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  • Angleterre : Après les émeutes, la répression… Que faire?

    L’Angleterre aura vécu au rythme des émeutes durant le début du mois d’août. Plusieurs grandes villes du pays ont connu des explosions de colère et de désespoir parmi les jeunes dans les quartiers populaires. Londres, Birmingham et Manchester ont été particulièrement touchés. A moins d’être aveugle ou de mauvaise foi, n’importe quel commentateur aura été capable de faire le parallèle entre ces évènements et la précarité de la situation sociale dans laquelle se trouve la jeunesse. Le chômage des jeunes atteint des sommets. Il est de 23% sur l’ensemble de Londres, et encore beaucoup plus élevé dans certains quartiers. Cette situation a conduit à parler d’une ‘‘génération perdue’’ pour toute une couche de jeunes peu qualifiés qui, faute d’avoir un emploi de qualité, se retrouvent mis au ban de la société.

    Par Baptiste (Wavre)

    Le reflet d’une situation sociale désastreuse…

    Les travailleurs du secteur social l’attestent : l’absence d’un véritable emploi avec un vrai salaire est la première cause de l’exclusion sociale. Les politiques néolibérales, qui ne cessent de s’attaquer aux salaires et à la qualité des contrats, ont fini par casser toute possibilité de se projeter dans l’avenir pour les nouvelles générations. Les discriminations parmi les étrangers ou personnes d’origine étrangère n’ont fait que rajouter de l’huile sur le feu. Les capitalistes ont toujours cherché à diviser la classe ouvrière pour mieux régner, et ont toujours utilisé toutes les différences à cette fin. Ces discriminations se retrouvent jusque dans la vie quotidienne dans les quartiers populaires avec des interpellations policières arbitraires.

    D’ailleurs, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres n’est rien d’autre que le mépris des responsables de police auquel ont fait face les proches de Mark Duggan, un jeune de Tottenham d’origine étrangère, après que celui-ci ait été abattu par la police. Le chômage de masse et le harcèlement de la police ont conduit à une situation explosive et à travers les émeutes, il ne s’agit de rien d’autre que de l’irruption du désespoir face à l’absence de perspective en l’avenir parmi des milliers de jeunes.

    …causée par les politiques néolibérales

    Les récentes coupes budgétaires réalisées par le gouvernement Cameron dans différents services publics et dans les services d’aide à la jeunesse sont autant de gouttes qui font déborder un peu plus le vase. Les bourses d’études, qui permettaient à beaucoup de jeunes des milieux ouvriers de poursuivre des études, ont été supprimées et les frais d’inscription ont été quant à eux revus à la hausse. Connexions, un service de conseil pour les jeunes vis-à-vis de l’emploi, a également été supprimé. Malgré tout cela, le gouvernement Cameron s’éntête à considérer que ces évènements sont le fruit d’une violence aveugle, sans la moindre cause sociale. Il compte d’ailleurs aller encore plus loin, puisqu’il propose de supprimer les allocations sociales pour les familles des jeunes qui auraient été impliqués dans les émeutes. Le gouvernement ConDem n’hésite d’ailleurs pas à encourager la délation pour cerner les jeunes en question.

    Cameron compte faire de la répression un enjeu de prestige de son mandat. Il voudrait ainsi donner l’illusion que son gouvernement néolibéral est capable de résoudre les problèmes de la société. Dans ce sens, résumer les émeutiers à des voyous ou à des criminels de droit commun est un raccourci qui pourrait lui faciliter la tâche. Le New Labour a beau dénoncer cette stratégie et pointer du doigt les problèmes sociaux à résoudre, ils ne sont pourtant pas moins responsables des politiques néolibérales des 20 dernières années. Si les capitalistes ont pu tellement s’enrichir sur le dos des travailleurs durant toutes ces années, c’est aussi grâce aux politiques néolibérales que le New Labour a mené lorsqu’il était au pouvoir.

    Les émeutes ne sont pas ‘‘un pas vers la révolution’’

    Les conséquences dramatiques de ces évènements sont inquantifiables pour la classe ouvrière. Pour de nombreux travailleurs, il s’agit juste d’un cauchemar s’ils se retrouvent sans emploi suite au pillage des commerces, sans leur voiture pour se rendre au travail ou pire si c’est le logement qui a été détruit. A présent que le gouvernement Cameron utilise les émeutes pour justifier des mesures sécuritaires antisociales, cela ouvre également la porte à des attaques contre les organisations du mouvement ouvrier, et en défénitive à des attaques sur les conditions de vie et de travail. Finalement, les émeutes permettent au gouvernement d’adopter une attitude encore plus antisociale.

    Il est déplorable de voir certaines organisations de gauche comme le Socialist Workers Party déclarer que les émeutes et les pillages peuvent montrer la voie de la révolution. En Tunisie et en Egypte, ce ne sont pas ces types d’actions qui ont permis à la jeunesse de chasser les dictateurs. L’unité du mouvement ouvrier est indispensable pour arriver à de tels mouvements de masses capables de faire chuter des gouvernements. Or, la violence désordonnée, qui s’attaque d’ailleurs également aux conditions de vie des travailleurs, tendent au contraire à former des brèches dans cette unité. D’autant plus qu’à présent cela a permis à l’establishment de criminaliser encore plus la jeunesse et les minorités ethniques.

    Le gouvernement ne sera vaincu que si nous construisons un mouvement massif et uni de tous ceux qui sont touchés par les coupes budgétaires et les politiques néolibérales. En outre, la classe ouvrière organisée dans les syndicats doit jouer un rôle-clé. L’échec des dirigeants syndicaux à mener une telle lutte explique que la colère parmi la jeunesse précarisée n’ait pas été canalisée politiquement mais se soit exprimée par des explosions de désespoir. La campagne Youth Fight For Jobs (Jeunes en lutte pour l’emploi), initiée par le Socialist Party (section de notre Internationale en Angleterre et Pays de Galles) et soutenue par plusieurs syndicats, a pourtant illustré le potentiel pour une lutte commune des jeunes avec les syndicats. Cette situation de précarité dans la jeunesse n’est pas propre à l’Angleterre. En Belgique, la presse a évoqué que de tels événements pourraient également se produire, tout simplement parce que les mêmes symptômes du néolibéralisme sont présents dans les quartiers pauvres des grandes villes. En mettant sur pied la campagne ‘Jeunes en lutte pour l’emploi’ avec des sections jeunes des syndicats et d’organisations de gauche, nous sommes intervenus dans les quartiers, écoles, entreprises… pour organiser des couches de jeunes autour d’un programme politique pour défendre de réelles perspectives d’avenir. Des premiers pas concluants ont été réalisés dans plusieurs régions, avec l’organisation d’assemblées et de marches combatives, qui ont systématiquement obtenu un écho positif. Mais si cet écho positif a été en grande partie passif jusqu’à présent, la perspective du prochain gouvernement d’austérité risque de fort de faire passer de nombreuses personnes à l’action.

    Pour un parti politique de masse des jeunes et des travailleurs

    La responsabilité des dirigeants syndicaux est grande. Ces derniers mois ont eu lieu des protestations massives en Angleterre, comme le mouvement contre les coupes dans l’enseignement ou encore la grève du secteur public du mois de juin. Plutôt que d’éparpiller les différentes luttes chacune de leur côté, il s’agit à présent de contre-attaquer avec la mise en place d’un plan d’action contre les économies et pour un avenir pour les jeunes. C’est la condition pour ne pas laisser l’espace au gouvernement ConDem de renforcer son appareil répressif et sa persécution des jeunes et des minorités.

    En définitive, un tel mouvement aura besoin d’un relais politique : un parti de masse des jeunes et des travailleurs, qui défende la possibilité pour tous d’avoir accès à un emploi, à un logement, à un enseignement, à des soins de santé… de qualité. Nous pensons qu’un tel programme doit être lié à une perspective de société socialiste, où la production des richesses ne profite pas à une poignée de nantis de la City mais soit planifiée démocratiquement pour répondre aux besoins des jeunes et des travailleurs.

  • Grande-Bretagne: Nationalisation du groupe Murdoch !

    Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.

    Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.

    Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!

    D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.

    Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.

    Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’

    Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !

    Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’

    Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.

    Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.

    Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.

    La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?

    Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.

    De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.

    Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.

  • La Belgique, paradis fiscal pour les grandes entreprises

    Ces dernières années, l’impôt sur les sociétés a fortement diminué en Belgique, c’est le moins que l’on puisse dire. Le taux officiel de 33,99% n’est plus encore payé que par des PME naïves. Certaines entreprises ont à peine été imposées, voire même pas du tout. Cette tendance n’a été que renforcée par la Déduction des Intérêts Notionnels. Les données des 500 plus grandes entreprises ont été examinées, et le PTB (Parti du Travail de Belgique) en a publié un aperçu.

    Beaucoup de grandes entreprises n’ont tout simplement pas payé d’impôt en 2009: AB Inbev, Groupe Bruxelles Lambert, Arcelor Finance, Solvay, Dexia Investment Company, Umicore, KBC, Pfizer,… tandis que d’autres en ont à peine payé. Les 50 sociétés qui ont payé le moins d’impôt (sur une liste de 500) ont en moyenne été imposées à hauteur de… 0,57% ! C’est bien loin du taux officiel, et même plus bas que le taux appliqué en Irlande. Là-bas, le taux d’imposition pour les sociétés est de 12%, ce qui a été introduit avec l’argument qu’une telle mesure ne pourrait qu’attirer des entreprises à venir s’installer dans le pays. Au niveau fiscal, nous assistons depuis quelques années déjà à une course vers le bas entre les divers pays, c’est à celui qui imposera le moins les grandes entreprises. A ce titre, notre pays fait figure d’exemple.

    Ici et là, on fait des remarques sur ces chiffres, généralement sans aller plus loin qu’en faisant remarquer que les structures internes des grandes compagnies sont compliquées, ce qui fait qu’une de ses branches peut ne pas payer d’impôt tandis qu’une autre bien. Dans le cas d’Anheuser-Busch Inbev, concrètement, cela veut dire qu’aucun impôt n’est perçu sur un montant de 6,378 milliards d’euros de bénéfice, et que d’autres branches d’AB Inbev payent un impôt, mais sur des sommes bien plus petites.

    Pour les grandes entreprises, Saint Nicolas a été très généreux ces dernières années, les cadeaux-fiscaux n’ont pas manqué! Quant à la Déduction des Intérêts Notionnels, c’était la cerise sur le gâteau, un élément saisi par les patrons pour vendre notre pays à l’étranger et dire à quel point il était intéressant. Mais les mêmes, dans notre pays, n’ont de cesse de parler de la trop haute pression fiscale de Belgique. Cette rhétorique ne tient pas la route. Dans la pétrochimie par exemple, les grandes entreprises ne payent quasiment pas d’impôt: ExxonMobil paye 1.019 euros d’impôt sur un profit de 5 milliards d’euros, BASF 126.000 euros sur un profit de 579 millions d’euros (0,02%), Bayer 5,7 millions d’euros sur un profit de 192 millions d’euros (2,99%). Ce genre de pourcentage est devenu la norme dans le monde des grandes entreprises.

    Toutes ensemble, les 50 entreprises qui ont payé le moins d’impôt auraient dû payer 14,3 milliards d’euros en plus si le taux de 33,99% avait été respecté. Mais, sur un total de 42,7 milliards d’euros de profit, seul un montant de 243 millions d’euros a été perçu.

    Ces chiffres ont évidement une incidence sur nombres de discussions qui ont actuellement lieu. Premièrement, tout comme nous l’avons dit ci-dessus, il est clair que la rhétorique selon laquelle le patronat paierait de trop hautes taxes est fausses. Notre pays est un paradis fiscal pour les grandes entreprises. Deuxièmement, alors qu’on nous demande de payer pour la crise, il apparait que lors d’une année de crise, 50 grandes entreprises ont réalisé au moins 42,7 milliards d’euros de profit. Enfin, il est étrange de constater que les syndicats n’nt pas utilisé ces chiffres dans le cadre des négociations pour l’Accord Interprofessionnel alors qu’ils avaient eux aussi accès à ces chiffres (déposés à la Banque Nationale). Cet été encore, la CSC avait utilisé différentes données de 2008. A ce moment, la CSC dénonçait que 7 grandes entreprises n’avaient pas payé d’impôt, notamment avec la Déduction des Intérêts Notionnels. Il était question de 5,8 milliards d’euros de déduction fiscale pour 35 grandes entreprises.

    La CSC avait déclaré: ‘‘ Sept entreprises ont déduit plus d’intérêts que ce qu’elles ont enregistré comme bénéfice comptable, ce qui leur a permis de ne pas payer d’impôts. L’une d’entre elles a même déduit des intérêts notionnels d’un montant cinq fois supérieur à son bénéfice comptable. Qu’une société déduise trop ne pose du reste pas de problème: elle pourra continuer à déduire les années suivantes. Conséquence: pas d’impôts pendant des années.’’ Et encore: ‘‘Si parmi les 35 grandes entreprises qui ont eu recours à la déduction des intérêts notionnels durant l’exercice 2008, nous ne retenons que celles qui ont enregistré un bénéfice, nous constatons que ces dernières n’ont payé en moyenne que 8,5% d’impôt des sociétés.’’ Les nouvelles données démontrent que ce pourcentage a encore baissé. Selon le PTB, ces 500 grandes entreprises ont eu un taux d’imposition de 3,76% contre 24,2% en 2001.

    Les syndicats vont-ils utiliser ces chiffres pour mener campagne en faveur de la suppression de la Déduction des Intérêts Notionnels et des autres cadeaux fiscaux ? Ou pour réfuter les arguments patronaux voulant nous imposer une modération salariale afin de préserver notre “position concurrentielle” ? Qu’attendre de plus pour partir à l’offensive avec les revendications des travailleurs?

  • Le rôle d’un parti révolutionnaire, à la veille de la création d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique

    Trotsky expliquait dans son ‘Programme de transition’ en 1938 : « La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ». Cette phrase est tout aussi valide aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 70 ans. Les 150 années qui nous précèdent sont jalonnées de luttes gigantesques et héroiques menées par le mouvement ouvrier et, ponctuellement, d’explosions révolutionnaires qui ont fait trembler sur ses bases le régime bourgeois.

    Dossier par Cédric Gérôme

    Quelques exemples…

    En Espagne en 1936, au lendemain du coup d’Etat des généraux franquistes, il s’est présenté une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable, durant laquelle les travailleurs et les paysans ont contrôlé pendant un moment les ¾ du territoire espagnol.

    Durant l’immense mouvement de masse qui a traversé l’Italie en 1969 (= ‘l’automne chaud’), un banquier originaire de Milan expliquait qu’il avait testé à plusieurs reprises le meilleur moyen de s’enfuir à pied par la frontière suisse à travers les montagnes, paniqué qu’il était à l’idée que la classe ouvrière puisse prendre le pouvoir dans son pays !

    Au Portugal en 1974, le mouvement révolutionnaire était tel que le journal anglais « The Times » avait déclaré que le capitalisme était mort au Portugal…

    De nombreux autres exemples peuvent encore être cités ; cependant, malgré les nombreuses tentatives que le mouvement ouvrier a initiées durant l’histoire pour renverser le capitalisme et établir une société socialiste, cette tâche est toujours devant nous, et non derrière nous. Les raisons expliquant la capacité de la bourgeoisie à avoir pu systématiquement rétablir son autorité ne sont pas à chercher dans une faible conscience de la classe ouvrière ou dans une invincibilité des forces du capitalisme, mais bien plutôt dans la trahison, l’incapacité ou l’impréparation de la direction du mouvement ouvrier à mener à bien la tâche que lui posait l’histoire : diriger les travailleurs jusqu’à la prise du pouvoir.

    L’exemple des Bolchéviks

    A la question de savoir comment la société doit être transformée dans un sens socialiste, Lénine et les révolutionnaires russes nous ont procuré la réponse en construisant le Parti Bolshévik, qui a fourni à la classe ouvrière l’outil nécessaire pour prendre le pouvoir, et établir pour la première fois dans l’histoire un Etat ouvrier basé sur une économie planifiée. Les Bolchéviks ont fait passer la question de la révolution socialiste du domaine de l’abstraction au domaine de la réalité vivante, et ont démontré l’importance vitale d’un parti révolutionnaire pour réaliser cette tâche.

    La révolution d’octobre 1917 fut suivie d’une tempête révolutionnaire dans toute l’Europe. Mais Trostky expliquait que « Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatilise comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. » Par l’absence précisément de cylindres à piston suffisamment solides, toutes ces révolutions vont se terminer en défaites sanglantes. Ces échecs successifs vont contribuer à isoler la Russie soviétique sur le plan international, et créer les conditions pour l’avènement d’une bureaucratie totalitaire qui sera elle-même le facteur de nouvelles défaites et entachera le drapeau du socialisme pendant des décennies.

    La chute du stalinisme

    Le poids parasitaire que représentait la bureaucratie sur le développement de l’économie planifiée dans les régimes staliniens finira par précipiter leurs chutes, à la fin des années ’80-début des années ’90. En ce sens, la chute du stalinisme fut un point tournant : la période qui suivit directement le retour à l’économie de marché dans les pays de l’ex-bloc de l’Est fut marquée par un recul des luttes des travailleurs sur le plan mondial et, parallèlement, par un recul de la conscience ouvrière. Beaucoup de militants et d’organisations de gauche ont succombé à l’atsmosphère ambiante d’attaques idéologiques contre les idées socialistes, se sont mis à penser que le développement du capitalisme était relancé pour une longue période, à remettre en question la possibilité même d’une transformation socialiste de la société, ou à repousser cette tâche à un avenir lointain et indéfini.

    Au lendemain de la chute du mur de Berlin, le journal bourgeois ‘The Wall Street Journal’, reflétant au mieux l’état d’esprit des milieux d’affaires, avait en première page le titre : « We won ! » (=nous avons gagné !). Le MAS-LSP, ainsi que son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ont toujours considéré que ce triomphalisme de la part de la bourgeoisie serait de courte durée, que le capitalisme n’avait pas pour autant effacé ses contradictions et que pour cette raison, il donnerait lieu à de nouvelles explosions de luttes massives au sein de la classe ouvrière et remettrait les idées socialistes à l’ordre du jour. Pour résumé, alors que certains pensaient que la lutte des classes était définitivement mise à la poubelle, nous pensions simplement qu’elle avait temporairement été mise au frigo.

    Les développements de ces dernières années nous ont indéniablement donné raison. Dans ce cadre, des luttes telles que la grève générale contre le pacte des générations en Belgique au mois d’octobre dernier, ou la lutte contre le CPE en France ne sont qu’un léger avant-goût des explosions sociales qui nous attendent dans les 5, 10, 15 années à venir. C’est pourquoi nous pensons que la discussion sur la nécessité et le rôle d’un parti révolutionnaire n’est pas une discussion du passé mais une discussion qui reste d’une brûlante actualité.

    « Les révolutions sont les locomotives de l’histoire » (Karl Marx)

    La révolution n’est pas une création « artificielle », préparée dans un bureau et apportée de l’extérieur par une poignée de fanatiques de la révolution. Un mouvement révolutionnaire est un processus objectif, qui naît périodiquement et spontanément des contradictions de classes présentes dans la société capitaliste. C’est pourquoi, bien entendu, la révolution n’attendra pas les révolutionnaires. Marx disait que « les révolutions sont les locomotives de l’histoire ». Mais celui qui rate la locomotive le paie généralement très cher…

    Le développement d’une conscience socialiste révolutionnaire et la compréhension de la nécessité d’un parti révolutionnaire au sein de larges couches de travailleurs n’est pas quelque chose d’automatique, qui se développe de manière linéaire en un seul mouvement dans une seule direction. Dans le même sens, le processus qui part de l’élaboration d’un programme révolutionnaire et de l’accumulation des premiers cadres jusqu’à la construction de partis révolutionnaires de masse est un processus long et complexe, qui s’accomplit à travers divers stades d’évolution et de développement. En dernière instance, ce n’est que lorsque les contradictions du système atteignent leur point culminant et apparaissent au grand jour que l’espace et les conditions se créént pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein des masses.

    De nombreux exemples dans l’histoire illustrent comment un tout petit parti peut rapidement se développer en une force de masse lorsque les événements sont avec lui. Le Parti Bolshévik est ainsi passé d’un parti de 8000 membres à la veille du mois de février 1917 jusqu’à un parti d’un quart de millions de membres en octobre de la même année. Pendant la révolution espagnole, le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) a quadruplé ses effectifs en six semaines.

    Pourquoi un « Nouveau Parti des Travailleurs » ?

    Bien sûr, nous sommes encore loin d’une situation révolutionnaire en Belgique aujourd’hui. Le réveil de la classe ouvrière n’en est encore qu’à ses balbutiements, et à l’heure actuelle, peu de travailleurs sont déjà enclins à tirer des conclusions révolutionnaires de leur situation. Un long chemin à travers l’école de la pratique, long chemin parsemé de luttes -dont beaucoup encore se solderont par des défaites-, sera nécessaire avant que les idées révolutionnaires d’un parti comme le MAS-LSP puissent gagner une audience de masse. Et pour cela, il ne suffira pas simplement de crier sur tous les toits que la révolution socialiste est nécessaire et que nous devons construire un parti révolutionnaire. Si tel était le cas, nous vivrions sous une société socialiste depuis longtemps déjà.

    Nous devons être capables, à chaque étape de la lutte, de construire une sorte de pont qui puisse permettre de rendre notre programme révolutionnaire accessible aux larges couches de travailleurs. C’est de l’incompréhension de cette tâche que découle l’accusation que certains nous portent en nous qualifiant de « réformistes » du fait que nous appelons à construire un nouveau parti pour les travailleurs et que nous collaborons au projet « Pour une Autre Politique » lancé par l’ex-parlementaire du SP.a, Jef Sleeckx. Ces gens ne font en réalité que camoufler derrière un discours ultra-radical une incapacité à orienter celui-ci vers des couches larges de travailleurs. C’est ce que Lénine appelait le « gauchisme ». Ce dernier expliquait que le gauchisme n’est rien d’autre que « traduire sa propre impatience révolutionnaire en une doctrine politique » ou encore « prendre son propre niveau de conscience pour celui de l’ensemble de la classe ouvrière ».

    Un proverbe dit : « c’est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins ». En effet, pour nous, être révolutionnaires n’est pas une simple question de termes et ne se résume pas à greffer mécaniquement les formules du passé à la situation actuelle, car cela tout le monde est évidemment capable de le faire. L’histoire porte plusieurs exemples de partis qui portaient l’étiquette « révolutionnaires » sur le front, mais qui ont fini par plier les genoux devant la bourgeoisie au moment fatidique. La force d’un parti révolutionnaire se mesure notamment à sa capacité à pouvoir appliquer les leçons absorbées du passé dans des circonstances radicalement différentes, c’est-à-dire à pouvoir s’adapter aux changements qui ont lieu dans la situation objective et dans la conscience des travailleurs et à traduire son programme différemment en fonction de ces changements.

    C’est dans cette mesure que nous pensons qu’aujourd’hui, le mouvement ouvrier a besoin d’un outil intermédiaire à travers lequel chaque travailleur puisse faire sa propre expérience sur le terrain politique. La bourgeoisification accélérée de la social-démocratie (PS et SP.a) dans les années ’90 implique qu’à l’heure d’aujourd’hui, les travailleurs ne disposent même plus d’un tel instrument. Dans une période où le patronat multiplie ses attaques sur tous les terrains, la situation des travailleurs qui ne disposent pas d’un tel parti est un peu comparable à quelqu’un qui se fait gifler mais qui est incapable de riposter car il a les deux mains ligotées derrière le dos. C’est dans le but de délier les mains des travailleurs et de leur donner cet outil, qui leur permettent de riposter et de repartir à l’assaut contre les attaques de la bourgeoisie, que nous défendons depuis 1995 la nécessité d’un nouveau parti de masse pour les travailleurs.

    Cependant, nous avons toujours dit que l’émergence du potentiel politique nécessaire afin de lancer de telles formations allait dépendre des événements, des luttes concrètes qui allaient se manifester dans la société. Aujourd’hui, l’intensification de la lutte des classes est un processus perceptible à l’échelle de la planète entière. La naissance de nouvelles formations larges dans différents pays est l’expression politique de ce processus, la première réponse à la recherche parmi des couches plus importantes de travailleurs et de jeunes d’une alternative, d’un relais politique à leurs luttes. La grève générale contre le pacte des générations ainsi que la naissance de l’initiative « Pour une Autre Politique » ne sont en fait que la contribution belge à ce processus.

    Le MAS ne veut pas se contenter de saluer du balcon la naissance de ces partis, mais veut y jouer un rôle actif. Nous comprenons que ces partis peuvent servir de point de rassemblement pour tous les jeunes, les travailleurs et les militants syndicaux qui veulent se battre contre la politique néo-libérale. Cependant, nous sommes tout aussi conscients du fait que s’opposer à la politique néo-libérale n’est pas en soi une condition suffisante pour régler tous les problèmes posés par la société capitaliste aujourd’hui. En effet, l’histoire a très bien démontré que dans le cadre du système capitaliste, la bourgeoisie finit toujours par reprendre de la main droite ce qu’elle a pu donner ou lâcher comme concession de la main gauche. C’est pourquoi la question de l’orientation d’un tel parti large est une question de la plus haute importance.

    Le parti révolutionnaire et le Nouveau Parti des Travailleurs : deux tâches contradictoires ?

    Un parti ne se développe évidemment pas dans le vide : il ne peut donc pas échapper à l’influence et à la pression sociale exercée par l’environnement dans lequel il évolue ; cet environnement, c’est le système capitaliste : cela signifie que pour un parti sensé défendre les travailleurs, il s’agit d’un environnement hostile. Si cela est déjà vrai pour un parti révolutionnaire, c’est encore plus vrai pour une formation large rassemblant différents courants et individus, et qui, de par ses structures et son caractère, est nécessairement plus « perméable » à l’entrée d’éléments qui peuvent s’avérer étrangers à la défense de la cause des travailleurs. C’est une des raisons pour laquelle nous défendons l’idée que les représentants élus d’un tel parti ne peuvent percevoir un salaire mensuel dépassant ce que gagne un travailleur moyen. Le cas échéant, c’est laisser la porte grande ouverte aux politiciens carriéristes et à la course aux postes.

    Au sein d’une telle formation, les révolutionnaires devront inévitablement faire face à des pressions de toutes sortes d’individus et de courants qui tenteront de pousser cette formation dans une direction réformiste. Autrement dit, de gens qui se baseront sur les illusions réformistes encore présentes parmi les travailleurs pour se construire une position au sein du parti et qui par la suite, se serviront de cette position pour dévier le parti de ses objectifs. Cette éventualité sert d’ailleurs d’argument à certains pour tourner le dos à une telle initiative. Pour nous, c’est un argument supplémentaire pour y construire en son sein une fraction marxiste révolutionnaire avec ses propres structures, assez solide que pour être capable de constituer un contrepoids par rapport à ce type d’éléments et d’orienter cette nouvelle formation dans un sens révolutionnaire. Cela non pas en imposant notre programme comme un ultimatum à tous ceux qui rejoignent ce parti, mais bien à travers un travail patient d’actions et de discussions orientées vers la base de ce parti.

    Des expériences enrichissantes

    En ce sens, l’expérience apportée par l’évolution de partis larges dans d’autres pays doit nous servir de leçon et de mise en garde. Même si le processus de création et d’évolution de ces partis a pris des chemins différents et des spécificités dans chacun des pays concerné, nous pouvons malgré tout en tirer certaines conclusions générales. Nous ne pouvons pas ici aborder dans les détails chacune de ces expériences. Pour en savoir plus, nous vous conseillons de vous référer aux nombreux articles et documents qui ont déjà été écrits sur le sujet.

    Quoiqu’il en soit, ces expériences nous montrent que de telles formations sont très rapidement confrontés à un choix crucial : le choix entre l’inféodation progressive aux limites imposées par le système capitaliste ou celui de la défense d’un programme socialiste conséquent. L’absence ou la faiblesse du facteur révolutionnaire à l’intérieur de ces formations a à chaque fois signifié le choix de la première option.

    En Italie, le « Partito della Rifondazione Comunista » avait, au moment de sa création, non seulement attiré la majorité des anciens membres de l’ex-Parti Communiste Italien, mais également toute une nouvelle couche d’activistes au point qu’au milieu des années ’90, il comptait dans ses rangs plus de 130.000 adhérents. Ce parti avait obtenu en 1996 jusqu’à 8,6% des voix aux élections, et beaucoup de travailleurs et de jeunes avaient placé leurs espoirs en lui. Après avoir participé à plusieurs reprises à des plans d’austérité sur le plan local, la direction de ce parti a finalement décidé d’entrer en avril de cette année, au nom de l’unité anti-Berlusconi, dans la coalition néo-libérale de Romano Prodi. Cette coalition s’apprête à la rentrée à lancer un plan d’attaques néo-libérales sans précédent, comprenant une nouvelle restructuration du système des pensions ainsi que des coupes sombres dans l’éducation, les soins de santé et la fonction publique.

    pour plus d’infos :

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/12/28/italie.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/03/19/rome.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/03/26/italie.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/04/21/italie.html

    En Ecosse, la majorité de la direction du Scottish Socialist Party, après avoir orienté au fil des années ce parti vers une ligne de plus en plus droitière, a mené, sur base de fausses rumeurs parue dans la presse bourgeoise sur la vie sexuelle de Tommy Sheridan (=ancien membre du CIO qui était devenu le principal dirigeant et la figure publique du SSP) une campagne de diffamation digne des pires méthodes staliniennes, et a contribué ainsi à traîner le nom du SSP dans la boue. Cette crise et les méthodes de sabotage utilisés par la direction du SSP ont fini par convaincre notre section écossaise d’arrêter de faire un travail désespéré au sein du SSP. Nos camarades ont estimé sur cette base que le mieux qu’ils avaient à faire était de mettre leur énergie dans la construction d’une nouvelle formation. Cependant, la crise qu’a traversé le SSP est pour nous une crise politique qui trouve ses racines dans l’abandon, par la majorité de notre ancienne section écossaise, de la construction du parti révolutionnaire et de la dissolution de celui-ci au sein du SSP au moment de sa création.

    pour plus d’infos :

    > http://www.cwiscotland.org/ (en anglais)

    > http://www.marxist.net/scotland/index.html (en anglais)

    En Allemagne, sur base des mobilisations massives menées contre l’agenda 2010 néo-libéral du gouvernement de Schröder, une nouvelle formation de gauche lancée à l’initiative de militants et de délégués syndicaux (le WASG : Wahlalternative – Arbeit und soziale Gerechtigkeit; Alternative électorale pour l’Emploi et Justice Sociale) avait ouvert une brèche sur la scène politique allemande. Cette formation avait obtenu, ensemble avec le PDS (=héritier de l’ancien parti communiste dirigeant de l’Allemagne de l’Est) le score significatif de 8,7% des voix aux élections régionales l’année dernière. Notre organisation soeur joue un rôle déterminant dans la bataille acharnée qui se mène actuellement contre la direction nationale du WASG pour préserver les principes fondateurs qui ont été à la base de sa création, dans le but entre autres de contrecarrer les manoeuvres auxquelles ont recours les éléments droitiers du WASG pour fusionner celui-ci avec le PDS, ce dernier étant mouillé depuis plusieurs années dans la politique d’austérité. Nos camarades expliquent très justement qu’ils ne sont pas opposés à l’unité, mais que celle-ci est impossible avec le PDS tant qu’il se rend coresponsable des attaques anti-sociales contre lesquelles le WASG a été mis sur pied.

    pour plus d’infos :

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/09/09/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/10/01/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/10/20/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2005/11/12/wasg.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/07/04/allemagne.html

    > http://www.lsp-mas.be/mas/archives/2006/08/25/lucy.html

    Conclusion

    Tous ces exemples montrent que si la naissance de nouveaux partis des travailleurs peut être un pas gigantesque en avant, cela ne nous offre en rien une garantie sur leur évolution future. Le rôle des révolutionnaires marxistes ne doit donc pas se limiter à aider à construire ces partis et à se laisser « emporter par le courant », mais bien à construire, renforcer et défendre consciemment leur programme révolutionnaire au sein de telles formations.

    Le fait que nous plaidions pour une approche large à travers notre participation à la construction d’un nouveau parti des travailleurs ne nous décharge en aucun cas de la nécessité de défendre de manière ouverte notre programme socialiste révolutionnaire à l’intérieur de ce parti, bien au contraire. Pour nous, cela n’a aucun sens de s’atteler à la tâche de construire un nouveau parti des travailleurs, qui puisse servir de tremplin pour permettre à des couches larges de travailleurs et de jeunes de se lancer dans la lutte politique, si c’est pour abandonner en même temps la tâche de poursuivre la bataille pour la plus grande clareté politique – et donc pour la défense des idées révolutionnaires- au sein même de cette formation. En réalité, nous voyons ces deux tâches comme inséparablement liées.

    Notre travail au sein d’un tel parti sera une combinaison de deux éléments, qui ne sont qu’une adptation aux conditions actuelles des principes du Front Unique Ouvrier élaborés par le Troisième Congrès de l’Internationale Communiste en 1921, et très bien résumés dans la fameuse phrase : ‘Marcher séparément, frapper ensemble’ : d’une part, systématiquement veiller à adapter notre approche, notre orientation et notre discours vers des couches larges et être prêts à s’engager dans des campagnes et des actions communes ; d’autre part, maintenir une clareté programmatique dans la discussion en déployant en toute circonstance notre drapeau du marxisme révolutionnaire.

    La situation d’un révolutionnaire qui rentre dans une formation large sans un parti révolutionnaire solidement structuré et préparé à cette tâche est comparable à celle d’un joueur de tennis qui vient sans sa raquette sur le terrain ou à celle d’un soldat qui débarque sur le champ de bataille sans ses munitions : autrement dit, il est désarmé et a déjà perdu la bataille d’avance…

    Tout cela n’a pour nous rien à voir avec l’idée d’établir quelque chose comme une « pureté idéologique » au sein de la nouvelle formation ; c’est tout simplement une question vitale pour son évolution future.

  • Logements sociaux à Droixhe: petit historique d’une lutte en cours

    Ce court rapport de la lutte que mènent aujourd’hui les locataires des logements sociaux de Droixhe n’a pour but que de mettre au courant de la situation à l’heure actuelle. On n’y trouvera pas d’analyse fouillée mais un compte-rendu fidèle de la façon dont nous avons mené cette campagne jusqu’à présent.

    Simon Hupkens

    Introduction

    La plaine de Droixhe constitue un quartier de la ville de Liège qui est au centre des débats sur l’urbanisme depuis des années. Construite dans les année 60′ cette cité était considérée comme un modèle de modernité. Les habitations sociales de qualité y côtoyaient les petits commerces, une école primaire et une crèche, un centre culturel et un espace vert. On était à cette époque en Europe, dans un modèle de construction massive de ces cités qui deviendront plus tard le symbole du désespoir économique et culturel. Liège ne faisait pas exception à la règle. Il suffit de rappeler qu’au même moment que l’on construisait les tours de Droixhe, l’université de Liège se dotait d’un campus mégalomane sur les hauteurs de la ville. Bien sûr, ce qui se passa ailleurs se produisit aussi à Liège, quoiqu’à une autre échelle. L’arrivée d’immigrants dans les annèes 70 et 80 peupla la cité d’une population précaire tandis que la rigueur budgétaire prônée à toutes les strates du pouvoir incitait les autorités communales à se concentrer sur le centre-ville (déjà suffisamment problématique) et à abandonner à son sort le quartier de Droixhe. Celui-ci devînt bientôt synonyme de quartier à risque, sorte de réplique miniature des banlieues françaises dans l’imaginaire liégeois. Dans les années 80′, le quartier fera plus d’une fois la une des journaux régionaux pour des faits de petite délinquance.

    Devant l’état de délabrement urbanistique et social du quartier, différents pouvoirs ont fini par vouloir réagir. C’est ainsi qu’au cours des années 90′, différents plans de réhabilitation ont vus le jour. Tous ont été bloqués à un niveau de pouvoir ou à un autre. En effet, la problématique du logement social recouvre de nombreuses strates de pouvoirs, qui va du communal au régional. Les enjeux politico-budgétaires et les guérillas entre institutions politiques ou administrations ont donc primés sur les projets de requalification, laissant le quartier continuer à sombrer. Fin des années 90′, on solutionnera le problème en vidant les 5 plus gros bâtiments de leurs locataires. Cette opération dépeuple le quartier d’une grosse partie de ses habitants, ce qui bien sûr fait baisser la criminalité mais ne participe pas réellement au renouveau de l’espace.

    Le lancement des travaux

    En 1997, les habitations sociales de Droixhe sont détachées de leur maison mère (la maison liégeoise) et sont confiées pour 10 ans à une structure autonome, la société Atlas, société publique chargée d’assurer la rénovation des immeubles. A cette époque, les pouvoirs publics se demandent toujours comment dégager les sommes nécessaires. Qu’importe, la nouvelle structure se chargera de les obtenir. Ceci sera fait par petites tranches mais le gros des moyens n’arrivera que 10 ans plus tard. Un financement spécial du ministère du logement et la perspective d’un partenariat avec le privé permettent le lancement de travaux d’ampleur.

    Atlas, qui arrive au terme de son mandat sur les logements entame la rénovation d’une deuxième tranche d’immeubles(un des tous gros immeuble avait été rénové précédemment place de la libération): les 5 tours de l’avenue Georges Truffaut. Il y sera souvent fait référence plus bas.

    Les locataires des immeubles concernés accueillent les travaux avec enthousiasme. Une rénovation tous les 50 ans, ce n’est pas du luxe! Ils vont cependant vite déchanter. Cette rénovation (le terme technico-médiatique est « requalification ») répond d’abord à des impératifs économiques et urbanistiques globaux au détriment du bien-être des locataires.

    Les travaux se font sans discussion avec les premiers concernés. Tout est décidé de façon bureaucratique par la direction de la société Atlas. Un fonctionnement autoritaire peut être supporté dans une certaine mesure s’il est efficace. Immanquablement cependant, il suscite les frustrations. Dans le cas d’Atlas, la mauvaise gestion se superpose à l’autoritarisme.

    Les locataires commencent donc, tout naturellement à remettre en cause les travaux. Ceux-ci sont la cause de nombreux désagréments (bruit, poussière) et parfois, de situations extrêmement précaires. On voit ainsi des familles camper dans leur appartement en chantier ou des personnes âgées contraintes à déménager seules. Contrairement à ce qui s’était passé lors des travaux place de la Libération, il se trouve parmi les locataires des personnes suffisamment conscientes pour tenter de transformer le mécontentement en lutte.

    Prise de contact

    Ces personnes sont deux locataires qui joueront par la suite un rôle primordial dans la lutte qui s’annonce. Il s’agit d’Anne et Jean-Luc, deux amis habitants dans les bâtiments en travaux. Pour dénoncer la situation pénible que vivent les locataires, ils tentent d’abord d’alerter la presse. C’est ainsi qu’Anne rédige un article qui paraît dans le Cinétélé revue de janvier 2007. Ce seul article crée déjà l’émoi au sein de la direction d’Atlas. Mais les deux locataires sont conscients qu’il leur faut un soutient politique pour faire avancer leur entreprise. Ils cherchent d’abord du côté des partis traditionnels mais trouvent chaque fois porte close. Jusqu’au jour où Anne tombe sur un article du MAS traitant de la situation à Droixhe. Cet article est rédigé par un militant habitant et travaillant dans le quartier. Par l’intermédiaire d’un voisin engagé dans le travail de quartier, Anne et Jean-Luc rencontrent ce militant. La situation est exposée. Le MAS décide de soutenir l’action des locataires.

    Parallèlement, Jean-Luc et Anne continuent leur campagne de presse. Jean-Luc fait appel à des journalistes de La Dernière Heure qui font paraître un article sur sa situation personnelle dans leur édition du 15 février. Article auquel réagit immédiatement Atlas par un droit de réponse, signe que la société de logement ne se sent sans doute pas vraiment à l’aise sur la question.

    Poser des bases

    Dans le même temps, sous l’impulsion du MAS, un petit collectif est réunis. Il est constitué d’un noyau de 4 ou 5 locataires. Des bases de fonctionnement sommaires sont posées. Notamment en ce qui concerne l’implication du MAS. Il est clair dès le départ que les décisions sont prises par les locataires et par eux seuls. Le MAS n’intervient qu’à titre de conseil. Il met ses militants et son expérience des luttes au service de la campagne menée par le collectif mais respecte l’autonomie du mouvement.

    Comme première action, le collectif décide de continuer sur la lancée d’Anne et Jean-Luc en lançant une campagne de presse importante. Celle-ci aurait pour but de sensibiliser la population à ce que vivent les locataires de Droixhe tout en faisant pression sur les politiques. Comme il est aussi important de mobiliser les locataires pour élargir au maximum le collectif, il est décidé qu’une conférence de presse sera couplée à une Assemblée Générale de locataires. Elle sera menée au nom du comité de locataires pour une meilleure requalification. Un tract est distribué dans tous les immeubles qui invite les locataires à y être présent. Pour autant, le collectif veux laisser une chance à Atlas de s’expliquer. C’est pourquoi invitation est faite à la direction de venir exposer son point de vue.

    Cette conférence/AG est prévue pour le 7 avril. Un communiqué est envoyé à la presse qui relayent l’appel. (La Meuse annonce la réunion dans son édition du 6 avril). elle se tiendra dans les locaux du café Le Parc, un café associatif du quartier. A l’annonce de la conférence, Atlas fait immédiatement pression sur l’ASBL dont dépend le café pour empêcher la réunion. Pression qui s’avère vaine puisque la conférence se tiendra bel et bien.

    La conférence de presse et ses suites

    Le jour même, une septantaine de locataires sont présents. La presse, tant régionale que nationale est largement mobilisée. Jean-Luc et le MAS expliquent la situation et le projet du collectif. Les revendications sont clairement exprimées: un logement de transit pour tous et des espaces pour stocker le mobilier, des indemnités pour pouvoir réaménager son appartement après requalification et une amélioration de la sécurité sur le chantier ainsi qu’une aide au déménagement pour tous les locataires. Pour appuyer ces revendications, le collectif propose de soumettre une pétition à la direction d’Atlas. Cette pétition n’est pas proposée toute faite aux locataires. En effet, il avait paru plus logique de discuter des revendications avec l’ensemble des personnes présentes. Cependant, les points mis en avant par le collectif ne soulèvent pas de controverse parmi les locataires. Dans la salle se trouvent des membres du CCLP (comité consultatif des locataires et propriétaires). Il s’agit de l’organe officiel de représentation des locataires auprès de la société. Leurs interventions vont dans le sens du collectif. Mais nous verrons plus loin quelle sera la position réelle du CCLP.

    Après la conférence, RTC (la télé régionale) va filmer les appartements en chantier. Cette conférence de presse est donc un succès, la répercussion dans la presse de la campagne menée par les locataires est énorme. RTL en fait même le premier sujet de son journal télévisé de 19h le lendemain.

    Sensibilisation et mobilisation

    Dès le surlendemain, locataires et militants du MAS commencent à faire signer la pétition. En deux semaines, 550 signatures seront récoltées dont la moitié de locataires habitant l’avenue Georges Truffaut, c’est à dire les premiers concernés. Si l’on tient compte du fait que souvent une personne par ménage a signé la pétition, le collectif se voit soutenu par une grande majorité de locataires.

    Le 25 avril, une seconde AG de locataires est convoquée dans le local de l’association de locataires (une asbl différente du CCLP dont le but est de proposer des activités culturelles aux locataires des tours). Elle réunis une quarantaine de locataires. Le collectif propose de conclure la campagne de signatures par une remise des pétitions à la direction d’Atlas. Avec pour l’occasion une petite manifestation de locataires. Cette action est approuvée par les locataires présents et prévue pour le 28 avril.

    Malgré le court délai dans lequel cette manifestation est organisée, elle réunit le jour dit une quarantaine de locataires. Elle a eu suffisamment d’échos pour attirer sur place la presse régionale et effraye suffisamment Atlas pour que deux policiers soient dépêchés sur le lieu du rassemblement. La manifestation se met en route vers les bureaux d’Atlas. Malgré l’opposition d’un employé zélé, les manifestants occupent les bureaux et demandent à parler au conseil d’administration (c’est à dire aux responsables politiques) alors en réunion. Cinq délégués sont admis à discuter avec le CA (après avoir éjecté du processus de discussion un militant du MAS sous prétexte qu’il n’était pas locataire). Au sortir d’une réunion de deux heures, le CA a accepté l’ensemble des revendications sur le principe. Mme Yerna, échevine PS et présidente de la société propose d’y travailler directement sous condition que le collectif ne mobilise plus. Les délégués présents ne promettent rien, s’en remettant à une décision future d’une AG de locataires. En quittant les lieux, les manifestants ont obtenu une autre réunion sous quinzaine pour discuter de l’avancement des choses. La presse répercute correctement l’action. RTC en faisant à nouveaux un sujet de son journal de 18h.

    Les choses avancent…

    Le 4 mai, une AG de locataires est de nouveau convoquée afin de maintenir les habitants mobilisés. Elle se tient de nouveau dans les locaux de l’association des locataires. Une quarantaine de personnes assistent à cette réunion. On craint l’essoufflement mais de nouvelles têtes sont présentes. Un compte-rendu de la discussion avec le CA d’Atlas est fait et les délégués sont confirmés dans leur fonction par les locataires présents.

    Le lendemain, 5 mai, nouvelle réunion avec Mme Yerna. Il y a une petite mobilisation de locataires qui accompagnent les délégués… ce qui ne plaît évidemment pas à la présidente mais permet de maintenir la pression sur elle. Une discussion très concrète s’engage. Atlas propose de dégager un budget pour engager des ouvriers afin renforcer les équipes de déménagement. On parle peu des indemnités mais par contre, Mme Yerna évoque des rénovations « cléf sur porte » pour tous les locataires et des appartements de transit pour tous. Pour venir plus facilement à bout des problèmes de transit, elle propose des mutation définitives vers des appartements déjà rénovés. Les plaintes concernant la sécurité sont entendues. Dès le surlendemain, des mesures sont prises.

    Cependant la présidente tient à ce que le CCLP participe au financement de ces décisions. Elle propose, en accord avec le collectif que le CCLP active son « fond de solidarité ». Ce fond est en réalité financé par une cotisation des locataires prélevée sur leur loyer à hauteur de 2%. Il est destiné à aider des locataires en cas de difficulté comme le décès d’un conjoint. Le travail du collectif s’oriente alors vers un lente et fastidieuse entreprise auprès du CCLP pour le convaincre de l’intérêt de céder une partie de ce fond. Il s’agit bien sûr d’une manœuvre dilatoire de la part de la direction d’Atlas qui espère que le collectif se heurte à un refus net de la part du CCLP.

    …puis stagnent

    En effet, le collectif sous-estime le poids des conflits personnels qui agite le CCLP. Si son président semble d’accord avec la condition posée par Mme Yerna, on se rend vite compte qu’il agit sans l’accord de son équipe et qu’il promet des choses qu’il ne peut pas tenir. Cette situation va aboutir à une Assemblée Générale de locataire qui vire au chaos quand l’équipe du CCLP vient démentir les dires de son président. Une AG catastrophique où l’on en vient aux mains et où la police évacue les lieux! Suite à cette réunion, toute l’équipe du collectif sort quelque peu démotivée mais aussi déterminée à continuer le travail. Il est décidé de revoir le CCLP en entier, et eux seuls, pour tenter des les convaincre.

    Un intermède ministériel

    Anne apprend par hasard que le 22 mai le ministre du logement André Antoine va tenir une conférence de presse sur les moyens qu’il va dégager pour le logement social à Droixhe. Averti moins de 24h avant la tenue de cette conférence de presse, le collectif mobilise très vite. Une vingtaine de locataires sont présents sur les lieux de la conférence de presse le lendemain matin. Il est clair que le ministre ne tenait pas à voir les premiers concernés à sa conférence de presse policée! Il expose son plan: un Eden devrait surgir du marasme de Droixhe grâce aux moyens débloqué par lui même…mais les locataires doivent se montrer patients. Rien de concret concernant la situation vécue par les habitants des immeubles. La présence des locataires permet non seulement de rappeler à la presse la présence du collectif sur ce dossier mais aussi de prendre Mr Antoine en flagrant délit de mensonge. Quand un militant du MAS lui demande si tous les locataires auront droit à une allocation de déménagement, il répond par l’affirmative. Les locataires savent éminemment que seuls les handicapés et les personnes isolées y ont droit.

    Négociations avec le CCLP

    Le lendemain de cette mobilisation, le collectif tient une réunion avec le CCLP nouvelle mouture: Un nouveau président est à sa tête qui semble faire sensiblement plus l’unanimité que le précédent. Leur discours va tout à fait dans le bon sens jusqu’à ce qu’intervienne l’un des membre qui bloque la discussion. Finalement, Anne et Jean-Luc apprendront que le CCLP débloque officiellement 10.000€ pour financer les propositions de Mme Yerna. C’est beaucoup moins que ce à quoi le collectif s’attendait. Mais des membres du CCLP affirment qu’il ne s’agit que d’une base de discussion avec le CA d’Atlas. Une réunion est prévue entre le collectif, le CCLP et Atlas où les choses de devraient se clarifier.

    Conclusions provisoires

    A l’heure où se rapport succin est rédigé, le processus est donc toujours en cours. Il est difficile de savoir à quoi il va aboutir. Cependant, si on dresse un bilan, on s’aperçoit que celui-ci, tout modeste qu’il soit encore est bien positif. Le collectif est parvenu à faire surgir dans le dossier un nouvel acteur collectif: les locataires. Complètement éjectés du processus de décision jusqu’alors, les politiques doivent maintenant compter avec eux. Une revendication a été acceptée et mise en oeuvre jusqu’à présent: la sécurisation du chantier. Cependant, il n’appairait pas dans ce rapport les nombreuses interventions que le collectif a mené pour régulariser des situations individuelles parfois tragiques. Deux ménages ont ainsi vu leur situation se résoudre provisoirement ou définitivement grâce à l’action du collectif, principalement Anne et Jean-Luc qui sont intervenu chaque foi très rapidement.

    La campagne a également permit de réveiller les structures officielles de représentation des locataires qui, sentant leur légitimité décroître, se sont mises au boulot. Le collectif est à présent engagé dans un travail de négociation très difficile car il faut éviter les manœuvres et des politiques et des bureaucrates des structures officielles pour faire baisser la pression. Ce travail de négociation est nécessaire mais il ne sera efficace que s’il est appuyé par des mobilisations régulières. Au cours de la campagne, le collectif s’est heurté à la difficulté d’engager massivement les locataires dans le processus revendicatif. Si les locataires sont nombreux à soutenir la campagne, notamment en participant aux mobilisations, très peu sont prêts à prendre le temps de réunions souvent longues et rébarbatives. Même les AG ne donnent pas les résultats espérés en terme de débat même si elles ont permis de maintenir un contact permanent avec les locataires.

    Le défi est donc bien celui-là: continuer et intensifier le travail avec les locataires pour élargir la base du comité tout en évitant de se perdre dans des discussions sans fins avec les politiques.

  • Prendre le mal à la racine

    Qui est Johan Weyts?

    Johan Weyts, la nouvelle recrue du Vlaams Blok, avait déjà fait parler de lui avant la controverse autour de son adhésion au comité des carriéristes ratés mis sur pied par Dewinter. En effet, il s’était déjà fait remarquer auparavant par ses opinions très à droite. Ainsi, il a sorti tout un plaidoyer en faveur de la suppression des Conventions collectives de travail et donc de la concertation sociale sur les conditions de travail.

    L’année passée, dans les colonnes du «Brugsch Handelsblad», il se plaignait qu’on ne tînt pas compte des électeurs du Vlaams Blok tout en niant qu’il pût y avoir des parallèles entre le Vlaams Blok et le fascisme…

    La motivation principale de son passage au Vlaams Blok est sans doute l’absence de place éligible pour lui sur les listes du CD&V pour les prochaines élections.

    Comment va-t-on réagir au sein du Vlaams Blok ?

    Tout le monde au Vlaams Blok n’approuve pas l’orientation actuelle de la direction du parti. Le vice-président Roeland Raes s’est ainsi fait remarquer par sa critique acerbe des positions atlantistes d’Alexandra Colen et, à travers elle, de Filip Dewinter, qui a affirmé maintes fois que son parti était favorable aux Etats-Unis. Raes juge ces propos tels qu’ils ont été rapportés dans ce qu’il appelle des «périodiques de "notre" courant» (il s’agissait d’une publication de la section bruxelloise du Vlaams Blok) «étonnants, si pas pire encore». L’actuelle opération de débauchage des mécontents d’autres partis et l’opportunisme qui va de pair suscitera de plus en plus de mécontentement auprès d’une partie de la vieille garde idéologique du parti.

    Les dernières semaines ont porté un coup décisif au cordon sanitaire. D’abord le vote sur les nouvelles circonscriptions électorales provinciales au parlement flamand a été acquis avec les voix du Vlaams Blok et, si l’on en croit le CD&V, cela s’est fait après des accords conclus entre le SP.a, le VLD et le VB. Peu de temps après, le Blok mettait sur pied un comité contre le droit de vote des immigrés qui a reçu le soutien d’un parlementaire CD&V et d’un parlementaire VLD.

    Geert Cool

    Depuis le fameux Dimanche Noir du 24 novembre 1991, où le Vlaams Blok a réalisé sa première percée électorale au plan national, les partis tradi-tionnels s’étaient mis d’accord pour ne conclure aucune alliance ou aucun accord poli-tique avec le Vlaams Blok. Cette tactique a été baptisée "cordon sanitaire".

    Le MAS-LSP n’a jamais nourri d’illusions dans le cordon sanitaire ni sur les procès judiciaires pour empêcher la croissance électorale du Vlaams Blok. De telles tactiques visent les conséquences et non les causes du succès dont jouit ce parti auprès d’une frange croissante de l’électorat. Le cordon ne tient pas compte des frustrations à la base de ces succès électoraux. C’est pourquoi nous avons toujours affirmé que le cordon sanitaire n’était pas un instrument utile au combat contre le Vlaams Blok. En re-vanche, nous avons annoncé que nous protesterions si ce cordon était rompu, car nous croyons en effet qu’une participation au pouvoir du Vlaams Blok comporte des risques considérables.

    Jusqu’ici le cordon s’était maintenu bon an mal an. C’est-à-dire jusqu’au vote sur les circonscriptions électorales provinciales. Le gouvernement Verhofstadt était confronté au fait que les Verts et le CD&V avaient refusé de voter pour. Pour obtenir les deux tiers des voix requises, le soutien du Blok était nécessaire et le gouvernement a fini par l’obtenir. Que tout cela ne posât pas de problème au gouvernement n’a pas de quoi étonner. Auparavant, plusieurs libéraux fla-mands (comme Jeannine Leduc ou Danny Smagghe) s’étaient fait remarquer par leurs propos racistes ou par leurs propositions à forts relents racistes comme celle sur l’interdiction du foulard à l’école.

    On perçoit mieux à présent le prix que le gouvernement va devoir payer: il est désormais clair aux yeux de tous que la bonne vieille stratégie électorale et la répartition des postes priment sur tous les principes. En outre, cela crée un précédent pour des collaborations ultérieures. Le Vlaams Blok a tout de suite annoncé la mise sur pied d’un Comité contre le droit de vote des immigrés avec Ward Beysen, mais également avec un parlementaire CD&V, Johan Weyts, qui a pour cela été exclu de son parti.

    Le remueménage au sein et autour du comité du Vlaams Blok est frappant. Il s’agit d’appâter avec toutes sortes de promesses des carriéristes de tout poil qui n’ont pas obtenu une place satisfaisante sur les listes pour les prochaines élections régionales. Tout cela démontre que le Vlaams Blok n’a d’yeux lui aussi que pour la lutte des places. Il peut se le permettre car son électorat est particulièrement passif et ne participe pas activement à la vie du parti.

    Nous protestons contre la rupture du cordon sanitaire. Nous protestons également contre l’introduction d’un seuil électoral qui empêchera les petits partis d’être représentés. Il ne faut pas y voir autre chose que des moyens pour empêcher la création d’une véritable opposition. Néanmoins la façon dont le Vlaams Blok s’est conduit dans la discussion sur la réforme électorale montre une fois de plus qu’il faut construire une opposition consistante qui se base sur les travailleurs et les jeunes au lieu d’entrer dans les jeux politiciens du gouvernement violet. Seule une telle opposition, enracinée dans les mouvements de lutte contre la politique antisociale, pourra stopper la montée du Vlaams Blok.

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