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  • Royaume Uni. Après le meurtre de Sarah Everard : luttons contre les féminicides et la violence sexiste !

    Le week-end dernier, une manifestation pacifique a eu lieu suite à la mort de Sarah Everard au Royaume Uni. Elle a été assassinée et il n’y a eu pratiquement aucune réaction de la part de la police. Cette manifestation pacifique a de manière parfaitement scandaleuse été la cible de la répression policière. Les organisateurs ont été arrêtés tout simplement pour avoir exercé leur droit de manifester. La colère contre ce féminicide et contre la violence policière va se poursuivre. Voici une première réaction de Sue Berry, membre de notre organisation-soeur en Angleterre, Pays de Galles et Ecosse, Socialist Alternative.

    Le meurtre de Sarah Everard est une tragédie – pour sa famille et ses amis, la communauté locale, et pour toutes celles et ceux qui s’opposent à l’oppression et à la violence. Socialist Alternative envoie ses sympathies et sa solidarité à toutes celles et ceux qui connaissaient Sarah, et à toutes celles et ceux qui sont ébranlés par les révélations de ces derniers jours.

    Le chagrin s’est accompagné, à juste titre, de la colère – contre l’auteur de l’agression, contre le victim-blaming de la police (qui a conseillé aux femmes vivant près de l’endroit où Sarah a disparu de ne pas sortir seules), et contre une société qui propage la violence contre les femmes.

    Les réseaux sociaux ont été inondés de témoignages de femmes partageant leurs propres histoires d’agression sexuelle et dénonçant les mythes sur la violence de genre qui persistent contrairement à toutes les constatations que ces mythes sont bien évidemment non fondés. Un cri collectif se fait entendre : nous en avons assez ! Nous ne pouvons pas permettre que l’histoire de Sarah devienne une statistique de plus. Nous devons nous battre pour que justice soit rendue à Sarah et, en même temps, nous interroger sur le type de société qui peut offrir une sécurité et une liberté véritables aux femmes et aux personnes au genre non conforme.

    On ne peut pas compter sur les partis politiques en place

    Ce qui ressort des réponses des politiciens capitalistes de tous les partis, c’est que nous ne pouvons pas compter sur eux pour résoudre le problème de la violence sexiste. Malgré sa déclaration de sympathie, le Premier ministre Boris Johnson a un long passé de commentaires misogynes, et a été accusé d’agression sexuelle contre une journaliste. Au sein de son propre gouvernement, un ancien ministre accusé de viol, d’agression sexuelle et de contrôle coercitif en 2020 n’a jamais été suspendu.

    La réponse de Keir Starmer (chef de l’opposition travailliste) a été de demander un plus grand nombre de policiers dans les rues, une déclaration particulièrement irréfléchie étant donné que l’homme accusé de ce crime est un policier en service. Starmer était à la tête du ‘Crown Prosecution Service’ (« Service des poursuites judiciaires de la Couronne ») lorsque la décision a été prise de ne pas poursuivre le prédateur sexuel Jimmy Savile au motif que les preuves étaient insuffisantes…

    Le sexisme endémique au sein de la police

    Nous ne pouvons pas non plus compter sur la police elle-même. Le sexisme systémique, ainsi que le racisme et l’homophobie, sont bien documentés dans la police. L’année dernière encore, deux officiers de la police métropolitaine ont été suspendus après avoir posé en faisant des selfies avec les cadavres des victimes Nicole Smallman et Bibaa Henry. Mina Smallman, mère de Nicole et Bibaa, a déclaré : « C’est un exemple de la toxicité de la situation au sein de la police : ces policiers se sentaient tellement en sécurité, tellement intouchables, qu’ils pensaient pouvoir prendre des photos de jeunes filles noires mortes et les envoyer à d’autres. Cela en dit long sur la mentalité qui règne au sein de la police métropolitaine (Met). »

    Au sein de la Met, entre 2012 et 2018, 594 plaintes pour des infractions sexuelles ont été déposées contre le personnel de la police, dont 119 seulement ont été retenues. L’Office indépendant pour la conduite de la police enquête sur des plaintes selon lesquelles des accusations d’attentat à la pudeur contre le policier arrêté n’ont pas été traitées correctement. Cet environnement toxique ne protège non seulement pas le personnel féminin des forces de police, mais aussi les membres du public.

    L’approche sécuritaire est insuffisante : il faut lutter contre ce système sexiste !

    Nous soutenons toutes les mesures qui contribuent à ce que les femmes se sentent en sécurité. Par exemple, un éclairage abondant et bien entretenu des lieux publics. Les personnes en colère après le meurtre de Sarah (et les arrestations durant la veillée) doivent continuer à s’organiser et à discuter ensemble pour lutter en faveur de ces mesures urgentes.

    Mais ce n’est pas suffisant. Nous savons que Sarah a  “fait tout ce qu’il fallait” : elle a emprunté un itinéraire très fréquenté, elle a passé un coup de fil et a fait savoir aux gens où elle allait et quand elle rentrerait. Mais cela n’a pas empêché la violente attaque qui lui a coûté la vie. Près de 80 % des femmes tuées par des hommes au Royaume-Uni étaient victimes de leur partenaire et ont été tuées dans leur propre maison. Les mesures de sécurité ne les auraient pas protégées.

    La violence de genre est intrinsèquement liée au capitalisme. Les idées misogynes qui justifient l’oppression des femmes sont normalisées et propagées dans toute la société, notamment par les médias, l’éducation, la publicité, la culture populaire et au sein des familles. Le capitalisme repose sur l’oppression des femmes – il ne peut exister sans elle. Pour mettre fin à l’oppression des femmes, nous avons besoin d’un changement de système fondamental. Nous devons construire un mouvement de masse contre l’oppression de genre et le système qui la perpétue.

    La misogynie existe dans le monde entier, s’y opposer exige un mouvement international. Ces derniers mois, nous avons assisté à des manifestations pour le droit à l’avortement en Pologne, à une grève des femmes en Russie contre l’arrestation de militantes féministes et à d’immenses marches en Inde contre le viol et la violence envers les femmes. Les membres de Socialist Alternative et les diverses section d’Alternative Socialiste Internationale (qui est à la base du réseau international ROSA) ont participé activement à ces luttes et se battent pour un monde démocratique et socialiste débarrassé de la violence et de l’oppression.

  • Royaume Uni. Le manifeste électoral du Labour met la barre à gauche

    Luttons contre les conservateurs et pour une alternative socialiste !

    Jeremy Corbyn a lancé cette semaine le manifeste électoral du parti travailliste à l’université de Birmingham. Dans son discours, il est revenu sur les 9 dernières années d’austérité. Commentant les promesses contenues dans ce manifeste, il a expliqué qu’elles seraient immanquablement considérées comme ‘‘impossibles’’ par les élites dirigeantes car elles refusent tout changement d’un ‘‘système truqué en leur faveur’’. Il a encore souligné qu’un tiers des milliardaires du pays ont fait des donations électorales au Parti conservateur, ce qui contraste avec le Parti travailliste qui est maintenant ‘‘de votre côté’’.

    Par Paul Callanan, Socialist Alternative (Angleterre et Pays de Galles)

    Ce manifeste est effectivement radical au regard des dix dernières années d’austérité et des trois dernières décennies de politiques néolibérales appliquées tant par les travaillistes que par les conservateurs. Ce programme représente une rupture avec l’orthodoxie selon laquelle il n’existe pas d’alternative au marché libre et sans entraves.

    Il est également vrai de dire qu’il est rempli de ‘‘politiques populaires’’. Les sondages ont démontré à maintes reprises que des mesures telles que la renationalisation des chemins de fer, de la poste et des services publics ; la fin des coupes budgétaires ; l’arrêt de la privatisation du service national de soins de santé NHS et la suppression des frais de scolarité représentent des atouts gagnants.

    La promesse de créer un million d’emplois verts se lie naturellement à la colère et à la volonté dont les jeunes ont fait preuve lors des récentes grèves pour le climat. Il est également bienvenu que le plan travailliste pour une économie zéro carbone comprenne un volet de ‘‘transition juste’’ pour que les travailleurs des secteurs du gaz et du pétrole se voient offrir d’autres emplois, afin que leurs compétences soient mises à profit.

    La mesure qui a récemment fait la une des journaux, celle de nationaliser le service Openreach de BT et de fournir gratuitement le haut débit à tous les foyers et entreprises du Royaume-Uni, est un autre indicateur de la pensée radicale exprimée dans ce manifeste.

    Toutefois, le discours de Jeremy Corbyn a également permis de mettre en lumière certaines lacunes dans l’approche du dirigeant travailliste.

    Corbyn a raison de souligner que ‘‘Johnson veut détourner le Brexit pour déchaîner un thatchérisme sous stéroïdes’’ et que les discussions commerciales avec les États-Unis ouvrent le service national de soins de santé aux entreprises américaines. Sa propre position à ce sujet s’est une fois de plus révélée confuse, car il ne précise pas quel type de Brexit il essaiera de mettre en œuvre et s’est limité à dire qu’il fallait ‘‘retirer le Brexit des mains des politiques’’.

    Corbyn a parlé d’un ‘‘blitz d’investissements’’ pour financer des projets d’infrastructure. Le manifeste réaffirme la politique de création d’une Banque nationale d’investissement pour financer ce projet et les services publics. Toutefois, comme nous Socialist Alternative l’a précédemment souligné, cela ne permettra pas d’atteindre le niveau d’investissement requis.

    La plus grande lacune du manifeste est l’absence de promesse de nationalisation des grandes banques. Cette mesure n’est pas seulement vitale pour le financement des projets du parti travailliste. Corbyn a très justement abordé l’hostilité que ce manifeste suscitera à droite et parmi les puissants, mais cette hostilité ne prendra pas seulement la forme de mots.

    Tous les outils à leur disposition seront utilisés pour empêcher la mise en œuvre de politiques radicales de lutte contre l’austérité. Les banques joueront un rôle clé à cet égard. Un gouvernement travailliste devra empêcher que son programme ne soit saboté, par exemple par des grèves d’investissement de la part des riches, ou par la fuite des capitaux détenus par ces banques. Faire face à cette menace exige de nationaliser les banques sous le contrôle démocratique des travailleurs afin d’instaure ainsi un contrôle des capitaux pour éviter que cet argent ne disparaisse.

    Il ne suffit pas non plus de dire que seuls les services d’approvisionnement des ‘‘six grands’’ groupes énergétiques seront nationalisés. Les entreprises privées conserveraient ainsi le contrôle d’une grande partie du secteur de l’énergie. Il est nécessaire de nationaliser purement et simplement ces entreprises et leurs actifs.

    Nous appelons à la nationalisation des 100 premiers monopoles qui contrôlent 80% de l’économie du pays. Laissés aux mains du secteur privé, beaucoup d’entre eux délocaliseront pour éviter toute hausse d’impôts et de salaire dans le cas où le Labour arriverait au pouvoir. Prises en charge par l’État, ces entreprises offriraient des emplois avec de bons salaires et de bonnes conditions de travail. Les richesses et ressources technologiques et autres de ces entreprises pourraient permettre de démocratiquement planifier notre économie afin de satisfaire les besoins et désirs de la société dans son ensemble.

    Dans son discours, Corbyn a affirmé qu’il ‘‘suffit de voter’’. Ce n’est pas le cas. Aux dernières élections générales, le Labour a largement dépassé les attentes en mobilisant grâce à une campagne de masse faite de meetings et de moments de tractage. Il faut reproduire cette dynamique.

    D’autre part, comme l’illustrent les grèves à l’entreprise de courrier Royal Mail, dans l’enseignement ou encore parmi le personnel d’entretien à bas salaires qui fait grève pour les 15 £, il nous faudra nous battre pour faire une réalité du programme de Corbyn. Les grèves pour le climat ont frappé les esprits cette année en Grande-Bretagne et dans le monde entier. De pareilles mobilisations de masse seront également nécessaires une fois les élections passée, que Corbyn l’emporte ou non, contre le sabotage de la classe dirigeante dans la première option, contre un gouvernement conservateur austéritaire dans l’autre.

    Nous devons nous mobiliser dès maintenant pour expulser les Conservateurs du gouvernement le 12 décembre. Le manifeste du Parti travailliste a le potentiel de susciter l’enthousiasme et d’inciter les gens à se battre dans la rue et sur leurs lieux de travail. Mais ce mouvement a besoin d’être armé d’un programme socialiste audacieux pour affronter les patrons après les élections.

  • Elections britanniques : Combattre pour un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn !

    Construire un mouvement de masse pour gagner et s’organiser pour lutter pour le socialisme

    L’élection générale de décembre pourrait marquer un tournant historique. C’est l’occasion de construire un mouvement de masse pour exiger une société au bénéfices de millions de personnes. C’est l’occasion de virer les conservateurs et de mettre Jeremy Corbyn au numéro 10 (le 10 Downing Street est la résidence officielle et le lieu de travail du Premier ministre, NdT).

    Déclaration de Socialist Alternative, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (Majoritaire) en Angleterre et au Pays de Galles.

    Corbyn peut remporter cette élection. Pour ce faire, il doit s’adresser directement à la classe des travailleurs et aux jeunes avec un programme clair qui peut changer leurs vies. Lorsque Corbyn a lancé sa campagne électorale, il a lancé un appel frappant en faveur d’un “véritable changement”. Le vrai changement dont nous avons besoin, c’est un changement socialiste.

    L’austérité doit cesser. Dix ans de brutalité conservatrice nous ont poussés vers la banque alimentaire britannique. Près de quatre millions d’enfants vivent dans la pauvreté. Les travailleurs ont enduré une décennie de restrictions salariales. Les jeunes sont surendettés et confrontés à la crise du logement. Le fléau de la mauvaise santé mentale frappe chaque génération, le symptôme d’une société malade.

    Pendant ce temps, le système national de soins de santé (NHS) est vendu – petit à petit – au plus offrant. Et la dégradation du climat menace l’avenir même de notre planète.

    Pourtant, notre société est inondée de richesses. Des richesses qui sont concentrées dans les mains d’une élite richissime et minuscule. Ce sont ces quelques riches – la classe capitaliste – qui possèdent et contrôlent les énormes monopoles qui dominent notre économie, et par extension la vie de millions de personnes. Ils paient à peine leurs impôts. Ils polluent la terre. Et maintenant, ils veulent privatiser nos services publics.

    Leur classe est actuellement bien représentée au Parlement. Leurs défenseurs n’occupent pas seulement les bancs conservateurs. Beaucoup de leurs représentants les plus fiables figurent parmi les libéraux-démocrates. Et d’autres encore s’assoient derrière Corbyn sur les bancs du Parti travailliste, en travaillant patiemment et avec persévérance pour ébranler ce dernier, l’étouffer, et finalement lui faire quitter de force la direction du parti.

    Cette élection est l’occasion de porter un coup magistral à la classe capitaliste qui bénéficie de cette économie truquée. Le pouvoir des capitalistes doit être remis en question. C’est leur système – le capitalisme – qui endommage la terre, fait baisser les salaires, génère et perpétue les oppressions racistes, genrées, sexuelles et autres.

    Faire dégager Boris

    Boris Johnson – le multimillionnaire éduqué à Eton – veut nous faire croire qu’il est un personnage anti-establishment. Il prétend représenter le peuple dans un conflit qui oppose le “peuple au parlement”. Mais que peut bien savoir ce conservateur de ce qu’est la vie dans l’austérité ?

    Le meilleur antidote à ces mensonges n’est pas la défense d’un parlement rempli de politiciens privilégiés et pro-capitalistes. Au lieu de cela, Corbyn doit faire de cette élection une élection qui oppose “le peuple au 0,1% “. Il doit mobiliser la classe des travailleurs, avec les jeunes, pour lutter pour une alternative à l’austérité et à la misère.

    Pour cela, Corbyn doit défendre un programme capable d’unir les travailleurs de part et d’autre de la ligne de démarcation du Brexit. Les mois de querelles parlementaires et de jeu autour du Brexit ont à juste titre repoussé les gens ordinaires. La plupart d’entre eux comprennent instinctivement qu’il s’agit essentiellement d’une dispute entre deux ailes d’une élite privilégiée pour savoir quels accords commerciaux seront les plus favorables aux grandes entreprises.

    La voix des travailleurs a été notablement absente. Mais Corbyn a la possibilité de changer cela. Il doit affirmer avec audace que cette élection n’est pas un autre référendum Brexit : il devrait s’agir d’un référendum sur l’austérité, sur la décennie de règne cruel et désastreux des conservateurs. Il doit lier son programme de lutte contre l’austérité à une approche pro-ouvrière, internationaliste et fermement antiraciste de la question du départ de l’UE.

    Les lignes rouges européennes

    Il devrait être clair qu’un gouvernement travailliste établirait de nouvelles lignes rouges concernant la réouverture des négociations avec l’UE pour défendre les intérêts des travailleurs. Qu’il refuserait d’accepter la myriade de traités néolibéraux anti-travailleurs actuellement institutionnalisés par l’UE. Ces traités sont utilisés pour miner les droits des travailleurs et générer une infernale course vers le bas. Nous pensons notamment à la directive sur le détachement des travailleurs, aux restrictions des aides d’État et aux lois sur la concurrence qui constituent des obstacles – qu’un gouvernement des travailleurs devrait affronter – à la renationalisation des services publics privatisés.

    De plus, Corbyn devrait adopter une position internationaliste. Cette position doit rejeter l’ignoble cruauté qui conduit des travailleurs migrants à périr à l’arrière des camions. La véritable alternative à l’actuel club des patrons de l’UE n’est pas un fantasme autour de la petite Angleterre. C’est une Europe pour les travailleurs – une Europe socialiste. Nous vivons sur un continent qui a passé la dernière décennie à connaître des protestations de masse et à lutter contre l’austérité. Un gouvernement britannique mettant en œuvre un programme de lutte contre l’austérité, appelant les masses européennes à le soutenir, pourrait être le catalyseur d’une révolte et d’un soulèvement qui pourrait déferler sur le continent.

    Donc Corbyn a du travail. Mais cette élection ne doit pas porter uniquement sur lui en tant qu’individu. Car quel que soit le résultat du 12 décembre, nous savons que le combat ne sera pas terminé à ce moment-là. Si Corbyn gagne, il sera immédiatement confronté à la colère d’une classe capitaliste désireuse de protéger ses profits et de défendre ses privilèges. Et si Corbyn ne compte que sur le Parlement pour le défendre contre de telles forces, il se trouvera particulièrement vulnérable.

    Mobiliser les travailleurs

    L’histoire ne s’écrit pas seulement dans les couloirs du parlement. Les travailleurs ont un énorme pouvoir potentiel. Après tout, ce sont les travailleurs qui transforment les ressources du monde en biens à utiliser, qui distribuent ces biens à travers la planète, qui fournissent tous les services qui permettent à la société de fonctionner. Si nous agissons collectivement, nous avons le pouvoir d’être acteurs de l’histoire – d’être les agents du changement.

    Nous devons utiliser ces élections pour construire un mouvement qui peut durer plus longtemps que cette campagne. 2017 a donné un aperçu de ce qui est possible. Nous avons besoin de rassemblements de masse dans toutes les villes du pays. Des projections de masse devraient également être organisées.

    Il est extrêmement positif que les travailleurs de Royal Mail, des universités et de toute une série de conflits locaux importants puissent être en grève pendant cette campagne. Il est essentiel qu’aucune tentative ne soit faite pour retenir ces actions. En fait, les syndicats devraient être au cœur de la construction de ce mouvement. Ces conflits pourraient être au centre des préoccupations pendant la campagne, ce qui renforcerait la confiance des travailleurs de toute la Grande-Bretagne et mettrait en lumière des revendications importantes. Il est particulièrement positif qu’au moment où les postiers sont confrontés à un patron brutal, Corbyn s’est engagé à renationaliser la poste, ainsi que le rail et l’eau, en ouvrant sa campagne électorale.

    En fin de compte, nous devons construire un mouvement de masse qui peut pousser Corbyn à aller plus loin que ses esquisses positives de programme actuelles. L’histoire nous avertit que la classe capitaliste ne reculera devant rien pour protéger sa richesse et son pouvoir. Le sabotage économique – menaces de délocalisations, fuite des capitaux, etc. – sera sa réponse face à un plan de renationalisation à large échelle.

    Se préparer au sabotage

    Corbyn devrait prendre des mesures pour protéger la classe ouvrière contre cela. Pour cela, il faudrait être prêt à prendre des mesures qui vont au-delà des contraintes capitalistes. Cela signifie de nationaliser les banques pour prendre le contrôle des flux de capitaux. Cela signifie d’être prêt à défier le pouvoir le plus important que possède la classe capitaliste – son contrôle de l’économie. Pour ce faire, il faut aller au-delà de la renationalisation de quelques services privatisés et prendre collectivement en main, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la classe ouvrière, les grands monopoles qui dominent actuellement notre économie. L’indemnisation ne peut être versée aux actionnaires qu’en fonction de besoins prouvés.

    En fin de compte, tout cela nécessiterait que Corbyn s’appuie sur le pouvoir et l’autorité non pas du parlement, mais d’une classe ouvrière organisée, mobilisée et consciente, participant démocratiquement à l’orientation de l’avenir et capable de contrôler sa propre destinée.

    Sur cette base, il serait possible de transformer complètement la vie de millions de personnes. Cela nous donnerait la possibilité de planifier démocratiquement une économie qui aurait comme priorité non pas les profits de quelques-uns, mais les besoins et les désirs de la majorité. Ce serait une société qui aurait le potentiel d’agir comme un phare pour l’Europe et le monde.

    Dans son discours d’ouverture de campagne, Corbyn a souligné la nécessité d’une révolution industrielle verte. La crise à laquelle notre planète est confrontée signifie que nous n’avons pas de temps à perdre. Corbyn doit tenir compte du slogan qui est devenu synonyme des grèves climatique de masse dans les écoles : nous avons besoin d’un changement de système. Cela signifie que nous devons mettre fin à ce système capitaliste désastreux qui repose fondamentalement sur l’exploitation des gens et de la planète pour le remplacer par une société socialiste au bénéfice de millions de personnes.

    Socialist Alternative participera à cette campagne électorale pour assister la lutte en faveur d’un gouvernement dirigé par Corbyn. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Nous nous organiserons pour aider à construire un mouvement capable de lutter pour la transformation socialiste dont notre société a désespérément besoin. Ce mouvement devra se poursuivre au-delà du 12 décembre, qu’importe qui occupe alors Downing Street. Nous espérons que vous vous joindrez à nous.

    • Les conservateurs dehors ! Pour un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn qui mette fin à l’austérité !
    • Construisons un mouvement de masse – Corbyn doit mobiliser la classe ouvrière pour qu’elle se batte afin d’expulser Johnson et de se préparer à la suite.
    • Que les syndicats soient au cœur de la campagne ! Solidarité avec les travailleurs en grève de Royal Mail, des universités et des conflits locaux.
    • Pas de concessions aux politiciens pro-capitalistes – Corbyn doit rester ferme et défendre des politiques socialistes !
    • Pour l’union des travailleurs au-delà du Brexit – Remain et Leave – avec une approche pro-ouvrière et internationaliste de la question du Brexit !
    • Luttons contre la crise climatique! Nous avons besoin d’un changement de système.
    • Organisons nous pour lutter pour le socialisme et en finir avec la richesse des capitalistes en nationalisant les grands monopoles qui dominent notre économie !
  • 8 députés de droite quittent le Parti travailliste. Que les autres dégagent aussi !

    Le parti conservateur est en crise et le gouvernement menace de s’effondrer. C’est pourtant à ce moment précis que huit députés ont choisi de quitter le Parti travailliste pour constituer leur propre ‘‘groupe indépendant’’.

    Version raccourcie d’un édito de l’hebdomadaire ‘The Socialist’

    Cette ‘‘bande des Huit’’ a choisi de commettre cet acte de sabotage en prévision d’une éventuelle élection générale, qui pourrait survenir au cours de ces prochains mois, surtout si l’impasse parlementaire sur le Brexit continue et si une action syndicale de masse est organisée pour faire chuter les Conservateurs.

    Depuis l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste, une guerre civile fait rage entre l’aile gauche et l’aile droite. Cette dernière reste dominante au parlement, dans les conseils municipaux et dans la machine bureaucratique du parti. Des députés travaillistes de droite ont témoigné de leur répugnante sympathie envers les huit députés qui ont quitté le parti, mais il est scandaleux que certains dirigeants syndicaux se soient également fait l’écho de ces sentiments.

    La droite du parti ne mérite aucune confiance !

    Des membres de la section travailliste de Wavertree, d’où provient une députée de la bande des Huit, avaient précédemment cherché à obtenir un vote de défiance à son égard. Mais ils ont été soumis à diverses pressions pour retirer leur motion au nom de ‘‘l’unité’’. La direction du parti autour de Jeremy Corbyn continue hélas de chercher à conclure des compromis avec la droite du parti. C’est ce qui a permis à cette 5e colonne nostalgique de Tony Blair de continuer à saper sa position.

    Cette scission ne représente qu’une petite partie de l’aile pro-austérité du Parti travailliste. Elle comprend des personnalités relativement importantes mais le fait que la majorité des députés pro-austérité soient restés au parti travailliste est certainement une stratégie calculée. Jusqu’à présent, cette ‘‘scission’’ n’est visible qu’au niveau parlementaire. Aucun nouveau parti n’a été lancé. Cela pourrait être le cas plus tard.

    Il est probable que l’on espère que cette scission pourra contribuer à empêcher l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dirigé par Corbyn. Cela pourrait ainsi remplir un rôle similaire à celui la scission du Parti social-démocrate en 1981. Mais compte tenu de la colère générale dans la société et de la crise profonde à laquelle le Parti conservateur est confronté, il est loin d’être certain que cette initiative sera couronnée de succès.

    Du point de vue de la classe capitaliste, il est logique que la majorité de ses représentants au sein du parti travailliste y restent pour l’instant. Ces députés de droite pourraient être utilisés efficacement pour saboter un gouvernement dirigé par Corbyn s’il était élu et tentait de mettre en œuvre une vraie politique de gauche. Une sortie massive des députés de droite peut être gardée en réserve et utilisée à l’avenir pour précipiter la chute d’un gouvernement dirigé par Corbyn.

    Le secrétaire général du syndicat Unite, Len McLuskey, demande à juste titre que des élections partielles soient déclenchées dans les circonscriptions que représentent ces anciens députés travaillistes. Si des combattants de la classe des travailleurs étaient choisis comme candidats travaillistes à leur place, cela pourrait constituer un excellent premier test pour apprécier le soutien réel qui existe dans la société pour un agenda réellement de gauche.

    L’incapacité de Corbyn d’articuler une approche socialiste de la question du Brexit de manière claire et cohérente permet à d’autres forces d’obtenir un certain soutien en jouant sur la confusion et la division qui existent au sein de la classe des travailleurs sur cette question. Cela souligne l’importance pour Corbyn d’adopter une approche socialiste claire de la question, en faisant valoir qu’un gouvernement dirigé par lui se battrait pour rouvrir les négociations sur une base totalement différente.

    Un point de départ pour ce faire serait de définir un programme de protection et d’amélioration des droits des travailleurs, y compris les droits des travailleurs migrants et des réfugiés ; d’abolir toutes les lois et règles antisyndicales comme la directive européenne sur le détachement des travailleurs – que les employeurs peuvent utiliser pour faciliter une ‘‘course vers le bas’’ des salaires et des conditions de travail ; de lutter contre toutes les réglementations européennes qui agissent contre les intérêts des travailleurs, comme celles qui font obstacle aux politiques gouvernementales comme les aides publiques et les nationalisations ; et de définir un nouveau programme pour une collaboration des citoyens européens sur une base socialiste.

    Dans une situation où des emplois sont actuellement menacés, le spectre d’un Brexit sans négociation étant souvent utilisé par les patrons pour justifier les fermetures d’entreprises et les licenciements, Corbyn devrait immédiatement dire ce qu’un gouvernement travailliste ferait pour protéger les emplois : nationaliser les entreprises menacées de fermeture.

    La bande des Huit a exposé plus clairement la nature de la bataille qui fait rage dans le parti travailliste, avec le potentiel qu’il devienne un parti démocratique défendant le socialisme avec une structure fédérative. Le Socialist Party appelle à la tenue d’une conférence du Parti travailliste à laquelle pourraient participer toutes les forces anti-austérité, dont les syndicats et les groupes socialistes.

    Une telle conférence pourrait discuter des tâches urgentes qui attendent notre mouvement. Dans l’immédiat, il s’agit notamment d’organiser une mobilisation de masse pour se battre dans la perspective d’une élection générale et de la révocation des députés de droite pour les remplacer par des candidats socialistes combattifs, et construire la lutte pour transformer une transformation socialiste de la société.

  • Le Brexit, une fenêtre sur notre époque

    « Face au coup porté contre eux », écrivait Socialism Today au lendemain du référendum européen de 2016, « la tâche maintenant, pour la majorité de la classe dirigeante, est d’essayer de « revenir en arrière » sur le résultat », citant la phrase du secrétaire d’Etat du président américain Barak Obama de l’époque, John Kerry.

    Article tiré de l’édition de janvier de Socialism Today, magazine du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)

    Les principales forces du capitalisme britannique avaient fait campagne avec acharnement pour rester au sein du club des patrons de l’UE, le plus grand bloc réglementaire commun de l’économie mondiale en termes de PIB. Mais maintenant, repoussés par ce qui était au fond un vote de rage de la classe ouvrière de masse contre l’establishment capitaliste, ils ont dû se regrouper pour faire face à la nouvelle situation.
    Au pire, ils espèrent un « Bino », un « Brexit-in-name-only », qui maintiendra le Royaume-Uni au sein de l’union douanière et du marché unique de l’UE, avec ses règles néolibérales en faveur des grandes entreprises. « Mais si cela peut être accompli, après un délai convenable et un terrain préparé, l’objectif serait d’inverser le résultat, par le biais d’une élection générale ou d’un second référendum ». (Socialism Today, n° 201, septembre 2016)

    Après tout, la manœuvre de renversement du référendum était une tactique bien établie pour traiter les référendums de l’UE où le vote s’était exprimé « dans la mauvaise direction » du point de vue des capitalistes, mais qui était ensuite inversé par un second vote.
    Deux référendums ont eu lieu au Danemark en 1992 et 1993 pour approuver le traité de Maastricht établissant l’Union économique et monétaire. L’Irlande n’a approuvé les traités de Nice (2001) et de Lisbonne (2008) qu’après un second vote. Le traité constitutionnel de l’UE a été ressuscité par d’autres moyens. Déchiré par des défaites référendaires en France et aux Pays-Bas en 2005, il a été reconditionné en traité de Lisbonne et a été approuvé par le Parlement de ces pays en 2008, après de nouvelles élections.

    Les différents exemples du « renversement de référendum » étaient là. La situation pourrait sûrement être récupérée pour le Brexit aussi.
    Pourtant, nous vivons à une époque différente de celle qui a précédé la grande récession -qui a suivi le krach financier de 2007-08.
    Le dernier vote favorable à l’UE lors d’un référendum a été l’approbation par le Danemark, en 2014, de l’accord sur un tribunal unifié des brevets (bien que cet accord, signé il y a cinq ans en 2013, doive encore entrer en vigueur en raison de problèmes de ratification ailleurs).
    En dépit de certains sondages qui montrent qu’une faible majorité de la population reste favorable au maintien de la Constitution, un nouveau référendum – la classe dirigeante disant aux électeurs de la classe ouvrière qu’ils avaient tort – ne garantirait pas un revirement du Brexit.

    Et le pari électoral de May de l’année dernière n’a pas produit une majorité « forte et stable » à partir de laquelle elle a pu faire passer un accord « Bino » (Brexit-in-name-only ), mais bien la plus forte augmentation de membres et sympathisants du Parti travailliste entre les élections depuis 1945, en réponse au manifeste radical de Jeremy Corbyn.

    L’ère de l’austérité a déclenché une crise de représentation de la politique capitaliste, avec tous les vieux modèles et méthodes de gouvernement profondément ébranlés. Au moment d’écrire ces lignes, Theresa May est toujours première ministre. Son projet d’accord – le projet d’accord de retrait de l’UE et la future déclaration politique-cadre qui l’accompagne – est toujours d’actualité. Mais au-delà, rien n’est sûr.

    Le stratagème de May : moi ou le chaos

    L’accord de May est incontestablement un accord de Brexit-in-name-only, établi pour défendre les intérêts capitalistes.
    Bien que le projet de traité soit à bien des égards un « Brexit » aveugle, laissant les détails des relations futures avec les autres États membres de l’UE27 aux négociations pendant la période de transition après mars 2019, il maintient clairement le Royaume-Uni sur l’orbite réglementaire pro-grande entreprise de l’UE.

    La Grande-Bretagne s’engagerait, par exemple, à maintenir un « alignement dynamique » avec l’UE sur les règles en matière d’aides d’État et d’autres directives de libéralisation, en les coupant et les collant dans le droit britannique. Le directeur général de la Fédération britannique de l’alimentation et des boissons l’a décrit comme « le plus doux des Brexit ». Il a été approuvé à l’unanimité par le comité d’élaboration des politiques de la Confédération de l’industrie britannique (CBI), après avoir recueilli les opinions de 900 dirigeants d’entreprises, comme étant la meilleure solution disponible et la seule alternative à une rupture sans accord chaotique.

    La majorité des députés – les conservateurs, la majorité blairiste du Parti travailliste parlementaire, le Parti national écossais et les Lib-démocrates – sont des représentants engagés du capitalisme. Et pourtant, l’approbation parlementaire de l’accord ne peut être obtenue que par May, si tant est qu’il en soit ainsi, qui devra l’approuver au bulldozer. Les procédures obscures de la Chambre des communes sont dépoussiérées pour s’assurer que l’exécutif – le gouvernement – ne peut être lié à une action alternative de la législature dans le cadre d’un « vote significatif » sur l’accord.

    En vertu de la Loi sur le Parlement à mandat fixe, une défaite ne serait pas une question de confiance – May pourrait revenir dans les trois semaines pour un second vote. Même des ministres du Cabinet auraient été « hués d’en bas » par des fonctionnaires non élus. Et puis il y a les marchés financiers et les marchés des changes. Un analyste de BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, a parlé d’un « nouveau moment Tarp », faisant référence au fait que le programme américain Troubled Asset Relief Program, qui avait renfloué les banques en 2008, avait été initialement rejeté par le Congrès, mais adopté quelques jours plus tard avec quelques ajustements mineurs après le crash des marchés.

    Déjà, un certain nombre de Blairistes et de conservateurs qui s’étaient rebellés contre May signalent qu’ils pourraient à contrecœur approuver l’accord « aussi imparfait qu’il puisse être ». Forcer l’adoption du traité de retrait sur cette base – le ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt a mis en garde contre un « chaos effroyable » s’il n’est pas approuvé – ne serait cependant pas un signe de force.
    En fait, l’ensemble de la situation reflète plutôt l’isolement social sous-jacent et la faiblesse de la classe dirigeante, secouée par les contradictions économiques, sociales et politiques du déclin du capitalisme britannique.

    Remplir le vide

    En se demandant pourquoi le référendum de 1975 sur l’UE au Royaume-Uni avait abouti à un oui à l’adhésion, le ministre travailliste des Affaires étrangères de l’époque, Roy Jenkins, qui est devenu membre fondateur du Parti social-démocrate divisé en 1981, a déclaré que « le peuple suivait les conseils de ceux qu’il avait l’habitude de suivre ».

    Mais cette déférence à l’égard de l’autorité établie – la réserve sociale du capitalisme nourrie par le long boom de l’après-guerre qui venait à peine de s’achever – s’était transformée en son contraire en 2016. La confiance dans les partis ouvriers traditionnels s’est déjà érodée lorsqu’ils se sont transformés en formations capitalistes dans l’ère poststalinienne des années 1990, l’autorité de « ceux que le peuple avait l’habitude de suivre » a été balayée par l’âge de l’austérité.

    En effet, toutes les institutions et tous les instruments sur lesquels le capitalisme s’est appuyé historiquement, et les idéologies de division qui ont été utilisées pour les soutenir, ont été profondément sapés – alimentant, par exemple, comme l’explique Christine Thomas dans le Socialism Today de ce mois-ci, les nouveaux mouvements des femmes contre l’oppression qui prennent forme dans le monde.
    Mais en l’absence d’une direction claire du mouvement ouvrier, d’autres forces, réactionnaires, peuvent aussi glisser temporairement dans le vide.

    Jeremy Corbyn a commis une grave erreur en 2015 lorsqu’il s’est engagé à faire campagne pour un vote sur le statu quo, afin de maintenir les Blairistes dans son premier cabinet fantôme. Imaginez l’impact que les débats référendaires télévisés entre Corbyn et David Cameron auraient eu sur les événements futurs – contrairement au cirque Dave vs Boris – si Jeremy s’était tenu à sa position précédente de dénoncer, à juste titre, le caractère néolibéral du club des patrons européens et ses politiques.

    Le désarroi des représentants politiques du capitalisme peut encore être utilisé par la classe ouvrière pour imprimer sa marque sur les événements, mais la première exigence est un engagement ferme à une alternative socialiste et internationaliste. Même si l’accord de retrait de May est adopté par le Parlement dans les semaines à venir, les schismes au sein du parti conservateur ne feront que s’intensifier à mesure que les négociations de la phase de transition avec l’UE commenceront. Son gouvernement pourrait bien trébucher, soutenu uniquement par une opposition ouvrière insuffisamment organisée et dotée d’un programme socialiste clair. En ce sens, le drame du Brexit est vraiment une fenêtre plus large sur notre époque.

  • Le Corbynisme, trois ans plus tard

    Le gouvernement conservateur ne tient qu’à un fil. Sa politique désastreuse du Brexit menace de l’anéantir et le désespoir et la colère généralisée face à une austérité apparemment sans fin peuvent éclater à tout moment. Il est encore temps, selon PETER TAAFFE, que Jeremy Corbyn agisse de manière décisive dans la « guerre civile » du parti travailliste – pour développer une alternative socialiste à la crise et à la misère capitaliste.

    Article tiré de l’édition de novembre du magazine Socialism Today (édité par la section du CIO en Angleterre et au Pays de Galles)

    Cela fait maintenant trois ans que Jeremy Corbyn a été élu pour la première fois à la tête du Parti travailliste. Il s’agissait d’une révolution politique, de l’intérieur et de l’extérieur, provenant de forces essentiellement neuves qui exigeaient une rupture nette avec les politiques pro-capitalistes du Blairisme.

    Bien sûr, une révolution sociale – qui bouleverse la société de fond en comble – diffère d’une révolution politique au sein d’un même parti, que le mouvement Corbyn pouvait représenter. Cependant, la question du leadership est vitale dans les deux types de bouleversements.

    La révolution russe a prospéré pendant neuf mois en octobre 1917 pour une seule raison : le rôle vital de Lénine et Trotsky dans la direction du parti bolchevique.

    Eux seuls avaient compris le rythme de la révolution à chaque étape, en particulier de la conscience des masses, et l’ont dotée du programme et de la perspective nécessaires pour prendre le pouvoir.

    L’un des facteurs qui ont conduit à la défaite finale de la révolution espagnole de 1931-1937 est que la classe ouvrière n’avait pas de parti et de direction capable de prendre le pouvoir. Le Parti socialiste espagnol (PSOE) avait le potentiel pour devenir un tel parti, mais Largo Caballero, le leader de la gauche, a permis au parti de rester sous le contrôle de la droite dirigée par Indalecio Prieto.

    Les forces de l’ancien régime travailliste, la droite blairiste, ont mené une politique consciente de sabotage digne des révoltes de la réaction féodale vendéenne à la révolution française.

    Il est tout à fait intéressant de jeter un regard rétrospectif sur les trois années de guerre civile inachevées des travaillistes et sur les attaques continues, vindicatives et organisées de la droite travailliste et de ses partisans dans les médias sur ce que Corbyn représente.

    Ed Miliband a perdu les élections générales en mai 2015 et a démissionné. Le mois suivant, on disait que Jeremy Corbyn serait le porte-drapeau de la gauche à l’élection à la direction du parti travailliste et il s’est déclaré dans le journal local d’Islington comme « candidat anti-austérité ».

    En juin, Corbyn est arrivé sur le bulletin de vote avec quelques minutes d’avance. Certains députés de droite pensaient qu’il n’était qu’un « loser » et, par conséquent, qu’il n’y avait aucun risque à lui « prêter leur vote ».

    Nombre d’entre eux, soucieux de préserver leur réputation de « démocrates », avaient regretté d’avoir laissé Gordon Brown courir en toute liberté – accompagné de ses hommes de main – lors de la course à la direction en 2007.

    Ils ont passé les trois dernières années à regretter leur décision d’avoir facilité la victoire de Corbyn ! En septembre, il a été annoncé comme chef élu du Parti travailliste lors d’une conférence spéciale.

    La droite ne s’est toujours pas réconciliée de sa victoire. Depuis lors, les travaillistes ont connu des coups d’État ou des tentatives de coups dignes d’une république d’Amérique centrale !

    En décembre 2015, Hilary Benn s’est exprimé au Parlement en faveur d’une intervention militaire en Syrie. Cette position a été massivement rejetée par les membres du Parti travailliste et la masse de la population qui s’opposaient à toute nouvelle aventure après la catastrophe irakienne.

    Corbyn a refusé (à tort) d’émettre un « whip [i]» de trois lignes avant le débat. Puis, en juin 2016, lors du référendum de l’UE, les électeurs ont voté pour le Brexit.

    Immédiatement après le référendum, Benn a finalement été licencié par Corbyn pour avoir organisé des démissions massives du cabinet fantôme[ii].

    Cela a conduit à une révolte de la droite qui domine toujours le Parti travailliste parlementaire (PLP). Une motion de défiance à l’égard de Corbyn a été proposée par Margaret Hodge et appuyée par 172 députés à 40 ! Quelques jours plus tard, le 9 juillet, le leader adjoint du parti travailliste, Tom Watson, a refusé de rencontrer Len McCluskey, secrétaire général d’Unite, et d’autres dirigeants syndicaux qui se plaignaient de son hostilité et de celle du PLP envers Corbyn.

    Crucially, the main reason Labour registered a partial victory was the launch of the anti-austerity manifesto over the heads of the right, particularly the PLP. At its core was the promise to abolish student fees and bring back grants.

    Trois jours plus tard, le Comité exécutif national du Parti travailliste, les dents serrées – contrôlé comme il l’était encore par la machine Blairiste non reconstruite – a permis à Corbyn de revenir sur le bulletin de vote pour un nouveau défi de leadership.

    Dans une lutte âprement disputée, sur fond de diffamation personnelle et politique de Corbyn, Owen Smith était le porte-drapeau de l’aile droite.

    Il essaya de manière farfelue de se déguiser en gauchiste, voire même en « révolutionnaire aux yeux froids ». Pourtant, Corbyn a été réélu.

    Lors de l’élection générale surprise de juin 2017, bien que les travaillistes n’aient pas gagné, ils ont obtenu leur plus forte augmentation de votes depuis 1945 et éliminé la majorité du gouvernement conservateur.

    La Première ministre Theresa May ne s’est accroché qu’au travers d’un sale accord avec le parti unioniste démocratique d’Irlande du Nord[1][iii] ; ce pacte menace de s’effondrer à tout moment.

    La principale raison pour laquelle le Parti travailliste a eu une victoire partielle a été le lancement du manifeste anti-austérité par-dessus la tête de la droite, en particulier le PLP. La promesse d’abolir les frais de scolarité et de rétablir les bourses d’études était au cœur de ce projet.

    Ce message anti-austérité a électrisé toute une nouvelle génération qui étaient motivée pour soutenir le Parti travailliste de Jeremy Corbyn.

    Cela a confirmé nos arguments de l’époque selon lesquels un appel audacieux en faveur de mesures socialistes radicales trouverait une réponse de masse.

    Si cela avait été combiné avec l’adoption par Corbyn d’une position de principe claire sur l’Écosse – défendre le droit à l’autodétermination du peuple écossais et à un second référendum sur l’indépendance s’il le souhaitait – cela aurait pu sceller une victoire travailliste, soit comme parti le plus important, soit même avec une majorité globale.

    Redémarrage du Labour

    Il en va de même pour la situation interne au sein du parti travailliste, où les vagues radicalisées de nouveaux membres, en particulier, étaient ouvertes à un leadership audacieux.

    Le Parti socialiste[iv] a suggéré que, comme pour le lancement du manifeste, Jeremy Corbyn devrait contourner la machine travailliste de droite.

    Il devrait lancer sa propre constitution qui serait soumise au vote de tous les membres du Parti travailliste avec une resélection obligatoire.

    Dans le même temps, le mouvement travailliste devrait être reconstitué en tant que fédération ouverte de différentes organisations socialistes, y compris le Parti socialiste, tout en conservant les fondements des affiliations syndicales démocratisées.

    Il ne fait aucun doute que cela aurait suscité l’enthousiasme généralisé des membres de gauche, remplissant le mouvement travailliste d’une base active prête à s’organiser contre la droite qui aurait probablement pris cela comme le signal pour déserter le Labour.

    Au lieu de cela, la guerre civile s’est poursuivie et la droite a été autorisée à poursuivre sa campagne de provocation – en fait, d’autres soulèvements contre Corbyn et la gauche – comme l’a montré la campagne antisémite scandaleuse et renouvelée de Hodge et la cabale de droite toujours dominante dans le PLP cette année.

    Malgré les menaces de former un nouveau « parti du centre » avec des déserteurs « libéraux » du parti conservateur et peut-être des libéraux-démocrates, les travaillistes de droite n’ont pas encore fait le premier pas, pour une très bonne raison.

    En cette période de crise organique profonde du capitalisme et de forte polarisation des classes, le milieu favorable qui existait au moment de la formation du SDP [v]au début des années 1980 n’existe pas aujourd’hui.

    Les forces qui ont formé le SDP possédaient trois dirigeants de renommée nationale qui pouvaient rallier un bloc électoral important pendant un certain temps.

    Les « Lib-Dems », cependant, sont maintenant si faibles qu’ils ont dû envisager de faire de la publicité à l’extérieur de leurs rangs pour qu’un leader remplace Vince Cable dévoré par les mites.

    Les vagues de nouveaux adhérents du Parti travailliste, ceux qui pensaient rejoindre un parti socialiste rajeuni, sont devenus frustrés par la timidité politique, le refus d’affronter le sabotage blairiste et par l’hésitation de Jeremy Corbyn.

    C’est particulièrement le cas du leadership de Momentum, représenté par Jon Lansman et ses partisans.

    Souvenez-vous de leur mantra apaisant – « Yes we Khan » – en faveur de Sadiq Khan, le maire de Londres qui a exigé « plus de milliardaires pour Londres » dans sa campagne électorale de 2016 ?

    Lansman a également rejeté et s’est opposé à nos arguments selon lesquels, sans le contrôle de la resélection obligatoire des députés, le corbynisme était comme un couteau sans lame – qu’il serait difficile, voire impossible, de retirer l’ensemble de la droite blairiste par le mécanisme dit du « vote de déclenchement [vi]».

    Cette question a été écartée parce qu’elle n’était pas « pertinente ». Ce faux argument, déguisé en « réalisme » de gauche, a été mis à nu lors de la récente conférence du Parti travailliste avec la clameur des rangs travaillistes pour une resélection obligatoire.

    Cette proposition a été rejetée, certains syndicats de gauche comme Unite jouant un rôle moins que glorieux dans le règlement de la question de la prolongation du vote de déclenchement.

    Cela signifie que la majorité des députés de droite resteront en position, libres de saper Corbyn et de nuire à l’attrait du Parti travailliste en tant que parti socialiste transformé et radical.

    Cela aura de graves conséquences à l’avenir, en particulier si un gouvernement travailliste arrive au pouvoir.

    Les travaillistes de droite sont des agents ouverts du capitalisme, prêts à faire ce dont le système a besoin -s’ils pensent que c’est dans leur intérêt.

    Regardez les accusations pernicieuses, vicieuses et fausses d’antisémitisme portées contre Jeremy Corbyn. Malgré une couverture médiatique extrêmement biaisée, cela n’a toutefois pas empêché la grande majorité des membres du mouvement syndical ou de l’opinion publique de se rallier à son point de vue.

    Certains dirigeants syndicaux – à Unite, par exemple – pensaient sans aucun doute qu’ils agissaient dans le meilleur intérêt de leurs membres qui souhaitent désespérément voir la fin de May et des Conservateurs et les remplacer par un gouvernement Corbyn.

    D’où l’accent mis par les dirigeants syndicaux de gauche sur l’unité – « Soutenons Jeremy et John ». Malheureusement, cela pourrait surtout devenir l’unité de la fin.

    La tendance « au coup de poignard dans le dos »

    L’expression « église large » [vii] n’est utilisée par la droite travailliste que lorsqu’elle est minoritaire et de plus en plus rejetée par la base.

    Il n’y avait pas d’église aussi large quand la droite était dans l’ascendant. Au contraire, les chasses aux sorcières et les exclusions étaient à l’ordre du jour lorsque le parti était dirigé par le baron -aujourd’hui totalement discrédité- Neil Kinnock, suivi de John Smith, puis du criminel de guerre Tony Blair, qui a entrepris de détruire la clause IV – les aspirations historiques socialistes du mouvement syndical.

    Blair a poursuivi une politique de terre brûlée contre les droits des membres du Parti travailliste et la démocratie interne.

    Cependant, les bourgeois se préparent aussi politiquement à toutes les éventualités, y compris un gouvernement Corbyn et comment « gérer » cela.

    Le Evening Standard – édité par George Osborne, architecte de l’austérité en chef – a félicité Tom Watson pour avoir agi dans « l’intérêt national » en restant dans le mouvement travailliste.

    Watson est considéré comme un frein géant à toute « dérive à gauche » sous un gouvernement travailliste ! Il est douteux qu’il possède le poids politique nécessaire pour remplir cette tâche, mais il n’y a aucun pouvoir au sein du PLP prêt à jouer le rôle d’une cinquième colonne conservatrice.

    Theresa May a courtisé environ 31 députés travaillistes pour appuyer le gouvernement au sujet d’un éventuel accord du Brexit.

    S’ils trahissent ainsi le Labour, il y aura des pressions massives pour qu’ils soient retirés des rangs même du parti travailliste.

    Mais le fait qu’une telle spéculation puisse même apparaître -la trahison des députés travaillistes de droite- est en soi un avertissement pour l’avenir.

    Par conséquent, la décision de la conférence du Labour de ne pas introduire de système de contrôle effectif du PLP pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le parti et la classe ouvrière à l’avenir.

    L’écrasante majorité des députés travaillistes ont déjà démontré qu’ils sont en fait la tendance « à poignarder dans le dos ».

    Ils ont qualifié d’antisémite le Parti travailliste et consciemment donné aux conservateurs et aux médias le bâton pour se faire battre ; et ont même soutenu l’affirmation de la députée blairiste Chuka Umunna selon laquelle le Labour est « institutionnellement raciste ».

    Malheureusement, les forces de gauche rassemblées derrière Corbyn n’ont pas fait preuve d’une réelle détermination. Momentum s’est rendu coupable d’avoir pris ses désirs pour des réalités.

    Les syndicats devraient réexaminer la question de la resélection obligatoire. La gauche devrait diriger l’appel à une conférence d’urgence d’une journée pour envisager son introduction immédiate.

    Programme économique

    Sur le plan programmatique, John McDonnell a fait de son mieux pour rassurer les capitalistes, tout comme Jeremy Corbyn, que les travaillistes ne menaceront pas leurs intérêts vitaux au gouvernement.

    Lors de la conférence du Parti travailliste, McDonnell a exposé les grandes lignes d’un programme qui, selon lui, ferait des travailleurs des  « copropriétaires » de leur entreprise, qui bénéficieraient finalement d’une « propriété partagée » par le versement de dividendes plafonnés à 500 livres par an.

    Les excédents iraient dans les coffres de l’État. Will Hutton de la Fondation Resolution, un fervent partisan du capitalisme « éclairé » et un opposant virulent au socialisme, a salué cette décision comme une étape bienvenue vers son concept d’un capitalisme « réformé ».

    Ce n’est pas une idée nouvelle, mais une idée qui a été testée par les grands et sincères prédécesseurs de Karl Marx, tels que Robert Owen.

    Elle représentait une tentative utopique de « changer la société dans le dos de la société ». Même là où elle a été mise en œuvre avec succès pendant un certain temps – par exemple, avec la reprise d’industries défaillantes – elle se heurte inévitablement aux barrières impénétrables du capitalisme et aux lois du marché et sa soif insatiable de profit.

    Au mieux, elle représente des îlots de socialisme dans un océan de capitalisme. Cependant, si elle ne s’étend pas rapidement pour s’emparer des hautes sphères de l’économie, des quelque 100 monopoles qui contrôlent la grande majorité de l’industrie britannique, elle sera vouée à l’échec.

    A cela s’ajoute la crainte des patrons qu’une fois qu’une ou plusieurs industries seront reprises par l’Etat, l’appétit augmentera en mangeant.

    Ce serait particulièrement le cas dans le contexte d’une situation économique qui se dégrade et dont l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Corbyn offre toutes les perspectives.

    S’il y avait des fermetures massives d’usines et de lieux de travail à la suite d’une nouvelle crise économique ou d’une crise encore plus grave qu’en 2007-08 – qui a mis au moins 20 millions de personnes au chômage dans les pays capitalistes avancés – la patience de la classe ouvrière s’épuiserait, les manifestations de masse et les demandes d’action remonteraient à la surface.

    Les stratèges du capitalisme, cependant, ne peuvent pas être entièrement sûrs qu’ils seront capables de contrôler complètement Corbyn et McDonnell étant donné la crise profonde du capitalisme britannique et mondial.

    Il y a déjà un mécontentement massif, les pauvres en particulier souffrant de réductions budgétaires cruelles et de conditions de vie de plus en plus mauvaises.

    C’est si grave que même d’anciennes stars du football comme le gardien d’Everton Neville Southall – reconnu comme l’un des plus grands – a écrit récemment : « Nous sommes en difficulté…. La NHS, l’emploi, le crédit universel, la pauvreté, l’austérité, Brexit.

    « C’est pourquoi j’ai rejoint Unison – les syndicats doivent jouer un plus grand rôle et pourtant le gouvernement essaie de dissoudre les syndicats, alors nous devons nous battre… J’apprécie Jeremy Corbyn. Il s’en tient à ce en quoi il croit, il ne change pas. C’est sûrement mieux que quelqu’un qui se plie avec le vent. »

    Les indignités quotidiennes menacent de déclencher des émeutes spontanées à tout moment. Les files d’attente dans les banques alimentaires se sont allongées, avec des rapports indiquant que le gouvernement a facilité l’approvisionnement en nourriture de ces points de vente afin de garder le contrôle d’une situation incendiaire.

    L’espérance de vie en Grande-Bretagne a stagné, contrairement à ce qui se passe ailleurs. La police proteste aussi contre les coupes budgétaires, tout comme les chefs d’établissement qui ont manifesté poliment à Downing Street, comme jamais auparavant.

    Les femmes retraitées lèvent les bras après avoir découvert qu’elles ont été escroquées, que l’âge de la retraite a été repoussé alors qu’elles avaient hâte de mettre les pieds en l’air…

    En même temps, le chancelier conservateur Philip Hammond a indiqué que la situation économique désastreuse de la Grande-Bretagne et la situation financière du gouvernement signifient la poursuite des réductions, y compris des augmentations d’impôts, dans le prochain budget.

    C’est pourquoi les perspectives de la Grande-Bretagne au cours de la prochaine période ne peuvent être contenues uniquement au sein du parti travailliste.

    Préoccupations capitalistes

    La perspective d’un gouvernement travailliste s’inscrit dans le contexte des 30 dernières années ou plus de politiques néolibérales : privatisation, augmentations de salaires historiquement faibles frôlant les salaires de misère pour beaucoup, logements de location inadéquats et pratiquement inexistants, d’où l’augmentation du nombre de sans-abri qui frappe désormais les grandes villes britanniques.

    Cela remplit d’effroi les capitalistes. McDonnell a menacé de très légères augmentations de l’impôt sur la fortune qui ne feraient que leur couper les ongles.

    Jim O’Neill, ancien ministre du Trésor, conservateur et inventeur du terme « Brics » – pour décrire la puissance croissante dans le passé des économies « émergentes » du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – s’est présenté pour un gouvernement Corbyn ! Il reflète les préoccupations d’une aile des capitalistes qui voit à quel point le déclin du capitalisme en Grande-Bretagne a été favorisé par la concentration à court terme de la finance parasitaire à travers le « capitalisme actionnaire » au détriment de la reconstruction de la base industrielle, y compris les infrastructures.

    O’Neill a écrit dans le Guardian : « Au cours des quatre dernières décennies, il est devenu beaucoup plus facile d’embaucher et de licencier des travailleurs au Royaume-Uni, au point où l’investissement en capital est maintenant moins intéressant.

    “Dans ces circonstances, il n’est pas du tout surprenant que la productivité soit si faible. Changer l’équilibre pour aider les conditions de travail des employés, y compris leurs gains, devrait faire partie de la solution ».

    Un gouvernement Corbyn, avec un programme d’imposition et de dépenses modéré, pourrait en fait stimuler le marché et donc la « demande », explique-t-il.

    Le Daily Telegraph a récemment déclaré que la crise du capitalisme n’était pas économique ou financière mais le spectre d’un gouvernement Corbyn.

    Pourtant, son programme formel n’est que modérément social-démocrate, n’allant pas au-delà du programme du SDP séparé du Parti travailliste dans les années 1980.

    Cela n’a pas empêché une panique mineure dans les rangs des super-riches. Le Financial Times a rapporté : « Les ultra riches de Londres délocalisent des actifs hors du Royaume-Uni et certains se préparent à partir à mesure que les inquiétudes concernant un gouvernement travailliste de gauche dirigé par Jeremy Corbyn s’intensifient… 

    La plupart des gens [c’est-à-dire les patrons] sont beaucoup plus inquiets pour Corbyn que pour le Brexit…. Les ultra-riches du monde sont incroyablement mobiles, ce qui ne doit pas être sous-estimé. Si Corbyn mettait en place un contrôle des capitaux, il y en aurait beaucoup plus qui s’en iraient”.

    Bien sûr, nous et le mouvement syndical soutiendrons toutes les mesures qui cherchent sérieusement à empiéter sur le pouvoir économique des capitalistes et à le supprimer.

    Le scandale des tarifs élevés, le surpeuplement massif et la rareté des services ferroviaires, ainsi que le pillage scandaleux de leurs budgets, en font une cible de choix pour une nationalisation démocratique.

    Le dépouillement tout aussi scandaleux des actifs financiers des compagnies des eaux signifie que la proposition de les reprendre, ainsi que les services d’énergie à tarification élevée, recevrait un soutien enthousiaste.

    Malgré cela, il s’agit de mesures très modestes qui ne dépassent pas les frontières du capitalisme.

    Briser le mythe blairiste

    La lutte n’est pas seulement ou même principalement dans les salles de commission du Parti travailliste, étant donné la décision de la conférence du parti de mettre en suspens une véritable resélection, le contrôle des membres sur les députés.

    Il est plus susceptible de se développer dans les rues et dans les usines, les écoles, les universités et les collèges – où la lutte se poursuit actuellement – en particulier à cause des coupes continuelles dans les conseils communaux.

    La promesse de May de reporter ou de réduire l’austérité est un non-sens : « D’ici 2021, 37 milliards de livres sterling seront dépensés en moins pour la sécurité sociale pour ceux en âge de travailler qu’en 2010, malgré la hausse des prix et du coût de la vie, selon les estimations de la bibliothèque de la Chambre des communes“. Les crédits d’impôt seront réduits, de même que les allocations pour les enfants, pour l’incapacité et pour le logement.

    Les anciens premiers ministres Gordon Brown et John Major ont mis en garde contre des émeutes de type « poll-tax [viii]» si le crédit universel n’est pas retiré ou amendé – sa mise en œuvre complète a récemment été repoussée.

    Le spécialiste de la gauche travailliste Owen Jones s’est joint au chœur de protestation tout en prônant une résistance de masse sur le modèle de la taxe électorale, en louant même la All-Britain Anti-Poll Tax Federation – créée par Militant[ix], ce qu’il ne reconnaît pas, évidemment.

    La fédération a organisé la défaite de la taxe électorale en convainquant 18 millions de personnes de ne pas payer. Elle a été organisée et dirigée par des militants qui ont consenti à de grands sacrifices : 34 de nos camarades sont allés en prison.

    Jones admet maintenant que la taxe électorale a relégué Thatcher aux oubliettes.

    Les raisons du sabotage de la droite travailliste ont été résumées par un député travailliste anonyme dans le « INews » (24 septembre) : « Après avoir passé ma vie à essayer d’obtenir un gouvernement travailliste au pouvoir, je suis maintenant dans la position incroyable de devoir faire tout ce que je peux pour empêcher Corbyn de devenir Premier ministre. Cela me brise le cœur ».

    Ils souhaitent un gouvernement travailliste, mais pas un gouvernement Corbyn. Pourquoi ? Parce qu’ils soupçonnent à moitié qu’un tel gouvernement, alimenté par une autre crise économique, aura été élu sur un programme radical et avec une pression massive pour le changement, contrairement aux gouvernements Blair et Brown.

    S’ils mettent en œuvre même quelques-unes de ces politiques radicales, cela briserait le mythe blairiste selon lequel le Parti travailliste ne peut réussir sur le plan électoral qu’avec des politiques « centrales » (pro-capitalistes) – comme l’ont fait les succès électoraux du Parti travailliste de Liverpool, quand il était fortement influencé par le Militant dans les années 1980.

    De plus, le bilan « modéré » des gouvernements Brown et Blair, aux côtés de celui des Conservateurs, est quotidiennement réfuté par des rapports, les uns après les autres.

    Aditya Chakrabortty dans The Guardian illustre à quel point Blair a été désastreux en cherchant à réaliser le même programme que Thatcher.

    Il utilise l’analyse du FMI de 31 pays, de la Finlande à la France, qui montre que le Royaume-Uni « est dans le rouge pour plus de 2 000 milliards de livres sterling ».

    Seuls le Portugal, la Gambie et le Kenya sont en moins bonne posture, mais « les raisons pour lesquelles la Grande-Bretagne est dans un tel état sont presque aussi surprenantes : elles reviennent toutes au néolibéralisme », en particulier la privatisation.

    Chakrabortty conclut que les gouvernements britanniques ont « bradé presque tout ce qui se trouvait dans l’armoire, des aéroports au Royal Mail – souvent à des prix très intéressants – aux amis de la ville ».

    De telles privatisations, juge le FMI, « augmentent les recettes et réduisent les déficits », mais réduisent aussi les avoirs du gouvernement, et transfèrent en même temps la richesse à quelques privilégiés.

    « Le néolibéralisme vous a arnaqué et aveuglé. Les preuves s’accumulent – dans vos factures, dans vos services et dans les finances de votre pays ». De telles analyses sont assez courantes, en particulier dans la presse « libérale ». Pourtant, il n’y a toujours pas de conclusions tirées de ces mises en accusation cinglantes du système capitaliste…

    Transformer le Labour

    Il n’y a pas non plus de vaste programme de nationalisation socialiste et de planification économique venant de Jeremy Corbyn.

    En fait, il n’a mentionné le socialisme qu’une seule fois, en passant, dans son discours de conférence du Parti travailliste !

    La perspective d’un gouvernement dirigé par Corbyn a été évoquée à maintes reprises. Mais quel type de gouvernement ? Il y aurait du dégoût si c’était une répétition du désastre de Blair-Brown.

    Les bourgeois et les conservateurs réfléchissent à la manière de gérer la discussion sur la « crise du capitalisme » désormais largement reconnue.

    Il est donc absolument essentiel que le mouvement ouvrier, en particulier la gauche, saisisse l’occasion de soulever l’idée de véritables mesures socialistes démocratiques et de la planification de la société. Cependant, ce n’est manifestement pas le cas !

    Il est nécessaire d’adopter l’ancienne revendication contenue dans la clause IV, partie 4 de la constitution travailliste, supprimée impitoyablement par Blair et Brown dans les années 1990 : la « nationalisation des sommets de l’économie ».

    Aujourd’hui, cela signifierait la prise par l’État d’une centaine de monopoles sur la base du contrôle et de la gestion des travailleurs.

    Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible de satisfaire pleinement aux exigences en matière de programmes de construction de logements, d’écoles, de services sociaux et ainsi de suite.

    Depuis le début de la guerre civile travailliste, la gauche officielle, y compris Momentum et certains dirigeants syndicaux de gauche, a pris beaucoup de retard sur les événements.

    Ils ont refusé de proposer des mesures politiques et organisationnelles audacieuses pour consolider le Parti travailliste en tant que force de gauche et socialiste.

    Les dirigeants de Momentum ont tenu à concilier avec la droite blairiste même si cette dernière s’en est prise à la gauche.

    Il en va de même pour certains dirigeants syndicaux de gauche, même ceux comme Matt Wrack, qui se sont précipités pour affilier le syndicat des pompiers (FBU) qu’il dirige au Parti travailliste.

    Cela signifiait remettre des honoraires considérables à la machine travailliste à une époque où elle restait sous l’emprise des Blairistes et où elle menait à bien les exclusions et les expulsions de ceux qui se trouvaient à gauche.

    Cela aurait été fait, semble-t-il, dans le but d’effectuer un « véritable changement », mais n’a pas été couronné de succès. Il faut toutefois reconnaître à son honneur que le FBU a été pratiquement le seul syndicat à appuyer la resélection obligatoire à la conférence du Parti travailliste.

    Néanmoins, comparez ceci à la position de principe du syndicat Rail Maritime et Transport qui a obstinément résisté aux appels de Matt Wrack et d’autres à remettre ses précieuses ressources financières à la machine toujours non « reconstruite » du Parti travailliste.

    Les maires travaillistes ont refusé de soutenir le syndicat à propos des trains sans accompagnateurs. Le RMT est tout à fait disposé à se joindre au mouvement travailliste s’il y a une perspective réaliste qu’il devienne une arme pour ses membres et les autres travailleurs dans leurs luttes quotidiennes. Mais cela ne s’est pas produit jusqu’à présent.

    Le changement au sein du parti travailliste doit être efficace, non seulement en exerçant un contrôle sur les députés, mais aussi sur la question cruciale des coupes dans les conseils communaux souvent effectuées par les conseillers travaillistes eux-mêmes.

    Le soulèvement contre ces coupes budgétaires se poursuit. Elle touche de plus en plus les partis locaux, avec des critiques sur le rôle honteux des conseillers travaillistes en particulier, qui président à l’austérité du gouvernement. Les budgets des conseils municipaux sont nécessaires pour mobiliser les travailleurs dans l’action.

    C’est pourquoi, tout en soutenant Jeremy Corbyn à toutes les étapes – y compris lors d’une élection générale – un défi électoral aux conseillers travaillistes de droite continuera d’être nécessaire, même contre ceux qui se font passer pour de « gauches » tout en faisant le sale boulot du gouvernement conservateur au niveau local.

    Même d’anciennes figures pro-Blairistes comme l’écrivain Polly Toynbee – aujourd’hui une Corbynista- écrit que seulement 4% des gens soutiennent les coupes budgétaires.

    Si elle dit ça, cela doit être vrai ! Il n’y a pas d’excuse pour traîner les pieds sur cette question. Les conseillers communaux devraient lutter contre l’austérité, comme Liverpool l’a fait dans les années 1980 avec d’autres conseils.

    Dans le cas contraire, les personnes touchées par les coupes – dont certaines sont dévastatrices –s’y opposeront lors des élections, et nous serons à leurs côtés.

    A l’heure actuelle, la Grande-Bretagne semble relativement calme en surface. Cependant, une révolte de masse se prépare à mesure que l’ampleur et le type d’indignités qui ont été accumulées sur les épaules de la classe ouvrière augmentent.

    Cela remontera inévitablement à la surface. Il est nécessaire que cette colère soit dirigée par les bataillons organisés du mouvement ouvrier, qui s’unissent en un mouvement de masse pour renverser les conservateurs et amener au pouvoir un gouvernement travailliste socialiste, dirigé par Corbyn.

     Notes:

    [i] Dans les pays appliquant le système de Westminster ainsi qu’aux États-Unis, le whip est le député ou représentant chargé de veiller à ce que les élus de son parti soient présents et votent en fonction des consignes du parti.

    [ii]Dans les pays appliquant le système de Westminster, le cabinet fantôme (« anglais : shadow cabinet ») comprend les députés d’un parti d’opposition qui, sous la conduite du chef de leur parti, forment un cabinet alternatif à celui du gouvernement. Chaque membre du cabinet fantôme est chargé de surveiller et critiquer l’action d’un ministre du gouvernement.

    [iii] Le Parti unioniste démocrate (en anglais : Democratic Unionist Party, DUP) est un parti politique britannique présent en Irlande du Nord depuis 1971

    [iv] The Socialist Party, section-sœur du PSL en Angleterre et au Pays de Galles

    [v] Le Parti social-démocrate (en anglais : Social Democratic Party, abrégé en SDP) est un parti politique britannique fondé en mars 1981 et qui fusionne en 1988 au sein des Libéraux-démocrates. Pour les élections générales de 1983 et 1987, le SDP forme avec le Parti libéral l’« Alliance SDP-Libérale » puis, lors du congrès de 1987, décide de fusionner avec les libéraux au sein des Libéraux-démocrates.

    [vi] Actuellement, si une élection générale est déclenchée et que le député travailliste sortant souhaite se présenter à nouveau comme candidat, le processus de contestation implique un vote de toutes les sections, forums et organisations affiliées du parti de circonscription, comme les syndicats, qui doivent répondre par “oui” ou “non”. Une majorité simple de candidatures affirmatives de ces organisations signifie que le député évite un concours de sélection ouverte. Ce processus, connu sous le nom de ” scrutin de déclenchement “, est ouvert à la manipulation et confrontationnel, c’est pourquoi il est déconseillé aux députés d’ouvrir un processus de réélection contre leur député. Par contre, la réélection obligatoire signifierait une course ouverte chaque fois qu’une élection générale est déclenchée, les membres ayant le pouvoir de choisir leur candidat par un processus de sélection démocratique

    [vii] En anglais, le terme « Broad Church » est souvent utilisé pour caractériser toute organisation, par exemple politique, qui englobe un large éventail d’opinions.

    [viii] La poll tax (mot anglais signifiant « capitation »), officiellement appelée Community Charge, est un impôt locatif forfaitaire par tête, instauré au Royaume-Uni par le gouvernement de Margaret Thatcher en 1989. Entré en vigueur en 1990, il fut jugé très inégalitaire par les couches les plus modestes de la population car, frappant les foyers et non les personnes et ce sans distinction de revenu ou de capital, il était d’autant plus lourd pour les foyers les plus pauvres. La poll tax fut l’une des causes essentielles de la chute de Margaret Thatcher

    [ix] Militant tendency est un courant politique britannique fondé en 1964 autour du journal Militant par des militants trotskystes. Militant s’est spécialisé dans l’entrisme au sein du Parti travailliste et a atteint le maximum de son influence au début des années 1980. À partir de 1982-1983, la direction du Labour s’est employée à exclure les dirigeants de Militant. La tendance de Peter Taaffe a quitté le Labour et s’est rebaptisée en 1997 Socialist Party.

     

     

  • Royaume Uni. Chez McDonald’s, la grève arrache la plus importante augmentation salariale en dix ans

    Photo : Paul Mattsson

    Les employés de McDonald’s qui travaillent dans des restaurants appartenant à la compagnie au Royaume Uni vont recevoir leur plus importante augmentation salariale en dix ans ce 22 janvier.

    Par un employé de McDonald’s, article initialement publié sur le site du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles

    Les travailleurs syndiqués au sein du Bakers, Food and Allied Workers Union (BFAWU) ont mené des grèves historiques dans les antennes de Crayford et de Cambridge le 4 septembre dernier au sujet de leurs salaires, de leurs conditions de travail et de l’intimidation exercée par la direction. En conséquence de ces actions, ils ont obtenu une importante augmentation de salaire pour eux-mêmes ainsi que pour tous les travailleurs de McDonald’s du Royaume-Uni !

    Le secrétaire général du BFAWU, Ronnie Draper, a salué l’augmentation de salaire et a déclaré : “Ceux qui disent que les grèves ne servent à rien devraient regarder les changements qui se produisent au sein de McDonalds. Ces courageux travailleurs se sont attaqués au deuxième plus grand employeur du monde et ils ont gagné.”

    Le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn a également félicité les travailleurs et le BFAWU pour leur victoire en tweetant : “Félicitations aux travailleurs de McDonald’s et au BFAWU pour avoir gagné des augmentations de salaire, mais la lutte pour un salaire minimum de £10 de l’heure n’est pas terminée”.

    Exploitation

    En effet. L’exploitation dont sont victime les jeunes de 16 à 25 ans continuera, ils ne seront toujours pas payés 10 £ de l’heure contrairement à leurs collègues âgés de plus de 25 ans. En outre, les succursales franchisées, qui représentent 65% des restaurants du Royaume-Uni, continueront à fixer leurs propres taux de rémunération.

    Dans mon restaurant, le propriétaire de la franchise a dit que les travailleurs seront payés conformément à l’annonce de l’entreprise, mais il reste à voir si cela se produira. D’autant plus que, dans le passé, les travailleurs ont parfois été sous-payés pour le travail qu’ils ont fait.

    C’est pour cette raison que le BFAWU continuera à s’organiser dans les restaurants de tout le pays, y compris le mien, pour s’assurer que tous les travailleurs de McDonald’s gagnent 10 livres par heure et disposent d’une représentation syndicale de même qu’un traitement équitable.

  • Réaction d’un pompier face à l’incendie de la tour de Grenfell à Londres

    “Le Royaume Uni n’a pas le monopole de ce genre de sinistre”

    Des dizaines de personnes ont perdu la vie dans le terrible incendie de la tour Grenfell. Les résidents, locataires de logements sociaux pour la plupart, avaient depuis longtemps mis en garde contre les risques d’incendie. La municipalité et l’agence de location ont fait la sourde oreille, seul comptait le profit. Des rénovations avaient bien eu lieu récemment, mais uniquement pour améliorer la façade et rendre la vue plus belle pour les quartiers riches des environs. Un pompier belge réagit.

    “Ma première réaction en voyant les images de l’incendie a été de penser qu’il y a eu une défaillance grave dans la structure du bâtiment. En effet, comme les auto-échelles ne peuvent atteindre les étages supérieurs, les grands bâtiments sont prévus pour être plus résistants au feu. Ça explique aussi pourquoi le premier mot d’ordre des pompiers aux habitants a été de rester calmement chez eux. Ils auraient normalement dû avoir tout le temps d’éteindre l’incendie. Il apparaît maintenant que la cause de la gravité du sinistre provient de rénovation récente de l’immeuble avec des panneaux de revêtements non résistants au feu pour des raisons d’économie (8% moins chers que ceux résistants au feu). De plus, des riverains s’étaient plaints il y a peu de temps au sujet des conditions de sécurité incendie défaillantes. Bref, nous sommes probablement face à une combinaison de mesures d’économies et de délaissements criminels des pouvoirs publics.

    ‘‘Cela fait froid dans le dos de penser que mes collègues et moi pourrions être envoyés dans ce type d’intervention… Pourtant, je ne pense pas que le Royaume-Uni a et aura le monopole de ce genre de sinistre. En 2003 est survenu l’incendie des Mésanges qui tua 7 personnes à Mons. Il s’agissait aussi d’une tour d’habitation à loyers modérés et sa sécurité incendie avait aussi été sérieusement compromise.

    ‘‘Je n’arrive pas à me faire à l’idée que la crise et les mesures néolibérales qui la suivent vont permettre des incendies d’une ampleur inédite depuis des dizaines d’années. Pourtant, nous avançons résolument vers cela et ce sont toujours les mêmes qui vont en être affectés : les travailleurs et leurs familles.’’

    Le capitalisme tue

    • Lors de la rénovation de la tour, des matériaux d’isolation moins chers ont été utilisés, au risque qu’un incendie puisse se développer plus rapidement. Il a également été décidé d’économiser sur l’installation d’extincteurs, ce qui a permis aux propriétaires de sauver 200.000 livres sterlings.
    • La tour Grenfell est une propriété conjointe de la municipalité locale et d’une agence de location. Le District Royal de Kensington et Chelsea réalise annuellement un profit de 15 millions de livres sur les logements.
    • Après la catastrophe, les premiers secours ont été coordonnés par les résidents eux-mêmes. En effet, durant l’entièreté la première journée, la municipalité était absente. La Première ministre Theresa May s’est également tenue à l’écart des victimes.
    • Ces derniers mois, 550 postes ont été supprimés parmi les pompiers de la London Fire Brigade et 10 casernes ont été fermées. L’ancien maire de Londres, le conservateur Boris Johnson, avait réagi avec condescendance aux manifestations opposées à cette politique: “Allez vous faire voir!”, leur avait-il alors rétorqué.
    • Les soins de santé ont souffert d’une politique d’austérité brutale au Royaume-Uni. L’hôpital de Charing Cross, où les survivants de la catastrophe ont été soignés, devrait perdre 13% de son budget actuel.

  • Royaume Uni. Justice pour Grenfell et sécurité pour tous!

    L’article ci-dessous a été publié par nos camarades du Socialist party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles, autour de la question suivante : comment les travailleurs et leur famille peuvent-ils s’organiser et lutter pour la sécurité? 

    Pas de sécurité : pas de loyer !

    Personne ne devrait payer pour vivre dans un bloc de béton sans savoir s’il est sécurisé. Le minimum qu’un conseil municipal puisse faire, c’est de fournir une maison sûre !

    Jusqu’à ce que des contrôles urgents et approfondis de la sécurité-incendie soient effectués et que les résidents soient convaincus que les changements nécessaires aient été apportés, les groupes de locataires à travers le pays devraient envisager d’organiser collectivement le non payement du loyer.

    Voici quelques idées sur la façon dont cela pourrait être organisé:

    • Organisez une réunion de tous les locataires de votre quartier. Frappez à chaque porte : c’est l’occasion de contacter tous vos amis et voisins. C’est l’été, la réunion peut donc se tenir en plain air en essayant ainsi d’inclure un maximum de monde. Alors donnez-vous un peu de temps, mais commencez maintenant!
    • Si vous n’avez pas d’association de locataires, créez-en une. Si vous le faites, impliquez tout le monde. Vous aurez besoin de coordonnées de tous vos contacts.
    • Collez des affiches à la fenêtre pour annoncer votre campagne.
    • Organisez des équipes pour circuler dans les rues du quartier en demandant aux gens de s’inscrire en tant que partisan si des mesures doivent être prises contre les locataires de la tour défendant leur droit à la sécurité
    • Entrez en contact avec le Socialist Party si vous souhaitez discuter de la campagne !

    Reloger les survivants localement – Saisissons les habitations vides !

    Il y a une véritable peur de la dispersion. Chaque locataire de Grenfell Tower, et quiconque devant déménager de maisons à proximité, devrait être réintégré par le conseil municipal. Personne ne devrait être expulsé de son quartier : celui-ci a déjà souffert d’un nettoyage social à cause de la rente des loyers due à cet incendie. Les loyers sécurisés à vie devraient être offerts à tous. Les locataires devraient également bénéficier d’un relogement approprié.

    Une fois que l’opération de restauration sera terminée et que les ruines de Grenfell seront parties, le terrain qu’elle occupe devra rester dans les mains du public et être utilisé au bénéfice de la communauté locale.

    L’arrondissement de Kensington et Chelsea possède 1 390 propriétés vides, dont la majorité est détenue par des particuliers riches et des sociétés d’investissement pour la spéculation. Tout le nécessaire doit être réquisitionné immédiatement. Comme l’a déclaré Jeremy Corbyn lorsqu’il a soutenu cette revendication : «Il n’est pas acceptable que, à Londres, nous ayons des immeubles de luxe et des appartements de luxe laissés vides comme bancs fonciers pour l’avenir alors que les sans-abri et les pauvres cherchent un endroit où vivre. Il est urgent de résoudre ces problèmes. “

    Action immédiate – remplacer les gaines et les extincteurs dans chaque bloc

    Les mesures visant à reloger et soutenir les victimes et les sans-abri ne peuvent attendre les résultats d’une enquête. Les revêtements dangereux devraient être retirés de tous les blocs maintenant. Un programme d’urgence pour les extincteurs dans tous les blocs du pays devrait commencer maintenant. Les conseils communaux devraient commencer immédiatement et demander l’argent du gouvernement.

    La brigade des pompiers de Londres (FBU) a tweeté: “Personne n’est mort dans un incendie au Royaume-Uni dans une propriété dotée d’un système efficace d’extincteurs à eau. Grenfell Tower n’a pas de système de ce genre”. C’est aussi un problème qui doit être abordé dans d’autres types de bâtiments publics. En octobre, la FBU a écrit une lettre conjointe avec le Syndicat national des enseignants à la secrétaire à l’éducation, Justine Greening, demandant au gouvernement de reconsidérer sa décision d’abolir l’attente que tous les nouveaux bâtiments scolaires soient équipés d’extincteurs à eau.

    Une enquête complète – sous contrôle des travailleurs

    Il y a eu beaucoup de discussions entre les résidents locaux de Kensington et les partisans sur le type d’enquête qui devrait avoir lieu. Il est vital à plus long terme que toutes les leçons soient apprises et que les responsables de cette tragédie soient tenus responsables. Jugeons les tueurs!

    Les experts juridiques ont avancé des points de vue différents sur la question de savoir si une enquête ou une enquête publique offre la meilleure et la plus rapide chance de justice. Tous les facteurs devraient être pris en compte et les résidents devraient avoir un droit démocratique de décider en qui ils ont le plus confiance pour enquêter et juger rapidement. La représentation juridique des locataires devrait être financée.

    Le Socialist Party appelle à une enquête sous contrôle des travailleurs. Il s’agirait d’une enquête menée par des groupes indépendants, syndicaux et résidents, en s’appuyant sur des experts, qui pourraient mettre en évidence les répercussions des réductions de dépenses et formuler des recommandations qui ne compromettent pas la sécurité à cause de l’austérité.

    Par exemple, Unite the Union (NDT : le plus gros syndicat anglais) pourrait fournir des représentants des travailleurs du logement et des travailleurs du bâtiment. S’il n’y a pas d’action immédiate, Jeremy Corbyn devrait intervenir pour établir une telle enquête.

    Dégageons les propriétaires avides d’argent! Débloquons maintenant des budgets, arrêtons avec l’austérité et la privatisation !

    Dans la quartier, il y a de la colère contre la réponse du conseil communal de Kensington, à tel point qu’une nouvelle équipe d’intervention a été créée pour coordonner le relogement et le secours.

    L’appel a poussé les dirigeants du conseil à démissionner. Un conseil qui représente la classe ouvrière et les jeunes de n’importe quelle région défendrait les droits des résidents, assurant un réapprovisionnement immédiat, une distribution d’aide d’urgence et l’obtention des réponses dont ils ont besoin. Nous exigeons pour que les conseillers locaux, supposés défendre nos intérêts, ne se cachent pas pour échapper à des questions !

    Ce conseil municipal, insensible et froid, défendant les riches, a des réserves de £300 millions, utilisons-le maintenant pour résoudre cette crise!

    Le conseil communal conservateur de Kensington a poursuivi les coupes. Cela doit s’arrêter. Et nous exigeons que tous les conseillés du Labour Party cessent d’appliquer les coupes et la privatisation organisées par les conservateurs, s’ils veulent éviter d’une part la perte totale de confiance à Kensington et de l’autre de nouvelles pertes humaines !

    Si les conseillers ne sont pas prêts à investir dans nos foyers et nos services, s’ils ne sont pas prêts à s’opposer aux réductions du gouvernement, ils devraient se retirer pour ceux qui le feront.

    Sans-abris et surpopulation

    Par David Acer, travailleur dans le service du logement et membre du Socialist Party

    Selon les estimations, entre 400 et 600 personnes vivaient à Grenfell Tower, qui disposait de 80 appartements de deux chambres et de 40 appartements d’une chambre. Il s’agit de 200 chambres au total.

    Il y a une crise du logement intense à Londres. Les salaires n’ont pas suivi la croissance des loyers. Le parc immobilier a été réduit. The Benefit Cap (NDT : une mersure antisociale limitant la quantité de droits sociaux) a rendu le logement à Londres totalement inabordable à 30 000 ménages.

    Pour les sans-abris, le choix est particulièrement marqué. Il y a près de 2 000 ménages dans l’arrondissement de Kensington et Chelsea que le conseil a accepté comme sans-abris. Les conseils de Londres ont dispersé les ménages sans domicile vers des logements temporaires à de grandes distances de Londres. Un projet basé à la mairie de Kensington relocalise les familles vers les Midlands de l’Ouest sur une base permanente.

    Compte tenu d’une situation aussi impossible, de nombreux ménages sans-abri vont rester avec leur famille et leurs amis afin de maintenir l’emploi, l’éducation et le lien via les réseaux sociaux. Mais une conséquence est que les blocs comme Grenfell Tower peuvent devenir fortement surpeuplés.

    Une enquête approfondie est nécessaire

    Nous demandons une véritable enquête démocratique sur le feu de la tour Grenfell. Cela devrait inclure les problèmes de gestion du logement. Cependant, cela ne va pas assez loin. Il devrait également y avoir une enquête sur l’itinérance à travers Londres. Les ménages sans-abri ne devraient pas être chassés de leur communauté locale de quartier !

    Jeremy Corbyn a insisté pour exiger que les logements privés vides dans le quartier soient réquisitionnés pour loger les familles de la Tour. Il s’agit d’une réponse immédiate, mais des problèmes plus vastes doivent également être abordés.

    Lorsque Thatcher a promu le «droit d’acheter», les propriétés ont été privatisées une à la fois. Le New Labour a favorisé le transfert volontaire à grande échelle (LSVT), dans le cadre duquel des biens entiers et l’ensemble du parc immobilier dans les zones de conseil individuelles ont été transférés à des propriétaires immobilier dans le but de privatiser 200 000 propriétés chaque année.

    Les groupes de locataires à travers Londres devraient se réunir pour exiger un programme immédiat pour répondre aux besoins du logement. Une première étape devrait empêcher l’assemblée du Grand Londres et les conseils de vendre des terrains publics à des promoteurs privés. De nouveaux logements sociaux sécurisés devraient être construits avec des loyers véritablement abordables et un contrôle démocratique de la gestion du logement.

  • Luttes et grèves pour l’égalité : Les femmes et la Première Guerre mondiale

    La Première Guerre mondiale a eu pour conséquence l’horrible massacre de millions de travailleurs qui avaient été encouragés à partir se battre et enrôlés pour être envoyés dans le cauchemar sanglant de la guerre de tranchées. Les femmes ont elles aussi été convaincues d’apporter leur contribution à cette « guerre pour en finir avec toutes les guerres », en remplaçant dans les usines les hommes qui avaient été envoyés au front.
    Mais en cette année de centenaire depuis le début de la guerre, très peu d’attention sera sans doute accordée aux luttes militantes des femmes travailleuses qui se sont déroulées au cours de ces quatre années de violents conflits – car la guerre n’a pas fait disparaitre la réalité quotidienne de la division de la société en classes sociales.

    Article de Jane James et Jim Horton, Socialist party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    Les historiens disent souvent que la Première Guerre mondiale a transformé la vie des femmes et l’attitude que l’on pouvait avoir envers elles. Selon eux, les femmes auraient ainsi “obtenu leur récompense” pour les sacrifices auxquels elles auraient consentis en temps de guerre, “recevant” ainsi par exemple le droit de vote peu après la fin du conflit. Mais la réalité est en fait bien différente. En vérité, les travailleuses, abandonnées par les dirigeants nationaux des syndicats et du mouvement “suffragiste” (c.-à-d. pour le droit de vote des femmes), se sont vues contraintes de mener leurs propres luttes pour l’égalité salariale et pour leurs droits.

    Il est vrai que, pendant la guerre, des centaines de milliers de femmes se sont retrouvées engagées à des postes qui auparavant n’avaient été occupés que par des hommes. Mais si les vieilles conceptions par rapport à la répartition du travail selon le genre étaient – temporairement – quelque peu remises en question, le salaire restait inégal.

    Le droit de vote qui a été accordé aux femmes après la guerre au Royaume-Uni n’a pas non plus été accordé de manière équitable. Si tous les hommes âgés de plus de 21 ans avaient le droit de voter, pour les femmes, ce droit était limité à celles qui étaient en ménage et âgées de plus de 30 ans – ce qui excluait de nombreuses travailleuses.

    De nombreuses représentations des femmes pendant la guerre au Royaume-Uni ont tendance à se concentrer sur l’Armée agricole féminine (qui comptait 20 000 volontaires en 1918, dont la tâche était de cultiver la terre pour nourrir la nation pendant la guerre) et sur les membres du Détachement d’assistance volontaire (infirmières des champs de bataille), comme on le voit dans la dernière série réalisée par la BBC1, Les Champs écarlates.

    Mais pour la première fois également, on voyait des femmes travailler dans les chemins de fer, dans les trams et bus, à la poste, à la banque, dans les magasins et dans l’administration. Des femmes étaient devenues nettoyeuses de vitres, ramoneuses, livreuses de charbon, balayeuses de rue, électriciennes, pompiers… L’afflux de femmes dans les usines d’armement a également titillé l’imagination des commentateurs. Les peintures par Anna Airy et Flora Lion, représentant des ouvrières d’usine, attestent bien des profondes transformations culturelles qui se sont produites à l’époque.
    Ce sentiment de dislocation sociale est également très bien rendu par un poème de Nina MacDonald composé en 1918, Sing a Song of Wartime (“Chantons une chanson de guerre”), qui se termine avec ces vers :
    Ev’ry body’s doing
    Something for the War,
    Girls are doing things
    They’ve never done before,
    Go as ‘bus conductors,
    Drive a car or van,
    All the world is topsy-turvy
    Since the War began.

    (Tout le monde fait quelqu’chose
    Pour l’effort de guerre
    Les filles aujourd’hui osent
    Beaucoup plus qu’hier
    Elles conduisent des autos
    Des bus, des camions
    Vraiment quel beau méli-mélo
    Depuis qu’sonne le clairon)

    Il ne faudrait cependant pas penser que les femmes étaient absentes du monde du travail avant la guerre : en effet, avant la guerre, environ quatre millions de femmes (soit un quart de la population féminine) avaient un travail en-dehors du foyer au Royaume-Uni.

    En fait, le début de la guerre a au départ causé une très forte baisse du taux d’emploi des femmes, vu que les industries qui employaient traditionnellement des femmes, comme les ateliers de haute-couture, ont été fortement touchées et beaucoup ont fermé, vu que les femmes riches s’abstenaient d’acheter des produits de luxe pendant la guerre. L’industrie du coton a elle aussi périclité, vu que la mer du Nord n’étaient plus praticable pour les flottes commerciales en raison des nombreux combats. Du coup, en septembre 1914, la moitié des femmes étaient sans emploi.
    Mais la guerre a finalement permis à un million et demi de femmes de rejoindre le monde du travail pour la première fois de leur vie. Cette participation a été grandement facilitée par l’organisation de crèches à grande échelle – une mesure progressiste qui a été abandonnée dès la fin du conflit, lorsque les politiciens ont décidé de forcer les femmes à retourner à leurs occupations traditionnelles d’avant la guerre. L’implication des femmes dans la main d’œuvre ne s’est pas faite sans les protestations et la résistance de nombreux membres des syndicats ; beaucoup de métiers d’hommes sont restés fermés pour les femmes même pendant la guerre.

    Mais les divisions au sein de la société ne se limitent pas au genre. Les types d’emploi occupés par les femmes étaient également grandement influencés par leur classe sociale. L’Armée agricole féminine était surtout composée de femmes issues d’un milieu bourgeois ou petit-bourgeois. Les femmes issues des classes laborieuses se voyaient refuser l’entrée sur base qu’elles n’avaient pas la “haute fibre morale” soi-disant nécessaire à la vie rurale. De même, le Détachement d’assistance volontaire était surtout composé de femmes des classes supérieures. Si beaucoup de ces femmes ont réellement sacrifié leur vie pour servir en tant qu’infirmières sur les lignes de front, une grande partie d’entre elles se contentait d’effectuer quelques prestations journalières tous les matins dans la clinique de leur quartier, pendant que leur nounou faisait le ménage à la maison.

    Contrairement à ces femmes, c’est par nécessité que celles issues de la classe des travailleurs ont été forcées d’adopter un nouvel emploi. Mais pour beaucoup d’entre elles, la guerre a modifié la nature de leur travail, leur offrant la possibilité d’échapper à des emplois mal payés et où elles étaient surexploitées, comme par exemple le service domestique ou certains ateliers.

    Les conditions à l’usine

    Au Royaume-Uni, onestime que 800 000 femmes ont été engagées dans l’industrie de l’armement, surtout dans la confection des munitions. Trois quarts d’entre elles travaillaient sous la supervision directe du ministère de l’Armement, qui organisait le contrôle étatique et la planification nationale de l’industrie des munitions après que le secteur privé ait prouvé son incapacité à assumer ce rôle dès le début de la guerre.

    Les conditions de travail dans cet usines étaient très difficiles. Les journées étaient très longues, et vu que les conditions de santé et de sécurité n’étaient souvent pas respectées, le travail était très dangereux. Cela nuisait fortement à la santé de ces femmes, qui étaient notamment fréquemment empoisonnées par le TNT (composé explosif), ce qui se traduisait par un jaunissement de la peau – on appelait les femmes atteintes des “canaris”. La jaunisse toxique était une maladie très grave. En outre, des milliers de femmes et d’hommes respiraient et avalaient de la poussière toxique sans faire exprès. Ces personnes souffraient ensuite de troubles d’estomac, de vertiges, de faiblesses, et de gonflements des pieds et des mains. Les premiers décès de travailleuses dus à cette maladie insidieuse ont été rapportés en 1916, sans que cela ne provoque la moindre véritable réaction. De nombreux accidents se produisaient également dus à la manipulation de composés explosifs. Des centaines de travailleurs ont perdu leur vie dans des explosions à l’usine, tandis que des milliers de gens ont perdu leur foyer.

    Les références aux femmes travailleuses lors des commémorations de cette année ignorent généralement leur connexion au mouvement syndical. Pourtant, la concentration de femmes travailleurs dans l’industrie de l’armement a encouragé une croissance rapide de leur taux de syndicalisation. La participation des femmes aux syndicats s’est accrue de 160 % au cours de la guerre, surtout auprès de la Fédération nationale des femmes travailleuses et l’Union ouvrière. En 1918, cette dernière employait 20 permanentes femmes et comptait 80 000 membres femmes, soit un quart du nombre total d’adhérents.

    De plus en plus de femmes ont rejoint les syndicats, mais à une époque où l’appareil syndical officiel était devenu dans les faits un organe incorporé à l’État. Les meilleurs militants, surtout socialistes et marxistes, ont rejeté la “paix sociale” qui avait été déclaré par les dirigeants syndicaux, et ont créé de nouvelles structures à la base, qui ont culminé avec la création du Mouvement national des délégués en 1917. Ce processus avait démarré dans le Clydeside (la région industrielle autour de la ville de Glasgow en Écosse, le long du fleuve Clyde), où une grève victorieuse pour de meilleurs salaires en février 1915 avait été organisée par le Comité de prélèvement des travailleurs de Clyde, le prédécesseur du célèbre Comité des travailleurs de Clyde (CWC).

    Le “Clydeside rouge”

    Neuf mois plus tard, les travailleurs des chantiers navals de la Clyde ont été menacés de voir leurs arriérés de loyers se faire supprimer automatiquement de leurs salaires – 15 000 d’entre eux sont partis en grève, en soutien au mouvement de grève du loyer lancé par des femmes organisée dans un mouvement de locataires contre les loyers ; cela a à nouveau contribué à renforcer le CWC.

    William Gallacher, un des principaux dirigeants du CWC, disait ceci du rôle des femmes travailleuses qui dirigeaient la campagne : « Mme Barbour, exemple typique de ménagère d’un foyer ouvrier, est devenue la dirigeante d’un mouvement tel que nous n’en avions jamais vu auparavant … Des assemblées de rue, des meetings dans les cours des habitations, des tambours, des cloches, des trompettes – tout a été mis en place pour faire sortir les femmes de leurs foyers et pour les organiser dans la lutte. Des affiches étaient imprimées par milliers, et accrochées aux fenêtres : on les voyait partout, partout. Rue après rue, pas une fenêtre sans cette affiche : “Nous ne paierons pas les hausses de loyer” ». Des équipes de femmes se sont mobilisées contre les policiers et huissiers qui tentaient d’expulser les résidents. Ce mouvement, qui combinait action de quartier et action industrielle, rassemblant femmes et hommes de la classe des travailleurs, a forcé le gouvernement à très rapidement adopter des lois visant à empêcher les propriétaires d’augmenter leurs loyers.

    Le principal problème auquel était confronté le CWC était la dilution, c’est-à-dire le remplacement d’une main d’œuvre qualifiée par une force de travail non-qualifiée, y compris par des femmes travailleuses. Dans le contexte de la guerre, cette dilution était difficile à empêcher. Le CWC était d’accord de ne pas s’opposer à la dilution, à la condition que toutes les industries et ressources nationales soient nationalisées sous le contrôle des travailleurs, et que tous les travailleurs, qualifiés ou non, y compris les femmes travailleuses, reçoivent un salaire fixe et égal pour le travail presté. De plus en plus de comités de délégués étaient mis en place à travers le pays, surtout à Sheffield (ville de 500 000 habitants du nord de l’Angleterre), où ce comité incluait les travailleurs qualifiés, semi-qualifiés, non qualifiés, hommes et femmes.

    J.T. Murphy, un des dirigeants du Comité des travailleurs de Sheffield, expliquait que le fait que les femmes étaient utilisées en tant que main d’œuvre bon marché créait un antagonisme entre les hommes et les femmes. Murphy et le comité des délégués de Sheffield ont décidé de contrer ce problème en donnant un soutien actif aux luttes des travailleurs non qualifiés, hommes et femmes, pour de meilleurs salaires, et en encourageant les femmes à entrer dans les syndicats.

    Le comité des travailleurs, pourtant dominé par des hommes, condamnait le sexisme et cherchait à obtenir une coopération étroite avec les syndicats qui représentaient les femmes travailleuses, en particulier l’Union ouvrière.

    Les suffragette

    Pendant la guerre, les divisions de classe entre femmes se sont étendues au mouvement pour le droit de vote ; de nombreuses dirigeantes (petites-)bourgeoises de ce mouvement ont en effet complètement abandonné cette lutte pendant les années de conflit.

    Par exemple, Christabel Pankhurst, une des principales fondatrices du mouvement suffragiste, soutenait totalement la guerre. Elle participait au mouvement “patriotique” dont l’objectif était de faire pression sur les hommes pour les convaincre de s’engager dans l’armée. Ce mouvement critiquait aussi vertement les soldats en congé, voire même blessés, et se moquait aussi des hommes jugés inaptes au service militaire. De nombreux travailleurs techniques qui étaient exempts de service militaire du fait de leur qualification ou occupation, se voyaient forcés de porter un badge “Au service de l’effort de guerre” afin d’échapper aux réprimandes de ces furies porteuse de la plume blanche.

    Christabel Pankhurst et sa fille Emmeline appelaient à la conscription militaire des hommes et à la conscription industrielle des femmes. Elles mettaient les fonds de leur organisation à la disposition du gouvernement. Elles organisaient des manifestations pro-gouvernement afin d’appeler les femmes à entrer aux usines. La nature réactionnaire de leur politique “patriotique” est devenue claire aussi lorsqu’elles se sont mises à demander l’interdiction des syndicats. Christabel demandait aussi que les travailleurs non qualifié ou semi-qualifés soient incorporés sans aucune mesure de protection spéciale.

    Contrairement à sa mère et à sa sœur, Sylvia Pankhurst défendait l’égalité salariale et de meilleures conditions de travail pour les femmes. Sa Fédération des suffragettes de Londres-Est a continué la lutte pour le droit de vote des femmes tout au long de la guerre, tout en menant campagne pour la paix, pour les droits démocratiques, et pour le contrôle des loyers et des prix des denrées alimentaires afin de contrer l’avidité sans bornes des capitalistes. Elles demandaient également la nationalisation de la chaine alimentaire et l’abolition du profit privé.

    À la fin de la guerre, diverses organisations féminines ont demandé l’égalité de salaire, des lois salariales dans les métiers à bas salaires, la semaine des 48 heures (6 journées de 8 h), l’abolition des amendes au travail, des allocations de maternité, et le droit de vote. Elles demandaient aussi que les syndicats soient plus ouverts aux femmes travailleuses, et de s’assurer que les femmes soient représentées dans les organes dirigeants des syndicats.
    Mais la classe dirigeante voulait seulement un “retour à la normale”. Mais vu le taux d’action industrielle de masse, qui dépassait largement les plus grands mouvements de la période d’avant-guerre, et l’ambiance quasi insurrectionnelle qui régnait, le gouvernement a été forcé de mettre en place toute une série de lois pour le contrôle des loyers, les logements sociaux, les droits de maternité et la protection de l’enfance. Cependant, beaucoup de ces mesures progressistes ont été annulées après la défaite des luttes des travailleurs.

    L’attitude des syndicats envers les droits des femmes n’a pas toujours été progressiste. En 1918, une conférence syndicale a adopté une motion appelant à bannir les femmes des professions jugées “inappropriées”, et à interdire aux femmes mariées l’accès au travail. De telles positions étaient encouragées par les politiciens, pour qui l’expérience des femmes dans l’industrie était due à la situation exceptionnelle de la guerre et ne devait pas se prolonger.

    La lutte pour l’égalité

    L’adoption de telles motions par les syndicats s’explique en partie par les conditions du capitalisme d’après-guerre, lorsque des millions de soldats démobilisés, rentrant au pays, ont redécouvert les terribles réalités de la “terre des héros” ; mais cela reflète également les limites de la direction officielle des syndicats, qui n’avaient pas le courage de s’en prendre ouvertement au capitalisme.

    Il ne restait donc plus aux femmes ouvrières qu’à s’organiser et lutter elles-mêmes pour de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. À Londres et dans le Sud-Est, les femmes employées des trams et du métro ont organisé une première grève victorieuse pour l’égalité salariale ; elles ont également forcé le gouvernement à mettre en place une commission d’enquête spéciale afin de voir si le principe de l’égalité salariale entre hommes et femmes pourrait ou non s’appliquer à tous les métiers. Bien évidemment, sa conclusion a été que les principes de détermination salariale alors en vigueur dans le pays ne devraient pas être modifiés. Plus de cinquante ans se sont écoulés avant que l’égalité salariale ne soit enfin adoptée en tant que principe statutaire – et seulement après la grève victorieuse des femmes machinistes à Fords.

    Au beau milieu du carnage de la Première Guerre mondiale, des idées progressistes et radicales avaient émergé autour des droits des femmes, qui reflétaient l’expérience acquise pendant la guerre, avec l’incorporation des femmes au mouvement syndical et le regain de combativité des travailleurs avant et pendant la guerre. Les meilleurs militants prolétaires, hommes et femmes, sont devenus les dirigeants de batailles industrielles massives contre l’austérité d’après-guerre et contre les attaques sur les conditions des travailleurs. Inspirés par la révolution russe de 1917, ces militants ont mis sur pied le Parti communiste, qui à l’époque représentait potentiellement le meilleur outil afin de faire progresser les droits des femmes travailleuses. Cent ans plus tard, nous sommes à nouveau confrontés à la tâche de créer des organisations prolétaires indépendantes afin de contrer les inégalités inhérentes au capitalisme.


    Notes

    (Pendant la Première Guerre mondiale, plus de 800 000 femmes ont été recrutées au Royaume-Uni dans les fabriques de munitions, ce qui a énormément contribué à leur taux de syndicalisation et de combativité)

    (Clydeside, 1915 – grève massive contre les hausses de loyers, organisée par les femmes)

    En mars 1917 (février dans l’ancien calendrier russe), la manifestation organisée à Petrograd en Russie (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) à l’occasion de la Journée internationale de la femme contre les conditions sociales intolérables causées par la guerre a été le déclencheur de la révolution russe.

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