurs, comme de nombreux dirigeants du Parti travailliste et des syndicats l’ont défendu en Grande-Bretagne et ailleurs. L’UE est une machine qui vise à imposer une vicieuse austérité qui détruit les services publics et augmente le chômage. La population ordinaire de Grèce , d’Espagne ou du Portugal peut en témoigner.
Les règles de l’UE ne sont d’aucune utilité pour les gens ordinaires. Elles ont été adoptées pour égaliser le terrain de jeu des grandes entreprises plutôt que pour tenter d’améliorer la vie de la population. Ainsi, la libre circulation des travailleurs a surtout aidé les patrons à mettre pression sur les salaires et conditions de travail, cela ne visait pas à défendre les intérêts des travailleurs et d’assurer l’élévation de leur niveau de vie par-delà les frontières.
Les normes européennes servent d’écran de fumée pour mieux cacher le fait que les politiques de l’UE sont conçues pour servir les intérêts des entreprises et lutter contre la propriété publique, contre les conventions collectives de travail, contre la régulation et contre les interventions de l’État.
L’UE est essentiellement une association des classes capitalistes européennes sur base de traités qui réduisent les obstacles à leur soif de profits et facilitent leur concurrence avec d’autres blocs commerciaux à l’échelle mondiale.
Cependant, les économies européennes n’ont pas été en mesure de surmonter les limites du développement de la production capitaliste sur la base de la propriété privée dans les Etats-nations, et elles ne le seront jamais. Parallèlement, elles font face à l’obstacle insurmontable d’une économie mondiale qui souffre partout de surcapacité de production.
Jeremy Corbyn… et le GMB
Jeremy Corbyn et d’autres à gauche ont eu tort de céder à la pression de l’aile droite du Parti Travailliste et à l’argument selon lequel l’UE est avantageuse pour les travailleurs. Ils ont ainsi préconisé de vote pour rester dans l’UE. Une des conséquences de cette erreur est que la campagne référendaire de Corbyn et les autres sera de nature à améliorer les chances de victoire pour Cameron et pour la poursuite de la politique d’austérité des conservateurs.
Les dirigeants syndicaux se trompent aussi avec leur regardant du côté d’une «Europe sociale» afin de les aider à contrer les attaques antisyndicales et anti-ouvrières d’un gouvernement de droite comme celui de David Cameron. Un futur gouvernement britannique élu sur base du programme anti-austérité défendu par Corbyn alors qu’il menait campagne pour arriver à la tête du Parti Travailliste serait directement confrontée au caractère anti-travailleurs de l’UE.
Le syndicat GMB (General workers’ union) a publié un communiqué de presse déclarant son souhait de rester dans l’UE, sous le motif que l’exploitation des grandes entreprises “est totalement stoppable. Non pas en votant pour quitter l’UE, mais en exigeant un retour à [la] vision d’une Europe sociale.” Mais qui à qui destiner cette exigence? Comment peut-on la concrétiser ? Il n’y a pratiquement pas de responsabilité démocratique dans l’UE. Les décisions sont prises par le Conseil européen – composé des chefs de gouvernement des 28 pays – et par la Commission européenne qui est en grande partie nommée plutôt qu’élue. Le Parlement européen et ses 751 députés sont presque impuissant.
Plutôt que d’entrer en lutte pour oeuvrer à la tâche futile de «démocratiser» l’UE, l’attitude de la classe des travailleurs à travers l’Europe penche de plus en plus dans le sens du rejet de cette institution lointaine, bureaucratique et responsable.
Comme l’a écrit Andrew Rawnsley dans le dernier numéro du Sunday’s Observer, les attitudes sont maintenant très éloignées de ce qu’elles étaient lorsque les politiciens du gouvernement avaient remporté le référendum de 1975 sur l’Europe: “Une grande partie de l’ancienne référence aux «figures d’autorité» s’est évaporée.Nous sommes dans un âge de colère, caractérisé par une aliénation généralisée et profonde de l’établissement.” Il a ajouté: “Le référendum pourrait être un bâton avec lequel donner une claque satisfaisante aux fesses de l’élite politique.”
Le Financial Times a rapporté que certains hommes politiques pro-européens se demandent si soulever le spectre d’un effet domino du Brexit – à savoir, la désintégration rapide de l’ensemble de l’UE – ne pousserait justement pas les à voter pour ça à la place de les effrayer!
Certains conservateurs anti-UE feignent soudainement de se préoccuper des personnes touchées par l’austérité. Le secrétaire à l’éducation Gove – détesté des enseignants pour avoir approfondi la privatisation du secteur et avoir lancé des attaques contre les conditions de salaires et de travail – a ainsi déclaré cette semaine avec hypocrisie que : «L’euro a créé la misère économique pour les personnes les plus pauvres de l’Europe.»
La seule manière de combattre ce genre de monstrueuse duplicité, c’est de construire une campagne indépendante, basée sur la classe des travailleurs, afin de lutter contre l’Union européenne capitaliste et pour offrir la meilleure couverture médiatique à cette approche.
Tout en appelant à un vote ‘out’, le Socialist Party reconnaît que pour la classe ouvrière et la classe moyenne, le fait que la Grande-Bretagne soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne n représente aucune solution. Aucune de ces deux options n’est non plus une solution pour la population à travers l’Europe.
Seule la solidarité internationale des travailleurs avec les luttes et les combats des uns et des autres pour une confédération socialiste démocratique du continent peut créer les bases pour une société qui transformerait la vie de l’écrasante majorité de la population.
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Schengen: l’establishment européen à nouveau confronté à une crise institutionnelle
Avec les 12 mois de drames et de chaos humanitaire qui ont jalonné l’année 2015, tous les observateurs s’accordent à dire que nous traversons la pire crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants européens semblent plus incapables que jamais à y trouver une issue basée sur la coopération entre États. Les ingrédients qui ont fait de 2015 un chaos seront encore bien présents pour les mois qui viennent…
Par Baptiste (Hainaut)
Il y a encore quelques mois, la Hongrie passait pour un marginal pestiféré au sein de l’Europe, en prenant la décision de fermer ses frontières et d’y établir des murs de barbelés. Mais ces dernières semaines, de nombreux autres gouvernements européens ont également procédé à un durcissement de leurs politiques d’asile, avec des renforcements des contrôles aux frontières en France et en Allemagne (qui s’était jusque-là revendiquée de manière opportuniste être une terre d’accueil, essentiellement pour des raisons économiques), et une fermeture des frontières, à des degrés divers, pour l’Autriche, la République tchèque, la Norvège, le Danemark et la Suède (historiquement « le bon élève » européen en matière d’asile).
Ces fermetures et contrôles aux frontières s’accompagnent d’une criminalisation des demandeurs d’asile et d’un accroissement de la répression à leur égard. En Autriche et en Allemagne, des contrôles accrus sont réalisés pour « refouler et expulser des réfugiés » si ceux-ci ne sont pas en ordre dans leur démarche administrative. Au Danemark et en Suisse, une mesure contraint à présent les réfugiés à monnayer leurs « séjours » en mettant en gage leurs maigres bijoux, peu importe qu’il s’agisse du peu de valeurs qu’ils aient pu sauver au cours de leur exil. Chaque gouvernement a opéré un véritable virage à droite, y compris dans le chef des gouvernements composés de sociaux-démocrates ! Et la dernière vague d’attentat en Europe et en Turquie ainsi que les évènements du Nouvel An à Cologne n’ont fait que renforcer cette tendance. Comme si confrontés à la décrépitude du capitalisme, ses dirigeants n’étaient plus capables que de faire une fuite en avant dans la répression et l’austérité à défaut de pouvoir proposer un avenir à la population.
Bye-bye Schengen ?
Quelques citations en disent long sur l’atmosphère des dernières semaines. Selon Charles Michel : « Nous devons peut-être adapter Schengen ». Si l’on en croit Sarkozy : « Schengen est mort ». Et quand on prend la peine d’écouter le roi des grossiers merles, Bart De Wever, à l’occasion d’une conférence patronale : « La citoyenneté a été gratuite trop longtemps. Seulement un réfugié syrien sur dix a les compétences pour s’introduire sur le marché du travail (…) Arrêtons la naïveté, il faut durcir la politique migratoire ». Il est aussi intéressant de noter le contraste entre la facilité avec laquelle ces politiciens sont prêts à revoir les « sacro-saintes » règles de Schengen, alors que ceux-là mêmes n’admettaient aucune flexibilité lorsqu’il s’agissait des règles du traité d’austérité ! Leur logique est la suivante : tout pour la défense et la protection des intérêts d’une classe sociale précise, le patronat et les nantis. À partir de là, les règles sont soit malléables à souhait, soit à couler dans le béton.
Les accords de Schengen ont été initiés il y a 20 ans entre les États européens souhaitant faciliter la libre circulation des biens et des personnes entre eux. Ces accords sont devenus une pierre angulaire de la construction de l’Europe en tant que bloc commercial armé d’une monnaie unique. Toutes les mesures restrictives mises en place ces dernières semaines sont des entorses formelles à Schengen ! Après les menaces de Grexit d’il y a quelques mois, l’establishment capitaliste européen n’a pas eu beaucoup de répit et fait face un nouveau risque d’effondrement d’une de ses institutions clés. C’est l’inévitable supplice de Sisyphe d’un système de production dont les fondations sont pourries.
De plus en plus, les contradictions d’intérêts entre États membres de l’UE prennent le dessus sur la coopération. Un seul chiffre suffit à l’illustrer : sur les 160.000 réfugiés à répartir au sein de l’UE, un accord de répartition n’a encore été trouvé que pour …184 personnes ! Comme lors de la crise de la zone euro, les capitalistes chercheront à sauvegarder le plus possible pour éviter une défaite de prestige sur le plan politique, qui aurait également des conséquences sur le plan économique. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a d’ailleurs exprimé clairement le danger que représenterait la mort de Schengen : « un démantèlement de Schengen aurait un effet néfaste sur l’emploi et pourrait même remettre en cause l’union monétaire ».
Les dérogations à Schengen autorisées par la législation européenne permettent la mise en place de mesures extraordinaire pour une durée totale de 6 mois cumulés, ce qui implique une échéance en mai 2016 des mesures actuelles. Ceci dit, les capacités de l’establishment à réaliser des bricolages institutionnels à rallonge allant dans le sens de ses propres intérêts ne sont pas à négliger. Ainsi, depuis 2013, le délai autorisé pour des mesures extraordinaires peut atteindre 2ans « en cas de défaillance d’un État ou de manquements graves liés aux contrôles aux frontières extérieures ». Dans le cas où de telles clauses devraient être activées, nul doute que la Grèce et l’Italie seraient tenues responsables de l’arrivée des réfugiés traversant la Méditerranée.
Parallèlement aux astuces institutionnelles, l’establishment européen épuisera également toutes ses cartouches dans ses filons actuels. Il renforce notamment des dispositifs Frontex et accroit la militarisation aux frontières extérieures de Schengen. Il a également signé un accord pour 3 milliards € avec le gouvernement turc d’Erdogan, qui a pour charge « d’endiguer les flux migratoires vers l’Europe ». Reste à savoir avec quelles méthodes macabres Erdogan tentera de remplir ses objectifs…
Bref, autant de recettes qui permettent à l’Europe de gagner du temps, mais qui n’ont jamais rien résolu, que ce soit vis-à-vis des motifs d’émigration ou concernant la qualité de l’asile.Les impérialistes sont pieds et poings liés au chaos, nous avons besoin d’une alternative !
L’ampleur de la crise humanitaire que subissent les réfugiés est inestimable. De nombreux pays se sont enfoncés dans les guerres sectaires et l’anarchie : Irak, Lybie, Yémen, Afghanistan, Somalie, … poussant chaque jour des dizaines de milliers de pauvres sur les routes de l’exil. Dans le seul cas de la Syrie, après plus de 4 ans de conflits sectaires, on dénombre 11 millions de personnes qui se sont vues contraintes de prendre la voie de la migration, dans le but de trouver un refuge où survivre. Il est illusoire de croire que les mouvements migratoires se soient terminés avec l’année 2015. Tant que le capitalisme et son escadron de misères, de guerres et d’horreurs existeront, des millions de personnes seront contraintes à l’exil au risque de leurs vies. Les politiques impérialistes – depuis la guerre par milices interposées, à l’exploitation économique, en passant par la militarisation des frontières – portent une lourde responsabilité.
L’Europe n’est en soi confrontée qu’à une moindre proportion des migrations. Néanmoins, dans le contexte de pénuries, d’austérité à tous les niveaux, de précarité et de chômage de masse, cette immigration est un sujet sensible pour de nombreux jeunes et travailleurs et des tensions peuvent apparaitre. Il est indispensable que le mouvement ouvrier organisé s’empare de la scène politique pour exiger des meilleures conditions de vie pour tous. C’est la condition indispensable pour empêcher les populistes et l’extrême droite d’occuper l’espace politique laissé libre et d’instrumentaliser les frustrations et la pauvreté contre des boucs émissaires, pour encore plus diviser les travailleurs entre eux sur des critères secondaires comme la nationalité, la religion, l’ethnie…
Les gouvernements prétendent lutter contre le terrorisme en accentuant la répression et en bloquant les frontières. Mais ils ne font que criminaliser les réfugiés, toujours aussi nombreux à fuir le chaos nourri par les impérialistes. Les capitalistes ne sont plus à même de gérer les complications consécutives au fonctionnement de leur système de production, ce qui est symptomatique d’un système épuisé et en déclin. Organisons-nous autour d’un programme qui défende nos intérêts et pour une société socialiste, une société où les richesses sont profitables à tous et non à 1 % de privilégiés.
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[DOSSIER] Nouveaux mouvements, vieux dilemmes: réforme ou révolution ?
L’élection du gouvernement Syriza en février 2015 a été saluée par un soutien enthousiaste de la part de la classe des travailleurs en Grèce et dans toute l’Europe, qui s’est transformé en une amère déception après sa capitulation devant la Troïka en juillet dernier. Mais les inégalités et la politique d’austérité continuent à radicaliser des millions de personnes, ce qui fait germer de nouveaux mouvements de gauche. Paul Murphy (Socialist Party, section-sœur du PSL en Irlande et député de l’Anti Austerity Alliance) aborde dans ce dossier les importantes leçons à tirer de l’expérience grecque pour en finir avec le règne des 1%.
« Selon moi, l’atmosphère est un peu similaire à celle d’après 1968 en Europe. Je sens, peut-être pas une ambiance révolutionnaire, mais quelque chose comme une impatience généralisée. Quand l’impatience n’est plus un sentiment individuel mais un aspect social, c’est l’introduction de la révolution. » [1]
Ces paroles de Donald Tusk, le président du Conseil Européen, sont révélatrices. Elles démontrent la peur croissante des classes capitalistes en Europe. La domination en apparence incontestée du néo-libéralisme depuis la chute du stalinisme est maintenant vigoureusement contestée dans un certain nombre de pays capitalistes avancés. La profonde crise actuelle du capitalisme, qui a commencé fin 2007, se solde politiquement par des virages à gauche dans les points de vue et la conscience ainsi que dans le développement de nouvelles formations de gauche.
La révolte dans les urnes
La crise a créé des problèmes politiques significatifs pour la classe capitaliste, en particulier dans la périphérie de l’Europe, là où elle est la plus brutale. La crise est si profonde et si longue que, dans la plupart des pays, les deux faces de la pièce politique ont été au pouvoir. Elles ont appliqué des politiques essentiellement identiques basées sur une profonde austérité, ce qui a fait s’effondrer, en particulier, le soutien des partis anciennement sociaux-démocrates, qui maintenaient encore une base électorale plus ouvrière.
La chute des partis traditionnels en-dessous de 50% des voix dans 3 pays en est une illustration frappante – en Grèce, où la Nouvelle Démocratie et le PASOK ont obtenu 34% à eux deux aux dernières élections ; en Espagne, où le PP et le PSOE ont obtenu un score combiné de 49% aux élections européennes de l’an dernier et en Irlande où, aux dernières européennes, le Fianna Fail, le Fine Gael et le parti Travailliste ont aussi récolté moins de la moitié des suffrages. Récemment, aux élections législatives du Portugal, alors que le Parti Social-Démocrate et le Parti Socialiste ont encore réalisé le score de 70,9%, cela représente tout de même une baisse de 7,6% et les voix combinées de la gauche radicale sont passées de 5,4% à 18,5%. Les classes capitalistes en Europe font de plus en plus l’expérience de leur propre crise de représentation politique et elles éprouvent des difficultés à trouver des instruments politiques stables pour assurer leur règne.
La crise et les mouvements contre l’austérité qui se sont développés en particulier dans la périphérie de l’Europe ont aussi accéléré le procédé de création de nouvelles formations de gauche avec des bases de soutien significatives. Ce phénomène n’est bien entendu pas nouveau. Il a émergé depuis le virage à droite dramatique des prétendus sociaux-démocrates, aux environs de l’effondrement de l’URSS et du stalinisme. C’est un processus qui progresse en vagues et qui a vu la montée (et souvent la chute) entre autres de Rifondazione Communista en Italie, du Scottish Socialist Party en Écosse, de Die Linke en Allemagne, du Bloco de Esquerda au Portugal, de l’alliance Rouge Verte au Danemark et de Syriza en Grèce.
La nature prolongée de la crise a donné un élan à ces mouvements. Cela a été le plus visiblement démontré par la propulsion de Syriza au pouvoir en Grèce, début 2015. En parallèle, il y a eu la montée en flèche de Podemos en 2014. La victoire de Jeremy Corbyn aux élections pour la direction du Parti Travailliste en Grande Bretagne et la performance de Bernie Sanders aux primaires Démocrates aux Etats-Unis sont aussi des expressions de ce processus.
Un aspect frappant de cette vague de nouveaux mouvements politiques est la manière extrêmement diverse dont le même phénomène s’exprime dans différents pays. A ce stade, comme de l’eau ruisselant entre des berges préexistantes, les mouvements orientés vers une représentation politique de la classe des travailleurs s’écoulent dans des canaux déjà en partie créés par différents paysages politiques nationaux et traditions de la classe des travailleurs.
C’est ainsi qu’en Grèce, l’élan s’est développé derrière Syriza, une alliance autour d’un noyau de tendance euro-communiste. De 4,7% aux élections européennes de 2009, la formation est grimpée à 36,3% en janvier 2015 et est entrée au gouvernement. En Espagne, où Izquierda Unida (Gauche Unie, rassemblée autour du Parti Communiste) était, surtout dans certaines régions, identifiée aux à l’establishment politique, elle n’a pas bénéficié du même processus. Au lieu de cela, avec l’explosion du mouvement social des Indignados, il s’est exprimé dans une nouvelle force, Podemos, fortement construite autour de la personnalité de Pablo Iglesias.
Corbyn et Sanders piochent dans la montée de la radicalisation
L’effet Corbyn en Angleterre et au Pays de Galles est le plus intéressant de tous. Le Parti Travailliste y avait profondément viré à droite sous la direction de Tony Blair et avait été vidé de toute implication réelle des masses de travailleurs et de pauvres. Ce parti avait franchi le Rubicon pour devenir un parti tout à fait capitaliste, même s’il conservait de son passé certaines caractéristiques, comme un lien formel avec les syndicats et un petit nombre de parlementaires se réclamant du socialisme, comme Jeremy Corbyn.
En raison d’un système électoral particulier, aucun parti de gauche ou travailliste important n’a émergé en Angleterre et au Pays de Galles pour devenir le lieu de rassemblement de ceux qui cherchent une alternative à l’austérité. C’est pourquoi, quand Jeremy Corbyn a présenté sa candidature, initialement considérée comme sans espoir, et qu’il a commencé à défendre une politique fondée sur des principes de gauche anti-austerité, sa campagne a reçu une énorme réponse de la part des jeunes et de la classe des travailleurs. Elle est devenue un flambeau et a su développer un incroyable élan, avec plus de 100.000 nouvelles personnes inscrites comme sympathisants officiels du Parti Travailliste et 60.000 nouvelles adhésions officielles au parti depuis le début de la campagne.
Pendant ce temps, aux USA, un élan sans précédent s’est développé autour de Bernie Sanders, dans le cadre de primaires destinées à décider du prochain candidat aux élections présidentielles au sein d’une organisation qui n’a jamais été un parti ouvrier. Le Parti Démocrate a toujours consciemment agi pour rassembler autour de lui les mouvements sociaux ainsi que les syndicalistes en les détournant ainsi du besoin urgent de lutter de la base et de construire un parti qui représente la classe des travailleurs. Cependant, Sanders, en se présentant comme socialiste démocrate auto-proclamé (en citant les pays scandinaves comme modèle) a, à l’instar de Jeremy Corbyn, su trouver un écho auprès de millions de travailleurs et de jeunes en-dehors de l’appareil du Parti Démocrate. Ses rassemblements ont attiré les plus grandes foules de ces élections présidentielles (souvent plus de 10.000 personnes et près de 30.000 à Los Angeles). Dans les sondages, il a considérablement réduit l’écart avec Hilary Clinton et les sondages en ligne ont montré qu’il a remporté les débats télévisés des primaires démocrates.
Il sera extrêmement difficile à Sanders de remporter la nomination et, malheureusement, il a indiqué qu’il soutiendrait Hillary Clinton en cas de défaite, jouant donc précisément une fois encore un rôle de rassemblement des progressistes derrière le Parti Démocrate. Cependant, sa présence dans le débat, la discussion autour de ses idées et le nombre de personnes qui se sont joints à sa campagne peuvent marquer une étape importante dans les développement de la conscience de classe aux USA et dans la construction d’un parti de gauche de masse.
Le réformisme aujourd’hui
Ces développements sont énormément positifs. Ils représentent un pas qualitatif en avant vers la création de partis de masse de la classe des travailleurs qui peuvent constituer des instruments très importants pour la résistance des travailleurs contre les attaques austéritaires, en donnant un élan à la lutte de masse par la base. Ils peuvent aussi être le terreau pour le développement de forces socialistes révolutionnaires de masse, à la suite de l’expérience des luttes qui sera acquise par les masses et des discussions politiques.
Les idées exprimées par les dirigeants de ces mouvements sont toutefois également dignes de critiques. Fondamentalement, toutes ces figures représentent et reflètent différentes variantes du réformisme. Le réformisme est la notion selon laquelle le capitalisme peut être graduellement démantelé pour, au final, qu’un société socialiste soit créée sans moment de rupture décisive – ou révolution – avec l’organisation capitaliste actuelle de la société.
Le réformisme échoue à reconnaître que la classe capitaliste constitue la classe dominante au sein de la société. C’est le cas en premier lieu par sa propriété et son contrôle des ressources économiques cruciales de la société, mais aussi en étant liée par un millier de ficelles à l’appareil d’État, c’est à dire le judiciaire, les « corps d’hommes armés » dans l’armée et la police et le gouvernement permanent qui existe sous la forme des échelons les plus élevés de la fonction publique.
L’Histoire du mouvement ouvrier a démontré que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973 quand le gouvernement élu de Salvador Allende a été renversé. Aujourd’hui, en Europe, les gouvernements de gauche potentiels ne vont pas seulement devoir faire face à cette menace de la part de leur classe capitaliste autochtone mais également de la part des institutions pro-capitalistes de l’Union Européenne.
Alors que, dans toute l’Europe, les partis réformistes de masse stables étaient une caractéristique du paysage politique de l’ère de croissance économique qui a suivi la deuxième guerre mondiale, c’est une autre histoire aujourd’hui. Étant donné la nature de la crise, et, en fait, la nature de l’UE et de l’euro-zone, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes. Le capitalisme ne dispose plus des réserves de “graisse sociale” qu’il avait dans la période d’après guerre et qui permettaient aux gouvernements social-démocrates de beaucoup de pays européens d’instaurer des réformes considérables dans l’intérêt de la classe ouvrière tout en restant au sein du système capitaliste. Il n’y a pas non plus de croissance importante des prix matières premières, comme ceux qui ont permis à Hugo Chavez et à son gouvernement d’augmenter le niveau de vie des masses au Venezuela sans pour autant mettre fin au contrôle de l’économie par les oligarques.
Au lieu de cela, si n’importe lequel des nouveaux mouvements de gauche prend le pouvoir aujourd’hui, alors la question de la confrontation ou de la capitulation se posera très rapidement. Ce n’est pas une question simplement théorique comme nous l’a illustré les récents événements survenus en Grèce sous le gouvernement dirigé par Syriza. Il faut étudier l’expérience de Syriza au pouvoir car c’était un laboratoire de l’application d’une stratégie réformiste particulière en Europe au stade actuel. Cette expérience continuera d’être un point de référence pour les travailleurs et les militants de gauche dans toute l’Europe dans leur tentative de développer une stratégie capable de réussir à en finir avec l’austérité et le règne des 1%.
Syriza au pouvoir
Le 25 janvier 2015, pour la première fois depuis la chute du stalinisme, un gouvernement dirigé par la gauche a été élu en Europe. Des ondes de choc de panique se sont propagées dans tout l’establishment politique Européen et la classe capitaliste. 239 jours plus tard, le même gouvernement a été ré-élu, avec une abstention record, mais cette fois, il a été bien accueilli par les journaux et les dirigeants politiques européens. Entre ces deux élections ont pris place de véritables montagnes russes d’événements politiques qui ont comporté les héroïques 61% du Oxi (Non) des masses grecques face au chantage de l’austérité ou de la sortie de l’euro lors du référendum de juillet 2015 mais aussi la capitulation de la direction de Syriza à la terreur de la Troïka.
L’expérience de Syriza livre d’importantes leçons pour tous les mouvements qui luttent pour un changement socialiste. Ces leçons ont coûté très cher, à la classe ouvrière et aux pauvres de Grèce en particulier. Pourtant, on a assiste dans toute la gauche européenne et mondiale à des tentatives d’amoindrir ces leçons tout en enjolivant les erreurs de la direction de Syriza. Cette approche se retrouvent parmi ceux qui partagent largement une orientation stratégique similaire à celle de la direction de Syriza.
Léo Panitch, co-éditeur du journal de gauche Socialist Register, a été à la pointe de cette défense. Il a écrit, peu de temps après l’acceptation du Mémorandum d’austérité de 13 milliards d’euros par Syriza : «Nous espérons que Syriza pourra rester unie en tant que nouvelle formation politique socialiste la plus efficace dans la gauche européenne qui a émergé ces dernières décennies. Le rôle d’une gauche responsable est de soutenir cela, tout en continuant à montrer les faiblesses du parti en termes de manque de capacité à construire sur les réseaux de solidarité. (…) Étant donné notre propre faiblesse en cette matière, une patience et une modestie considérables sont requises de la part de gauche internationale alors que nous regardons se dérouler ce drame.” [2]
L’essence de cette idée est que l’on ne peut critiquer les autres forces de la gauche à travers le monde avant d’avoir atteint leur niveau d’influence dans la société. C’est une approche profondément anti-internationaliste et qui se situe dans la droite ligne de celle des partis communistes stalinisés dans les années 1920 et ensuite.
Si cette approche était acceptée, la gauche internationale entière serait simplement condamnée à répéter, l’une après l’autre, les erreurs des autres. Il est tout à fait approprié de tenter d’analyser et de critiquer l’approche stratégique des autres à gauche dans différents pays, tout en maintenant bien sûr l’humilité et le sens des proportions nécessaires.
Un échec de « l’européanisme de gauche »
Ce qui s’est produit en Grèce – un gouvernement de gauche qui trahit son mandat et son programme – représente une défaite pour les travailleurs de toute l’Europe. Les politiciens et les médias de droite du continent ont immédiatement sauté sur l’occasion de renforcer le mur “TINA” (pour “There is no alternative”, il n’y a pas d’alternative, slogan cher à Margaret Thatcher) qui avait vacillé avec l’élection de Syriza.
Mais s’il s’agit d’une défaite pour la gauche dans son entièreté, il est important de reconnaître que ce n’est pas la conséquence de la faillite des idées de la gauche dans leur ensemble. Il faut plutôt y voir l’échec dramatique du réformisme, et en particulier de sa version dominante en Europe, connue comme «l’Européanisme de gauche».
La stratégie de l’européanisme de gauche applique l’approche graduelle du réformisme à l’Union Européenne. Il adopte le point de vue que l’UE pourrait, par les victoires de la gauche dans les différents pays, être transformée en un projet plus social. C’est une conception qui sous-estime complètement la haine de classe et la cruauté de la Troïka et de Merkel.
Plus important encore, il comprend mal le caractère réel de l’UE, qui a été si brutalement démasqué par la crise et la réaction de ses institutions dirigeantes. La construction européenne est structurellement néo-libérale, le néo-libéralisme est dans son ADN, il est inscrit dans le traité de Maastricht, dans le pacte de stabilité et de croissance , dans le Six Pack et le Two Pack (deux «paquets législatifs» européens de 2012 et 2013 respectivement). Le néo-libéralisme constitue l’essence-même du fonctionnement de l’euro et de la Banque Centrale Européenne.
L’Union Européenne est aussi fondamentalement non-démocratique. Le pouvoir repose dans les mains d’institutions non-élues et qui ne répondent de rien, comme la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne. Les règles ont été écrites de telle façon que tout gouvernement de gauche qui transgresserait les règles de l’austérité se trouverait condamné et perdrait son droit de vote sur des questions importantes. Ce n’est que la position légale formelle – la position réelle est encore plus anti-démocratique. La BCE a auparavant mené deux coups d’État silencieux, en Grèce et en Espagne. Elle en a dans les faits mené un nouveau contre le peuple grec, mais cette fois avec la complicité de Tsipras, en utilisant sa capacité à créer la panique bancaire pour pousser à la capitulation.
Des relations de plus en plus impérialistes se développent au sein de l’UE entre les classes capitalistes dominantes du centre, en particulier la classe capitaliste allemande, et les États périphériques. Cela se voit notamment dans la servitude dans laquelle la Grèce se trouve maintenant de facto vis-à-vis de sa dette publique.
En raison de cette conception stratégique de l’européanisme de gauche adoptée par les dirigeants de Syriza et leurs conseillers politiques, ils sous-estiment considérablement leur ennemi. Concrètement, ils pensent que, par peur de la contagion économique, les créanciers pourraient accorder d’importantes concessions. Ils ont lié Syriza à une stratégie visant à rester dans l’euro à tout prix. Ainsi, quand ils se sont retrouvés le révolver sur la tempe avec la menace d’être vraiment exclus de la zone euro, ils ont senti qu’ils n’avaient d’autre option que de battre en retraite.
Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, a averti que le principal danger pour la classe capitaliste européenne n’était pas la contagion économique, mais la contagion politique. Cela s’est confirmé. Les élites capitalistes européennes sont partantes pour prendre le risque d’une contagion économique de façon soit à renverser Syriza, soit à l’humilier pour dissuader les autres et que cela leur serve de leçon.
L’expérience de Syriza est une justification par la négative des éléments-clé d’une approche révolutionnaire. Elle souligne le besoin, pour un gouvernement de gauche, de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme ; la nécessité d’une stratégie de confrontation, plutôt que de compromis, avec l’UE ; la nécessité de préparer la rupture avec la zone euro, au lieu de faire tout son possible pour rester dedans ; tout cela au sein d’un programme socialiste basé sur la mobilisation par en-bas pour s’attaquer au pouvoir de la classe dominante locale, pour lutter en faveur de l’annulation de la dette, pour instaurer un contrôle des capitaux et pour établir la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs. Cela illustre une approche internationaliste de lutte capable de faire une brèche dans l’Europe vers le développement d’une confédération d’États socialistes démocratiques comme étape vers une Europe socialiste.
Réaction face à la défaite de Syriza
La capitulation et la défaite de Syriza ont provoqué un important débat parmi la gauche européenne. La réponse de Podemos en Espagne a malheureusement été un tournant de son programme plus à droite, Pablo Iglesias continuant à défendre la capitulation de Syriza comme étant «réaliste».
Ce virage peut assez bien cadrer dans le discours délibérément ambigu qui façonne le projet de Podemos depuis ses débuts. Il est basé sur les travaux du post-marxiste Ernesto Laclau et de la notion qu’au lieu de construire un mouvement de classe, on peut construire une majorité sociale en utilisant des «signifiants vides» – comme la notion de « ceux d’en bas » – contre la caste politique. Dans les mains de certains membres de Podemos, cela est utilisé pour défendre que ce qui est construit n’est ni de gauche ni de droite, ce qui abouti à un manque de clarté politique. La réaction de la direction de Podémos à la capitulation de Syriza a été une des raisons de la chute de Podemos dans les sondages de 30% à environ 15%.
D’un autre côté, il y a aussi un déplacement à gauche, vers des positions plus critiques envers l’UE et l’euro-zone, sans rompre fondamentalement avec la logique du réformisme. Le tournant à gauche et la position plus euro-critique de la direction du Bloc de Gauche au Portugal est un exemple de cette tendance et a contribué à doubler leur score aux élections générales. Un autre exemple est la scission de Syriza, Unité Populaire, menée par Panagiotis Lafazanis, qui, avec 2,9% des voix seulement, a manqué de peu d’avoir des représentants élus au parlement grec.
Ces développements au niveau national se reflètent aussi dans les débats au sein de la gauche européenne. Une lettre ouverte intitulée « Plan B pour l’Europe » a été lancée par Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Front de Gauche en France. Elle a été co-signée par Oskar Lafontaine, personnalité dirigeante de Die Linke, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, et Zoé Konstantopoulou, l’ancienne présidente du parlement grec, et a depuis été signée par trois parlementaires de l’Anti-Austerity Alliance en Irlande. Elle exprime la conclusion tirée par une partie de la gauche européenne que rester dans le carcan de l’euro à tout prix signifie renoncer à la possibilité de remettre en question la domination du néo-libéralisme.
«Face à ce chantage, nous avons besoin de notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe. Pour renforcer notre position face à leur engagement brutal pour des politiques qui sacrifient la majorité au profit des intérêts d’une infime minorité. Mais aussi pour réaffirmer le principe simple que l’Europe n’est rien d’autre que les Européens et que les monnaies sont des outils pour soutenir une prospérité partagée, et non des instruments de torture ou des armes pour assassiner la démocratie. Si l’euro ne peut pas être démocratisé, s’ils persistent à l’utiliser pour étrangler les peuples, nous nous lèverons, nous les regarderons dans les yeux et nous leur dirons : « Essayez un peu, pour voir ! Vos menaces ne nous effraient pas. Nous trouverons un moyen d’assurer aux Européens un système monétaire qui fonctionne avec eux, et non à leurs dépens». [3]
Ce sont des développements importants. Ils représentent un défi à la domination de l’européanisme de gauche au sein de la gauche européenne, avec plus d’espace pour critiquer cette approche et indiquer un tournant à gauche. Cependant, ils ont toujours des limites considérables. Cela ne représente pas fondamentalement une rupture avec le réformisme.
Les erreurs de la gauche de Syriza
De nouveau, il est utile de revenir à l’expérience de Syriza et en particulier de la gauche de Syriza pour voir ce réformisme euro-critique plus à gauche en action. A un niveau formel, la Plate-forme de Gauche, qui est devenue Unité Populaire, avait un programme qui reproduisait beaucoup d’aspects du programme de Xekinima en Grèce. Il appelait ainsi à la préparation de la sortie de l’euro, à l’annulation de la dette de la Grèce, à la propriété publique des banques et à un programme de reconstruction de l’économie en accentuant l’investissement public. Mais l’appel pour un changement socialiste de société était le grand absent.
La perspective d’une personnalité dirigeante de ce groupe, Costas, Lapavitsas, telle qu’exprimée dans le livre qu’il a co-écrit avec Heiner Flassbeck et publié juste avant la venue de Syriza au pouvoir, s’est totalement confirmée : « Il y a, ainsi, une sorte de « triade impossible » à laquelle ferait face un gouvernement de gauche dans la périphérie. Il est impossible d’avoir à la fois les trois choses suivantes : premièrement, obtenir une vraie restructuration de la dette ; deuxièmement, abandonner l’austérité ; et troisièmement, continuer à opérer dans le cadre institutionnel et politique de l’UE et en particulier de l’Union Économique et Monétaire (…) Ce serait une folie pour un gouvernement de gauche d’imaginer que l’UE blufferait sur les questions de la dette et de l’austérité (…) Si un gouvernement de gauche tente de jouer le bluff, il échouerait très rapidement. »[4]
Malgré cette perspective, ils n’étaient pas du tout prêts à la rapidité et à l’échelle de la trahison de la direction de Syriza. L’approche de la Plate-forme de gauche envers la direction de Syriza est un miroir de l’approche de celle-ci envers l’UE. Tandis que Tsipras a échoué à préparer Syriza à la nature du conflit avec les institutions de l’UE et du besoin de rompre avec l’euro, Lafazanis n’a pas réussi à préparer la Plate-forme de Gauche à la probable capitulation de Tsipras, à un conflit avec lui et à une rupture avec Syriza.
Une des conséquences est qu’au premier vote sur les mesures d’austérité, la plupart des parlementaires de la Plate-forme de Gauche ont voté pour ou se sont abstenus – ce qui a semé la confusion. Ils ont persisté dans leur rhétorique d’unité de parti avec Syriza après qu’il soit devenu clair que Tsipras était déterminé à chasser la gauche du parti et à reconstruire Syriza comme un parti d’austérité.
Pourquoi ces erreurs ont-elles été commises ? Comme avec Tsipras, ce n’est pas une question de faiblesses ou d’échecs individuels. C’est une question politique. Cela est notamment lié aux méthodes d’organisation de la Plate-forme de Gauche. Celle-ci ne fonctionnait pas comme devrait le faire une organisation révolutionnaire, avec un cadre formé qui discute démocratiquement des perspectives, du programme et de la stratégie. Au contraire, elle reproduisait la culture du cercle dirigeant qui existait chez Syriza. Elle était aussi trop prise au piège dans Syriza et dans le parlement, ne faisant pas assez attention à ce qui prenait place au dehors.
Mais cette structure organisationnelle est aussi connectée à sa politique parce que beaucoup de ses stratèges-clé étaient aussi issus d’une tradition essentiellement euro-communiste de gauche. L’euro-communisme est une tendance qui est devenue dominante dans les partis communistes européens dans les années ’70 et ’80, en partie en réaction aux horreurs du stalinisme mais aussi pour s’adapter aux pressions capitalistes dans leurs propres pays. Cela a fait que des partis comme les PC en France et en Italie sont devenus concrètement des partis ouvertement réformistes.
Il nous faut des politiques socialistes
Dans la Plate-forme de Gauche et dans la gauche en Europe en général, l’idée que le moment est aux «gouvernements anti-austérité» en opposition au changement socialiste est très répandue. Cependant, même un «gouvernement anti-austerité» préparé à sortir de l’euro devrait toujours faire face au même dilemme entre confrontation et capitulation. Comme Rosa Luxemburg l’expliquait en 1898 dans «Réforme ou Révolution», ces deux choix ne sont pas deux voies différentes vers un même point, ils aboutissent à deux endroits différents.
Les forces de l’UE n’arrêteraient pas leurs attaques tout simplement parce qu’un pays est sorti de l’euro. La classe dominante locale intensifierait probablement ses attaques, ce qui s’est vu par exemple en Grèce avec les rumeurs d’une possibilité de coup d’État si le pays sortait de la zone euro. Un gouvernement qui serait conséquent dans son anti-austérité devrait inévitablement appliquer des mesures de type socialiste pour défendre l’économie et les s99% contre les attaques des 1% nationaux et mondiaux.
L’absence de reconnaissance que la lutte pour rompre avec l’austérité requiert un mouvement pour un changement socialiste n’est pas seulement une omission théorique. Cela a permis de mettre l’Unité Populaire au pied du mur, d’en faire un simplement un parti anti-euro dans la campagne électorale. Dans son analyse post-électorale, l’Union Populaire a reconnu que défendre la rupture avec l’UE était «difficile à expliquer de manière convaincante au milieu d’une campagne électorale (…) en ayant toutes les forces systémiques contre nous», ce qui a été un facteur considérable dans leur échec à franchir le seuil électoral des 3% pour entrer au parlement.
Alors que les Grecs étaient prêts à voter Non, malgré les avertissements terribles sur la possibilité de quitter l’euro, la perspective de revenir à la drachme n’a pas mis la majorité en confiance. Lier la rupture avec l’euro à un changement socialiste fondamental serait nécessaire pour montrer comment un tel changement pourrait être géré – y compris en plaçant cela dans le contexte de la lutte pour un changement révolutionnaire dans toute l’Europe.
Alors que les institutions européennes espéraient que la défaite de Syriza ferait reculer la gauche pour longtemps, la profondeur de la crise capitaliste est telle qu’ils n’ont pas obtenu l’effet escompté. Au lieu de cela, les développements politiques en direction des nouvelles forces de gauche continuent et s’accélèrent. Après une période de défaites et de revers, le test des idées dominantes au sein de ces forces sur l’expérience des événements est une partie inévitable de la clarification et du développement de forces révolutionnaires de masse.
[1] Financial Times, July 16, 2015
[2] http://www.socialistproject.ca/bullet/1140.php
[3] http://www.counterpunch.org/2015/09/14/breaking-with-austerity-europe/
[4] Heiner Flassbeck and Costas Lapavistas, Against the Troika: Crisis and Austerity in the Eurozone, Verso (London, 2015) -
[VIDEO] Référendum britannique sur l'UE: que doivent en penser les marxistes ?
Lors du weekend 'Socialisme 2015' qui a pris place à Londres en novembre de l'an dernier, une discussion avait été organisée au sujet du référendum prévu en Grande-Bretagne concernant l'Union européenne. Notre camarade Hannah Sell y a développé l'approche défendue par notre parti-frère en Angleterre et au Pays de Galles, le Socialist Party.
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[INTERVIEW] Rien à attendre des multinationales pour sauver la planète
Interview de Pascoe Sabido (Corporate Europe Observatory)
Dans le cadre des négociations de la COP21, la conférence de l’ONU sur le climat de Paris, Lutte Socialiste a discuté avec Pascoe Sabido, chercheur et activiste pour le Corporate Europe Observatory (CEO). Depuis Paris, il nous a parlé de l’état des négociations, de son analyse sur le changement climatique, des lobbys des multinationales, de l’Union européenne et des mouvements sociaux.Propos recueillis par Pietro (Bruxelles) pour l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Peux-tu nous parler du CEO ?
‘‘Le Corporate Europe Observatory (CEO) est un groupe de recherche et de mobilisation. Il dénonce l’influence des entreprises et de leurs groupes de pression dans le processus décisionnel de l’Union européenne qui conduit à des politiques qui exacerbent l’injustice sociale et accélèrent la destruction de l’environnement.
‘‘Faire reculer leur pouvoir est crucial afin de véritablement répondre aux problèmes mondiaux tels que la pauvreté, le changement climatique, l’injustice sociale, la faim et la dégradation de l’environnement. Nous réalisons des recherches au sujet de l’activité des multinationales et nous les utilisons pour dévoiler leurs rôles dans l’élaboration des politiques menées.’’
Votre rapport ‘‘Cooking the planet’’ analyse les relations entre la Commission européenne et les lobbies de l’industrie et des multinationales. Quel rôle ont joué les commissaires européens Canete (énergie et climat) et Sevcovic (vice-président de la Commission) dans les négociations pour préparer la COP 21?‘‘En fait, toutes les grosses décisions étaient déjà prises avant leur arrivée en fonction en novembre 2014. Mais ils vont, comme d’habitude, affirmer qu’ils souhaitent un traité fort et contraignant, alors que leur seule volonté est de rassurer les entreprises les plus polluantes. Ils souhaitent que l’Europe continue à utiliser les énergies fossiles (y compris le gaz de schiste) et que les énergies renouvelables ne soient pas au centre des réflexions.
‘‘Ils continuent à défendre l’idée que l’Europe est l’acteur le plus ambitieux contre le réchauffement climatique et que ce sont les autres pays qui ont encore du chemin à faire. Mais les pays de l’Union s’enrichissent avec les énergies fossiles bon marché et dans les pays comme la Colombie, c’est l’appétit occidental qui assure l’exploitation de ressources comme le charbon.’’
Quel est le rôle de l’industrie du pétrole et des entreprises privées?
‘‘Le pétrole est essentiel à l’économie capitaliste. Les lobbys de ce secteur ont une prise très forte sur nos gouvernements. En fait, ils financent nos gouvernements et vice versa. Dans un de nos rapports, nous avions pris l’exemple d’un employé de la Commission européenne qui parallèlement travaillait pour Saudi Aramco, une des plus grosses industries pétrolières.
‘‘Les grosses entreprises ont joué un rôle très important dans toutes les négociations climatiques en assurant que celles-ci soient en leur faveur en n’entravant en rien leur ‘‘business as usual’’. Tout le raisonnement de ces négociations est basé sur la logique de marché et de libre-échange, considérée comme une solution et pas comme un problème.’’
Est-il possible de convaincre les entreprises de changer de cap ?
‘‘Les dindes vont-elles voler à Noël? Jamais. Leur modèle commercial est incompatible avec chaque effort contre la dérégulation climatique. Si nous voulons agir, nous devons d’abord éloigner ces entreprises autant que possible de nos gouvernements et des décideurs. Mais l’approche de l’Union européenne n’est pas basée sur les besoins de la population, elle repose sur la défense des intérêts des entreprises. Volkswagen (et l’industrie automobile en général) nous a illustré qu’elles vont toujours mettre leurs profits avant la planète.’’
Tu as suivi depuis un an la mobilisation autour de la COP 21. Quels débats as-tu pu observer dans les mouvements sociaux et ONG?
‘‘Les choses ne sont jamais homogènes… Certains ont une vue plus systémique, d’autres ont peur de faire le lien entre notre système économique – le capitalisme – et la dérégulation climatique. Mais la lutte pour le climat, fondamentalement, c’est de décider qui aura le pouvoir à l’avenir : les peuples ou les multinationales. Il s’agit, à la base, d’une question de démocratie. Il faut arrêter de penser en termes de quantité d’émissions de gaz à effet de serre et se rendre compte que la question est sociale et économique avant d’être environnementale. Si nous voulons être conséquents, nous devons complètement tout changer.
‘‘Chaque jour qui passe signifie qu’il faudra faire beaucoup plus dans les années à venir contre les conséquences du réchauffement climatique… Plus le temps passe et plus un changement radical de système devient nécessaire. Il n’est pas question de transition, mais de transformation radicale.»
Quel rôle pourraient jouer les mouvements sociaux et le mouvement des travailleurs ?
‘‘Les syndicats ont un rôle à jouer dans cette lutte ! Il n’y a pas de travail sur une planète morte… S’ils n’élaborent pas une stratégie de lutte, ils vont céder aux intérêts des employeurs et des multinationales. En ce moment, la grande majorité des syndicats ne participe pas réellement activement aux mobilisations environnementales. Mais la lutte contre la dérégulation climatique représente une grande opportunité de transformation de société pour tout le monde, vers une société avec des services publics de qualité (logement, transport, santé, etc.), en repensant la notion de travail, etc. par le détrônement du pouvoir des multinationales.
‘‘Les travailleurs doivent pouvoir décider collectivement et démocratiquement quoi produire ou consommer et pour qui et comment, ainsi que de répartir les richesses entre tous. Si on veut vraiment combattre le changement climatique, il faut transformer l’économie et la seule façon d’y parvenir, c’est tous ensemble par le mouvement de masse. C’est difficile, mais c’est une grande opportunité, non seulement pour le mouvement pour la justice climatique, mais aussi pour tous ceux qui luttent pour la justice sociale.’’
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Une nouvelle fraction d'extrême droite au Parlement Européen
Après plusieurs tentatives ratées, Marine Le Pen a annoncé en juin dernier la création d'une fraction d'extrême droite au Parlement européen : «l'Europe des Nations et libertés».
Article de Tanja Niemeier
Ce nouveau groupe est présidé par Marine Le Pen du Front National français et Marcel de Graaf du PVV, parti anti-immigrés et islamophobe des Pays-Bas. Cette fraction réunit des parlementaires du FN et du PVV mais aussi de la Ligue du Nord (Italie), du FPÖ (Autriche) et du Vlaams Belang (Belgique). Des négociations avaient déjà eu lieu pour constituer un groupe politique, sans parvenir à obtenir des élus de sept Etats membres de l’UE, une exigence à satisfaire pour être reconnu comme groupe politique au Parlement européen.
Finalement, ils ont été rejoints par Janice Atkinson, élues sur les listes de l’UKIP britannique mais qui a quitté l’EFDD (Europe de la liberté et de la démocratie directe), qui se compose principalement de membres de l’UKIP et du Mouvement des cinq étoiles (Italie). Outre Atkinson la nouvelle fraction d’extrême droite a aussi attiré deux députés polonais, deux élus du Congrès pour la Nouvelle Droite (KNP), Michal Marusik et Stanislav Zoltek.
Divers commentateurs ont suggéré que la constitution de cette nouvelle fraction est devenue possible après l’ouverture du conflit entre Marine et Jean-Marie Le Pen et la perspective de l’exclusion de ce dernier. Marine Le Pen tente de débarrasser le FN des éléments les plus ouvertement racistes, xénophobes et antisémites.
Le dirigeant du PVV Geert Wilders est l’un des fondateurs de ce groupe parlementaire. Selon lui, la naissance de «l’Europe des nations et des Libertés» représente une étape historique et un point de départ pour être «maître de nos propres lois et ressources et à un moment où un million de personnes sont en attente à la frontière de l’Europe».
La création de ce nouveau groupe politique est l’expression d’une polarisation croissante en Europe. Les politiques d’austérité imposées par la Troïka et soutenues par les principaux groupes politiques du Parlement européen font en sorte que la confiance dans l’UE est à un point historiquement bas, très certainement dans les pays durement touchés par la crise. En partie à cause de la faiblesse de la gauche en Europe, la répulsion croissante contre les politiques néolibérales de l’UE n’a pas encore d’expression politique claire sur une base de classe à travers l’Europe.
Lors de la conférence de presse où fut annoncée la création du groupe parlementaire, les couches ciblées étaient très significatives. Marine Le Pen, qui représente au sein du groupe parlementaire le plus grand nombre de députés (36) avec le FN, a affirmé défendre les intérêts des gens ordinaires, des travailleurs et des agriculteurs victimes de la mondialisation et ayant perdu leur indépendance du fait des mesures économiques décidées par l’UE. Le Pen s’est prononcée contre l’accord de libre-échange TTIP (le Traité Transatlantique) et a vivement critiqué la grande coalition de chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates au pouvoir au Parlement Européen.
Cependant, il est clair qu’aucun parti de ce groupe politique ne défend réellement les intérêts des travailleurs. Il suffit de penser à Janice Atkinson, virée de l’UKIP pour accusations de fraude et qui a déclaré à cette même conférence de presse que les deux femmes qui l’inspirent le plus sont Margaret Thatcher et Marine Le Pen. La catastrophe sociale que Thatcher a causée parmi les travailleurs et les pauvres en Grande-Bretagne est bien connue…
Ce groupe parlementaire doit percevoir 17,5 millions d’euros de fonds publics pour les quatre années restantes de la législature. En outre, ses membres reçoivent plus de temps de parole et ont ainsi obtenu un profil politique plus élevé. Tout cela pour la promotion d’une propagande raciste, nationaliste et anti-immigrés. Cela représente une menace pour l’unité des travailleurs, des migrants et des réfugiés plus particulièrement. Ce renforcement de l’extrême droite pourrait encourager la violence raciste et fasciste. Fin mai, à Bruxelles, une action de sans-papiers avait été attaquée par des militants d’extrême-droite alors qu’ils protestaient contre la politique d’asile antisociale devant le Parlement européen. Quelques jours plus tard, des néo-nazis du même groupuscule francophone («Nation») s’en ont tabassé un sans-abri en marge d’une mobilisation de sans-papiers et de militants antifascistes qui faisait suite à leur précédente provocation.
Il reste encore à voir si ce groupe parlementaire pourra rester stable. Mais il n’est pas exclu que d’autres élus le rejoigne. Lors de la conférence de presse déjà mentionnée, un appel direct a été la
ncé vers d’autres députés de l’UKIP frustrés.Le fait que l’extrême droite ait été capable de constituer un groupe constitue un sérieux avertissement pour la gauche. Si celle-ci ne peut pas fournir de réponse claire et cohérente contre la politique d’austérité, l’extrême droite peut alors en profiter. Le rejet des institutions capitalistes et néolibérales de l’UE et de l’establishment politique européen doit faire partie intégrante de cette riposte, aux côtés d’une perspective internationaliste et militante basée sur un programme de rupture avec la logique des marchés et du capitalisme. Cela est d’autant plus important aujourd’hui.
Manifestation contre la venue de Marine Le Pen à Bruxelles. STOP au meeting raciste du Vlaams Belang !
MANIFESTATION ce mardi 15 septembre, à 19h, Madou, Place Surlet de Chokier, à Bruxelles.
=> Tract de mobilisation en version PDF
Cette manifestation est à l’initiative des Étudiants de Gauche Actifs et de la campagne antifasciste Blokbuster avec le soutien de : Association Joseph Jacquemotte, CADTM – Belgique, Collectif Antifascisti Bruxelles, FEWLA, FAF (Front AntiFasciste), Initiative Solidarité avec la Grèce qui résiste, Jeunes FGTB-Charleroi, JOC-Bruxelles, Mouvement Anti-FN (France), PSL-LSP, Syndicalisten TEGEN Fascisme/Syndicalistes contre le Fascisme, USE – Jeunes FGTB,…
Pour signer cet appel, contactez-nous via boris@socialisme.be
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![[DOSSIER] Épreuve de force en Grèce](https://archive.fr.socialisme.be/wp-content/uploads/sites/3/2015/03/Varoufakis_euro.jpg)
[DOSSIER] Épreuve de force en Grèce
La victoire électorale de Syriza a ouvert une nouvelle période dans la lutte contre l’austérité en Grèce et dans toute l’Europe. Et les enjeux pour le mouvement ouvrier ne pourraient être plus élevés. Niall Mulholland a interviewé Nicos Anastasiades de Xekimina (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière), juste après que les dirigeants de Syriza se soient mis d’accord avec l’UE pour une extension de 4 mois du plan de sauvetage.Article publié dans l’édition de mars de Socialism Today (magazine du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et au Pays-de-Galles)
Quel a été l’effet initial de la victoire électorale de Syriza ?
La victoire de Syriza a été un événement historique pour la Grèce et toute l’Europe. Après 4 ans d’austérité dure et de grandes luttes ouvrières qui ont échoué à faire barrage aux coupes budgétaires, surtout à cause du rôle des dirigeants syndicaux et des partis de gauche, l’élection a marqué la première victoire claire sur les représentants politiques de l’austérité. C’était un gain important pour un parti qui a été considéré comme résistant clairement à l’austérité, la Troika (le FMI, la BCE et l’UE) et les principaux partis politiques grecs. Cela a déclenché une explosion d’optimisme et de joie chez les Grecs. Ils ont vu la première possibilité d’inverser l’assaut de coupes budgétaires lâchée sur eux par le mémorandum d’entente – les mesures d’austérité qui font partie de l’accord de prêt avec la Troïka.
Ensemble avec les autres partis de gauche, comme le KKE (le Parti Communiste Grec), le vote de gauche représente une grande partie des électeurs grecs. Ils avaient une grande majorité dans les circonscriptions ouvrières de toute la Grèce, alors que la Nouvelle Démocratie, le parti traditionnel de la bourgeoisie grecque, fait un meilleur score dans les zones plus riches. Il y a eu un sentiment de soulagement très largement éprouvé lorsque le dernier gouvernement Nouvelle Démocratie / Pasok a été évincé dans les sondages. Les Grecs savaient que, s’ils étaient réélus, cela signifierait davantage de mesures d’austérité et de souffrances pour les masses, car l’administration ND/Pasok aurait lâchement accepté une fois de plus le diktat de la Troïka.
Nombreux sont ceux qui, parmi la gauche du monde entier, ont été surpris et consternés que Syriza soit entré au gouvernement avec le parti de droite nationaliste des Grecs Indépendants. Comment les Grecs ont-ils réagi ?
La constitution grecque requiert que, pour former un gouvernement, un parti gagne d’abord un vote de confiance au parlement. Syriza n’avait pas la majorité absolue pour gouverner seule, et a donc cherché une coalition. Sous la constitution, cela signifiait qu’elle devait approcher chaque parti élu jusqu’à ce qu’elle obtienne un accord pour gouverner avec l’un d’eux ou plus. Si le premier parti échoue à former un gouvernement, alors le second parti (Nouvelle Démocratie) aurait essayé d’en former un. Si cela avait échoué, le troisième parti (Aube Dorée) aurait aussi pu essayer.
Syriza et le KKE ont échoué à parvenir à un accord pour se partager le pouvoir (voir notre article à ce sujet). Cela est outrageux du point de vue des intérêts de la classe ouvrière. Chacun blâme l’autre pour ce résultat, mais la vérité est qu’aucun des deux côté n’a jamais eu sérieusement l’intention de former un gouvernement de coalition avec l’autre. La direction de Syriza a clairement indiqué avant le résultat des élections qu’elle était en faveur d’entrer en coalition avec les Grecs Indépendants (GI) et elle n’a fait qu’un appel mitigé au KKE à la rejoindre dans un gouvernement. Cela indique que la direction de Syriza, qui a viré vers la droite sur les quelques dernières années à mesure qu’elle s’approchait du pouvoir, ne voulait pas de la pression d’un autre parti soutenu par la classe ouvrière.
Le KKE, qui adopte une approche sectaire et isolationniste envers le reste de la gauche, a dit qu’elle envisagerait de voter pour les lois progressives mises en avant par le gouvernement Syriza, mais en même temps, les dirigeants du KKE ont déclaré que leurs parlementaires ne donneraient pas leur vote de confiance à Syriza pour former un gouvernement en premier lieu ! Syriza est donc venue au pouvoir sur base du soutien des Grecs Indépendants, avec qui ils ont formé une coalition.
Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL, NDT) argue que c’était une grande erreur de la part de Syriza. Si les dirigeants de Syriza avaient voulu mener une politique en faveur de la classe ouvrière, indépendante des partis capitalistes, ils auraient dû utiliser les jours suivant les résultats de l’élection pour faire un appel de classe direct à la classe ouvrière et aux classes moyennes ruinées pour qu’elles montrent un soutien actif en faveur d’une coalition gouvernementale de gauche. Cela aurait instauré une énorme pression sur les dirigeants du KKE et aurait probablement divisé la base de ce parti. Syriza aurait pu aller au parlement et demander un vote de confiance, appelant le KKE et les partis de gauche à la soutenir. Si cela n’avait pas abouti à une coalition gouvernementale de gauche, Syriza aurait pu alors aller vers de nouvelles élections, présentant un appel de classe et des politiques socialistes, dans lesquelles elle aurait le plus probablement obtenu une augmentation significative de son score – probablement en récupérant des voix du KKE discrédité – pour former un gouvernement majoritaire.
Cependant, beaucoup de Grecs ne considèrent pas la formation d’une coalition par Syriza avec les Grecs Indépendants, qui n’ont que quelques parlementaires, comme un gros problème, mais plutôt comme un mal nécessaire pour que Syeriza prenne le pouvoir. Mais nous devons dire la vérité aux travailleurs à propos des Grecs Indépendants et des dangers de partager le pouvoir avec eux. En formant une coalition avec eux – un parti bourgeois, quand bien même contestataire – les dirigeants de Syriza ont réalisé une forme de collaboration de classe. Les Grecs Indépendants sont issus d’une scission de la Nouvelle Démocratie. Ils représentent une aile de la bourgeoisie grecque qui est contrariée par les diktats de la Troïka et qui voudrait résister pour gagner des conditions plus favorables pour le capitalisme grec. Alors que les Grecs Indépendants adoptent une démagogie anti-troika et « patriotique » et sont souvent plus combatifs que les dirigeants de Syriza en contestant les patrons de la zone euro, ils restent un parti de la classe dominante et, au final, agiront dans les intérêts des patrons.
Les dirigeants de Syriza ont fait une erreur en donnant des positions ministérielles cruciales aux politiciens des Grecs Indépendants ainsi qu’à d’autres politiciens de droite. Le chef des forces armées est maintenant issu des Grecs Indépendants. Le ministre de la police est un ancien membre de la Gauche Démocratique (une scission de droite du Pasok social-démocrate) et un ancien dirigeant du Pasok est à la tête de la police secrète. De plus, le président de la république élu par Syriza est un ex-ministre de la Nouvelle Démocratie! En d’autres termes, les positions clés qui contrôlent l’appareil d’État ont été données à la droite et à des personnalités politiques qui ont la confiance de la classe dirigeante. La droite peut utiliser cela à son avantage si Syriza est considérée comme indigne de confiance par les patrons d’Europe et de Grèce, même si Syriza a fait de gros compromis à la troïka. Et, bien sûr, l’État peut être utilisé contre les militants et les manifestants et la classe ouvrière entière à mesure que la crise s’approfondit. La semaine dernière, les forces de police ont été déployées contre des manifestants au Nord du pays qui voulaient l’arrêt de l’extraction d’or, qui cause des dommages énormes à l’environnement. La police anti-émeutes a aussi attaqué une manifestation en faveur de la fermeture imminente des « camps de concentration » pour migrants à Athènes.
Même si cela ne se présente pas immédiatement, la classe dominante en Grèce a déjà recouru à la force militaire auparavant quand elle faisait face à une montée de la lutte de classe et de la crise économique. Cependant, la classe ouvrière Grecque a un immense pouvoir potentiel et va lutter pour empêcher ce processus de prendre place de nouveau.
Qu’est-ce que Syriza a promis aux travailleurs en prenant le pouvoir ?
Dans ses premiers jours de fonction, le gouvernement Syriza a fait des gestes symboliques importants. Son dirigeant, Alexis Tsipras, a prêté serment en tant que premier ministre sans prêter serment religieux. Il a plus tard été présenter un hommage aux combattants anti-nazis massacrés par l’armée allemande occupante durant la seconde guerre mondiale. Ce sont des événements hautement symboliques pour les Grecs.
Le nouveau gouvernement dirigé par Syriza est aussi apparu comme tenant ses promesses pré-électorales et a annoncé une série de nouvelles mesures populaires. Celles-ci incluent la restauration du salaire minimum au niveau d’avant la crise ; une petite hausse des pensions basses ; l’abolition des frais de visite à l’hôpital et des charges sur les prescriptions ; la fin de la vente forcée des logements de ceux qui ne peuvent pas racheter leurs hypothèques ; l’annulation des privatisations prévues ; la réembauche des professeurs licenciés ; l’abolition du système « d’évaluation » du service civil, qui a été créé pour permettre des licenciements continuels ; la réembauche de plus de 3500 fonctionnaires et travailleurs du secteur public ; le rétablissement de l’ERT comme chaîne d’État et la réembauche de sa main d’œuvre ; et la citoyenneté pour les enfant des immigrants nés et élevés en Grèce.
La promesse de ces politiques, qui doivent encore être votées au parlement, a été accueillie comme un énorme soulagement bienvenu pour les travailleurs grecs, après des années d’austérité. Mais depuis ces annonces, Syriza a eu des positions très compromettantes pendant les négociations avec la Troïka.
Quelle est donc l’approche que Syriza a prise envers la Troïka ?
Syriza a fait beaucoup de pas en arrière rien qu’en entrant dans des négociations avec la Troïka. Toutes les tentatives de courtiser les dirigeants de l’UE par des visites par Tsipras et le ministre des finances Yanis Vroufakis ont échoué. Ils estimaient possible de recevoir le soutien de l’Italie et de la France. Les dirigeants de Syriza regardaient aussi favorablement du côté de l’administration Obama. Certains pays de l’UE paraissaient plus préparés à laisser une marge à la Grèce, non pour des raisons altruistes, mais parce qu’ils comprennent qu’une confrontation directe avec Syriza pourrait conduire à une coupure des négociations, un défaut de paiement de la dette grecque et la sortie forcée du pays hors de la zone euro. Cela aurait des effets désastreux pour les pays de la zone euro, menant à sa dissolution et menaçant même l’existence de l’UE.
Mais, même si les gouvernements de l’UE ont certaines différences d’opinion et d’emphase sur la marche à prendre, ils se réunissent largement en tant « qu’alliés » au sein de l’Eurogroupe dès lors qu’il s’agit des revendications de la Grèce. Aucun gouvernement de l’UE n’a publiquement déclaré son soutien à la Grèce ou n’a offert une assistance pratique réelle à ceux qui souffrent depuis des années des politiques d’austérité. Cela démontre que les seuls vrais alliés de la classe ouvrière grecque sont la classe ouvrière de l’Europe.
Malgré leurs « lignes rouges » antérieures, les dirigeants de Syriza sont entrés dans des pourparlers en acceptant la dette et le besoin de rembourser les emprunts. Ils acceptent également que le processus soit supervisé par les 3 composantes de la Troïka, qui ne seront dorénavant plus appelées « Troïka » mais « institutions ».
Le capitalisme allemand a montré qu’il n’était pas prêt à accepter les revendications de la du gouvernement grec, même modérées. Cela montre le caractère réel de l’euro-zone capitaliste. C’est un outil pour les grandes puissances, comme le capitalisme allemand, pour exploiter les petits pays – c’est à dire, la classe ouvrière de ces pays – de la zone, souvent en collaboration avec la bourgeoisie locale.
Il est clair que le capitalisme allemand veut obtenir une victoire convaincante sur Syriza pour que cela serve d’avertissement à Podemos en Espagne et à tout autre parti anti-austérité sur ce qui se produira dans le cas où la voie de résistance de Syriza serait suivie. Le capital allemand et des alliés de l’UE veulent un accord qui soit au détriment de la Grèce au point que, quelle que soit la façon dont Syriza essaie de le vendre, cela détruise la grande popularité actuelle de Syriza et des nouvelles autorités grecques en Grèce et dans toute l’Europe. De nouveau, le message serait que la résistance, même la plus modérée, est inutile.
Pourquoi Syriza a-t-il signé ?
Le 20 février, les négociateurs grecs ont accepté une extension de 4 mois du programme de renflouement actuel. Il est rapporté que la délégation grecque a été sujette à un outrageux chantage de l’Eurogroupe qui avait pris la décision d’étrangler l’économie grecque en coupant le financement des banques. Il a été dit au gouvernement grec qu’il serait forcé d’instaurer des contrôles de capitaux dans les jours à venir faute de signature.
Les éléments-clé de cet accord sont que la Grèce accepte le cadre du mémorandum pour les 4 prochains mois. Elle n’obtiendra le prochain paiement du programme que si elle est évaluée positivement par la Troïka. La Grèce doit être engagée à rembourser toute la dette à temps, et à utiliser le gros de l’argent collecté par le programme d’austérité pour rembourser la dette. La Grèce ne doit pas prendre de mesures unilatérales. Cet accord est un recul pour le gouvernement grec.
Cela signifie-t-il pour autant une défaite ? Cela dépend de l’atmosphère des masses ouvrières grecques vis-à-vis de la lutte. Les 4 prochains mois ne seront pas une période de trêve, mais bien une période de batailles dans les tranchées. Les mouvements se battront pour étendre leur victoire politique sur l’establishment au niveau du terrain et des lieux de travail. La troïka va lutter pour maintenir Syriza dans le cadre de l’UE. Le gouvernement va se trouver au beau milieu de ces deux pressions. L’issue de cette guerre est une chose qui ne peut être prédite, c’est une bataille entre des forces vivantes.
L’accord de 4 mois a pu empêcher la Grèce de quitter l’euro immédiatement, mais c’est à un prix très élevé. Malgré la tournure positive de Tsipras, Athènes a fait de grandes concessions, y compris en renonçant à demander une dépréciation de sa dette gigantesque. Renommer la Troïka « institutions » et le mémorandum « Accord de Mécanisme de Soutien Financier » n’évite pas la dure vérité que les Grecs vont devoir subir un programme d’austérité.
Syriza proclame qu’il a obtenu le meilleur des accords possibles, sous la pression de la fuite des capitaux hors des banques grecques et de la menace d’un chaos bancaire. « Nous avons gagné du temps », clament les dirigeants de Syriza. Mais du temps pour quoi ? L’accord a vu Athènes devoir proposer des réformes acceptables à ses créditeurs dans l’UE et au FMI. Les propositions de Syriza doivent être approuvées par l’Eurogroupe et la Troïka, avec avril comme échéance pour que la Grèce complète sa liste finale de mesures et qu’elles soient acceptées par la Troïka. Si Syriza n’accepte pas ces diktats, le gouvernement ne pourra pas accéder aux nouveaux prêts dont il a besoin pour arrêter de faire défaut à sa dette de 320 milliards de dollars.
« A une époque de tromperie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire ». Syriza devrait dire la vérité au peuple grec. Si le gouvernement a fait des concessions pour gagner du temps pour implanter un plan stratégique pour vaincre l’austérité, le peuple va le comprendre et se joindre à cette bataille. Mais ne pas le faire illustre tristement la voie que le gouvernement grec paraît prendre, celle de la collaboration de classe avec l’UE et l’élite locale, en acceptant leur agenda.
Un choix autre que celui d’accepter les exigences de la Troïka existait-il ?
Il est vrai qu’un gouvernement socialiste déclaré arrivant au pouvoir contre l’opposition féroce du grand capital aurait bien sûr à faire face à beaucoup de difficultés et peut être forcé de faire quelques concessions tactiques. Mais Syriza ne défend pas de programme socialiste général. Ses dirigeants s’engagent à rester dans l’euro-zone capitaliste quoi qu’il arrive. Cela signifie d’emprisonner les travailleurs grecs dans la camisole de force du capitalisme des patrons de l’UE et d’accepter la logique du « marché unique » et les diktats de la troïka.
Varoufakis a déclaré suite à l’accord avec la troïka que ce dernier autorise la Grèce à modifier ses objectifs budgétaires pour cette année, de sorte d’obtenir un léger excédent, et qu’il existe une «ambiguïté créative» à propos des excédents budgétaires nécessaires à la Grèce au-delà de 2015. Le gouvernement grec dit que cela va permettre de mettre en œuvre certaines « politiques humanitaires ». Il est vrai que quelques milliards d’euros pourraient quelque peu alléger les souffrances des couches de la population les plus touchées. Étant donné que les Grecs ont traversé des années d’appauvrissement terrible avec les anciens gouvernements pro-austérité, tout espoir d’amélioration de leur condition est une lueur dans l’obscurité. Cela peut permettre à Syriza de se préserver du soutien. Pour le moment. Des acquis sociaux limités pour les plus pauvres et les plus touchés par l’austérité peuvent être considérés comme un certain progrès par la classe ouvrière, pour le moment, au moins en comparaison du triste bilan du dernier gouvernement Nouvelle Démocratie/Pasok.
Mais cela ne sera pas suffisant pour concrétiser une série de réformes en faveur d’investissements publics massif dont les travailleurs et leurs familles ont désespérément besoin. Les principales parties du « Programme de Thessalonique » de Syriza, lui-même un recul par rapport aux programmes précédents, vont être reportées, peut-être indéfiniment. Si le gouvernement Syriza accepte les termes et conditions du capitalisme allemand, cela sera vu tôt ou tard par les travailleurs grecs comme un retournement de veste et une capitulation, quelle que soit la manière dont cela soit présenté. Les dirigeants de Syriza oscillent déjà publiquement sur certaines de leurs promesses politiques, comme le rétablissement de l’ERT et celles sur les mines d’or (d’une position de fermeture par les autorités à une simple position d’opposition rhétorique). Alors que Syriza s’était dit opposé à toute nouvelle privatisation, les autorités ont discuté de la possibilité d’impliquer des compagnies privées dans le « développement » des infrastructures.
Quelle est l’alternative défendue par Xekinima ?
Plus de 100 000 personnes se sont rassemblées au centre d’Athènes le 15 février en soutien à la position initiale de Syriza dans les négociations. Le même jour, d’autres grandes manifestations ont eu lieu dans toute la Grèce. Cela a été le plus grand mouvement généralisé depuis février 2012. L’ambiance était combative. Le fascisme et le nationalisme réactionnaire notamment illustré par Aube Dorée ont été mis à l’arrière-plan par le nouveau sentiment de « patriotisme » anti-troika et anti-impérialiste. 60% des électeurs d’Aube Dorée ont dit qu’ils étaient d’accord avec la position de Syriza au gouvernement. Cela montre l’énorme soutien actif potentiel qui pourrait être gagné pour une lutte déterminée contre la troïka sur un programme socialiste clair. Même si Syriza collait fermement à son programme de Thessalonique, les travailleurs et les plus pauvres en Grèce se seraient mobilisés avec enthousiasme en soutien de son application, avec le soutien actif des travailleurs de toute l’Europe, défiant leurs propres gouvernements austéritaires.
Cela aurait demandé que Syriza négocie avec la troïka devant la classe ouvrière, en démasquant le rôle de l’Allemagne et des autres puissances capitalistes Européennes anti-ouvriers. Cela signifie de dire non à tout remboursement supplémentaire des prêts onéreux de la troïka et une répudiation unilatérale de la dette. Si les puissances de l’UE répondaient en menaçant d’exclure la Grèce de l’euro-zone, un gouvernement socialiste préparerait la classe ouvrière à l’action nécessaire dans cette situation. Il introduirait immédiatement un contrôle des capitaux afin de stopper la fuite de capitaux hors de Grèce par les grands investisseurs capitalistes.
L’évasion et la fraude fiscales endémiques des riches et des grandes entreprises, qui coûtent des milliards qui pourraient être dépensés à la création d’emplois et au paiement des services, doit être arrêtée en expropriant ces entreprises pour les placer sous contrôle des travailleurs et en taxant les riches. La bureaucratie grecque connue pour sa corruption, son incompétence et son inutilité peut être surmontée par le contrôle ouvrier et l’instauration d’un salaire des hauts fonctionnaires identique à celui des ouvriers qualifiés.
L’introduction d’une nouvelle drachme offrirait-elle une issue ?
Si cela n’est pas lié à un programme socialiste, cela se révélerait désastreux pour les travailleurs. Cela provoquerait une dévaluation massive, qui anéantirait les économies de millions de personnes. Une nouvelle monnaie nécessiterait donc d’être liée à des mesures plus larges, y-compris l’introduction du monopole d’État sur le commerce extérieur pour élaborer une planification des exportations et des importations qui répondrait aux besoins du peuple grec. Cela exigerait la nationalisation du transport maritime et des principaux secteurs de l’économie – y-compris le système bancaire et les grandes entreprises industrielles, le commerce et les services – sous contrôle et gestion publics et démocratiques, afin de commencer à développer une économie démocratiquement planifiée.
Cela créerait de la richesse pour les masses, pas pour l’élite. Ces mesures recevraient un énorme soutien de la part de la classe ouvrière d’Europe et inspirerait les nouveaux partis de gauche à lutter pour le pouvoir et pour prendre des mesures similaires. Pour les patrons de l’UE, pour l’exploitation capitaliste et pour l’OTAN belliciste, cela serait le début de la fin. La question d’une fédération socialiste d’Europe, sur base libre et égale, serait alors posée.
Quelles sont les perspectives pour la gauche grecque ?
Syriza est, en fait, un « front populaire » de différentes forces et tendances. Il y a de grandes divergences en son sein. Même si les parlementaires de Syriza tendent à être plus à droite, des tensions et divergences parmi le conseil ministériel ont été rapportées. La base a peu ou aucune chance de prendre part aux décisions importantes, comme quand les parlementaires de Syriza ont voté pour le candidat de la Nouvelle Démocratie au poste de président de la république. Même si la prise du pouvoir par Syriza a été entourée d’un climat d’optimisme, de plus en plus de couches de la classe ouvrière, des militants et une partie de la base de Syriza remettent en question les actes de la direction. Ils sont prêts à une résistance de masse continue contre la troïka et les patrons grecs, comme le sont les meilleurs membres de base ouvriers de KKE et d’autres groupes de gauche.
La classe ouvrière sera prête à donner du temps au nouveau gouvernement de façon à voir si ses politiques seront en mesure de la sortir de la misère de l’austérité. Mais elle ne va pas attendre longtemps. Les masses ont l’exemple du Pasok en 2010, qui avait été élu sur une étiquette anti-austérité mais a imposé les politiques exactement inverses. L’amélioration des vies des millions dans le carcan de l’UE va rapidement se révéler une illusion. Et le rôle de la gauche révolutionnaire au cours de ce processus va être crucial. Il y a un besoin urgent d’une puissance politique non-sectaire à gauche de Syriza pour pousser le gouvernement à gauche là où c’est possible, mais pour s’opposer à tout virage à droite qui va finir par arriver.
Xekinima est au centre de « l’Initiative des 1000 », une coalition de forces de gauche à l’intérieur et à l’extérieur de Syriza. Elle appelle à l’unité maximale des militants de gauche sur base d’un programme socialiste, anticapitaliste et anti-austérité de principe. La prise du pouvoir par Syriza a ouvert un nouveau chapitre agité dans la société grecque, qui appelle des luttes de classe majeures. Les syndicats seront eux aussi affectés par ces développements et les débats intenses qui s’ouvrent au sein de la gauche et des travailleurs sur la voie à suivre. Faire campagne pour des syndicats combatifs et démocratiques afin de résolument résister aux coupes budgétaires et aux privatisations, quel que soit le parti au pouvoir, est un objectif-clé. Le facteur le plus décisif de la prochaine période sera la capacité de la classe ouvrière à se mobiliser et à marquer les événements de son empreinte, à la fois politiquement et sur les lieux de travail.
Si la gauche réussit à poser les bases d’une société socialiste, cela va faire tâche d’huile dans toute l’Europe et va changer le cours de l’Histoire. Si la gauche échoue à montrer la voie, les classes moyennes et de grandes parties de la classe ouvrière pourraient être à la merci de la frustration et de la démoralisation. Cela pourrait paver la voie à un retour de la Nouvelle Démocratie et d’autres partis pro-austérité, et même à une nouvelle croissance du parti d’extrême droite Aube Dorée. Les enjeux ne pourraient pas être plus élevés pour la classe ouvrière grecque et européenne.
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La lutte des classes en Europe : le calme avant la tempête
Rapport des discussions sur les perspectives en Europe, école d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière
L’économie mondiale n’est toujours pas sortie de la crise dans laquelle elle est depuis 2007-08. Le dernier rapport de l’OCDE lui-même le concède : s’il y a une certaine « reprise », les problèmes et les risques de rechute sont toujours autant présents. Si l’on s’attarde sur la soi-disant « reprise », on se rend vite compte qu’elle est inconsistante, loin des niveaux d’avant 2007, basée essentiellement sur de l’endettement et des aléas conjoncturels, et est sans véritable création d’emplois. La faible reprise actuelle ne profite qu’aux plus riches et est dans les faits plus une croissance des inégalités qu’une croissance de l’économie, car pour la majorité de la population il n’y a que de l’austérité.
Par Baptiste (Nivelles)
Cette situation dans les pays capitalistes avancés n’est pas tellement nouvelle, car la croissance molle sans emploi creusant le fossé entre riches et pauvres est la tendance du capitalisme dans sa version néolibérale, ces 40 dernières années. La crise actuelle ne fait qu’accentuer ces traits, démontrant encore un peu plus que le système est arrivé aux limites de ses capacités de développement, au-delà de l’incapacité des dirigeants à trouver des politiques économiques « miracles ». En France, en Espagne, au Portugal et en Italie notamment, les premiers trimestres de 2014 présentaient d’ailleurs une croissance négative. Dans ce dernier pays, on estime même que 32.000 entreprises ont disparu depuis le début de la crise, et que plus globalement la capacité industrielle a baissé de 20% sur ce laps de temps.
Les classes dirigeantes se rassurent comme elles peuvent de l’impasse économique
Les récentes mesures monétaires de la Banque Centrale Européenne, dont la mise en place d’un taux d’intérêt négatif pour les dépôts auprès de la BCE, fournit un nouvel exemple de l’impasse économique. Les robinets à liquidité ont beau être ouverts à fond, cela ne se traduit ni en une hausse des investissements (l’absence de possibilité de développement structurel de l’économie capitaliste ne le permet pas), ni en une hausse de la consommation (la détérioration du pouvoir d’achat et des conditions de vie par les politiques d’austérité ne le permet pas).
A la place d’être investis, les profits et liquidités sont entassés par les capitalistes dans les paradis fiscaux et utilisés dans la course aux profits immédiats favorite des capitalistes, à savoir la formation de bulles spéculatives, aussi néfastes soient-elles pour l’économie. L’euphorie générée sur les marchés financiers est par conséquent totalement déconnectée de la réalité et le risque de rechute, de « correction » au moment de l’inévitable explosion des bulles sera d’autant plus brutale. Les crises bancaires peuvent alors être ravivées, en sachant que le secteur comporte toujours de nombreux stigmates de 2007-08. Au Portugal, l’Etat a d’ailleurs du injecté plus de 4 milliards € dernièrement dans la banque Espirito Santo pour éviter la dissémination de défauts de paiements de dettes à l’ensemble du secteur bancaire.
En l’absence d’une solution réelle pour l’économie, le spectre de la déflation, symptomatique d’une stagnation économique, continue de hanter les dirigeants capitalistes et si un tel scénario venait à se concrétiser, les effets négatifs sur la consommation, les investissements et les dettes seraient démultipliés.
A l’heure actuelle, sur base de l’accalmie accompagnant l’atmosphère de soi-disant reprise, la crise de la zone euro et ses scénarios d’implosion ont pu être mis plus ou moins de côté. Mais cela n’a rien d’absolu et les différents scénarios de fin de la zone euro peuvent rapidement reprendre le devant de la scène en cas de nouvelles tensions sur les dettes souveraines. En Grèce, cela peut aussi être précipité en cas de victoire de Syriza aux prochaines élections législatives. Car même si Tsipras met de plus en plus l’accent sur des négociations avec Merkel et l’establishment européen pour résoudre le problème de l’insolvable dette grecque, la possibilité existe qu’il soit mis sous pression par les masses en Grèce et qu’il soit poussé plus à gauche qu’il ne l’aurait voulu. Une telle radicalisation de sa position sur le sort à réserver à la dette publique catalyserait inévitablement les tensions dans la zone euro.
Les instruments politiques traditionnels de la bourgeoisie en pleine crise de légitimité
Les dernières élections européennes étaient marquées du sceau de cette crise systémique. La crise du capitalisme s’accompagne du discrédit historique des institutions bourgeoises, en particulier les partis traditionnels dont la tâche est de faire payer la crise aux travailleurs à coup d’austérité. La colère et le dégout à l’encontre du système et de son establishment s’est traduit dans les votes par un rejet généralisé des partis gouvernementaux. Pour chaque pays, on peut trouver des exemples d’érosion du soutien et même d’effondrement de partis traditionnels.
En France, le PS de Hollande se retrouve à 13%, soit une baisse de soutien record 2 ans à peine après les élections présidentielles ; le Pasok est à 8% au sein d’une coalition de « centre-gauche » en Grèce ; le Labour est à 5% en Irlande ; le PSOE et le PP ensemble sont sous les 50%, une première depuis la fin de l’ère Franco, etc. L’Italie est une fausse exception qui confirme la règle, car le PD de Renzi (40%) a joué la carte de la sanction contre Berlusconi. Cette lune de miel ne devrait pas durer au vu du programme de Renzi fait de privatisations et de coupes budgétaires pour 34 milliards € sur les prochaines années. Renzi est en fait déjà tellement désespéré de sa situation qu’il voudrait d’inclure le marché noir dans le calcul du PIB pour tenter de régler artificiellement les problèmes économique.
En moyenne, l’abstention était de 57% et dans certains pays comme la Slovaquie ce taux a atteint 87% ! La croissance de l’instabilité politique s’accompagne d’une radicalisation et d’une polarisation. Là où des luttes de masse ont pris place dans la dernière période et ont donné une certaine confiance à la classe ouvrière, ce rejet a pu s’exprimer partiellement à gauche comme c’est le cas en Espagne (Podemos, IU) et en Grèce (Syriza) en particulier. Mais l’avertissement de ces élections est qu’en l’absence d’un plan d’action pour transformer et organiser la colère et le dégoût, en l’absence d’une alternative politique au capitalisme en crise, l’espace politique est offert aux forces réactionnaires, qu’il s’agisse de populistes de droite ou même de l’extrême droite (UKIP en Grande-Bretagne, Aube Dorée en Grèce, FN en France, le parti Jobbik en Hongrie, les Démocrates Suédois…).
La situation grecque semble contradictoire avec un score de 10% pour Aube Dorée et la place de premier parti pour Syriza. Cela est pourtant illustratif de la polarisation à son paroxysme dans un capitalisme en déliquescence. Un million de grecs sont aujourd’hui sans le moindre revenu, et on estime que le pouvoir d’achat a diminué en moyenne de 50% en quelques années, le chômage dans la jeunesse est de 60% et les services publics ne cessent d’être désintégrés. L’incapacité des directions syndicales à organiser la lutte à un niveau supplémentaire, le sectarisme du KKE et les concessions programmatiques de la direction de Syriza donnent de l’espace aux réactionnaires pour détourner l’attention du mouvement ouvrier. A côté de l’avertissement qu’est Aube Dorée, il faut également noter l’abstention aux dernières élections (plus de 50%), qui masque la perte de 150.000 voix pour Syriza par rapport aux élections de juin 2012, et ce malgré le maintien des 26%.
En France, c’est toute la nouvelle stratégie du FN qui est orientée de sorte à tirer le plus profit de la colère et du manque d’alternative, manque d’alternative notamment dû au flou dans l’orientation du Front de Gauche et au défaitisme de Mélenchon lui-même. Sur fond de discrédit du PS et de scandales à l’UMP, le FN de Marine Le Pen est passé d’une rhétorique ouvertement raciste à un populisme de droite contre l’establishment européen. Car ce qui a primé dans le succès du FN, ce sont bien des questions sociales et non nationalistes ou racistes. Même l’attitude par rapport aux grèves, comme celle des cheminots, a changé puisqu’à la place d’une attaque frontale contre les droits syndicaux il y avait un soi-disant soutien à la grève. Ce virage stratégique n’est que cosmétique et ne doit pas leurrer les travailleurs, le programme réactionnaire du FN restant ancré à l’extrême-droite. Il ne remet jamais en cause le système capitaliste en soi, attribue la crise à des boucs émissaires, et ne comporte au final que des attaques sur nos conditions de vie et de travail.
Il reste fondamental de s’opposer de manière principielle aux idées d’extrême-droite comme le racisme et la xénophobie. Mais il est indispensable de coupler à cette lutte une réponse socialiste aux frustrations et inquiétudes en l’avenir de la classe ouvrière sur lesquelles les populistes de droite et l’extrême droite peuvent faire leur chemin si le terrain leur est laissé. Ce n’est qu’avec cette méthode, à savoir la mobilisation et la réponse politique à la crise du capitalisme, que l’on peut battre de manière significative l’extrême-droite et les populistes de droite.
La question nationale, autre contradiction insolvable pour le capitalisme, reste à l’avant-plan en Europe et en particulier en Ecosse où aura lieu un référendum pour l’indépendance en septembre prochain. Le désir d’indépendance est toujours plus prononcé parmi les jeunes et les travailleurs, qui désirent se défaire de la tutelle d’austérité qu’est l’establishment britannique. Une victoire du « oui » serait une nouvelle défaite de prestige pour l’impérialisme britannique et relancerait une dynamique pour l’indépendance dans les autres pays européens où une question nationale existe.
Il est crucial pour la gauche de coupler la nécessité d’unité du mouvement ouvrier au droit à l’autodétermination et à l’indépendance, car seul le renversement du capitalisme par la lutte des classes permet de donner une vraie signification à l’indépendance et l’accès aux droits démocratiques pour toutes les minorités. A nouveau, en l’absence d’un relais politique pour le mouvement ouvrier, le danger existe que la droite et les nationalistes instrumentalisent la question nationale pour détourner l’attention des problèmes sociaux et divisent les travailleurs sur des différences secondaires.
Les nouveaux partis de gauche confrontés au défi d’offrir une alternative au capitalisme
Dans le contexte de crise du capitalisme et de polarisation dans la société, les développements que peuvent subir de nouvelles formations de gauche peuvent être très rapides. Lors des dernières élections européennes, l’Espagne a fourni un bon exemple. A côté d’Izquierda Unida qui confirme sa position avec un résultat de 10%, le tout récent parti de gauche « Podemos » issu du mouvement des indignés a réussi une percée électorale à hauteur de 8%. Dans les derniers sondages, Podemos atteint même la côte de 20% de soutien.
Cela illustre que tout l’espace politique à gauche n’a pas été saisi par IU, et qu’une formation encore peu structurée mais qui s’oriente contre le capitalisme, même avec certaines confusions programmatiques, peut rapidement générer l’enthousiasme. Il est également remarquable de noter l’évolution de la conscience que signifie Podemos : l’expérience du PP au pouvoir ces dernières années a fait passer le sentiment antiparti et antipolitique du mouvement des indignés à la recherche d’une organisation politique à travers un nouveau parti de gauche. Cela ne doit pas pour autant occulter les faiblesses de telles nouvelles formations de gauche, qui peuvent provoquer des chutes très rapides si elles ne sont pas corrigées. Dans le cas d’IU, sa participation gouvernementale en Andalousie avec le PSOE et l’orientation de la direction autour de Meyer en un parti de gestion du système pose des limites politiques qui peuvent s’avérer fatidiques pour l’avenir d’une organisation voulant offrir un relais politique aux travailleurs.
La rapidité des développements concernant les partis de gauche nécessite de la réactivité et de la flexibilité tactique de notre part pour parvenir à formuler la nécessité d’un front unique contre l’austérité de la manière la plus optimale, avec les couches les plus avancées de la classe ouvrière en-dehors et au sein des différentes formations où prennent place des contradictions et des polarisations, comme c’est le cas dans Podemos et IU. Cette approche vaut aussi en Grèce (Syriza), en Allemagne (Die Linke), etc.
La période actuelle que traverse la lutte des classes en Europe peut être caractérisée comme une période d’accalmie, voire de recul. Cela n’est pas à imputer au manque de combativité et de recherche d’action de la classe ouvrière. Les 36 grèves générales de ces dernières années en Grèce, épicentre de la crise des dettes souveraines en zone euro, les mobilisations de millions de personnes au Portugal et en Espagne, ou encore les dernières grèves de millions de travailleurs du secteur public en Grande-Bretagne ou de ceux des services de la ville de Gênes suffisent a démontré le contraire. L’impasse provient de l’incapacité et du refus des directions syndicales d’organiser cette colère et d’offrir des perspectives aux luttes. Dans cette situation, la frustration et la fatigue reprennent le dessus, à quoi s’ajoute un niveau de conscience faible encore marqué par la chute de l’URSS.
Mais ce recul, s’il permet à des forces réactionnaires d’occuper temporairement le terrain, n’est pas une défaite décisive pour autant pour les travailleurs. Il s’agit d’un temps de latence, durant lequel les expériences des dernières années sont en train d’être digérées. Une lutte victorieuse peut rapidement renverser la dynamique dans ce contexte. Et bien que la bureaucratie syndicale continuera à rechercher des compromis avec les classes dirigeantes, ce frein n’est pas absolu et les luttes peuvent échapper au contrôle de la direction. Beaucoup de rage est présente et une étincelle peut tout redémarrer. Les répressions accrues et systématiques démontrent clairement que c’est un scénario craint par les classes dominantes.
Des tensions inter-impérialistes en recrudescence
La phase de crise du capitalisme s’accompagne d’un accroissement des tensions interimpérialistes. Les scandales d’espionnage, comme celui de Merkel par la NSA, et les amendes record attribuées à BNP par les autorités américaines illustrent les rivalités entre impérialistes ravivées par la crise. Et si ces rivalités ne sont pas des obstacles infranchissables pour réaliser des accords économiques et politiques, il est certain que les blocs et les alliances n’ont rien d’immuables en cas de conflits.
Ces tensions peuvent aussi se concrétisent en conflits locaux, bien que ces conflits comportent à chaque fois en eux le risque d’un enlisement et d’une régionalisation. L’Ukraine est le terrain de jeu actuel de la confrontation entre impérialistes US, européens et russes. Au départ, le mouvement de protestation massif de la place Maïdan du début d’année était orienté contre la corruption style « Poutine » du gouvernement de Ianoukovytch. Initialement, il n’y avait pas de domination « pro-UE » du mouvement, ou encore même par l’extrême-droite. Mais l’absence d’une expression politique indépendante pour les jeunes, les travailleurs et les pauvres ainsi que les complications du stalinisme dans la conscience ont permis aux réactionnaires d’occuper l’espace.
L’UE a installé son gouvernement d’oligarques à Kiev, incluant des forces d’extrême-droite, tandis que Poutine s’est appuyé sur une propagande patriotique et soi-disant anti-fasciste pour intervenir militairement dans les régions à majorité russophone comme l’Est de l’Ukraine et la Crimée. Cette dernière région a même été annexée pour l’occasion, la Russie utilisant l’organisation d’un soi-disant « référendum pour l’indépendance » pour légitimer ses actes.
Derrière les prétextes démocratiques de part et d’autre, les réels intérêts stratégiques en Ukraine sautent aux yeux avec la position du pays dans les échanges commerciaux, en particulier énergétiques. Que ce soit pour Poutine ou les Européens, si le conflit leur permet de rétablir temporairement un certain prestige, aucun des problèmes n’est en passe d’être réglé avec la tournure en guerre civile sectaire et la destruction d’infrastructures dont la population paye le prix fort (pénuries en eau potable, gaz, électricité,…). Et il est peu probable que la lune de miel du gouvernement « européen » du milliardaire Porochenko à Kiev dure, car l’arrivée des réformes du FMI n’apportera que de nouvelles crises sociales.
Chaque région, chaque pays a des spécificités, mais notre point de départ doit être de construire l’unité et l’indépendance de la classe ouvrière, à travers une unité d’action des jeunes et des travailleurs contre la guerre autour d’un programme socialiste et internationaliste. Dans ce sens-là, le droit à l’autodétermination peut prendre un vrai contenu alors qu’il est illusoire de s’imaginer qu’une simple séparation puisse amener des meilleures conditions de vie sous le capitalisme. Il n’y a aucun soutien même critique à avoir que ce soit à Poutine ou au gouvernement des oligarques de Kiev. Cette approche de classe est le seul moyen pour éviter une instrumentalisation du mouvement par les différents intérêts impérialistes s’appuyant sur des forces d’extrême-droite et faisant dériver le mouvement en une guerre civile sectaire.
Luttons contre l’Europe capitaliste, pour une Europe socialiste !
Dans un contexte international de révolutions et contre-révolutions, le capitalisme est dans une tourmente et est incapable de résoudre le moindre de ses problèmes, que ce soit économique, politique ou social et ne propose qu’une austérité sans fin. Les nouvelles technologies, quand les capitalistes arrivent à les intégrer dans les forces de production, n’apportent plus aucun progrès pour les travailleurs et ne sont plus que des tueurs d’emplois.
Bien qu’empêtrées dans une crise sans issue, les classes dirigeantes européennes préparent leur prochaine offensive d’ampleur pour nous faire payer la note de la crise. Ce nouveau coup fumant (plutôt pestilentiel) encore en gestation s’intitule « TTIP », plus connu sous le terme de traité transatlantique, et n’est rien d’autre que le cadre pour une zone de libre-échange équivalent à 40% du PIB mondial.
Pour les capitalistes, cet accord permettrait soi-disant de stimuler la croissance. En vérité, il s’agit de stimuler les profits, en accentuant les attaques sur les conditions de travail et de vie à travers un nivellement par le bas des réglementations sociales et sanitaires et un détricotage supplémentaire des services publics. Il n’y a par exemple aucun doute que l’exploitation du gaz de schiste à grande échelle est dans le collimateur du traité avec de telles mesures de dérégulations. Certains économistes bourgeois pronostiquent même la perte d’un million d’emplois de chaque cote si l’accord était validé.
Parallèlement, le traité permettrait de renforcer « l’atlantisme » dans les conflits géopolitiques, notamment vis-à-vis de la Chine et de la Russie. La cerise sur le gâteau serait l’habilitation d’une cour d’arbitrage au-dessus des appareils judiciaires nationaux, généralisant la possibilité de réaliser des procès contre des Etats qui mettraient « en péril » les profits des entreprises. Ce n’est pas un hasard que sur les 130 réunions de préparation aux négociations, les multinationales étaient représentées à 120.
Cette norme de paupérisation n’est pas propre aux pays capitalistes avancés, loin de là : son expression brutale dans les pays néocoloniaux s’accompagne d’un flux migratoire pour des dizaines de millions de pauvres quittant le peu qu’ils ont à la recherche d’une vie meilleure notamment en Europe, et ce au péril de leur vie.
Le capitalisme a fait son temps, la classe ouvrière a un rôle décisif à jouer pour renverses ce système. Tant que ce système n’est pas abattu, il continuera de nous faire payer la note de son pourrissement. Notre tâche est de formuler des perspectives, des tactiques et un programme corrects, pour construire le parti révolutionnaire et accroître nos rangs en gagnant au socialisme les couches les plus avancées du mouvement ouvrier. Les perspectives ne sont jamais des certitudes à 100%, mais il est essentiel de se préparer politiquement et dans la construction de nos forces pour mettre toutes les chances de notre côté.
