Tag: Socialisme

  • Quelle démocratie réelle pour quelle société ?

    Posez la question autour de vous : qui croit encore que nous sommes dans une véritable démocratie ? De manière écrasante, la réponse sera à n’en pas douter négative, teintée ou non de cynisme à l’exemple du dicton ‘‘la dictature, c’est ferme ta gueule; la démocratie, c’est cause toujours’’. L’homme de la rue n’a voix au chapitre sur rien, son ‘’contrôle démocratique’’ se limite à se rendre de temps à autre aux urnes, sans la moindre garantie que ‘’ses’’ élus respecteront leurs promesses, et sans pouvoir faire quoi que ce soit pour les y contraindre. Que faire sur base de ce constat ?

    Dossier de Nicolas Croes

    Des citoyens tous égaux ?

    A la Chute du Mur de Berlin et avec l’effondrement du stalinisme dans les pays du bloc de l’Est, une gigantesque offensive a pris place proclamant la ‘‘fin de l’histoire’’ (selon les célèbres mots du ‘‘philosophe’’ Francis Fukuyama, retombé dans l’anonymat par la suite) ainsi que la victoire de la ‘‘démocratie’’ sur le totalitarisme stalinien. L’establishment pouvait encore bien admettre que quelques ajustements démocratiques devaient toujours prendre place, mais en douceur, à l’aide d’initiatives ‘‘citoyennes’’ et grâce à l’œuvre de sensibilisation (et non de mobilisation) de la ‘‘société civile’’.

    Ces termes avaient l’avantage de balayer les différences de classes sociales et de mettre côte-à-côte le ‘‘citoyen’’ travailleur, le ‘‘citoyen’’ patron d’entreprise, le ‘‘citoyen’’ actionnaire et le ‘‘citoyen’’ premier ministre. C’est dans le prolongement de cette idée que, en 2002, le ‘‘citoyen’’ premier ministre belge Guy Verhofstadt a publié une lettre ouverte aux ‘‘citoyens’’ altermondialistes dans laquelle il disait: ‘‘comment éviter une lutte des classes violente entre les plus pauvres et les plus riches de ce monde ?’’ Par un étrange tour de passe-passe facilité par la confusion politique consécutive au recul idéologique des années ’90, la ‘‘lutte des classes’’ était présentée comme une lutte entre ‘‘deux milliards de personnes qui (…) essayent de survivre (…) et un demi-milliard de personnes dont la préoccupation principale est de démêler l’intrigue du feuilleton télévisé quotidien.’’ Les ‘‘citoyens’’ des pays capitalistes développés étaient donc tous responsables à parts égales, une logique qui – dans un autre style – a fait le bonheur de ceux pour qui ce sont avant tout les choix de consommation qui gouvernent le monde.

    Tout ce discours euphorique et hypocrite a pris du plomb dans l’aile. La ‘‘démocratie’’ a servi de prétexte aux interventions impérialistes en Afghanistan, en Irak et ailleurs, avec des résultats dramatiques. Quant à la construction européenne ‘‘démocratique’’, elle a été marquée par nombre d’entorses majeures, à l’instar des référendums concernant le TCE, Traité sur la Constitution Européenne, rejeté en France et aux Pays-Bas en 2005. Le même texte est revenu par la bande sous un nouveau nom, ‘‘Traité de Lisbonne’’, n’a plus été soumis à un référendum en France et aux Pays-Bas (où il a été ratifié par les parlementaires) mais bien en Irlande, où il a été rejeté une nouvelle fois. Qu’à cela ne tienne, il a été représenté en 2009, l’establishment s’assurant cette fois de suffisamment terroriser les électeurs sur les conséquences d’un nouveau refus pour qu’il soit accepté… En gros, on peut voter pour ce qu’on veut, tant que cela va dans le sens de l’establishment capitaliste !

    Avec la crise économique, l’establishment capitaliste européen ne s’est pas toujours embarrassé de perdre du temps avec l’organisation de nouvelles consultations. En Grèce et en Italie, on a même carrément assisté à l’imposition de gouvernements technocratiques non-élus dirigés, comme par hasard, par d’anciens banquiers. Quant aux ‘‘recommandations’’ de la Commission Européenne, elles sont de plus en plus considérées – à juste titre – comme de véritables diktats. Ce n’est pas destiné à s’améliorer : le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) veut accroître le pouvoir coercitif de la Commission européenne. La banque JP Morgan Chase (une des plus grandes banques au monde) n’a pas hésité à suivre cette logique jusqu’à l’extrême en réclamant, dans un document intitulé ‘‘L’ajustement de la zone euro – bilan à mi-parcours’’, l’instauration de régimes autoritaires en Europe.

    La crise, ainsi que l’impact grandissant des privatisations et libéralisations, a aussi totalement fait voler en éclat toute cette idée de ‘‘citoyens’’ égaux. Licenciements, enseignement à deux vitesses, justice à deux vitesses, soins de santé à deux vitesses,… le rêve de la ‘‘démocratie’’ occidentale ressemble de plus en plus à un cauchemar. La ‘‘démocratie’’ parlementaire est partout à travers le monde minée par l’abstentionnisme chronique et la perte confiance vertigineuse des ‘’citoyens’’ face aux institutions et aux politiciens traditionnels. Ceux qui pensent encore être en mesure de pouvoir décider de leur destinée sont extrêmement peu nombreux, et ils se trouvent généralement derrière les bureaux luxueux des conseils d’entreprise, des banques,… Sur base de ce sentiment d’élections qui semblent n’être que symboliques et de l’ordre du rituel, la voie est ouverte pour la recherche d’alternatives.

    Une démocratie sans représentants élus ?

    Récemment, David Van Reybrouck, a défendu l’idée d’une démocratie par tirage au sort. Cet auteur flamand, qui a su acquérir une certaine notoriété avec son livre ‘‘Congo. Une histoire’’ fut également l’un des parrains du ‘‘G1000’’, un grand forum de débat public qui a débouché en 2012 sur un sommet dont est sorti une série de recommandations synthétisées dans un rapport remis aux présidents des sept parlements belges.

    C’est entre autres sur base de cette expérience qu’il en est venu à publier un essai ‘‘Tegen verkiezingen’’ (‘‘Contre les élections’’) destiné selon lui à dépasser le ‘‘syndrome de fatigue démocratique’’, notamment sur base de divers exemples historiques (Athènes durant l’Antiquité ou encore les républiques de Florence et de Venise à la Renaissance) et aller au-delà de ‘‘nos démocraties devenues impuissantes’’.

    Il est extrêmement frappant de voir combien cette idée traverse nombre de discussions, que ce soit parmi divers intellectuels et académiciens ou entre amis, autour de soi, une adhésion illustrative du profond dégoût – totalement justifié – que suscitent le clientélisme et la chasse ouverte aux postes rémunérés en vigueur chez les politiciens traditionnels. Mais si nous sommes d’accord avec David Van Reybrouck pour dire qu’une ‘‘démocratie qui se réduit aux élections est trop maigre’’, cette idée d’une démocratie par tirage au sort ne nous semble pas faire le tour de la question.

    Selon nous, le problème n’est pas le principe électif en lui-même, mais bien l’organisation même de ces élections et le cadre dans lequel elles se placent. Toutes les élections ne sont pas marquées par le népotisme et la soif de privilèges personnels qui caractérisent les institutions pro-establishment. Un exemple ? Les élections sociales qui désignent les délégués syndicaux dans les entreprises. En Belgique, aux dernières élections sociales (2012), 125.116 candidats (le double des élections communales) se sont présentés et 44.608 d’entre eux ont été élus. Pour ces élections, pas d’agences de publicité ni de coûteuses campagnes médiatiques, les délégués sont directement élus par leurs collègues sur base de leur dévouement quotidien. Voilà un exemple de démocratie à suivre.

    Ce rejet de l’élection de représentants était aussi un élément du fantastique mouvement d’occupation des places en Espagne lors du mouvement des Indignés, à l’été 2011 autour du slogan ‘‘¡Democracia Real YA!’’ (Une Vraie Démocratie Maintenant!), à la suite de l’enthousiasme du processus de révolution et de contre-révolution enclenché quelques mois plus tôt au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    Ce mouvement pour la ‘‘démocratie réelle’’ exprimait une aspiration profonde pour une société où les gens disposent d’un véritable contrôle sur leurs vies et ne sont plus à la merci d’une poignée d’ultra-riches, de banquiers voleurs et de politiciens corrompus. Les assemblées populaires tenues sur des centaines de places à travers toute l’Espagne ont donné l’image vivante d’une multitude de personnes se rassemblant, discutant et prenant leurs propres décisions concernant leur avenir. En Grèce, à la même époque, les débats sur la place athénienne de Syntagma avaient pris une orientation similaire. Ces gigantesques assemblées populaires qui réunissaient quotidiennement des milliers de participants ont remis au goût du jour le processus de la discussion collective, un élément d’une importance cruciale qui est absent du principe de tirage au sort. La démocratie ne se décrète pas, elle se construit, et la formation politique par la discussion collective est une donnée essentielle. Seule la formation politique la plus large possible permet d’assurer que personne ne soit indispensable et donc qu’un représentant puisse être élu de façon à ce qu’il soit révocable à tout moment par la base qui l’a choisi.

    Mais dans le cadre des assemblées populaires du mouvement des Indignés, la méfiance était totale vis-à-vis de l’élection de représentants, un sentiment compréhensible suite aux multiples trahisons des dirigeants syndicaux ou des représentants de partis sociaux-démocrates ou staliniens, précisément par manque de contrôle démocratique au sein de ces structures. Cette absence d’élection de représentants a cependant empêché le mouvement de réellement se coordonner à l’échelle nationale. Il faut imaginer quelle serait la situation aujourd’hui, deux ans plus tard, si les diverses assemblées avaient démocratiquement élu des représentants au niveau local pour des réunions nationales du mouvement destinées à tracer des perspectives communes pour la lutte, avec une orientation vers la mobilisation de la base des syndicats qui cherchait, et cherche toujours, à dépasser le rôle de frein joué par les directions syndicales empêtrées dans la logique du syndicalisme de collaboration de classe.

    Pas de démocratie réelle sans démocratie économique !

    Plus fondamentalement, chaque mesure vers une plus grande démocratie se heurte à la dictature des marchés capitaliste. Ce système est génétiquement incapable de donner naissance à une démocratie puisque les intérêts de la majorité de la population entreront toujours en conflit avec le pouvoir exercé par l’infime minorité de propriétaires des moyens de production. Le fait que la lutte n’est pas été fondamentalement orientée sur cette question permet de comprendre pourquoi le mouvement des Indignés est retombé, de la même manière que le mouvement Occupy aux Etats-Unis qui avait marqué l’automne 2011.

    Les mobilisations de masse qui se sont produits depuis lors ont tous illustré la manière dont la révolte des masses conduit à la recherche d’un gouvernement alternatif. Pour nous, l’aboutissement de ce processus est l’instauration d’un gouvernement des travailleurs représentant les intérêts de la majorité de la population, et non pas ceux de l’élite. Et si nous faisons ici référence aux travailleurs, ce n’est pas par fétichisme marxiste, mais tout simplement parce que le mouvement organisé des travailleurs est le seul à pouvoir bloquer l’économie – et donc la base du pouvoir de l’élite capitaliste – à l’aide de la grève générale et des mobilisations de masse, pour pouvoir poser la question d’une nouvelle société où les secteurs-clés de l’économie seraient au mains de ce mouvement et fonctionneraient dans le cadre d’une planification démocratique. Cet élément de démocratie dans le processus de production est un point fondamental car, pour reprendre les mots du révolutionnaire russe Léon Trotsky : ‘‘une économie planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène.’’ C’est cette absence de démocratie qui a conduit à l’effondrement des pays du Bloc de l’Est, étouffés par le cancer dictatorial bureaucratique.

    Dans le cadre de l’organisation de la lutte, des assemblées sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les écoles et dans les universités sont nécessaires pour poursuivre le combat en construisant un puissant mouvement impliquant le plus de monde possible en unifiant les travailleurs, les jeunes et les pauvres organisés démocratiquement par la base au travers de comités de base. Pour autant que ces comités soient reliés localement, régionalement et nationalement, toujours sous le contrôle des assemblées et avec des représentants sujets à révocation, ils peuvent progressivement passer d’organes de lutte à organes de pouvoir. Il y aurait ainsi une extraordinaire multitude de ‘‘parlements’’. Il suffit de voir comment les récents mouvements de masse ont fait appel les uns aux autres et ont été capables de constituer des sources d’inspiration à travers tout le globe pour être convaincu qu’une telle dynamique enclenchée dans un pays donné aurait inévitablement ces répercussions sur l’arène internationale, ce qui est une nécessité pour parvenir au renversement du système économique capitaliste. C’est cela que nous entendons lorsque nous parlons de société socialiste démocratique. Cette démocratie réelle privilégierait les intérêts de la population en utilisant les richesses de la société pour mettre fin à la pauvreté, au chômage et à la destruction de l’environnement.

  • Forbes s’insurge contre le succès d’une socialiste

    Même si les votes n’ont pas encore tous été comptés et que les campagnes pour assurer qu’ils le soient tous sont en pleine effervescence, le magazine Forbes s’insurge contre l’élection d’une socialiste au conseil municipal de Seattle. Le 11 novembre, le magazine a publié le commentaire suivant, signé par Alex Berezow : « Pourquoi autorise-t-on une socialiste à enseigner l’économie ? ». Une attaque ridicule sur les idées socialistes.

    Jesse Lessinger, 13 novembre 2013

    Si vous en avez assez de cette propagande de droite pro-capitaliste, si vous voulez donner à Fox News et à Forbes plus de raisons de s’arracher les cheveux face à une socialiste se battant pour un salaire minimum de 15$ de l’heure, pour un contrôle des loyers, et contre la mainmise des corporations sur la politique et la société, alors aidez-nous : nous devons mener une vaste campagne post-électorale pour garantir que tous les votes pour Kshama Sawant soient validés.

    Des centaines de volontaires font du porte à porte pour obtenir les signatures des électeurs et s’assurer que leurs votes soient comptabilisés. Il s’agit d’une opération supplémentaire pour remporter une course très serrée, Khsama n’ayant que 41 (un peu plus de 1000 à présent) votes d’avance sur son adversaire démocrate.

    Hystérie anti socialiste

    La diatribe imbécile et anti socialiste d’Alex Berezow dirigée contre Kshama Sawant et un symptôme de l’abrutissement général du capitalisme américain. L’article, publié à la base sur realclearscience.com, n’apporte rien de réel, de clair ou de scientifique, et l’hystérie anti rouges de Berezow est dans la droite lignée de celle de McCarthy.

    Il débute son article en admettant que l’économie est réputée comme une « science lugubre », et qu’au mieux, les économistes ne peuvent que s’approcher de « quelque chose qui ressemble à de la connaissance scientifique ». Berezow s’est-il penché sur les 5 dernières années de stagnation économique et de désordre global ?

    Les économistes traditionnels (c’est-à-dire capitalistes) n’ont aucune idée des origines ou des solutions qu’il est possible de donner à la crise actuelle du capitalisme. Ils sont restés aveugles aux tendances et aux processus qui ont mené à la plus grande crise économique depuis les années ’30. Au contraire, les économistes socialistes comme Sawant ont correctement prédit la crise économique actuelle et ont mis en avant de réelles solutions pour nous sortir de la stagnation et de la récession.

    Berezow régurgite le vieil argument selon lequel le capitalisme motive les gens à travailler. Alors pourquoi des milliers de travailleurs des fast-foods font-ils grève pour un salaire de 15$ de l’heure et le droit de se syndiquer ? N’est-il pas évident que lorsque les travailleurs comme ceux des fast-foods et autres secteurs ont un salaire de misère et n’ont droit ni à la parole et au respect sur leur lieu de travail, ils n’en ont rien à faire de leur travail ?

    Travailler plus dur ne nous fait pas gagner un centime de plus, alors où est la motivation ? La fameuse d’échelle vers le succès économique n’a qu’un échelon, un échelon brisé, et nous sommes coincés dans une fosse de désespoir économique. Pendant ce temps, les oligarques milliardaires de la finance, qui n’apportent rien à la société autre qu’un désastre économique pour lequel ils ont été remboursés, continuent à s’asseoir sur leurs énormes derrières et à regarder leurs comptes se remplir. Il y a 165 ans, l’argument selon lequel le socialisme engendrerait une paresse universelle a été contré par un étudiant de la « science lugubre » nommé Karl Marx, qui a écrit « Si cela était, il y a beau temps que la société bourgeoise aurait péri de fainéantise puisque, dans cette société, ceux qui travaillent ne gagnent pas et que ceux qui gagnent ne travaillent pas. » (Manifeste du parti communiste)

    Tout le contraire de la « vérité » de Berezow. En donnant aux travailleurs la compensation qu’ils méritent ainsi qu’un véritable pouvoir décisionnel et la propriété de leur travail, de leur communauté et de la société, nous pouvons puiser dans les énormes ressources d’énergie, de créativité et de potentiel humain dormants, et les diriger vers des besoins sociaux rationnels. Jetez un œil au travail de recherche de Dan Pink sur ce qui motive vraiment les gens à travailler : (http://www.youtube.com/watch?v=LFlvor6ZHdY)

    Berezow revendique que les dizaines de milliers de travailleurs qui ont été inspirés par la campagne de Kshama car quelqu’un parle enfin de leur lutte quotidienne et veut établir des politiques qui améliorerait vraiment leurs vies sont juste « dupés ». Non seulement pense-t-il que vous ne méritez pas 15$ de l’heure, il dit aussi que vous êtes stupides de penser que vous le méritez.

    Malgré le manque total d’approfondissement dans les propos de Berezow, nous devons les voir comme un signal : quand des socialistes et des travailleurs élèvent leurs voix contre ce système pourri et exigent un réel changement, ils font face à la sournoiserie et à la condescendance de l’élite dirigeante et de ses hommes de main. Au lieu de débattre des sujets brûlants de notre société, ils tentent de nous réduire au silence et de nous discréditer.

    Mais nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes à un doigt de remporter une victoire historique pour les travailleurs et nous avons besoin de votre aide. Les élections sont si proches et nous devons nous battre pour que chaque vote soit comptabilisé. Cela nécessite d’énormes ressources et plus de participants, il est donc urgent que vous fassiez un don pour notre campagne aujourd’hui.

    La vision faussée de la réalité entretenue par des commentateurs tels que Berezow n’est égalée que par la dureté et la volonté de tromper des représentants politiques de ce système en ruines vénérant le profit. Mais la campagne de Kshama représente un nouvel espoir qui prouve que nous pouvons défier des années de négligence et d’indifférence, et élever nos voix pour revendiquer ce dont nous avons besoin. Nous n’avons plus à nous asseoir en silence. Il est temps de reconstruire des mouvements sociaux issus de la population aux Etats-Unis, pour un changement réel. Rejoignez-nous !


    Article original de Berezow:

    Pourquoi autorise-t-on une socialiste à enseigner l’économie ?

    Alex Berezow, 11 novembre 2013

    Nous ne faisons pas une couverture régulière de l’économie car elle n’est pas traditionnellement considérée comme une science. De plus, elle génère trop souvent des recherches et des commentaires qui relèvent plus de l’ésotérisme qu’autre chose. C’est en grande partie pour ces raisons que l’économie est souvent considérée comme une « science lugubre » et que le président Harry Truman voulait rencontrer un économiste manchot (il disait que les économistes utilisaient toujours la formule «on one hand (…), and on the other hand (…) »).

    Cependant, l’économie peut fournir de puissants aperçus des comportements du marché. En effet, les économistes de différentes écoles ont réussi à atteindre un consensus sur de nombreuses questions majeures, nous pouvons donc dire que cette matière s’est développée pour devenir quelque chose qui ressemble à de la connaissance scientifique.

    Un de ces aperçus, c’est que les gens répondent à des stimuli. SI j’offre 50$ à un adolescent pour tondre ma pelouse, et 25$ de plus pour couper les buissons, alors je peux m’attendre à débourser 75$. J’ai juste donné à mon petit aidant un joli stimulus, et il y a de grandes chances qu’il y réponde. Cet aperçu du comportement humain est si basique et évident qu’il est listé dans les principes fondateurs de l’économie par l’économiste de Harvard Greg Mankiw dans son manuel Principes d’Economie.

    Malheureusement, les socialistes n’ont jamais appris cette leçon. Dans une économie socialiste, les stimuli ne jouent qu’un petit rôle, voire aucun. Ainsi, comme l’écrit l’économiste de l’Université de Michigan-Flint Mark J. Perry, « Parce qu’il ne met pas l’accent sur les stimuli, le socialisme est une théorie qui ignore la nature humaine, et est donc vouée à l’échec. »

    Et pourtant, aussi choquant que cela puisse paraître, on trouve régulièrement des socialistes sur les campus universitaires. Kshama Sawant, professeur d’économie au Central Community College de Seattle, embrasse ouvertement le socialisme. Elle participe aussi aux élections pour le conseil communal de Seattle, et selon les derniers retours, elle aurait obtenu 49,5% des voix. Avec tous les votes qu’il reste à comptabiliser, elle peut encore gagner.

    Par quels moyens imaginable quelqu’un qui rejette des connaissances académiques élémentaires peut-il se retrouver si près du poste de conseiller municipal ? Encore plus troublant, comment quelqu’un avec les mêmes croyances qu’elle peut être autorisé à enseigner l’économie ? Cela reviendrait à autoriser un négationniste du SIDA à enseigner la microbiologie médicale, un membre du Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre à enseigner la politique étrangère, ou un créationniste à enseigner la théorie de l’évolution (étonnamment, la biologiste Lynn Margulis de l’UMass-Amherst réunit ces deux premières qualités !).

    A quel point le Dr. Sawant n’est-elle pas une politicienne mainstream ? Elle est en faveur de la collectivisation d’Amazon. « Collectiviser » est un joli mot employé par les socialistes pour désigner la saisie d’une entreprise et donner le contrôle des opérations au gouvernement.

    Si le fait que le Dr. Sawant est une socialiste n’était pas suffisamment mauvais en soi, elle soutient également une politique terriblement destructrice appelée « contrôle des loyers ». Cette politique peut revêtir différentes formes, mais essentiellement, les propriétaires ne sont pas autorisés à adapter les loyers de leurs appartements aux taux du marché. Cela semble une bonne chose pour les locataires, mais le docteur Mankiw, qui cite une thèse de 1992 publiée dans l’American Economic Review, affirme que 93% des économistes rejettent le contrôle des loyers car cela « réduit la quantité et la qualité des logements disponibles ». Le professeur de l’Université de Chicago Charles Wheelan, auteur de Naked Economics, approuve :

    « Si vous demandez à 10 économistes pourquoi il y a un manque de taxis et d’appartements à New York, les 10 vous répondront que les limitations du nombre de taxis et le contrôle des loyers sont ce qui restreint le nombre de ces biens et services ».

    Il y a deux questions auxquelles je ne recevrai probablement jamais de réponse rationnelle.

    De un, comment le Central Community College de Seattle peut-il autoriser le Dr. Sawant (oui, elle a vraiment un diplôme d’Economie) à entrer en contact avec des étudiants ? De deux, je m’adresse aux habitants de Seattle, comment l’une des villes les mieux éduquées d’Amérique peut-elle être ainsi dupée ?

  • USA : Grandes Victoires électorales pour Socialist Alternative!

    D’énormes opportunités politiques se présentent pour la classe des travailleurs

    Deux candidats de Socialist Alternative ont provoqué une onde de choc historique aux Etats-Unis la nuit du 5 novembre dernier. Ces deux candidats – Kshama Sawant à Seattle et Ty Moore à Minneapolis – ont mené des campagnes ouvertement anticapitalistes et socialistes, les campagnes de ce type les plus soutenues depuis des décennies dans une métropole du pays. Kshama Sawant a obtenu le résultat provisoire de 47% et Ty Moore celui de 37%.

    Par Bryan Koulouris, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Les résultats annoncés sont encore provisoires, d’autres bulletins doivent encore être dépouillés au cours de ces deux prochaines semaines. En ce moment, les deux courses se jouent au coude-à-coude. Ty Moore en est à 130 voix seulement de la victoire ! Kshama Sawant, quant à elle, n’a obtenu que 4% de moins que son adversaire alors que seuls 38% des bulletins ont été dépouillés, et le reste pourrait fortement pencher à sa faveur.

    Au final, qu’importe le résultat, les suffrages recueillis par ces candidats ouvertement marxistes illustrent clairement quel est l’espace politique présent aux Etats-Unis sur base de la colère ressentie à l’encontre de l’establishment capitaliste.

    Le désaveu de l’establishment politique est gigantesque aux Etats-Unis, en conséquence de la Grande Récession et de la faiblesse de la ‘‘reprise’’ économique. Cela a bien entendu alimenté les deux campagnes. Le Shutdown du gouvernement a aussi provoqué une rage populaire qui a permis aux campagnes de Socialist Alternative de toucher la corde sensible des gens ordinaires. Durant le Shutdown, le taux d’approbation du Congrès est tombé jusqu’au taux historiquement bas de 5% ! Dans un sondage de l’agence Gallup, 60% des sondés ont déclaré qu’il fallait un nouveau parti aux Etats-Unis, un pourcentage qui n’avait encore jamais été atteint. Seuls 26% des sondés ont déclaré que les partis Républicains et Démocrates faisaient bien leur travail, là aussi un taux record, mais vers le bas.

    Nombreux sont les Américain qui se sentent découragés et démoralisés par ce système électoral pro-Big Business. Ces campagnes ont cependant démontré que des candidats indépendants et des travailleurs ordinaires peuvent défier l’establishment sans toucher un centime du patronat ! Ty Moore a récolté plus d’argent que sa principale rivale soutenue par le patronat, et Kshama Sawant a récolté près de 110.000 dollars, là où son adversaire en a mobilisé 230.196.

    Les campagnes de Socialist Alternative ont clairement montré qu’il est possible pour des travailleurs et les jeunes de s’organiser et de lutter ensemble pour changer le monde. Sur base de ce momentum, Socialist Alternative veut se construire, appeler à effectuer une donation et à rejoindre l’organisation afin de développer de nouvelles campagnes en faveur des ‘‘99%’’, selon le terme popularisé par le mouvement Occupuy, à l’instar de la lutte pour l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars, pour le droit de se syndiquer sans risque de se faire licencier et pour s’en prendra aux super-riches afin de financer un programme de création d’emplois et de transports en commun écologiques, entre autres.

    Les deux partis capitalistes que sont le parti Républicain et le parti Démocrates verront encore leur base de soutien s’amoindrir au cours des mois à venir, puisque de nouvelles coupes budgétaires dans la sécurité sociale et d’autres programmes populaires sont envisagés pour les mois à venir. A l’approche des élections de mi-mandat de 2014, ces campagnes menées par Socialist Alternative ont illustré l’énorme ouverture qui existe pour la présentation des candidats indépendants de la classe des travailleurs. Des coalitions de dirigeants syndicaux combatifs, de socialistes, d’écologistes et de groupes de défense des droits civiques devraient être construites dans chaque ville du pays afin d’organiser des mouvements et de déposer des candidats indépendants des deux partis du capital aux élections.

    Ces résultats électoraux – à l’instar du processus révolutionnaire au Moyen Orient et en Afrique du Nord, des révoltes ouvrières du Wisconsin et le mouvement Occupy – ont rendu possible ce qui paraissait impossible. Ils introduisent un tout nouveau processus dans la société américaine. Non seulement ces campagnes donnent naissance à un nouveau et puissant mouvement socialiste aux Etats-Unis, mais elles servent aussi de modèle qui contribuera à l’inévitable ascension d’un nouveau parti qui luttera contre les ‘‘1%’’ les plus riches : un parti de masse de la classe des travailleurs.

    Développement de l’audience pour les idées du socialisme

    De nombreuses personnes à gauche disent que les idées socialistes ne peuvent pas remporter un soutien massif dans leur pays. Ces campagnes prouvent qu’ils ont faux sur toute la ligne. Les sondages du Pew Research Center montrent sans cesse qu’une majorité des jeunes et des personnes de couleur aux USA préfèrent maintenant le ‘‘socialisme’’ au ‘‘capitalisme’’. Evidemment, cette conscience est teintée de confusion, ce que revêt ce terme de ‘‘socialisme’’ est peu clair, mais cela illustre que les gens en ont marre de l’inégalité croissante, de l’augmentation insupportable du coût de la vie et du système capitaliste lui-même.

    C’est ce qui permet de comprendre pourquoi les adversaires de Kshama Sawant et de Ty Moore ont à peine eu recours au ‘‘red baiting’’, cette pratique éprouvée aux Etats-Unis consistant à lancer un flot incessant de calomnies à l’encontre des communistes ou des anarchistes. Richard Conlin, conseiller communal sortant à Seattle, a préféré faire des commentaires sexistes et anti-immigrés à peine voilés à l’encontre notre camarade Kshama Sawant. Quant à Alondra Cano, candidate à Minneapolis, elle a préféré compter sur le soutien de ses amis de l’establishment et de l’immobilier plutôt que de se risquer à s’aventurer dans une campagne négative.

    Les idées socialistes sont clairement de retour, et Socialist Alternative détient maintenant une position unique pour aider à construire un nouveau mouvement pour le socialisme. Ce mouvement doit être lancé par les socialistes eux-mêmes, les plus qualifiés pour lutter pour les besoins de la classe des travailleurs. Socialist Alternative s’est démarqué du reste de la gauche par sa capacité à entrer en dialogue avec des travailleurs politisés en utilisant un langage compréhensible et basé sur le concret. Parallèlement, nous avons expliqué avec honnêteté que les réformes dans cette société ne peuvent être maintenues que si le pouvoir est arraché des mains des grandes entreprises et qu’un nouveau système basé sur la propriété publique et démocratique des 500 plus grandes entreprises est établi, une société socialiste démocratique.

    Construire le mouvement

    La campagne de Ty Moore dans le Ward 9 (9e district) de Minneapolis a été lancée en parallèle de l’importante campagne d’Occupy Homes Minnesota. Ty Moore et Socialist Alternative ont contribué à la fondation de cette organisation qui a défendu avec succès des propriétaires de maison menacés d’expulsion par les grandes banques et la police. Le centre de la ‘‘Zone sans expulsion’’ d’Occupy Homes se situait dans le Ward 9, une communauté ouvrière diversifiée, et les campagnes de Ty Moore et d’Occupy Homes se sont mutuellement renforcées.

    De même, à Seattle, la campagne de Kshama Sawant a contribué à placer les ‘‘Fight for 15’’, un mouvement de grèves et de manifestations de travailleurs à bas salaires, au cœur du débat politique. Socalist Alternative a énergiquement aidé à construire cette campagne en aidant concrètement les travailleurs en grève et en contrant les arguments des opposants à l’augmentation du salaire minimum. Quand des organisations de travailleurs ont pris l’initiative de lutter pour augmenter le salaire minimum jusqu’au seuil des 15 dollars de l’heure dans la banlieue de SeaTac, la campagne de Kshama Sawant a soutenu l’initiative avec énergie, ce qui a contribué à son succès historique.

    Enfin, les deux candidats à la mairie de Seattle, qui avaient passé sous silence cette question du salaire minimum au début de leurs campagnes, ont fini par soutenir – vaguement – la proposition. Le succès qu’a rencontré Kshama Sawant dans la maîtrise du débat politique a conduit le Seattle Times, le journal le plus lu de Seattle, à déclarer avec même la tenue des élections que ‘‘le vainqueur est déjà la socialiste Kshama Sawant’’.

    Le mouvement des travailleurs

    Ces campagnes indépendantes de la classe des travailleurs sont des leçons importantes pour le mouvement des travailleurs, qui traverse actuellement une crise sérieuse. Le mouvement des travailleurs est sous l’assaut des grandes entreprises, et les républicains du Tea Party tentent d’en finir définitivement avec les syndicats. Les politiciens démocrates sont quant à eux souvent les pionniers des coupes budgétaires, des privatisations et des autres attaques antisyndicales. Dans cette situation, le mouvement des travailleurs a besoin de renouer avec ses traditions de lutte et de présenter davantage de candidats ouvriers indépendants.

    Au lieu de cela, la direction de ces mouvements soutient le plus souvent les démocrates, soit par peur des républicains, soit par habitude, soit parce que beaucoup des membres de cette direction mènent eux aussi une vie luxueuse bien plus proche de celle des politiciens que de celle de ceux qu’ils sont censés représenter.

    Les campagnes de Ty Moore et de Kshama Sawant ont toutefois montré que les travailleurs en ont plus que marre de la politique traditionnelle et que leur soutien peut être acquis par des campagnes crédibles et des revendications concrètes. Ty Moore a obtenu le soutien actif du syndicat SEIU (Service Employees International Union, soit Union Internationale des Employés des Services en français, il s’agit d’un syndicat nord-américain représentant 2,2 millions de travailleurs aux États-Unis, à Porto Rico et au Canada) qui a joué un rôle essentiel dans la campagne. Kshama Sawant a reçu le soutien de 6 syndicats locaux, et une majorité du King County Labor Council (conseil du travail du comté de King, où elle se présentait) a voté pour la soutenir, sans cependant obtenir la majorité suffisante pour un soutien officiel.

    Lors des mois et années à venir, les syndicalistes seront la cible d’attaques continues contre leurs droits et leurs conditions de vie. Dans cette bataille, nous aurons besoin de manifestations, de piquets, de grèves et d’actions directes pour nous défendre. Les travailleurs devront lutter pour obtenir le contrôle démocratique de leurs syndicats et élire des dirigeants qui veulent vraiment résister à l’assaut capitaliste. Ces batailles illustreront le besoin pour les travailleurs d’une représentation politique indépendante, et les campagnes de Ty Moore et de Khsama Sawant montrent que les syndicats peuvent présenter des candidatures très populaires, ce qui représente un pas en avant vers un nouveau parti des 99%.

    Prochaines étapes

    Nombres de ceux qui ont soutenu Ty Moore et Kshama Sawant sont en rupture avec le parti démocrate, mais ne sont pas encore prêts à la quitter définitivement. Socialist Alternative continuera à clamer au sein des mouvements pour la justice sociale et des diverses coalitions de lutte que le parti Démocrate représente fondamentalement un parti pro-capitaliste, et que la classe des travailleurs ne devrait en aucun cas le soutenir, pas même les candidats de son ‘‘aile gauche’’.

    Nous avons urgemment besoin d’un parti des travailleurs lié aux mouvements sociaux, aux syndicats de lutte, aux organisations communautaires, aux écologistes et aux socialistes. Un pas concret pour y parvenir serait de former des coalitions à travers tout le pays, liées entre elles à l’échelle nationale, afin de présenter 100 candidats indépendants des travailleurs pour les élections de mi-mandat de 2014. Les syndicats qui ont soutenu les campagnes de Ty Moore et de Kshama Sawant, comme beaucoup d’autres, devraient présenter des listes complètes de candidats aux élections de mi-mandat ainsi qu’aux élections nationales et locales.

    Le capitalisme américain est plongé dans une profonde crise économique et sociale. L’establishment politique est discrédité, et son système gouvernemental semble ruiné. Une énorme colère se développe contre l’inégalité, le racisme, le sexisme et l’homophobie. La destruction de l’environnement s’intensifie. La situation nécessite une alternative.

    Si les socialistes, les écologistes et les dirigeants syndicaux ne capitalisent pas sur cette ouverture, alors la droite le fera. Par exemple, un candidat libertarien (droite radicale) pour le siège de gouverneur de l’Etat de Virginie a remporté plus de 145.000 votes lors de ces élections. Pire encore, des rapports montrent que des groupes ouvertement d’extrême droite se développent.

    La situation actuelle exige une riposte urgente. Nous avons besoin de construire activement le mouvement pour le socialisme avec de plus larges coalitions des 99% pour contrer l’agenda des capitalistes. Les incroyables résultats électoraux de Ty Moore et de Kshama Sawant sont de brillants exemples qui montrent la voie à suivre.

  • Les Etats-Unis en route vers la faillite ?

    Le 1e octobre dernier, date officielle à partir de laquelle le budget 2014 est d’application aux USA, plus d’un million de ménages ont eu une bien mauvaise surprise. Considérés comme ‘‘non essentiels’’ à la survie du pays par le gouvernement Obama, 800.000 fonctionnaires fédéraux se sont retrouvés en congé forcé et sans solde pour une durée indéterminée. Des centaines de milliers d’autres, plus ‘‘vitaux’’, ont quant à eux pu rester à leur poste… sans être payés. La raison de cette mise à l’arrêt de l’Etat fédéral ? Tout simplement l’absence d’un budget 2014 permettant le fonctionnement de l’administration…

    Par Baptiste (Nivelles), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Que s’est-il passé ?

    Le budget fédéral doit être avalisé par deux entités : le Congrès, à majorité républicaine, et le Sénat, à majorité démocrate, ce qui impose, de facto, un compromis entre les deux partis du big-business américain. Or, ce nouveau budget a une particularité : l’introduction de ‘‘l’ObamaCare’’ (ou Affordable Care Act), la loi sur l’assurance maladie. Cette dernière est tout ce qui reste à Obama pour encore pouvoir justifier que ses deux mandats à la présidence des Etats-Unis aient eu, quelque part, un caractère un tant soit peu progressiste par rapport à ses prédécesseurs. Bien que sans cesse aménagée en faveur des lobbys pharmaceutiques par rapport à ce que promettait Obama lors de ses campagnes électorales, cette loi est, par la même occasion, le cheval de bataille de l’ultra-conservateur ‘‘Tea Party’’, cet horrible monstre de Frankenstein du parti républicain. La stratégie du Tea Party était dès lors simple : faire pression sur les républicains pour rentrer dans un bras-de-fer sur le nouveau budget avec l’espoir de postposer, d’année en année, l’entrée en vigueur de cette loi sur l’assurance maladie. D’où le blocage du 1e octobre dernier, qui a mis en place le shutdown, une cessation organisée des agences fédérales.

    Un blocage politique sur fond de crise économique profonde

    L’absence d’un budget pour 2014 n’était pas le seul enjeu des négociations. Les politiques de guerres et les politiques de rabattement fiscal pour les plus riches qu’Obama a menées ces dernières années, en digne successeur de Bush, ont creusé les déficits budgétaires, augmentant chaque année le plafond record atteint par la dette. Cette dernière avoisine aujourd’hui les 17.000 milliards $, soit plus de 100% du PIB des USA. Or, le plafond maximal que la dette pouvait atteindre avait été fixé à 16 700 milliards $ lors d’un vote au congrès en août 2011. Pour pouvoir continuer à emprunter sur les marchés, ce qui est indispensable pour un budget en déficit, il fallait donc voter, en même temps que le budget, un relèvement du plafond de la dette. Sans cela, le budget précédent ne pourrait même pas être reconduit puisque l’Etat ne pourrait plus rien emprunter, et donc il n’aurait plus été en mesure de répondre à ses obligations élémentaires. C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis risquaient pour la première fois de leur histoire un défaut de paiement si un accord n’était pas trouvé pour le 17 octobre.

    Ce scénario, synonyme de catastrophe financière pour tout le système capitaliste, a été écarté grâce à un accord obtenu dans les dernières heures de la nuit du 16 octobre. Tout est à présent fini ?

    Rien n’est moins sûr. Certes, un accord a bien été trouvé entre les républicains et démocrates, en échange de nouvelles concessions sur l’ObamaCare, notamment le renoncement à une taxe sur les sociétés d’assurance, mais cet accord est un compromis très minimal sur le budget et sur la dette. Le relèvement du plafond de la dette est autorisé jusqu’au 7 février et les agences fédérales fermées durant le shutdown peuvent rouvrir… jusqu’au 15 janvier ! D’ici là, un accord complet sur le budget 2014 doit être trouvé, sans quoi l’histoire recommencera de plus belle.

    Un épisode de plus dans la crise des instruments politiques de l’impérialisme…

    S’agit-il d’une étrange mise en scène calculée ? Cette situation chaotique est plutôt le reflet d’une crise des instruments politiques traditionnels de l’impérialisme américain. La façade démocratique du système s’étiole au fur et à mesure des politiques néolibérales, qui dégradent toujours un peu plus le niveau de vie de la population, et les partis du big business s’en retrouvent profondément discrédités. Face à cela, les républicains avaient cru trouver un outil miracle : le Tea Party, la droite populiste hystérique façon US, leur permettant de canaliser une partie du sentiment ‘‘anti-establishment’’ tout en tirant vers la droite les lignes politiques. Depuis, les républicains ont littéralement perdu le contrôle de leur outil populiste et se retrouvent poussés dans des stratégies aventuristes, pas forcément dans l’intérêt de la classe qu’ils représentent, à savoir les capitalistes et le big-business.

    Ce dernier épisode représente une défaite pour les républicains puisque l’ObamaCare rentrera bien en vigueur. Des règlements de compte entre les fractions ‘‘responsables’’ et les fractions ‘‘aventuristes’’ risquent fort de prendre place dans les mois qui viennent dans le camp républicain. Obama a-t-il enfin vaincu le Tea Party ? À nouveau, des concessions ont dû être réalisées, et malgré qu’il ait pris l’ascendant sur ses adversaires politiques, son impopularité restera importante tant que la crise du capitalisme nuira aux 99% de la population et que ses politiques ne feront que creuser le fossé entre riches et pauvres. En outre, l’accord actuel reste très maigre et l’essentiel devra encore être discuté en janvier prochain. La crise politique est loin d’être clôturée.

    … dont la note est à chaque fois reportée sur le dos des travailleurs et de leurs familles

    Le précédent ‘‘clash’’ financier des Etats-Unis avait eu lieu au mois de mars dernier. Le gouvernement devait élaborer un plan drastique de diminution des dépenses publiques pour le 1e mars, cette date butoir faisant suite au relèvement du plafond de la dette voté en août 2011. Faute d’accord, des coupes automatiques ont eu lieu dans les dépenses publiques de l’ordre de 85 milliards $ en 2013 et ensuite pour 1 200 milliards $ sur 10 ans ! Ces coupes se retrouvent surtout dans les budgets de la Défense, mais également dans les budgets sociaux, comme les soins de santé, l’éducation,… Selon Standard and Poor’s, les 16 jours de shutdown d’octobre ont, quant à eux, causé une perte pour l’économie américaine d’environ 24 milliards $, ce qui équivaut à une contraction de l’économie de 0,7% durant cette période. À nouveau, les travailleurs et leurs familles auront payé la note, notamment à travers le chômage économique, et ce alors que les membres du Congrès percevront bien eux l’intégralité de leur 174 000 $ annuel !

    Il est plus que temps d’avoir un parti de masse pour représenter les intérêts des travailleurs et des pauvres. Wall Street a deux partis, les démocrates et les républicains, alors que la classe ouvrière n’en a aucun. Socialist Alternative (section du CIO aux Etats- Unis) fait campagne pour la construction d’un tel parti. Lors des dernières élections locales à Seattle en 2012, notre camarade Kshama Sawant avait obtenu 29% sur base d’un programme socialiste, illustrant le potentiel qu’ont de telles idées parmi la population.

    Le capitalisme ne fonctionne pas, le socialisme doit le remplacer

    Le capitalisme est arrivé depuis longtemps dans un stade de délabrement. Il ne propose aucun avenir pour la société. La guerre de classe, le chaos économique et les crises politiques sont ses seules perspectives. Ce système doit être remplacé par le socialisme, où les secteurs clés de l’économie sont nationalisés, permettant une planification démocratique de la production et des budgets en fonction des besoins de tous, et non en fonction des lobbys privés.

  • Brochure FGTB Charleroi-Sud Hainaut – Quel était le programme de la FGTB en 1945 ?

    Le lien entre le syndicat socialiste et la social-démocratie est sous pression, tout comme c’est le cas entre la CSC et la démocratie chrétienne. Même la bureaucratie syndicale ne lance plus de campagnes enthousiastes en faveur des partenaires politiques, mais se limite à un appel défensif pour ‘‘le moindre mal’’. Elle s’en sort ainsi faute d’alternative à gauche. Mais les choses commencent à basculer. La régionale de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut cherche à traduire la pression de la base, qui critique l’orientation politique de la FGTB, vers un rassemblement de toutes les formations à la gauche des sociaux-démocrates et des verts.

    Par Eric Byl

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    La FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut a publié une brochure intitulée ‘‘8 questions en relation avec l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB de Charleroi-Sud Hainaut’’. Cette brochure est disponible en français et en néerlandais. Dans le numéro de novembre de Lutte Socialiste, nous avons voulu mettre en évidence un aspect discuté dans la brochure : le contexte historique de la Déclaration de Principes de la FGTB de 1945.

    Comment se procurer la brochure ?

    En téléphonant à la FGTB de Charleroi au 071/64.12.62. Ou en nous contactant au 02/345.61.81 ou via mail à info@socialisme.be. Dépêchez-vous, elle partent très vite !

    Vous pouvez la trouver ici en format PDF

    Comment travailler avec elle ?

    En en discutant avec vos collègues, en proposant que la brochure soit discutée en réunion syndicale, en assemblée interprofessionnelle ou en comité exécutif et, par exemple, en invitant un orateur de la FGTB de Charleroi.
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    Les principes de la FGTB

    Pour cela la régionale a mis en place un comité de soutien composé de son propre bureau exécutif, de représentants de la gauche radicale et d’un observateur de la régionale du syndicat chrétien des employés, la CNE. Ce comité de soutien a organisé une première journée de discussion le 27 avril dernier, avec une présence de 400 participants. Depuis lors, la régionale FGTB a publié une brochure où figure également la Déclaration de Principes de la FGTB de 1945. Ce n’est pas qu’un bout de papier, le texte reprend les conclusions que les anciens syndicalistes ont tirées de la période de la Grande Dépression au début des années ‘30 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Déclaration a repris des couleurs depuis le début de la grande récession en 2008.

    La Déclaration de Principes se compose de 15 articles seulement. L’écart entre ces articles et ce que les dirigeants syndicaux disent lors de conférences et de réunions, ou encore dans les médias ne saurait guère être plus profond. La Déclaration est toutefois, jusqu’à ce jour, le principe officiel de la FGTB et est encore incluse dans les livrets d’adhésion, pour peu qu’ils existent encore. Pour les dirigeants syndicaux cependant, il ne s’agit de rien de plus qu’une pièce de musée qui ne bénéficie pas d’attention. Malheureusement, un grand nombre de membres et de militants ont aussi commencé petit à petit à la considérer comme un idéal dont on ne croit guère en la réalisation.

    Quelques décennies d’Etat-providence et, surtout, l’effondrement des caricatures de socialisme dans les pays staliniens du Bloc de l’Est ont sérieusement ébranlé la confiance éprouvée envers la possibilité d’une alternative à l’exploitation capitaliste. Il en allait autrement en 1945. La Déclaration de Principes invoque déjà dans son premier article que la FGTB vise à ‘‘la constitution d’une société sans classe et à la disparition du salariat, s’accompli[ssant] par une transformation totale de la société.’’ Toute illusion d’un capitalisme plus social, comprenant des conquêtes durables pour les travailleurs, avait été balayée au cours des 15 années qui avaient précédé 1945 sous les coups de l’agression patronale et de la sévère répression policière.

    Des concessions sur base de la lutte

    La période d’entre-deux-guerres avait pourtant commencé de façon prometteuse. Des revendications, pour lesquelles un combat avait dû être mené des années durant, avaient été obtenues. La vague révolutionnaire internationale à la suite de Révolution russe n’était pas étrangère à la soudaine complaisance de la bourgeoisie. Cela a entraîné le suffrage universel masculin en 1919, l’instauration d’un indice des prix à la consommation en 1920 et, en 1921, l’abrogation de l’article 310 du Code Pénal réprimant divers actes liés à la grève, ainsi que la loi sur la ‘‘liberté d’association’’, de sorte que l’on ne pouvait plus être licencié pour appartenance à un syndicat. Cette même année, la journée des huit heures et la semaine de 48 heures ont été ratifiées par la Loi.

    Curieusement, la position des dirigeants du Parti Ouvrier Belge (POB, ancêtre du PS et du Sp.a) et de la commission syndicale établie en 1898 – la paix sociale, la tranquillité et l’amélioration progressive par des moyens parlementaires – ont gagné ainsi en crédibilité. Toute l’histoire de l’union des travailleurs dans des syndicats se caractérise par l’alternance de périodes de confrontation ouvertes avec le capitalisme, souvent contre la volonté des dirigeants syndicaux, avec des périodes d’intégration de l’appareil syndical au système. Pour miner les mouvements de grève qui ont suivi la Première Guerre mondiale, les commissions paritaires – des organes de consultation entre patrons et syndicats – ont été créées en 1919. Les conventions collectives de travail ont supplanté les habituels contrats individuels.

    Le bourgeoisie veut faire marche arrière

    Mais une fois la bourgeoisie remise de la crainte de la propagation de la Révolution russe, elle a voulu revenir sur ces concessions. La marge pour de nouvelles conquêtes sociales a été réduite pendant les années ‘20. Dès le début de la Grande Dépression de1929, la situation s’est transformée en une politique agressive de dégradation sociale. Depuis le début de la crise, les mineurs avaient déjà dû avaler des réductions salariales de l’ordre de 24 % mises ensemble, mais début juillet 1932, les patrons des mines ont annoncé une nouvelle réduction de 10% d’un coup. Une grève spontanée a alors éclaté, les mineurs du Borinage devenant dans les faits les maîtres de la région. L’état d’urgence a été instauré, des barrages et des postes de gendarmerie ont été établis sur toutes les routes conduisant à Bruxelles et devant tous les bâtiments publics et l’aviation militaire survola le Pays Noir : mais rien de tout cela n’a pu inverser la tendance. La grève a poursuivi son expansion, jusque dans le Limbourg. Ce n’est qu’en septembre qu’elle a perdu de sa vigueur, en partie à cause de la faim, en partie parce que les patrons étaient partiellement revenus sur leurs projets.

    L’atmosphère était combative, le POB s’est vu obligé d’adopter un virage à gauche à la Noël 1933 avec le ‘‘Plan du Travail’’. Le Plan proposait une économie mixte, mais exigeait aussi la nationalisation du secteur du crédit, des matières premières et de l’énergie, la socialisation des grandes entreprises monopolistiques et la soumission de la production à une planification destinée à orienter l’économie vers le bienêtre général plutôt que pour le profit. L’enthousiasme entourant le Plan, cependant, faisait face à l’hypocrisie des dirigeants du POB. C’est devenu clair en mars 1934, lorsque la Banque du Travail s’est effondrée suite à la spéculation téméraire, mais aussi quand les dirigeants Henrik De Man et Paul- Henri Spaak ont rejoint le gouvernement du banquier Van Zeeland en 1935, en larguant le Plan derrière eux. En 1936, une grève spontanée a de nouveau éclaté représentant, avec ses 15 millions de journées de travail perdues, la plus grande grève de l’histoire belge. A la clé, il y eut l’introduction de 6 jours de congé payé pour 1.500.000 travailleurs, une augmentation de salaire de 8%, l’instauration d’un salaire minimum et la semaine des 40 heures dans les industries insalubres, difficiles ou dangereuses. Le mouvement syndical s’est positionné de façon plus indépendante suite à l’’expérience vécue avec le POB et, en 1937, la commission syndicale s’est convertie en Confédération Générale du Travail de Belgique (CGTB). Les articles 3 et 4 de la Déclaration de Principes de 1945 qui soulignent l’indépendance syndicale puisent notamment leur source dans ces événements.

    Les années de guerre

    Pendant l’occupation allemande (mai 1940), les grèves et les manifestations ont été prohibées, les comités paritaires ont été suspendus et les syndicats ont été privés du paiement des allocations de chômage. CSC et CGTB étaient divisés en deux camps avec, d’une part, ceux qui souhaitaient poursuivre leur travail adapté aux conditions de l’occupant et, d’autre part, ceux qui voulaient se conformer à la décision de 1938 visant à la suspension du travail dès que le pays serait occupé. Le 22 novembre, la majorité de la CGTB – 12 des 22 fédérations), presque toutes les fédérations syndicales chrétiennes et le syndicat libéral – ont constitué l’Union des Travailleurs manuels et intellectuels imposée par l’occupant allemand.

    La base syndicale, cependant, n’avait pas suivi les dirigeants. L’Union disposait de 250.000 membres en novembre 1940, pas même le quart des membres qu’avaient tous les syndicats Belges avant-guerre. En 1942, il n’était plus question que de 110.000 membres, dont 17.000 seulement en Wallonie. Les 9 centrales de la CGTB qui n’avait pas rejoint l’Union, représentant ensemble 38% des membres, se préparaient quant à elles au regroupement pour l’après la guerre. Mais les travailleurs ne pouvaient pas se permettre d’attendre. À partir de septembre 1940, différentes grèves ont éclaté et plusieurs manifestations ont eu lieu sous les yeux de l’occupant, qui a parfois été obligé de distribuer son approvisionnement alimentaire pour calmer les travailleurs. En mai 1941, une grève d’une semaine, qui passera à la notoriété sous le nom de ‘‘Grève des 100.000’’, a conduit à une augmentation salariale de 8%. L’Allemagne avait insisté sur l’importance de céder aux travailleurs par peur d’une extension du conflit.

    La FGTB est lancée

    La résistance a souvent été dirigée par les Comités de Lutte Syndicale (CLS – qui deviendra plus tard la Confédération belge des syndicats unifiés – CBSU) du Parti Communiste Belge (PCB), par le Mouvement Syndical Unifié (MSU) d’André Renard, le Syndicat Général des Services Publics (SGSP) et la Fédération de Lutte des Mineurs de Charleroi – sous influence trotskyste. Avec le soutien du ministre du Travail du Parti Socialiste Belge (PSB) Achille Van Acker, qui tenait la CBSU soigneusement à l’écart des commissions paritaires, et avec les allocations de chômage confiées aux caisses de chômage qui existait déjà avant guerre, la CGTB a été capable de récupérer en partie sa position à la Libération.

    Avec ses 248.259 membres, la CGTB était néanmoins obligée de tenir compte de la force de la Confédération belge des syndicats unifiés (165.968 membres), du MSU (59.535) et du SGUSP (Syndicat Général Unifié des Services Publics – 51.789), qui ont représenté ensemble plus de la moitié des membres de la nouvelle FGTB. La CSC a choisi de rester à l’écart en s’accrochant au pluralisme syndical, mais aussi, et surtout parce qu’elle ne faisait pas confiance à la doctrine, au programme et aux méthodes d’action de “certains syndicats”.

    La Déclaration de Principes de la FGTB de 1945 reflète les relations en vigueur au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Elle contient des éléments radicaux, mais aussi des formules qui, sous pressions de la CGTB, demeuraient délibérément vagues. Le PSL estime que la crise va mettre pression sur la politique syndicale d’intégration, et que la confrontation avec le capitalisme finira par devenir inévitable. Du côté des patrons et du gouvernement, cette confrontation a déjà été lancée.


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  • Quelle voie entre impérialisme, régimes militaires, forces laïques capitalistes et fondamentalistes religieux ?

    Révolution et contre-révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

    L’accord russo-américain conclu le 14 septembre dernier à Genève, destiné à placer l’arsenal chimique syrien sous contrôle international en vue de son démantèlement a, pour l’instant, éloigné la menace directe d’une intervention impérialiste en Syrie. Ce sanglant conflit dont sont victimes les masses syriennes est loin d’être pour autant résolu, et la destruction effective des stocks d’armes chimiques, en pleine guerre civile, est loin d’être garantie. Quelle est l’issue de sortie pour les masses, coincées entre les forces du régime dictatorial de Bachar el-Assad, celles des fondamentalistes islamistes et celles de l’opposition capitaliste ?

    Par Nicolas Croes

    Les médias dominant n’ont pas lésiné sur les images horribles de victimes tombées sous l’impact des armes chimiques. Le sensationnalisme, une fois de plus, a été lourdement utilisé dans le but de faire perdre toute distance par rapport aux évènements et de les réduire à leur apparence immédiate. Jouer sur l’émotionnel pour dévier toute réflexion n’est pas une pratique neuve, loin de là.

    Comme souvent, nous avons eu sous les yeux un véritable festival d’hypocrisie. Certains ont pu croire que le conflit syrien venait d’éclater, tant le contraste était grand avec la manière dont ont été traitées les dizaines de milliers de victimes tombées depuis plus de deux ans et demi en Syrie. L’indignation médiatique de l’establishment n’explose qu’en fonction des intérêts de ce dernier, à l’image de la couverture des conditions de vie des masses de toute la région – dominées par la misère, la famine, les inégalités sociales et régionales, l’absence d’avenir et la lutte pour les droits nationaux et démocratiques – dont il n’est question que très périodiquement et de manière totalement biaisée. Ce dernier point est pourtant fondamental.

    Hypocrisie aussi de la part de l’impérialisme américain pour qui le recours aux gaz toxiques est maintenant un crime contre l’humanité alors que le plus gros stock d’armes chimiques se trouve aux Etats-Unis et qu’aucune puissance n’en a fait usage avec autant d’enthousiasme, pendant la guerre du Vietnam entre autres. Il n’est pas le seul dans ce cas, le gouvernement allemand a ainsi récemment reconnu avoir autorisé l’exportation de produits chimiques vers la Syrie entre 2002 et 2006.

    Un mouvement révolutionnaire spontané, mais qui ne surgit pas de nulle part

    Cela fera 3 ans ce 17 décembre qu’une vague révolutionnaire a déferlé de Tunisie, puis d’Egypte, sur quasiment tous les pays de la région, du Maroc jusqu’au Yémen et au Bahreïn. Mais si les médias dominants ont concentré leur attention sur le rejet des dictatures et les aspirations démocratiques, la colère des masses se basait aussi puissamment sur la lutte pour des revendications sociales et économiques contre la pauvreté, le chômage de masse, le démantèlement des services publics (particulièrement sévère depuis les années ’90),… La jeunesse, dont le poids est monumental dans la région (66% de la population égyptienne a moins de 25 ans par exemple), n’avait aucune perspective d’avenir face à elle.

    Ces mouvements ne sont donc pas apparus comme par magie et, pour qui savait les voir, des signes avant-coureurs existaient sous la surface de la stabilité apparente des dictatures. En Egypte, on dénombrait ainsi 194 grèves par an entre 2004 et 2008 (essentiellement dans les centres textiles et autour du canal de Suez). Entre 2008 et 2010, il y a eu 1600 grèves chaque année. En Tunisie, le bassin minier de Gafsa s’était soulevé en 2008, donnant lieu aux troubles sociaux les plus importants connus en Tunisie depuis les ‘‘émeutes du pain’’ en 1984 et depuis l’arrivée au pouvoir de Ben Ali en 1987. Au Liban (en 2005) et en Iran (en 2009), des mobilisations de masse avaient également ébranlé les régimes en place. Même si ces deux derniers mouvements n’étaient pas directement liés aux thématiques sociales (l’assassinat de l’ancien président du conseil Rafic Hariri au Liban, imputé au régime syrien, et la fraude électorale massive lors des élections présidentielles en Iran), ces dernières étaient loin d’être absentes et constituaient d’ailleurs le principal danger pour les régimes en place.

    C’est pourquoi, à l’occasion de son 10è Congrès Mondial (début décembre 2010), le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) avait déclaré dans son document consacré au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord ‘‘tous les despotes et les régimes autoritaires de la région ont peur de mouvements de révolte de masse. Des mouvements en Iran ou en Egypte sont possibles, qui peuvent alors en inspirer d’autres. Si la classe ouvrière n’en prend pas la direction, ces mouvements peuvent prendre des directions très différentes.’’

    Les difficultés du processus

    Une colère massive qui s’exprime enfin n’est pas suffisante pour conduire à la victoire. Un processus révolutionnaire est par nature complexe et, même dans le cas du renversement de dictateurs, du chemin reste encore à faire jusqu’à l’effondrement du système. Les mouvements en Tunisie et en Egypte avaient réussi à surprendre l’impérialisme occidental et les forces régionales, qui plus est dans des pays à fortes traditions ouvrières (ce n’est d’ailleurs aucunement un hasard si Ben Ali, en Tunisie, et Moubarak, en Egypte, ont quitté le pouvoir à l’occasion de grèves), mais il était hors de question de laisser les choses se développer ainsi dans une région tellement cruciale. Au Bahreïn, les forces armées saoudiennes et émiraties sont rapidement et brutalement intervenues au secours du régime. La répression fut féroce, sous le regard bienveillant des alliés occidentaux. Là-bas, les travailleurs et les pauvres n’ont même pas pu compter sur des larmes de crocodile de Washington, Londres ou Paris. Ailleurs aussi (comme au Yémen), la répression fut sanglante, à peine commentée par de vagues déclarations d’indignation diplomatiques. Cela permet de remettre la ‘‘guerre humanitaire’’ en Libye et les menaces d’intervention en Syrie à leur juste place.

    L’intervention impérialiste en Libye ne visait en rien à défendre la population. Les puissances impérialistes occidentales avaient d’ailleurs conclu d’avantageux marchés avec Kadhafi sur la dernière période de son règne. Il était en fait surtout crucial pour l’impérialisme de parvenir à stopper la vague des révolutions avant qu’elle ne frappe également des alliés fiables tels que l’Arabie Saoudite et les États du Golfe. Pour récupérer le contrôle de la région et de ses matières premières, faire sauter un fusible comme Kadhafi était une option très envisageable. En Syrie, intervenir directement était une autre paire de manches. Les interventions n’étaient toujours pas finies en Irak et en Afghanistan que s’ajoutait celle de Libye, les divisions ethniques et religieuses plus fortes rendaient l’aventure extrêmement périlleuse, l’armée syrienne représentait une force d’un tout autre calibre et le régime disposait, comme aujourd’hui, d’alliés solides désireux de garder un pied dans la région (la seule base navale méditerranéenne russe est en Syrie).

    Mais si aucune intervention directe n’a eu lieu à l’époque, une aide matérielle, logistique et humaine est arrivée pour ‘‘soutenir’’ l’opposition (à partir des alliés de l’impérialisme américain à géométrie variable que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar) et, surtout, pour assurer que la voie révolutionnaire soit déviée de cette manière. Les alliés saoudites et qataris ont cependant leurs intérêts propres, et ont fortement aidé au développement des forces fondamentalistes sur place. Il était devenu nécessaire que les Etats-Unis livrent eux-mêmes directement leurs armes afin de s’assurer eux-aussi une base de soutien (ce qui a – officiellement – commencé dès que l’accord de Genève a été conclu en septembre dernier).

    Une seule force favorable aux travailleurs et aux jeunes : eux-mêmes

    L’impact qu’aurait une intervention impérialiste directe en Syrie peut se mesurer à l’échec de l’intervention en Libye. Le peu d’infrastructures que possédait le pays ont été détruites par l’invasion et, plus de deux ans plus tard, des régions entières du pays restent incontrôlées, si ce n’est par des milices lourdement armées. Le conflit s’est, de plus, étendu au Mali.

    L’absence de perspectives d’un pouvoir alternatif stable pour l’impérialisme ainsi que le risque d’extension du conflit sont des dangers plus grands encore en Syrie. Le pays est devenu un terrain extrêmement complexe où se mêlent le Hezbollah libanais, l’Iran, la Russie et la Chine dans le camp pro-Assad et, d’autre part, Al Qaeda, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie, l’Egypte (jusqu’au renversement des Frères Musulmans), les Etats-Unis et l’Union Européenne dans le camp de l’opposition. Chaque force en présence a également ses intérêts propres, sur fond de conflits entre sunnites (courant majoritaire de l’Islam) et chiites (courant minoritaire), de même qu’au sein de ces courants. Au Liban voisin déjà, les attentats meurtriers ont refait leur apparition. Le 15 août dernier, une bombe a explosé en plein fief du Hezbollah (chiite et pro-Assad), une attaque inédite dans un endroit aussi surprotégé. Une trentaine de personnes sont décédées et il y a eu plus de 300 blessés. Une semaine plus tard, deux mosquées sunnites ont explosé, causant 45 morts, avec une implication probable du régime syrien.

    Cependant, notre opposition résolue à toute intervention impérialiste ne nous place pas pour autant dans le camp de Bachar el-Assad ou dans celui de l’opposition syrienne de l’Armée Syrienne Libre (qui fourmillent d’anciennes figures du régime) ou des diverses forces djihadistes. Seule l’énergie des masses est en mesure de balayer à la fois l’impérialisme et les régimes réactionnaires de toutes sortes, pour autant qu’elles soient armées d’un programme et de méthodes capables de mobiliser par delà les divisions ethniques et religieuses.

    Cela ne saurait être possible que sur base d’un programme qui articule ses revendications autour de l’auto-défense des masses (à l’aide de la création de comités d’auto-défense non-sectaires et démocratiquement dirigés) en liaison avec la réponse aux questions sociales fondamentales (dans ce cadre, retirer les secteurs-clés de l’économie des mains des capitalistes pour les placer dans celles des travailleurs et des pauvres est un élément de première importance). A l’exemple de ce qui s’était développé de manière embryonnaire en Tunisie et en Egypte au début de la vague révolutionnaire, des comités de lutte et d’auto-défense ont le potentiel de constituer les germes d’un nouveau pouvoir basé sur la démocratie des travailleurs.

    L’ennemi de mon ennemi : un allié ?

    Dans le monde, nombreux sont ceux qui se sont réjouis de voir l’impérialisme américain si affaibli à travers le prisme de la crise syrienne. Au niveau interne, l’opposition à la guerre est tellement gigantesque (seuls 9% des Américains soutiennent une intervention) que les élus se sont retrouvés sous une pression monumentale, tant parmi les Républicains que parmi les Démocrates. Obama, en demandant le vote du Congrès, courait le risque d’essuyer le camouflet qu’a eu à subir le Premier Ministre britannique David Cameron, dont la volonté va-t-en-guerre a été bloquée par le Parlement, également sur fond d’une opposition massive dans la population.

    Il n’a du reste jamais été aussi difficile aux USA de réunir des alliés pour les accompagner dans une aventure guerrière. Seul le gouvernement français a clairement marqué son approbation, et le gouvernement turc semblait vouloir embrayer lui aussi. Mais, dans les deux pays, l’opposition aussi était de taille : 56% des Français et 72% des Turcs.

    A gauche, le principe ‘‘l’ennemi de mon ennemi est mon ami’’ garde toujours ses partisans, et c’est très certainement le cas vis-à-vis des Etats-Unis suite à la longue période de recul idéologique qui a suivi la chute de l’URSS combinée au statut de superpuissance hégémonique des USA depuis lors. Le courant dominant affirmant qu’il n’y avait pas d’alternative au capitalisme était très fort, et se limiter à l’anti-impérialisme et à une rhétorique ‘‘progressiste’’ où on parlait de société solidaire et non plus socialiste était une voie qui semblait plus facile à tenir. Certains avaient ainsi soutenu Ahmadinejad ‘‘l’anti-impérialiste’’ en Iran en 2009, allant jusqu’à déclarer que les mobilisations de masse étaient fomentées par la CIA… De façon similaire, nombreux sont ceux qui se sont fermement agrippés au prétexte de l’anti-impérialisme pour faire l’éloge de Bachar el-Assad, de son prétendu nationalisme progressiste et de sa prétendue lutte contre Israël en se cachant aussi derrière le soutien apporté à ce régime dictatorial par le Parti ‘‘Communiste’’ Syrien (membre du Front National Progressiste, le pilier du règne du parti Baath d’Assad).

    En Belgique, le PTB et le Parti Communiste Wallonie-Bruxelles ont ainsi signé une déclaration opposée à une intervention militaire impérialiste en Syrie qui ne dit pas un mot sur la nature du régime syrien. Leur signature se trouve aux côtés de 63 Partis ‘‘Communistes’’, dont le Parti Communiste Syrien pro-Assad. Si nous comprenons bien le sentiment d’urgence que peut provoquer la menace d’une intervention, nous trouvons extrêmement dommageable pour le développement du mouvement anti-guerre de laisser le moindre espace aux forces pro-Assad, notamment dans l’émigration. Des incidents de cet ordre avaient d’ailleurs eu lieu lors d’un rassemblement anti-guerre à Bruxelles où, sur base d’une plateforme qui entretenait le flou concernant l’attitude à adopter face à la dictature, étaient intervenus des militants pro-Assad, qui s’en sont d’ailleurs pris physiquement à ceux qu’ils jugeaient trop critiques. Il est impossible de renouer avec la tradition d’un mouvement anti-guerre massif dans de pareilles conditions.

    Armer l’opposition ?

    Une autre approche, mais tout aussi erronée, est de soutenir les rebelles syriens en entretenant le flou sur leur caractère et les méthodes de soutien. Nous avons ainsi été extrêmement surpris de lire un communiqué de presse du NPA français (Nouveau Parti Anticapitaliste) où Olivier Besancenot demandait que la France ‘‘donne gracieusement des armes aux révolutionnaires syriens’’ tout en précisant… qu’il ne faisait ‘‘pas confiance’’ à l’Etat français ! Bien que précisant qu’il ne fallait pas que les armes finissent chez des djihadistes, il demandait tout de même : ‘‘qui peut avoir la légitimité de décider à la place des autres ?’’ En Belgique, cette approche est partagée par la LCR qui affirme que ‘‘le peuple syrien a besoin que des armes soient livrées aux forces de la rébellion’’. Mais qui livrerait ces armes ? Et à quel prix politique ? Nous pensons que le droit des peuples à décider d’eux-mêmes ne nous empêche pas d’être plus précis quant à l’orientation à donner à la lutte.

    Encore une fois, nous comprenons tout à fait où peut conduire le sentiment d’urgence, mais cette analyse des évènements avant tout ‘‘militaire’’ nous semble très insuffisante. Seules les méthodes de masse basées sur un programme de rupture avec le régime et ses bases économiques peut réunir au-delà des frontières confessionnelles, jusqu’à provoquer des ruptures au sein de l’armée. La meilleure manière de lutter contre les tanks d’Assad est d’œuvrer à les retourner contre lui.

    Les forces capables de défendre ce programme et ces méthodes en Syrie peuvent bien être limitées pour l’instant, pour autant qu’elles soient déjà organisées, mais il ne faut pas non plus oublier le contexte régional de révolution et de contre-révolution dont est issue la révolte syrienne de 2011. Dernièrement encore, plus d’un million de personnes ont manifesté dans les rues voisines de Turquie contre le gouvernement Erdogan, et là aussi le génie des mobilisations de masse est sorti de sa lampe.

    A ce titre, un programme et une approche internationalistes conséquents doivent être défendus dans toute la région, notamment en Tunisie et en Egypte où, si des dictateurs ont pu tomber, le pouvoir reste toujours aux mains de la même élite. Toujours sous l’argument de ‘‘l’ennemi de mon ennemi’’, en Tunisie, la direction du Front Populaire – appuyée d’ailleurs par certains partisans de l’organisation internationale de la LCR (le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, dont est également membre Besancenot) ainsi que par le Parti des Travailleurs de Tunisie (PTT, partenaire privilégié du PTB dans le pays) – a conclu un accord contre Ennhada, le parti islamiste au pouvoir, avec Nidaa Tounes, le parti laïc pro-capitaliste où se sont réfugiés nombre d’anciens laquais du dictateur Ben Ali. C’est la meilleure manière de démoraliser et de désorienter les travailleurs et les jeunes, tout en laissant à Ennhada et ses alliés l’argument que ce sont eux les vrais révolutionnaires, car ils ne sont pas alliés aux forces de l’ancien régime.

    Une perspective socialiste

    La crise du capitalisme, la perte d’autorité des élites et la riposte des masses en défense de leurs conditions de vie et pour gagner de nouveaux droits ouvrent de nouvelles perspectives pour que les idées socialistes gagnent une échelle de masse. Mais les millions de travailleurs et de jeunes qui sont aujourd’hui à la recherche d’une alternative et d’une méthode de lutte ont encore à faire leur expérience et à combler le fossé entre l’état de conscience général actuel (héritage des 20 dernières années de règne du néolibéralisme tout autant que des trahisons du stalinisme et de la social-démocratie) et les tâches qu’exige le renversement du capitalisme. Les forces de gauche doivent aider à faire avancer ce processus, et donc honnêtement tirer le bilan de leurs analyses passées et présentes.

    C’est dans ce cadre que le Comité pour une Internationale Ouvrière déploie son activité dans plus d’une quarantaine de pays, notamment dans cette région, afin de construire un instrument révolutionnaire international où se partagent les leçons des luttes passées et présentes afin de mieux coordonner le combat contre cette société capitaliste putride et construire une société débarrassée de la misère, de la guerre et de l’exploitation, une société socialiste.

  • Après cinq ans de crise, nous sommes toujours plus nombreux à être pris en otage par les banques et un capitalisme en faillite

    Il y a cinq ans, le 15 septembre 2008, la banque d’investissement Lehman Brothers faisait faillite. Ce qui a suivi, personne parmi les politiciens bourgeois, les plus éminents spécialistes et toute la ribambelle de savants et d’experts ne l’avait prévu : une crise qui allait frapper le capitalisme mondial en plein coeur. Comment cela fut il possible ?

    Par Peter Delsing

    Mis à part tous les problèmes auxquels l’élite a été confrontée, les conséquences ont été dévastatrices pour la plus grande partie de la population mondiale. La crise économique de 2008 fut parmi les éléments déclencheurs d’une vague d’insurrections et de révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord. En Amérique, elle a mené à ce que des millions de personnes perdent leur maison ou leur travail, ou les deux, mais aussi à une profonde modification du débat politique.

    Le mouvement Occupy a dénoncé la domination des riches et a pu compter sur une large sympathie de la part des jeunes et des travailleurs. En Europe, la crise – après toute une série de plans d’austérité – a causé une hausse tragique du chômage, surtout parmi la jeunesse. Dans le Sud de l’Europe, cela a eu pour résultat des occupations d’usines et des grèves générales. La Grèce est maintenant rejetée dans les conditions de vie d’un pays néocolonial. Elle a vu le retour d’un parti ouvertement fasciste, Aube Dorée, qu’une partie de la bourgeoisie voudrait voir arriver au gouvernement.

    Le renflouement des banques a pu sauver le système. Pour l’instant.

    Selon le journal patronal Business Week, Ben Bernanke, président de la banque centrale américaine, avait alors adressé ce discours aux dirigeants du Congrès : ‘‘Si nous n’intervenons pas immédiatement, alors d’ici lundi, nous n’aurons plus d’économie.’’ Son collègue Hank Paulson, ministre des Finances sous le président Bush, a répondu : ‘‘Ben et moi avons réalisé une projection où tout le système financier faisait faillite. Les banques ne se prêtaient plus les unes aux autres. Le crédit ne coulait plus de manière normale. J’y ai vu un chômage de 25 %, le même que pendant la Grande Dépression. Une catastrophe se serait produite si nous n’étions pas directement intervenus.’’

    Rapidement, les grandes banques, assureurs, producteurs automobiles (comme General Motors), etc. ont été renfloués à hauteur de 800 milliards de dollars. Des centaines de petites banques ont tout de même fait faillite. En Belgique, le soutien aux banques a atteint le montant de 25 milliards d’euros, que nous devons maintenant payer sous forme de coupes budgétaires. Mais en Chine aussi, un programme massif de relance de l’économie a été échafaudé, ce qui a pu fournir un marché pour l’économie mondiale (surtout pour les pays à forte croissance comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Turquie…)

    Ce sont ces plans de relance d’une ampleur jamais vue auparavant, en plus d’une certaine croissance qui perdure sur le marché international, qui ont permis au capitalisme mondial d’éviter l’effondrement total. Aux États-Unis, la Banque centrale a injecté environ 3600 milliards de dollars dans les banques (notamment en rachetant des crédits hypothécaires douteux) et sous forme de bons d’État. C’est plus de 20 % du PIB (la somme de tout ce que les États-Unis produisent en une année) américain, une somme immense. Fin 2011 et début 2012, la Banque centrale européenne a souscrit des prêts bon marché sur 3 ans d’échéance à hauteur de plus de 1000 milliards d’euros dans le but d’empêcher l’effondrement de plusieurs banques, ce qui aurait pu déclencher une nouvelle crise financière. Des centaines d’institutions financières européennes en ont bénéficié. Aujourd’hui, on dit qu’une nouvelle vague de prêts est nécessaire afin de sauver les banques d’Europe méridionale de la faillite.

    Le capitalisme à jamais sous perfusion de crédits bon marché ?

    Le système semble maintenant comme drogué, dépendant des prêts et des crédits bon marché. Lorsque la Banque centrale américaine suggère d’accorder son soutien aux banques et de mettre en place une politique à bas taux, les bourses commencent à gronder. Pourquoi ?

    La vérité, c’est que les grandes banques ne peuvent plus depuis longtemps réaliser des profits essentiellement à partir de l’argent qu’elles reçoivent des livrets d’épargne des entreprises et des ménages. Depuis plusieurs décennies, surtout depuis les années ‘70, le capitalisme se heurte à une tendance à la suraccumulation de capital et à la baisse du taux de profit dans l’économie réelle. Ce sont les causes que Marx avait déjà indiquées dans sa théorie du travail et de la valeur, selon laquelle le temps de travail est le facteur essentiel de fixation des prix.

    L’exploitation – l’appropriation de travail non-payé – et les attaques néolibérales sur les salaires et les allocations ont creusé le fossé entre les riches et la majorité de la population. Ce développement a contribué à une stagnation économique. La part croissante des machines et de la technologie dans la production, contre la force de travail supprimée ou en augmentation plus lente, assure que les capitalistes tirent moins de “travail non payé”, et donc moins de profits par produit. Ils se tournent donc vers le secteur financier, où des marges de profit supérieures peuvent être obtenues.

    Les banques ont joué un rôle crucial pour éviter une crise plus fondamentale dans une période de pouvoir d’achat en baisse et de chômage structurel, depuis les années ‘80. Elles vivaient de plus en plus de l’argent prêté plutôt que de l’épargne pour pouvoir maintenir la croissance économique. Grâce à tout ce capital fictif – des richesses qui ne résultent pas de la production, mais qui apparaissent comme par magie sur des écrans d’ordinateur – les entreprises, les gouvernements et les ménages faisaient toutes leurs prévisions sur base du crédit. On a ainsi vu une création massive mais artificielle d’argent et de croissance, et la formation d’une économie de “bulles”. Une économie dans laquelle on investissait de moins en moins dans la production réelle, et certainement moins dans l’emploi, mais où on investissait davantage en produits financiers de plus en plus exotiques.

    La plus grande banque américaine, JP Morgan Chase, possédait le 30 juin 2400 milliards de dollars d’actifs propres (argent non prêté, bâtiments, matériel,…). En contrepartie, la banque avait 2200 milliards de dollars d’obligations de paiement : 1200 milliards de dépôts d’épargne, 1000 milliards d’autres dettes. Pour de nombreuses banques, il est normal d’avoir 90 % de dettes par rapport aux fonds propres, ce qui serait absolument exceptionnel dans d’autres entreprises capitalistes. Vu l’importance du système, les PDG des banques tout comme leurs fournisseurs de crédit en concluent que les gouvernements seront toujours là pour intervenir. Lors de la crise suivante, cela pourrait pourtant se dérouler tout à fait autrement : les gouvernements pourraient, au vu de leurs dettes, ne plus pouvoir effectuer le moindre nouveau renflouement. Nous en avons eu un avant-goût à Chypre, où ce sont les actionnaires et même les épargnants qui ont été appelés à renflouer l’État !

    Il y a 70 ans, les banques avaient environ 20 à 30 % de fonds propres sur leur total de dettes. En 2008, ce n’était plus que 3 % ! Aujourd’hui, Wall Street mène une lutte contre la tentative de forcer les banques à conserver 5 % de fonds propres. Selon les dernières normes européennes, décidées à Bâle III, il reste possible de financer jusqu’à 97 % des actifs propres avec de l’argent prêté au lieu de fonds propres. Les banques peuvent bien avoir déjà liquidé une partie de leurs dettes, de telles normes assurent qu’elles soient comme une corde au cou du capitalisme.

    Leur comptabilité reste de plus souvent hermétique et, aux États-Unis, les investissements dans des “produits dérivés” à risques (où on peut facilement gagner de gros profits sur le prix futur des actions et des matières premières) ne sont même pas comptabilisés. Pour JP Morgan Chase, ce commerce de produits dérivés financiers vaut 70.000 milliards de dollars, soit plus de quatre fois l’ensemble de toute l’économie américaine ! Selon l’analyste financier Steve Dunning, environ les deux tiers des profits des grandes banques aujourd’hui viennent du commerce d’actions et de produits dérivés financiers, réalisés essentiellement avec de l’argent prêté. La prochaine crise économique qui fera plonger les marchés des actions et des produits dérivés effacera une grande partie de la (déjà faible) base de capital des banques. Le commerce mondial des produits d’investissements dérivés vaut 700.000 milliards de dollars, soit 10 fois l’économie mondiale ! Et le PDG de Dexia nous a récemment déclaré que sa banque serait balayée par la première crise qui frapperait un peu durement les gouvernements d’Italie ou d’Espagne. Les 54 milliards d’euros pour lesquels le gouvernement belge s’est porté garant auront vite fait de causer la ruine de l’État.

    Bref, cinq ans après la crise, rien n’a été fondamentalement résolu. Les spéculateurs sont devenus encore plus riches et c’est à nous de payer l’addition. Les grandes banques peuvent à présent mettre en faillite des pays entiers et déstabiliser des pans entiers de l’économie mondiale, comme en Grèce et en Espagne. Pour nous protéger de ces “armes de destruction massives financières”, l’ensemble du secteur bancaire doit être nationalisé sous le contrôle de la population, dans le cadre d’une nationalisation démocratique – par des comités élus et responsables de travailleurs et de jeunes – de l’ensemble de l’industrie et de l’économie, afin d’en finir une bonne fois pour toute avec la crise du capitalisme.

  • Etats-Unis : ‘‘Désolés, nous sommes fermés’’

    Une nouvelle illustration de plus la nécessité d’un nouveau parti représentant les 99%

    Environ 800.000 travailleurs fédéraux ont été contraints de prendre un congé sans solde. Alors que leurs familles se retrouvent sans rien, les membres du Congrès, qui touchent 174.000 $ de salaire annuels n’ont pas été affectés par le ‘‘shutdown’’, le blocage du Congrès sur le budget américain débuté le 1er octobre.

    Kai Stein, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    La majorité républicaine à la Chambre des Représentants (sous-chambre du Parlement) a bloqué toute tentative du président démocrate Barack Obama de conclure un nouveau budget fédéral ou de prolonger l’ancien. D’un côté, il s’agit d’une tentative de miner les réformes très limitées et business-friendly instaurées par Obama dans les services de santé publique, de l’autre, la classe dominante américaine est confrontée à un système politique dysfonctionnel et à un parti républicain qui l’est tout autant. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais il a été exacerbé par la récente crise du capitalisme.

    La fraction la plus vicieuse de la classe dominante s’était auparavant ralliée au mouvement conservateur populiste le ‘‘Tea Party’’ pour sauvegarder ses privilèges. Ce monstre de Frankenstein n’est toujours pas maîtrisé par les Républicains. Par conséquent, en général, les républicains n’agissent pas dans le meilleur intérêt de la classe dominante américaine.

    Une période de crise

    Une fermeture du gouvernement pendant 3 semaines pourrait faire se contracter le PIB de 0,9% selon Goldman Sachs. Mais ce que Wallstreet craint le plus, c’est que la dette du pays atteigne son plafond aux environs du 17 octobre. Sans nouvelle législation au Congrès, l’administration ne pourrait pas emprunter plus d’argent, et les Etats-Unis seraient incapables d’honorer leurs obligations et forcés à être en défaut de paiement, pour la première fois de leur histoire. Ce défaut serait un désastre pour les plus pauvres qui seraient forcés de payer le prix de la crise.

    Mais qui est responsable de l’expansion du déficit budgétaire fédéral ? Des milliards de dollars ont été dépensés en sauvetages financiers et en mesures prises depuis 2008 pour sauver le capitalisme américain, sans compter les baisses d’impôts pour les super-riches et les entreprises, ainsi que le financement de guerres sanglantes et sans issue par les administrations précédentes.

    Pour éviter d’aggraver la situation, les Républicains les plus ‘‘modérés’’ du Congrès se sont préparés à négocier avec les Démocrates et à chercher un compromis. Cependant, cela pourrait mettre en lumière des divisions bien plus tranchées au sein du parti, et mener à sa fragmentation.

    Le conte de fées que tentent de nous faire avaler les démocrates, c’est qu’il s’agit d’une répétition de la crise de 1995/96. A l’époque, la faible administration Clinton était entrée en conflit avec le Congrès, ce qui a conduit à un shutdown de 21 jours, un conflit hors duquel Bill Clinton est sorti avec une position renforcée face aux Républicains. Certains parallèles peuvent être faits, comme l’illustrent les sondages d’opinion, qui montrent une légère hausse du soutien à Obama, mais sa cote de popularité reste mauvaise. La meilleure comparaison à faire serait plutôt l’été 2011, au cours duquel l’impasse dans laquelle se trouvaient les Démocrates et les Républicains (confrontés aux réductions budgétaires consenties pour parvenir à un compromis forcé) a été révélée au grand jour.

    Le mouvement Occupy

    A la suite des soulèvements de masse au Moyen Orient et en Afrique du Nord, des mouvements de protestation ont eu lieu en Espagne et en Grèce, puis ailleurs dans le monde et notamment aux USA, où la colère des américains contre les sauvetages financiers des grandes entreprises s’est exprimée avec le mouvement anticapitaliste ‘‘Occupy’’.

    Cette colère reste d’actualité. Les sondages d’opinion démontrent que la frustration va grandissante contre le Congrès (qui dispose d’un taux d’approbation inférieur à 10%), et tout le système politique. Même les partisans les plus enthousiastes d’Obama, qui lui sont restés fidèles après le scandale de la NSA et ses ambitions guerrières en Syrie, mettent à présent en doute la capacité de leur président à tenir tête aux Républicains.

    De plus, la situation économique n’a pas augmenté le soutien pour Obama. Il y a eu un faible redressement économique, mais unilatéralement favorable aux riches. Les 1% les plus riches ont augmenté leurs revenus de 31% de 2009 à 2012, alors que ceux des 40% les plus pauvres ont diminué de 6% (Paul Krugman, New York Times, 23 septembre 2013).

    Le potentiel est là pour le développement d’un nouveau grand mouvement comme l’était celui d’Occupy mais, cette fois-ci, avec des revendications concernant des exigences socio-économiques concrètes.

    Des groupes pour les droits des immigrés se mobilisent contre les politiques anti-immigrations. Les travailleurs des fast-foods sont entrés en lutte pour bénéficier d’un salaire minimum de 15$ de l’heure et pour obtenir le droit de se syndiquer. Des travailleurs désorganisés dans des entreprises comme Walmart, connu pour sa position antisyndicale, commencent eux aussi à se rebeller. La lutte contre les expulsions et les saisies immobilières et pour des logements abordables pour tous a obtenu certaines victoires, comme l’utilisation de la législation ‘‘eminent domain’’ (une expropriation pour cause d’utilité publique) par le maire de Richmond en Californie, membre du Green Party. A Minnéapolis et ailleurs, le mouvement Occupy Homes a prouvé que des mouvements citoyens peuvent défendre les propriétaires de maisons et mettre fin aux expulsions.

    Multiplier ces luttes sur les lieux de travail et développer ces mouvements sociaux nécessite d’outrepasser l’inertie de la bureaucratie syndicale et la faiblesse des organisations de la classe des travailleurs. Lorsque la classe ouvrière américaine aura trouvé sa voix, le monde entier l’entendra.

    Lutter pour une alternative politique pour la classe ouvrière

    Comme le montre le Shutdown, ce système politique ne fonctionne pas. Wall Street a deux partis bien à lui, les Démocrates et les Républicains. La classe ouvrière n’en a aucun. Socialist Alternative (section du CIO aux Etats-Unis) fait campagne pour la construction d’un nouveau parti de masse pour se battre en faveur des intérêts des travailleurs, des pauvres et des minorités opprimées, sur base d’un programme clairement socialiste. Socialist Alternative présente aussi des candidats lors de prochaines élections locales.

    Un énorme soutien pour une candidate marxiste à Seattle

    En termes de moyens financiers, la campagne de Kshama Sawant, candidate de Socialist Alternative à Seattle, n’atteindra pas le montant de celle du conseiller municipal en place depuis 16 ans, Richard Conlin, qui a déjà dépensé 200.000 $ pour défendre son siège. La campagne menée contre lui par Socialist Alternative n’a réuni qu’un quart de ce montant, mais c’est impressionnant pour une campagne contre la politique capitaliste. De plus, ce manque d’argent est largement compensé par la manière dont par les idées défendues par Socialist Alternative résonnent parmi une couche de plus en plus grande de la classe des travailleurs et de la jeunesse.

    Le slogan de la campagne est ‘‘15 $ de l’heure et un syndicat’’. En course dans une campagne ouvertement socialiste, Kshama Sawant a récolté 29% des votes en novembre 2012 contre le représentant de Seattle à Washington, Frank Chopp. Avec 44.000 votes obtenus lors du premier tour de ces élections locales à Seattle en août 2013, Kshama Sawant et la campagne de Socialist Alternative ont montré qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’éclat unique. Un nombre encore plus grand d’électeurs montreront leur ouverture pour une candidate socialiste combative le 5 novembre prochain à Seattle.

    Une course serrée à Minneapolis

    En tant que militant contre les expulsions et les saisies immobilières, et en défense de l’enseignement, Ty Moore peut être fier de son implication. Dans son district, il fait face à 5 autres candidats pour le poste de conseiller municipal à Minneapolis. Tous cherchent l’approbation du parti démocrate. Sans couverture médiatique et dans le contexte d’une course au siège confuse, le message de Ty de lutter pour un logement décent, pour un salaire minimum de 15$ de l’heure et contre les subsides aux grandes entreprises a dû être distribué au porte-à-porte. Mais Socalist Alternative a reçu le soutien du SEIU (l’un de plus grands syndicats américains), de nombreux porte-paroles de la communauté hispanique et de militants reconnus. Bien que l’issue soit serrée, la situation démontre le potentiel pour une victoire électorale des socialistes aux Etats-Unis.

    Ouverture aux idées socialistes

    Lors des élections de l’année prochaine, plus de candidats indépendants de gauche défieront les Républicains, les Démocrates et le système bipartite. Le parti Démocrate pourrait voir émerger des voix dissonantes et des forces populistes ‘‘de gauche’’.

    Dans cette nouvelle vague d’opposition, Socialist Alternative, en solidarité avec le CIO, se prépare à jouer un rôle majeur ; assister le mouvement des travailleurs pour lui donner sa propre voix politique, casser ses liens avec le parti démocrate, et armer une telle force avec un programme socialiste pour mettre fin au capitalisme.

  • Ecologie : la soif de profits menace notre avenir

    Le mode de production chaotique du capitalisme est responsable de la surproduction et est à la base d’une répartition profondément inéquitable des richesses. Il conduit à des crises à tous niveaux : une crise économique profonde qui pousse des millions de gens dans la misère, une crise sociale qui cause l’aliénation des gens vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres, et une crise écologique qui rend impossible l’accès à des besoins de base comme l’eau, la nourriture ou un environnement sain. Le nœud du problème se trouve dans le fonctionnement du capitalisme.

    Ce système menace notre environnement parce que les capitalistes n’ont de considération que pour leurs profits immédiats, qui doivent être toujours plus élevés. Les besoins sociaux ou écologiques sont sacrifiés dans cet objectif. On produit aussi bon marché que possible pour ensuite vendre des produits de qualité médiocre. Bas salaires, licenciements, diminution de la sécurité au travail, accroissement des déchets, favorisation de moyens de production plus rentables mais nocifs pour l’environnement,… toutes ces conséquences sont ignorées au nom du dogme de la ‘‘maximalisation des profits’’ et de la ‘‘position concurrentielle’’. Que le taux de profit ne se maintienne pas dans la production et on passe alors au casino des marchés financiers internationaux. Les profits ne servent évidemment pas à la collectivité, ils nourrissent les paradis fiscaux et remplissent les poches d’une infime élite de super-riches.

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    En action

    Le 12 octobre : protestez contre Monsanto !

    Après des actions réussies contre le rôle que joue la multinationale Monsanto dans le contenu de nos assiettes, le 12 octobre, une nouvelle journée d’action internationale sera organisée. Monsanto dispose de toute une série de brevets et est le leader mondial du développement des organismes génétiquement modifiés (OGM). Des modifications génétiques peuvent être utiles pour la société, mais pas quand elles sont motivées par la chasse aux profits des entreprises privées. La résistance croissante contre les OGM pose plusieurs questions importantes : qui dirige la société, et comment ce contrôle s’exerce-t-il? Aujourd’hui, des multinationales comme Monsanto augmentent leur mainmise sur la production, et donc sur ce qui arrive dans nos assiettes. Nous soutenons la résistance contre ces multinationales. Participez aux actions ce 12 octobre, à 14h, à la Bourse de Bruxelles !

    Le 20 octobre : Non aux armes nucléaires !

    Le 20 octobre, une manifestation contre les armes nucléaires aura lieu au parc du Cinquantenaire à Bruxelles. 30 ans exactement après la première grande manifestation contre les armes nucléaires dans notre pays (le 23 octobre 1983, 400.000 personnes protestaient contre les bombes), l’appel pour le refus de ces armes résonne encore. La présence d’armes nucléaires sur le site de Kleine Brogel n’est même plus niée, on parle même de la modernisation de ces armes. Ces armes destructrices sont une menace pour l’humanité et la planète, soutenez la résistance !

    Novembre : un train pour Varsovie

    Le 16 novembre, dans la capitale polonaise, Varsovie, des manifestations auront lieu à l’occasion d’un nouveau sommet international sur le climat. Ces négociations n’auront, comme d’habitude, aucun effet. Les politiciens traditionnels ne seront présents à cet évènement qu’avec de belles paroles et des promesses creuses. L’action de protestation veut contrarier cela. Un train partira de Belgique pour participer à la manifestation du 16 novembre. Contactez-nous ou surfez sur : http://train-fr.climatejustice.eu/ !

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    Le système de production conduit à un épuisement croissant des ressources primaires (sol, eau,…), à un amoncellement de déchets qui ne peuvent plus être traités parce que ça coûterait trop cher, et à un énorme gaspillage de ressources premières et d’énergie, comme dans des opérations logistiques absurdes (transport de marchandises,…). Combattre les causes des problèmes écologiques revient à s’en prendre aux bases du système, ‘‘l’homme de la rue’’ est alors pointé du doigt et culpabilisé. Vous n’achetez pas uniquement des légumes bios ? Vous utilisez un sac plastique pour vos pommes ? Vous n’avez pas de toilettes sèches ? Alors c’est de votre faute. L’argumentation de toutes sortes d’écotaxes repose sur de pareils raisonnements moralisateurs.

    Une réponse socialiste

    On reproche souvent aux socialistes révolutionnaires qu’ils veulent s’en prendre au mode de production sans vouloir comprendre qu’il faut aussi rééduquer les gens, il faudrait ‘‘faire la révolution dans sa tête en premier lieu.’’ Nous pensons quant à nous qu’il est impossible de dissocier consommation et mode de production. Un système basé sur la course au profit ne peut qu’entraîner une production de qualité médiocre et une masse de déchets, une logique soutenue par le rythme de vie imposé par la société, par le bombardement quotidien de publicités,… Nous sommes d’accord avec le Parti de Gauche français de Jean-Luc Mélenchon quand il affirme dans son ‘‘Manifeste pour l’écosocialisme’’ que le socialisme détient toutes les clés pour parvenir à un développement de l’Humanité écologiquement responsable et un développement durable (terme par lequel on entend un développement qui n’entravera pas celui des générations futures).

    Par contre, l’argument selon lequel le socialisme part d’une ‘‘logique productiviste’’ partant du postulat que les ressources premières seraient illimitées (ce qui justifie l’invention du terme ‘‘éco’’-socialisme) est infondé. C’est néanmoins ce que le Parti de Gauche semble affirme de manière implicite quand il dit militer pour un écosocialisme où le socialisme se déferait de sa logique productiviste, ou encore que l’écologie doit s’envisager dans un cadre anticapitaliste. Le socialisme signifie avant tout d’adapter la production aux besoins réels de la population à travers une planification démocratique. Ces besoins incluent la survie de l’humanité, voilà pourquoi il nous faut une planification écologique. Rien qu’en utilisant les idées et ressources actuelles de façon optimale (maisons passives, recyclage, énergies renouvelables, développement des transports en commun,…) de grands pas en avant seraient tout de suite possibles. Aujourd’hui, nombre de méthodes ne sont accessibles qu’à une petite élite qui dispose de suffisamment de moyens et s’achète une bonne conscience par la même occasion. Sous le socialisme, tout cela pourrait s’appliquer à une échelle de masse.

    Mais, surtout, une planification démocratique de la production mettrait fin au gaspillage et à la pollution à outrance dont le capitalisme et sa logique de concurrence sont responsables. On pourrait aussi investir massivement dans la recherche d’alternatives écologiques. Une planification démocratique est nécessaire pour déterminer quels sont les besoins et les aspirations de la population, mais aussi pour donner enfin la parole aux scientifiques et aux spécialistes. De nombreuses possibilités ne sont pas utilisées aujourd’hui parce qu’elles ne sont pas rentables immédiatement, ou parce que la recherche n’est pas suffisamment financée.

    Comment atteindre ce but ?

    Nous considérons de manière positive le projet de planification écologique et démocratique de l’économie abordé par le Parti de Gauche, ainsi que le lien qu’il fait entre la crise écologique et la nécessité d’une réponse socialiste. Cela manque cruellement dans le débat en Belgique. Mais pour nous, le socialisme a un caractère écologique inhérent. Le terme ‘‘écosocialisme’’ implique qu’une différence avec le socialisme ‘‘classique’’ est nécessaire pour mettre l’accent sur cet élément écologique, et il faut encore nous démontrer où. Les dictatures staliniennes d’Europe de l’Est pourraient le justifier, mais le stalinisme n’était qu’une sanglante caricature de socialisme, où une bureaucratie exerçait sa dictature et réprimait toute démocratie ouvrière.

    La question centrale – et le plus grand manque dans le programme du Parti de Gauche – c’est la manière de parvenir à cette alternative socialiste. Le parti de Mélenchon parle d’une ‘‘révolution citoyenne’’ mais reste vague sur la nature de cette révolution et ses moyens d’action. Pour arracher le pouvoir aux requins capitalistes et rendre possible une planification démocratique, nous avons besoin de l’organisation et de la conscientisation de la classe ouvrière et de ses méthodes de comités d’actions, de blocage de masse de l’économie par la grève générale,… Ce n’est pas par les élections et la reprise graduelle des institutions capitalistes que nous y parviendrons. A cette fin, il nous faut un parti de masse démocratique armé d’un programme socialiste et révolutionnaire capable d’unifier tous les opprimés dans le combat pour le renversement du capitalisme.

    • Pour une science publique, hors des griffes du secteur privé ! Stop à la concurrence et à la logique marchande !
    • Pour des transports publics gratuits et de qualité !
    • Pour un plan public d’isolement des bâtiments, quartiers par quartier !
    • Pour l’utilisation des sources d’énergie renouvelables et des investissements publics dans la recherche et le développement d’énergies renouvelables !
    • Pour la nationalisation des secteurs-clés de l’économie (banques, énergie, secteur financier, alimentation,…) pour rendre possible une planification démocratique et écologiquement responsable de l’économie.
  • Assises franco-belges de l’Ecosocialisme

    Ce samedi 28 septembre, le Parti de Gauche co-organisait les Assises Franco-Belges pour l’écosocialisme avec Vega, Rood! et le Mouvement de Gauche. Dans la salle Helder Camara de la CSC, à Bruxelles, des responsables issus du monde associatif, syndical et politique y ont communiqué leur analyse du danger que représente le capitalisme pour l’environnement et la nécessité de construire une alternative fusionnant les revendications écologiques et sociales afin de sortir de la crise.

    Par Sébastien (Liège)

    Pour ce faire, la matinée fut consacrée à la réflexion sur la signification de ce projet politique tandis que la relation de ce dernier au pouvoir d’une part, à l’action syndicale d’autre part, ainsi que la crédibilité de ce projet au gouvernement furent questionnés au cours de l’après-midi. Enfin, Jean-Luc Mélenchon conclut sur un discours portant sur la nécessité de la révolution citoyenne. Le PSL était présent. Analyse d’une journée réussie placée sous la bannière du poing rouge soutenant l’arbre vert.

    Dès l’introduction, le ton est donné par Corinne Morel-Darleux (secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de Gauche français) qui précise, en substance, que ‘‘nous [les écosocialistes] refusons le capitalisme vert, l’environnementalisme béat. Notre écologie est anticapitaliste, elle se revendique des luttes de la gauche. […] On ne se revendique pas de l’écologie qui nous dicte que, pour lutter contre la société, il faudrait se brosser les dents sous la douche. Non : nous pensons qu’il faut toujours faire le lien entre socialisme et écologie en se liant à la classe ouvrière car ce sont les travailleurs qui sont à la production, qui maitrisent les machines, et détiennent donc les clés d’un possible changement.’’ Mais quelle est la nature de ce changement ? En effet, si la dénonciation du système capitaliste semble farouche, les propositions soulevées semblent, elles, ne pas être à la hauteur pour enterrer celui-ci (on entend notamment envisager de mettre en place une ‘‘autre fiscalité’’, etc., des mesures qui n’en s’en prennent pas au cœur du système capitaliste : la propriété privée des moyens de production). Surtout, la méthodologie pour parvenir à un changement de système nous restait malheureusement floue et semblait se limiter à la construction d’une relation de force purement électorale.

    Pourtant, développer une méthode d’action qui ne se limite pas aux enceintes des institutions actuelles, construites pour et par la classe dominante, est nécessaire pour prétendre à un changement effectif. Ce besoin de changement de modèle sociétal est mis en évidence au sein des syndicats. De fait, Jean-François Tamellini (secrétaire fédéral de la FGTB) insiste : ‘‘on doit changer de modèle ! C’est [d’ailleurs] inscrit dans mes statuts’’, en précisant que ‘‘pourtant, il est dur de convaincre dans mes propres rangs : ils ont peur de changer les choses. Il faut pourtant changer ce modèle sociétal.’’ Cette vision est rejointe par Dominique Cabiaux (vice-président de la CSC Services Publics) et ce dernier rajoute que ‘‘construire le changement en observant lucidement les conditions d’une grande transformation ne peut être rencontré qu’en fédérant toutes les forces de progrès.’’

    Selon nous, cela ne peut que signifier de rejeter clairement la politique pro-patronale du PS et, notamment, de donner le plus large écho à la nouvelle brochure de la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut (faisant suite à l’appel du premier mai 2012 de cette même centrale) dans laquelle il est spécifié que ‘‘nous avons besoin d’une nouvelle stratégie politique car, sans relais politiques forts à gauche, nous sommes condamnés au recul en permanence. […] Nous avons besoin d’une FGTB forte et d’une nouvelle force politique à gauche digne de ce nom.’’ Il nous était évident qu’il fallait intervenir avec cette brochure lors de ces assises, et ce texte figurait à notre stand, parmi le reste de notre matériel politique, afin qu’il soit distribué. Cet appel a bien semblé susciter une grande attention puisqu’il ne nous restait plus un seul exemplaire à la fin de la journée, sur les dizaines que nous avions avec nous.

    En guise de conclusion, Jean-Luc Mélenchon est intervenu en amenant des points très importants qui n’avaient pas été traités ou avaient simplement été légèrement soulevés au cours de cette journée : le danger du Traité budgétaire européen (TSCG), la question de l’imposition d’un rapport de force, la situation révolutionnaire en Tunisie, l’importance de porter la lutte au niveau mondial et la dénonciation d’un capitalisme ‘‘vert’’, qui est ‘‘structurellement impossible’’, sont par exemple des sujets ayant fait partie intégrante de son allocution, parmi de très nombreux autres.

    Mais, tout en voulant souligner les points importants de ce discours – et notamment les réponses qui ont été apportées contre une vision culpabilisatrice de l’écologie, sur l’erreur qui consiste à confondre son mode de vie avec un mode de combat, sur l’importance de la planification écologique et le rôle central des travailleurs – ainsi que la manière dont ils ont été amenés, il nous semble aussi important de parler de points de désaccords, notamment au niveau de la question de la construction d’un rapport de force basé essentiellement sur les élections et sur le combat pour une VIe République.

    En effet, sans remettre en question le fait de mener campagne et d’essayer d’avoir le plus de poids possible sur la scène politique, nous pensons que la construction d’un rapport de force dans des élections doit rester un outil parmi d’autres que nous offre la ‘‘démocratie’’ bourgeoise pour gagner en importance et visibilité ; mais ce travail électoral ne doit certainement pas se substituer à la construction au quotidien d’un rapport de force, celui-ci s’établissant directement là où la lutte se déroule : sur les lieux de travail, dans la rue, dans les manifestations, etc.

    C’est d’ailleurs en ce sens que les militants du PSL présents sont fraternellement intervenus, en attirant l’attention sur la nécessité de donner un contenu de classe à la ‘‘révolution citoyenne’’, en se basant sur la force de la classe des travailleurs et sur ses méthodes de mobilisation de masse et de blocage de l’économie par l’arme de la grève générale. Cela passe aussi selon nous par la critique des sommets syndicaux actuels et de leur stratégie, alors que certains à gauche considèrent qu’il faut scinder les questions politique et syndicale. D’autre part, si le terme de ‘‘planification écologique’’ a l’avantage de mettre en exergue la notion d’une économie planifiée, il ne saurait être question d’une planification durable si elle n’intègre pas tous les secteurs clés de l’économie par leur nationalisation et leur gestion sous le contrôle démocratiques des travailleurs et des usagers. Enfin, si l’importance du lien entre crise écologie et réponse socialiste est fort bien mis en avant par le Parti de Gauche, nous pensons toutefois que l’écologie est un domaine d’action inhérent au socialisme : le terme-même ‘‘d’écosocialisme’’ semble suggérer le contraire en extirpant cette notion d’écologie du programme socialiste et en faisant rompre la relation intrinsèque de ces deux termes afin de mieux les recoller, de manière hasardeuse. Quand nous parlons de faire le bilan du stalinisme, il s’agit notamment de remarquer que l’absence de démocratie dans une économie planifiée entraîne des conséquences extrêmement néfastes au niveau de l’environnement de même qu’au niveau de l’économie. Comme le disait le révolutionnaire russe Trotsky, la planification ‘‘a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène.’’

    Pour faire face à la crise écologique qui rend impossible l’accès à des besoins de base comme l’eau, la nourriture ou un environnement sain, pour renverser et remplacer ce mode de production chaotique du capitalisme, le PSL met en avant la nécessité d’une réponse réellement socialiste, c’est-à-dire basée sur le marxisme révolutionnaire. Plus que jamais, il faut réfléchir à la manière de parvenir à cette alternative socialiste et agir en ce sens.

    Cette journée des assises a permis d’illustrer le large spectre d’analyses et d’opinions divergentes au sein des plus de 300 participants. Nous nous sommes par exemple très peu retrouvés dans la vidéo de Paul Ariès et dans les discours de décroissants. Pour autant, par le passé, cela ne nous a pas empêché de collaborer avec des partisans de ces analyses autour d’un projet commun, notamment à Liège dans le cadre de la campagne de Vega (Verts et à Gauche).

    Nous avons pu avoir de nombreuses discussions, à notre stand ou dans les couloirs, au sujet de la nécessité de construire en Belgique un relais politique large des luttes sociales. Nous avions d’ailleurs également avec nous, au côté de la brochure de la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut, la lettre ouverte à la gauche que nous avons écrite et publiée dans la perspective des élections de 2014. Un tel instrument politique se devra d’intégrer en son sein les divers courants à la gauche du PS et d’Ecolo et de permettre le débat démocratique entre eux, en respectant l’identité politique de chacun. Dans ce sens, cette journée qui a réuni des partisans d’opinions parfois très diverses a constitué un pas dans la bonne direction – et nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas en rester là – en permettant à chacun de pouvoir exprimer ses idées (même si le temps de débat avec la salle fut limité en raison du nombre impressionnant d’intervenant à la tribune) pour autant qu’il soit présent.

    Photos de Rood!

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