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Tag: Question nationale
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Comment les bolcheviks ont traité la question nationale

Dans son discours justifiant l’invasion de l’Ukraine, Poutine s’en est pris aux bolcheviks et à Lénine. Il leur a reproché de ne d’avoir reconnu le droit à l’autodétermination de l’Ukraine, entre autres pays. Poutine s’est en fait placé dans les traces de Staline, qui préconisait une fédération russe centralisée au lieu d’une coopération entre républiques socialistes. Cette attaque contre l’approche bolchevique de la question nationale est l’occasion de revenir dessus plus en détail grâce à ce dossier de Rob Jones, membre de la section russe d’ASI, qui avait été écrit en 2017 à l’occasion du centenaire de la révolution russe.
Un siècle après la révolution d’Octobre, l’approche des bolcheviks pour résoudre la question nationale reste un exemple brillant de ce qui pourrait être réalisé dans la résolution des conflits nationaux si de véritables gouvernements socialistes arrivaient au pouvoir dans le monde entier.
C’est particulièrement le cas lorsque, sous la domination capitaliste, le monde du XXIe siècle a été ravagé par des conflits meurtriers au Darfour, au Congo, au Moyen-Orient. La question nationale n’a toujours pas été résolue de manière satisfaisante en Catalogne, en Écosse, en Irlande, en Belgique, au Québec et ailleurs, et a alimenté des conflits brutaux dans les Balkans, le Caucase, l’Asie centrale et l’Ukraine.
Deux guerres brutales en Tchétchénie et le traitement des minorités nationales démontrent que l’élite dirigeante de la Russie capitaliste moderne n’a rien en commun avec les Bolcheviks. La récente attaque à Sourgout, la ville pétrolière sibérienne, où un jeune musulman a couru avec un couteau dans un centre commercial, est clairement le résultat de politiques d’État racistes et des actions des extrémistes d’extrême droite. Ce n’est que récemment que la police anti-émeute a envahi un café de la ville et y a forcé les jeunes hommes à se raser la barbe, en prétendant qu’ils pouvaient être des wahhabites. Les bolcheviks, dirigés par Lénine, se sont cependant pliés en quatre pour soutenir les droits des minorités nationales et ethniques. Très en avance sur son temps, Lénine a même critiqué l’utilisation dans le langage courant de stéréotypes nationaux tels que l’utilisation du mot « Khokhol » pour décrire les Ukrainiens. Non seulement ce mot est toujours d’usage courant, mais il a récemment été ajouté par la propagande officielle russe qui présentait l’Ukraine comme un État fasciste.
La question de la langue
Les Bolcheviks étaient très sensibles à la question linguistique, prenant des mesures conscientes pour soutenir l’utilisation des langues minoritaires. Lénine s’est prononcé contre la reconnaissance de certaines langues comme « langues d’État », en particulier lorsque cela signifie que des minorités linguistiques importantes sont victimes de discrimination. Pourtant, à l’opposé de cette approche, les tentatives des nouveaux gouvernements capitalistes de restreindre l’utilisation de la langue russe ont conduit à un grave conflit ethnique en Moldavie dans les années 1990 et à de graves tensions dans les États baltes. Dans le Kazakhstan du président Nazarbaïev, chaque fois qu’un conflit social a éclaté, en particulier lors de la grève des travailleurs et travailleuses du pétrole de Zhenaozen, il s’est appuyé sur les soi-disant « nationaux-patriotes » et « nationaux-démocrates » (nationalistes de droite) pour demander des restrictions sur la langue russe. Même la menace de restreindre l’utilisation du russe en Ukraine a suffi à accroître les tensions qui ont conduit au conflit dans l’Est de l’Ukraine. Hypocritement, le gouvernement Poutine, qui a utilisé l’attaque contre les droits des russophones en Ukraine pour intervenir en Ukraine orientale, a maintenant annoncé que le financement de l’enseignement des nombreuses langues minoritaires de Russie allait cesser. Cela provoque déjà le mécontentement dans des républiques comme le Tatarstan.
Déclaration sur les droits des peuples de Russie*
Par-dessus tout, les Bolcheviks étaient des partisan·es de principe du droit des nations à l’autodétermination. Dans les jours qui ont suivi la révolution d’Octobre, la Déclaration des droits des peuples de Russie a été publiée. Contrairement à l’approche de la diplomatie moderne, dans laquelle les différentes parties manœuvrent et dissimulent leurs véritables intentions à la population, cette déclaration révolutionnaire déclarait de manière claire, transparente et concise que parce que les peuples de Russie ont subi une telle répression et une telle mauvaise gestion, les pogroms, l’esclavage et les attaques devaient être immédiatement cesser, de manière décisive et irréversible. Il devrait y avoir, a-t-il déclaré, l’égalité et la souveraineté des nationalités russes, le droit des peuples russes à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit de former leurs propres États, l’abolition de tous les privilèges et restrictions nationaux et religieux soutenus par le libre développement des minorités nationales et des groupes ethniques qui peuplent le territoire russe.
*(Dans la langue russe, il y a deux mots pour désigner le russe : « Russkiy » désigne l’ethnie russe, tandis que « Rossiskiy » désigne toute personne vivant en Russie. Sous le tsar, le pays était l’« empire russe », sous les bolcheviks, c’était la « Fédération soviétique des républiques socialistes de Rossiskaïa ». Les « peuples de Russie » désignent toutes les nationalités vivant en Russie.)
Le gouvernement provisoire
En soi, cela contrastait vraiment avec la position adoptée par les différents gouvernements qui ont dirigé la Russie après la révolution de février 1917. Le soulèvement spontané et populaire qui a renversé l’autoritarisme tsariste en février a été mené par les masses ouvrières, militaires et paysannes qui croyaient qu’en conséquence, une société libre et démocratique serait établie en Russie – beaucoup croyaient qu’elle mènerait à une société socialiste. Mais la réalité était tout autre. Non seulement la nouvelle coalition bourgeoise refusait de mettre fin à la participation de la Russie à la Première Guerre mondiale ou d’accorder des terres à la paysannerie, mais elle refusait également d’accorder la liberté aux nombreux peuples et nations de l’ancien empire tsariste. Dès le mois de mars, par exemple, elle a envoyé à la Finlande un ordre confirmant son statut de membre de l’empire russe tel que défini par l’ancien tsar au XVIIIe siècle. Lorsqu’en juillet, le Sejm finlandais a adopté une résolution stipulant qu’il est le seul à « décider, affirmer et décréter l’application de toutes les lois finlandaises, notamment celles qui concernent les finances, la fiscalité et les douanes », le gouvernement provisoire russe a envoyé des troupes pour dissoudre le parlement finlandais. Les questions relatives aux droits des peuples russes, décrétées par le gouvernement provisoire, seraient décidées par l’assemblée constituante. Mais lorsqu’il a finalement publié la position sur les droits des nations à présenter à l’assemblée constituante, il a déclaré sans ambages qu’il considérait « l’État russe comme un et indivisible ».
Les bolcheviks obtiennent le droit à l’autodétermination
Alors que la « démocratie bourgeoise » qui a régné sur la Russie de février à octobre impliquait que la nouvelle « démocratie » inclurait la liberté pour les différentes nations et les différents peuples mais n’a pas tenu ses promesses, le nouveau gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks a non seulement déclaré mais a fait tout son possible pour mettre en œuvre le droit à l’autodétermination. Il a fallu moins d’une semaine au nouveau gouvernement soviétique pour reconnaître le droit de la Finlande à l’indépendance. Cette reconnaissance a été rapidement suivie par le soutien à l’indépendance de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Transcaucasie, du Belarus, de la Pologne et de la Lettonie. Malgré toutes les complexités et les difficultés, et le fait qu’en général, ces nouveaux pays indépendants étaient nationalistes bourgeois plutôt que soviétiques, le gouvernement bolchevique a respecté ces droits.
L’Asie centrale, foyer du « Grand jeu » impérialiste, avait, en 1917, à peine émergé d’une forme de féodalisme. Bien que faisant partie de l’empire tsariste, elle était gouvernée par une série de Khans féodaux sans nations consolidées. Une classe ouvrière existait à peine, au mieux elle était composée de travailleurs et travailleuses des chemins de fer et des infrastructures de soutien, dont la plupart étaient russes et russophones. Les élites locales avaient, pendant de nombreuses décennies, été forcées de se soumettre aux diktats tsaristes soutenus par la force armée, elles voyaient donc la révolution comme une opportunité d’échapper à la domination russe. Tout en faisant tout leur possible pour encourager le développement d’une conscience socialiste et d’une démocratie soviétique dans cette région, les bolcheviks ont reconnu la réalité telle qu’elle était alors, et se sont pliés en quatre pour faire preuve de bonne volonté envers les différentes nationalités.
Le Khan de Khorezm (dans une région aujourd’hui couverte par le Turkménistan) est resté au pouvoir jusqu’en 1920, date à laquelle il a été renversé par un soulèvement populaire soutenu par les troupes de l’Armée rouge. La nouvelle Fédération socialiste russe a reconnu la République soviétique populaire de Khorezm comme un État indépendant – renonçant publiquement à toute revendication territoriale et offrant une union économique et militaire volontaire avec le nouvel État. Tous les biens et terres qui appartenaient autrefois à l’État russe, ainsi que les structures administratives, ont été remis au nouveau gouvernement sans aucune demande de compensation. Une aide financière a été fournie pour la construction d’écoles, pour une campagne visant à mettre fin à l’analphabétisme et pour la construction de canaux, de routes et d’un système télégraphique.
La Pologne
À l’autre bout de l’immense empire tsariste, il y avait la Pologne. Pendant plus de cent ans avant 1917, elle avait été divisée sous le contrôle des empires autrichien, prussien et russe. Lorsque ces empires se sont effondrés à la fin de la guerre et que la révolution russe s’est étendue à tous les territoires de l’ancien empire tsariste, la Pologne s’est retrouvée dans une situation nouvelle – capable de s’unifier et de revendiquer son indépendance. Le gouvernement bolchevique a reconnu le Comité national polonais comme représentant de la Pologne.
Le nouveau gouvernement provisoire polonais dirigé par Pilsudski – alors leader du parti socialiste polonais – sous la pression des masses, a introduit la journée de 8 heures, le vote des femmes et la gratuité de l’enseignement scolaire. Pilsudski a cependant annoncé qu’il « est descendu du tramway socialiste à l’arrêt appelé Indépendance ». Le nouveau gouvernement s’est opposé aux soviets et aux conseils ouvriers qui avaient vu le jour, arrêtant les communistes et profitant de la guerre civile qui faisait rage en Russie pour étendre le territoire polonais. Les troupes polonaises ont envahi la Lituanie et, soutenues par les puissances occidentales, ont formé une alliance avec le nationaliste ukrainien Petlura et se sont installées en Ukraine, pour finalement s’emparer de Kiev. Il a fallu une contre-attaque décisive de l’Armée rouge pour les forcer à retourner à Varsovie. Malgré cela, Lénine a insisté, lors des négociations de paix avec la Pologne, sur le fait que « la politique de la Fédération socialiste russe à l’égard de la Pologne est fondée, non pas sur des avantages militaires ou diplomatiques temporaires, mais sur le droit absolu et inviolable à l’autodétermination. La RSFSR reconnaît et admet sans condition l’indépendance et la souveraineté de la République de Pologne, et ce, depuis le moment où l’État polonais a été formé ».
La lutte de Lénine
Lénine s’est battu avec acharnement pour que le « droit des nations à l’autodétermination » soit inclus dans le programme du parti bolchevique. Ses désaccords avec Rosa Luxembourg, qui estimait qu’une telle revendication était une diversion de la lutte des classes, sont bien connus. Ses arguments ont été repris par des bolcheviks de premier plan tels que Karl Radek, Youri Pyatokov et Nikolaï Boukharine.
Dans le cadre de la polémique sur cette question, Lénine a encouragé Staline à écrire son pamphlet sur la question nationale, bien qu’il ait jugé nécessaire de s’opposer à certains éléments de l’approche de Staline, même à ce stade précoce. Il n’était pas d’accord avec la définition rigide que Staline donnait d’une nation comme « une communauté stable de personnes historiquement constituée, formée sur la base d’une langue, d’un territoire, d’une vie économique et d’une composition psychologique communs se manifestant dans une culture commune », ce qui aurait exclu les droits de nombreux peuples, notamment les Juifs. Lénine n’était pas non plus d’accord avec la position proposée par Staline et Boukharine en 1919 qui réclamait le droit à l’autodétermination de la classe ouvrière de chaque nation. Il soutenait qu’étant donné que de nombreux peuples de l’empire russe – y compris les peuples kouvach, bachkir, turkmène, kirghize et ouzbek – vivaient dans des régions encore sous-développées sur le plan social et économique, ils n’avaient pas encore la possibilité de développer même les classes et encore moins la conscience de classe. Pourtant, dès 1918, Staline affirmait que « le slogan de l’autodétermination est dépassé et devrait être subordonné aux principes du socialisme ». En octobre 1920, il déclarait que les appels à la sécession des régions frontalières de la Russie « doivent être rejetés non seulement parce qu’ils vont à l’encontre de la formulation même de la question de l’établissement d’une union entre les régions du centre et les régions frontalières, mais surtout parce qu’ils vont fondamentalement à l’encontre des intérêts de la masse de la population tant dans les régions du centre que dans les régions frontalières ».
L’Ukraine
Malheureusement, Staline n’était pas le seul à occuper cette position. Lorsque la révolution de février a éclaté, le nombre de bolcheviks à Kiev, la capitale et le centre industriel de l’Ukraine, n’était que de 200, et ils étaient à peine organisés. En octobre, leur nombre a atteint 800. En réponse à la révolution de février, les dirigeants de la bourgeoisie ukrainienne ont établi la Tsentralnaya rada (Union soviétique centrale) comme « un gouvernement de tous les Ukrainiens et Ukrainiennes » et ont revendiqué son droit à l’autodétermination. Les dirigeant·es des bolcheviks de Kiev, cependant, n’ont pas reconnu l’importance de la question nationale, disant qu’elle était secondaire par rapport à celle de la lutte des classes. Tout en participant aux luttes générales de toute la Russie contre le gouvernement provisoire de Petrograd, ils ont quitté la rada Tsentralnaya pour poursuivre la construction de la nation – y compris la mise en place de structures gouvernementales et de forces armées. Après octobre, ils ont participé à un bloc avec les mencheviks et les bundistes, qui a reconnu le « Tsentralnaya rada » comme le gouvernement légitime et a déclaré que toute opposition à celui-ci devait être « exclusivement de forme pacifique ». Ils ont refusé d’accepter la position d’autres bolcheviks ukrainiens selon laquelle il était « nécessaire de mener une lutte sans compromis contre le rada et, en aucun cas, de conclure des accords avec lui ». En conséquence, le rada de Tsentralnaya a maintenu une position forte en tant que gouvernement en Ukraine et la prise de pouvoir par les Soviétiques a été retardée et considérablement affaiblie – rendant ainsi la guerre civile en Ukraine beaucoup plus complexe et prolongée que ce n’aurait été le cas si les Bolcheviks de Kiev avaient agi de manière décisive.
La question nationale et l’armée rouge
Malgré les difficultés en Ukraine, l’approche de Lénine a joué un rôle essentiel pour assurer la victoire des Soviétiques dans la guerre civile, notamment parce que la plupart des armées de Whiteguard s’opposaient à l’autodétermination sous quelque forme que ce soit.
Dans le Caucase, le général blanc Deniken a clairement indiqué qu’il s’opposait aux droits nationaux parce que « la Russie devrait être une et indivisible ». Même les groupes nationalistes qui s’opposaient aux bolcheviks en général considéraient la promesse de l’autodétermination comme une raison suffisante pour au moins maintenir la neutralité. Dans de nombreux cas, la promesse était suffisante pour gagner des nationalités entières.
Une décision critique concernait la décision de baser l’Armée rouge sur des unités territoriales sur la base « vous servez là où vous vivez ». L’ancienne armée tsariste a été russifiée – dans les cas où des membres de minorités nationales servaient, ils étaient, à l’exception des Cosaques, envoyés dans des unités régulières loin de leur propre maison, et devaient parler russe. Mais l’armée rouge sous Trotsky avait une approche différente. Des unités entières de l’Armée Rouge étaient basées sur les différentes nationalités, utilisant leur propre langue et avec de nombreuses publications militaires dans les langues non russes. Cela a aidé l’Armée rouge à gagner les populations des régions où d’autres nationalités dominaient. De nombreux groupes juifs créent leurs propres unités pour s’opposer aux pogroms initiés par le général Kolchak et d’autres. Une école d’officiers musulmans de l’Armée rouge a même été créée à Kazan, la capitale du Tatarstan. En 1919, toute l’armée nationale de Bachkirie, une région musulmane s’étendant de la Volga à l’Oural, s’est jointe à l’Armée rouge et a établi la République socialiste soviétique de Bachkirie.
Partout où elles ont été établies, ces formations nationales ont reçu une aide matérielle considérable dans le domaine de l’éducation et de la santé, en particulier dans la campagne visant à mettre fin à l’analphabétisme. Malgré la guerre civile, le nombre d’universités dans le nouveau pays socialiste est passé de 63 en 1917 à 248 en 1923. Tout en évitant une confrontation frontale avec les partisans de la religion musulmane, une agitation active est menée contre la polygamie, la vente des épouses et la pratique consistant à n’autoriser les divorces que si le mari est d’accord. Malheureusement, cette approche a été l’une des victimes de la montée du stalinisme qui, dans les années 1930, a réintroduit la langue russe comme langue de commandement et a mis fin aux publications militaires dans d’autres langues.
Des erreurs ont été commises
Le maintien d’une approche sensible et flexible des différentes nationalités a nécessité de nombreuses discussions et souvent des interventions directes de Lénine ou de ses partisans pour corriger les erreurs. Alors que les bolcheviks étaient favorables à la collectivisation volontaire des terres, Lénine a averti que dans des régions comme l’Asie centrale et le Caucase, il serait prématuré de pousser la question. Il s’est même prononcé contre la nationalisation de l’industrie pétrolière en Azerbaïdjan, craignant que, la classe ouvrière n’étant pas encore suffisamment développée, cela n’entraîne une rupture des approvisionnements pendant la guerre civile.
Dans certains domaines, malgré l’approche de Lénine, les nationalités ont été traitées avec maladresse. La révolution bolchevique avait à peine atteint l’Asie centrale que les intellectuels locaux et les élites nationales voyaient l’opportunité de développer l’autonomie ou même de nouvelles républiques nationales. Mais la révolution est arrivée par le biais des cheminots et des troupes dissoutes, presque toutes russophones. Ils ont créé le Soviet des travailleurs et travailleuses et des soldats de Tachkent et ont déclaré le « pouvoir soviétique ». Ils ont fait valoir que les musulman·es ne devaient pas maintenir de positions dans les nouveaux États et qu’il n’était pas nécessaire d’inclure les paysan·nes dans le Soviet en raison de leur « retard ». En conséquence, le Soviet s’est retrouvé isolé de 95 % de la population locale. Sa tentative de recourir à la force militaire pour renverser le nouveau gouvernement Kokland, qui plaidait pour la création d’une « république fédérale démocratique du Turkestan faisant partie de la Fédération de Russie », a eu des conséquences négatives, car beaucoup y voyaient une simple occupation militaire.
L’approche flexible de Lénine
Au départ, l’attitude du ministère des nationalités de Staline était que c’était une affaire locale, mais à mesure que les armées blanches étaient défaites dans la région, la question de savoir comment le pouvoir soviétique allait s’établir devint plus urgente. Frunze, qui dirigeait l’avance de l’armée rouge, proposa à l’origine de diviser la région pour la rendre plus facile à gouverner. Cette proposition s’est heurtée à la résistance des communistes locaux, dont beaucoup saisissaient à peine les principes de base de la politique bolchevique. Mais ils ont été encore plus contrariés lorsque Staline a dirigé une commission chargée de proposer la création d’une région autonome unifiée du Turkestan au sein de la Fédération de Russie. Finalement, Lénine dut intervenir et redéfinir la position à adopter : il fallait veiller à égaliser le régime foncier des Russes avec celui des habitantes et habitants locaux tout en réduisant énergiquement l’influence des koulaks russes ; veiller à ce que toute décision prise au niveau central concernant le Turkestan ne soit prise qu’avec le consentement des dirigeants locaux ; préparer systématiquement, « progressivement mais sûrement », le transfert du pouvoir aux Soviets locaux des travailleurs et travailleuses avec la tâche générale définie comme « non pas le communisme, mais le renversement du féodalisme ». Toute décision, a-t-il dit, sur « la question de la division de la République en trois parties ne doit pas être décidée prématurément ».
La korénisation
D’autres questions qui ont pris beaucoup de temps et d’énergie à résoudre concernaient la « korénisation » (« koren » signifie racine), principe selon lequel les Bolcheviks s’enracinent dans les nouvelles républiques et zones ethniques en développant des leaderships locaux plutôt qu’en s’appuyant sur des émissaires du centre.
Une attention particulière a été accordée au développement des cultures nationales, en particulier des langues. Lénine se fâchera lorsqu’il apprendra que les fonctionnaires soviétiques, y compris ceux du centre, continuent à utiliser le russe dans les régions où cette langue n’est pas la langue locale : « Le pouvoir soviétique se distingue de tout pouvoir bourgeois et monarchique en ce qu’il représente pleinement les intérêts quotidiens réels des masses laborieuses, mais cela n’est possible qu’à la condition que les institutions soviétiques travaillent dans les langues indigènes ». Malheureusement, l’un des pires obstacles au développement des langues nationales était le ministère des nationalités lui-même, dont les fonctionnaires soutenaient souvent qu’il suffisait de traduire du russe vers les langues locales. Lénine a répondu qu’au contraire, il s’agissait de veiller à ce que les autorités éducatives fournissent aux enseignantes et enseignants familiers avec les langues et cultures autochtones ainsi que des manuels en langue maternelle. Lors d’un congrès consacré à cette question, un orateur a affirmé que « l’esprit international ne s’obtient pas en regroupant des enfants qui ne se comprennent pas, mais plutôt en introduisant dans la langue maternelle l’esprit de la révolution mondiale ».
Pour aider à renforcer le soutien dans les régions non russes, les bolcheviks ont adopté une politique consciente de collaboration avec les organisations révolutionnaires de gauche et de tentative de les convaincre. En Ukraine, beaucoup d’efforts ont été déployés et beaucoup de patience a été nécessaire pour travailler avec l’organisation « Borotba », essentiellement un groupement révolutionnaire social de gauche ayant ses racines dans les campagnes. Christian Rakovskii, ami de longue date et allié de Trotsky, a joué un rôle clé dans ce travail. Dans le même temps, dix nouvelles « universités communistes » ont été créées pour former les cadres nationaux bolcheviques. Tout aussi important, un énorme investissement a été réalisé pour ouvrir le système d’éducation publique à l’enseignement dans les langues nationales. En 1921, dix millions de roubles ont été alloués à l’enseignement des langues bélarussienne et ukrainienne. Ce processus a été rapidement mené à bien pour les principales nationalités comme l’arménien, le géorgien et l’azéri. Pour les petites nationalités, le processus a été plus long. Mais la tâche a été traitée avec sérieux. En 1923, 67 écoles enseignaient le mari, 57 le kabardi, 159 le komi, 51 le kalmouk, 100 le kirghiz, 303 le buriat et plus de 2500 la langue tatar. En Asie centrale, le nombre d’écoles nationales, qui était de 300 avant la révolution, a atteint 2100 à la fin de 1920. Ceci est d’autant plus important que de nombreuses langues/dialectes de la région étaient, jusqu’à la révolution, non écrites. L’introduction de nouveaux alphabets, souvent latinisés, ainsi que la modernisation de l’alphabet russe ont facilité cette tâche.
Cette réalisation est d’autant plus impressionnante que la guerre civile a fait rage pendant la plus grande partie de cette période. Souvent, cela s’est traduit par un manque de ressources. Les écoles étaient souvent utilisées pour le cantonnement des troupes. Et comme de nombreux enseignants et enseignantes volontaires participaient à l’effort de guerre, il était souvent difficile de trouver suffisamment de ressources pour enseigner dans les écoles. En Ukraine, il y avait très peu de professeur·es de langue ukrainienne en 1917, et bien qu’en 1923 il y en avait déjà 45 000, il en fallait deux fois plus. La situation s’est améliorée de façon spectaculaire après la fin de la guerre civile.
Le Caucase
Sans l’approche sensible et flexible de Lénine sur la question nationale, il aurait été beaucoup plus difficile de gagner la guerre civile.
Malheureusement, cette approche est devenue l’une des premières victimes de la dégénérescence bureaucratique de la révolution qui s’est renforcée au début des années 20, avec l’apparition de ce problème dans le Caucase.
Les régions caucasiennes, principalement la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ont attendu en vain que la révolution de février reconnaisse l’autodétermination et lorsque la révolution d’octobre a eu lieu, elles se sont retrouvées occupées par une combinaison des armées allemande et turque. Après la défaite allemande de 1918, leur place a été prise par les Britanniques et l’Armée blanche de Denikin. En effet, en signant la paix de Brest-Litovsk, non seulement les bolcheviks ont cédé le contrôle des pays baltes et de parties importantes de l’Ukraine et du Belarus, mais ils ont également accepté qu’une partie importante du Caucase soit concédée aux Turcs ottomans.
Alors que la guerre civile progressait et que les forces de Dénikine étaient finalement repoussées en Crimée, la question de savoir qui devait gouverner le Caucase a été posée. Les Bolcheviks bénéficiaient d’un soutien important dans les grandes villes, telles que Bakou en Azerbaïdjan, Tbilissi en Géorgie, Groznii en Tchétchénie. La révolution a essentiellement atteint la région grâce à la victoire militaire de l’Armée rouge. Des républiques soviétiques ont été créées en Azerbaïdjan et en Arménie.
La Géorgie, cependant, était le fief d’un gouvernement menchévique, une sorte de cause célebre pour la Seconde Internationale réformiste. Malgré de dures polémiques politiques avec les dirigeants géorgiens, dont plusieurs avaient participé au gouvernement provisoire de Saint-Pétersbourg en 1917, Lénine était favorable à une politique de conciliation. Trotsky s’est lui aussi prononcé contre une intervention militaire – la tâche de renverser le gouvernement géorgien devrait être accomplie par le peuple géorgien, a-t-il estimé. Il a donc préconisé « une certaine période de travail préparatoire à l’intérieur de la Géorgie, afin de développer le soulèvement et de lui venir ensuite en aide ». En mai 1920, le gouvernement soviétique russe a signé un traité reconnaissant l’indépendance et concluant un pacte de non-agression.
L’inflexibilité de Staline
Le principal représentant des bolcheviks dans la région, Sergey Ordzhonikdze, un proche camarade de Staline (ils étaient tous deux géorgiens) avait d’autres idées. Après la création d’un Azerbaïdjan soviétique et d’une Arménie soviétique, il a plaidé pour la soviétisation immédiate de la Géorgie. Staline a soutenu cette position. Ignorant les recommandations de Lénine et du gouvernement russe, ils ont utilisé les unités de l’Armée rouge pour provoquer des affrontements à la frontière géorgienne. Le Comité central, mis devant le fait accompli, a été contraint d’adopter une résolution disant qu’il était « enclin à permettre à la 11e armée de soutenir activement le soulèvement en Géorgie et d’occuper Tiflis à condition que les normes internationales soient respectées, et à condition que tou·tes les membres du Conseil militaire révolutionnaire de la 11e armée, après un examen approfondi de toutes les informations, garantissent le succès. Nous vous avertissons que nous sommes obligés de nous passer de pain faute de moyens de transport et que nous ne vous laisserons donc pas disposer d’une seule locomotive ou d’une seule voie ferrée. Nous sommes obligés de ne transporter rien d’autre que des céréales et du pétrole en provenance du Caucase ». Cette information a été cachée à Trotsky, alors dans l’Oural. À son retour à Moscou, il était si furieux de découvrir ce qui s’était passé qu’il a demandé qu’une commission d’enquête examine pourquoi l’Armée rouge était intervenue de cette façon.
Cette intervention a naturellement suscité l’opposition de la population locale et d’une couche importante de Bolcheviks géorgien·nes. Mais plutôt que de reconnaître les sensibilités nationales à long terme dans la région, dans laquelle il y avait clairement trois identités nationales bien établies, Ordzhonikidze, avec le soutien de Staline, a conçu la création d’une « République soviétique transcaucasienne », qui ferait partie de la RSFSR et aurait une autorité générale sur les trois nouvelles républiques soviétiques. Outre le fait qu’elle pouvait se prononcer sur les questions intérieures géorgiennes, elle a également tenté d’établir une union monétaire, ce à quoi se sont opposés les Géorgiens et Géorgiennes qui estimaient qu’une telle union saperait leur économie relativement plus forte. Compte tenu de cette approche dans l’établissement de la République soviétique transcaucasienne, beaucoup ont également supposé que l’économie serait développée par l’importation d’une main-d’œuvre russe, ce que beaucoup dans la région ont considéré comme une continuation des anciennes pratiques tsaristes.
Bien entendu, l’approche autoritaire d’Ordzhonikidze, qui prenait souvent ses décisions sans consulter les dirigeants locaux, son recours à des mesures répressives sévères contre les opposant·es et son mode de vie extravagant, notamment sa chevauchée d’un grand cheval blanc, n’ont guère contribué à apaiser les tensions.
La formation de l’URSS
La discussion autour de la République soviétique transcaucasienne s’inscrivait dans une question plus large sur l’avenir du nouvel État soviétique.
À cette époque, il était devenu évident que les positions de Lénine et de Staline sur la question nationale étaient diamétralement opposées. Le premier voyait la formation d’une union d’États soviétiques libres et égaux comme un moyen de consolider le soutien à la révolution parmi les différentes nationalités et comme une base permettant aux futurs États soviétiques, comme l’Allemagne, de s’allier à la Russie sans qu’aucune puissance ne domine l’autre. Cependant, Staline pensait que la question nationale était secondaire et que, de plus, la révolution ne se propagerait pas et que le socialisme devrait être construit en Russie uniquement. Pour lui, l’existence de républiques, comme la république transcaucasienne, était une question de commodité administrative. La question est venue à l’esprit avec la discussion autour de la formation de l’URSS.
En tant que commissaire aux nationalités, Staline a rédigé le document original qui devait décider des relations entre les nouvelles républiques soviétiques. Dans ce projet, il proposait que les républiques soviétiques indépendantes d’Ukraine, du Bélarus, de Géorgie, d’Azerbaïdjan et d’Arménie soient établies en tant que régions autonomes au sein de la Fédération de Russie, le statut de Boukhara, de Khorezm et de l’Extrême-Orient devant être décidé ultérieurement. Pour toutes les fonctions clés telles que l’économie, le budget, les affaires étrangères et militaires, les décisions seraient prises par les ministères russes. Seules les questions relativement mineures telles que la culture, la justice, les soins de santé et les terres resteraient sous la responsabilité des régions « autonomes ». Toutes les républiques, à l’exception de l’Azerbaïdjan, se sont vivement opposées à ce plan. Pourtant, Staline a fait passer son plan par la mission spéciale mise en place pour approuver la proposition, avant de la soumettre au gouvernement.
Mais il avait encore un obstacle à surmonter – Lénine. Lors d’une rémission des conséquences de son attaque, Lénine se vit présenter la proposition. Il réagit avec beaucoup de colère et insiste pour que toute l’idée d’« autonomie » telle que proposée par Staline soit abandonnée et que l’URSS soit établie comme une fédération de républiques égales. Bien que Staline ait été forcé de concéder ce point, il s’est battu pour que la nouvelle URSS n’aille pas jusqu’à assurer les droits nationaux que Lénine voulait. Il changea sa position antérieure d’opposition à une structure de pouvoir à deux niveaux pour la nouvelle Union en introduisant un nouveau « Conseil des nationalités » au-dessus de la législature. Il a rempli ce Conseil de ses propres partisan·nes. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, plutôt que de donner aux trois républiques caucasiennes le statut d’Union, il a proposé que la « république soviétique transcaucasienne » rejoigne l’URSS et que les trois républiques se soumettent à cet organe. Cette approche a provoqué l’indignation des Géorgiens et Géorgiennes.
La colère de Lénine
Lénine était trop malade pour assister à la réunion du Comité central qui a discuté de ces propositions en février 1923. Lorsqu’il a finalement reçu un rapport, la colère de Lénine a atteint son point d’ébullition. Il écrivit à Trotsky : « Camarade Trotsky ! Je voudrais vous demander de prendre en charge la défense du cas géorgien au sein du Comité central du parti. L’affaire est maintenant poursuivie par Staline et Derzhinskii, sur l’objectivité desquels je ne peux pas compter ».
Bien que Lénine n’ait pas eu le dernier mot sur la question, sa santé se détériorait rapidement. Il n’a pas pu assister à la réunion à huis clos du Comité central en juin, qui a été consacrée à une discussion approfondie de la question nationale. Les positions contradictoires exprimées par les orateurs lors de cette réunion ont montré clairement les contradictions qui se développent entre ceux et celles qui soutiennent l’approche de Lénine en matière de nationalités et ceux et celles qui, autour de Staline, rejettent tous les grands principes de la position bolchevique. Malheureusement, bien que la proposition de Lénine d’établir l’URSS ait été adoptée, sa mise en œuvre a été laissée entre les mains de la caste bureaucratique qui se cristallise rapidement autour de Staline.
Les crimes du stalinisme
Malheureusement, l’approche de la question nationale par la bureaucratie stalinienne, qui a réussi à achever la contre-révolution politique en URSS après la mort de Lénine, a fait basculer la politique nationale de Lénine et des bolcheviks. Les dommages causés par le chauvinisme russe que Lénine critiquait avec tant d’acuité, combinés à l’antisémitisme et aux perspectives racistes de la bureaucratie, ont été aggravés par la politique criminelle de collectivisation forcée qui a conduit à la famine dans de vastes régions de Russie, d’Ukraine et d’Asie centrale. Cela permet aux nationalistes réactionnaires d’aujourd’hui de prétendre qu’il y a eu une politique consciente de génocide, qu’ils appellent « holodomor » contre les nationalités, en l’imputant au « bolchevisme ». L’utilisation des États baltes comme pions dans les négociations avec Hitler, la déportation de nations entières, dont les Tchétchènes et les Tatars de Crimée vers le Kazakhstan pendant la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation de l’armée soviétique pour réprimer les soulèvements dans l’ancienne Allemagne de l’Est, en Hongrie et en Tchécoslovaquie et le refus de reconnaître les droits des nations pendant la période de « perestroïka » n’avaient absolument rien à voir avec la politique nationale de Lénine et du parti bolchevique.
Cent ans plus tard, la politique de Lénine sur la question nationale a encore plus de pertinence qu’auparavant.
C’est une erreur fatale d’adopter, comme le font certaines personnes de la gauche moderne, la position de Staline selon laquelle « le slogan de l’autodétermination est dépassé et devrait être subordonné aux principes du socialisme ». Tant que le capitalisme existera, aucune nation ne pourra acquérir une véritable indépendance, car elle sera toujours dominée par les intérêts des sociétés multinationales et les différents intérêts impérialistes, et elle n’est pas non plus capable d’assurer de véritables droits démocratiques et nationaux pour tous et toutes. Pour renverser le système capitaliste, il faut une lutte de la classe ouvrière puissante et unie avec une direction socialiste, dont la construction ne sera possible que si elle a une position claire sur la question nationale.
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Ecosse : la perspective d’une lutte de masse pour l’indépendance à la lumière des élections de mai

Plusieurs dizaines de membres du PSL/LSP et de sympathisants sont actuellement en route vers Glasgow afin de participer aux mobilisations autour de la COP26. Le texte suivant, publié en mai dernier par des membres d’Alternative Socialiste Internationale en Écosse, leur a été distribué dans le cadre de leur préparation politique.
En apparence, les résultats des élections locales en Angleterre suggèrent que les Tories ont échappé à un règlement de comptes pour la catastrophe de leur gestion de la crise sanitaire : un bilan de plus de 150.000 décès, la plus grande contraction économique depuis trois siècles et la vie d’innombrables travailleurs bouleversée. Mais en Écosse, la victoire écrasante du SNP (Parti national écossais) et la majorité indépendantiste qui a été reconduite au parlement écossais reflètent la crise qui se prépare et qui sape les fondements mêmes du Royaume-Uni. Il existe un mandat incontestable pour l’indyref2 (le second référendum sur l’indépendance de l’Écosse), qui représente une réelle menace pour Boris Johnson, les Tories (conservateurs) et le capitalisme britannique.
Tout au long de l’année dernière, les sondages ont constamment montré qu’une majorité existait en Ecosse en faveur de la sortie du Royaume-Uni, le taux atteignant même plus de 70% parmi la jeunesse. La gestion criminelle de la pandémie par Boris Johnson et l’impact dévastateur que cela a eu sur la vie des travailleurs et des jeunes n’ont fait qu’accroître le mécontentement qui alimente le désir d’indépendance et de rupture avec le règne des Tories.
Le taux de participation sans précédent de 63 % – en hausse de 10 % par rapport à 2016 – illustre l’importance de ces élections. Pour de nombreux partisans de l’indépendance, la prochaine phase de la lutte était considérée comme dépendant du retour d’une majorité de membres du parlement écossais engagés, sur le papier tout du moins, à obtenir l’indépendance. Bien que le SNP soit passé à un siège de la majorité absolue, le fait que les Verts aient remporté 8 sièges signifie que 72 des 129 députés du parlement écossais sont favorables à l’indépendance. Le récit des commentateurs de l’establishment selon lequel les partis “unionistes” auraient obtenu une courte majorité du vote populaire est démenti par le fait que les sondages montrent régulièrement que 30 à 40 % des électeurs travaillistes (et même une minorité significative de membres du parti travailliste) soutiennent l’indépendance.
Bien que ces résultats constituent un tournant, qui ajoute encore à l’élan en faveur d’un second référendum, le chemin à parcourir est parsemé d’obstacles que seul un mouvement de masse de la classe ouvrière peut surmonter.
Les Tories écossais renforcent l’unionisme
Les Tories écossais resteront le deuxième plus grand parti de Holyrood (surnom du parlement écossais) après une campagne qui les a dépeints comme les combattants les plus capables opposés à l’indépendance. « Arrêtons ensemble le SNP et Indyref2 » était l’un des nombreux slogans qui reflétaient une polarisation renforcée concernant la question nationale. En dehors de leur base traditionnelle, ils ont également ciblé les électeurs travaillistes et libéraux démocrates favorables à l’Union. En dépit de la faible cote de popularité du nouveau leader conservateur écossais Douglas Ross, cette approche semble avoir porté ses fruits. Comme l’a révélé un sondage, la moitié des personnes qui prévoient de voter pour les conservateurs le font pour des raisons “tactiques”, c’est-à-dire pour que l’Écosse reste au sein de l’Union.
Si le Parti conservateur et unioniste a été contraint de prendre ses distances avec ses homologues anglais (Boris Johnson a même annulé une visite préélectorale en Écosse), il ne fait aucun doute qu’ils sont taillés dans la même étoffe réactionnaire. Lors d’un débat télévisé, Ross a été critiqué pour son attitude méprisable envers les gens du voyage. Le fait que cela ait provoqué une telle indignation montre le glissement vers la gauche de nombreux travailleurs et jeunes mais c’est aussi une démonstration de la meilleure compréhension du fait que les Tories représentent un groupe raciste et complètement pourri. Cela illustre encore que le soutien croissant à l’indépendance ne repose pas sur un nationalisme chauvin.
Les travaillistes
L’opposition des Tories à un second référendum a été imitée par le Labour écossais (les travaillistes) qui a poursuivi son virage à droite. Après la démission de Richard Leonard, sympathisant de la gauche molle de Corbyn, Anas Sarwar (un millionnaire dont l’entreprise familiale refuse de reconnaître les syndicats) a été élu dirigeant du parti en Ecosse, ce qui a remis les partisans de la ligne droitière de Tony Blair au poste de commandement du parti. Mais tout espoir que Sarwar puisse redonner vie au parti travailliste écossais a été anéanti. Apparemment en phase terminale, le parti a perdu deux autres députés et a enregistré le pire résultat électoral de son histoire depuis la création du parlement écossais (en 1999).
Dans les derniers jours de la campagne, l’ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown s’en est pris au SNP avec des mots qui trahissent l’état d’esprit des travaillistes : « C’est là toute la différence : Nous voulons mettre fin à la pauvreté des enfants, le SNP veut mettre fin au Royaume-Uni. Ils se lèvent le matin en pensant à un référendum, nous nous levons le matin en voulant une reprise économique. Ils se couchent en rêvant de séparation, nous nous couchons en rêvant de justice sociale. »
Bien que le SNP doive effectivement être critiqué pour son bilan lamentable en matière de lutte contre les inégalités, Gordon Brown, qui a lui-même infligé une austérité brutale aux communautés de la classe ouvrière à travers la Grande-Bretagne, est la dernière personne en mesure de pointer ce parti du doigt !
Qui plus est, cette logique ne tient pas compte du fait que le soutien à l’indépendance a augmenté précisément parce que les travailleurs et les jeunes écossais considèrent qu’il est nécessaire de rompre avec la pauvreté et la précarité, ce que les travaillistes n’ont ni le programme ni la volonté de réaliser. Socialist Alternative (ASI en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse) défend que pour que l’indépendance écossaise transforme réellement la vie des travailleurs et des pauvres, il est nécessaire d’adopter une approche socialiste qui dépasse de loin la direction pro-capitaliste du SNP.
Le SNP et Alba
Malgré la complicité du SNP dans la fabrication de la crise actuelle, ce parti a augmenté son soutien électoral par rapport à 2016 et a gagné un député supplémentaire au parlement écossais. Tout au long de la pandémie, la cheffe du SNP Nicola Sturgeon a bénéficié d’une hausse de son taux d’approbation car ses communiqués plus avisés en matière de relations publiques et son comportement “prudent” la faisaient fortement contraster avec un Boris Johnson pompeux, la personnification même de la poursuite inconsidérée de la recherche de profit à tout prix du capitalisme.
Le triomphe électoral du SNP ne reflète pas la force des illusions envers ce parti qui s’est déplacé encore plus vers la droite et dont la réponse face à la crise sanitaire a subordonné la santé et la vie des membres de la classe ouvrière aux intérêts du capital. En l’absence d’une alternative de masse à gauche, un vote pour le SNP était considéré comme la seule voie viable vers un second référendum.Sturgeon n’a survécu que de justesse à la crise politique qui a secoué le SNP dans les mois précédant les élections. Bien qu’elle se soit manifestée sous la forme d’un différend personnel entre elle et l’ancien Premier ministre Alex Salmond, la scission survenue au sein du SNP et la formation du parti Alba reflètent les contradictions de classe croissantes au sein du mouvement. Salmond a tenté d’exploiter le mécontentement à l’égard de la direction de Sturgeon, en particulier son approche conciliante pour obtenir un second référendum. Un certain nombre de personnalités du SNP et du mouvement indépendantiste au sens large ont rejoint Alba, notamment l’ancien député socialiste Tommy Sheridan.
Ne se présentant que sur des listes régionales et appelant à un second vote tactique, la campagne d’Alba reposait sur l’utilisation des particularités du système électoral écossais pour obtenir une “supermajorité” de députés écossais pro-indépendance. Ils n’ont néanmoins pas réussi à remporter un seul siège au parlement écossais.
Toute illusion selon laquelle Alba représentait une alternative de gauche au SNP devrait maintenant être complètement détruite. Il est apparu clairement au cours de l’élection que Salmond est entouré d’un ramassis de réactionnaires, y compris de racistes ouvertement déclarés. La candidate du centre de l’Écosse, Margaret Lynch, a prétendu à tort et à travers que les groupes de campagne LGBT préconisaient de réduire l’âge du consentement sexuel à 10 ans. Le comportement prédateur et misogyne de Salmond ne lui a pas non plus fait de cadeau auprès des femmes et des jeunes radicalisés qui rejettent plus que jamais le sexisme sous toutes ses formes.
Les Verts : Une alternative de gauche ?
Le Green Party Scotland a réussi à augmenter le nombre de ses suffrages et à obtenir deux sièges supplémentaires au parlement écossais. Répondant à la pression de la base, leur campagne s’est orientée vers la gauche avec des promesses électorales en faveur d’emplois verts, du financement du logement et des services sociaux ainsi que d’une taxe sur les millionnaires. Le Parti travailliste étant de nouveau sous l’emprise des « Blairistes » et désespérément déconnecté de la question nationale, certains considèrent les Verts comme une force de gauche pro-indépendance.
Pourtant, les Verts restent un parti incapable ou peu désireux de rompre avec le capitalisme. A Holyrood, cela signifie que, dans le meilleur des cas, leur “opposition” se limite à bricoler sur les bords de l’approche de Sturgeon, celle d’appliquer “à contrecœur” l’austérité de Westminster (où siège le parlement du Royaume-Uni). Plus important encore, ils n’ont pas réussi à organiser la moindre riposte sur les lieux de travail ou dans les communautés locales.
Il ne fait aucun doute que de nombreux électeurs verts, ainsi que des membres du parti vert, cherchent véritablement une issue à l’impasse du capitalisme. Beaucoup comprennent que la crise écologique à laquelle la planète est confrontée trouve son origine dans ce système reposant sur la course aux profits. Cela place nécessairement en tête de l’ordre du jour une lutte mondiale pour mettre fin au système capitaliste et planifier une économie verte dans le monde entier, un argument qui attirera une audience croissante en Écosse à l’approche du sommet sur le “réchauffement climatique”, la COP26 de Glasgow cet automne. Mais ce n’est pas ce que propose le parti vert. Ils sont loin de proposer un programme qui défie le système capitaliste et pointe vers une alternative socialiste. Qui plus est, c’est précisément dans le domaine de l’internationalisme que le manifeste des Verts a révélé l’insuffisance de confiner leur stratégie dans les limites du capitalisme.
A l’instar du SNP, ils ont affirmé que : « Les Verts écossais pensent que l’avenir de l’Écosse est mieux servi en tant que membre à part entière de l’Union européenne (…) Nous ferons donc campagne (…) pour réintégrer l’UE en tant que nation indépendante dès que possible. » L’adhésion à l’UE, cependant, enfermerait une Ecosse indépendante dans un bloc commercial capitaliste dédié à la défense des intérêts des monopoles qui détruisent la planète pour le profit. L’UE pourrait être utilisée par la classe capitaliste pour mettre des bâtons dans les roues d’un éventuel gouvernement de gauche en Écosse qui voudrait revenir sur des décennies d’austérité et adopter des mesures de type socialistes.
Sur la question de l’indépendance, ils ne sont pas plus avancés, reprenant la même stratégie légaliste que Sturgeon et consorts. Leur manifeste souligne que tout effort du gouvernement britannique pour bloquer un référendum serait « sujet à un défi juridique ». C’est ignorer le fait que les tribunaux des patrons ont toujours agi comme un barrage sur le chemin des luttes économiques, sociales et démocratiques de notre classe sociale.
La classe dirigeante s’oppose à l’indépendance
Pour toutes ces raisons, il est loin d’être évident que la majorité actuelle en faveur de l’indépendance sera suffisante pour garantir l’indyref2. Alors que les résultats n’étaient pas encore connus, Johnson a été clair dans son rejet d’un second référendum, le qualifiant d’”imprudent” et d’”irresponsable”. De même, le ministre conservateur Michael Gove a déclaré que l’échec du SNP à obtenir une majorité globale, sapait les arguments en faveur de l’Indyref2.
Bien que ces résultats mettent sans aucun doute les Tories sous une pression accrue, les commentaires de Johnson et Gove donnent un aperçu de l’opposition bien ancrée à laquelle le mouvement indépendantiste sera confronté. Tous deux comprennent que la situation est très différente de celle de 2014, lorsqu’une classe dirigeante arrogante a accordé un référendum sans se rendre compte de la révolte de la classe ouvrière qui était sur le point de prendre forme.
En réponse à la victoire du SNP, Johnson a maintenant convoqué un sommet de redressement Covid des nations dévolues du Royaume-Uni sur la façon dont elles peuvent travailler ensemble pour surmonter la crise. Bien que jusqu’à présent, il se soit montré particulièrement dur, voire maladroit, dans son opposition à l’indépendance, nous pourrions assister à un changement d’approche de la part de certaines sections de la classe dirigeante, qui viseraient plutôt un règlement ou une “réinitialisation” constitutionnelle pour sauver le Royaume-Uni de la ruine. Cependant, cela ne différerait que par le style plutôt que par la substance, car il est toujours vrai qu’un mouvement de masse pour l’indépendance de l’Ecosse serait un cauchemar pour la classe dirigeante britannique. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’empêcher.
Un mouvement de masse de la classe ouvrière est nécessaire
Bien que de tels efforts pour “réinitialiser” le Royaume-Uni soient presque certainement trop peu et trop tard et qu’ils n’arrêteront pas les processus clés qui poussent à l’indépendance, il n’est pas totalement exclu qu’ils puissent être utilisés par Sturgeon et d’autres comme couverture pour une retraite.
Alors que Sturgeon a déclaré avec confiance que le second référendum serait « une question de quand et non de si », le mouvement de la classe ouvrière ne doit pas reculer et laisser la lutte pour les droits démocratiques aux mains de partis pro-capitalistes. Ni le SNP, ni Alba, ni les Verts ne peuvent mener la bataille nécessaire pour vaincre les Tories. Se concentrer sur les manœuvres parlementaires et légalistes ne sert qu’à éloigner le mouvement de la rue et à détourner l’envie de changement vers des canaux plus sûrs.
Nous devons construire une campagne organisée de la classe ouvrière, des jeunes et de tous les opprimés pour les droits démocratiques. Cette campagne doit reposer sur des méthodes militantes de lutte de classe, telles que les grèves, les occupations et les manifestations. Une mobilisation coordonnée sur nos lieux de travail, dans nos écoles et nos communautés est la seule garantie de gagner un second référendum. Les syndicats doivent adopter une position ferme à ce sujet. Bien que le congrès du STUC (le Congrès des syndicats écossais) ait adopté une résolution soutenant l’Indyref2, cela reste largement une politique sur le papier. Peu de syndicats ont pris des mesures décisives pour s’opposer à la trêve du Labour conclue avec les Tories concernant la question nationale.
Socialist Alternative soutient la construction d’une telle campagne, une campagne qui lie la lutte pour l’indépendance à la lutte pour le socialisme en Ecosse et au niveau international.
Une Ecosse capitaliste indépendante ne résoudra aucun des innombrables problèmes sociaux auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes. Bien que le désir d’échapper à un Brexit conservateur en forme d’accident de voiture ait donné de l’élan aux arguments en faveur de l’indépendance, les travailleurs et les jeunes ne devraient pas se faire d’illusions sur l’UE pro-capitaliste et raciste que le SNP et les Verts sont si impatients de rejoindre.
Seule une transformation socialiste de la société, dans laquelle les sommets de l’économie passent dans le giron de la propriété publique démocratique et où la production est planifiée en fonction des besoins et non du profit, peut poser les bases d’un avenir exempt de pauvreté, de pandémies, de catastrophes climatiques et de toutes les autres horreurs du capitalisme. En fin de compte, un tel mouvement pour une transformation socialiste de la société ne pourrait jamais réussir s’il était confiné à une seule nation. Il est donc essentiel, pour construire une Écosse socialiste, de développer la solidarité au-delà des frontières. Cela signifie d’établir des liens avec les travailleurs et les jeunes qui luttent contre le capitalisme et l’austérité à travers l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Ecosse et l’Irlande, en construisant la lutte pour une fédération socialiste libre et volontaire de ces pays, dans le cadre d’une confédération socialiste d’Europe et d’un monde socialiste.
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La Catalogne se soulève suite à la lourde condamnation des prisonniers politiques

Action de solidarité à Bruxelles. Le lundi 14 octobre, le Tribunal Suprême a annoncé la condamnation de représentants politiques, des acteurs institutionnels du référendum catalan organisé le 1er octobre 2017. Les peines vont jusqu’à 13 ans de prison pour certains ! Dès l’annonce des condamnations, un mouvement de masse spontané s’est rapidement développé. La première semaine de mobilisation a débuté par l’occupation de l’aéroport de Barcelone avec plus de 10.000 personnes directement inspirées du mouvement à Hong Kong. Il a culminé le vendredi 18 octobre par une grève générale qui a paralysé la Catalogne. Le mouvement renoue avec la lutte de masse qui avait pris son envol autour du référendum pour l’autodétermination du 1er octobre 2017 et la grève générale qui avait suivi le 3 octobre.
Par Carlos (Bruxelles), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Les manifestations en faveur de l’auto-détermination et de l’amnistie pour les condamnés sont massives et font face à un déploiement impressionnant des forces policières nationales et régionales catalanes. Ces dernières chargent les participants et recourent à des dispositifs interdits comme le tir de balles en caoutchouc.
Ces affrontements ont fait de nombreux blessés et plusieurs personnes ont partiellement perdu la vue. À Madrid, la police s’est révélé tout aussi brutale envers les manifestations de solidarité avec le peuple catalan. Des groupes d’extrême droite violents ont, quant à eux, profité de la situation pour sortir dans les rues et venir provoquer le mouvement.
Les réactions des partis de gauche laissent à désirer. Pablo Iglesias (Podemos) appelle à ‘‘l’équidistance’’ et à la ‘‘réconciliation’’. Il refuse de prendre position contre l’appareil d’État répressif, politiquement dirigé par le PSOE social-démocrate de Pedro Sanchez, pour qui les condamnations doivent être ‘‘intégralement exécutées’’. De leur côté, les forces de droite déclarent avec une attitude incendiaire que la sentence n’est pas assez dure. Toutes ces réactions ont évidemment des relents électoralistes puisque des élections générales doivent se tenir le 10 novembre dans tout l’Etat espagnol.
La classe ouvrière a un rôle fondamental à jouer pour la suite du mouvement. Elle doit intégrer des revendications sociales pour faire face à l’urgence sociale présentes derrière la lutte pour l’autodétermination. La grève générale du 18 octobre appelée par les syndicats indépendantistes ou alternatifs fut un grand succès, tout particulièrement en considérant le refus de soutenir la grève des directions syndicales des grandes fédérations syndicales CCOO et UGT. Les commerces, les services publics, la santé et l’enseignement ont été tout comme une partie de l’industrie. Certaines couches de travailleurs sont donc déjà engagées dans la bataille : 9.800 travailleurs de Seat ont ainsi fait grève et le syndicat portuaire de Barcelone a annoncé un arrêt de travail de 12 heures contre la violation des droits démocratiques.
La société catalane est déjà entrée en action et dépasse de loin ce que veulent les partis nationalistes catalans concernant les libertés démocratiques et la remise en question du ‘‘régime de 78’’ qui a fait suite au franquisme. Ces partis imposent des mesures d’austérité et attaquent la classe ouvrière. Le mouvement doit mener à bien une campagne audacieuse pour développer la lutte à partir de la grève générale et atteindre la meilleure participation possible des travailleurs organisés de la CCOO et de l’UGT et ce, par-dessus la tête de leurs dirigeants si nécessaire.
Une structuration démocratique du mouvement est nécessaire, via la construction de comités dans les quartiers, les universités et les lieux de travail, organisés de façon radicalement démocratique et basés sur des revendications tournées vers la classe ouvrière. Ce n’est qu’ainsi que le mouvement pourra progresser vers la construction d’un rapport de forces efficace et développer la solidarité des travailleurs dans tout l’État espagnol.
Socialismo Revolutionario, notre section-sœur, lutte contre le capitalisme et le régime hérité du franquisme. Elle est en faveur des droits démocratiques pleins et entiers, du droit à l’autodétermination et de l’instauration d’une république socialiste catalane, ainsi que d’une confédération sur base libre et volontaire des peuples de l’État espagnol et de la péninsule ibérique, dans le cadre d’une confédération socialiste d’Europe!
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Préformation : PS et N-VA discutent, mais ne négocient pas

Le gouvernement Michel/De Wever a été sanctionné dans les urnes en raison de sa politique profondément antisociale. Cinq mois après les élections, et bientôt un an après la chute du gouvernement fédéral, un gouvernement fédéral n’est toujours pas constitué. Demotte (PS) et Bourgeois (N-VA) sont peut-être officiellement des ‘‘préformateurs’’ et non des informateurs, il n’y a cependant pas de véritables négociations entre PS et N-VA. ‘‘On n’a pas évolué vers une phase de négociation. (…). Avec les informateurs on a des réunions informelles, où les partis exposent chacun leurs idées, ni plus ni moins’’, a expliqué Paul Magnette, récemment élu président du PS.
Editorial de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Un certain nombre de journalistes et de politologues flamands appellent à la constitution d’une coalition violette-jaune (les libéraux rejoignant les sociaux-démocrates et la N-VA) car ‘‘la seule autre option avec une majorité fédérale (l’arc-en-ciel) n’a pas de majorité en Flandre’’. Sans succès jusqu’ici… Et chaque fois que l’on croit entrevoir une ouverture dans une remarque d’un membre du PS, la direction du parti ferme immanquablement la porte. La nécessité de disposer d’une majorité en Flandre n’impressionne pas beaucoup en Wallonie et à Bruxelles puisque la coalition suédoise ne représentait même pas un quart des voix francophones.
Certains seraient enclins à voir de ‘‘petits jeux politiques’’ derrière tout cela, mais, en réalité, un gouvernement violet-jaune pourrait être mortel pour les deux principales formations en son sein, tant pour le PS que pour la N-VA.
Bien entendu, le PS n’est – malheureusement – même pas à moitié aussi à gauche qu’il le prétend. Le parti applique fidèlement le programme de la bourgeoisie depuis la fin des années ‘80. Toutefois, rejoindre un gouvernement au caractère aussi ouvertement thatchérien que le précédent serait par contre un pont trop loin, surtout maintenant que le PS est concurrencé sur sa gauche.De plus, espérer qu’après avoir abandonné son confédéralisme, la N-VA fasse de même avec son discours et son programme de provocation socio-économique pour donner au PS le masque social dont il a besoin est tout aussi peu probable. C’est pourquoi, après la déclaration de Theo Francken fin septembre – ‘‘un gouvernement avec le PS n’est pas impossible’’ – nous avons également entendu un autre son de cloche chez le député anversois N-VA Peter De Roover : ‘‘si j’avais des actions violettes-jaunes, je les vendrais’’.
Pas d’argents ni d’instrument politique pour un ‘‘compromis à la belge’’
On lit encore des références au ‘‘compromis à la belge’’, essentiellement dans la presse flamande, mais celles-ci font fi de l’histoire et sont idéalistes. Le compromis à la belge qui trouvait toujours une solution pragmatique pour les différentes contradictions – entre travail et capital, Flamands et Wallons, catholiques et laïques – puise son existence dans une période et un contexte spécifiques, en particulier celui de l’après-guerre. Cette période est définitivement révolue.
L’énorme croissance économique de cette période-là fut un premier élément rendant possible ce ‘‘compromis à la belge’’. Le capitalisme pouvait alors combiner profits juteux et augmentation des conditions de vie pour les travailleurs. La classe ouvrière devait toujours lutter pour obliger les capitalistes à améliorer les salaires et la protection sociale, mais en plus de son organisation et de sa volonté d’action à la base, elle avait encore une autre carte en mains : l’existence du ‘‘péril rouge’’ derrière le mur de Berlin. Ces deux éléments sont aujourd’hui derrière nous depuis plusieurs décennies.
Tout d’abord, le compromis à la belge nécessitait, en réalité, d’énormes ressources dans tous les domaines : pour qu’une politique sociale puisse satisfaire la classe ouvrière, pour la coexistence de deux réseaux d’enseignement et de santé subventionnés par l’État, pour le partage du pouvoir au niveau national où chaque investissement en Flandre devait être compensé par un investissement en Wallonie et vice versa.
Ces moyens ne sont plus disponibles depuis un certain temps déjà. Pendant une période, le compromis a encore pu survivre en tant ‘‘qu’équilibre des pertes’’. De win-win, nous sommes passés à une situation de loose-loose, à une histoire faite de démantèlements équilibrés. Les négociations pour un Accord interprofessionnel (AIP) sont ainsi passées de négociations où les secteurs les plus forts tiraient les plus faibles vers le haut, à des négociations où les possibilités des secteurs les plus faibles devenaient la limite à ne pas dépasser pour les secteurs forts. Les réformes de l’État ne répartissent plus les moyens entre les unités régionales, mais bien les efforts d’austérité. Lors du démantèlement progressif de l’enseignement et des soins de santé, les différents réseaux ont été touchés en mesure égale.
Ensuite, la deuxième condition pour le développement du fameux compromis à la belge était l’existence de partis capables de l’incarner. En général, il s’agissait de tous les partis traditionnels, mais surtout de la démocratie chrétienne et de la social-démocratie, et tout particulièrement le CVP et le PS, les partis dominants dans leur zone linguistique respective, disposant par ailleurs de liens étroits avec les syndicats et les réseaux philosophiques. Aux dernières élections, le CD&V et le SP.a ont recueilli un peu plus de 25% des suffrages flamands. Le dernier sondage a encore fait chuter ce pourcentage en dessous des 20%. En Wallonie, la situation est légèrement moins critique : le PS et le CDH obtiennent encore ensemble 37% des voix, réduits à 31,5% dans le dernier sondage. Pour les quatre partis mentionnés ci-dessus, il s’agit des pires résultats obtenus depuis la Seconde Guerre mondiale. Même si on ajoute le troisième parti traditionnel – les libéraux – on n’obtient pas la moitié des voix ni en Flandre ni au niveau fédéral.
Quelles options pour un gouvernement fédéral ?
La violette-jaune ne peut pas être complètement exclue an cas de pression extérieure suffisante : avec une crise économique, des banques à sauver, des coûts sociaux qui augmentent rapidement,… Mais si le gouvernement suédois se querellait sans cesse, un tel gouvernement violet-jaune verrait vite ses différentes composantes en venir aux mains.
Un gouvernement arc-en-ciel pourrait plus facilement inventer une histoire à dormir debout pour faire avaler une poursuite de l’austérité, mais au prix du renforcement des partis nationalistes flamands. Dans ce cas, la bourgeoisie peut espérer que la N-VA se renforcerait à nouveau contre le Vlaams Belang à partir des bancs de l’opposition fédérale.
Si aucune de ces options ne s’avère possible, un gouvernement d’urgence avec un programme limité ne peut être exclu en cas d’urgence majeure. Ce qui est bel et bien exclu, c’est le retour à une politique stable de compromis !
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Catalogne: la grève générale du 18 octobre a illustré l’énorme potentiel du mouvement
Une nouvelle génération radicalisée entre en lutte pour la première fois avec le mouvement de masse, issu de la base, contre les peines de prison prononcées à l’encontre de politiciens indépendantistes catalans. Cependant, pour le moment, il manque au mouvement les structures démocratiques et le programme politique nécessaires à la construction d’une force luttant pour une république catalane indépendante et socialiste. Le potentiel pour cela est néanmoins très important.Vlad B, Socialismo Revolucionario (CIO dans l’État Espagnol), Barcelone
Une semaine de manifestations de masse à Barcelone et dans d’autres grandes villes catalanes a été couronnée par une grève générale, le vendredi 18 octobre, qui a rassemblé plus d’un demi-million de personnes lors d’un rassemblement dans le centre de Barcelone. Parmi eux, des dizaines de milliers de personnes qui, ces derniers jours, avaient marché des quatre coins de la Catalogne pour converger sur Barcelone. La grève et le rassemblement ont été remarquablement pacifiques, contrastant avec les émeutes qui ont eu lieu plus tard dans la nuit et certaines nuits précédentes. Selon la police, environ 4.500 personnes ont pris part aux émeutes, soit moins de 1% des participants au rassemblement! Cependant, les émeutes ont été massivement surreprésentées dans les principaux médias espagnols, dans le but habituel de saper la légitimité du mouvement de protestation et son soutien populaire. Néanmoins, bien que la colère qui alimente les émeutes soit compréhensible compte tenu de l’absence de direction politique au mouvement, le renforcement de la grève générale permettrait de canaliser cette colère dans un moyen de lutte beaucoup plus efficace.
La grève a été déclenchée par des syndicats indépendants, tels que la CSC-Intersindical, l’Intersindical Alternativa de Catalunya (IAC) et la CGT, avec des taux de participation significatifs dans divers secteurs: 60-80% dans le commerce, 43% dans l’enseignement public, 26,3% dans la santé, 30% parmi les fonctionnaires, 36% des travailleurs des métros et 90% des étudiants. Fait important, contrairement à la grève du 3 octobre 2017 lors du référendum, les travailleurs de l’usine SEAT, la plus grande de Catalogne, ont également déposé leurs outils de travail.
L’ampleur de cette grève est d’autant plus impressionnante que les dirigeants des principales fédérations syndicales telles que la CCOO et l’UGT ne sont pas impliquées. En effet, au lieu de soutenir cette grève, la CCOO et l’UGT ont honteusement négocié une “déclaration” avec les fédérations patronales catalanes, appelant à un “dialogue politique”. Cela reflète la capitulation des dirigeants officiels de gauche et du mouvement des travailleurs face à la question catalane. Leurs appels abstraits au «dialogue» et aux «solutions politiques» sont vains face à la répression d’un État espagnol qui a infligé des peines de prison plus longues aux élus indépendantiste qu’aux auteurs de la tentative de coup d’État militaire de 1981! C’est un État qui justifie ces lourdes peines par «l’opposition matérielle» des dirigeants indépendantistes aux institutions de maintien de l’ordre, ce qui ouvre une voie dangereuse à la criminalisation de toute future mobilisation de masse, notamment des grèves ou des occupations. C’est un État qui tire des balles en caoutchouc sur ses propres citoyens et où les membres des forces de police fraternisent ouvertement avec des voyous fascistes.
Plus fondamentalement, c’est un État qui renferme toujours au sommet une faction ultra-nationaliste et franquiste qui n’accepterait jamais une voie «institutionnelle» vers l’indépendance catalane. Ils collaborent maintenant temporairement avec le gouvernement intérimaire du PSOE, qui préconise d’encadrer les prochaines élections législatives du 10 novembre autour d’un faux sentiment d’unité nationale face à la menace séparatiste. C’est un moyen utile pour le PSOE et le reste de la caste politique de détourner l’attention des problèmes socio-économiques persistants qui touchent la majorité des travailleurs et des jeunes, y compris la baisse de la croissance économique déjà faible, de 0,6% en juin à 0,4% en septembre 2019. Ces partis tentent maintenant de se présenter comme les défenseurs de «l’unité espagnole» et de la Constitution. La classe dirigeante espagnole est en fait divisée et n’a aucune vision cohérente de la gestion de l’économie du pays. Un potentiel gouvernement d’union nationale entre le PSOE et le PP aura des fondations très instables, notamment dans la perspective d’une nouvelle crise économique.
Les tactiques nationalistes actuellement employées par les différentes sections de l’establishment risquent de se retourner contre elles. En effet, sur les lieux de travail, dans les écoles et dans la rue, les événements commencent à se dérouler selon un clivage gauche-droite qui dépasse la Catalogne: avec d’une part, des manifestations de solidarité de masse dans d’autres grandes villes de l’État espagnol, notamment à Madrid, Bilbao, Saint-Sébastien, Valence et Saragosse, où dominent les drapeaux républicains et antifascistes; d’autre part, la répression policière, les assauts fascistes et les politiciens de droite appelant à l’activation de l’article 155 de la Constitution qui suspendrait l’autonomie de la Catalogne. L’échec des dirigeants politiques de gauche est encore plus cuisant dans ce contexte de polarisation croissante. Ils adoptent une fausse neutralité au lieu de se tenir résolument du côté du mouvement de masse.
Les manifestants dans les rues de Barcelone sont conscients du caractère répressif et réactionnaire de l’État espagnol ainsi que de la faillite de la direction de gauche. C’est particulièrement le cas avec les nouvelles couches de jeunes qui entrent en lutte. Bien qu’ils soient relativement ou même complètement nouveaux dans l’activisme politique, ils ne se font pas d’illusions dans un chemin «légal» vers l’indépendance. Ils ne se font pas non plus d’illusions sur les représentants politiques de la génération des «Indignés», tels que Pablo Iglesias et Ada Colau, qui ont fait leur entrée dans la politique traditionnelle et sont devenus partie prenante du même établishment auquel ils étaient censés s’opposer. Lors d’une manifestation à Barcelone, la réception hostile des manifestants envers Gabriel Rufian, dirigeant autrefois populaire d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, parti indépendantiste de type social-démocrate) illustre le sentiment présent. Au cours des deux dernières années, son parti a adopté une vision pessimiste sur la question de l’indépendance, qu’il considère désormais comme un objectif à long terme.
Malgré son image de gauche, l’ERC fait partie de la coalition gouvernementale depuis 2018 qui, avec les libéraux de centre droit de Junts per Catalunya (JxCAT), applique l’austérité dans toute la Catalogne. La volonté d’indépendance d’une grande partie des jeunes en colère qui participent aux manifestations de masse est largement alimentée par les problèmes sociaux et économiques auxquels ils sont confrontés avec leurs familles, plutôt que par un sentiment nationaliste catalan uniquement. Comme l’a expliqué un jeune de 18 ans de Gironne à un journaliste de Público, la démocratie espagnole «est une blague et non un pays économiquement sûr. Je suis devenu indépendantiste grâce aux institutions espagnoles et non pas aux catalanes ». En effet, les syndicats indépendantistes qui ont appelé à la grève du vendredi, principalement CSC-Intersindical et IAC, ont déclaré que leur principale motivation était liée à la revendication d’un salaire minimum plus élevé et à des mesures visant à promouvoir l’égalité sur le lieu de travail.
Tout cela montre que les travailleurs et les jeunes sont de plus en plus conscients du fait que les dirigeants officiels du camp indépendantiste sont non seulement incapables de mener à bien la lutte pour l’indépendance, mais également que le type de république indépendante qu’ils envisagent est au service des élites et non des gens ordinaires. L’indépendance de la Catalogne mérite de lutter en sa faveur, bien sûr, sur la base du droit fondamental à l’autodétermination, mais surtout parce qu’elle offrirait l’occasion historique de construire un type de société différente, où les secteurs clés de l’économie sont sous propriété publique et sous contrôle démocratique de la collectivité afin de répondre aux besoins de la société.
Cependant, pour le moment, aucune organisation de masse ne défend cela vu la faillite déjà mentionnée de la direction officielle de la gauche. Il existe un vide politique évident dans le mouvement de protestation actuel, comme en témoigne le rassemblement de masse de vendredi, où les quelques groupes de gauche n’avaient aucun matériel indiquant la voie à suivre. Mais il y a un énorme appétit pour cela, surtout parmi les jeunes participants. Le mouvement manque actuellement d’un programme politique et d’une stratégie, ainsi que de structures démocratiques pour permettre le développement de ce programme et de cette stratégie. Mais les couches les plus conscientes du mouvement sont clairement assoiffées de contenu politique et de direction.
La Candidatura de Unidad Popular (CUP) doit jouer un rôle plus décisif à cet égard. Elle pourrait utiliser ses représentants élus et une base conséquente pour intervenir avec audace et œuvrer à la mise en place de comités démocratiques qui structureraient et coordonneraient le mouvement autour d’une stratégie et d’un programme radical pour l’indépendance. Socialismo Revolucionario est pleinement disposé à travailler avec tous les groupes intéressés par une telle approche, qui vise à construire un mouvement démocratique et militant luttant pour une république catalane indépendante et socialiste.
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Actions de solidarité avec le mouvement de masse en Catalogne
Des actions de solidarité avec le mouvement de masse en Catalogne ont pris place ce lundi et mardi à Bruxelles rassemblant respectivement 150 et 250 participants. Nous avons pris part à la manifestation de ce mardi qui a marché de la Commission européenne à l’ambassade d’Espagne. La colère et la combativité sont grandes suite à l’annonce des scandaleuses sentences contre les prisonniers politiques catalans.
Notre présence à été bien accueillie et plusieurs personnes nous on remercié pour notre solidarité tout en se déclarant défavorables à la présence de la N-VA dans ces actions, ce qu’elles perçoivent comme un élément étranger à leur mouvement. Contrairement à la N-VA, le PSL n’essaie pas de défendre les intérêts des capitalistes mais bien ceux des masses laborieuses. La sympathie d’une partie de la direction formelle du mouvement indépendantiste catalan pour la N-VA renforce le manque de compréhension auprès des travailleurs belges du caractère progressiste de la lutte des masses en Catalogne pour les droits démocratiques et le droit de décider de leur avenir. Le mouvement des travailleurs et des jeunes doit exprimer sa solidarité avec la grève étudiante de 72h qui débutera ce mercredi et avec l’appel à une grève générale ce vendredi en Catalogne. Le mouvement des catalans en Belgique doit s’orienter vers le mouvement ouvrier pour y chercher un appui et non pas se bercer dans de faux espoirs entretenus envers l’establishment de l’Union Européenne qui soutient la répression contre le peuple catalan.









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Deux démocraties ?

Photo : Jean-Marie Versyp Dans le cadre du capitalisme en crise, le démantèlement de la Belgique est inévitable
Le discours de Bart De Wever a été repris par les médias francophones : il y a deux démocraties en Belgique. Mais ce constat ignore les similitudes : la punition des partis au pouvoir, l’érosion des partis traditionnels (la Belgique francophone rejoignant une tendance européenne déjà bien entamée en Flandre) et la percée des partis radicaux – en d’autres termes, la déroute du centre politique.
Par Anja Deschoemacker
Mais bien sûr, on ne peut contourner le fait qu’en Flandre, la droite et l’extrême droite sont les plus grandes formations. En dépit de ses pertes électorales, la N-VA reste incontournable pour le gouvernement flamand, alors qu’en Wallonie et à Bruxelles les partis de gauche modérés et radicaux forment le groupe le plus important, le PS étant incontournable pour les gouvernements wallon et bruxellois, également en dépit de ses pertes.
S’interroger sur le choix des électeurs montrera à nouveau que la majorité des électeurs de la N-VA et du VB n’ont pas voté pour ces partis en raison de leur nationalisme flamand. Cependant, les partis nationalistes flamands ont maintenant 43% des voix, et ce sans compter les nationalistes flamands au sein du CD&V. Mais le rêve de la N-VA – parvenir à grandir jusqu’à devenir majoritaire – s’est brisé. Les nationalistes flamands modérés qui étaient prêts à mettre la question communautaire en suspens en échange d’une politique de droite thatchérienne ont perdu des voix au profit des nationalistes ‘‘durs’’ du VB. Des comparaisons sont effectuées avec la Catalogne, où le CIU nationaliste modéré bourgeois d’Arthur Mas a joué du tambour nationaliste, mais n’a pris des mesures en vue d’un référendum que lorsqu’il y a été contraint par son affaiblissement en faveur de formations nationalistes plus radicales telles que l’ERC. La manière dont la N-VA va faire face à cette pression deviendra claire dans les semaines et les mois à venir.
Comment les autres partis flamands feront-ils face à ce nouveau paysage électoral ? La réalité des régions et des communautés a déjà conduit tous les partis flamands (à l’exception du PTB) à adopter un profil ‘‘flamand’’ dans le passé. C’est encore clair aujourd’hui, par exemple dans l’appel presque unanime de la Flandre pour l’abolition des zones de police à Bruxelles et même des communes. Quel soutien apporteront-ils à des projets concrets lorsqu’ils seront mis sur la table ?
À court terme, toutes les discussions porteront sur la formation extrêmement difficile d’un gouvernement fédéral. De Wever exclut de gouverner avec PS et Ecolo et déclare en même temps qu’un gouvernement fédéral doit inclure une majorité flamande. La combinaison des deux rend impossible un gouvernement fédéral. En même temps, la bourgeoisie usera de toute son influence pour éviter une autre longue période sans gouvernement. Les partis flamands traditionnels et Groen seront-ils tentés par cette pression de constituer un gouvernement fédéral sans la N-VA? Ou vont-ils céder à la pression de la N-VA pour exclure le PS, ce qui signifierait immédiatement un nouveau gouvernement sans majorité francophone ?
Cela soulève l’autre question très importante : quelle sera la réaction en Belgique francophone ? Pour former une majorité fédérale sans le VB, il ne suffit pas de compléter le gouvernement précédent par le cdH (s’il est prêt à le faire). Peut-on acheter Ecolo/Groen avec une loi climat? Et qui fera la meilleure offre: la N-VA ou le PS ?
Sous la pression de ces résultats, un nouveau front flamand peut-il être conclu pour faire avancer la réforme de l’État dans le sens du confédéralisme ? Récemment, le CD&V s’est à nouveau exprimé en tant que sympathisant de l’idée. Ce résultat peut-il être utilisé par la bourgeoisie pour affaiblir la sécurité sociale, qui est un acquis central du mouvement ouvrier déjà mis à mal par le biais de sa régionalisation ? Si cela devient le scénario, le rêve politique de Bart De Wevers – ‘‘enfumer’’ les Wallons – deviendra réalité. Après tout, la Belgique n’est pas principalement unie par des institutions bourgeoises, mais par une véritable solidarité dans des réalisations telles que la sécurité sociale, les négociations salariales centrales, les syndicats nationaux, etc. Il ne s’agit plus seulement de ‘‘deux démocraties’’, mais aussi de ce que fera Bruxelles. Il s’agit d’une région où le peuple flamand dispose d’un droit de veto, mais où seulement 16% de la population a voté pour des listes flamandes (dont seulement 18,3% pour la N-VA et 8,3% pour le VB).
Beaucoup de questions, mais il est clair qu’avec l’affaiblissement de ses partis, la bourgeoisie a perdu encore plus de contrôle sur la situation. La seule force qui peut en prendre le contrôle en développant un programme qui réponde aux besoins de chacun est le mouvement ouvrier. Tout pas vers un nouveau gouvernement de droite doit recevoir une riposte vive des syndicats. Chaque gouvernement doit être mis sous pression par une action de masse autour de revendications centrales telles que le salaire minimum, de meilleures allocations sociales, la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire,…
Le nombre d’élus que le PTB/ PVDA a envoyé aux parlements est une bonne chose. Mais ce ne sera vraiment un grand pas en avant que si ces positions sont utilisées pour que la classe des travailleurs marque de son empreinte les développements à venir.
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Le communautaire à nouveau au frigo pour 5 ans ?
Le départ de la N-VA du gouvernement a été mis à profit par le CD&V et le MR pour annoncer qu’aucun article de la Constitution ne serait soumis à révision. Par conséquent, aucune nouvelle réforme de l’État n’est possible après ces élections. Cela n’a évidemment pas réjoui la N-VA qui a alors proposé de déclarer l’ensemble de la Constitution sujette à révision afin que toutes les options restent sur table.Par Geert Cool
Le CD&V a exprimé son soutien à l’idée d’une nouvelle réforme constitutionnelle et à une nouvelle réforme de l’État. Mais en 2024 seulement, pas maintenant. Selon le CD&V, les partis flamands devraient d’ici là élaborer conjointement de nouvelles revendications. L’Open-VLD et Groen défendent par contre le retour de certaines compétences vers le niveau fédéral, ce à quoi le CD&V s’oppose résolument (pour cajoler son aile flamingante). La N-VA y est bien entendu encore plus opposée. Le flou règne encore quant à la manière de remettre à table des revendications flamandes communes.
En l’absence d’accord sur les articles de la Constitution déclarés sujets à révision, il n’y aura pas de liste sérieuse de revendications. Cela signifie également que le Parlement ne sera pas dissous 40 jours avant les élections. Avec les vacances de Pâques, la dernière session parlementaire aurait tombé le 4 avril, contre fin avril. ‘‘Beaucoup de choses sont déjà très avancées. Mais si nous avons besoin de plus de temps pour les finaliser, nous devrions le prendre’’, a déclaré Servais Verherstraeten, chef de fraction du CD&V. L’opposition a obtenu le soutien du PS. Ahmed Laaouej a déclaré : ‘‘Nous devons nous assurer qu’il nous reste encore quelques dossiers à mener à bien. Je pense ici à la loi sur le climat.’’ Reste à voir si la N-VA sera très enthousiaste à ce sujet après le rejet de la révision constitutionnelle.
Le gouvernement minoritaire amputé de la N-VA veut garder au frigo la question communautaire pour les cinq années à venir. Cela n’empêchera évidemment pas la N-VA de jouer la carte communautaire. Le bilan socio-économique d’un gouvernement d’austérité qui laisse à nouveau un déficit budgétaire conséquent (plus de 7 milliards d’euros !) n’est évidemment pas d’une grande utilité. Les sondages actuels rendent difficile d’exclure la N-VA du gouvernement flamand. Du côté francophone, le MR et le CDH seraient les grands perdants, la formation d’un gouvernement de droite wallon ou bruxellois est très improbable. Mais aujourd’hui, des gouvernements asymétriques aux régions et au fédéral ne sont plus exceptionnels. Si la N-VA n’est présente qu’au gouvernement flamand, la pression communautaire s’en trouvera accrue. Bart De Wever deviendra Ministre-Président flamand à la place de Geert Bourgeois (N-VA), qui ira au Parlement européen pour profiter d’une belle pension.
Les statuts de la N-VA défendent l’indépendance de la Flandre, mais l’idée n’a pas un écho de masse parmi la population. Une nouvelle étude (commandée par Groen cette fois) l’a encore confirmé en mars dernier : 14% des sondés sont favorables à l’indépendance de la Flandre, soit environ autant que les 13,2% qui souhaitent un État central sans aucun gouvernement régional. Un groupe légèrement plus important de 17,3% soutient l’idée d’un État confédéral, mais la grande majorité de la population flamande veut un modèle fédéral.
Les crises politique, sociale et économique affaiblissent toutes les institutions politiques. L’imbroglio institutionnel belge s’en retrouve sous pression. Dans quelle mesure cette pression prendra-t-elle une tournure communautaire ? Cela dépendra fortement de la capacité du mouvement ouvrier de placer ses propres revendications et préoccupations au centre du débat public grâce à un mouvement de lutte pour défendre ses acquis.
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Pour une république catalane des travailleurs et du peuple !
Le procès des prisonniers politiques accusés d’avoir organisé le référendum du 1er octobre souligne une fois de plus le caractère antidémocratique et réactionnaire de l’État espagnol et la décision du gouvernement du PSOE de ne pas tenir compte des aspirations démocratiques du peuple catalan.Esquerra Revolucionària, Etat Espagnol
En sautant dans le train du nationalisme réactionnaire espagnol, le PSOE a été le plus ardent défenseur du régime monarchique de 1978.
Liberté pour les prisonniers politiques !
Le bureau du procureur général et le bureau de l’avocat général nommés par le gouvernement de Pedro Sánchez ont non seulement soutenu les arguments des procureurs du PP [Parti populaire] – considérant l’exercice du droit de décider par référendum démocratique un crime – mais aussi les peines appliquées par la Cour suprême pour les personnes poursuivies – entre 7 et 25 ans de prison, ainsi que les autres peines, dont la radiation du mandat de la Cour.
Ces décisions ont scandalisé les avocats et les organisations de défense des droits de l’homme dans le monde entier. Le PP et le Cs (Cuidadanos) ont donné le feu vert mais le gouvernement de Pedro Sánchez restera dans l’histoire comme le gouvernement qui a permis l’exécution de ce jugement politique, semblable à ceux organisés par la dictature franquiste.
Nous sommes confrontés à une véritable farce judiciaire. Le verdict est déjà décidé et le seul objectif est d’envoyer un message aux millions de personnes qui ont voté pour la république le 1er octobre.
Cela s’adresse aussi à tous ceux qui, à l’intérieur et à l’extérieur de la Catalogne, luttent contre le régime de 78. Une attaque d’une telle ampleur ne peut être résolue que par une mobilisation massive dans les rues comme celle qui a paralysé la Catalogne les 1er et 3 octobre 2017.
La meilleure façon d’assurer que la grève générale convoquée pour le jour du début du procès (ainsi que la mobilisation de masse pour la liberté des prisonniers politiques et la reconnaissance de la république) atteigne ses objectifs est de lier ces revendications à la lutte contre les coupes budgétaires, les évictions, la pauvreté énergétique, contre le machisme, la justice patriarcale, la discrimination raciale, la lutte pour des conditions décentes, la défense des salaires plus favorables et un système de qualité dans le domaine de la santé et de l’enseignement.
Cela élargirait la bataille pour inclure non seulement ceux qui luttent pour les droits démocratiques nationaux et la république, mais aussi les jeunes et les travailleurs qui rejettent Vox, PP et Cs, et qui ne font pas confiance au gouvernement du PSOE, mais qui restent suspicieux du processus en raison des politiques de coupes, privatisations et attaques contre leurs droits, mises en œuvre depuis des années par la droite catalane du CiU, maintenant connu comme PDeCAT, et même par les dirigeants sociaux-démocrates du ERC au gouvernement.
Pour un front uni de la gauche en faveur de la lutte.Luttons pour la république avec un programme socialiste !
Le gouvernement dirigé par Torra, le PDeCAT et de nombreux dirigeants d’Esquerra, réclament la liberté des prisonniers politiques dans leurs discours et appellent à l’unité afin de faire avancer la république sous une forme abstraite.
Dans la pratique, cependant, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la croissance du mouvement de masse dans les rues.
Leur objectif est de parvenir à un accord avec Pedro Sánchez et les dirigeants du PSOE et bien qu’ils aient clairement indiqué qu’ils considéraient le droit à l’autodétermination comme non négociable, ils autorisent la poursuite de la répression engagée par le PP.
Une grève générale réussie pour la liberté des prisonniers et la reconnaissance de la république, liée à un plan de lutte soutenu pour atteindre ces objectifs, aurait un impact énorme sur le contexte social actuel.Un contexte marqué par la grève générale féministe imminente et les manifestations du 8 mars, qui seront de nouveau massives, et par le fait que de plus en plus de travailleurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Catalogne, tirent la conclusion que face aux promesses vides du PSOE et à la menace d’un gouvernement de PP-Cs soutenu par Vox, la seule alternative consiste à descendre dans la rue et à unifier les luttes pour tous nos droits et revendications, contre toute oppression : sexe, race, national, classe…
Il est donc essentiel de construire un seul front de gauche : CUP, CDRs, syndicats alternatifs, la base de l’ANC et Òmnium, les sections de Podemos et Catalunya in Comú.µ
Tous doivent être prêts à lutter pour la république aux côtés des organisations féministes et étudiantes…. Un seul front qui peut écarter les éléments de droite du mouvement qui veulent freiner le combat.
Nous devons armer le mouvement avec un programme socialiste. La république catalane pour laquelle nous luttons n’est pas une république où tout reste inchangé, la république pour laquelle nous luttons est une république socialiste des travailleurs et du peuple, qui apporte une véritable libération nationale et sociale et met un terme à tous les maux et formes d’oppression que le capitalisme nous impose dans la société.
Avec Esquerra Revolucionària (gauche révolutionnaire catalane), nous soutenons cette grève et appelons à une mobilisation aussi large que possible, déterminée et étendue.
Les dirigeants de l’ANC et de l’Òmnium, ainsi que ceux des syndicats comme IAC, CGT, COS…. doivent également soutenir cette initiative et y mettre tous les moyens nécessaires pour assurer un appui maximal.
En même temps, les dirigeants du CCOO et de l’UGT de Catalogne doivent être contraints d’arrêter de détourner le regard, ils doivent rompre avec leur politique de pactes et se joindre sans équivoque à l’appel à la grève générale et à la lutte pour la défense des droits démocratiques, notamment la reconnaissance de la république pour laquelle les Catalans ont voté le 1er octobre.
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“1968 – L’année qui n’en finit pas” (Paul Goossens)
Ce livre est sorti au beau milieu de la tentative de la N-VA de revendiquer le mouvement ‘Leuven Vlaams’, 50 ans après les faits. L’auteur, Paul Goossens, fut à la tête du mouvement ‘Leuven Vlaams’ et plus tard rédacteur en chef du quotidien ‘De Morgen’. Il est le seul à recevoir un forum dans les médias flamands pour répondre à la N-VA. En décrivant le mouvement et le rôle que le Mouvement Flamand (dont la N-VA est l’héritière) n’a pas joué, Goossens va à l’encontre de la falsification historique de Bart De Wever.Par Anja Deschoemacker
Goossens montre à quel point le slogan ‘‘Walen Buiten’’ (les Wallons dehors) – systématiquement utilisé dans la presse francophone pour décrire le mouvement ‘Leuven Vlaams’ – était celui de la première phase, non massive, de la lutte. Cette dernière était à ce moment-là dominée par les étudiants et les professeurs nationalistes flamands ‘‘folkloriques’’. Ce slogan a été mis de côté par le mouvement et activement combattu pour ne plus apparaître que sporadiquement dès 1967.
Les conclusions du livre à propos de l’héritage de Mai 68 sont toutefois très limitées et – c’en est presque pénible – restent cantonnées au sein du cadre capitaliste. De plus, c’est un livre de type journalistique, pas un manifeste politique. L’écrivain est à son apogée lorsqu’il décrit avec animation comment, pour les étudiants, il était question de bien plus que d’exigences linguistiques, qu’il s’agissait, au contraire, d’une volonté de changement social profond. À ce sujet, un reportage de 2008 de la RTBF comprenant des interviews détaillés de Paul Goossens vaut également la peine. Malheureusement, la conclusion implicite semble être que cet appel au changement social était naïf et utopique.
Tandis que Ludo Martens créait avec la majorité des dirigeants du SVB (syndicat étudiant) le parti Amada, un groupe maoïste sectaire qui deviendra plus tard le PTB, Paul Goossens s’est éloigné des idées socialistes qu’il considère comme appartenant à l’idéologie totalitaire du siècle dernier. Le socialisme se limite à ses yeux à l’Union soviétique stalinienne bureaucratisée ou à la Chine. Cela fait de lui un réformiste obstiné, avec toutes les limitations qui en découlent.Son évaluation du mouvement ‘Leuven Vlaams’ et de Mai 68 se limite donc à l’idée qu’il s’agissait d’un dernier soubresaut des Lumières. Il entretient l’illusion que la véritable ‘égalité, liberté et solidarité’ serait possible sans un changement fondamental de la société, sans une révolution socialiste. Paul Goossens ne le dit pas explicitement mais, en insérant Mai 68 dans le cadre des Lumières, il reste expressément dans le carcan du capitalisme. Il s’en tient à un combat pour un capitalisme démocratique. Nous pensons au contraire que la révolte massive des années 1960 qui a duré jusqu’au milieu des années 1970 faisait partie de la lutte pour le socialisme.
C’est un mouvement qui diffère fondamentalement des vagues révolutionnaires précédentes (la Révolution russe, allemande ou espagnole, la grève générale insurrectionnelle de ‘60 -’61 en Belgique,…) en ce sens que les partis dominants de la classe ouvrière – aussi bien la social-démocratie que les partis communistes – n’avaient aucun contrôle sur le mouvement et s’y opposaient largement. La critique de ces partis par les étudiants en révolte fut donc vive, entre autres à propos de leur rôle dans le colonialisme et leur attachement aux États-Unis (dans le cas de la social-démocratie).
L’absence totale d’orientation donnée par les organisations ouvrières établies (le PSB, les syndicats et le Mouvement ouvrier chrétien) participe à expliquer que les idées des militants étudiants allaient alors dans tous les sens. La manière spécifique dont la révolution coloniale s’est déroulée, le développement de la méthode de guérilla, la Révolution culturelle en Chine,… tous ces courants avaient un attrait pour les jeunes de gauche. Amada (qui deviendra plus tard le PTB) fut l’expression organisationnelle la plus importante de Mai ‘68 en Flandre, bien qu’Agalev (l’ancêtre de Groen) puisse également être considéré comme une pousse plus tardive du mouvement.
Paul Goossens n’aborde pas la position des partis révolutionnaires de l’époque, aussi mal préparés que les étudiants et bercés d’illusions vis-à-vis de Tito, Mao et Castro. Ils avaient perdu leur orientation vers la classe ouvrière de leur propre pays. Cela ressort également de l’article du ‘Solidair’(1) dans lequel Herwig Lerouge, ayant fait partie du groupe d’origine autour de Ludo Martens et Paul Goossens à la tête du SVB, décrit le mouvement ‘Leuven Vlaams’. Le lecteur intéressé peut en savoir plus à ce sujet grâce au livre d’Eric Byl ‘‘Le PTB et le PSL, différences et points de rencontre possibles dans la construction d’une alternative politique.’’
Beaucoup de remarques donc, mais l’ouvrage permet d’appréhender ce qui s’est passé à l’époque et de s’armer pour contrer les tentatives de récupérations des événements par la N-VA. Mais, pour des leçons plus poussées, il faut chercher ailleurs.
(1) Solidair (version néerlandophone du magazine du PTB) : “Mei ’68 – De Commune van Leuven, Solidair, mai-juin 2018.