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  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Quatrième partie)

    Dans cette partie, nous analysons les propositions à l’approche des négociations pour un accord interprofessionnel. Nous soulevons les difficultés pour boucler les budgets de 2008 et de 2009, qui devraient être finalisés le 14 octobre. Dans la dernière partie, nous révélons les drames sociaux déjà présents même avant que la crise se soit étendue à l’économie réelle.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    Handicap salarial ?

    112. Mais d’où vient alors cette ténacité chez les travailleurs à se mettre tout de même en action ? C’est vrai que nous n’avons pas encaissé les profits des entreprises, les dividendes des actionnaires ou encore les augmentations salariales des managers, mais nos salaires augmentent quand même plus vite que dans les pays voisins, n’avons-nous pas un handicap salarial ? Notre salaire horaire nominal a été relevé de 7,5% en 2007 et 2008, largement plus que la norme salariale de 5,1% que les syndicats avaient eu dans l’accord de février 2007. (1) Mais avec les statistiques, tout peut être prouvé. Le chiffre du Bureau du Plan de 2007-2008 est une estimation. En outre, le Bureau du Plan s’attend à une inflation de 6.5% pour la même période. Après déduction de l’inflation, il ne reste donc que 1% d’augmentation salariale. Cela doit représenter aussi bien l’augmentation de la productivité que les glissements des salaires et les augmentations barémiques. La Banque Nationale estime que l’augmentation de la productivité en 2007 a été plus basse que 1%, et ce pour la première fois depuis 2001. Elle estime le glissement des salaires sur 1% cette même année, c’est le phénomène d’augmentation du salaire moyen par le fait que le nombre d’emplois non qualifiés diminue pendant que le nombre d’emplois qualifiés augmente. (2) De plus, il s’agit ici de moyennes qui sont déformées par certaines catégories.

    113. En août, le Bureau du Plan a dégagé des chiffres qui donnent le vertige. Les salaires bruts réels, adaptés à l’inflation, des ouvriers masculins dans l’industrie auraient, dans le meilleur cas, diminués de 2.6% de juillet 2007 à juillet 2008. (3) Cela confirme une étude similaire précédente du Bureau du Plan en février de cette année, lorsque les salaires bruts réels de ces mêmes travailleurs avaient, à ce moment là, diminué de 2% sur base annuelle. (4) Les chiffres de la Banque Nationale ont confirmé que cette tendance valait aussi pour les employés et les ouvriers des autres secteurs. Comme raison principale, le Bureau du Plan met en avant l’index santé. Pourtant, déjà avant, la situation n’était pas positive. Fin 2007, il semblait déjà que « le paiement des salariés belges », le salaire, y compris les cotisations sociales, était pour la première fois depuis ’71 en dessous de 50 % du PIB. (5) Dans sa réaction, Cortebeeck, le président de la CSC, avait dit: “cela ne peut pas durer”, tandis que Rudi Thomaes de la FEB avait qualifié ces chiffres de “purement symboliques”.

    114. Des études ont paru, pour un oui ou pour un non, afin d’affirmer que les coûts salariaux belges déraillent, que le handicap du coût salarial augmente, etc. La plupart du temps, ce sont des études de l’OCDE qui reçoit ses chiffres des gouvernements nationaux qui, eux, les reçoivent des patrons. Selon la FEB, le handicap salarial s’élève à 12%. On se demande alors comment la Belgique reste un pays si attractif pour les investisseurs. Un coup d’oeil sur les frontières nous l’explique rapidement. Il semble que dans les pays voisins, on raconte les mêmes histoires. Le but de l’OCDE, des gouvernements nationaux,… n’est jamais de parler des salaires à voix haute, au contraire. La Banque Nationale est toutefois, elle, obligée de publier les chiffres réels. Il semble dès lors que les coûts salariaux par heure de travail dans le secteur privé, entre 1996 et 2007, ont diminué en Allemagne de près de 10%, en Belgique de 1% et a augmenté en France et au Pays-Bas de, respectivement, 6% et un peu plus de 15%.(6) La fête en Allemagne se prolonge d’ailleurs jusqu’à la fin. IG-Metall, le syndicat faisant autorité dans toute l’Europe avec ses 3.5 millions de membres, a exigé cette année 8% d’augmentation, revendication la plus élevée depuis 16 ans. Aujourd’hui, près de la moitié a été obtenu, mais cela aurait pu se finir autrement.(7)

    115. Il n’est donc pas étonnant que les attaques du président de la BCE Trichet sur l’indexation aient peu impressionné.(8) Les patrons ne sont pas réellement chauds pour une confrontation là-dessus, mais avec une adaptation de l’index à la fin 2007, deux fois en 2008, et probablement encore une fois dans la première partie de l’année 2009, l’avidité patronale peut être stimulée. Lorsque Thomas Leysen est devenu président de la FEB, qui selon lui représente 33.000 entreprises, il a déclaré : « il faudra bien que quelque chose se passe. » (9) Guy Quaden, gouverneur de la Banque Nationale, a suggéré une indexation en chiffres absolus plutôt qu’en pourcentage. De cette manière, les revenus les plus élevés feraient des économies sur l’indexation. Les syndicats ne sont pas tombés dans le piège. Luc Cortebeeck a répondu : « En tirant une partie de l’index à celui qui gagne un peu plus, on mine la portée de tout le système. » (10)

    Un accord interprofessionnel en fin d’année

    116. Contrairement à ce que les patrons suggèrent tout le temps, le travailleur belge n’a rien à se reprocher. A chaque fois, il apparait qu’il se trouve au top de la productivité. En terme de valeurs produites par heure de travail, avec une moyenne de 53,4$ par heure, il ne laisse passer devant lui que les travailleurs luxembourgeois (71,3$) et norvégiens (53,5$).(11) En Norvège, c’est principalement dû au secteur pétrolier. Les travailleurs américains (52,3$), néerlandais (52,2$), allemands (49,3$), français (51,3$) et surtout japonais (37,5$) sont tous moins productifs. En termes de valeur produite par travailleurs, les belges sont « seulement » à la cinquième place. C’est parce que les travailleurs belges travaillent en moyenne 1.610 heures par an, les américains 1.785 et les irlandais 1.870. Les néerlandais, par contre, travaillent en moyenne 1.413 heures, les français 1.559 et les allemands 1.432. (11)

    117. Mais pour certains, ce n’est jamais assez. Le provocateur Van Eetveelt, d’Unizo, ne nous a pas réellement surpris lorsqu’il a prétendu qu’il n’y aurait pas d’espace pour des augmentations salariales. « Ce serait déjà tout un art de pouvoir sauvegarder notre système d’indexation. » Pour la diminution des charges par contre, il voit encore quelques possibilités. (12) Son rêve ? « Travailler 6 jours, pas d’augmentation. Pourquoi ne pas augmenter la semaine de travail de 38 à 48 heures ? Pendant des périodes chargées, on doit pouvoir prester plus. » (13) Ainsi, Van Eetvelt joue son rôle classique : il lance des pistes là où d’autres n’osent pas se prononcer. La FEB va aussi aux négociations pour l’accord interprofessionnel avec des mots d’ordre clairs. Ils en ont 5 : le pouvoir d’achat n’est pas un problème, les salaires sont trop élevés, le marché du travail n’est pas assez flexible, les belges travaillent trop peu et les autorités n’ont pas une vision à terme car malgré l’augmentation de l’espérance de vie, les carrières restent trop courtes. Peter Timmermans, directeur général, rajoute que les négociations d’un accord seront plus difficiles que jamais.

    118. Il y a déjà quelques années que nous disons que les petites et moyennes entreprises de livraison seront très vulnérables dans le cas d’une récession. Les 8 premiers mois de 2008, on comptait déjà 5.191 faillites, 8,3% de plus qu’en 2007 et nous sommes sur la voie de casser le record de 2004 de 7.935 faillites. Ces faillites ont entrainé la perte de 12.000 emplois, il s’agissait surtout de petites entreprises. L’assainissement du groupe pharmaceutique UCB où 555 emplois sont menacés à Bruxelles et à Braine-le-Comte, n’en fait pas partie. Il ne s’agit pas d’une faillite. Mais c’est bien un affront pour le gouvernement wallon, puisqu’il appartient au secteur de pointe du plan Marshall. La plus grande augmentation des faillites s’est produite à Bruxelles (+20%), en Wallonie (+10%) et beaucoup moins en Flandre (+1,4%) où 2.387 faillites ont néanmoins été enregistrées. Mais tout ceci avant que la récession n’ait réellement commencé. (14)

    119. En septembre, une accélération s’est produite aussi en Flandre. Déjà avant l’été, Beekaert avait fermé sa production de cables d’acier à Lanklaar : une perte de 136 emplois. En été, Punch International a fait de même avec son usine d’enjoliveurs à Hoboken : -315 emplois. En septembre, Barco a décidé de railler 113 emplois dont 2/3 en Belgique. Ce même mois, Picanol a annoncé la perte de 190 emplois à Ypres. L’entreprise de textile Beaulieu restructure à Wielsbeke, -209 emplois et ferme sa filiale à Ninove, -178 emplois. Chez Gilbos à Herdersem, construction de machines de textile, 48 emplois disparaissent en conséquence du démantèlement d’activités de livraison. Domo Gand ferme sa filiale Cushion Floor à Zwijnaarde, 91 ouvriers et 47 employés perdent leurs emplois. En termes de faillites, il y a la fermeture d’UCO-Gand, -400 emplois et du fabricant de meubles Sint-Jozef à Aarschot, -33 emplois. Tout cela seulement en septembre 2008.

    120. Pour le patronat, c’est la situation rêvée pour faire monter la pression et se débarrasser de personnel superflu. Probablement espère-t-il effrayer les travailleurs et en même temps procurer une arme pour paralyser la base aux amis secrétaires syndicaux, tels que Herwig Jorissen de la centrale des métallos de la FGTB qui vient d’être divisée sur base communautaire. Bien que la vague de faillites pourrait provoquer des doutes pendants quelques semaines, nous ne croyons pas que cela va paralyser le mouvement des travailleurs. L’appel confus de la FGTB pour une journée d’action le 6 octobre l’exprime. Les différentes centrales interprètent la situation de manière différente.

    121. Certains plaident à juste titre pour démarrer la mobilisation par une manifestation nationale. Le 25 septembre déjà, les travailleurs des autorités locales et régionales de Bruxelles ont bloqué toute la ville par des blocages filtrants. A Belgacom, les trois syndicats ont organisés une assemblée commune pour la première fois en 40 ans. (15) Dans la centrale des métallos de la FGTB Wallonie et Bruxelles, on voulait partir immédiatement en grève durant 48 heures, entrainant le danger d’être trop en avance sur la conscience qui vit dans d’autres secteurs. La Centrale Générale et le Setca ont plaidé pour organiser d’abord une manifestation nationale. A De Lijn et à la STIB, on a pratiquement immédiatement commencé à organiser la journée de grève du 6 octobre. En Flandre orientale, en préparation, des assemblées interprofessionnelles sont organisée. A Anvers, on veut organiser un blocage filtrant du port. Cette situation chaotique va restaurer l’atmosphère d’action qui existait avant l’été et préparer les forces pour une confrontation à l’approche des négociations sur l’accord interprofessionnel (AIP).

    122. Dans les appareils syndicaux, la contradiction sera poussée jusqu’au bout entre ceux qui veulent totalement atomiser le mouvement et rêvent probablement déjà d’une carrière ailleurs, et d’autres plus sensibles aux pressions de la base et veulent le refléter même si ce n’est que de façon très limitée. Les parties plus radicales des organisations patronales (Voka, Unizo, VKW, Agoria) vont vouloir se baser sur cette contradiction pour lancer des revendications de plus en plus osées et aboutiront probablement à un discours très communautaire. Les parties plus intelligentes du patronat, le sommet de la FEB, reflèteront de temps en temps la pression de ces fragments radicaux et l’utiliseront lorsque cela leur conviendra, mais essaieront en général de temporiser pour permettre aux dirigeants syndicaux de ne pas perdre leur contrôle sur la base et pour permettre aux politiciens de rétablir la stabilité.

    123. Il y a probablement une partie des organisations patronales qui estime ne pas avoir besoin d’un accord interprofessionnel. Les grosses entreprises et leurs représentants, par contre, considèrent un accord interprofessionnel comme un instrument pour freiner une vague d’actions et de grèves dans les secteurs et entreprises et seront probablement en faveur d’un accord même si cela exige des concessions limitées. Mais un des problèmes, c’est que le gouvernement ne dispose pas de moyens pour aider à venir à un accord avec des moyens supplémentaires.

    La création d’un budget

    124. Le gouvernement a d’ailleurs un gros problème. Après s’être chamaillé pendant 15 mois sur le communautaire, il doit toujours faire aboutir son premier budget. Le précédent, était a à l’époque été fait par les ministres de la violette. Le fait que Melchior Wathelet, le ministre du budget sous Leterme Ier, soit devenu le « secrétaire d’Etat au Budget », alors qu’il est en plus responsable de la politique des familles, était déjà un signe. Avec Reynders sur les finances, c’est fatal, celui-ci s’est de nouveau trompé dans ses comptes. Selon le service d’étude des finances, les impôts en 2008 rapporteront 1,1 milliards d’euros en moins que prévu lors du contrôle budgétaire de juillet.(16) Ce sont surtout les revenus de la TVA, et les précomptes professionnels, qui ont été décevant, l’un à cause de l’affaiblissement de la consommation, l’autre à cause des diminutions de charge sur les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe. Mais pour Reynders, un déficit de -0,3% n’est pas problématique. Cela pourrait d’ailleurs devenir -0,5%. La contribution de Suez de 250 millions d’euros n’est toujours pas réalisée et celle du gouvernement flamand, presque 400 millions d’euros, ne rentrera pas puisqu’il n’y a pas encore de réforme d’Etat.

    125. La construction d’un budget pour 2009 sera encore plus difficile. Pour le Bureau du Plan, la croissance diminue jusqu’à 1,2% et si la politique appliquée n’est pas changée, il faudra au moins trouver 5 milliards pour arriver à un équilibre. De plus, le gouvernement a promis de lier les allocations au bien être (200 millions en 2009), de diminuer encore les charges sur les entreprises et de réaliser une marge de 0,3%. (17) Leterme prétend chercher 5 milliards, mais selon Knack et Trends, il devrait en trouver 7. Le 14 octobre, il doit prononcer son discours sur sa politique dans le parlement fédéral. Luc Coene, vice-gouverneur de la Banque nationale, de cachet VLD, a lancé déjà quelques pistes début septembre. « Les années précédentes, les dépenses sociales ont connu une croissance de 2,3% du PIB de plus que prévu. Ce rythme de croissance des dépenses doit diminuer. » Il trouve aussi que « les dépenses publiques doivent être tenues sous contrôle. »

    126. Coene ne veut évidemment pas dire que le gouvernement doit quitter sa politique de baisse des charges. Evidemment non, car il prétend que « Après la suède, la Belgique est toujours à la deuxième place sur le plan mondial en ce qui concerne la pression fiscale. » Que faut-il alors ? Voici une sélection du Standaard. Celui-ci titre le 6 mai 2008 : « 40% des fonctionnaires partent en pension d’ici 5 ans ». Le 22 mai, « remplacer seulement un fonctionnaire sur 3 ». Le 26 juin, « Avec 72.000 fonctionnaires de moins, cela marche également ». Finalement, Van Eetvelt a écrit dans une carte blanche à la presse : « L’Etat doit vivre selon ses moyens, comme toute entreprise ». Qui vient de décider que l’Etat est une entreprise ? Il ne le mentionne pas. Pour Van Eetvelt, les dix prochaines années, 11.000 fonctionnaires peuvent disparaitre, et ceci sans bain de sang social et sans diminuer l’efficacité des autorités. Ainsi Van Eetvelt veut répondre à quelques experts financiers qui venaient de déclarer il y a quelques jours qu’ils ne croient pas en des économies sur les fonctionnaires et les soins de santé. (18)

    127. Selon ces experts, une économie sur les 80.000 fonctionnaires fédéraux ne rapporte que très peu. Le gros des coûts salariaux se trouve d’ailleurs dans les communautés et les administrations locales. Ils disent ne pas conseiller d’économiser sur les enseignants. Et évidemment, Van Eetvelt et compagnie ne sont pas d’accord. Ils savent aussi qu’une entreprise sur trois est en infraction selon l’inspection sociale (19), que l’administration fiscale est en manque systématique de personnel. Ne plus remplacer les fonctionnaires fédéraux qui partent en pension signifie parallèlement l’érosion de services publics gênants tels que l’inspection sociale et la lutte contre la fraude fiscale. En ce qui concerne l’enseignement, Van Eetvelt et compagnie ont leur réponse : l’immigration économique, c’est meilleur marché. Avec la ministre Open-VLD Turtleboom, ils ont installé une dame de fer sur cette matière.

    128. Les spécialistes trouvent aussi que faire des économies sur les soins de santé est irréaliste. « A cause du vieillissement, les dépenses pour les soins de santé croissent systématiquement ce qui rend difficile d’économiser. » Marc Devos, du groupe de réflexion ultralibéral Itinera, totalement hors de soupçon d’une quelconque sympathie de gauche, dit que les soins de santé sans réforme vont directement vers des déficits. Ce que les patients paient pour les soins de santé a augmenté systématiquement contre la tendance européenne et ceci pendant que la qualité a systématiquement reculé. L’OCDE place nos soins de santé à la 18e place (sur 26) en termes de performance. Le nombre de soins prestés est bon mais les résultats sur la santé, tels que l’espérance de vie, la mortalité infantile, les décès dus à des cancers guérissables,… tirent notre système vers le bas. Aux USA, au Canada, en Suisse, en Espagne et au Portugal, les patients eux-mêmes paient une plus grande partie de soins de santé. Pourtant, Itinera plaide pour une limitation de la croissance du budget : « Puisque, autrement, la volonté de réforme n’est pas stimulée. »

    129. Van Eetvelt a calculé qu’en diminuant la norme de croissance de 4,5 à 2,8% en 2009, 365 millions d’euros peuvent être économisés sur les soins de santé. « Sans problème pour la santé de la population », ajoute-t-il. Sur le terrain, on n’en est pas convaincu. Là, on montre du doigt le fait qu’il faut tenir compte des développements techniques et scientifiques. Les prothèses des genoux, des hanches, ou les opérations de la cataracte sont heureusement devenus beaucoup plus accessibles qu’à la fin des années ‘80, mais la facture augmente. La norme de croissance actuelle menace d’ailleurs tout le secteur. Des hôpitaux se plaignent de déficits structurels. A Bruxelles, plusieurs hôpitaux sont au bord de la faillite. Au rythme actuel, on évolue de plus en plus vers des soins de santé à 2 vitesses, avec des soins de base pour ceux qui ne peuvent plus se le permettre. On fait d’ailleurs appel de plus en plus à des aides soignants mal payés et la charge du travail est systématiquement augmentée.

    130. Où les experts voient-ils alors les possibilités pour équilibre le budget ? « Du côté des revenus, il y a encore des possibilités. C’est déjà la deuxième année consécutive que les revenus des impôts sont en retard de 1 milliards sur le schéma. Avec plus de contrôle, une partie du problème budgétaire serait résolu. » Et plus encore : « Le gouvernement fédéral doit quitter les recettes classiques et taxer le capital. » La crise de crédit internationale et l’indignation généralisée sur l’avidité d’une infime minorité aux dépend de la grande majorité de la population traversent toute la société. C’est ce qui explique le sens soudain des réalités de quelques experts qui voient dans l’avidité de Van Eetvelt et compagnie une menace pour la légitimité du système de profits. Nous sommes ici témoins d’un phénomène classique, c’est-à-dire que la révolution se manifeste d’abord au sommet de la société et non comme on le pense souvent à la base de celle-ci.

    131. Pour la majorité des stratèges (petits-) bourgeois et leurs marionnettes politiques, le danger n’est aperçu que lorsqu’il se trouve déjà sous leur nez. En général, ils y ajoutent encore une cuillère. En juin encore, le VLD a revendiqué une baisse des charges à hauteur de 4,4 milliards d’euros. Au niveau de la Flandre, le VLD voulait en plus une diminution de taxe, de ce que l’on nomme le job-korting, à la hauteur de 600 euros, une diminution de l’impôt des sociétés à hauteur de 350 millions d’euros et une augmentation de l’exonération des précomptes professionnels sur le travail de nuit et d’équipe de 10,7 à 15,6%. Finalement, le VLD veut aussi de plus grands avantages fiscaux pour des heures supplémentaires.(20) A la fin de février 2009, tous les flamands qui ont un travail recevront une diminution de taxe de maximum 300 euros, avec un maximum de 600 euros par foyer. Cette diminution ne sera cette fois pas éparpillée sur les 12 mois, mais calculée dans le précompte professionnel sur le salaire de février, trois mois avant les élections. « De cette manière, la diminution est visible pour chaque flamand. »

    132. Sur le plan fédéral, le VLD a aussi un liste de revendications : activation plus intensive des 50 ans et plus, réduction des termes d’invitation des chômeurs à un entretien de contrôle, dégressivité des allocations, remplissage plus souple de la semaine de 38 heures et immigration économique. Et, enfin, l’Open-VLD veut s’attaquer aux fraudes sociales. Selon Rik Daems, on peut aller y chercher 3 milliards d’euros, ce qui n’est pourtant qu’un dixième de la fraude fiscale estimée dans une étude de Mc Kinsey et de la VUB à 30 milliards d’euros annuellement. Daems ne vise évidemment pas les cotisations sociales non payées par les patrons, ni les heures supplémentaires payées en noir ou les patrons qui emploient illégalement des travailleurs. Il vise exclusivement ceux qui combinent une allocation avec un peu de travail en noir à gauche et à droite. Selon la criminologue de l’ULB Carla Nagels, Daems a une vision extrêmement libérale de la lutte contre la fraude sociale.

    Drame social en construction

    133. Daems et compagnie sont à peine capables de s’imaginer ce qui pousse des gens à accepter du travail au noir, pour autant que ça les intéresse. Dans une étude pour l’institut du développement durable, Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur, est venu à la conclusion que de plus en plus de familles refusent dorénavant de prendre en charge leurs enfants. Un jeune de moins de 25 ans sur vingt est dépendant d’une allocation du CPAS.(21) Le nombre de personnes dépendantes d’un revenu d’insertion sociale a augmenté de 75.400 en 2005 à 82.000 en janvier 2008.(22) Un belge sur 7 (14,7%) a un revenu inférieur à 60% du revenu médian, le seuil de pauvreté officiel. Celui-ci est de 860€ pour une personne isolée et de 1.805€ pour une famille avec deux enfants. (23) En Wallonie, ils sont 17%, en Flandre 11,4%. Le salaire minimal est de 1.355,78€ brut. 260.000 belges combinent deux ou plusieurs emplois. Selon Elsy Verhofstadt, chercheur à la RUG, ils le font principalement « pour pouvoir gérer les prix de mazout, d’immobilier ou de nourriture. » (24)

    134. Les propositions du VLD pour augmenter la politique d’activation et pour la dégressivité des allocations arrivent à un moment où une personne sur 8 en Belgique vit dans une famille sans emploi. En Europe (27), seules le Royaume-Uni et la Hongrie font un plus mauvais score sur ce plan là. 16% des européens vivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté, dont la moitié fait partie d’un foyer où au moins une personne travaille. Le phénomène du « travailleur pauvre » se produit donc aussi en Europe.(25) Depuis 2004, 12.516 chômeurs se sont vus suspendre leurs allocations, dont 3.605 définitivement, les autres temporairement, en général pour 4 mois. Plus de la moitié des suspensions ont été faites sur la seule année 2007 ! En Flandre, on laisse sousentendre systématiquement que la politique d’activation en Wallonie et à Bruxelles serait appliquée de manière insuffisante. Pourtant, bien que la Flandre compte 32,96% des chômeurs au niveau national, « seulement » 28,63% des suspensions y ont été appliquées. La Wallonie, avec 49,62% des chômeurs, compte 50,02% des suspendus. Pour Bruxelles, 17,42% des chômeurs et 21,35% des suspendus. (26)

    135. On aurait l’impression que le chômage n’est pas vraiment un problème, à l’exception de quelques profiteurs acharnés. En 2007, 116.000 emplois auraient été créés. Le nombre total de travailleurs est de 4,4 millions contre 3,6 millions au début des années 80. Nous avons toujours dit que des bons emplois étaient remplacés par des mauvais, des emplois flexibles, partiels et temporaires, évidemment aussi avec un salaire bas et partiel. De plus, la majorité de ces emplois font partie de ceux qui sont payés avec des moyens publics tels que les chèques-services. Selon l’enquête des forces de travail (EFT) du service public fédéral, 3,9% de la population active en Flandre était sans emplois, 10,3% de celle en Wallonie et 16,3% de celle à Bruxelles. Les chiffres d’EFT utilisent la définition de sans-emploi du Bureau International du Travail et sont plus bas que ceux de l’ONEM. (27)

    136. En 1964, le nombre d’heures de travail prestées annuellement en Belgique a reculé pour la première fois en dessous de 8 millions, en 1973 en dessous de 7 millions. En 1964, cela se faisait avec 3.740.000 travailleurs, en 1973 avec 3.777.000 travailleurs. C’était la conséquence de la réduction du temps de travail arraché par la lutte des travailleurs. En 1999, nous étions pour la première fois plus de 4 millions de travailleurs et ensemble nous avons presté 6,5 millions d’heures de travail. Ce n’était plus le résultat d’une lutte pour une réduction du temps de travail, mais plutôt de l’augmentation de l’emploi à temps partiel jusqu’à 19,5%. En 2007, 4.337.000 travailleurs, dont déjà 23,7% à temps partiel, ont presté 6,9 millions d’heures de travail, fortement moins que pendant les golden sixties. (28) A cette époque, un salaire par foyer suffisait pour s’en sortir, aujourd’hui c’est devenu intenable. Surtout ceux qui gagnaient le moins dans le foyer, sont obligé de combiner l’entretien de la famille avec un emploi à temps partiel ; 42,6% des femmes travaillent à temps partiel, 7,8% des hommes. (29)

    137. Mais tout ceci, c’était avant que la crise ne se traduise dans l’économie réelle. Entre-temps, le nombre de faillites augmente de manière spectaculaire. Les récessions précédentes menaient systématiquement à de fortes explosions du chômage. Celle de 74-75 a rayé 350.000 emplois dans l’industrie. Ceci a été compensé parce que les autorités ont créé à peu près 250.000 emplois dans les services publics, mais les chiffres de chômage de la période précédente, autour de 75.000, appartenaient définitivement au passé. La crise de ‘81-83 a doublé le nombre de chômeurs officiels jusqu’à 500.000, un chiffre en dessous duquel on n’a plus jamais réellement été. Depuis, les gouvernements consécutifs ont commencé à modeler les statistiques. Mais cela n’a pu empêcher une augmentation forte du degré de chômage officiel lors de la crise de ‘90 de moins de 9% à 15% dans la deuxième partie de ‘95. La mini crise de 2008 a fait sauter le nombre de chômeurs de presque 200.000. Ces dernières années, le chômage est descendu, mais malgré les chèques services et d’autres types de statuts, même pas jusqu’au niveau du point le plus bas précédent, de juin 2001, ne parlons même pas de celui du début des années ‘90. (30) En août 2008, De Tijd s’est demandé : « Un orage d’automne menace-t-il le marché de l’emploi ? » Le journal fixe notre attention sur le fait que le marché du travail ne réagit qu’avec un retard d’une demi-année sur des changements conjoncturels et que pour la fin de l’année, il y a bien des raisons de se faire des soucis. (31) A Bruxelles, depuis, le chômage est remonté de 18,8% avant l’été à 19,4% en septembre 2008. (32)

    138. Leterme avait probablement espéré autre chose, mais il peut se préparer à une augmentation forte des dépenses sociales. Celles-ci avaient légèrement reculé dans la période 2003-2007 de 23% du PIB à 22,5%. Pendant cette même période, la sécurité sociale a connu trois fois un surplus, une fois un déficit (2003) et une fois un équilibre (2005). En 2007, les recettes de la sécurité sociale étaient de 64 milliards d’euros. C’est composé principalement de salaires différés – nommées cotisations patronales et les cotisations des travailleurs – pour 43 milliards d’euros et de ce que l’on nomme les contributions des autorités, pour 18 milliards d’euros, principalement des financements alternatifs (presque 10 milliards d’euros). Encore en 2007, la sécurité sociale a dépensé 62,5 milliards d’euros, principalement dû à ce qui était son but, c’est-à-dire les allocations sociales et les coûts du personnel, mais aussi de plus en plus pour des subsides aux entreprises (1,6 milliards déjà). Des allocations sociales en 2007, 21 milliards ont été dépensés aux soins de santé, 19 milliards aux pensions, 7,8 milliards au chômage (comprenant aussi une partie des prépensions), 4,5 milliards aux allocations familiales, et 4 milliards aux incapacités de travail. (33)

    139. Pendant des années, on nous a effrayé avec le vieillissement et le fait que nos pensions seraient impayables. Pour chaque personne de plus de 60 ans, il y a aujourd’hui 2,5 travailleurs actifs, en 2015 ce ne sera plus que 2,1 travailleurs actifs. Presque tout le monde connait l’ordre de grandeur de ces chiffres. Via la télé et d’autres médias, ils ont été imprégnés dans notre conscience de la même manière que l’on marque le bétail au fer rouge. Cela servait à nous faire accepter l’érosion de notre pension. Pendant des décennies, des économies à charges de nos personnes âgées n’auraient provoquées que des indignations. Encore aujourd’hui, il n’y a rien de pire que quelques jeunes qui se moquent, volent ou maltraitent des personnes âgées, ou qui les laisse tout simplement à leur propre sort. C’est pourtant l’exemple que nos gouvernements donnent depuis des années. L’allocation de retraite moyenne d’un salarié masculin n’est plus que de 1.000 euros, d’une salariée féminine, de 700€. Les recherches démontrent que les « pensions supplémentaires » arrivent pratiquement exclusivement chez ceux qui ont déjà une pension légale élevée. (34)

    140. Entretemps, la pension moyenne après taxation n’est plus que de 64,4% du salaire moyen. En Grèce et aux Pays-Bas, c’est plus de 90%. Au Luxembourg, un pensionné reçoit, pendant sa vie, si on totalise toutes ses allocations, en moyenne 664.240€ contre 179.056€ en Belgique, moins qu’en Grèce qui connait pourtant un niveau de vie en moyenne beaucoup plus bas (35). Délaisser les personnes âgées de telle manière est l’expression la plus écoeurante d’une société basée sur l’avidité. Après avoir réalisé ce drame, le Bureau du Plan nous amène des nouvelles : le vieillissement sera dans les prochaines années moins fort qu’on ne l’avait prévu. Mais ceci n’est pas une raison de ne plus rien faire : en 2050 (la date a reculé de 35 ans), il y aura 44 personnes âgées de plus de 65 ans (on n’y a ajouté 5 ans) sur 100 travailleurs actifs. Les voyants du Bureau du Plan prévoient 30,38 personnes âgées de plus de 65 ans sur 100 travailleurs actifs pour la région Bruxelles-Capitale, 42,68 en Wallonie et 47,38 en Flandre. (36)

    141. Nous avons déjà traité des économies sur les salaires et sur les conditions de travail des salariés, des emplois flexibles et sous-payés des jeunes, de l’immigration sélective, des attaques sur les chômeurs, les malades et les pensionnés. Et pourtant nous ne sommes pas encore à la fin. Selon l’Agence flamande des personnes handicapées, les listes vacantes pour les personnes handicapées ont augmenté de 5.689 en 2003 à 8.200 en 2007. (37) Pour une région qui est capable de donner le fameux « job-korting » et d’autres cadeaux à l’approche des élections, cela témoigne de mauvais goût.


    (1) Bureau Fédéral du Plan, communiqué du 12 septembre 2008

    (2) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 97 et 99

    (3) De Tijd, 27 août 2008, Reële lonen werknemers dalen

    (4) De Tijd, 27 février 2008, Lonen kunnen prijzen niet volgen

    (5) De Tijd, 3 octobre 2007, Lonen stijgen trager dan BBP. Entre 2002 et 2006, les salaires (nominaux) et les allocations sociales ont augmenté de 13% pour atteindre 158,2 milliards €, dans cette même période, le surplus d’exploitation brut et les revenus mixtes, principalement composé des revenus des entreprises, a connu une croissance de 26% pour atteindre 121 milliards €. Le PIB était de 316,6 milliards €.

    (6) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 103, graphique 41

    (7) De Tijd, 9 septembre 2008, IG Metall eist 7 tot 8 procent meer loon

    (8) Des 15 Etats-membres, 6 possèdent une indexation automatique ou partielle : la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, la Slovénie, Chypre et Malte. Dans certains pays, il existe en plus une indexation du salaire minimum.

    (9) De Morgen, 19 avril 2008, De index is geen ideaal systeem

    (10) La Belgique et le Luxembourg sont les seuls pays avec une indexation automatique. Le système se base sur les prix de 507 produits. Dès que l’index atteint un certain, niveau, appelé l’index pivot, une adaptation à l’index s’applique. Pour les allocations dans le mois qui suit, pour les services publics et quelques secteurs du privé dans le deuxième mois qui suit. Si certains perdaient une partie de leur indexation, cela minerait leur attachement à l’index et détricoterait le front en défense de l’indexation.

    (11) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre – summary statistics et total economy database, janvier 2008 – en 2007 US $

    (12) De Tijd, 25 juillet 2008, Unizo trekt streep onder loonsverhogingen

    (13) Het Nieuwsblad, 17 septembre 2008, Zes dagen werken, geen opslag

    (14) De Tijd, 2 septembre 2008, Faillissementen op record na acht maanden

    (15) De Tijd, 2 septembre 2008, CAO-overleg Belgacom nog onzeker

    (16) De Tijd, 3 septembre 2008, Belastingsinkomsten met 1,1 miljard in het rood

    (17) Knack, 24 septembre 2008, Rolverdeling met een hoge prijs

    (18) De Tijd, 4 septembre 2008, We moeten besparen, maar waar?

    (19) De Tijd, 8 février 2008, Een op drie bedrijven overtreedt wet

    (20) De Tijd, 6 juin 2008, Open VLD eist 4,2 miljard minder lasten

    (21) Le Soir, 12 septembre 2008, Un tiers de jeunes dans les CPAS

    (22) Le Soir, 5 juillet 2008, Le public des CPAS continue de s’élargir

    (23) Le revenu médian est la somme qui compte autant de gens avec un revenu supérieur que de gens avec un revenu inférieur. Le revenu moyen est la somme de tous les revenus divisée par le nombre de personnes ayant un revenu.

    (24) Laatste Nieuws, 26 mars 2008

    (25) De Tijd, 26 février 2008, Een op de acht Belgen leeft in gezin zonder job

    (26) De Tijd, 21 février 2008, RVA-activeringsbeleid leidde sinds 2004 tot 12.500 schorsingen

    (27) De Tijd, 15 mai 2008, 116.000 extra banen in recordjaar 2007

    (28) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre –total economy database, janvier 2008

    (29) Site des autorités fédérales, emploi et chômage

    (30) Taux de chômage en pourcentage de la population active

    (31) De Tijd, 2 augustus 2008, Dreigt herfststorm op arbeidsmarkt

    (32) Le Soir, 4 septembre 2008, Deuxième mois de hausse consécutive pour le chômage

  • 1885 – Naissance du Parti Ouvrier Belge

    Aujourd’hui, lorsqu’on regarde les partis sociaux-démocrates, le PS et le SP.a, il est bien difficile de croire que ces partis-là soient les successeurs du Parti Ouvrier Belge, un parti puissant qui a conquis le suffrage universel pour les hommes et la journée de travail de 8 heures. Le POB a joué un rôle central dans l’obtention de grandes avancées pour le mouvement ouvrier, bien que cela se soit toujours produit malgré sa direction plutôt que grâce à celle-ci. Contrairement au POB de jadis, les partis sociaux-démocrates actuels jouent un rôle central dans le démantèlement de ces acquis.

    Anja Deschoemacker

    PS et SP.a : des partis ouvriers?

    Il est très important d’étudier la dégénérescence de ces partis et d’en tirer les leçons correctes. Les défaites les plus importantes du mouvement ouvrier peuvent être mises sur le compte de leurs directions. Nulle part ces dernières n’ont été capables d’arriver même aux chevilles de beaucoup de leurs membres en termes de combativité, de détermination et d’esprit de sacrifice. Ce n’est pas sans raison que Lénine décrivait ces partis comme « des partis ouvriers avec une direction bourgeoise ». Aujourd’hui, ces partis sont néanmoins devenus des partis proprement bourgeois. Leur très longue participation à la politique néolibérale – en combinaison avec leurs méthodes de travail, la suppression des revendications socialistes de leur programme et leur recherche d’un nouveau public petit-bourgeois – ont chassé les travailleurs de leur base.

    Ce processus, qui a débuté lors de la période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale, est arrivé à son terme lorsque la social-démocratie a été placée devant le choix d’accepter la logique néolibérale ou d’adopter un programme anticapitaliste et socialiste. La Chute du Mur a accéléré ce processus en éliminant une alternative au capitalisme. Rien ne bloquait plus l’assimilation totale de ces partis au sein de l’élite capitaliste. Willy Claes est alors devenu dirigeant de l’Otan, Karel Van Miert s’est offert du bon temps à l’Union Européenne et de plus en plus d’ex-« socialistes » ont fait leur entrée dans les conseils d’administration des entreprises capitalistes.

    La disparition de ces partis en tant que partis ouvriers a signifié un énorme pas en arrière pour le mouvement ouvrier. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti; son absence empêche les revendications syndicales ou celles issues des mouvements sociaux d’être traduites sur le terrain politique. De plus en plus de syndicalistes aboutissent à ce constat.

    Le MAS/LSP mène une propagande pour un nouveau parti des travailleurs depuis 1995 déjà. Le manque objectif d’un tel parti est devenu clair au cours de la lutte contre le programme d’austérité de Dehaene en 1993, le Plan Global. Cette lutte a pu être stoppée par la direction syndicale, à l’aide de l’argument selon lequel faire tomber le gouvernement (chrétien-démocrate et social-démocrate) n’avait aucun sens puisqu’il était le « gouvernement le plus à gauche possible ». Bien que la colère des travailleurs contre le PS et, à ce moment encore, le SP (présents depuis 1988 au gouvernement) ait régulièrement explosé dans les années ’90 – entre autres contre le Plan Global, les privatisations de la Sabena et de Belgacom ainsi que les coupes budgétaires drastiques dans l’enseignement francophone – l’absence d’alternative a eu pour résultat que beaucoup de syndicalistes conscients et combatifs ont tout de même voté pour « le moindre mal » ( la social-démocratie), bien souvent avec une pince à linge sur le nez.

    En 2005, la lutte contre la réforme des pensions du Pacte des Générations, et surtout le rôle proéminent qu’y ont joué des politiciens du SP.a comme Freya Van den Bossche ont entraîné un débat passionné à la FGTB. La direction du syndicat a réussi à canaliser la discussion sur son lien avec le SP.a dans une voie inoffensive, mais une cassure importante a pris place dans les esprits de beaucoup de syndicalistes et de socialistes. De plus, les victoires électorales importantes remportées par des formations comme le SP aux Pays-Bas et Die Linke en Allemagne ont frappé les imaginations, y compris en Belgique. Une première initiative hésitante s’est formée sous le nom de Comité pour une Autre Politique, mis sur pied par Jef Sleeckx. Si cette initiative a échoué l’an dernier, elle a toutefois eu le mérite de rassembler pour la première fois quelques centaines de syndicalistes, d’activistes, de jeunes, de socialistes plus âgés,… pour discuter de la nécessité d’un nouveau parti pour la classe ouvrière.

    Avec cet article, nous voulons utiliser la fondation du POB pour mettre en lumière le processus par lequel ce parti ouvrier est né. Malgré les énormes différences qui existent entre la situation de cette époque et la nôtre, de riches leçons sont à tirer pour aujourd’hui.

    Les antécédents: Le développement de la lutte des travailleurs en Belgique

    L’histoire est un processus continuel et compliqué, ou plutôt une série de processus liés entre eux et qui s’influencent continuellement. On ne peut l’expliquer en aucune façon comme un processus qui va unilatéralement vers l’avant. Des reculs apparaissent souvent nécessaires afin de créer les conditions pour poser de nouveaux pas en avant. La fondation du POB en 1885 n’est donc qu’un point dans ce processus. D’importants événements de grande ampleur se sont déroulés avant, mais également après, lesquels ont assuré que la fondation formelle d’un parti ouvrier puisse réellement conduire au développement d’un tel parti sans subir le sort de ses précurseurs. Les données utilisées pour cet article proviennent presque exclusivement du brillant ouvrage « Wat zoudt gij zonder ‘t werkvolk zijn ? » de Jaak Brepoels (« Que seriez-vous sans les travailleurs ? », ouvrage qui n’a malheureusement pas encore trouvé de traduction en français).

    Dès 1800, le capitalisme a fait son entrée dans ce qui deviendra plus tard la Belgique, à l’époque intégrée dans l’empire français. L’industrie traditionnelle (exploitation du charbon, usinage du fer, tissage du coton, manufacture de drap et industrie textile) connaissait alors un énorme développement grâce, entre autres, à la protection française contre la concurrence britannique. Ce processus ne s’est pas arrêté après la défaite de Napoléon lorsque nos régions ont été ajoutées au Royaume des Pays-Bas, qui servait les intérêts de la bourgeoisie commerciale et coloniale. Les frontières étaient ouvertes aux produits britanniques et la concurrence croissante pressurisait énormément les conditions de travail : des journées de travail de 14 heures n’étaient pas exceptionnelles et les enfants travaillaient dès l’âge de 6 ou 7 ans. Les salaires se situaient loin en-dessous du minimum vital, les patrons pouvant compter sur une réserve de travail rurale presque inépuisable poussée vers la ville par les famines et les prix bas pratiqués pour les produits agricoles.

    A côté de la bourgeoisie industrielle en essor, l’aristocratie et l’église avaient toujours voix au chapitre en tant que grands propriétaires fonciers. Au cours de la révolte populaire de 1830, la bourgeoisie a saisi l’opportunité pour dévier ce mouvement vers un mouvement « contre l’occupant hollandais ». Sous le contrôle étroit des grandes puissances du moment, la Belgique indépendante a été mise sur pied, en tant qu’Etat-tampon contre la France.

    La législation de cet Etat est restée la même que celle introduite par les Français : la liberté brutale du patronat et du propriétaire foncier était garantie pour exploiter le peuple jusqu’à l’os. Ainsi toute collusion entre travailleurs était légalement interdite et, selon l’article 1781 du code civil, le patron avait automatiquement raison en cas de contestation sur la somme ou le paiement du salaire. Le jeune royaume de Belgique avait aussi réintroduit le « livret du travailleur », tombé en désuétude durant l’époque néerlandaise. Le patron pouvait y écrire son appréciation du travailleur ou garder ce livret quand il le licenciait, afin qu’un travailleur ne puisse pas chercher d’autre emploi. Chaque mouvement des travailleurs devait de plus faire automatiquement face à une répression brutale de la part des forces armées.

    Karl Marx n’a donc pas exagéré en décrivant ainsi la Belgique de 1869, dans un texte du Conseil Général de la Première Internationale:

    “Il n’y a qu’un pays dans le monde civilisé où on considère avec désir et plaisir chaque grève comme une excuse pour tuer des travailleurs. Ce pays unique est la Belgique, le pays modèle du constitutionalisme, le paradis douillet du propriétaire foncier, du capitaliste et du prêtre…

    “Le capitaliste belge est généralement connu pour son amour fou de la liberté du travail. Il est tellement attaché à la liberté de ses travailleurs de travailler pour lui pendant toute leur vie, sans exception d’âge ou de sexe, qu’il refuse chaque loi du travail avec indignation. (…)

    “Donnez maintenant aux mains de ce capitaliste tremblant, cruel par lâcheté, la maintenance indivisible et incontrôlée de la dictature absolue, ce qui est le cas en Belgique, et vous n’allez plus vous étonner que dans ce pays le sabre, la baïonnette et le fusil fonctionnent régulièrement et légalement comme un instrument pour pousser vers le bas les salaires et garder hauts les profits. » (4 mai 1869, The Belgian Massacres).

    On ne peut décrire la vie des travailleurs à cette époque autrement qu’en disant qu’elle était synonyme de misère pure et dure. Les crises économiques périodiques, la concurrence internationale et l’importation accélérée de machines permettaient de payer des salaires qui ne suffisaient même pas pour vivre, y compris quand toute la famille travaillait. De ces maigres salaires, à peu près 70% étaient consacrés à la nourriture. De l’Etat, il ne fallait rien attendre. Bien qu’il intervenait constamment dans l’économie afin de soutenir la bourgeoisie industrielle qui se développait, chaque intervention sur le plan social était vue comme diabolique. A la fin du 19e siècle, la Belgique se situait loin derrière les autres pays capitalistes sur le plan des droits sociaux et de la législation du travail. Les premières organisations ouvrières prenaient alors la forme de mutuelles, d’assurances et de coopératives qui – avec la charité sur laquelle seuls les travailleurs « obéissants » pouvaient compter – devaient occuper la place d’une politique sociale totalement absente de la part de l’Etat.

    Mais la résistance ne tarda pas à arriver. En 1830 déjà, des explosions de rage ouvrière spontanées se déroulèrent dans le Borinage, à Lokeren, à Bruges, à Gand, à Namur, à Liège, à Tournai et ailleurs, souvent contre les machines mêmes, et résultant le plus souvent dans des affrontements avec les forces de l’ordre. L’apogée fut atteinte lors de la « Révolte du Coton » de Gand, du 30 septembre au 2 octobre 1839, situation sanglante où une personne a rencontré la mort et où de nombreux travailleurs ont été gravement blessés. En fait, les mutuelles et toutes les formes de caisses de solidarité, les seules organisations ouvrières permises par l’Etat, étaient de plus en plus utilisées comme des organisations de lutte déguisées.

    Entre-temps, les idées socialistes commençaient aussi à faire leur entrée, surtout dans le cadre du radicalisme bourgeois : des libéraux qui se préoccupaient des besoins de la classe ouvrière. Davantage sous l’influence de Saint-Simon et de Fourier que de Marx, ces derniers développèrent un socialisme sentimental et romantique qui se perdait souvent dans des rêveries. Ils n’étaient dangereux qu’en contact avec la masse des travailleurs, ce qui n’était pas le cas de la majorité d’entre eux. Jakob Kats constitua une exception. Cet enseignant-tisseur, implanté parmi les travailleurs bruxellois, menait propagande pour l’obtention de droits égaux, du suffrage universel, des impôts progressifs et de l’enseignement généralisé.

    En 1848, la domination capitaliste croissante en Belgique et la révolte qui se répandait de Paris (où Louis-Philippe avait été déposé) ont rendu la bourgeoisie belge réellement consciente de sa classe. Dès ce moment, la gauche et ses organisations ont dû faire face à des tentatives de se faire briser. Au fur et à mesure des mouvements, de nouvelles générations de dirigeants émergeaient, qui ne venaient plus des cercles bourgeois, mais plutôt de l’artisanat. Dès 1870, le prolétariat industriel commença à jouer lui-même le rôle dirigeant dans les mouvements. La conscience ouvrière grandissait, ce qui mena à la recherche de nouvelles formes d’organisation.

    Les travailleurs du textile de Gand montrèrent la voie avec la fondation des Tisseurs Fraternels et la Société des Fileurs. Sous couvert de mutuelles, ils formèrent les premiers syndicats industriels du pays et organisèrent la résistance ouvrière, qui éclata entre 1857 et 1861 sur fond de crise du secteur textile, crise que les patrons voulaient faire payer aux travailleurs sous forme de diminutions salariales. La planification était devenue partie prenante du mouvement, et la solidarité n’était plus limitée à une seule entreprise. Malgré une répression très brutale et des condamnations sévères, malgré les provocations des forces de l’ordre et malgré encore la saisie continuelle des fonds pour la lutte, l’organisation des travailleurs gantois continua son existence, avec des hauts et des bas. En 1862, la Ligue des Travailleurs fut mise sur pied entre les tisseurs, les fileurs et les métallos.

    La lutte se développa ensuite pour la première fois autour de revendications politiques, comme l’abolition de la loi sur la collusion. Les premiers contacts entre les centres ouvriers de Gand, d’Anvers (la Ligue Générale des travailleurs, mise sur pied en 1861) et de Bruxelles (l’Association Générale Ouvrière) aboutirent à une plate-forme politique minimale.

    Dans la Flandre de 1860, le mouvement social s’était constitué une assise plus profonde, bien que les jeunes organisations ouvrières étaient fréquemment réduites à néant à cause de la répression et de la démotivation de devoir tout recommencer à zéro. Entre-temps, la lutte commençait aussi à prendre son essor en Wallonie, de façon moins organisée mais très explosive. Le Hainaut devint entre 1860 et 1870 la scène d’une lutte violente contre les patrons des mines, qui essayaient d’imposer un règlement de travail commun. Le mouvement put alors compter sur le soutien des travailleurs d’autres secteurs et la grève se répandit – malgré les morts au cours de la lutte – pour finalement aboutir à une victoire et à la suppression du règlement.

    En 1864, la recherche de l’unité dans la lutte ouvrière trouva une plate-forme internationale : l’Association Internationale des Travailleurs, qui voulait rassembler toutes les organisations ouvrières pour discuter de l’action et des tactiques communes. En Belgique, l’Internationale obtint une influence par l’intermédiaire de l’organisation bruxelloise « Le Peuple », mise sur pied sous l’influence des idées proudhoniennes (1) et de son dirigeant César de Paepe. Dans les polémiques entre les différentes opinions présentes dans la Première Internationale, de Paepe développait une position de compromis entre Marx d’un côté et les anarchistes de l’autre.

    L’influence du proudhonisme freinait l’action, mais les Internationalistes se réveillèrent après un mouvement de grèves particulièrement dur contre les licenciements dans les mines, contre les salaires de famine qui continuaient à baisser, et contre la hausse des prix de la nourriture. L’armée avait occupé la région et tué plusieurs travailleurs. Dès lors, le principe de la grève fut reconnu et les Internationalistes commencèrent à intervenir dans la lutte concrète en développant des noyaux à Gand, Anvers et Verviers.

    Durant la période de croissance économique de 1871-72, la lutte des travailleurs obtint ses premiers succès: les métallos arrachèrent la journée de travail de 10 h à Verviers et Bruxelles et les charpentiers et travailleurs de l’industrie marbrière obtinrent une sérieuse augmentation de salaires après cinq mois de grève à Bruxelles. La conscience parmi les travailleurs et la solidarité faisaient des sauts de géant.

    La défaite de la Commune de Paris (en 1871) entraîna néanmoins dans la Première Internationale d’énormes tensions entre marxistes et anarchistes. Dans la section belge, l’aile anarchiste était de loin la plus forte. Quand, en 1871, le dirigeant anarchiste Bakounine fut exclu de l’Internationale par un vote, la section belge le suivit. La crise économique de ’72-’73 fit le reste et, en 1874, l’Internationale était morte dans les faits.

    Avancées et reculs: La fondation d’un parti ouvrier belge.

    Après la chute de l’Internationale, l’expérience de l’époque précédente ne reposait que sur les épaules de certains petits groupes. En Flandre surtout, les ex-Internationalistes essayèrent de rassembler et de réorganiser les forces dispersées. Gand s’accrochait à la coopérative neutre des Boulangers Libres. A Bruxelles, l’organisation explicitement neutre de la Chambre du Travail fut mise sur pied en 1875, exemple suivi par la Fédération des Organisations des Travailleurs d’Anvers. La défaite de la Commune de Paris avait temporairement étouffé le socialisme, et le pragmatisme caractérisait la plupart des initiatives.

    Néanmoins, sur le plan politique, les choses ne restaient pas statiques. A Gand, on regardait vers la social-démocratie allemande qui avait obtenu plusieurs sièges au parlement. A Bruxelles aussi, les premiers pas étaient faits sur le terrain politique de façon hésitante. En Wallonie, par contre, les tendances anarchistes qui avaient fait leur apparition de par le travail de la Première Internationale continuaient à dominer.

    Les Flamands et les Bruxellois impatients n’avaient pas d’autre issue que de s’organiser dans le Vlaamse Socialistische Partij et dans le Parti Socialiste Brabançon. En 1879, ces deux partis rassemblaient aussi quelques noyaux wallons et, en avril, une fusion conduisit à la formation du Parti Socialiste Belge. Le programme était celui du VSP et du PSB, c’est-à-dire une copie du programme de Gotha de la social-démocratie allemande. La base du parti était néanmoins limitée à quelques clubs de propagande, à des cercles d’étude et à quelques organisations syndicales. En Wallonie, on restait très hésitant vis-à-vis de ce nouveau parti et les organisations ouvrières plus neutres étaient effrayées par l’étiquette socialiste. Dans leurs actions, ces dernières continuaient d’être plus proches de l’aile progressiste du Parti Libéral et de sa lutte pour l’élargissement du droit de vote. Le BSP ne décollait pas.

    Dans les années 1880, différents courants se retrouvèrent sur base d’un programme pragmatique et radical-démocrate. En 1884, la défaite électorale de la libéral-progressiste Ligue de la Réforme Electorale, qui avait du soutien parmi les milieux d’artisans bruxellois, ouvrit la voie à la formation d’un parti ouvrier indépendant. En avril 1885, à Bruxelles, le Parti Ouvrier Belge (POB) devint un fait lors d’un rassemblement de 112 travailleurs, qui représentaient 59 groupes de base (des syndicats – neutres et socialistes – des coopératives et des mutuelles).

    Le pragmatisme caractérise le programme et les actions du POB

    Un esprit très pragmatique dominait à la direction du parti, et ce dès le début. Le dirigeant du BSP, Edouard Anseele, défendit pendant le rassemblement à Bruxelles le programme et le nom du BSP, mais il se résigna ensuite face à la crainte des organisations ouvrières neutres qu’un programme radical et le terme « socialiste » puissent effrayer les masses. Les discussions théoriques furent balayées de la table et, en terme de doctrine, le document de fondation affirmait juste que le POB allait essayer «d’améliorer le sort de la classe ouvrière par l’entente mutuelle ».

    Le programme se limitait à un cahier de revendications radical-démocrate avec notamment des revendications telles que le suffrage universel, l’enseignement obligatoire, gratuit et neutre, l’autonomie communale, l’abolition du travail des enfants en-dessous de 12 ans en plus de propositions de lois sur les accidents de travail, la sécurité au travail, la transformation graduelle de la charité publique en un système de sécurité sociale, le retrait de toutes les privatisations de propriétés publiques (Banque Nationale, chemins de fer, mines, propriétés communales,…) et leur transfert vers la collectivité, représentée par les communes et par l’Etat.

    Ce n’était pas vraiment une nouvelle organisation mais plutôt un rassemblement d’organisations existantes. La vie du parti se déroulait surtout autour de noyaux locaux agissant largement de façon indépendante. La première priorité était la construction locale de coopératives, de mutuelles et de syndicats et, à mesure que le mouvement grandissait, cela était suivi par des fanfares, des clubs de gym, des cafés, etc. Lentement, des fédérations furent créées à partir de groupes de base, fédérations qui envoyaient annuellement des délégués à un Congrès où un Conseil Général était élu pour prendre en main la direction du parti. Ce CG choisissait alors un bureau de neuf membres, dont le secrétaire et des délégués des syndicats, des mutuelles et des coopératives.

    Avec le soutien des milieux des artisans à Bruxelles et à Anvers, le bastion du POB était sans aucun doute basé à Gand, où les militants étaient presque exclusivement des travailleurs industriels. En Wallonie, région industriellement plus développée, le parti n’était réellement représenté qu’à Verviers, et cela malgré les mouvements consécutifs de luttes spontanées et inorganisées des travailleurs wallons. Ce n’est qu’en 1886, lorsqu’un énorme mouvement de masse va se conclure par une défaite sanglante, que la nécessité d’une organisation permanente va s’installer profondément dans la conscience.

    Cette grève générale de 1886 se déroula à Liège, et fut de suite confrontée à une occupation brutale de la ville par l’armée. Mais la lutte s’étendit rapidement à Charleroi, et peu après vers le Borinage et le Centre avant les carrière de Lessines, de Soignies, de Tournai et de Dinant. Les travailleurs s’armaient, des machines étaient détruites, des usines et des châteaux de patrons incendiés. La réaction du gouvernement fut sanglante. L’armée colora les rues de rouge avec le sang de dizaines de tués et de blessés. Les ténors du mouvement socialiste, dont Anseele, reçurent des peines de prison ou de grosses amendes (des travailleurs arbitrairement arrêtés furent condamnés jusqu’à la prison à vie). Pourtant, le mouvement n’était pas sous la direction du POB, qui n’avait aucune implantation dans la région concernée. La direction du POB fit même tout pour éviter un élargissement vers la Flandre. A Gand, elle ne put qu’à grand peine convaincre les travailleurs de garder le calme. Les grévistes reçurent certes du soutien du POB, mais sous forme de pains des coopératives, d’accueil des enfants de grévistes dans des familles flamandes et de défense des travailleurs arrêtés devant la justice.

    En Wallonie, la grève avait profondément fait sentir la nécessité d’une organisation solide. En 1887, beaucoup de travailleurs wallons marchaient déjà aux côtés de leurs camarades flamands, dans une manifestation pour le suffrage universel. De plus en plus de travailleurs wallons rejoignaient le POB où, très vite, se déroulèrent des affrontements entre les tendances révolutionnaires et anarchisantes wallonnes – sous la direction d’Alfred Defuisseaux – et des coopératives modérées et orientées vers le parlement (et donc vers la lutte pour le suffrage universel). La direction du POB exclut les frères Defuisseaux au congrès de 1887, avec pour résultat que toute la classe ouvrière du Hainaut les suivirent vers la porte de sortie. Leur attitude révolutionnaire, mais aventuriste, poussa la classe ouvrière du Hainaut à entamer la « grève noire » massive (de nouveau, des machines et des usines furent détruites et des attentats à la dynamite prirent place). Elle ne connut cependant pas d’élargissement faute de soutien actif de la part du POB. Totalement isolé, le mouvement s’affaiblit.

    Plus tard, il fut mis au clair que la direction de la grève avait été infiltrée par la sécurité d’Etat et que celle-ci était responsable des attentats à la dynamite. Le mouvement ouvrier, frappé d’épouvante, fraternisa. La tactique modérée de la direction du POB l’emporta. Toutefois, avec les travailleurs du Hainaut, un courant oppositionnel avait pris naissance dans le parti. Ce courant fera plus tard parler de lui, à nouveau au sujet de la défense de la grève générale comme moyen de lutte, mais aussi en faisant de la propagande pour la combativité et contre la direction modérée et sa volonté de faire des compromis avec les patrons et de coopérer avec la bourgeoisie « modérée ». Plus tard encore, les travailleurs du Hainaut prendront position contre les participations gouvernementales du POB (pour la première fois dans le gouvernement – non élu – mis sur pied pendant la Première Guerre Mondiale).

    Pas un instrument idéal, mais un énorme pas en avant

    Une certaine bureaucratisation des syndicats à mesure que la concertation sociale se développait, la dégénérescence d’un certain nombre de coopératives les plus importantes qui se transformaient en entreprises capitalistes, la pression pour une politique modérée de la part des mutuelles et de la part des premiers représentants parlementaires du parti,… Ce sont des éléments qui étaient en germe dans le POB dès ses débuts. A tous les moments décisifs de la lutte de classes, les masses de travailleurs étaient beaucoup plus radicaux que la direction du POB, qui courait la plupart du temps derrière les explosions plus ou moins spontanées de rage ouvrière pour, à chaque fois, canaliser la lutte dans des voies inoffensives.

    Le POB était très clairement ce que Lénine appelait un parti ouvrier avec une direction bourgeoise. Mais ce parti offrait au mouvement ouvrier un instrument pour mener la lutte nationalement et pour rassembler les forces ; des victoires importantes sur le patronat étaient ainsi acquises. Cela aussi bien sur le plan des droits démocratiques (le droit de vote, mais aussi le droit d’association et de grève) que sur le plan du standard de vie et des conditions de travail (diminution du temps de travail, négociations salariales collectives, salaire minimum, sécurité sociale,…).

    Cette réalité, en combinaison avec les fautes du Parti Communiste, qui fut mis sur pied après la Première Guerre Mondiale, mena à une très grande fidélité parmi les travailleurs socialistes, qui étaient préparés à de grands sacrifices pour leur parti. Leurs dirigeants, à l’inverse, allaient résolument pour leur propre carrière dans le parlement -et plus tard dans le gouvernement- et luttaient contre chaque expression d’idées radicales et socialistes. Même avec la trahison répétée de la direction à des moments décisifs, cette situation a perduré jusqu’à il y a très peu de temps, avant que le parti, entre-temps scissionné régionalement en PS et SP, ne soit plus vu par la masse des travailleurs comme « leur » parti (pour le PS, dans une certaine mesure, ce sentiment reste encore présent parmi certaines couches de la classe ouvrière). Ils y revenaient en masse à chaque fois jusqu’à la fin des années 1980, et faisaient constamment des tentatives de pousser le parti vers la gauche.

    Un parti des travailleurs offre à l’énorme masse de travailleurs la possibilité de discuter ensemble sur les idées, d’élaborer une stratégie et des tactiques communes, de défendre collectivement un cahier de revendications pour aujourd’hui et un programme à plus long terme. Un tel parti organise la solidarité; et la longue existence du POB sur le plan national a été certainement un élément dans la prévention d’explosions plus violentes de la question nationale. C’est au travers d’un parti ouvrier – même avec une direction bourgeoise – que le mouvement ouvrier belge a été capable d’obtenir un système large de sécurité sociale, de services publics et une concertation salariale centrale.

    Les dernières décennies d’érosion néolibérale de “l’Etat-Providence” -ce dernier étant une conséquence de la lutte du mouvement ouvrier, la bourgeoisie n’ayant jamais donné de cadeaux – ont été combinée avec la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

    Des leçons pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs

    Dans les années à venir, la Belgique va rejoindre la série de pays où des nouvelles formations de gauche et/ou ouvrières sont déjà nées. Comme dans le temps avec la fondation du POB, ce processus sera fait d’avancées comme de reculs, de tentatives avortées aussi bien que de pas en avant. Il faut tirer collectivement les leçons des victoires et des défaites des mouvements de masse de la classe ouvrière. Il existe aujourd’hui dans une série de pays des exemples dont nous devons discuter et nous inspirer quant à la manière avec laquelle de telles formations peuvent se développer. Il y a le P-Sol au Brésil, mais il y a déjà depuis des années des développements dans le même sens dans plusieurs pays européens également. Le SP aux Pays-Bas, Die Linke en Allemagne (qui montre tous les jours au travers de hauts scores électoraux dans les sondages qu’une rhétorique socialiste et de « vieilles » revendications de gauche comme la nationalisation des secteurs-clé de l’économie sont tous sauf un frein pour l’attraction et la sympathie de couches larges de travailleurs) , le PRC en Italie, Syriza en Grèce,…

    Aucun de ces développements n’aboutit à une situation “idéale”, et beaucoup de ces nouvelles formations sont extrêmement vacillantes. Les obstacles généraux sont devenus clairs : dans toutes les nouvelles formations, la discussion sur la participation gouvernementale se joue d’une manière ou d’une autre. Choisir cette voie a presque été fatale pour la PRC en Italie, et en Allemagne le développement de Die Linke est freiné dans un certain nombre de régions de l’ex-Allemagne de l’Est, comme à Berlin, par la présence du parti dans le gouvernement régional et par sa participation à la politique néolibérale.

    Dans ces partis, une orientation étroite vers les élections, l’électoralisme, va le plus souvent de pair avec une intervention extrêmement limitée dans la lutte réelle, avec une surestimation des figures dirigeantes et avec une sous-estimation de la construction d’une base active, qui ne peut se faire que par l’intervention dans la lutte réelle. Manier correctement la pression pour une politique plus sociale, qui peut s’exprimer dans une tendance dans ces nouvelles formations de gauche à faire des coalitions politiques, le plus souvent avec les vieux partis ouvriers bourgeoisifiés, est une question fondamentale. Un refus principiel de fonctionner dans un gouvernement néolibéral, va être un élément décisif dans le développement d’un nouveau parti ouvrier et dans sa capacité à s’enraciner de façon permanente dans la classe ouvrière. Une vraie participation de ses membres au travers de structures démocratiques est d’une importance primordiale afin de mettre une nouvelle formation sur le bon chemin, c’est-à-dire vers le développement d’un véritable parti des travailleurs.

    Après la chute du CAP, le Comité pour une Autre Politique, la question d’un nouveau parti en Belgique apparaît provisoirement absente de l’agenda (cliquez ici pour une évaluation du développement du CAP ). Mais les conséquences de la crise vont résulter dans le fait que cette question va revenir à l’agenda avec une force plus grande encore. Pour disposer d’une chance de réussite, chaque initiative va devoir montrer aux travailleurs et aux jeunes qu’ils ont une « plus-value » à offrir.

    En l’absence de partisans dans au moins certaines franges des syndicats, surtout dans les secteurs les plus combatifs, une telle initiative en Belgique n’aura pas beaucoup de chances d’aboutir. Une telle formation va devoir défendre les revendications du mouvement syndical sur le terrain politique; mais pas seulement les revendications syndicales. Un parti des travailleurs doit prendre en main la lutte pour la défense de toutes les couches opprimées et exploitées de la population, afin de se renforcer fondamentalement dans la lutte contre le patronat et le gouvernement. Un gouvernement qui, par manque d’un parti des travailleurs, est de toute façon un gouvernement au service du patronat, quelle qu’en soit sa composition. En d’autres termes, un tel parti des travailleurs va donc devoir défendre explicitement, ou au moins implicitement, des idées et des valeurs socialistes, comme la solidarité et la lutte contre chaque forme de discrimination.

    De nouvelles initiatives vont voir le jour, et le MAS/LSP, comme par le passé, donnera son soutien et sa coopération active à chaque initiative qui présente le potentiel et la volonté de devenir une nouvelle formation de la classe ouvrière. Mais nous allons – comme nous l’avons fait au sein du CAP – s’appuyer sur les leçons de l’histoire. Démontrer la nécessité d’intervenir dans la lutte réelle et d’impliquer autant de travailleurs possible dans la construction. L’époque du POB, en particulier celle de ses débuts, fournit des tas d’exemples de comment, dans tout le pays, des milliers et des milliers de travailleurs s’engageaient activement sur le plan politique, exerçaient constamment une pression sur les directions pour passer à l’action et pour adopter des points de vue plus radicaux. En outre, la nécessité d’une démocratie interne, dont l’absence a généré tellement de dégâts au sein du POB, est une condition essentielle – surtout après les expériences négatives du bureaucratisme stalinien – pour un nouveau parti des travailleurs sain. Chaque membre et chaque groupe de membres doit y avoir la liberté de défendre son programme : une véritable discussion et confrontation d’idées doit pouvoir y trouver sa place.

    Au travers de la lutte contre les attaques néolibérales des prochaines années, un tel parti peut émerger. La classe ouvrière belge, fortement organisée sur le plan syndical, disposera alors d’un instrument puissant en plus pour mener sa lutte, non plus seulement sur le plan syndical, mais aussi sur le plan politique.


    > Rubrique "Nouveau Parti des Travailleurs"

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Troisième partie)

    Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique

    75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)

    76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)

    77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.

    Les fondements minés

    78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)

    79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)

    Marché immobilier : illusions statistiques ?

    80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)

    81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.

    82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)

    83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède

    Hystérie de l’inflation

    84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)

    85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)

    86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)

    Cadeaux fiscaux aux entreprises

    87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?

    88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.

    89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)

    90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)

    91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)

    92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.

    93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.

    94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).

    95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)

    Des rémunérations généreuses pour les patrons

    96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)

    97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (…) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.

    98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.

    Actions pour plus de salaire

    99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)

    100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.

    101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».

    102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.

    Premier mai – élections sociales et semaine d’actions

    103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »

    104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)

    105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)

    106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.

    107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.

    Le droit de grève restreint ?

    108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.

    109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».

    110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)

    111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport… La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.


    (1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro

    (2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.

    (3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.

    (4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard

    (5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.

    (6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.

    (7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.

    (8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.

    (9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op

    (10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays

    (11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie

    (13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York …

    (14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours

    (17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’

    (18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.

    (19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics

    (22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf

    (23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt

    (24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar

    (25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.

    (26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)

    (28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder

    (29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie

    (30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC

    (31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore

    (32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »

    (33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008

    (34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur

    (35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation

    (36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug

    (37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale

    (38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25

    (39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf

    (40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159

    (41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek

    (42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen

    (44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen

    (45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels

    (46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik

    (47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels

    (48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’

    (50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’

    (51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’

    (52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat

    (53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”

    (54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public

    (55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.

    (56) Site des autorités Fédérales, grèves

    (57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie

    (58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven

    (59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert

    (60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus

    (62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen

    (63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries

    (64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine

    (65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen

    (66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet

    (67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.

    (68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’

    (69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er

    (70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage

    (71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie

    (72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.

    (73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.

    (74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers

  • Appel international à protester contre le “Congrès anti-islam” à Cologne le 20 septembre

    Le conseiller municipal de gauche Claus Ludwig lance un appel international pour participer aux actions de protestation contre un “congrès anti-islam” qui se tiendra à Cologne le 20 septembre 2008. Résistance Internationale et Blokbuster ont répondu positivement à cet appel. Nous publions ici l’appel de Claus, qui siège au conseil communal de Cologne en tant que membre de Die Linke, une nouvelle formation qui obtient actuellement en Allemagne 15% dans les sondages.

    Appel de Claus Ludwig

    Contre le racisme et les néonazis internationalement. Stop au «congrès anti-islam» du 20 septembre à Cologne !

    Chers camarades, amis, combattants,

    Le groupe d’extrême droite Pro Köln, qui a cinq élus au conseil communal de Cologne, veut organiser les 19 et 20 septembre un « congrès contre l’islamisation» raciste dans la ville de Cologne. Des racistes issus de l’Europe entière sont attendus.

    Parmi les orateurs, il y aura entre autres HC Strache, président du FPÖ autrichien, Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front National en France, et Filip Dewinter, du Vlaams Belang. Nick Griffin du BNP de Grande-Bretagne, condamné pour négationnisme, avait été invité dans un premier temps, mais n’est plus le bienvenu après des protestations.

    Nous pouvons également attendre des militants de groupuscules de droite comme du HVIM de Hongrie ou même de l’Alliance Nationale Américaine, tout comme ces groupes ont participé à la “Journée européenne des jeunesses de droite ” le 3 mai dernier à Anvers.

    Cette propagande raciste de figures en vue de la droite radicale offre aussi de l’oxygène pour les militants ouvertement néonazis qui ont ces derniers temps intensifié leur offensive contre la gauche et les immigrés en Rhénanie du Nord – Westphalie.

    Le noyau de la politique de ces personnages est identique : espéré monter les autochtones et les immigrés les uns contre les autres avec le racisme. Ils usent de la propagande des gouvernements occidentaux et de personnes comme le politicien néerlandais Geert Wilders pour diffuser l’idée que tous ceux qui viennent de « pays islamiques » sont des ennemis.

    A Cologne, Die Linke fait partie d’une coalition de plusieurs organisations et individus de gauche, antifascistes et antiracistes, qui veulent empêcher ce congrès de nazis européen. Les syndicats de Cologne appellent aussi à empêcher cette provocation. Die Linke et son organisation de jeunes Linksjugend [solid] mobilisent à travers toutes les régions contre ce congrès.

    Face à ce racisme et au nationalisme, nous opposons la solidarité internationale. Pour cette raison, nous appelons les groupes antifascistes des pays voisins à soutenir et mobiliser pour les actions à Cologne.

    Nous espérons que le mouvement ouvrier et en particulier les syndicats et les formations de gauche comme le SP des Pays-Bas participeront activement étant donné que nous devons offrir aussi une alternative face à la discrimination, au chômage, à la démolition de l’enseignement et à la pauvreté. Tout cela est un terreau pour la croissance de l’extrême droite.

    Opposons nous de pleine force à l’extrême-droite ces 19 et 20 septembre et faisons comprendre qu’ils ne peuvent pas comme ça faire ce qu’ils veulent. No Pasarán !

    Contre l’alliance internationale des racistes et des fascistes, opposons la véritable solidarité internationale !

    Salutations amicales, Claus Ludwig, conseiller municipal à Cologne pour le groupe Die Linke


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

    Liens:

  • NON, cela ne veut pas dire oui!

    Action au sommet européen

    Le NON irlandais au Traité de Lisbonne a été un choc pour l’establishment européen. C’était donc le sujet de discussion du sommet européen qui se tient actuellement à Bruxelles. Joe Higgins, porte-parole du Socialist Party et de la campagne du NON en Irlande, a milité à ce sommet européen en collaboration avec le MAS/LSP. Environ 25 militants étaient présents pour dire qu’un NON signifie bel et bien un NON.

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    Plus sur le NON irlandais

    Les membres et sympathisants du MAS/LSP intéressés par la campagne contre le Traité de Lisbonne et le travail du Socialist Party en Irlande sont les bienvenus aujourd’hui aux environs de 14h30 au secrétariat national du parti pour une discussion avec Joe Higgins.
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    Les dirigeants européens essayeront peut-être d’obtenir différemment l’application du Traité de Lisbonne, éventuellement après un nouveau référendum en Irlande avec un texte légèrement adapté dans lequel le fond resterait identique, à l’instar du Traité de Lisbonne vis-à-vis de l’ancien projet de Constitution européenne. Le refus irlandais a du mal à passer pour l’establishment politique, et il fera tout pour ne pas respecter cette décision démocratique. NON ne signifie apparemment pas toujours NON pour eux.

    En Irlande, le Traité de Lisbonne a été rejeté essentiellement parce que celui-ci poursuivait le projet néolibéral de l’Union Européenne. L’aversion face à cette politique néolibérale était aussi à la base du NON en France et aux Pays-Bas lors des référendums sur la Constitution européenne. Pour remédier à cela, la Constitution a été remodelée pour devenir un traité simplifié avec le même contenu, mais sans référendum cette fois en France et aux Pays-Bas. Ce n’est qu’en Irlande qu’un vote a pu être organisé et, malgré le soutien au OUI de la part de presque tous partis traditionnels, le camp du NON l’a emporté. Joe Higgins a été un des porte-parole centraux de la campagne du NON. A l’occasion du sommet européen, il est venu à Bruxelles pour continuer à militer contre ce traité. Nous nous sommes donc rendus dans les environs du sommet européen avec Joe Higgins et les journalistes irlandais sont arrivés pour quelques courtes interviews. Ensuite, la police a fermé le site, qui est devenu un espace de « libre expression » accessible par un grand détour. Espace de « libre expression » était un terme un peu fort au regard des barbelés… Cela n’étonnera personne dans une UE « démocratique » qui ne veut pas respecter le NON irlandais.

    Environ 25 militants et sympathisants du MAS/LSP étaient présents à cette action, scandant des slogans comme "nous ne voulons pas de traité silmplifié, mais de vrais emplois, avec de vrais salaires" ou encore "Résistance Internationale, contre l’Europe du capital." Joe Higgins a aussi parlé de l’importance du NON irlandais pour pousser la lutte contre le néolibéralisme plus loin, de la perspective internationaliste de cette lutte en vue de renforcer l’alternative socialiste. Le MAS/LSP a été clair : nous aussi, nous disons NON à Lisbonne, nous sommes solidaires du NON irlandais.

    Photos

    Joe Higgins clarifie pourquoi il vient milter au Berlaymontgebouw :

    Première prise de parole de Joe:

    Nous avions du matériel de campagne tout droit arrivé d’Irlande

    NON à Lisbonne: affiches en bannières du Socialist Party et du MAS/LSP

    L’action a été clôturée par une petit speetch de Joe Higgins

    Natan Hertogen, du CAP, a aussi pris la parole

    Petit cours de logique élémentaire pour les dirigeants européens: NON ne veut pas dire oui…

    Joe Higgins en discussion avec Jef Sleeckx:

    Liens:

  • Le MAS évalue le CAP et son rôle dans la création d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique

    Le CAP était un essai louable pour la création d’un nouveau parti des travailleurs mais il s’est heurté aux obstacles sur son chemin

    Comité National du MAS, 3-4 Mai

    1. Que la création d’un nouveau parti des travailleurs ne serait pas un processus linéaire, nous le savions au travers des expériences internationales de plusieurs sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et nous l’avions déjà écrit à de nombreuses reprises. L’expérience du CAP illustre que diverses étapes devront être parcourues avant de pouvoir réussir vraiment un nouveau parti.

    2. Le processus de formation d’un organe politique de lutte pour la classe des travailleurs est déterminé dans chaque pays par la situation objective spécifique, l’organisation de la classe des travailleurs, les groupes de gauche existants,… En Belgique, comme nous le disions déjà dans le passé, le processus devrait inévitablement passer par l’étape de cassure massive de la part de la base syndicale avec sa direction social-démocrate et ses partis: le SP.a et le PS. La lutte contre le Pacte de Solidarité entre les Générations portait en soi, selon nous, des éléments d’une telle cassure. C’est sur base de cette lutte qu’un socialiste “classique” tel que Sleeckx et l’ancien président de la FGTB Debunne sont arrivés à la conclusion qu’à côté du SP.a, il fallait un nouveau parti pour la classe des travailleurs. Ce constat a été porté par un groupe important de syndicalistes en Flandre. Faire un constat correct est une chose, prendre une initiative politique adaptée, avec l’approche et le programme nécessaire pour faire aboutir un tel parti en est une autre. C’est ce que nous avons pu vivre dans la pratique ces deux dernières années.

    3. Le Comité pour une Autre Politique avait un potentiel important et il était donc à 100% nécessaire que le MAS/LSP avec quelques centaines de syndicalistes, de militants et de gens de gauche saisissent ces possibilités afin de réunir les forces et de lancer un nouveau parti large des travailleurs.

    4. La lutte des classes n’est pas un jeu de société, mais une lutte qui exige du sérieux et de l’acharnement, vu le caractère impitoyable de notre adversaire, la classe des capitalistes. Celle-ci a déjà suffisamment prouvé qu’elle ne se gênait pas pour museler la classe des travailleurs. La violence brutale est une méthode qu’elle utilise, mais la ruse, la tromperie, la corruption, la trahison,… sont souvent des méthodes plus subtiles. Face à cela, la classe des travailleurs à besoin d’un organe politique résolu, inflexible qui s’attaque avec un programme clair aux forces qui défendent les intérêts de la classe dominante et qui sont donc irréconciliables avec les intérêts des la classe laborieuse. La détermination, la clarté, l’ouverture (vers l’intérieur et vers l’extérieur) et un programme pour la classe des travailleurs sont indispensables si l’initiative veut avancer dans la direction d’un nouveau parti. Malgré la bonne volonté de bon nombre de ses membres, le CAP s’est heurté à plusieurs reprises à des obstacles sur la voie vers un tel parti.

    5. Ce texte a comme objectif de faire une évaluation solide des deux années où le CAP a été un pôle d’attraction pour certains parmi les couches les plus conscientes de la classe des travailleurs. Cette évaluation ne sera pas seulement utilisée en interne au MAS/LSP afin de décider notre attitude face au CAP actuel. Mais elle sera aussi publiée afin de s’intégrer dans l’analyse et le débat qui découle de cette première étape dans le processus de la création d’un parti pour la classe des travailleurs.

    6. Le contexte politique dans lequel les développements dans et autour du CAP se sont déroulés est essentiel. Dans un article approfondi paru dans le magazine Marxisme.Org, nous avions expliqué les développements politiques et sociaux qui ont menés à la création du CAP. Le lecteur pourra trouver des analyses et des commentaires sur les activités et les développements du CAP dans les dizaines d’articles publiés dans notre mensuel Alternative Socialiste et sur notre site www.socialisme.be, Ceux-ci sont déjà une source riche sur l’histoire du CAP. Ce texte a comme objectif de lier les divers points, de remplir les trous, d’offrir une vue d’ensemble des discussions les plus importantes et d’offrir une évaluation après les faits. Nous espérons qu’il sera une contribution pour tous ceux qui ont été impliqués dans une année et demi de fonctionnement du CAP et pour ceux qui s’impliqueront dans les futures initiatives de la classe des travailleurs pour se créer un organe politiquement indépendant.

    L’appel de Sleeckx reçoit du répondant

    7. C’est au début août 2006, période creuse dans les médias. Depuis novembre 2005, des articles étaient paru sporadiquement, notamment dans Knack, dans lesquels Jef Sleeckx exprimait son désaccord avec la politique du SP.a et suggérait la nécessité d’un nouveau parti. Le 2 août 2006, De Morgen publie un article sur les plans de Sleeckx. Très vite les événements s’enchaînent et des articles suivent dans tous les journeaux et magazines – Knack, Menzo, P-magazine, … Les titres parlent d’eux-mêmes : « Nouveau parti des travailleurs sur le chantier » (De Morgen, 02/08/06) et « Nouveau parti des travailleurs en automne » (De Standaard, 02/08/06). Ces titres et le contenu des articles ont créé un enthousiasme énorme dans un public large, en quelques jours des centaines de personnes intéressées s’inscrivent pour recevoir le bulletin d’information électronique du CAP ou envoient des mails et des lettres pour communiquer leur soutien. En même temps que l’enthousiasme, l’attention des médias a aussi fait naître des attentes : à l’automne un nouveau parti va se créer – c’est exactement ainsi que le CAP à été annoncé au grand public. Hélas, à ce moment, le CAP était déjà entré dans l’impasse de la recherche de compromis avec Une Autre Gauche (UAG). Et au lieu d’arriver à un compromis permettant d’aller de l’avant, le CAP a été pendant plus qu’un demi-an mené en bateau et finalement aussi largué.

    8. En politique, le sens du moment est une arme importante. Lors de la création d’un nouveau mouvement politique, il faut utiliser la période limitée d’attention et d’enthousiasme. La stratégie qui consistait à essayer d’arriver à des compromis avec tout le monde, y compris un chien avec un chapeau, a conduit le CAP dans impasse qui a fait que les centaines de personnes vraiment intéressées qui ont pris contact pendant l’été ont dû prendre place dans la salle d’attente sans savoir si un jour ils seraient reçus. Ainsi, il a encore fallu 4 mois, soit jusqu’au 15 décembre, avant qu’une carte de membre puisse être proposée aux gens intéressés. En ce qui concerne la clarté sur une participation indépendante aux élections, il a fallu attendre encore plus longtemps.

    9. Depuis quelques mois, avant que se déclenche l’orage médiatique, diverses réunions locales se sont déroulées de “l’initiative Sleeckx” qui deviendra plus tard le Comité pour une Autre Politique. En janvier 2006, Sleeckx avait accepté notre invitation à une rencontre avec le Bureau exécutif du MAS/LSP. La base pour la discussion était entre autre le rencontre intéressante que Jef a eu avec un petit vingtaine de délégués syndicaux du secteur de chimie en Anvers. De cette rencontre il apparait clairement que non pas seulement Jef était préparé de lancer un appel, mais aussi qu’une initiative de Jef pouvait compter d’un large soutien parmi les syndicalistes. Cette rencontre était une première expérience importante qui nous mettait à inviter Jef pour une discussion. Pendant cette conversation, il est apparu clairement que Sleeckx et un certain nombre de ses partisans (Lode Van Outrive, Raf Verbeke, Theo Mewis) avaient l’intention de lancer une campagne pour un nouveau parti large et qu’ils tendaient la main aux organisations existantes pour qu’elles participent à l’initiative tout en gardant leurs spécificités. Selon l’explication de Jef, il était clair que, sur un nombre important de questions, ils avaient des positions proches de celles du MAS/LSP. Tout d’abord, que l’initiative ne devait pas s’orienter principalement vers la gauche radicale, mais vers le nombre important de travailleurs et de jeunes qui n’ont plus de toit politique et sont à la recherche d’une alternative de gauche claire. Ensuite que nous avions besoin d’un parti national au delà des frontières linguistiques afin de pouvoir surmonter les discussions communautaires. Et finalement qu’un nouveau parti des travailleurs serait capable, à travers la lutte et un programme pour la classe de travailleurs, de reprendre des voix au Vlaams Belang et donc qu’un profil anti-raciste serait très important. Sur base de ces conditions, le MAS/LSP s’est directement rangé derrière l’initiative de Jef et a proposé d’organiser ensemble un certain nombre de meetings locaux afin de tâter le terrain.

    10. Après la discussion nous avons proposé de lancer un appel pour un grand rassemblement en automne avec l’objectif de rassembler 5 à 600 personnes. Ce n’est que de cette manière que la campagne pouvait être concrétisée et qu’une mobilisation pouvait être faite afin de pouvoir à un certain moment évaluer les forces participantes. Ainsi l’idée d’organiser “une journée pour une autre politique” le 28 octobre 2006, soit un an après la manifestation de 100.000 syndicalistes contre le Pacte de Solidarité entre les Générations, a pris forme. La journée s’est finalement déroulée avec 650 présents.

    UAG entre en scène

    11. Le 22 février 2006 est paru dans La Libre Belgique un appel pour “Une Autre Gauche” signé par Carine Russo (qui se présentera finalement sur la liste d’Ecolo en 2007 et y obtiendra presque 58.000 voix de préférences), Jef Sleeckx, Nadine Rosa-Rosso (l’ancienne secrétaire générale du PTB) quelques professeurs d’université, des syndicalistes et les initiateurs, Freddy Dewille (POS), Alain Van Praet (ex-POS et délégué CSC) et Corine Gobin (prof à ULB). Ce texte commençait en force « Il est urgent de repenser la gauche. » Et finissait ainsi : « Nous invitons tous ceux et toutes celles qui ne veulent pas se résigner au désordre établi actuel, qui refusent de s’incliner devant la prétendue fatalité de la crise, qui excluent d’observer sans réagir la montée de la « peste brune », à se regrouper pour commencer à construire une alternative transformatrice de la société. » Pas mal en terme de phraséologie. Mais, après coup, beaucoup de bruit pour pas grand chose.

    12. UAG s’est réunie pour la première fois le samedi 11 mars 2006. Parmi les 35 présents, il y avait quelques membres du MAS/LSP et quelques membres du CAP. La discussion s’est relativement bien passée, bien que beaucoup de questions subsistaient sur quel type d’initiative était nécessaire. Il a été décidé de se réunir à nouveau le 1er avril après concertation avec Sleeckx.

    13. Le 1er avril s’est donc tenue la réunion suivante d’UAG, avec 45 présents, dont une dizaine de membres du MAS/LSP et Jef Sleeckx. On s’y est accordé après un long débat sur le fait de distribuer un tract commun le 1er mai. Des projets et des propositions pouvaient être envoyés à Nadine Rosa-Rosso et des volontaires devaient se réunir le lundi de Pâques (12 avril) afin de discuter et de décider du tract.

    14. Le processus pour en arriver à un tract du 1er mai a tout de suite illustré le problème de méthode de fonctionnement au sein d’UAG, qui deviendra plus tard insurmontable. Les initiateurs considéraient UAG comme leur propriété personnelle et exigeaient par conséquent un droit de veto sur toute discussion et décision. Dans la discussion sur le tract du 1er mai beaucoup – énormément – de divergences politiques sont apparues. Mais il y avait néanmoins parmi les 30 individus à cette réunion la volonté politique d’aboutir à un tract commun. Après 2 heures de discussion, un petit groupe de travail a été formé pour écrire mot par mot un tract acceptable pour chacun. Ce groupe a réuni Bart Vandersteene et Griet VM du côté néerlandophone, Nadine Rosa-Rosso, Ataulfo Riera (POS) et quelques autres du côté francophone. Puis le projet de tract a été lu à haute voie aux présents et a été accepté avec enthousiasme sous les applaudissements. En réponse à tous les préjugés, il était démontré que la collaboration était possible. Mais les 30 braves qui se sont réunis ce lundi de Pâques afin d’écrire le tract n’avaient, dans leur enthousiasme, pas tenu compte des initiateurs d’UAG. Ceux-ci, qui ne savaient pas être présents ce lundi, n’ont pas été non plus d’accord après coup avec le contenu, ont changé le tract à leur gré et ont imposé leur version comme celle qu’UAG allait distribuer le 1er mai.

    15. Le MAS/LSP à condamné cette méthode et refusé de distribuer le tract UAG : il a donc distribué le tract CAP dans les deux langues partout dans le pays. L’attitude des initiateurs d’UAG et encore plus l’acceptation de cette méthode par un nombre important d’UAG a illustré non seulement le caractère des initiateurs, mais surtout le caractère que toute l’initiative prenait. Chaque discussion portant sur le contenu se terminait en injures où les procès d’intentions et la méfiance étaient injectés comme un poison. Le POS/SAP (maintenant LCR/SAP) porte la responsabilité de cette méthode. Le contenu des discussions n’était pas négligeable et il était urgent de l’approfondir, mais cela ne s’est jamais fait de façon sérieuse.

    Quelles étaient les divergences politiques les plus importantes?

    Dans les paragraphes qui suivent nous voulons profondément entrer sur les différences d’opinion importantes qui parcouraient le CAP et UAG et qui sont apparu insurmontable pour arriver à une coopération. L’attention large qu’on donne à cet élément dans ce texte a tout à faire avec les arguments de contenu, qui vont selon nous revenir toujours de nouveau dans l’avenir s’il y a des initiatives envers un nouveau parti des travailleurs. La place qu’on donne ici n’est d’aucune manière une expression du poids dans la société qu’on donne à des organisations comme UAG et d’autres qui ont défendus leurs méthodes et programme.

    Avons-nous besoin d’un nouveau parti des travailleurs ou plutôt d’une recomposition de la gauche radicale?

    16. Un nouveau parti des travailleurs se crée selon nous après que la classe des travailleurs ait constaté à travers la lutte qu’elle ne dispose plus d’un instrument politique. La social-démocratie, qui depuis longtemps a à sa tête une direction pro-capitaliste, a été pendant longtemps le lieu de rassemblement des travailleurs les plus politisés. Dans les années de croissance économique inédite d’après la 2e Guerre mondiale, elle a pu, malgré son rôle traître, se créer une aura de lutte pour la justice sociale et pour les intérêts de la classe des travailleurs. Elle s’est accaparé les progrès obtenus. Pourtant c’est souvent malgré la direction social-démocrate que les travailleurs ont arraché des concessions. La phase de néolibéralisme, commencée dès le début des années ’80 avec la politique de Thatcher, Reagan,… a été renforcée par la chute du stalinisme. La social-démocratie qui avait jusque là exprimé de façon déformée la politique de la classe des travailleurs, a rejeté toute référence au socialisme et à la lutte des travailleurs et est devenue le meilleur exécuteur des plans et des intérêts de la bourgeoisie, justement à cause de son lien historique avec les sections les plus combatives du mouvement ouvrier.

    17. Une classe de travailleurs dépourvue de voix politique et donc de cadre idéologique fait parfois des sauts étranges dans sa conscience et son comportement électoral. La baisse de conscience de la classe explique pourquoi toute une série de populistes, de tendance droitière et néo-fasciste, ont pu récolter des votes parmi ceux qui avaient quitté la social-démocratie par dégoût. Il faudra une lutte profonde avant qu’une masse critique se rassemble pour la création d’une nouvelle expression politique de la classe des travailleurs. Une telle formation aura comme tâche importante de remettre à l’ordre du débat politique une approche de classe.

    18. L’appel à une “recomposition” de la gauche radicale, par contre, est de fait le cri désespéré et pessimiste des perdants de la gauche radicale. C’est l’expression du moral de ceux qui ont essayé en vain au cours de ces 25 dernières années de construire un mouvement de la gauche radicale et qui cherchent, après leur défaite, la chaleur d’un foyer afin de digérer « ensemble » leurs défaites. Car soyons honnêtes, l’existence séparée de quelques groupes de la gauche radicale n’est pas le problème fondamental. Additionnons-les et nous n’arrivons toujours qu’à une petite organisation. Le problème avec lequel la classe des travailleurs est confrontée, c’est qu’il n’existe pas un parti de quelques dizaines de milliers de membres, où des opinions et des courants idéologiques divergents coexistent dans un débat ouvert. Un parti qui par sa présence incite à l’action et au débat.

    19. Qu’il existe aujourd’hui divers groupes de la gauche radicale avec divers programmes, diverses méthodes,… est le produit du 20e siècle qui a été un siècle de tentatives manquées de construire une société socialiste. A travers des dizaines de révolutions, en Russie, en Chine, en Allemagne, en Espagne, au Chili, au Portugal, au Nicaragua, à Cuba, … la classe des travailleurs a essayé de renverser la société capitaliste et de construire une société sans classes. Partout des erreurs terribles ont été commises, ou alors, comme cela a été le cas en Russie, une révolution réussie s’est bureaucratisée à cause de son isolement. Toute ces défaites et erreurs ont conduit à des analyses et des conclusions différentes et donc des organisations différentes. De cette manière, nous portons l’histoire du mouvement ouvrier avec nous.

    20. Le problème avec la “recomposition de la gauche”, c’est que ce concept ne considère pas les tâches politiques d’aujourd’hui comme les conclusions de la lutte des classes, avec ses phases de montée et ses phases de recul, mais comme une affaire interne à la gauche radicale.

    21. C’est un concept qui en même temps exprime aussi un manque de confiance en la capacité de la classe des travailleurs de reconstruire, même après une défaite comme celle de la chute du stalinisme, leur propre parti. Ces concepts différents mènent à des méthodes et des programmes totalement différents. Qui est l’acteur principal dans ce processus? La nouvelle génération de la classe des travailleurs qui veut lutter pour une nouvelle voix politique où plutôt les protagonistes de la gauche radicale qui veulent en arriver à un accord entre eux et qui, pour cela, doivent donc nier le 20e siècle?

    Avons-nous besoin d’une initiative qui part de la lutte contre le néolibéralisme où d’un projet anticapitaliste?

    22. La lutte contre le néolibéralisme et la défense des intérêts des victimes du néolibéralisme : c’était selon nous la base sur laquelle une nouvelle initiative pouvait être lancée. Cette ligne de rupture est un remplissage populaire et actuel des contradictions de classe dans la société. C’est une ligne claire. Selon UAG l’initiative devait avoir dès le début un caractère anticapitaliste. Cela exprimait de manière populaire les contradictions de classes dans la société. Pour UAG par contre, l’initiative devait avoir une étiquette clairement anticapitaliste.

    23. Pour nous la proclamation d’une initiative comme anticapitaliste ou de gauche n’est pas en soi le principal. Il y a des partis en Europe qui se disent de gauche et même anticapitalistes et qui participent en même temps à la politique néolibérale. En Allemagne, Die Linke participe aux gouvernements locaux dans les Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et de Berlin, où elle applique une politique néolibérale désastreuse. C’est pourquoi le WASG Berlin a de justesse opté pour ne pas se présenter avec Die Linke aux élections régionales de septembre 2006, mais pour se présenter indépendamment. Comme Lucy Redler, porte-parole du WASG-Berlin, le disait: « Quelle est la crédibilité d’un parti qui parle du socialisme le dimanche et applique des assainissements le lundi ». Un autre exemple est le Parti de la refondation Communiste (PRC) en Italie, qui se dit de gauche et anticapitaliste tout en participant au gouvernement Prodi, en y ayant des postes de ministre et en étant ainsi coresponsable de la politique et de l’échec de ce gouvernement. On n’est pas nécessairement plus à gauche ou plus clairement anticapitaliste en se donnant ce titre, mais par ce qu’on fait en pratique. Le PRC, un parti qui n’a pas seulement un profil anticapitaliste, mais qui porte même le communisme dans son nom, vient de perdre tous ses parlementaires dans les élections récentes. Un parti avec plus de 100.000 membres a été démoli en une participation gouvernementale. Le sommet recherche déjà des postes dans la formation social-démocrate nouvellement construite et la base est délaissée, étonnée et indignée. Le PRC avait parlé à l’imagination partout en Europe et était devenu le point de référence pour beaucoup. Dans ce sens, sa défaite est une tragédie pour la gauche au niveau international. La thèse de base d’une nouvelle initiative doit selon nous contenir un rejet de la politique néolibérale et un rejet très clair de participation à cette politique. Après lequel suit évidemment la discussion sur le programme avec lequel cela est le mieux possible. MAS va dans ces discussions toujours défendre un programme anticapitaliste, même plus : un programma révolutionnaire. Mais cela n’est pas pour nous une condition pour notre participation dans un nouveau parti. Nous pouvons accepter si la tendance dominante dans le mouvement ouvrier part encore plus de tentatives de changements réformistes au capitalisme.

    La défaite du Partito della Rifondazione Comunista est une confirmation de notre position qu’il ne suffit pas tout simplement de créer un nouveau parti. Mais nous avons besoin d’un parti enraciné dans la classe ouvrière, où toute la pourriture de la politique traditionnelle – la chasse aux postes, le carriérisme, la bureaucratie – est bannie. Ceci n’est possible qu’avec un vrai programme socialiste. Ce n’est pas le titre, le nom, ni l’étiquette qui déterminent la voie qu’un parti de gauche suivra, mais bien sa composition, son programme, sa direction et son activité.

    24. Le POS/SAP va après présenter de nouveau l’attitude du MAS dans cette discussion comme un manœuvre. Dans ce sens qu’ils partent de l’idée que nous ne racontent dans notre argumentation jamais la vérité totale. Dans ces discussions nous avons eu selon eux surtout l’objective de lancer un parti large pou pouvoir nous identifier le plus clairement que possible comme l’aile révolutionnaire. Pour cette organisation la politique révolutionnaire n’est pas une question de discussion et de convaincre envers le débat et la pratique, mais un enchainement de manœuvres pour obtenir des choses, occuper des poste, influencer des décisions. Cette organisation, comme on l’a pu expérimenter plusieurs fois, et aussi un nombre important de leurs ex-membres qui ont été éduqué politiquement avec ces méthodes, ne peuvent apparemment ne pas s’imaginer que nous entrons la lutte de classe et le débat nécessaire dans cette lutte, à visage découvert, avec une argumentation et des idées ouverts. En vue qu’ils ont pris comme méthode le manoeuvrisme, qu’ils ont vue au travail les staliniens qui sont maître de cette méthode, ils partent sans doute de la constatation que c’est ce que tout le monde fait ;

    25. Le point avancé dans cette discussion était selon nous aussi une discussion sur l’orientation du CAP et d’UAG. La question à laquelle il faut répondre est: comment atteindre les centaines et les milliers de travailleurs et de jeunes qui se sentent délaissés par ces partis qui ont dans le passé prétendu défendre leurs intérêts. Et quel est le langage que nous utiliserons? Est-ce un langage et un style compréhensibles, qui partent en premier lieu des expériences et des considérations de ces travailleurs et ces jeunes que nous voulons atteindre ? Où partons-nous au contraire de l’idée que la gauche est en crise et qu’elle doit se regrouper afin de construire la vraie gauche ? Ce sont deux visions différentes qui mènent à des pratiques différentes.

    26. UAG et avec beaucoup d’ardeur aussi le POS/SAP expliquaient cette attitude du CAP de façon magique par l’impact de l’extrême- droite en Flandre. Ils prétendaient que le Vlaams Belang et la propagande de droite et raciste avaient frappé si fortement que même la gauche radicale n’osait plus se présenter comme anticapitaliste. De cette manière, une discussion sur le programme, l’orientation et les objectifs était facilement esquivée et ridiculisée.

    Allons-nous lutter contre la surenchère communautaire et la politique de « diviser pour régner » ou sommes-nous d’accord que deux mondes différents ne peuvent collaborer dans un modèle confédéral ?

    27. UAG a répandu l’idée que la situation en Flandre et en Wallonie était si différente que cela demandait des approches séparées. L’argument était surtout utilisé pour interdire aux Flamands de se mêler des discussions en Wallonie et cela a servi aussi comme explication magique face à chaque divergence d’opinion : « la situation chez nous est différente ».

    28. Nier les différences réelles entre la Wallonie et la Flandre serait difficile vu les différences de langue et de culture, les différences économiques et de niveau de chômage, les rapports différents entre les syndicats rouge et vert, … Mais ces différences sont-elles tellement plus grandes que celles entre la ville d’Anvers et certaines régions de Flandre Occidentale ou du Limbourg, ou que celles entre Namur et le Borinage? Chaque parti traditionnel est aujourd’hui organisé sur base communautaire. C’est pourquoi ils approchent chaque problème à partir de cette logique. Cela est même apparu comme une bonne façon de détourner l’attention des réelles contradictions dans la société. Le mouvement ouvrier a au contraire besoin d’une unité la plus grande possible, au delà des frontières, qu’elles soient linguistiques, religieuses, de couleur de peau, de sexe, d’origine, de nationalité,…

    29. UAG est arrivée avec cette proposition d’une coopération confédérale juste au moment où la surenchère communautaire commençait à se développer. Des sondages ont montré plus tard que, malgré l’énorme propagande communautaire, des deux côtés de la frontière linguistique, il y avait peu de monde qui était chaud pour une guerre communautaire. La plupart des gens se rendent compte que les mécanismes de solidarité vont être démantelés si le pays scissionne et que les gens normaux n’ont qu’à y perdre. Imaginez quel écho aurait trouvé un nouveau parti lorsqu’il aurait pris une position de classe conséquente dans la plus longue crise politique de l’histoire belge.

    30. Dans l’Alternative Socialiste de juin 2006, nous avons répondu aux propositions d’UAG d’adopter une structure confédérale, dans laquelle un groupe néerlandophone et un groupe francophone se consultent : « Dans le contexte politique et social actuel, le mouvement ouvrier est menacé par un dangereux virus : l’idée qu’un travailleur wallon lutte dans un contexte fondamentalement différent du travailleur flamand, qu’il y a deux réalités distinctes qui demandent des réponses distinctes. Cette logique a mené à la scission de la Centrale des Métallurgistes de la FGTB et est utilisée pour agrandir encore la fissure entre travailleurs flamands, wallons et bruxellois. Les seuls à avoir un intérêt à diviser la classe ouvrière sont ceux qui le font consciemment pour pouvoir mieux régner. Le mouvement ouvrier a besoin d’une sécurité sociale nationale, d’un mouvement syndical national et d’un instrument politique national. Une telle initiative nationale doit être prête à l’automne. Chaque jour offre son lot de tentatives des partis traditionnels et des médias bourgeois pour dresser les différents groupes de la population les uns contre les autres. Mais une fois entré en action, comme contre le Pacte des Générations, le mouvement ouvrier peut comprendre rapidement que son atout le plus important est la solidarité. Cette solidarité doit être centrale à tout niveau dans une nouvelle formation politique. »

    31. Un modèle confédéral ne crée pas seulement la désunion et des complications pratiques, par exemple autour de la question : "quid de Bruxelles"? Selon UAG, Bruxelles était une ville francophone et dès lors "territoire UAG" et elle a donc refusé d’organiser des réunions communes CAP/UAG à Bruxelles. C’était également en même temps une prise de position politique qui se serait faite à la longue sentir dans le programme qu’une telle formation politique défend, dans le sens où elle deviendrait la proie des réflexes régionaux, de la défense des intérêts d’un groupe linguistique contre l’autre.

    Commençons-nous un processus avec des étapes successives ou délivrons-nous un projet tout prêt ?

    32. UAG a voulu livrer d’abord un programme tout prêt et des statuts avant d’aller chercher des partisans. De cette manière, ils se préparaient à élaborer leur réflexion en tant qu’élite éclairée à la place des masses. Notre position était toujours de permettre à l’initiative d’avancer, avec par exemple un programme électoral, sans pour autant déjà graver dans la pierre le programme du nouveau parti. Dans une première phase CAP/UAG avait selon nous besoin d’un programme de dix points autour duquel tout le monde peut se mettre et qui montrait en grandes lignes notre résistance contre le néolibéralisme et des effets. Selon nous, le programme de celui-ci doit être le résultat d’un processus de discussion approfondi dans lequel les masses qui forment le parti sont impliquées et où la discussion est basée sur les premières expériences collectives de la lutte et des campagnes.

    33. Nous aurions tout à fait pu décider le 28 octobre que le CAP/UAG défendrait un programme socialiste révolutionnaire. Malheureusement cela aurait été au même moment la fin de l’initiative large. La tendance dominante dans le mouvement des travailleurs n’en est pas à tirer des conclusions révolutionnaires – sinon nous pourrions construire le MAS/LSP en tant que parti de masse ! Ce qui existe principalement, c’est une recherche de réponses. Et nous sommes persuadés que si les travailleurs peuvent tirer des conclusions sur base des expériences concrètes dans la lutte et du débat qui vient avec, une grande partie d’entre eux en tirera des conclusions révolutionnaires. Mais cela ne pourra arriver que sur base des luttes et de l’expérience.. Comme nous l’avons déjà souvent expliqué, nous défendrons toujours un projet socialiste révolutionnaire au sein d’une nouvelle formation, mais comme contribution au débat et pas comme une condition pour notre engagement. UAG a voulu coller un billet anticapitaliste sur l’initiative avant que ceux à qui elle est destinée aient eu l’occasion de se prononcer au sujet du contenu d’un programme!

    Une nouvelle initiative a-t-elle besoin d’un fonctionnement par lequel la liberté de débat est stimulée ou doit-elle surtout servir à clouer le bec aux organisations existantes?

    34. Si une « recomposition » de la gauche est à l’ordre du jour, alors la conclusion est évidente : la première tâche est de finir avec la vieille composition. De cette logique l’existence des organisations de la gauche radicale est le problème fondamental et les organisations existantes doivent donc jeter par-dessus bord leurs structures, leur spécificité propre et le programme qu’elles ont mis un long travail à construire. Ce point de départ ne peut que mener qu’à des problèmes lorsqu’il s’agit de construire un parti où existe la liberté de défendre un certain programme. En fin de compte, au lieu d’organiser un endroit pour le débat, cette nouvelle initiative devient une prison pour tous ceux qui ont des idées et veulent les défendre.

    35. Pour qui le MAS/LSP a-t-il été un problème au sein du CAP ? Pour les nombreux travailleurs ordinaires qui estiment chaque contribution honnête à sa valeur et pour ceux qui non seulement parlent mais en plus passent aux actes ? Non. Pour eux, il a été facile de voir qui étaient les beaux parleurs et qui a combiné les arguments et la pratique. Cependant, pour ceux qui ont essentiellement considéré le MAS comme une menace et ne le voyaient pas comme une contribution précieuse, notre organisation représentait l’ennemi public n°1 dont tout le monde devait se méfier et contre qui il fallait s’opposer et former un bloc. Cette politique de calomnie et manipulation n’a pas pris pendant la première phase de formation du CAP. Une fois le recul commencé plusieurs raisons étaient cherchées et trouvées pour l’échec, où le plus grand component était facilement montré du doigt par quelques uns. Même s’il n’y avait pas d’occasion directe et d’arguments concrets.

    36. Chez quelques participants d’UAG, une peur presque phobique – et c’est encore un euphémisme – s’est développée face à notre organisation. Chaque proposition, idée ou argument était repris avec la méfiance nécessaire et ensuite analysé pour y chercher la petite bête et y trouver la manœuvre. Cette attitude a atteint des proportions hilarantes quand un membre juif de UAG a accusé les membres du MAS/LSP d’attitude antisémite en affirmant leur responsabilité dans le fait qu’une réunion avait continué le vendredi soir jusqu’après le coucher de soleil afin de le museler (il avait dû rentrer chez lui avant le coucher du soleil du fait de sa religion). Cette personne est allée tellement loin dans ses accusations que naturellement plus personne ne pouvait encore prendre ce genre de choses au sérieux. Mais cette accusation n’a toutefois pu arriver que par la création consciente d’une certaine ambiance par les protagonistes d’UAG.

    Pourquoi avons-nous quitté UAG?

    37. Vu a posteriori le MAS/LSP a décidé trop tard de se retirer de UAG. Dans une déclaration publique sur notre site Web, nous avions décrit notre décision (voir http://www.socialisme.be/mas/archives/2006/06/30/uag.html – Date de publication 30 juin 2006) : « Quelques uns, au sein du secrétariat et du Parti Humaniste entre autres, nous disent : « Mobilisons systématiquement pour les mettre en minorité ». Numériquement, pour le MAS/LSP, cela n’est aucunement un problème, mais nous faut-il descendre à ce niveau pour pouvoir faire de la politique au sein d’UAG ? Cela, nous le refusons. Les jeux de pouvoir bureaucratiques ne sont pas le terrain favori du MAS/LSP. Notre force est dans le mouvement réel et c’est sur cela que nous voulons nous concentrer. Certes, il faut parfois accepter des manœuvres bureaucratiques parce que c’est la seule façon d’entrer en contact avec la base. C’est par exemple le cas dans pas mal de centrales syndicales, c’était aussi le cas dans les années ’80 quand nous travaillions encore dans le SP. C’est avec cette idée en tête que nous n’avons pas déjà quitté UAG le 1er mai. Maintenant, après les faits, nous pensons que c’était une erreur : dès la première manœuvre, nous aurions pu déceler qu’UAG allait rester une initiative mort-née.

    Nous sommes partis de l’idée que nous pouvions accepter les manœuvres bureaucratiques parce qu’un parti national plus large allait être créé le 21 octobre. Cela aussi était une erreur. UAG essaie de se présenter comme le seul partenaire francophone d’UAP (qui par après a changé de nom vers CAP) et, de cette façon, former une minorité de blocage pour imposer à UAP sa propre approche politique et probablement boycotter une formation nationale. Le MAS/LSP est numériquement plus fort que le reste d’UAG mis ensemble. A notre propre initiative, nous pouvons mobiliser un bon nombre de francophones pour la conférence du 21 octobre (qui est devenu le 28 octobre) et nous pouvons y assurer qu’UAP ne se fasse pas prendre en otage par UAG. Si, au contraire, nous restons dans UAG, nous risquons d’être englués dans d’incessants combats qui n’ont ni intérêt ni lien réel avec les questions qui se posent vraiment aux travailleurs et qui ne sont utiles ni pour nous, ni pour UAP. La seule réponse correcte à des jeux de pouvoir au sein d’UAG est une mobilisation francophone forte pour la conférence du 21 octobre. »

    La longue marche vers le 28 octobre 2006

    38. Entre mai 2006 et septembre 2006, de nombreuses réunions, négociations et conversations ont été organisées pour essayer d’arriver à un compromis avec UAG concernant l’ordre du jour de la journée pour une autre politique le 28 octobre. La position de la majorité écrasante de CAP était de vouloir lancer une nouvelle organisation le 28 octobre, de présenter à cette occasion des cartes de membre et d’élire une direction provisoire. Pour UAG, le 28/10 était un test intéressant qu’ils voulaient ensuite évaluer dans leur propre petit cercle. Le CAP a été obligé par cette attitude d’UAG d’attendre jusqu’après le 28/10 pour s’organiser, en vue que les négociations avec UAG continuaient jusqu’à la semaine avant 28/10. UAG a imposé au nouveau mouvement et au CAP de facto un modèle confédéral en décidant déjà avant le 28 octobre d’établir ses propres structures, programme et méthodes de fonctionnement et en revendiquant qu’ils seraient le seule partenaire francophone dans le mouvement. . De cette manière, le 28/10, malgré la mobilisation forte de notre côté, est devenu un coup dans l’eau pour la construction d’une nouvelle force politique.

    Toute dernière tentative de recherche de compromis entre CAP et UAG

    39. Au début du mois d’octobre, les représentants du CAP et d’UAG se sont réunis pour discuter d’une dernière proposition de compromis. L’inquiétude majeure du CAP et du MAS/LSP était qu’UAG prenne en otage tous les participants au 28 octobre pour son propre agenda. Si le 28 octobre un nouveau mouvement n’était pas lancé, avec des cartes de membre, une structure, une direction élue,… tous les efforts seraient quasiment vains. Une ultime proposition pour la formation d’une direction nationale a été faite à UAG : une structure de 16 personnes, composée de 8 néerlandophones (5 du CAP et 3 parmi les présents au 28/10) et 8 francophones (5 d’UAG et 3 non UAG). Cette tentative de compromis a été poussée très loin. Nous étions prêts à laisser la majorité de la composante francophone de la direction dans les mains d’UAG, malgré le fait qu’elle ne mobiliserait pas la majorité des francophones pour le 28 octobre. Les négociateurs d’UAG pouvaient difficilement balayer une telle proposition; même les membres du POS/SAP semblaient prêts à la défendre auprès d’UAG. Grande fut la surprise de tout le monde quand cette proposition a été rejetée en assemblée générale d’UAG. Celle-ci exigeait d’être la seule représentante du monde francophone et d’avoir le monopole des accords de coopération avec le CAP. Elle voulait seulement constituer un secrétariat commun paritaire entre le CAP et UAG, sans tenir compte de la langue, ce qui en fait empêchait le CAP de travailler en territoire francophone. Même le POS/SAP s’est senti obligé de diffuser le 16 octobre une lettre ouverte qui refaisait la proposition de compromis comme seule possibilité d’arriver à un accord. Hélas, dans la pratique, il y avait manifestement peu de la bonne volonté exprimé dans la lettre ouverte et il n’y a pas eu d’arrangement avant ou après le 28 octobre.

    Et pourtant, encore une tentative ?

    40. Après le 28 octobre, alors qu’UAG a été fortement surprise par la grande affluence, une nouvelle ouverture pour aller de l’avant ensemble dans le cadre d’une campagne électorale semblait se profiler. Dans cette optique, lors d’une réunion d’évaluation commun de CAP/UAG le 6 novembre, une proposition concrète fut faite pour entre autre former une équipe de campagne commun pour coordonner la campagne électorale (voir ajout 3). Une fois de plus, cette offre de coopération a été rejetée par UAG, ce qui a définitivement séparé nos routes. Le CAP a exécuté toutes les résolutions des 28/10 et 06/11, avec pour résultat que les groupes provinciaux flamands, ainsi que ceux qui se sont mis en place du côté francophone à partir du 15 décembre, ont décidé au cours d’une conférence le 3 février 2007, de participer à la campagne électorale.

    La conférence du 3 février

    41. Le PTB a été aussi mis sous pression par le développement du CAP. Pendant les vacances de Noël 2007, deux discussions ont eu lieu entre le PTB et le CAP. Par la suite le PTB a laissé entendre que le CAP aurait refusé de reprendre le nom du PTB dans le nom de la liste et aurait donc ainsi refusé d’aller aux élections en cartel. L’article paru dans son propre journal Solidaire du 9 janvier contredit cela. La principale préoccupation du PTB était de savoir si Sleeckx serait sur la liste ou pas. S’il était sur la liste du CAP, cela aurait signifié une menace sérieuse pour la position électorale du PTB. Il fallait dès lors rendre Sleeckx inoffensif du point de vue électoral. En conséquence, la proposition du PTB était qu’il pouvait être discuté d’une collaboration, donc d’un cartel, à Anvers où Van Duppen tirerait la liste alors que Sleeckx la pousserait. De cette manière, la tête de liste Van Duppen aurait eu l’attention et, avec la contribution des voix de Sleeckx, Van Duppen aurait fait son entrée au parlement. Parallèlement, Sleeckx ne pourrait ainsi être utilisé pour attirer pour le CAP des voix dans toute la Flandre, par exemple en figurant sur la liste du Sénat. Le PTB savait d’ailleurs déjà à ce moment que Sleeckx était tout sauf prêt à faire un come-back sur une liste électorale après sa retraite politique à 74 ans. La proposition déloyale du PTB n’a pas été bien perçue au CAP et avant même que le CAP puisse élaborer une contre- proposition et la présenter (par exemple dans la forme de listes de cartel dans tout le pays, sans conditions), Peter Mertens a appelé Sleeckx pour lui demander s’il avait déjà décidé d’être candidat ou pas. Quand Sleeckx lui a répondu qu’il restait sur sa position de ne pas se présenter, le PTB en savait assez. L’opération « rendre Sleeckx inoffensif » avait réussie et le PTB pouvait, d’un pas tranquille, expliquer à ses membres qu’il ne collaborerait pas avec le CAP.

    42. Cela a été expliqué de la façon suivante dans Solidaire le 9 janvier 2007. Là on ne parle pas d’un refus du CAP de prendre le nom PTB dans le nom de la liste. Au contraire, avec beaucoup de sens dramatique le PTB insinue qu’elle a attendu le CAP, deux mois au moins, et que, malheureusement, Jef ne voulait pas participer: « Le PTB+ a tendu la main pour rendre possible une liste de cartel entre Van Duppen et Sleeckx. Cela a duré deux mois de plus que prévu, malgré le fait que les élections seront peut-être anticipées. Au début, on espérait que la conférence du CAP, le 28 octobre, allait donner un signal en ce sens. Deux mois seulement plus tard, le sort en était jeté : Jef Sleeckx ne se présenterait pas. Si les inspirateurs et les porte-parole d’un mouvement se retirent, il ne peut en émaner ni le rayonnement ni la dynamique qui sont pourtant tellement nécessaires pour donner sa chance à un cartel progressiste. Cela signifie finalement que pas un seul des fondateurs du CAP, à savoir Lode Van Outrive, Georges Debunne et Jef Sleeckx, ne participera à une campagne électorale. Quant à savoir si, dans de telles circonstances, le CAP se rendrait tout seul aux urnes, la chose n’est pas claire. Le PTB laisse la porte ouverte à tous les membres du CAP pour qu’ils soutiennent, en tant que candidats indépendants, la campagne électorale du Dr Dirk « Kiwi » Van Duppen sur une liste PTB. »

    43. Sleeckx ne sera pas avec le PTB, mais peut-être bien avec Groen!, titrait De Morgen le… mardi 9 janvier, le même jour que l’article de Solidaire, un jour après que le PTB ait envoyé, par une tactique magistrale, une déclaration de presse annonçant que le cartel d’Anvers n’aurait pas lieu. Ainsi les médias ont pu tout de suite intervenir pour débarrasser le PTB de toute responsabilité. Une petite leçon de manipulation par laquelle le PTB constate un danger, le rend inoffensif et s’érige en victime. Un vieux renard change de poils non d’esprit. C’est une leçon importante pour qui veut à l’avenir se mettre autour d’une table avec le PTB.

    44. Entre temps l’immaturité du CAP a continué à peser douloureusement. Sleeckx a avancé lors d’une conversation téléphonique avec un journaliste du Morgen que les Verts étaient aussi intéressés par son projet. Le lendemain, on pouvait lire dans ce journal que Sleeckx serait peut-être sur la liste de Groen ! Cette proposition totalement fausse a ajouté à la confusion. Après quoi, Vera Dua (dirigeante de Groen !) a alors donné Sleeckx un coup de téléphone surprise et lui a, à ce moment seulement, proposé d’entamer une discussion.

    45. Le 3 février plus de 300 personnes sont encore venues à la conférence du CAP, sans grande mobilisation (pas d’affiches ni tracts) et sans UAG, pour décider de la participation aux élections. Le manque de clarté sur l’avenir du CAP, que les membres n’ont pu suivre que via les médias, avait déjà eu un effet sur l’enthousiasme. Mais, malgré cela, la grande majorité restait gagnée à l’idée d’une participation indépendante aux élections. La meilleure preuve en est que, lors du vote, seul un groupe de maximum 10 personnes (soit 3% des présents) a voté pour la proposition de Groen – une « bande rouge » sur les listes vertes de Groen où les candidats du CAP occuperaient les places 5, 6, 7 et 8 sur toutes les listes – ou s’est abstenu.

    46. A ce moment, la participation indépendante aux élections était la seule option qui s’offrait au CAP dans la perspective de poursuivre la construction d’un nouveau mouvement politique de la classe ouvrière. Accrocher notre locomotive au train de Groen aurait complètement coulé la crédibilité du CAP. Nous n’en voulons pour preuve que la campagne électorale de Groen totalement tournée vers une participation au gouvernement avec l’exigence principale d’obtenir le poste du ministre du climat dans le gouvernement à venir. Quelques membres du CAP, regroupés autour de la liste LEEF à Herzele, sont entrés dans le projet « rouge sur vert » et se sont retrouvés coincés dans la logique d’une possible construction d’une aile rouge chez Groen. Certains au sein du CAP doutaient du fait que nous puissions être prêts pour cette campagne électorale, ce qui était parfaitement justifié. Il nous était difficile de nier que les circonstances étaient tout sauf idéales. Une non-participation aurait, selon nous, mit un frein définitif au développement du potentiel encore présent dans le CAP à ce moment-là. Cela n’aurait pas été sérieux aux yeux de ceux qui espéraient encore dans le CAP.

    47. L’un des résultats importants du CAP entre le 28 octobre 2006 et le 3 février 2007 a été son intervention dans la grève de VW. Quelle différence avec UAG qui, dans l’enceinte d’une salle de conférence, claironnait d’une manière plus radicale que radicale que l’industrie la plus importante qui restait à Bruxelles menaçait de fermer… mais qui, sur place, était invisible. Dès le début, le CAP a été massivement présent pour participer à la lutte, fournir du soutien, mobiliser pour les manifestations et entrer dans le débat politique. L’intervention à la manifestation de VW du 2 décembre a clairement placé le CAP sur l’échiquier de la lutte des travailleurs. Entretemps la victoire électorale du SP aux Pays-Bas avait ouvert le débat sur la question évidente si une telle percée serait possible pour un parti de gauche en Belgique. Bien plus tôt, dans le Standaard du 2 août, Noël Slangen (l’ancien porte-parole de Verhofstadt) avait déjà soutenu « qu’un tel parti peut obtenir 10%. A la seule condition que le nouveau parti ne se laisse absolument pas séduire par une participation au gouvernement ». Bart De Wever avait abordé dans une colonne la question d’un nouveau parti des travailleurs tandis que le président de Spirit Geert Lambert jetait l’initiative à la poubelle. « Sleeckx vient avec une vieille histoire. Il se repose spécifiquement sur ‘la classe ouvrière’, mais il y a aussi de petits épiciers qui ont des difficultés. La société de classes que Sleeckx a connu n’existe plus depuis longtemps ».

    48. Un an plus tard, nous sommes au milieu de la crise financière la plus importante depuis la grande dépression des années ’30 et la société de classe n’est plus niée par les commentateurs sérieux. “Class is back”, écrit Naomi Klein dans son dernier livre. Les dernières années une expression a de nouveau été donné à la société de classes en termes de fossé entre les riches et les pauvres, les salaires des top managers par rapport à la baisse du pouvoir d’achat, d’élitisation de l’enseignement, de durcissement et d’américanisation de la société. La période qui se trouve devant nous sera celle de changements très rapides et de chocs dans les consciences. Un parti des travailleurs clairement profilé avec un programme correct pourrait obtenir des scores formidables dans un tel contexte.

    49. Finalement nous avons pu réunir quelques 250 candidats (parmi lesquels 6 travailleurs de VW) dont 90 étaient membres du MAS/LSP. Une seule liste des dix, celle de la Chambre en Flandre Orientale, avait une tête de liste MAS/LSP. Ce choix conscient était un signe manifeste de notre part que nous ne voulions pas dominer le CAP ni obtenir les meilleures places sur les listes électorales. Nous avons rassemblé un peu plus de 20.000 euros pour la campagne et avons obtenu 21.252 voix pour le Sénat (0,32%) – 8.277 voix soit 0,33% pour le collège électoral francophone et 12.938 soit 0,32% pour le collège électoral néerlandophone. Aux élections européennes de 2004, le MAS/LSP avait obtenu 5.675 voix soit 0,23% en Wallonie et 14.166 voix soit 0,35% en Flandre. Ainsi le CAP a obtenu en Flandre moins de voix que nous sous le nom de LSP et en Wallonie plus de voix que nous sous le nom de MAS.

    50. La campagne électorale a connu à divers moments un enthousiasme et une dynamique remarquables. Pendant la campagne plus que 250.000 tracts et 20.000 affiches ont été distribués et une centaine de nouveaux gens rejoignait le CAP. Sans secrétariat ou équipe rémunérée, entièrement basé sur le travail volontaire de quelques centaines de militants, le CAP a pu gagner de l’audience ici et là. Comme lors d’un débat dans une Haute Ecole de Gand où les étudiants pouvaient voter avant et après le débat. Le CAP qui avant le débat était inconnu auprès des quelque 200 étudiants n’obtenait que 1,14% des voix. Après un débat éblouissant avec quelques ténors de la politique nationale, le CAP a obtenu 23,81% des voix des étudiants présents. C’est un petit avant-goût de ce qui serait possible avec un programme fort et de bons porte-paroles qui parlent une langue claire.

    Après le 10 juin 2007, le CAP reste-t-il sur les rails?

    51. Beaucoup de gens ont prédit la punition du SP.a et du PS dans les élections. Comment aurait-il pu en être autrement après 20 années de participation à la politique néolibérale. C’était donc les élections idéales pour lancer une nouvelle formation. Malheureusement toute l’attention dans la campagne électorale est allée vers la droite. La nouveauté des élections, ce n’était pas Sleeckx, mais Dedecker. La question était de savoir qui du CD&V ou du VLD allait arriver premier et qui de la LDD ou du Vlaams Belang allait capter le vote de protestation. Un Sleeckx sur le liste du CAP n’aurait pas pu à lui seul retourner cette situation mais il avait pu montrer une autre voie dans le débat et obtenir plus d’attention pour le CAP.

    52. Beaucoup d’encre a déjà coulé à propos de cette participation aux élections et beaucoup de membres du MAS/LSP se sont déjà creusé la cervelle pour analyser et aider à expliquer le mauvais résultat électoral du CAP. Dans notre journal Alternative Socialiste, nous avons pointé du doigt à plusieurs reprises quelles avaient été selon nous les erreurs de la campagne électorale. A coté des tergiversations, des discussions interminables, du manque de clarté pour le publique large et le fait qu’aucun des initiateurs n’était candidat, le slogan électoral vague a donné au CAP le coup de grâce. Malheureusement ce slogan n’était pas un accident de parcours mais l’expression de ce que quelques-uns dans CAP avaient prévu comme projet politique pour le CAP.

    53. Après les élections l’objectif du CAP a été infléchi, sous insistance de nos membres dans le Comité National. La campagne électorale n’a pas apporté la dynamique, l’enthousiasme et les nouveaux membres nécessaires pour préparer un nouveau pas en avant, celui d’une campagne électorale vers un parti. Au contraire, la démoralisation après le mauvais résultat a conduit une partie de la base de CAP à l’inactivité. En préparant la conférence nationale suivante du 20 octobre, nous avons martelé le fait que le rôle du CAP n’était pas fini, mais devait être ajusté.

    54. Dans notre texte interne pour notre conférence de novembre 2007, nous avons mis en avant notre perspective dans ces termes : « La campagne électorale a placé le CAP sur la carte politique, mais avec un résultat insuffisant pour pouvoir déjà maintenant se mettre en avant comme la structure d’organisation unique, à partir de laquelle un nouveau parti des travailleurs va naître. Pour cela, le CAP va devoir avoir un œil pour les développements dans la lutte de classes et être préparé à collaborer avec les nouvelles initiatives qui peuvent naître dans cette lutte. » Le fait que, lors de la conférence du 20 octobre, le CAP s’est donné comme objectif à une large majorité d’être « un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c’est-à-dire un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille)», était selon nous un pas dans la bonne direction.

    55. Hélas cette décision est restée lettre morte. Une petite minorité dans le CAP, mais dominant dans le secrétariat national, a refusé de mettre cette décision en pratique. N’était-il pas possible de réunir une conférence nationale pour reconfirmer cette décision et pour revendiquer son application ? Cela pouvait être une option. Malheureusement dans les derniers six mois d’amateurisme sans même une initiative nationale réussite, à part l’intervention dans la manifestation sur le pouvoir d’achat que nous avons imposée avec le MAS/LSP, le CAP s’est vidé encore un peu plus. Une conférence nationale aujourd’hui pour refaire la même discussion ne mènerait à rien qu’une cassure. Rien ne donne l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui sont chauds pour ça, y compris parmi ceux qui en fait sont d’accord avec nos critiques. Les opportunités que le CAP a reçues n’étaient pas minces. Malheureusement nous devons constater qu’elles ont été systématiquement gâchées et que le CAP, dans sa composition actuelle, ne va pas être capable de jouer un rôle réel dans la construction d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique.

    56. En octobre déjà, nous écrivions dans une résolution d’actualité pour la Conférence Nationale du MAS/LSP de 2007 que l’avenir du CAP était incertain. « Si le CAP ne s’avère pas capable dans l’année qui vient de faire en avant des pas importants sur ce plan, il va probablement sombrer dans des discussions internes. Le seul groupe organisé, le MAS/LSP, va alors être pointé du doigt par les couches les moins conscientes et chargé de tous les fautes d’Israël par nos adversaires politiques. Les éléments nouveaux et les plus conscients vont avoir expérimenté notre approche comme principielle, politique et ouverte et vont être intéressés de continuer avec nous vers la création d’un nouveau parti des travailleurs. »

    Conclusion

    57. Le dernière année et demi du CAP s’est avérée un énorme apprentissage pour tous nos membres et aussi pour beaucoup de militants du CAP. Avons-nous commis des erreurs avec le MAS/LSP ? Certainement. Nous avons été probablement trop inconditionnels dans notre soutien au projet du CAP et nous aurions pu voir plus tôt que la faiblesse inhérente allait se retourner contre lui à un certain moment. Avec notre volonté énergique de construire le CAP, nous avons même pendant un certain temps bordé les faiblesses du CAP, espérant qu’une bonne campagne électorale pouvait remettre le CAP de nouveau sur le bon chemin. Nous n’avions pas du faire cela. Notre présence dominante était aussi pour quelques uns l’excuse parfaite de se mettre à coté. Il est compréhensible que, dans le contexte du moment, nous avons cédé dans la discussion sur le slogan électoral. Rétrospectivement ceci était un mauvais compromis qu’on a fait. Mais nous sommes convaincus que, sur les grandes lignes, nous avons à chaque fois défendue les positions correctes et pris une attitude correcte.

    58. Nous pensons que, dans la situation actuelle, le CAP n’est pas capable de grandir vers un nouveau parti des travailleurs et que, s’il continue à suivre le chemin qu’il suit depuis le 20 octobre, il n’apportera plus une contribution constructive dans ce sens. Il va par contre devenir le joueur le plus petit et le moins radical sur le terrain des organisations de la gauche radicale.

    59. Au vu de l’échec du CAP et du tournant du PTB, qui va probablement lui rapporter électoralement, même un début d’un processus dans la direction d’un nouveau parti des travailleurs semble être temporairement postposé. On ne doit probablement pas s’attendre à un développement fondamental dans cette direction avant les élections de 2009. Nous sommes ouverts à la discussion si cela se passait quand même.

    60. Nous ne voulons pas laisser tomber tout simplement ceux qui aujourd’hui sont encore présents dans le CAP et qui étaient d’accord avec nous sur le potentiel du CAP. Partout où le CAP réunit des gens autour de la table avec l’idée de construire un nouveau parti des travailleurs, nous nous assiérons aussi à cette table. Dans ce sens, nous ne laissons pas purement et simplement tomber le CAP et les membres de MAS/LSP vont collaborer à l’organisation des activités avec lesquelles nous sommes d’accord. Cela se fera néanmoins avec un refus clair du chemin politique que le CAP a suivi les derniers mois.

    61. Nous sommes au seuil d’une période de turbulences sur le plan économique, social et politique. La crise économique qui aujourd’hui déjà se traduit par deux trimestres de récession aux Etats-Unis, va aussi peu à peu saisir l’Europe à la gorge. La bourgeoisie belge qui a longtemps postposé une confrontation avec la classe des travailleurs, ne va plus avoir un autre choix que de lâcher à nouveau le monstre néolibéral. Une situation de crise peut mener à la paralysie de parties de la classe des travailleurs, mais elle peut mener aussi à la résistance quand seule la lutte offre encore une issue possible. A partir des mouvements contre la politique du gouvernement, contre les mesures néolibérales et la fermeture des entreprises, la nécessité d’un véritable instrument politique va devenir toujours à nouveau claire. Par le rôle qu’elles jouent au service de la politique traditionnelle, les directions syndicales vont essayer de toutes leurs forces d’arrêter un mouvement combatif généralisé. Au vu de l’attitude du PTB qui va chercher à chaque nouvelle occasion le plus grand diviseur commun dans les mouvements – ce qu’ils appellent eux-mêmes la stratégie de la « majorité syndicale » – pendant qu’il essaie d’être bon copain avec les directions syndicales, les groupes les plus combatifs ne vont pas se reconnaître vraiment dans le langage mou et la plateforme de revendications réformiste du PTB.

    62. Il y aura à nouveau des moments où, après une lutte importante, des groupes de travailleurs arriveront à la conclusion qu’ils doivent construire un parti des travailleurs combatif, ouvert et démocratique afin de pouvoir traduire politiquement leurs intérêts. Mais cela va prendre du temps à cause des défaites dans le passée. Une nouvelle initiative risque d’être vue avec le scepticisme nécessaire, surtout en Flandre où nous avons maintenant l’expérience du CAP derrière nous. En Wallonie, il y a eu une expérience similaire avec la liste Debout, qui a obtenu de meilleurs résultats sur le plan électoral grâce au fait que les dirigeants de la lutte chez Clabecq ont pris leurs responsabilités et se sont mis à la tête de l’initiative, mais ils n’étaient malheureusement pas préparés à construire ensuite une nouvelle formation politique sur une base conséquente.

    63. Pour 2009 les cartes semblent très vite jouées. Le CAP a refusé de jouer l’atout qu’il avait encore en main. Elle avait pu, comme nous l’avons formulé dans notre proposition début 2008, lancer une grande campagne pour des listes antilibérales en 2009. Mais cette opportunité aussi a été perdue. Chaque tentative qui va encore être lancée pour arriver à des listes unitaires à gauche va être écartée par les manœuvres politiques dans lesquels tout le monde va essayer de faire porter le chapeau à l’autre. Seuls un appel et une pétition pour des listes anti-néolibérales, autour desquels une campagne aurait pu être menée pendant des mois et autour desquels des syndicalistes et des militants auraient pu être réunis, aurait pu développer la force nécessaire pour mettre autour du table tous les partenaires de discussion qui sont nécessaires pour une lutte unitaire. Cette proposition du MAS/LSP au CAP en janvier 2008 a été refusée. Aujourd’hui le CAP tente bien de réunir la gauche radicale sur une liste unitaire, mais cela ressemble selon nous plutôt à une dernière tentative pour garder le CAP en vie au lieu d’être une initiative basée sur une campagne profonde dans le contexte politique et sociale actuelle.

    64. Le MAS/LSP ne va pas participer à ce jeu d’échecs politique, où la seule question est qui va faire échec et mat à qui. Mais s’il existe une chance réelle d’aboutir à une liste large anti-néolibérale pour 2009, nous nous y insérerons constructivement. D’ici là, nous préparons notre parti, nos militants et nos sympathisants à une participation aux élections avec des listes MAS/LSP, des listes ouvertes à chaque individu ou chaque groupe qui veut propager la nécessité d’un nouveau parti de travailleurs.

    65. Entretemps nous avons fait la proposition suivante au PTB dans notre déclaration à l’occasion du « renouveau » de leur parti. « Au lieu d’un tournant à droite, nous voulons proposer au PTB un tournant à gauche, vers le socialisme international et vers un front unique. Sur cette base, nous invitons le PTB à lancer avec le MAS un appel pour un parti large de lutte de tous les courants qui veulent s’opposer au néolibéralisme et à y représenter la tendance révolutionnaire avec le MAS. Le premier défi serait en ce sens les élections régionales, européennes et peut-être fédérales de 2009 avec une initiative commune pour une liste anti-néolibérale. »


    Annexe 1:

    Liste chronologique des évènements

    • 7 octobre 2005 Grève générale de la FGTB contre le Pacte des Generations.

      Le MAS/LSP intervient avec un appel pour un réseau des syndicalistes combatifs

    • 16 octobre 2005 Congrès du SP.a où plus de 200 militants FGTB accompagnés de Sleeckx tournent le dos au SP.a
    • 28 octobre 2005 2e grève générale avec manifestation de 100.000 travailleurs à Bruxelles. Le MAS/LSP lance une pétition pour un nouveau parti des travailleurs
    • 2 novembre 2005 Dans une lettre ouverte la délégation FGTB d’Agfa-Gevaert demande de casser les liens entre la FGTB et le SP.a
    • 26 novembre 2005 Premier meeting avec Sleeckx dans le Limbourg, 20 présents
    • 17 janvier 2006 Rencontre entre Jef Sleeckx et Theo Mewis d’une part et le Bureau exécutif du MAS/LSP d’autre part
    • 22 février 2006 Pièce d’opinion d’Une Autre Gauche dans La Libre Belgique
    • 30 avril 2006 Fête du CAP de veille du 1er Mai à Gand avec plus de 100 personnes présentes
    • 28 octobre 2006 Journée pour une Autre Politique à l’ULB avec 650 présents. Le MAS/LSP est responsable à lui seul de la moitié de la mobilisation
    • 15 décembre 2006 Réunions provinciales du CAP en 8 provinces
    • 3 février 2007 Conférence nationale du CAP qui décide de la participation indépendante aux élections
    • 14 avril 2007 Conférence national du CAP ou le matériel électoral et listes des candidats sont approuvées
    • 20 octobre 2007 Conférence national du CAP ou l’évaluation des élections est faite et où de nouveaux objectifs sont mis en avant


    Annexe 2:

    MOTION CAP-UAG – 28 OCTOBRE 2006

    1.Il est avant tout et surtout nécessaire de poursuivre la construction du mouvement sous la forme d’un programme politique combatif, basé sur des propositions concrètes et radicalement opposé à la politique actuelle néolibérale et pro capitaliste, à la fois sur le plan du social, de l’économie et de l’environnement. Nous nous y attelons dès aujourd’hui avec les propositions qui sortent des 12 groupes de travail.

    2.Nous devons aller plus loin et participer aux prochaines élections fédérales, sans par ailleurs rompre avec la dynamique propre au mouvement. Là où les conditions nécessaires seront réunies pour une participation crédible, des listes seront déposées pour les élections fédérales.

    Nous nous engageons sur base des propositions de cette réunion et de toutes nos expériences, à soumettre un programme électoral à l’approbation de notre mouvement.

    3.Tous les habitants de Belgique peu importe la langue qu’ils parlent seront invités à collaborer de manière aussi intensive que possible. UAG et CAP doivent poursuivre leur collaboration et l’intensifier, tendre à former une solide coordination, et à s’élargir selon les besoins. Une période d’expériences communes sera nécessaire avant de décider si notre organisation politique doit devenir un parti ou rester un mouvement. Cette question sera posée lors d’un futur congrès.

    Bruxelles, le 28 octobre 2006


    Annexe 3:

    Proposition pour la réunion du 6/11 d’évaluation du 28/10

    1. Les éléments positifs du 28/10, la présence et la décision pour les élections, doivent être transformés d’un coté en un bon fonctionnement des groupes locaux existants et la création de nouveaux groupes locaux, et d’un autre coté en une structure politique concrète, tenant compte des différentes initiatives politiques qui s’inscrivent dans le projet du 28/10. La construction du nouveau mouvement après le 28/10 continue ou tombe avec la construction des groupes locaux qui appliquent avec leurs forces les décisions du 28/10, et les groupes locaux qui cherchent une alternative.
    2. Nous proposons que tous les groupes locaux se rassemblent, en décembre, au sein d’une réunion par province, qui correspond aux circonscriptions électorales pour la Chambre en Flandre et à un rassemblement des quelques circonscriptions électorales en Wallonie. Ces réunions se font par invitation de tous “les présents du 28/10 CAP/UAG”. Elles préparent la campagne électorale, font les contacts politiques nécessaires, discutent sur la construction des groupes locaux et mettent en avant un calendrier provincial.
    3. La décision du 28/10 de participer ensemble (nord et sud, CAP et UAG) aux élections parlementaires de 2007 fait partie du processus dans lequel on considère la possibilité de transformer la formation de ce mouvement en un parti.
    4. La seule structure qui peut suivre de cette décision est une structure temporaire de campagne avec un mandat clair. Nous créons une équipe nationale de campagne qui doit créer les conditions pour pouvoir participer aux élections et coordonner cette campagne. Elle organisera une réunion nationale le 03/02/2007 où un programme sera décidé, une campagne élaborée, un budget déterminé et un nouveau nom proposé. Cette équipe est composée sur base d’une parité linguistique parmi ceux qui ont rendu le 28/10 possible. La composition de cette équipe est organisée sur base de mandats concrets qu’elle doit remplir. Cette équipe est confirmée le 03/02/2007 et y est éventuellement élargie.
    5. Dès le 03/02/07, on peut travailler sous le nouveau nom des listes électorales. La base de l’affiliation à ce nouveau mouvement est une contribution au fonds électoral et un engagement dans la campagne électorale.
    6. A côté de cela, un groupe est formé autour de Lode, Jef et Georges qui, sur base du succès du 28/10, va commencer des discussions avec d’autres forces et individus politiques qui s’opposent au Pacte des Génération et à la Constitution européenne et qui veulent aussi participer aux élections.
    7. Une commission (limitée en nombre, à peu près 6) sera composée pour faire la rédaction d’une proposition de programme électoral, proposé le 03/02/2007 à la réunion nationale. Les commissions thématiques vont jouer un rôle important en donnant des éléments à cette commission sur base de propositions concrètes de programme et d’initiatives d’actions. Nous demandons à ces commissions de faire passer leurs premières conclusions avant la fin de cette année.
    8. Cette méthode de fonctionnement est utilisée pour les 7 prochains mois. Après les élections, une nouvelle réunion d’évaluation va déterminer une méthode de fonctionnement pour commencer à préparer le congrès de fondation pour la fin 2007.


    Annexe 4:

    Principes de fonctionnement du Comité pour une Autre Politique, proposition de discussion dans la préparation du congrès de 20 octobre 2007.

    Le Comité pour une Autre Politique s’est posé sur la carte politique par son travail et sa participation aux élections. CAP veut donner une voix aux travailleurs ou allocataires sociaux et à leurs familles. L’énoncé des principes de fonctionnement esquissés ci-dessous est une méthode de travail temporaire afin d’atteindre notre but, la création d’une alternative politique.

    Le CAP est né de la critique contre la Constitution Européenne néolibérale et du soutien politique de Georges Debunne, Lode Van Outrive et Jef Sleeckx aux syndicats et à la population contre le Pacte entre Générations. Le CAP s’est développé par une participation aux luttes sociales et politiques et sur base de sa campagne électorale du 10 juin 2007.

    Le CAP est un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c.-à-d. un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille). Le CAP se pose pour la réalisation des besoins de chacun par le biais de la défense et l’accroissement de services publics et collectifs, et s’oppose à une société qui se base l’appât du gain. La politique de privatisation et de libéralisation mine notre tissu social, notre environnement ainsi que nos conditions de vie et de travail. La première base provisoire du CAP est la ligne générale du programme défendu pendant les élections fédérales.

    CAP est un mouvement de membres. Les membres paient une cotisation annuelle de 25 euros ou de 12 euros pour les bas revenus. Dans la mesure du possible le CAP insiste auprès de ses membres pour qu’ils versent une cotisation mensuelle d’au moins 1 euro par mois.

    La plus haute instance de décision du CAP est le Congrès annuel qui réunit ses membres au moins une fois par an. Le Congrès continue l’élaboration du programme, définit la ligne politique générale du mouvement et les actions globales de l’année à venir. Le Congrès élit annuellement un Comité national. Tous les membres ont un droit de vote au Congrès. Tous les membres peuvent se présenter comme candidat au Comité national.

    L’organe de base est le groupe local du CAP. Le Comité national reconnaît un groupe local s’il y a au moins 5 membres dans un quartier, une commune, une école ou sur un lieu de travail, qui y en prennent l’initiative. Tous les membres du CAP sont appelés à être actifs dans les groupes locaux existants ou à former. Le groupe local règle ses propres activités dans le cadre des décisions du Congrès et du Comité national. Différents groupes locaux peuvent élire, en assemblé générale de leurs membres, un Comité exécutif par ville, commune ou région.

    Les groupes locaux peuvent élire, en assemblée générale de leurs membres, un Comité exécutif provincial. Si l’initiative d’un Comité provincial n’est pas prise, les groupes locaux proposent au Congrès 2 membres comme coordinateurs provinciaux au Comité national. Leur tâche de coordonner les groupes locaux de la province là où il n’y a pas de Comité provincial. Il est laissé aux membres de Bruxelles-Halle-Vilvoorde la liberté de se grouper comme " province" et d’adhérer soit à un Comité exécutif du Brabant flamand, soit à un Comité exécutif bruxellois. Cette décision est prise par une assemblée générale des membres de BHV.

    Les membres du CAP peuvent s’organiser en groupes de travail par thèmes ou secteurs pour autant que ces groupes de travail soient reconnus par le Comité national, le point de départ étant les 10 groupes de travail réunis le 28 octobre 2006.

    Toutes les autres règles concernant la gestion des finances, l’administration des membres, le fonctionnement des organes du CAP et l’installation des organes de travail (rédaction, secrétariat national, etc.) ou l’installation de structures locales, provinciales ou nationales avec personnalité juridique (asbl p.e.) sont élaborées par le Comité national élu le 20 octobre 2007. A toutes les réunions nationales du CAP tout le monde peut parler sa langue maternelle. Cela implique qu’une traduction appropriée est prévue.

    Le congrès de 20 octobre 2007 décide de la situation initiale concernant la reconnaissance des groupes locaux, groupes de travail et comités provinciaux déjà existants. Tous les membres reconnaissent ce statut comme base du fonctionnement interne et externe du CAP.

  • Pouvoir d’achat. Construire un rapport de forces favorable pour un automne chaud !

    La semaine d’actions et de manifestations provinciales pour le pouvoir d’achat organisée par les syndicats du 9 au 13 juin est une bonne initiative. Ce n’est qu’un premier pas, qui devrait être suivi par une manifestation nationale à l’automne. Mais pour assurer qu’une telle mobilisation soit un succès, il faut un programme clair et l’implication active de larges couches de travailleurs.

    Geert Cool

    Le néolibéralisme en crise de légitimité

    Personne ne nie plus la hausse des prix de ces derniers mois. Pour l’année 2008, les banques estiment que l’inflation – la montée des prix – sera de 3,6% (ING) à 3,8% (KBC).

    Pour que les salaires suivent, une norme salariale supérieure à 5% pour deux ans sera nécessaire, sans quoi les travailleurs, les chômeurs et les pensionnés connaîtront un appauvrissement collectif encore plus grave. Une part grandissante du budget des ménages file vers l’énergie et la nourriture. Des économistes bourgeois affirment qu’on va devoir “accepter que notre niveau de bien-être diminue” (selon un économiste d’ABN-Amro).

    Au cours des dernières années, les politiciens traditionnels ont affirmé que la lutte contre la pauvreté était importante et qu’elle ne pourrait se mener que par le biais du marché “libre”. Verhofstadt a par exemple écrit dans une lettre aux antimondialistes que “le marché et le libre échange constituent la meilleure méthode, la seule méthode avérée, pour triompher de la pauvreté.”

    Pourtant, c’est au marché soi-disant “libre” que l’on doit aujourd’hui la hausse des prix de l’alimentation, parce que les grandes entreprises et les spéculateurs voient dans ce secteur une opportunité de réaliser de juteux profits. De même, la libéralisation du marché de l’énergie a conduit à des prix plus élevés, ce qui n’empêche pas la multinationale Suez de balayer toute critique en affirmant que sa filiale Electrabel a recours à des prix conformes au marché !

    Libéralisations et privatisations mènent à moins de services qu’on paie plus cher, avec la conséquence qu’une bonne partie de la population ne peut plus s’en sortir.

    Mais le néolibéralisme n’est pas néfaste pour tout le monde. Les managers de haut vol qui réalisent chaque année de nouveaux records salariaux n’ont évidemment pas à se plaindre. Aux Pays-Bas, les 5 plus grands top managers reçoivent un salaire cumulé de 131,8 millions d’euros, à peu près le salaire annuel de 4.000 travailleurs normaux.

    Dans notre pays, le salaire moyen d’un topmanager d’une société reprise au Bel 20 est de 2,22 millions d’euros. Nul doute que les chiffres néerlandais seront utilisés chez nous comme argument pour augmenter encore les salaires de nos topmanagers… pendant que les salaires chinois seront utilisés comme argument pour bloquer nos salaires !

    En mars 2007, le libéral Karel De Gucht reconnaissait déjà que les actionnaires et les top managers étaient les “grands gagnants” de la mondialisation. Il disait aussi : “Il y a 20 ans, le paquet total de rémunération d’un top manager américain était à peu près 40 fois le salaire d’un employé normal. Aujourd’hui il est monté jusqu’à 110 fois. Chez nous, en Europe, le fossé est beaucoup plus petit, mais il a fortement augmenté ici aussi ces 15 dernières années.” Il appelle même les top managers à la modération “pour ne pas faire le jeu des tendances populistes (…) On ne peut jamais perdre de vue que l’économie de marché puise sa légitimité morale et politique dans la supposition que les revenus correspondent grosso modo à la contribution faite à l’économie. Cette légitimité doit être préservée.” Aujourd’hui, cette légitimité du néolibéralisme est de plus en plus contestée.

    Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire

    Contre la vie chère, il faut plus de salaire. On a trouvé de l’argent pour faire de – très gros – cadeaux au patronat, comme la déduction des intérêts notionnels. Pour les travailleurs par contre, le moindre centime est un problème et l’indexation des salaires ne suffit pas à compenser la hausse des prix. L’index est en fait déjà tellement miné que le pouvoir d’achat réel baisse. Mais en plus du rétablissement de l’index, il nous faudra lutter pour une véritable augmentation salariale. 1 euro de plus par heure serait un bon point de départ.

    Cela peut être financé par des mesures comme un impôt sur les grandes fortunes (par exemple au-dessus de 1 million d’euros) et la suppression de mesures comme la déduction des intérêts notionnels.

    Nous devons bien prendre garde à ne pas perdre d’un côté ce qu’on nous a donné de l’autre en payant nous-mêmes nos augmentations salariales. Les réductions de taxes sur le travail peuvent sembler sympathiques mais, en diminuant les rentrées pour l’Etat, elles aboutissent à une diminution de moyens pour la collectivité, ce qui conduit au final à devoir payer pour des services offerts auparavant par l’Etat. La libéralisation du marché de l’énergie constitue un avertissement suffisant : quand la collectivité n’a plus aucun contrôle sur un secteur, on paie plus cher alors que ce secteur génère des profits record.

    La seule réponse correcte est la nationalisation du secteur de l’énergie sous le contrôle des travailleurs et des consommateurs pour que les besoins de la majorité de la population deviennent centraux à la place des profits.

    Construire un mouvement

    La crise économique touche déjà les travailleurs et leurs familles de plein fouet. En Espagne, 250.000 emplois dans le secteur de l’immobilier risquent de disparaître. Aux Etats-Unis, il devrait y avoir cette année 17% d’opérations oculaires en moins, la faible sécurité sociale américaine renforçant l’impact de la récession économique. Le pourcentage de leur revenu que les Américains doivent consacrer à la nourriture et à l’énergie est au plus haut niveau depuis que ces données sont collectées.

    Les prix qui montent, le pouvoir d’achat qui baisse, cela touche tout le monde. Pour que les actions prévues soient une réussite, il est crucial de ne pas se limiter à de simples concentrations de permanents et de délégués mais d’impliquer activement des couches les plus larges possibles dans des manifestations et des arrêts de travail afin de construire un meilleur rapport de forces.

    Un bon pas dans cette direction serait aussi de ne pas faire les évaluations des journées d’actions provinciales des syndicats lors d’une conférence de presse le 13 juin, mais dans des réunions intersectorielles de militants (et pourquoi pas dans des assemblées communes FGTB-CSC) où on pourrait en même temps discuter de la continuation de la campagne vers une journée d’action nationale après les vacances.


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  • Allemagne: Des antifascistes bloquent la manifestation des néonazis

    Des antifascistes bloquent la manifestation des néonazis.

    Samedi dernier, une manifestation du groupe néonazi NPD s’est déroulée à Stolberg (près d’Aix-la-Chapelle). Le NPD avait mobilisé nationalement pour cette troisième action à Stolberg en quelques semaines de temps. A sa première manifestation, le NPD avait réussi à mobiliser quelques 800 participants et les antifascistes s’étaient retrouvés minoritaires. Mais, ce samedi, la mobilisation antifasciste a été bien plus forte.

    Geert Cool

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    Les antifascistes bloquent le passage des néonazis (à l’avant plan de la photo)
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    Le MAS/LSP a également participé à cette manifestation pour soutenir nos « collègues » antifascistes allemands, mais aussi parce que l’internationalisme est la base de nos analyses. Environ 25 militants belges sont ainsi venus à Aix-la-Chapelle pour aider le SAV (Sozialistische Alternative, l’organisation-sœur du MAS/LSP en Allemagne) à faire de cette manifestation un succès. Nous avons été chaleureusement accueillis et notre message de résistance internationale contre l’extrême-droite – mais aussi contre le capitalisme – a trouvé un écho favorable parmi les participants à cette manifestation.

    La manifestation a commencé le samedi à 9 heures du matin, ce qui n’est pas l’heure idéale pour faire venir un grand groupe de manifestants dans une petite ville des alentours d’Aix-La-Chapelle comme Stolberg. La participation à la manifestation antifasciste était d’autant plus appréciable : 1.500 antifascistes étaient présents!

    A l’avant de la manifestation se trouvaient quelques motards antifascistes, puis suivait la délégation du SAV et ensuite d’autres groupes parmi lesquels des anarchistes, des syndicalistes et des militants politiques de la nouvelle formation de gauche « Die Linke », mais aussi des verts et même des membres du SPD (l’équivalent allemand de notre parti soi-disant « socialiste »). La manifestation a commencé par quelques prises de paroles par, entre autres, Marc Treude, conseiller communal local du SAV. La délégation belge du MAS/LSP a également pu témoigner sur le podium de la nécessité de la solidarité internationale.

    Après ces petits speechs, la manifestation a suivi un parcours relativement petit dans les rues de Stolberg. La police était massivement présente et occupait littéralement la ville. Il n’était pas évident d’y accéder, les déviations étaient déjà annoncées à quelques kilomètres du centre et aucune circulation n’était admise dans la ville.

    Le NPD a organisé cette manifestation suite au décès d’un néonazi lors d’un combat en essayant de présenter le défunt comme un martyr, une victime de la violence. Pourtant il est évident que les néonazis sont eux-mêmes responsables de la violence à Stolberg et aux environs, là où ils ont une base et un conseiller communal.

    Pour cette nouvelle action du NPD, il y a de nouveau eu une mobilisation nationale, peut-être même internationale, et la direction nationale du groupe néonazi était présente au complet. Pourtant, ils n’ont pas pu compter sur 800 participants comme deux semaines plus tôt, mais sur seulement 400, bien moins que le cortège de groupes et organisations de gauche qui se trouvait en face avec 1.500 manifestants. La veille s’était aussi déroulée une manifestation à l’initiative des partis traditionnels avec 2.000 personnes. La contre-manifestation du 26 avril a surtout été le fait du SAV et de Solid (l’organisation de jeunes de « Die Linke ») avec l’objectif de bloquer la manifestation des néonazis.

    Après un petit parcours, la manifestation s’est dirigée en direction des néonazis, pour finir à 100 mètres d’eux. Les partisans du NPD n’avaient donc plus le champ libre pour continuer leur trajet et ont donc dû s’en aller. Leur haine n’a ainsi pas pu faire de percée vers le centre-ville. La manifestation antifasciste est toujours restée pacifique, c’est la force de notre nombre qui a permis de bloquer les néonazis. Mais la détermination des manifestants était frappante.

    Comme cela a déjà été mentionné, la manifestation avait commencé le samedi matin à 9 heures, mais ce n’est que vers 16 heures qu’elle s’est finalement terminée. La ville a été occupée la journée entière par les antifascistes et la police pour empêcher de laisser les néonazis se diriger vers les quartiers immigrés. Beaucoup d’immigrés étaient d’ailleurs présents dans le cortège antifasciste.

    A la petite place Olof Palme Friedensplatz, les antifascistes sont donc restés durant des heures, sous les slogans ou les speechs, notamment de Lucy Redler du SAV qui a expliqué que la lutte contre le racisme doit être liée à la lutte contre le néolibéralisme et pour une alternative socialiste à la société d’exploitation.

    En soirée, il y a encore eu un meeting à Aix-La-Chapelle qui a abordé la résistance et la lutte contre l’extrême-droite. Là, des membres du SAV, du MAS/LSP et d’Offensief (notre organisation-sœur aux Pays-Bas) ont pris la parole juste avant une soirée de hip hop politique avec Holger Burner, un chanteur assez connu en Allemagne de Hambourg, qui est aussi actif au SAV. Cette manifestation a été un premier pas important dans la résistance antifasciste.

    Il sera toutefois nécessaire de faire davantage pour éliminer l’extrême-droite. Le mouvement ouvrier doit entrer activement en résistance contre la politique néolibérale et son impact sur notre niveau de vie. Cette résistance active est en train de monter en Europe, notamment avec les importants mouvements de lutte en Grèce et au Portugal. Mais pour mener cette résistance active jusqu’à la victoire, nous avons besoin d’organisations politiques et syndicales combatives qui, selon nous, doivent adopter sur base de l’expérience des luttes un programme socialiste.



    MOBILISONS CONTRE LES NEONAZIS DE "NATION"!

    "NATION" est un groupe de néonazis francophone qui veut organiser un rassemblement ce premier mai à Charleroi. La FGTB organise une contre-manifestation. N’hésitez pas à y participer vous aussi! STOP au fascisme ! STOP au racisme ! Tout ce qui nous divise nous affaiblit!

    RDV: 13h, à Charleroi, parking des Beaux-Arts (là où la FGTB fête son premier mai).

    Ensuite: cortège en commun jusqu’à l’esplanade Jules Destrée, rue de la Montagne.

    Plus d’informations ici.

  • Traité de Lisbonne : Le retour de la Constitution européenne

    Le 18 octobre a vu les dirigeants européens conclure un accord à Lisbonne sur le texte d’un traité européen. Ce texte est une version raccourcie de la Constitution européenne qui avait été rejetée par référendum en France et aux Pays-Bas. Le principal changement après ces référendums est que le mot “Constitution” est devenu tabou.

    Pour le reste, les grandes lignes demeurent inchangées : la Commission européenne en sort renforcée et on adapte quelque peu les structures. Le contenu néolibéral du projet avorté de Constitution européenne ne connaît pas le moindre infléchissement. Barroso, le Président de la Commission, était ravi : “Ce traité va permettre à l’Union européenne d’offrir des résultats concrets aux citoyens européens”. Après les opérations de libéralisation dans le secteur de l’énergie et bientôt dans les services postaux, nous savons ce que ça signifie.

    Les dirigeants politiques en Europe démontrent une fois de plus leur arrogance. Si la population vote “mal” dans un référendum sur une constitution néolibérale, ils la rebaptisent “traité”. L’ex-Premier ministre italien D’Amato en donne une signification limpide : “Mieux vaut ne pas l’appeler Constitution afin de couper court aux appels à un référendum”.

    Quelque 200.000 personnes ont manifesté à Lisbonne pendant les négociations en faveur d’une Europe sociale. Les négociateurs ont balayé leurs revendications d’un revers de la main. L’UE va promouvoir encore plus la soi-disant “flexicurité” : travailler de façon flexible avec une “protection “ sociale. On y met évidemment davantage l’accent sur le renforcement de la flexibilité pour les salariés.

    Rien d’étonnant donc à ce que la FEB réagisse favorablement au nouveau traité européen et à la “dynamique européenne retrouvée”. En revanche, on ne peut que déplorer le fait que la Confédération européenne des Syndicats (CES) ait déjà annoncé son soutien au traité sous prétexte qu’il offre un “dénouement” à la “crise institutionnelle”.

    Le rejet de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas n’était pas une question « institutionnelle », mais un rejet de la politique néolibérale que prône l’Union européenne.

    Nous nous opposons aux projets néolibéraux de l’Europe capitaliste, mais aussi à ceux des politiciens eurosceptiques qui veulent appliquer les mesures néolibérales avec des recettes nationalistes.

  • 23-25 novembre. Conférence Nationale du MAS/LSP

    Fin novembre 2007 aura lieu la Conférence Nationale du MAS/LSP. Celle-ci s’organise tous les deux ans, entre deux Congrès Nationaux. C’est pour nous l’occasion de discuter dans toute l’organisation d’un thème spécifique.

    Par Els Deschoemacker

    Cette année, 90 ans après la Révolution russe, nous aborderons le thème du rôle d’un parti révolutionnaire. A cette occasion, un orateur du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le MAS/LSP est la section belge) sera présent. Nous reviendrons également sur les événements politiques majeurs de l’année écoulée ainsi que sur les pers-pectives du Comité pour une Autre Politique (CAP) ou des nouvelles formations de gauche dans nos pays voisins. Des camarades de France, d’Allemagne et des Pays-Bas seront donc également invités. Sur base de cette Conférence sera publiée une nouvelle brochure qui comprendra une brève histoire du MAS/LSP et une explication du rôle de notre parti, de notre programme et de nos méthodes de fonctionnement.

    La Révolution russe demeure une étape primordiale dans l’histoire du mouvement ouvrier. Si aujourd’hui un socialiste reste toujours associé à la lutte pour les droits des travailleurs, la confusion règne à ce propos. D’un côté, dans les pays de l’ancien bloc stalinien, de nombreux travailleurs et jeunes vomissent – à juste titre – le soi-disant «communisme» qui y a été appliqué, malgré les nombreuses avancées que l’économie planifiée a permis dans ces pays. De l’autre, en Europe occidentale, les politiciens de la gauche caviar qui se laissent corrompre avec plaisir par la bourgeoisie ne se distinguent que très légèrement des libéraux.

    La Révolution russe, et plus généralement les idées du socialisme, défendait quelque chose de totalement différent: une révolution de la classe ouvrière qui ait pour but la construction d’une société sans classes, sans oppresseurs ni opprimés. Cette révolution a réussi à en finir avec un des régimes les plus réactionnaires de son temps et a longtemps ébranlé le monde bourgeois. L’histoire du parti bolchevique – qui a réussi à ga-gner la majorité de la population à son programme révolutionnaire – fournit une riche expérience encore et toujours d’actualité. Le 90ème anniversaire de la Révolution russe nous offre une excellente opportunité d’en rediscuter et ainsi d’en retirer bien des leçons.

    Lors de notre Conférence, nous discuterons de la situation politique du pays, des perspectives pour les mois à venir et de ce que cela impliquera pour notre travail et celui du CAP. Malgré l’enthousiasme vécu durant la campa-gne électorale, les résultats du CAP ont suscité beaucoup de questions chez nos membres et sympathisants. Si le potentiel était et reste très clairement présent, le CAP – encore très jeune – n’a pas été capable de l’utiliser complètement. Le 20 octobre, le CAP se réunira à nouveau nationalement pour faire une évaluation commune et un plan de campagne pour poursuivre sa construction. Le MAS/LSP poursuivra son engagement à 100%.

    Nous terminerons notre Conférence en nous penchant sur la construction du MAS/LSP. Entre février 1992 et octobre 2007, notre parti a décuplé son nombre de membres. De nouvelles sections et structures se sont constituées partout dans le pays, permettant ainsi un meilleur épanouissement de l’enthousiasme et de la volonté de cons-truction de nos membres tout en amplifiant les expériences déjà présentes. La brochure qui sera écrite sur base de notre Conférence nationale ne manquera pas de souligner toutes ces expériences acquises au fil du temps et de la construction de notre parti révolutionnaire.

    Nous appelons tous nos membres et sympathisants à participer à cette conférence, n’hésitez pas à prendre contact si vous êtes intéressés via info@lsp-mas.be, le 02/345.61.81 ou encore nos responsables locaux.


    Quelques lectures…

    La proposition de texte sera distribuée quatre semaines avant la conférence dans toutes les sections pour permettre une discussion préalable entre tous les membres. Après la Conférence, le texte amendé sera publié comme brochure. A côté de cela, nous conseillons la lecture d’un texte général sur le parti révolutionnaire et d’une brochure de Trotsky :

  • – Judy Beishon: Changer le monde : Le rôle du parti révolutionnaire.
  • – Léon Trotsky: Classe, Parti et Direction.
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