Tag: Question nationale

  • Leuven Vlaams : Une révolte étudiante anti-autoritaire parachève l’émancipation flamande

    Kroon, Ron / Anefo – Collection Anefo. Archives nationales, Den Haag, n°2.24.01.05, 921-0003. (Prise à partir de Wikipedia)

    A l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, nous trouvons intéressant de revenir sur la lutte étudiante de masse pour la scission linguistique de l’Université de Louvain. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, la N-VA veut reprendre à son compte le ‘‘Leuven Vlaams’’. Si l’on considère l’affaire de Louvain uniquement comme la dernière mobilisation de masse pour l’émancipation flamande – sans faire de lien avec la vague de protestation mondiale de la jeunesse autour de ‘‘Mai 68’’ – on ne peut pas comprendre pourquoi cette prétention de la N-VA est si étrangère aux leaders étudiants de l’époque.

    Par Anja Deschoemacker

    A l’image de nombreux soixante-huitards, le journaliste progressiste Paul Goossens comporte une bonne dose de cynisme en lui, alimentée par la déception qui a suivi ce combat. Mais le leader du Studentenvakbond (scission de gauche du syndicat estudiantin catholique KVHV) reste l’un des derniers témoins qui a participé aux événements du Leuven Vlaams en première ligne. Et il a la justesse d’affirmer que la N-VA falsifie l’histoire du mouvement.

    Bart De Wever a déjà exprimé à plusieurs reprises son aversion pour le mouvement de mai 68. Il veut en liquider l’héritage qui se réduit, à ses yeux, à un ‘‘nihilisme identitaire’’ où ‘‘toute autorité et tradition’’ a été effacée ‘‘pour faire place à l’individu’’. (HLN, 24/02/2018).

    Il se garde bien de préciser que cet élément important de l’émancipation flamande, la fermeture de la section francophone élitiste francophone de l’université de Louvain, a précisément été obtenue par une lutte dirigée par de jeunes anticapitalistes tels que Ludo Martens, également connu comme le fondateur de ce qui est aujourd’hui le PTB, et Paul Goossens. Eux seuls – avec leurs idées anti-autoritaires caractéristiques de la génération de mai 68 – ont pu mobiliser le nombre nécessaire à la réalisation de cette revendication flamande.

    Ils l’ont fait en développant leur lutte en toute indépendance du mouvement flamand de l’époque et même à l’encontre de sa direction. Lorsque la lutte est entrée dans sa phase de masse en 1966, le slogan ‘‘Walen buiten’’ (les Wallons dehors) a disparu à l’arrière-plan pour être remplacé par ‘‘Leuven Vlaams’’ et ‘‘Bourgeois buiten’’ (les bourgeois dehors) ou même ‘‘Revolutie’’. Un personnage tel que Bart De Wever n’a rien à voir avec cette tradition, il est l’héritier de l’aile droite conservatrice de l’ancienne Volksunie, qui soutenait la revendication de la flamandisation de l’Université de Louvain, mais qui s’est révélée incapable de construire le mouvement pour y parvenir.

    Cette lutte réunissait tous les éléments nécessaires à un ‘‘mai 68’’ flamand :

    • La démocratisation de l’enseignement, pour des universités populaires, accessibles à tous. Ils n’ont d’ailleurs pas seulement revendiqué de disposer d’une université où les travailleurs flamands pourraient envoyer leurs enfants, mais aussi la création d’une université en Wallonie dont l’accès ne serait pas limité à la couche privilégiée des étudiants francophones de Louvain. Ils voulaient que ces universités fonctionnent démocratiquement, sans direction bureaucratique et élitiste. C’est tout l’inverse de la vision élitiste de l’enseignement de De Wever.
    • Le rejet de la morale dominante et du rôle réactionnaire de l’Église catholique. Le mouvement ne s’est vraiment développé qu’après le 13 mai 1966, quand les évêques ont signifié qu’ils ne voulaient pas entendre parler de scission de l’université. Les évêques voulaient protéger le CVP-PSC et mettre fin aux divisions croissantes au sein du parti. La résistance massive et soutenue des étudiants de Louvain a fait voler ce scénario en éclats : le gouvernement est tombé et les chrétiens-démocrates belges se sont scindés en deux ailes, flamande et francophone, en 1969.
    • La recherche d’un lien avec le mouvement ouvrier et une orientation politique qui, en dépit d’une très grande diversité, était clairement de gauche. Ce lien avec la classe ouvrière ne sera pas établi en Belgique en 68, contrairement à la France. La gauche politique, surtout le PS, ne s’intéressait pas à la révolte des étudiants, la direction syndicale était liée à ses partis. Les étudiants ont exprimé leur soutien à la résistance des travailleurs, mais n’ont pas réussi à susciter l’enthousiasme. Leurs revendications et slogans étaient peut-être anticapitalistes, mais ils n’avaient aucune approche transitoire, aucune idée de la manière dont ces idées pouvaient être réalisées. A Louvain, comme en France, la lutte a pris fin parce qu’aucune force politique de gauche n’était capable ou disposée à lui donner une direction politique.

    La direction du mouvement flamand de l’époque (la Volksunie, le parti dont la N-VA est issue) était horrifiée par cette résistance radicale à ‘‘toute autorité et tradition’’. Tout comme De Wever. Les nationalistes flamands revendiquent le Leuven Vlaams puisque de nombreux dirigeants d’origine ont disparu de la scène politique et/ou médiatique. Ici comme sur d’autres thèmes, De Wever l’historien veut contrôler l’histoire. A l’occasion du 50e anniversaire de mai 68, mettons également Leuven Vlaams sous les feux de la rampe et rendons justice au mouvement en contrant la falsification historique de De Wever.

  • Le combat socialiste pour la libération des Palestiniens et l’unité des travailleurs

    Ce 14 mai, alors que les Etats-Unis inauguraient leur ambassade à Jérusalem, au moins 52 Palestiniens ont été tués par des soldats israéliens. En un mois et demi, le nombre de personnes ainsi tuées s’élève à 100. L’article ci-dessous a été écrit avant ces événements dans la perspective des 70 ans de la « Nakba » (la « catastrophe » en arabe). Il a été publié le 11 mai sur le site du Comité pour une Internationale Ouvrière www.socialistworld.net

    70 ans après la fondation d’Israël

    Photo : Socialist Party (Angleterre et Pays de Galles)

    Cette année marque le 70e anniversaire de la fondation de l’État d’Israël, en 1948. Pour les réfugiés palestiniens, l’événement est connu sous le nom de “Nakba”, le mot arabe désignant ‘‘catastrophe’’, lorsque plus de 750.000 personnes ont été forcées de quitter leurs villes et villages pour s’appauvrir et devenir des sans-abris.

    En outre, 300.000 Palestiniens ont été chassés de chez eux pendant la Guerre des six jours en 1967. Depuis lors, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vivent sous une occupation israélienne de plus en plus insupportable et brutale.

    Dans la perspective d’une grande marche de protestation prévue pour la journée de la Nakba de cette année, le 14 mai, la colère et la frustration se sont exprimées dans des manifestations hebdomadaires – initialement de plus de 30.000 personnes – près du mur de Gaza, réclamant le droit au retour des réfugiés. Craignant cette escalade, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a autorisé les soldats à tirer pour tuer, avec le résultat horrible que plus de 45 manifestants ont été tués jusqu’à présent (le 11 mai, NDT) et que des milliers de personnes ont été blessées.

    Le déplacement de l’ambassade d’Israël de Tel Aviv à Jérusalem, ce 14 mai, ajoute de l’huile sur le feu de la colère de masse. C’est un signal fort du président américain Trump en soutien à Israël pour sa domination de cette ville de même qu’une énorme rebuffade à la revendication des Palestiniens de disposer de leur propre Etat, avec également Jérusalem pour capitale.

    M. Trump a également réduit la participation américaine au financement de l’agence des Nations Unies qui vient en aide aux réfugiés palestiniens, aggravant encore davantage les conditions déjà désastreuses qui prévalent dans les territoires occupés. La bande de Gaza, densément peuplée, souffre de pénuries d’électricité, d’eau courante et de produits de base et 50% de sa main-d’œuvre est au chômage.

    Les résidents palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza sont confrontés à des confiscations de terres, à des démolitions de maisons et à des incursions régulières de soldats israéliens au cours desquelles il est tout à fait normal que des Palestiniens soient tués ou blessés.

    En outre, les colons juifs de droite harcèlent ou attaquent les Palestiniens et ces “crimes de haine” connaissent une augmentation à l’heure actuelle selon l’agence de renseignement israélienne Shin Bet. La détention dans des conditions dramatiques est également un outil courant de l’occupation – une majorité des adultes masculins des territoires occupés ont été détenus à un moment donné de leur vie. Plus de 6.000 Palestiniens, y compris des enfants, sont actuellement détenus.

    C’est notamment le cas d’Ahed Tamimi, 17 ans, dont l’histoire s’est répandue dans les médias internationaux après son emprisonnement pour avoir giflé et frappé un soldat israélien qui ne voulait pas quitter la cour de la maison familiale. L’incident a eu lieu juste après qu’Ahed ait appris que son cousin avait été tué par une balle de l’armée israélienne.

    L’action de masse

    Face aux actions meurtrières du gouvernement Netanyahu, il est clair que la lutte des Palestiniens doit être très bien organisée et démocratiquement dirigée, évaluée et préparée pour obtenir le maximum d’impact et de succès potentiels. Les actions de masse contre l’occupation peuvent être très efficaces, comme l’a illustrée la première intifada (soulèvement) qui a éclaté en 1987.

    L’été dernier, alors que les autorités israéliennes installaient de nouveaux checkpoints autour du complexe de la mosquée Al Aqsa de Jérusalem, des protestations massives de Palestiniens dans l’est de cette ville ont forcé le gouvernement à opérer un revirement de position.

    Dans un premier temps, les manifestations près de la frontière de Gaza au cours de ces dernières semaines avaient également pris la forme de mobilisations de masse, en dépit de conditions particulièrement répressives. Développer ce type de lutte est la voie à suivre, et non pas celle des actes de désespoir comme un retour aux attaques terroristes individuelles ou collectives contre les civils israéliens qui ont marqué la deuxième intifada.

    Ces méthodes sont contre-productives. Elles aident les politiciens de droite en Israël. Alors que les socialistes soutiennent pleinement le droit des Palestiniens à s’armer et à se défendre, nous demandons en même temps qu’un appel soit lancé aux Israéliens ordinaires pour leur expliquer qu’ils ne sont pas ciblés et que l’objectif de la résistance est la suppression de l’occupation brutale et des blocus.

    La division de classe en Israël

    Des deux côté de la division nationale, la classe ouvrière et la classe moyenne n’ont rien à gagner du conflit ou des conditions de vie pauvres et précaires qu’offrent les partis politiques pro-capitalistes.

    En Israël, la population palestinienne minoritaire souffre d’un taux élevé de pauvreté, mais c’est aussi le cas d’environ 20% des enfants juifs, qui vivent dans la pauvreté. Une grande partie des juifs israéliens connaissent des salaires de famine, un travail précaire, des logements trop chers et, dans l’ensemble, une lutte quotidienne pour joindre les deux bouts. En Israël, le coût de la vie est parmi les plus élevés des 35 économies avancées et en développement de l’OCDE. Pourtant, le revenu disponible après l’intervention du gouvernement est l’avant-dernier de l’OCDE. Seul le Mexique fait encore pire.

    La société israélienne est une société de classe comme les autres à travers le monde. Elle comprend l’un des pires écarts entre riches et pauvres. Un petit nombre de magnats contrôle l’économie. Les travailleurs israéliens sont régulièrement contraints à entrer en lutte. En décembre dernier, par exemple, les travailleurs de Teva pharmaceuticals ont occupé une usine à Jérusalem et ont manifesté contre la menace de 1.750 pertes d’emplois. Ils ont été soutenus par une grève générale d’une demi-journée.

    Les mois suivants, des dizaines de milliers de juifs israéliens et de demandeurs d’asile – principalement africains – ont manifesté à Tel-Aviv contre les déportations forcées de réfugiés. Il y a également eu des manifestations hebdomadaires – des dizaines de milliers de personnes à un moment donné – contre la corruption des autorités. De nombreux députés et fonctionnaires font l’objet d’une enquête policière, y compris Netanyahu lui-même, que la police a recommandé d’inculper.

    Le conflit national

    Concernant le conflit national, aucun des principaux partis politiques n’offre de solution. Une majorité de la population juive est actuellement victime de l’atmosphère réactionnaire propagée par en-haut. Les gouvernements israéliens ne sont pas des novices dans l’instrumentalisation de la crainte d’attaques commises par les milices palestiniennes, par des individus ou des États voisins – en particulier l’Iran – et la coalition de Netanyahu ne fait pas exception à la règle. En avril dernier, les ministres ont créé un véritable barrage de propagande en réponse aux protestations de Gaza. Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a déclaré qu’il n’y a ‘‘aucun innocent’’ à Gaza et que ‘‘tout le monde est lié au Hamas’’.

    Le conflit national est dans une impasse et aucune négociation significative n’a lieu. Netanyahu fait face à une opposition dans son parti, le Likoud, et à la menace de l’effondrement de sa coalition gouvernementale s’il fait la moindre concession, notamment en raison de la présence du parti pro-colons de la Maison juive.

    Son gouvernement de droite a promulgué des lois qui visent à freiner l’activité d’ONG qui aident la cause des Palestiniens et à réduire les droits du 1,8 million de Palestiniens qui vit en Israël, y compris en déclarant qu’Israël est l’État-nation du peuple juif.

    Mais le statu quo de l’occupation est aussi un grand problème pour la classe dirigeante israélienne et elle est divisée sur ce qu’il convient de faire. Certains, au sommet, préconisent d’accorder des concessions à l’Autorité palestinienne pour essayer d’acheter une période de coexistence plus stable. L’occupation et la répression sont coûteuses – l’armée absorbe 13% du budget de l’Etat – et Israël fait face à la critique ainsi qu’à un certain degré d’isolement au niveau mondial pour sa brutalité dans les territoires.

    En outre, bien que Netanyahu continue de poursuivre une politique de ”faits accomplis” sur le terrain, par l’expansion des colonies et des infrastructures exclusivement juives, la classe dirigeante israélienne est confrontée à un problème démographique concernant sa base nationale. La population palestinienne dans toutes les zones qu’elle contrôle dépassera bientôt la population juive – si ce n’est pas déjà fait.

    Un Etat ou deux ?

    En raison de l’incapacité des partis politiques traditionnels à trouver une solution à deux États et de la mesure dans laquelle l’entreprise de colonisation a brisé la Cisjordanie, il existe des minorités des deux côtés de la fracture nationale qui croient qu’une solution à un seul État est maintenant possible.

    Sur une base socialiste – que ce soit à un stade précoce ou à un stade ultérieur – un État unique répondant aux besoins et aux aspirations tant des Palestiniens que des juifs pourrait faire l’objet d’un accord démocratique et ainsi être réalisé. Mais à partir d’aujourd’hui, la méfiance développée à la suite de décennies d’effusion de sang et la crainte des deux côtés de devenir une couche discriminée d’un État unique (comme le sont aujourd’hui les Palestiniens en Israël) signifie qu’une solution à un seul État n’est pas envisagée par la plupart des gens.

    Cette opinion est forte parmi les juifs israéliens en conséquence de la vie dans un État dont on leur a dit qu’il protégerait leurs intérêts après les persécutions des juifs en Europe de l’Est et au-delà, puis les horreurs de l’holocauste. Aujourd’hui, les guerres qui font rage dans la Syrie voisine et le soutien des masses à travers le Moyen-Orient pour la cause palestinienne viennent renforcer une “mentalité de citadelle assiégée” pour les juifs israéliens et la défense de l’État d’Israël.

    L’Autorité palestinienne

    Pour les Palestiniens, l’horreur de la répression et de la victimisation est devenue forte après avoir subi un déni de leurs droits fondamentaux par le régime israélien. Mais les partis politiques au pouvoir au sein de l’Autorité palestinienne ne montrent pas plus de voie à suivre que ceux d’Israël.

    Le soutien au président palestinien Mahmood Abbas, le leader du Fatah, s’est effondré à mesure que le niveau de vie de la population s’est détérioré et que sa stratégie consistant à plaider la création d’un État palestinien auprès des puissances impérialistes du monde entier a échoué à maintes reprises.

    Ces puissances considèrent que leurs liens commerciaux et géopolitiques avec Israël sont beaucoup plus importants. Et, en tout cas, elles ne peuvent pas simplement passer outre le refus de la classe dirigeante israélienne de concéder la création d’un véritable Etat palestinien à leur porte.

    Le parti islamiste de droite Hamas, au pouvoir à Gaza, n’a pas d’autre choix que d’adopter une position plus anti-impérialiste que le Fatah, que les Etats-Unis et l’UE qualifient d’organisation terroriste. Mais il n’a pas non plus de stratégie pour faire avancer la lutte pour la libération des Palestiniens. Le Hamas n’envisagera jamais la seule voie possible pour pleinement la réaliser – c’est-à-dire une lutte démocratiquement organisée reposant sur un programme socialiste – car cela signifierait la suppression de ses positions et de ses privilèges.

    Pour s’accrocher à certains de ces “droits” élitistes, et en réponse à la pression de l’Egypte et d’autres régimes arabes, il a essayé de se réconcilier avec le Fatah, acceptant de formellement renoncer à son leadership à Gaza, mais les accords n’ont pas encore abouti.

    Un sondage réalisé au début de cette année indique que plus de 50 % de la population de Gaza et de Cisjordanie ne font confiance à aucune des factions politiques ou religieuses actuelles. En Israël, lors des dernières élections générales, seuls 16,7% ont voté pour le parti de Netanyahu, le Likoud. La plus grande partie de l’électorat était représentée par les 27,7 % qui n’ont pas voté du tout.

    Les alternatives de la classe ouvrière

    De nouvelles organisations des travailleurs indépendantes doivent voir le jour des deux côtés de la fracture nationale, gérées et contrôlées démocratiquement et capables de s’attirer du soutien en agissant dans l’intérêt des gens ordinaires.

    La seule voie idéologique pour obtenir ce soutien est l’adoption d’un programme socialiste, car seule une solution socialiste peut mettre fin à l’insécurité, aux guerres, aux inégalités, à la dépossession, à la discrimination et au faible niveau de vie qui sévissent sous le capitalisme au Moyen-Orient.

    Nos prédécesseurs marxistes se sont opposés à la création de l’Etat d’Israël en Palestine il y a 70 ans, prévoyant que cela n’apporterait pas la sécurité pour les Juifs et que cela serait source de souffrances pour les Palestiniens.

    Cependant, au cours des décennies qui ont suivi, les marxistes ont dû reconnaître qu’une conscience nationale israélienne s’est développée, qu’une grande majorité de la population est maintenant née en Israël et qu’une classe dirigeante existe avec l’une des forces militaires les plus puissantes et lourdement armées à sa disposition sur la planète. Mais nous reconnaissons aussi, ce qui est crucial, qu’il existe une classe ouvrière israélienne forte d’un million de personnes avec le pouvoir potentiel de défier leurs exploiteurs capitalistes et de les renverser.

    L’opposition au sionisme, à la droite israélienne et aux capitalistes israéliens n’est en aucun cas une opposition antisémite au peuple juif, ni à la classe ouvrière et à la classe moyenne israéliennes.

    Notre organisation sœur en Israël-Palestine, le Mouvement de lutte socialiste – comme nous, membre du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) – dispose de sections à Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa qui soutiennent les luttes des travailleurs israéliens, juifs et arabes, et défendent la nécessité de s’unir dans un nouveau parti des travailleurs.

    Ils protestent activement contre l’occupation et le blocus de Gaza, soutiennent le droit au retour des réfugiés, et appellent à l’instauration de deux Etats socialistes garantissant tous les droits des minorités qui les composent.

  • Catalogne : Des salles de classe vides et des milliers de personnes dans les rues en grève contre la répression franquiste

    Le 26 avril, les salles de classe des écoles et des universités de Catalogne étaient vides en raison de la grève générale étudiante appelée par le Sindicat d’Estudiants. Encore une fois, les jeunes sont sortis dans la rue, face à la répression franquiste du PP pour dénoncer haut et fort le bloc réactionnaire : nous exigeons la démocratie et la liberté pour les jeunes et le peuple de Catalogne et nous n’acceptons pas les attaques antidémocratiques qui menacent de détruire nos droits.

    Par le Sindicat d’Estudiants

    Plus de 10.000 jeunes ont défilé à Barcelone et des centaines d’autres villes de Catalogne pour réclamer la liberté des prisonniers politiques, la fin de l’article 155 de même que pour dénoncer la criminalisation et la persécution des comités CDR (comité de défense du référendum) et de tous ceux qui se sont soulevés contre cette offensive antidémocratique.

    Nous savons que l’intention du PP et de ses alliés est d’humilier un peuple entier et d’envoyer un message clair, non seulement aux jeunes et aux travailleurs de Catalogne, mais aussi dans le reste de l’État espagnol. Aujourd’hui, ils emprisonnent et persécutent les gens aux idées indépendantistes, mais ils commencent aussi à agir de la sorte contre ceux qui dénoncent la corruption, l’injustice du gouvernement PP et le rôle de la monarchie. Aujourd’hui c’est le mouvement indépendantiste, les rappeurs, les tweeters, les jeunes basques et d’autres qui sont victimes de la police. Mais demain, ces méthodes seront utilisées contre ceux qui organisent des grèves étudiantes, des mobilisations comme la grève féministe du 8 mars, le mouvement des retraites et le mouvement anti-évictions. Nous ne pouvons pas accepter cela ! En Catalogne, le 26 avril, nous l’avons rendu plus que clair et nous sommes sortis pour lutter, comme nous l’avons fait le 15 avril lorsque plus d’un million de personnes ont défilé à Barcelone. Cela montre la voie à suivre pour résister à l’oppression !

    Pour cette raison, le Sindicato de Estudiantes dans le reste de l’État espagnol a activement mobilisé en soutien à ses camarades catalans. Nous avons organisé des rassemblements de protestation au Pays basque, ainsi que des assemblées et des arrêts dans le reste de l’État. Tant en Catalogne qu’à l’extérieur, notre ennemi est le même : le bloc réactionnaire du PP qui nous attaque, nous inflige des coupes budgétaires et nous refuse une vie digne, mais qui veut aussi nous museler quand nous sortons pour lutter.

    Nous voulons également remercier le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a organisé des actions de solidarité avec notre grève au niveau international. Des manifestations ont eu lieu devant les ambassades et consulats à Londres, Berlin, Dublin, Edimbourg, Cracovie, Vienne, Québec, Hong Kong et bien d’autres. Ils ont contribué à visibiliser notre lutte partout dans le monde.

    Lorsque nous organisons et combattons, nous sommes très forts, comme nous l’avons montré le 1er octobre, le 3 octobre lors de la grève générale historique qui a paralysé la Catalogne, et de nouveau le 15 avril. Il n’y a pas de répression qui puisse arrêter un peuple mobilisé ! Il est nécessaire d’entendre le message que les jeunes ont envoyé dans les rues de Catalogne le 26 avril, et de répondre par une grève générale de tous les travailleurs et des jeunes. C’est ainsi que nos parents et nos grands-parents ont obtenu des droits démocratiques dans les années 1970 et c’est ce que nous allons réaliser aujourd’hui !

  • Stop à l’occupation, au pillage et au nettoyage ethnique d’Afrin! Stop à l’assaut du Rojava!

    Les troupes turques et les rebelles sunnites, soutenus par la Turquie, de la prétendue Armée syrienne libre, le Front al-Nosra et autres mercenaires djihadistes ont envahi le centre d’Afrin le 18 mars dernier et ont réussi à le mettre à sac. Au cours de l’offensive de 58 jours qui a précédé, au moins 289 civils ont été tués et 150.000 habitants ont dû fuir. Le président-dictateur turc Erdogan a immédiatement annoncé qu’il poursuivrait son offensive et qu’il voulait expulser les ‘‘terroristes’’ des régions autour de Manbij, Kamychli, Kobané et Ras al-Aïn. De plus, il n’exclut pas la possibilité d’intervenir également contre les combattants kurdes dans le nord de l’Irak.

    Par Eric Byl

    Il n’est pas clair si Erdogan s’en tiendra aux accords passés avec le régime d’Assad et la Russie. L’opération ‘‘Rameau d’olivier’’, l’invasion d’Afrin, n’a été possible que parce que la Russie, qui contrôle l’espace aérien au-dessus d’Afrin, a laissé faire la Turquie. Et ceci en vertu d’un accord selon lequel la Turquie aurait le droit d’expulser les Unités de protection du peuple syro-kurdes (YPG) hors d’Afrin si elle se taisait sur l’offensive du régime d’Assad et de la Russie dans la Ghouta orientale. Cette enclave rurale dans la région de Damas est entre les mains des rebelles fondamentalistes depuis 2013. La population y est prisonnière entre la terreur des fondamentalistes et la contre-offensive des troupes de Bachar et de la Russie. Des bombes barils (engins explosifs composés d’un baril rempli d’explosifs, de gaz, de combustible et de ferraille) et des armes chimiques sont quotidiennement utilisées. Ce qui provoque de nombreuses victimes civiles.

    Compte tenu du partage du pouvoir en Syrie après l’expulsion de l’EI, l’affaiblissement des YPG arrange bien Assad. Lui-même et la Russie ne pouvaient pas tolérer le maintien des YPG car cela les aurait mis en conflit avec les États-Unis qui avaient utilisé les YPG comme forces terrestres contre l’EI. Ils ont fait le pari que la Turquie, alliée au sein de l’OTAN, s’en sortirait bien. La Maison-Blanche et les gouvernements européens ont protesté verbalement mais n’ont pas levé le petit doigt pour arrêter l’offensive turque. Jusque-là, Assad et la Russie ont soigneusement évalué la situation. Le Vice-Premier ministre turc Bekir Bozdag a annoncé que les soldats turcs quitteraient Afrin et la rendraient aux ‘‘propriétaires légitimes’’, ce qui signifie que la Turquie veut y installer ses réfugiés syriens, et donc faire d’une pierre deux coups. Cependant Erdogan annonce aussi qu’il entend par la même occasion occuper tout le Nord, ce qui a poussé la Syrie à demander, dans une lettre aux Nations Unies, que les unités turques se retirent immédiatement.

    Afrin était l’un des trois cantons autonomes du nord-ouest de la Syrie, le Rojava, principalement contrôlé par les Unités de protection du peuple syro-kurdes (YPG) depuis 2012. La région est isolée des territoires plus vastes de l’Est où les YPG gouvernent dans le cadre des Forces démocratiques syriennes (FDS). Elle est restée pendant des années en dehors du conflit syrien et était un asile pour de nombreux réfugiés. En dehors des Kurdes, la population, qui se compose aussi d’Arabes et de Turkmènes, a doublé en quelques années pour atteindre 4 à 500.000 personnes. La région et sa population sont aujourd’hui sacrifiées aux intérêts stratégiques des superpuissances locales et internationales, dont les appétits menacent toute la région.

    Le PSL a été activement impliqué dans les mouvements de solidarité avec Afrin ces derniers mois. Nous avons participé à plusieurs activités parmi lesquelles un rassemblement à la gare de Bruxelles-Central le 27 janvier, le camp d’Afrin pendant 5 jours (du 19 au 23 mars) au Parlement européen et la manifestation du 27 mars. Les militants syndicaux du PSL proposent aussi des motions de solidarité dans les assemblées syndicales et auprès de leurs centrales syndicales. La domination impérialiste et l’anéantissement des droits démocratiques et sociaux ont non seulement un effet catastrophique dans la région concernée, mais seront également utilisées pour réduire les droits des travailleurs et des jeunes partout dans le monde.

  • Manifestation contre l’OTAN et contre l’invasion et l’occupation d’Afrin

    Ce mardi 27 mars, quelque 2.000 personnes ont manifesté à Bruxelles contre l’invasion turque d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, et contre la complicité tacite des alliés de l’OTAN qui ne sont pas prêts à arrêter cette invasion. Le régime turc du président-dictator Erdogan veut conquérir Afrin et, en fait, l’ensemble du Rojava, la région à majorité kurde qui est autogérée. Son objectif est de renforcer sa position en Turquie sur une base nationaliste et, en même temps, d’accroître sa présence régionale. Parallèlement, Erdogan veut en finir avec l’exemple d’autonomie kurde afin que la population kurde turque ne s’en inspire pas.

    La manifestation s’est concentrée sur la catastrophe humanitaire causée par l’invasion turque. La conquête d’Afrin s’est accompagnée de nombreux morts et de milliers de réfugiés. Le risque de nettoyage ethnique et de pillage est grand. Beaucoup des personnes présentes avaient des membres de leur famille à Afrin ou étaient eux-mêmes originaires de cette région.

    Nous ne pouvons pas permettre aux victimes de cette guerre de lutter seules contre l’invasion et l’occupation d’Afrin ! Lors de la manifestation de Bruxelles, des Kurdes vivant en Belgique et dans les pays voisins ont démontré leur solidarité. On trouvait en outre parmi les manifestants des militants du Comité de solidarité Rojava, de l’ASBL pacifiste Vrede, du PSL et d’autres organisations. A la fin de la manifestation, Eric Byl a pris la parole au nom du PSL en exprimant notre solidarité avec la résistance à l’invasion d’Afrin. Il a défendu que les travailleurs et les jeunes prennent l’initiative, y compris ici et au-delà de la communauté kurde. Il a ainsi fait référence à la guerre du Vietnam, qui a conduit à un mouvement de masse aux Etats-Unis il y a 50 ans : les Etats-Unis ont perdu cette guerre non pas tant militairement, mais à cause de la pression de ce mouvement de masse dans leur propre pays. En nous organisant et en nouant des liens avec le mouvement des travailleurs ici en Belgique et ailleurs en Europe, nous pouvons poser des pas dans cette direction. Au nom de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité), Emily Burns a souligné l’importance de la lutte pour les droits des femmes, un élément qui est également fortement souligné dans le Rojava.

    Reportage-photos de Mario :

    Betoging tegen NAVO en tegen Turkse inval in Afrin // Mario

    Reportage-photos de Liesbeth :

    Betoging tegen NAVO en tegen invasie in Afrin // Liesbeth

    Vidéo :

  • Southern Cameroons: action pour la libération de prisonniers

    Une trentaine de manifestants se sont réunis ce vendredi 16 mars, face au SPF Affaires étrangères, à l’appel du Southern Cameroons Council of Belgium pour protester contre la détention de militants de la cause indépendantiste dans les geôles camerounaises. Certains des prisonniers ont la nationalité belge, et sont pourtant complètement ignorés par l’Etat belge, allié fidèle du régime camerounais de Biya. Le président a souvent usé de brutalité envers la population camerounaise, mais cette répression violente a atteint de nouveaux sommets ces dernières semaines, avec des mises à sac et des massacres dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et le meurtre et l’arrestation de centaines d’opposants et leaders du mouvement de la population anglophone, dont certains au Nigeria voisin. La politique néolibérale dure menée par les autorités, couplée à des discriminations envers les anglophones et la répression brutale de toute contestation a poussé de plus en plus de personnes à soutenir la cause de l’indépendance de ces deux régions, sous le nom de République d’Ambazonie. La solidarité internationale est importante pour condamner la violence de Biya et de ses alliés. Cela peut appuyer cette lutte juste, sur place, dont la structuration sera cruciale pour obtenir une victoire. Celle-ci passera aussi par l’implication de larges couches de la population, y compris dans les régions francophones du Cameroun, pour organiser une lutte d’ensemble contre les politiques néolibérales et répressives.

    Une équipe de militants du PSL étaient présents à l’action de ce vendredi, où nous avons diffusé un tract en anglais (disponible sur le site de nos camarades du Nigeria), traduction de l’article présent dans notre édition de mars de Lutte Socialiste.

    Action Southern Cameroons

  • Cameroun : une approche marxiste de la crise anglophone

    Question nationale. L’austérité et la répression attisent les tensions

    Après la Première guerre mondiale, le territoire de l’ancienne colonie allemande du Kamerun a été mis sous mandat de la Société des Nations et son administration divisée entre la France et le Royaume-Uni. La carte ci-dessus indique grossièrement les frontières de 1961, lorsque la partie méridionale de l’ancien Cameroun britannique, le Southern Cameroons, a été rattachée au Cameroun, qui venait de gagner son indépendance l’année précédente. Ce territoire est depuis lors divisé entre les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

    Un dossier de Stéphane Delcros

    Il y a dix ans éclatait la crise économique. La vie de nombreux jeunes et travailleurs a alors basculé. Pour maintenir le taux de profit de l’élite économique, les politiques néolibérales se sont faites plus brutales. Même là où une relative croissance économique est de retour, elle ne bénéficie qu’à cette même infime minorité. Les inégalités sont croissantes, tout comme la colère massivement ressentie contre l’establishment capitaliste et ses institutions. Les jeunes et les travailleurs n’ont pas quitté le chemin de la lutte, mais ils ont besoin d’une alternative pour aller de l’avant.

    Là où des discriminations existent – sur base nationale, ethnique, religieuse, linguistique ou autre -, la colère contre la politique antisociale vient s’ajouter à celle contre les discriminations de leurs droits, à des degrés souvent très divers mais en aucun cas négligeables. La volonté d’autonomie accrue, voire d’indépendance, est alors considérée par une couche grandissante de la population comme une solution aux problèmes de son quotidien. La répression de ces tendances de la part des Etats centraux ne fait que renforcer ce sentiment. A côté de l’exemple de la Catalogne, beaucoup d’autres existent. Cette résurgence de la question nationale et des forces centrifuges est un processus qui puise ses racines dans les contradictions du système capitaliste.

    Le PSL est depuis quelques temps en discussion avec un groupe d’expatriés camerounais marxistes. En tant qu’internationalistes, nous sommes bien sûr solidaires des populations qui émigrent dans notre pays. Mais pas seulement : nous nous préoccupons de la situation existante dans leur pays d’origine. Notre parti-frère suédois, par exemple, est également en contact avec des expatriés camerounais et se plonge régulièrement dans l’analyse de la situation au Cameroun et des réponses à défendre, tout en impliquant des expatriés dans les luttes concernant la situation suédoise. Notre combat est un combat politique d’ensemble. L’analyse ci-dessous va nous permettre d’approfondir notre connaissance et nos perspectives sur ce pays, particulièrement au regard de la lutte des populations anglophones.

    Après la Deuxième guerre mondiale, le territoire de l’ancienne colonie allemande du Kamerun a été mis sous mandat de la Société des Nations et son administration divisée entre la France et le Royaume-Uni. La carte ci-dessus indique grossièrement les frontières de 1961, lorsque la partie méridionale de l’ancien Cameroun britannique, le Southern Cameroons, a été rattachée au Cameroun, qui venait de gagner son indépendance l’année précédente. Ce territoire est depuis lors divisé entre les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

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    Des mobilisations massives de travailleurs et de pauvres pour davantage d’investissements et de considération ont lieu depuis fin 2016 dans les deux régions anglophones du Cameroun, à l’Ouest du pays. Depuis quelques semaines, la répression brutale et meurtrière de la part de l’Etat camerounais a redoublé, entrainant une hausse du sentiment séparatiste.

    Les anglophones, estimés à près de 20% de la population du Cameroun, sont habituellement marginalisés par l’Etat central : sous-représentation dans les institutions, l’administration voire l’éducation, où ils subissent des discriminations linguistiques. Depuis le rattachement de l’ex-Southern Cameroons au Cameroun en 1961, et particulièrement après l’abandon du fédéralisme en 1972, ces populations ont le sentiment d’être des citoyens de seconde zone.

    Comme dans de nombreux autres Etats africains, le Fonds Monétaire International met pression pour diminuer les dépenses publiques. Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya a l’habitude d’appliquer avec autorité les politiques néolibérales notamment exigées par les puissances impérialistes européennes. Ça ne l’a d’ailleurs jamais empêché de se servir au passage. Les décennies de coupes budgétaires et de sous-investissement ont créé des pénuries dans tout le pays, particulièrement dans les régions moins importantes aux yeux des autorités, comme l’Extrême-Nord, en proie au terrorisme de factions de Boko Haram.

    Une des principales revendications de la lutte des anglophones est l’exigence de davantage d’infrastructures (hôpitaux, routes,…). Ce sous-investissement pour les besoins de la population contraste fortement avec l’accaparement par l’Etat des nombreuses richesses naturelles, notamment issues de l’extraction pétrolière dans le Golfe de Guinée, au large de la région anglophone du Sud-Ouest. Le mouvement pour davantage d’autonomie voire pour la sécession des régions anglophones est indissociable de la lutte contre le sous-investissement et l’austérité budgétaire.

    Répression brutale

    Dès le début, Paul Biya et les autorités, y compris une partie de l’élite anglophone avec notamment le Premier Ministre Philémon Yang, ont tenté d’imposer le silence au mouvement (coupures d’internet, couvre-feux, fermeture de stations de radio, interdiction de rassemblements de plus de 4 personnes, etc.). Les manifestations sont réprimées dans le sang tandis que des rafles sont organisées dans des villages.
    La tension avait augmenté fin de l’été dernier, lorsque des dirigeants du mouvement sécessionniste, réunis devant des assemblées, avaient symboliquement déclaré l’indépendance (1er octobre) de la République d’Ambazonie couvrant ces deux régions. Mais il est difficile d’avoir des rapports exacts de la situation ; les ONG ont été interdites et rares sont les journalistes qui ont pu s’y aventurer. Ce qui est certain, c’est que la répression a déjà entrainé la mort de centaines de personnes et le déplacement d’au moins 40.000 réfugiés au Nigeria voisin.

    Les autorités nigérianes, elles aussi confrontées à un important mouvement sécessionniste au Biafra qu’elles répriment sévèrement, collaborent depuis janvier avec les forces camerounaises. Une cinquantaine de dirigeants séparatistes ont ainsi récemment été arrêtés et extradés vers le Cameroun, dont le principal leader Julius Sisuku Ayuk Tabe. En prison, c’est au minimum la torture et potentiellement la mort qui attend les opposants, qui n’ont d’ailleurs plus donné de nouvelles depuis leur arrestation.

    Le manque de considération pour les revendications socio-économiques, couplé à l’arrogance et la répression du régime a poussé de plus en plus d’anglophones à se saisir de la cause indépendantiste. Mais le laissez-faire et l’indifférence des partis et figures d’opposition francophone face au droit à l’indépendance, voire leur refus, notamment parmi la gauche, a aussi appuyé cette tendance.

    L’absence d’alternative et de perspective politique donne l’espace à Paul Biya et ses amis pour utiliser la division sectaire, pour tenter d’isoler le ‘‘problème anglophone’’. Quand il n’y a rien d’autre à présenter, l’arme de la division est la seule qui reste, à côté de la répression, et Biya en a besoin : il compte bien se faire réélire une 7e fois lors des élections présidentielles fin 2018…

    Garantir le droit à l’autodétermination

    La seule option pour le mouvement des travailleurs et des pauvres au Cameroun est de s’opposer à chaque forme d’oppression et de division qui serve les intérêts de l’élite dirigeante. Pour éviter que les bolcheviks soient vus juste comme une continuation de la domination Grand Russe sous une autre forme, Lenine avait garanti le droit à l’autodétermination aux nombreuses populations minoritaires dans l’ancien Empire tsariste, y compris jusqu’au droit à la séparation. C’était la seule façon d’assurer l’unité de la classe des travailleurs et des pauvres des communautés opprimées avec la classe des travailleurs et des pauvres du reste de l’ancien Empire. Au Cameroun aussi, comme les bolcheviks, il faudra se comporter en ‘‘démocrates véritables et conséquents’’ afin de souder l’unité des travailleurs et des pauvres dans toutes les régions du pays.

    Organiser la lutte et la doter d’instruments

    Certaines tentatives d’organisation du mouvement ont mené à davantage de coordination, menant notamment à de réels suivis de l’appel pour des journées ‘‘ville morte’’, forme de grèves du travail généralisées, dans les régions anglophones. Mais ces réussites ne cachent pas le manque général d’organisation et de perspectives pour le mouvement, ce qui pousse aussi différents groupuscules sécessionnistes à user de violence, tuant notamment plusieurs policiers et militaires ces dernières semaines.

    Il est crucial que le mouvement de lutte réussisse à organiser son combat, notamment en se dotant des instruments pour canaliser la colère. Des exemples récents ont montré le potentiel en termes d’organisation et de coordination de la lutte, avec des assemblées régulières permettant une implication la plus large possible : Le Balai citoyen au Burkina Faso, Y’en a marre au Sénégal, ou encore Lutte pour le changement (Lucha) en RDC et, plus récemment, Togo Debout qui tente d’organiser la lutte pour une réelle démocratie.

    Ces sont des sources d’inspiration, mais elles sont souvent marquées par l’absence ou le manque de volonté de challenger le pouvoir, de se transformer en outil politique doté d’un programme pour un changement profond de la société. C’est ce qui explique que, malgré les luttes exemplaires, au final, l’Ancien régime battu a pu se rétablir, comme au Burkina Faso.

    Construire l’unité de classe avec les Camerounais francophones

    La population anglophone en lutte aura bien besoin de l’appui des couches les plus combattives de la classe des travailleurs francophone. Cela exige de la direction du mouvement qu’elle garantisse d’ores et déjà des droits pour les minorités en cas de sécession, et construise l’unité de classe : un ‘‘pont’’ unitaire vers la population francophone, également victime du despotisme du clan Biya et de la pauvreté engendrée par l’exploitation capitaliste.

    Rompre avec le système et étendre la lutte

    Il est important de comprendre qu’une indépendance de l’ex-Southern Cameroons dans le cadre du système d’exploitation capitaliste ne résoudra pas en soi les problèmes. Le système capitaliste est incapable de résoudre une question nationale. C’est pourquoi les travailleurs et les pauvres ne pourront compter sur les élites anglophones qui n’accepteront pas que le combat soit orienté vers ce qui constitue la seule issue favorable : une rupture avec ce système et l’instauration d’une société socialiste démocratiquement gérée par et pour les intérêts des travailleurs et des pauvres.

    La lutte courageuse des populations anglophones du Cameroun pourrait alors très vite servir de moteur pour les luttes des populations dans le reste du pays et au Nigeria. Cela pourrait alors être un levier stimulant pour avancer dans la mise sur pieds d’une Confédération d’Etats socialistes démocratiques sur base volontaire du Golfe de Guinée et de la région, comme étape vers un monde débarrassé de la pauvreté, de la politique néolibérale, des pénuries, de la corruption et des divisions et violences sectaires. Un tel changement de système est la base nécessaire pour que les populations organisent elles-mêmes leur futur.

  • Bruxelles. Action de solidarité contre l’intervention turque à Afrin

    Un rassemblement a eu lieu ce samedi à Bruxelles pour dénoncer l’invasion turque à Afrin, en Syrie. Ce n’est pas la première action qu’il y a eu sur ce sujet, mais la guerre se poursuit et a passé le cap des 40 jours. L’intervention de l’Etat turc vise à le positionner pour la situation post-Daesh et à empêcher que les régions autonomes kurdes de Syrie ne puissent servir d’exemple au peuple kurde de Turqui. Avec cette guerre, le président-dictateur turc Erdogan essaye également de favoriser les sentiments nationalistes pour renforcer son assise sur la société.

    Photos de Mario (Bruxelles)

    Protest tegen Turkse inval in Afrin // Foto's door Mario

  • Élection du 21 décembre en Catalogne : Une déroute pour le gouvernement de droite du PP

    La suspension du statut d’autonomie de la Catalogne via l’article 155 de la Constitution, l’emprisonnement et l’exil des ministres catalans, la répression, l’exacerbation du nationalisme espagnol et la campagne d’intimidation (avec surtout le déménagement des sièges sociaux de plus de 3.000 entreprises hors de Catalogne),… Tout cela n’a pas permis aux partis du bloc du 155 (PP, C’s et PSOE) de remporter les élections du 21 décembre.

    Par Boris (Bruxelles)

    JxCat (Ensemble pour la Catalogne, la liste de Carles Puidgemont), ERC (Gauche Républicaine Catalane) et la CUP (Candidature d’Unité Populaire) ont renouvelé leur majorité absolue au parlement. Des centaines de milliers de personnes qui rejettent le parti de droite catalan Pdecat de Puigdemont, ont pourtant voté pour sa liste, composée de figures du mouvement catalan, car ils sont vus comme ayant résolument fait face à l’Etat espagnol depuis l’exil et la prison. Les médias, la monarchie, les partis du régime de 1978 et la bourgeoisie espagnole et catalane essayent de cacher leur défaite derrière la victoire de Ciudadanos (C’s, Citoyens, populiste de droite) qui devient le premier parti en Catalogne. Mais cela n’occulte pas la déroute du PP (Parti Populaire), le parti de droite au pouvoir en Espagne, qui incarne l’oppression nationale, l’héritage du franquisme, les politiques d’austérité et les nombreux scandales de corruptions.

    Avec la perte de la moitié de ses voix, le PP n’est plus en mesure de former un groupe au parlement catalan. C’s, qui défend une politique au service des grandes entreprises, a mené une campagne couplant le maintien à tout prix dans l’Etat espagnol avec la crainte de la fuite des capitaux, de la délocalisation des emplois et du chaos économique qu’amènerait l’indépendance.

    L’incapacité de la gauche d’intervenir dans le mouvement de libération nationale de la Catalogne avec un programme de classe a permis à C’s de mobiliser un vote au-delà de celui de la droite réactionnaire, dans les quartiers industriels de la ceinture rouge de Barcelone ou de Tarragone où En Commu-Podem (la liste de gauche autour d’Ada Colau, maire de Barcelone, et de Podemos) avait remporté les dernières élections nationales.

    Alors que le caractère répressif de l’Etat Espagnol a poussé des millions de personnes à rompre avec le régime de ‘78 et à se battre pour une république catalane qui serve à améliorer leurs conditions de vie et à conquérir un véritable changement social, la direction de Podemos s’est coupée du mouvement de masse en rejetant le référendum sur l’indépendance du 1er octobre comme étant illégitime. La CUP a joué un rôle important pour la défense de ce référendum mais paye le prix de son refus de rester à l’écart de la droite au nom de la suprématie de la question nationale sur la question sociale.

    L’action énergique des masses à l’instar du référendum du 1er octobre et la grève générale du 3 octobre peuvent vaincre la répression, libérer les prisonniers politiques et mettre fin à l’application de l’article 155 et continuer la lutte pour une république. Les mouvements sociaux et partis de gauche qui ont porté la lutte pour le droit à l’autodétermination doivent reprendre la mobilisation dans la rue en s’orientant et en se basant sur le mouvement ouvrier autour d’un programme socialiste.

  • La N-VA et le nationalisme catalan: au plus on est loin de chez soi, au plus on est radical…

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Bart Maddens, sommité du nationalisme flamand et mentor critique de la N-VA, était impatient d’aider le nationaliste catalan Puigdemont. Peter De Roover, chef de la fraction parlementaire de la N-VA à la Chambre, a pu commenter le référendum sur l’indépendance du 1er octobre aux nouvelles de la VRT en direct de Barcelone. On a pu voir des photos du nationaliste de droite Puigdemont mangeant à la table du N-VA Lorin Parys après sa fuite de Catalogne. Pas besoin d’autant d’expression du ‘‘nationalisme de droite’’ pour être irrité.

    Par Peter Delsing

    Le mouvement indépendantiste catalan est cependant un phénomène contradictoire traversé par une ligne de démarcation entre classes sociales aux intérêts divergents. D’un côté se trouvent Puigdemont et ses partisans de l’élite, de droite, pro-austérité. Mais de larges couches des masses catalanes, à la base du mouvement pour l’indépendance, considèrent cette dernière comme un moyen d’en finir avec la politique néolibérale et la répression du gouvernement Rajoy. Puigdemont et son parti, le PDeCAT, ont proclamé l’indépendance sous l’immense pression des travailleurs et des jeunes descendus dans la rue. Avant cela, leur position s’était toujours limitée à renégocier la contribution fiscale de la Catalogne au gouvernement central.

    Depuis lors, la bourgeoisie catalane a voté avec ses pieds contre l’indépendance en délocalisant divers sièges d’entreprises en dehors de la Catalogne. Ils redoutent les conséquences sociales du mouvement de masse qui se développe autour de l’autodétermination et des droits nationaux, historiquement liés à la gauche, et qui peut commencer à défendre des revendications sociales. Les banquiers et industriels catalans frémissent face au climat quasi-révolutionnaire qui peut naître d’une telle situation. Quand Puigdemont déclare aujourd’hui qu’il est ‘‘contre une déclaration unilatérale d’indépendance’’, il rejoint ses patrons de la bourgeoisie catalane et revient à sa position initiale. Karl Marx faisait déjà remarquer en son temps que, depuis 1848, la bourgeoisie avait plus peur de la masse des salariés derrière eux que de la réaction féodale des rois !

    Ce contexte social montre à quel point l’attitude de la N-VA est hypocrite. A la base, le mouvement catalan est un mouvement social et antifasciste. La N-VA, elle, est partisane d’un néolibéralisme brutal. Ses députés et ministres ne cachent pas leur sympathie pour une politique autoritaire. Le mouvement national catalan recourt aux grèves générales et aux manifestations de masse, des méthodes issues du mouvement ouvrier. La N-VA est fière d’être un parti antigrève. Avec le gouvernement Michel, elle ne cesse d’attaquer le droit de grève, à la SNCB notamment. Cela ne la dérange donc pas en Catalogne, pourvu que cela concerne les droits nationaux et non les revendications sociales ? L’hypocrisie des nationalistes de droite est écœurante.

    Si De Wever & Co se sont jetés sur la cause catalane de leur ‘‘ami’’ Puigdemont, c’est aussi pour dissimuler aussi leur manque d’audace communautaire en Belgique. La condition de la mise en œuvre d’une politique d’austérité dure était que la ‘‘réforme d’Etat’’ devait être mise au frigo. La N-VA n’y a pas été contraire afin de participer à une offensive contre la classe des travailleurs et ses droits. Elle se heurte aussi au fait que les deux principales classes sociales en Belgique, les capitalistes et les travailleurs, sont toutes deux opposées à une division du pays.

    La bourgeoisie belge ne s’est montrée disposée à confier le pouvoir aux éléments petits-bourgeois de la N-VA (qui représente plus les petits patrons de PME, les avocats, les professions libérales et les intellectuels de droite mécontents) que lorsque son programme communautaire a cédé la place à une politique thatchérienne. Ce faisant, elle verrait bien combien de temps une telle provocation pouvait durer contre le mouvement ouvrier et, dans l’intervalle, engranger tous les bénéfices possibles.

    La N-VA est devenue adepte du grand écart communautaire parce que, pour la petite bourgeoisie, défendre la grande bourgeoisie passe généralement avant ses propres fantasmes politiques irréalistes. En réalité, la N-VA et Puigdemont s’opposent à une majorité progressiste qui, comme en Catalogne, pourrait utiliser l’autodétermination pour se débarrasser de la politique de profits avec des méthodes combatives de lutte de masse. C’est pourquoi les formations de gauche catalanes doivent défendre un programme qui lie immédiatement les droits démocratiques nationaux à la lutte pour des revendications socialistes. La nationalisation démocratique des secteurs clés de l’économie, couplée à un appel aux travailleurs espagnols et européens à suivre cette voie, pourrait radicalement changer l’équilibre des forces entre classes sociales en Catalogne, mais aussi en Espagne et à travers le continent.

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