Tag: Pays-Bas

  • Il nous faut un programme d’urgence pour les logements sociaux!

    Un logement abordable et de qualité pour tous !

    Ces dernières années un vieux phénomène a resurgi dans les grandes villes : la pénurie de logements. Alors que différentes villes ne ménagent pas leurs efforts pour faire venir des habitants (pour qu’ils paient des taxes), nous assistons à une augmentation du nombre de sans-abri. Certains pensent qu’il s’agit d’une conséquence de la crise économique. C’est correct, mais en partie seulement. La pénurie de logements sociaux est une politique consciente. Les politiciens veulent surtout attirer des familles avec deux salaires et l’absence de nouveaux logements sociaux capable de faire une pression à la baisse sur les prix sur le marché entraîne une incapacité de louer ou acheter un logement pour beaucoup de gens.

    Par Jarmo Van Regemorter

    Des chiffres dramatiques

    A Anvers, il y a 20.000 familles en attente d’un logement social. Le prix moyen pour acheter un logement a augmenté de 99.204 euros en 2003 vers 215.414 euros en 2010. C’est plus du double ! L’augmentation y est la plus rapide du pays.

    Gand fait aussi partie du top trois des villes où l’augmentation a été la plus rapide ces 10 dernières années. L’augmentation y est de 260% depuis 2000, avec bien entendu une grande incidence sur les loyers. Les promesses de nouveaux logements sociaux en restent au stade de la belle parole. A peu près 6.000 familles sont sur liste d’attente, pour une durée de plus en plus longue (deux ans en moyenne à Gand).

    Si le taux de logements sociaux est d’un peu plus de 10% dans ces deux villes, à Bruxelles, ce taux chute à 7,7%. Début 2010, 37.825 familles étaient sur liste d’attente à Bruxelles. Avec un rythme de moins de 100 logements supplémentaires par an, cette liste n’est pas prête de diminuer.

    Un programme d’urgence de construction de logements sociaux, maintenant !

    Aujourd’hui, il n’est pas possible de fournir un logement convenable à chacun. Il n’existe que 7% de logements sociaux dans tout le pays. C’est moins qu’aux Pays-Bas (32%), en France (17%) ou en Grande-Bretagne (18%). Nous avons grand besoin d’un programme d’urgence pour répondre aux besoins sociaux. Un tel programme aura aussi un effet modérateur sur les prix des logements du marché privé, ce qui est également nécessaire pour répondre à la pénurie.

    Il faut aussi s’occuper de la qualité de vie aux environs des logements sociaux, loin d’être toujours optimale. De nombreux blocs sont anciens, ou de piètre qualité. Ils sont parfois gérés par des sociétés de logement social en partenariat public-privé qui se plient à la ‘loi du marché’. Il existe aussi un problème de fraude avec des propriétaires qui achètent différents logements sociaux pour ensuite les louer à des personnes dans le besoin à des prix exorbitants.

    Les seules mesures actuellement prises ne sont que des mesures discriminatoires. En Flandre, des exigences linguistiques ont été introduites pour masquer le réel problème de la pénurie en pointant les immigrés comme les responsables de la situation. Au lieu de semer la division, il faut s’en prendre aux causes de cette pénurie.

    Le gouvernement doit prendre ses responsabilités

    Une question aussi importante que le logement ne peut pas être laissée aux mains des spéculateurs privés. Le gouvernement doit jouer un rôle actif et prendre entièrement en mains les sociétés de logement social afin de lancer un programme de construction massif.

    Les partis traditionnels ne vont rien changer. Dans le meilleur des cas, ils s’en tiennent à répéter leurs anciennes promesses électorales. La politique actuelle de logement n’en est pas une, ce n’est qu’une mauvaise gestion où domine le laisser aller. Il nous faut un changement radical pour mettre les besoins sociaux au centre des préoccupations.

  • NON a l'extreme droite a Namur !

    RASSEMBLEMENT CONTRE LA PRÉSENCE DE L’EXTRÊME-DROITE À NAMUR ! PLACE D’ARMES, VENDREDI 6 JUILLET À 10H

    Le groupuscule d’extrême-droite Solidarité Unitaire, fondé par des membres de l’ex-Front National, compte manifester ce vendredi à Namur. Ce cas illustre une fois de plus la volonté de plusieurs partis d’extrême-droite de s’implanter dans notre ville. Il y a quelques semaines, d’autres extrémistes avaient distribué sur le marché des tracts accusant les « immigrés » d’être responsables du chômage et de la montée de la précarité. Nous, militants ou simples citoyens namurois, refusons la présence des partis de la haine à Namur.

    Des indignés – PSL – JOC – jeunes FGTB – PTB

    En France, Marine Le Pen a dépassé le score de son père de 2002. En Grèce, le parti néo-nazi "Aube Dorée" – responsable de plusieurs pogroms anti-immigrés et dont le programme contient l’installation de mines antipersonnel aux frontières du pays – a atteint les 7% des voix. Aux Pays-Bas, en Suisse, en Hongrie, en Norvège, etc. ; on constate une poussée de l’extrême-droite violente.

    En Belgique, les sondages indiquent une remontée du Vlaams Belang et la recrudescence de l’activité des partis nationalistes est évidente. Certains se donnent une image de progressistes en cachant la réalité de leurs programmes qui ont tous en commun d’être racistes, sexistes, homophobes et profondément réactionnaires. La crise économique et l’austérité, la montée du chômage et des exclusions, le manque de perspectives démontrent l’absurdité du système économique en place. Avec ses méthodes habituelles de division, l’extrême-droite est le meilleur allié des politiciens qui nous font payer la crise des banquiers et des nanciers.

    Travailleurs belges ou immigrés, nos intérêts sont les mêmes.

    Organisons la colère sans nous tromper de cible !

    Nous appellons à un rassemblement pacique ce vendredi 6 juillet à 10h, Place d’Armes. Construisons une plate-forme large et ouverte réunissant organisations et citoyens pour combattre les idées d’extrême-droite !

  • Meeting du Front de Gauche-Bénélux à Bruxelles

    Ce mardi soir, le Front de Gauche Bénélux a tenu un meeting dans la capitale dans le cadre des élections législatives françaises. Lors des élections présidentielles, de nombreux Français résidant au Bénélux avaient soutenu le Front de Gauche (9,82% des voix pour le Bénélux, soit 10,90% pour la Belgique, 6,97% pour le Luxembourg et 8,05% pour les Pays-Bas), qui avait largement dépassé le Front National. Charlotte Balavoine, candidate du Front de Gauche pour les législatives dans la circonscription du Bénélux, compte bien continuer sur cette dynamique.

    Par Steph

    Le 20 juin prochain, à Bruxelles, Charlotte Balavoine prendra la parole lors d’un meeting intitulé "Pour une alternative à l’Europe d’austérité !” en compagnie d’un représentant de Syriza, de Paul Murphy (député européen et membre du Socialist Party irlandais), de Tony Mulhearn (Trade Union and Socialist Coalition, Angleterre), d’Anja Deschoemacker (du PSL et de l’initiative ‘Reprenons nos communes’ à Bruxelles) et de Stephen Bouquin (Rood!). Plus d’infos

  • Référendum irlandais : La campagne du ‘OUI’ a utilisé toutes les menaces possibles

    Aujourd’hui, les Irlandais se prononcent par référendum concernant le Pacte budgétaire européen, également qualifié de traité d’austérité. Une victoire du ‘oui’ serait utilisée comme une justification pour de nouvelles attaques antisociales, comme des coupes budgétaires et des augmentations de taxes. Le texte ci-dessous a été écrit par Joe Higgins, député du Socialist Party (notre parti frère en République irlandiase).

    Joe Higgins, député du Socialist Party (CIO-Irlande)

    Si vous votez ‘Non’, vous serez exiles en Sibérie ! C’est très probablement la seule menace qui n’a pas été utilisée contre le people irlandais au cours de ces dernières semaines. Et il ne faut pas être surpris si elle sort encore dans cette dernière ligne droite de la campagne sur le référendum au sujet du Traité fiscal/d’austérité.

    Cette campagne a rapidement atteint le niveau ‘un autre jour, une nouvelle menace’. La semaine dernière, le ministre des finances a lu au Parlement un avis du National Treasury Management Agency [NTMA, l’agence de gestion de la dette publique] qui déclarait qu’il : ‘‘considère qu’un ‘Non’ au référendum signifierait, selon toute vraisemblance, qu’il ne serait pas possible pour l’Irlande d’entrer dans les marchés obligataires à des taux durables.’’ En laissant de côté le fait qu’un organisme d’État s’implique ainsi dans un débat politique très polarisé, nous constatons que cette agence n’a toutefois aucunement affirmé l’inverse, à savoir qu’une victoire du ‘oui’ garantirait l’accès à ces mêmes marchés.

    Juste histoire d’assurer que nous n’ayons pas manqué cette prétendue nouvelle menace pesant sur le financement de l’État, le porte-parole du Fianna Fail [le parti d’opposition capitaliste] a demandé au ministre de répété son point. ‘‘Le ministre peut-il clarifier le conseil que lui a donné le NTMA?’’ Et le ministre de répondre : ‘‘Je vais à nouveau relire ma note pour le député (…)’’ Réponse du député concerné : ‘‘Ces conseils sont-ils en accord avec l’opinion du ministre en tant que ministre des Finances ?’’ Le ministre conclut enfin : ‘‘Cela rencontre pleinement mon opinion’’.

    Quelle impressionnante solidarité entre le ministre des finances du Fine Gael [le principal parti capitaliste au sein du gouvernement] et le loyal parti d’opposition Fianna Fail ! Frères dans l’austérité et les menaces ! Nulle trace ici des attaques du dirigeant du Fianna Fail, Micheal Martin, lancées contre le Pacte fiscal lorsqu’il a été annoncé suite à un sommet européen en décembre dernier. Se référant aux objectifs du déficit budgétaire structurel et de la réduction automatique de la dette, il avait déclaré à ce moment-là que ‘‘les nouveaux objectifs sont très inquiétants. Il semblerait qu’ils mineraient significativement la croissance et constitueraient un frein sur l’emploi (…) en d’autres termes (…) une austérité efficace sur une base permanente.’’

    Il est heureux pour lui que les médias aient massivement fait campagne pour le ‘oui’. Dans le cas contraire, il aurait pu avoir à s’expliquer publiquement sur son engagement dans une campagne destinée à faire passer un traité qui représente un tel désastre et qui, selon lui, loin de ‘‘sauver le marché de la dette souveraine européenne, cela signifierait sa fin.’’

    Que masquent ces menaces ?

    Ce n’est pas par hasard que les menaces se multiplient du côté du gouvernement. Le genre d’austérité inflexible et institutionnalisée tel qu’inscrit dans ce traité a démontré l’étendue de ses conséquences catastrophiques en Grèce, tandis que l’économie irlandaise est elle aussi en crise profonde après des années de mesures d’austérité. Toutes les menaces du camp du ‘oui’ sont autant de tentatives désespérées visant à masquer ces faits et à éviter d’avoir à répondre à des questions au sujet du détail des futures coupes budgétaires et augmentations d’impôts qu’impliqueront la mise en œuvre de ce traité à partir de 2015.

    Les Irlandais sont quotidiennement menacés avec diverses menaces, et il s’agit d’une grave infraction au droit du peuple irlandais de voter librement et sans contrainte. Il convient de rappeler que la contrainte physique et la violence ne sont pas les seules armes d’un despote. Les menaces économiques et l’intimidation sont également souvent employées.

    Ce qui se passe actuellement en Allemagne explique l’empressement du gouvernement irlandais pour essayer de nous forcer à voter pour l’austérité. Le Parlement fédéral allemand devait récemment voter sur ce même traité. Mais les parlementaires sociaux-démocrates et verts ont refusé de donner la majorité des deux tiers nécessaire parce que les mesures à venir ne sont pas claires. Mais le gouvernement irlandais, composé du Fine Gael et du Parti Travailliste, sont tellement poltrons qu’ils ne veulent pas laisser le moindre espace au peuple irlandais.

    Le ‘oui’ est essentiellement une invitation pour que le peuple irlandais se rendre complice des mesures d’austérité qui s’appliqueront à lui-même. La victoire du ‘Oui’ serait utilisée par ce gouvernement et les prochains comme la justification de nouvelles attaques antisociales : "Vous avez voté pour ces objectifs, vous ne pouvez pas vous plaindre maintenant."

    La possibilité d’une alternative à l’Europe d’austérité est maintenant en train d’apparaître. Les révoltes électorales en France et en Grèce, le mécontentement grandissant en Espagne, l’anxiété aux Pays-Bas et l’opposition de certaines sections de la classe ouvrière allemande sont autant d’éléments caractéristiques de l’aspiration croissante pour une alternative. Avec un ‘non’, les Irlandais peuvent renforcer cette voix qui exige, à une échelle continentale, de mettre fin aux effets destructeurs des mesures d’austérité imposées par les requins de la finance et de construire une alternative au capitalisme-casino qui enrichit une infime minorité au détriment des intérêts de la grande majorité.

  • Appel : Solidarité avec la résistance du peuple grec !

    La percée politique de Syriza et la perspective de nouvelles élections fait peur aux marchés financiers et aux dirigeants de l’Union Européenne. Mais pour nous c’est le début d’une alternative à la crise sans fin, en Grèce comme ailleurs en Europe!

    La gauche européenne se doit de soutenir Syriza et le peuple grec. La Troïka veut réduire le modèle social européen à néant et instaurer la dictature des marchés financiers au nom de « l’équilibre budgétaire », du « sauvetage de l’euro » ou de la « réduction de la dette ». C’est pourquoi nous disons: tous derrière le peuple grec et la campagne de Syriza afin d’imposer une première défaite à la Troïka! L’enjeu est important: soit la politique d’austérité permanente est rejetée par une majorité de la population grecque, soit la pauvreté et le chômage augmenteront encore davantage en Grèce comme ailleurs – non seulement au Portugal, en Espagne en Irlande mais aussi en Belgique. Et en même temps nous verrons nos droits sociaux attaqués les uns après les autres. Le phénomène des travailleurs pauvres qui s’étend en Allemagne va également se développer partout ailleurs.

    Pourtant, des alternatives existent comme l’illustre clairement la plateforme de Syriza: arrêt des mesures d’austérité incessantes qui asphyxient l’économie, annulation de la dette “illégitime” qui enrichit les spéculateurs tout en appauvrissant la société; réforme de la BCE et du secteur financier avec interdiction de spéculer sur les obligations d’état.

    Nous appelons à des actions de solidarité avec la résistance du peuple grec dans la semaine qui précède les nouvelles élections (17 juin) en nous invitons toutes les forces de gauche, du monde syndical et de la société civile à former ensemble un front européen de la solidarité et de la résistance. Nos destins et nos luttes sont liés. L’Europe démocratique, sociale et solidaire ne verra le jour que par notre mobilisation commune par-delà les frontières.

    Actions planifiées

    • Samedi 9 juin (Anvers, rassemblement Groenplaats à 14h),
    • Mercredi 13 juin (Bruxelles, manifestation à la Bourse à 18h),
    • Samedi 16 juin (Gand).

    Envoyez vos signatures à appelsyriza@gmail.com

    Signataires (5 juin 2012):

    • Ludo Abicht (philosophe),
    • Francis Bismans (économiste, Mouvement de Gauche),
    • Stephen Bouquin (sociologue, université d’Evry, Rood!),
    • Yannick Bovy (réalisateur, militant syndical et associatif),
    • Didier Brissa (formateur syndical, militant écosocialiste),
    • Erik Debruyn (porte-parole Rood!-de socialisten),
    • Filip De Bodt (Climaxi, cons. communal Leef! Herzele),
    • Jean-Claude Deroubaix (enseignant à l’Université de Mons, fonctionnaire parlementaire),
    • Anja Deschoemacker (Parti Socialiste de Lutte),
    • Bernard Diez (LCR),
    • Paul-Emile Dupret (juriste, Parlement européen, groupe GUE/NGL),
    • Pascal Durand (professeur à l’Université de Liège),
    • Jean-Claude Englebert (président Ecolo Foyer Forestois),
    • Pierre Eyben (VEGA),
    • Guy Fays (secr. régional FGTB Namur),
    • Vincenzo Franco (délégué Galzelco Tihange)
    • Cristina Gay (Une Autre Gauche),
    • Michèle Gilkinet (objectrice de Croissance, présidente du Grappe),
    • Corinne Gobin (politologue, Graid, ULB),
    • Eric Goeman (Attac Vlaanderen),
    • Amir Haberkorn (UPJB, stuurgroep Rood !),
    • Nancy Hardy (coordinatrice de l’Université populaire de la Province de Liège),
    • André Hoffman (prof. em., ancien député Dei Linke Luxembourg),
    • Michel Huysseune (politologue, VUB),
    • Voula Karamanidis,
    • Giorgos Karatsioubanis (représentant Syriza à Bruxelles, membre direction nationale Syriza),
    • Dimokritos Kavadias (politologue, VUB),
    • Michaël Lebrun (chercheur METICES, ULB),
    • Johan Leman (prof. KUL),
    • Fabienne Lentz (porte-parole Dei Linke, Luxembourg),
    • Herman Luyckx (ancien secr. BBTK-SETCA),
    • Isabelle Marchal (citoyenne à plein temps),
    • Francine Mestrum (Global Social Justice),
    • Jean-Pierre Michiels (porte-parole du Parti Communiste de Wallonie-Bruxelles),
    • Céline Moreau (coordinatrice FGTB jeunes),
    • Sven Naessens (délégué principal FGTB Total-Fina),
    • Dominique Nuydt (délégué SETCA, co-fondateur Mouvement de gauche),
    • Latifa Rafie (CPAS Forest),
    • Daniel Richard (secr. régional FGTB Verviers),
    • François Schreuer (VEGA, ULB),
    • Jean-Louis Siroux (sociologue UCL),
    • Guy Smedts (Parti Humaniste),
    • Jean-François Tamellini (chef de Cabinet des Métallos Wallonie-Bruxelles),
    • Robert Tangre (cons. communal FdG Courcelles),
    • Marie-Eve Tries (membre Mvt. Politique Objecteurs de Croissance),
    • Frie Van Camp (CGSP, Rood ! Brussel),
    • Fernand Vandenabeele (CGSP, enseignant retraité),
    • Jef Van der Aa (chercheur univ. Tilburg, Pays-Bas, SETCa transfrontaliers),
    • Bart Vandersteene (Links Socialistische Partij),
    • Alain Van Praet (délégué principal CSC-Transcom),
    • Jonas Van Vossole (doct. sciences politiques, Univ. Gand),
    • Freddy Visconti (délégué FGTB Aperam Chatelet),
    • Gerbrand Visser (Socialistsich Alternatief, pays-Bas),
    • Jean-Christophe Yu (réalisateur),
    • Bernard Wesphael (député régional Wallon, fondateur du Mouvement de Gauche).
  • “Des salaires décents pour tous et toutes”

    Les femmes gagnent 22% de moins que les hommes

    Le 20 mars 2012 s’est tenu l’Equal Pay Day, la journée de l’égalité salariale (soit le jour jusqu’auquel une femme a dû travailler en moyenne afin de récupérer son retard de salaire vis-à-vis d’un homme en 2011). L’écart salarial s’est quelque peu réduit ces dernier temps, mais il s’élève toujours à 22% en Belgique. Nous en avons discuté avec Anja Deschoemacker, responsable de la commission femmes du PSL.

    Début mars, une étude de l’OCDE a indiqué que l’écart salarial se serait réduit à 8,9% dans notre pays. D’où provient ce décalage entre ce chiffre et les données avancées par la campagne Equal Pay Day ?

    Anja: “Cela dépend de la façon dont on considère les salaires. Chez les salariés à temps plein, dans le secteur privé, l’écart salarial est de 10% environ. Mais ce chiffre ne prend pas en considération le poids du travail à temps partiel, qui touche davantage les femmes. Il suffit de penser au manque de place dans les crèches,… Plus il y a de coupes d’austérité dans la sécurité sociale et les soins de santé, moins il devient évident pour les femmes de travailler à temps plein.

    “Chez les jeunes femmes hautement qualifiées et sans enfants, l’écart salarial est devenu très limité. Mais il s’agit d’un groupe restreint où, par ailleurs, l’écart s’accroît au fur et à mesure des promotions. Qui plus est, une grossesse se vit au détriment des femmes. La société et l’emploi d’aujourd’hui ne sont pas organisés de façon à développer les talents de ceux qui ont une famille.’’

    L’écart salarial se réduit aujourd’hui, et il était encore de 26% au début de ce siècle. Ce problème va-t-il disparaître de lui-même ?

    “Il devient plus complexe. Le développement d’un large secteur à bas salaires assure que de plus en plus de personnes éprouvent de grandes difficultés, non seulement les femmes, mais aussi les salariés plus âgés, les jeunes sans qualification ou tous ceux qui ont une limitation quelconque pour le marché de l’emploi. Il suffit de penser à la maîtrise des langues : aucun employeur n’engagera quelqu’un qui a des lacunes, ni n’organisera une formation linguistique durant les heures de travail. Quant aux salariés plus âgés qui ne peuvent plus suivre le rythme de travail, ils sont rapidement éjectés. Pour les jeunes, enfin, les perspectives d’avenir sont la plupart du temps bloquées.

    “C’est un problème général dû à une société asociale. Nous devons travailler pour survivre, mais nous ne trouvons de l’emploi que si un patron peut être assuré de réaliser suffisamment de profit sur notre dos. Les femmes sont particulièrement touchées, simplement parce qu’elles peuvent avoir des enfants et doivent en plus s’occuper de la majorité des tâches ménagères.

    “Il est impossible de supprimer l’écart salarial sans supprimer ce secteur à bas salaire. Cette situation signifie que les jeunes ont moins de possibilités de s’organiser une vie indépendante, ils restent plus longtemps ‘‘chez papa-maman’’. Comment contracter un emprunt en dépendant d’une semaine de travail intérimaire ici et d’un mois de travail là ! S’en prendre à l’écart salarial, c’est se battre pour des emplois décents pour tous.”

    L’an dernier, la campagne Equal Pay Day défendait entre autres que les femmes devaient mieux négocier leurs salaires. Est-ce une solution ?

    ‘‘C’est un problème général, pas individuel. Là où l’écart salarial est le plus restreint, c’est d’ailleurs dans le secteur public, où les salaires sont justement négociés collectivement. Négocier son salaire tout seul peut être à l’avantage de quelqu’un qui a trois diplômes en poche ou dans le cas d’une ex-ministre mais dans des ateliers de repassage basés sur les chèques-service ou encore dans le cas d’une infirmière, c’est beaucoup moins évident.

    ‘‘Il est très important de lutter pour défendre des négociations collectives accessibles à tous et à toutes pour être plus forts à revendiquer des salaires plus élevés. Chaque catégorie qui ne bénéficie pas de salaire décent dans la société constitue une pression à la baisse sur tous les salaires. Cela vaut pour les femmes, mais aussi pour les sans papiers par exemple, pour tous ceux qui bossent pour un salaire de misère.’’

    Cette année, l’Equal Pay Day a eu un slogan controversé: “Réduisez l’écart salarial; devenez actrice porno”. Qu’en pensez-vous?

    ‘‘Il ne s’agit évidemment pas de publicité pour l’industrie pornographique, c’est une manière d’essayer d’attirer l’attention avec une accroche ‘‘ludique’’. L’idée de base est qu’une campagne normale ne suscitera pas suffisamment d’intérêt, et il faut bien constater que mettre en avant l’inégalité entre hommes et femmes n’est pas chose évidente de nos jours. Nous pensons toutefois qu’on ne peut pas éviter la difficulté avec des slogans ‘‘chocs’’.

    ‘‘L’idée même du slogan est d’ailleurs fausse. Seule une petite partie des femmes exploitées dans l’industrie pornographique gagne plus. En prenant en considération tout le secteur – avec la pornographie sur internet, etc. – la situation est bien différente. L’industrie pornographique est un secteur commercial où une poignée de patrons ramassent des profits écœurants. Comme dans tous les domaines, certaines femmes peuvent réussir à tirer leur épingle du jeu, mais ce n’est qu’une infime minorité.

    “À côté de cela se pose la question de savoir si l’on doit considérer la prostitution et la pornographie comme des ‘‘emplois’’ normaux. Je ne le pense pas. Lorsque la prostitution a été légalisée aux Pays-Bas, seules 15% des prostituées se sont enregistrées de manière effective. La plupart se sont abstenues parce qu’elles ne veulent pas que l’on sache ce qu’elles font et ne souhaitent certainement pas que cela soit mentionné sur un CV. Les prostituées elles-mêmes ne considèrent pas qu’il s’agit d’un emploi ordinaire.

    “Et si la prostitution doit être considérée comme un emploi normal, cela doit immédiatement être en tant que travail dangereux. Les agressions sont nombreuses, tant physiques que mentales. C’est un ‘‘emploi’’ auquel on a recourt si toutes les autres possibilités d’avoir un revenu se sont révélées insuffisantes. Est-ce un emploi ou un travail forcé ? En Belgique, la plupart des prostituées sont d’origine étrangère, et ce sont souvent des personnes aux situations très désespérées.”

    On entend parfois parler de femmes ou de filles qui se prostituent pour se permettre un peu plus de luxe.

    “C’est le cas pour une petite minorité, pas pour la plupart des prostituées. Si la prostitution est actuellement en pleine croissance en Grèce aujourd’hui, est-ce parce que plus de femmes veulent accéder au luxe ou parce que la misère les pousse au désespoir de cette situation ?

    “Des études consacrées à la prostitution homosexuelle masculine indiquent qu’il s’agit surtout de gamins d’Europe de l’Est qui ne sont même pas forcément homosexuels, mais qui se prostituent par nécessité, font face à de nombreuses agressions et sont sujets à une consommation régulière de drogue, tout comme les prostituées. C’est un ‘‘emploi’’ que la drogue permet de rendre ‘‘supportable’’. Ce n’est donc pas un emploi proprement dit.”

    Les marxistes ne sont-ils pas en faveur de la liberté sexuelle ?

    “La liberté sexuelle signifie de permettre de la définir soi-même. La prostitution – tant professionnelle qu’occasionnelle – n’est pas un choix libre dans la plupart des cas, c’est une situation de dernier recours. Cela n’a strictement rien à voir avec la liberté sexuelle.

    ‘‘Cela ne veut pas dire que nous sommes favorables à une chasse aux prostituées ou que nous les considérons comme immorales ou sans éthique. Nous devons nous attaquer aux causes-mêmes du désespoir qui pousse tant de femmes (et d’hommes) vers la prostitution et non nous en prendre à celles et ceux qui se voient obligé(e)s de ‘‘choisir’’ de telles solutions. A ce titre, il faut revendiquer une meilleure protection contre les violences.

    “Mais le plus fondamental est que la collectivité assure un bon avenir à chacun et chacune, un avenir qui permette d’échapper à ce secteur. Cela requiert des emplois décents, une lutte conséquente contre la pauvreté, notamment pour les femmes isolées, des allocations sociales décentes, des logements à prix démocratique, etc. Il s’agit, en bref, d’une lutte collective pour une société où hommes et femmes seraient véritablement libres, et cela n’est pour nous possible qu’avec une société socialiste démocratique.’’

  • L’extrême-droite et la crise : l’impasse du nationalisme

    Face à la crise européenne, le repli nationaliste semble constituer un refuge aux yeux de beaucoup de personnes. C’est une aubaine pour la droite populiste et l’extrême-droite, qui peuvent ainsi plus facilement masquer leur véritable agenda antisocial et néolibéral. C’est ce qu’illustrent les récents succès remportés par les Vrais Finnois ou Marine Le Pen.


    15 mars : Manifestation antifasciste à Louvain contre le NSV – 20h00 Martelarenplein

    (plus d’infos)


    L’impact de la crise a considérablement renforcé l’aversion pour toutes les institutions qui imposent les politiques néolibérales. En étroite collaboration avec leurs gouvernements, la Commission européenne a infligé aux divers Etats une politique intense de libéralisations et de privatisations. Les spéculateurs s’en sont donnés à coeur joie. Mais il est bien facile d’uniquement pointer la responsabilité de l’Union Européenne. Un des pays les plus critiques face à l’Union, le Royaume-Uni, a été parmi les pionniers de cette politique néolibérale, sous le gouvernement de Margaret Thatcher dans les années 1980.

    La tendance actuelle de l’UE à saper toute forme de démocratie et à imposer l’austérité, si besoin est en plaçant des gouvernements non-élus de technocrates, reflète son incapacité à solutionner cette crise systémique. Le coeur de cette crise n’est pas à chercher dans les structures européennes, mais plus profondément, dans le coeur même du système de production capitaliste.

    Sur ce point précis, l’extrême-droite reste bien sagement silencieuse, malgré toutes ses éructations sur le ‘‘mondialisme’’. Le repli souverainiste et nationaliste qu’ils invoquent face à la crise ne vise pas à se démarquer de la politique antisociale européenne. Ce constat s’impose de lui-même au regard de l’activité de l’extrême-droite dans leurs pays respectifs. Aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders accepte la logique des cadeaux aux banques sur le dos des budgets sociaux. En Grèce, le parti d’extrême-droite LAOS a collaboré un temps au gouvernement imposé par l’UE de Papademos. Lorsque ce parti a quitté le gouvernement, par crainte de trop perdre de son soutien électoral et non par opposition à la politique de bain de sang social, le ministre du LAOS Makis Voridis, par ailleurs très bon ami de l’ancien président du Vlaams Belang Frank Vanhecke, a continué de soutenir le gouvernement et son plan d’austérité sauvage.

    Dans notre propre pays aussi, la pensée unique néolibérale règne en maître sur l’extrême-droite, que ce soit dans les divers groupuscules francophones ou au Vlaams Belang. Ainsi, le Congrès économique du Vlaams Belang en 2005 avait présenté la politique de libéralisation à l’oeuvre en Irlande comme le modèle à suivre pour la Flandre. Nous ne savons pas ce qu’ils en disent aujourd’hui…

    Dans son appel pour manifester le 15 mars, le NSV, l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang, affirme que la crise de l’euro provient du manque de respect des règles européennes. Visiblement, l’extrême-droite pense que la politique d’austérité n’est pas suffisamment stricte et sévère. C’est assez paradoxal compte tenu de leur analyse de la crise financière mondiale, attribuée aux ‘‘politiques néolibérales internationalistes’’. Le NSV ignore où se trouvent les racines réelles de la crise, et est incapable de formuler une alternative. Ces étudiants d’extrême droite se limitent à tenter de détourner la frustration et le mécontentement sur une voie de garage, celle du nationalisme.

    En fait, le Vlaams Belang essaye de copier le grand frère français construit par Jean-Marie Le Pen en rêvant des chiffres qu’obtient Marine Le Pen dans les sondages, notamment sur base de ses critiques contre l’Union Européenne. Cette rhétorique ne peut fonctionner que si la gauche et le mouvement des travailleurs lui laissent la voie libre.

    Nous devons construire l’opposition active à la dictature des marchés, mobiliser pour lutter contre les politiciens capitalistes, les institutions capitalistes internationales et les gouvernements et les parlements nationaux. Nous devons mettre en exergue la contradiction principale dans la société, celle qui existe entre les 1% qui détiennent les moyens de production et les richesses et les 99% qui font tourner l’économie, produisent les richesses, mais doivent lutter pour des miettes. Le mouvement syndical doit s’organiser à l’échelle européenne et internationale afin de lancer une campagne de solidarité qui ne laisse aucune chance aux discours stigmatisant les Grecs, le Sud de l’Europe ou les immigrés comme responsables de la crise. Nous sommes tous sur le même bateau, et nous devons en prendre possession, pas lutter entre nous. Une grève générale européenne serait une première étape en cette direction.

    Sur ce terrain de l’organisation de la défense des droits sociaux, l’extrême droite n’a rien à dire. Le Vlaams Belang a pour maxime ‘‘le travail produit, la grève nuit’’. Son porte-parole Filip Dewinter l’a encore récemment répété à l’occasion des dernières grèves et manifestations contre l’austérité dans notre pays. L’extrême droite veut instrumentaliser la crise, mais n’a aucun moyen de livrer la moindre solution.

    Dans le cadre de notre lutte internationale contre la dictature des 1%, pour le non-paiement de la dette nationale, pour la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique de la collectivité, pour des investissements massifs en matière d’emploi, le logement, d’enseignement, etc., l’extrême droite est un ennemi qui cherche à nous diviser. Les campagnes de l’extrême droite visent à détourner la lutte contre des boucs émissaires plutôt que contre les réels responsables, les 1% dont l’extrême droite constitue le chien de garde.

    Nous appelons à rejeter le chantage des marchés et à lutter collectivement, en masse, pour bloquer l’austérité. Tout ce qui divise cette lutte l’affaiblit. Ce combat doit s’orienter vers la construction d’une Europe des peuples, une confédération socialiste démocratique des Etats européens libres et indépendants.

  • Message de solidarité avec les travailleurs de Meister à Sprimont

    C’est avec consternation que nous, membres de la fraction de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique (GUE/NGL) au Parlement Européen, avons appris ce qui s’est produit à l’entreprise Meister, une filiale de Poppe & Potthoff Gmbh & Co qui produit des pièces détachées pour voitures, à Sprimont, en Belgique.

    Message de solidarité de députés européens de la Gauche Unitaire Européenne

    Document en format PDF

    Voici une semaine, les travailleurs ont appris que deux commandes importantes allaient être accordées à un autre site en République Tchèque. Craignant la délocalisation d’une partie de la production, ils ont exigé d’obtenir des explications. Comme la direction est restée sourde à ces attentes, ils ont organisé le blocage du site, enfermant la direction. La direction a été relâchée après une heure, mais 3 camions de pièces produites sont restés bloqués par les travailleurs.

    Le dimanche, la direction a répliqué en envoyant 35 gros bras – certains armés de matraques, de sprays au poivre et équipés de gilets pare-balles – pour évacuer de force les 3 camions des travailleurs. Il s’agissait d’agents de sécurité d’une entreprise de gardiennage allemande qui n’a pas de licence pour opérer en Belgique ce qui, selon la Loi belge, en fait une milice privée illégale. Ils ont infiltré le lieu et enfermé quatre ouvriers de maintenance, dont deux ont été blessés, afin de les empêcher de prendre contact avec l’extérieur. Toutefois, un piquet d’une centaine de travailleurs, à l’entrée, les a empêché de partir. Finalement, la police est arrivée sur place pour ”exfiltrer” les gros bras du patron, mais aucun d’entre eux n’a été arrêté. Leurs identités n’ont même pas été relevées, et leurs armes n’ont pas été saisies.

    Nous sommes consternés par la manière dont certains patrons abusent du droit à la libre circulation au sein de l’Union Européenne pour mettre sur pied une action paramilitaire. Il s’agit très clairement d’un dangereux avertissement pour l’entièreté du mouvement ouvrier, qui requiert une réponse déterminée.

    Nous croyons que les travailleurs ont le droit de lutter pour leurs emplois et saluons leur détermination pour ce faire. Nous croyons également que la police ne doit pas être seule à sérieusement enquêter sur Meister, les syndicats belges, français et allemands devraient aussi mener leur propre investigation concernant ce qui s’est passé et élaborer un plan d’action commun destiné à résister à de telles attaques à l’avenir.

    Nous sommes totalement solidaires des travailleurs de Meister. Nous soutiendrons chaque initiative syndicale d’informer les travailleurs d’autres sites de Meister et Poppe & Potthoff, et allons par nous-mêmes diffuser les informations concernant cette attaque. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons nous défendre de telles violences et sauvegarder nos conditions de travail, le droit de grève et nos emplois. No pasarán!

    En solidarité,

    • Paul Murphy MEP (Socialist Party, Irlande)
    • Patrick Le Hyaric MEP (Front de Gauche, France)
    • Nikolaos Chountis MEP (Syriza, Grèce)
    • Willy Meyer MEP (Izquierda Unida, Espagne)
    • Sabine Lösing MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Sabine Wils (Die Linke, Allemagne)
    • João Ferreira (Partido Comunista, Portugal)
    • Inês Zuber (Partido Comunista, Portugal)
    • Marisa Matias MEP (Bloco de Esquerda, Portugal)
    • Miguel Portas MEP (Bloco de Esquerda, Portugal)
    • Søren Bo Søndergaard MEP (Danemark)
    • Kartika Tamara Liotard MEP (Membre Indépendante, les Pays-Bas)
    • Helmut Scholz MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Younous Omarjee MEP (Liste "Alliance des Outre-Mers", France)
    • Gabriele Zimmer MEP (Die Linke, Allemagne)
    • Thomas Händel MEP (Die Linke, Allemagne)
  • Di Rupo 1er et la jeunesse : Opération ‘‘Génération sans avenir’’

    La colère est profonde contre ce gouvernement d’austérité. Selon Di Rupo, ‘‘sans ces réformes structurelles, ce sont nos enfants et petits-enfants qui devront payer l’addition’’. Pareille rhétorique est régulièrement utilisée pour justifier des mesures antisociales (comme en 2005 autour du fameux ‘‘Pacte des générations’’ qui s’en prenait durement – déjà – aux pensions). Actuellement, de nombreux commentateurs parlent d’une Europe soi-disant menacée par une ‘‘guerre des générations’’ dans laquelle se confronteraient les intérêts des générations futures et l’égoïsme des plus anciens, qui auraient vécu au-dessus de leurs moyens. Mais quel sort Di Rupo 1er réserve-t-il réellement aux générations futures ?

    Par Daphnée (Liège)

    Un secteur à bas salaires

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    En Europe, le taux de chômage global est de 9,8%. Parmi la jeunesse, il s’agit de 22,7%. Cela signifie que, dans l’Union Européenne, jusqu’à 5 millions de personnes sont sans travail ni perspectives d’avenir.


    En septembre 2011, le chômage des jeunes a atteint 17,4% dans notre pays. Le chômage des jeunes coûte 4,1 milliards d’euros par an à la collectivité, soit 1,2% du PIB.


    Entre le troisième trimestre 2008 et le troisième trimestre 2010, le chômage des jeunes a progressé de 29% en Flandre. En ce moment, le taux de chômage parmi la jeunesse flamande est de 16,3%.


    On prévoit une nouvelle période de récession en Belgique à partir du premier trimestre 2012. Lors de la précédente récession, le taux de chômage des jeunes en Europe a explosé : de 15,6% à 20,3%.


    L’Espagne a le triste privilège d’être le leader européen dans le domaine du chômage des jeunes : 44% des jeunes y sont sans emploi. Ensuite arrivent la Grèce (36%) et l’Italie (30%).


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    Il y a quelques mois, la ministre de l’Emploi Joëlle Milquet (CDH) avait déclaré que ‘‘les jeunes sont un des groupes les plus touchés par la crise et il est clair que cette thématique devra figurer au cœur de la stratégie du prochain gouvernement.’’ Mais on se demande bien comment éviter à ‘‘nos enfants et petits-enfants de payer l’addition’’ en instaurant des mesures qui les empêcheront de se construire un avenir stable. Depuis ce 1er janvier 2012, le stage d’attente pour les jeunes (désormais ‘‘stage d’insertion professionnelle’’) avant de pouvoir percevoir une allocation de chômage est passé de 9 à 12 mois, avec un contrôle tous les 4 mois pour ‘‘vérifier’’ les efforts de recherche d’emploi. Les Régions ont par ailleurs toute latitude pour effectuer encore plus de contrôles. Par la suite, si l’ONEM juge les efforts insuffisants, il est possible de suspendre les allocations pour 6 mois, jusqu’à un prochain contrôle.

    En plus d’allonger la durée du stage d’attente/d’insertion, la ‘‘réforme’’ limite l’obtention des allocations d’insertion dans le temps. Pour les cohabitants, elles seront limitées à trois ans. Pour les autres, chefs de famille, isolés ou cohabitants privilégiés, le compteur ne démarre qu’à partir de leur trentième année, mais est limité à 3 ans également. Si le demandeur d’emploi a travaillé au moins 156 jours (6 mois) durant les 2 dernières années, ce délai pourra être prolongé. Mais, après l’âge de 33 ans, si un chômeur n’a pas trouvé d’emploi, il n’aura plus droit à RIEN !

    Dans les faits, cette réforme vise à créer un large secteur à bas salaire, puisque l’on force à accepter n’importe quel emploi sous peine de voir les allocations supprimées (obligation d’accepter un emploi se situant à 60 km du domicile sans la moindre considération pour la situation familiale, les facilités de transport,…). En conséquence, ce sont toutes les conditions de travail et de salaire qui sont ainsi mises sous pression. Cette logique est celle des mesures qui ont construit ce ‘‘miracle allemand’’ tellement loué dans les médias.

    En Allemagne, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans ne dépasse pas les 10%. Mais ce pays, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est le pays développé où les inégalités et la pauvreté ont le plus progressé ces dernières années. Plus de 20% des travailleurs sont sous le seuil de pauvreté, des pensionnés sont obligés de retourner bosser afin de compenser leurs petites pensions, le secteur des emplois précaires est en pleine progression (avec notamment des jobs payés 1 euro de l’heure en plus d’une maigre allocation),… Le fameux ‘‘modèle allemand’’, c’est un modèle basé sur la précarité, un modèle où travailler (sans certitude quant à la durée) ne protège pas de la pauvreté.

    Et la formation ?

    Personnel enseignant ou non-enseignant insuffisant, classes ou amphithéâtres surpeuplés, infrastructure famélique, diminution des subsides par étudiant,… Cette situation est déjà connue depuis de nombreuses années, et devrait encore s’accentuer. Aux Pays-Bas, dans le cadre des mesures d’austérité, on songe à supprimer la gratuité des transports en commun pour les étudiants qui ratent leur année, ou encore à augmenter leurs frais d’inscription. De bonnes idées pour la Belgique ? D’une manière ou d’une autre, l’enseignement sera lui aussi touché par les mesures d’austérité.

    En bref, l’accès à l’enseignement sera moins évident pour les couches les plus précaires (qui doivent déjà faire face à nombre de difficultés supplémentaires pour leurs études). Or, les jeunes peu ou pas diplômés ont plus de problèmes pour trouver un premier emploi. Ils n’ont peu ou quasi rien à présenter à leurs entretiens d’embauche : pas de compétences suffisamment crédibles, pas d’expérience professionnelle, pas de réseau social professionnel,… Ils se retrouvent ainsi prisonniers d’une “trappe à chômage” : pas d’expérience, donc pas d’emploi, donc pas d’expérience, donc pas d’emploi.

    Une génération sans avenir

    Et lorsqu’enfin les jeunes accèdent à un emploi, ils se retrouvent coincés dans une seconde “trappe à précarité”. C’est-à-dire ? Ils enchaînent les emplois précaires (CDD, intérims, contrats subsidiés, stages, bas salaires) sans pouvoir accéder à un emploi stable. Les jeunes doivent s’estimer heureux s’ils commencent avec un salaire de 1500 euros bruts par mois. Comment se construire un avenir dans une telle précarité ? De plus, concernant les nombreux subsides à l’embauche qui rendent les jeunes ‘‘plus attractifs’’ pour les patrons (Activa, Win Win, APE, CPE,…), quel sera l’impact de leur éventuelle suppression dans le cadre des coupes dans les budgets ?

    Même si la Belgique n’a pas encore été touchée de la même manière que nombre de pays européens par la crise économique et l’austérité, de nombreux signaux donnent l’alarme. On constate que de plus en plus de jeunes restent fort tard chez leurs parents, même en ayant un emploi, et même en vivant en couple, pour des raisons financières. D’autre part, l’association flamande “Dakloze Aktie Komité” (DAK) a récemment dévoilé que notre pays compte pas moins de 50.000 sans domicile fixe, et pointe la responsabilité de la crise économique. Parmi ces nouveaux SDF, les jeunes constituent le groupe le plus important.

    En Grèce et dans de nombreux autres pays durement frappés par l’austérité, le taux de suicide a explosé (une augmentation de 40% en Grèce en deux années seulement). En Belgique, le suicide est déjà la première cause de mortalité chez les hommes de 25 à 45 ans et la deuxième chez les jeunes de 15 à 25 ans. Notre pays est au second rang en termes de cas de suicide dans l’Union Européenne (après la Finlande). En détruisant progressivement les possibilités de se construire un avenir stable et épanouissant, quelles proportions cela peut-il atteindre encore ?

    RESISTANCE !

    Les seules solutions sont la fuite – comme le suicide et l’immigration (l’Irlande connait ainsi actuellement une véritable hémorragie de sa jeunesse) – ou la lutte. Durant l’année 2011, partout à travers le monde, nous avons connu des mouvements de masse dans lesquels la jeunesse a joué un rôle de premier plan. En Belgique aussi, le potentiel dynamique de la jeunesse est bel et bien présent.

    Ce à quoi nous faisons face n’est en rien une ‘‘guerre des générations’’, c’est une guerre des classes. Comme le dit la FGTB, ‘‘ce sont les banques qui ont fait gonfler la dette de l’Etat. Ce n’est pas aux jeunes de payer les pots cassés.’’ Ni aux jeunes, ni aux plus âgés, ni aux femmes, ni aux immigrés,… Bref, les 99% de la population qui subissent le système doivent se lever et s’organiser contre la politique des 1% qui visent à nous faire avaler l’austérité pour protéger leur soif de profits.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (2)

    Révolution et contre-révolution

    46. Cela exige une habile dose de dialectique afin de commencer à comprendre cette crise. Les vieilles certitudes sont dépassées par les contradictions que se sont accumulées sous la surface depuis des années. Des contradictions apparentes ne sont, d’un autre côté, que leurs propres compléments dialectiques. Ce qui hier fonctionnait encore bien, est aujourd’hui totalement bloqué. Les impasses et les changements de rythme vertigineux des processus graduels, leur revirement soudain et brusques transformations, caractérisent la situation. Nous nous trouvons dans une période de révolution et de contre-révolution, dans laquelle l’être humain se débarrasse de sa vieille enveloppe qui ne suffit plus aux besoins, dans ce cas le capitalisme. Des siècles auparavant, les révolutions prenaient la forme de déménagements massifs de population et par la suite, de guerres religieuses. Malgré les passions religieuses avec lesquelles elles étaient couplées, à ce moment-là aussi les conditions matérielles étaient la force motrice derrière ces processus. Que ce soit maintenant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ou bien en Chine, aux États-Unis, au Chili ou en Europe méridionale, les mouvements qui se sont déroulés cette année et sont toujours en cours, sont un dérivé direct de la Grande Récession.

    47. De puissants groupes médiatiques, une oppression dictatoriale brutale et la mesquinerie religieuse ne pouvaient pas empêcher le fait que les conditions matérielles ont finalement poussé les masses à surgir sur la scène politique. Cela s’est produit contre toute attente de la part des dirigeants locaux et de leur large appareil policier, de l’impérialisme et aussi des militants locaux. Mohammad Bouazizi n’était certainement pas le premier jeune chômeur en Tunisie à s’être immolé en guise de protestation contre le manque de perspectives. Sa mort a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, quelque chose couvait déjà sous la surface depuis le grand mouvement de grève dans les mines de Gafsa en 2008. À ce moment là, Ben Ali était encore parvenu à isoler et étouffer le mouvement. Cela avait aussi à voir avec les bonnes relations que les dirigeants de la fédération syndicale UGTT entretenaient depuis des années avec la dictature. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali) n’a été que le 17 janvier expulsé de l’“Internationale socialiste”, trois jours après la démission de Ben Ali.

    48. Les 500 000 syndicalistes ne sont cependant pas restés insensibles avant l’explosion sociale qui s’est répandue à partir du 17 décembre à vitesse grand V de Sidi Bouzid à tout le reste du pays. Malgré le fait que la direction nationale ait menacé de poursuite judiciaire, les sections locales et régionales ont pris part aux protestations et ont souvent offert un cadre organisateur. En une semaine, les dissidents avaient gagné toutes les sections. Les protestations se faisaient de plus en plus bruyantes. Le régime a réagi avec une répression brutale, mais le mouvement avait surmonté sa peur. Cela a causé la division au sein de la clique dirigeante. Au final, même l’armée a dû être retirée de Tunis de sorte qu’elle ne soit pas contaminée. Les troupes de sécurité ont tenté de créer le chaos afin de discréditer le mouvement et de le diviser. Dans les quartiers, des comités de sécurité ont été établis en réponse à cela, et ensuite des comités pour le démantèlement du RCD, des comités pour le ravitaillement, etc. Les dirigeants d’entreprise se voyaient refuser l’accès à leur entreprise en raison de leurs liens avec le régime de Ben Ali.

    La révolution enfle

    49. Les marxistes décrivent une telle situation comme une situation de “double pouvoir”. Pour la bourgeoisie et l’impérialisme, il fallait supprimer le pouvoir de la rue et à nouveau canaliser le pouvoir vers ses institutions fiables. Pour le mouvement en Tunisie et pour le mouvement ouvrier international, il s’agit de ne plus laisser ce pouvoir s’échapper. De cela découle notre appel à élargir les comités, à les structurer de manière démocratique, et à les réunir sur les plans local, régional et national afin de poser la base pour une nouvelle société, avec une nouvelle constitution révolutionnaire. Un petit parti révolutionnaire de quelques dizaines de militants aurait pu changer le cours de l’Histoire avec un tel programme. Cela n’était hélas pas le cas. Les partis et groupes de gauche qui y étaient bien présents, ont choisi soit un soutien critique au gouvernement temporaire, soit d’orienter le mouvement vers les urnes et d’attribuer la question de la constitution à un comité pluraliste de “spécialistes”.

    50. Leur argument a été le classique « D’abord la démocratie, et puis on verra après pour le socialisme ». Il y a toujours bien une raison : pour ne pas défier l’impérialisme, pour conserver l’unité des démocrates, ou parce que les masses n’étaient pas prêtes. Cela reflète un manque de confiance dans le mouvement ouvrier et dans la capacité des masses. Ils ont laissé passer le moment. Les comités ont néanmoins été rapidement imités en Égypte et d’ailleurs aussi en Libye. En Égypte, est arrivée la construction de camps de tentes permanents qui fonctionnaient comme quartier général de la révolution. Cela a été un exercice en autogestion avec leurs propres équipes média, équipes communication, service d’ordre et même à un moment donné une prison improvisée. Ici il n’y avait aucune trace de la bestialité de la clique dirigeante. Ici il semblait clair que les soi-disant groupes de lynchage étaient l’oeuvre d’agents provocateurs du régime. Les coptes et musulmans égyptiens y travaillaient de manière fraternelle les uns avec les autres et se protégeaient les uns les autres pendant les services religieux. Ce n’est que par après que le vieux régime, via l’armée, a pu reprendre un peu plus de contrôle, que les tensions religieuses se sont à nouveau enflammées.

    51. C’était une caractéristique frappante du mouvement qu’il ait pu transcender les contradictions nationales, religieuses, tribales et ethniques avec un énorme sentiment de respect et de liberté. Ce sentiment pour le respect s’est également exprimé dans le rôle proéminent des femmes. Il y avait évidemment divers degrés, mais ce phénomène s’est produit dans toutes les révolutions, que ce soit en Tunisie, en Égypte mais aussi au Bahreïn, au Yémen, en Syrie et dans d’autres pays de la région. Dans chaque révolution, il y a des moments où les masses partent en confrontation directe avec l’élite dirigeante. La plupart prennent la forme d’une marche sur le parlement, le palais présidentiel, le ministère de la Défense, et autres institutions qui symbolisent le pouvoir dirigeant. Cela s’est passé à Tunis, au Caire, à Sana’a (Yémen), et à Manamah (Bahreïn). C’était ici que le manque d’un programme c’est exprimé de la manière la plus criante. Une fois arrivés sur place, les manifestants ne savaient en effet plus par quoi d’autre commencer. Ils restaient à trépigner sur place, puis finissaient par rentrer chez eux.

    52. Trépigner sur place, ce terme a parfois été pris de manière très littérale. L’occupation de la place Tahrir, de la place Parel (à Manamah), et de tant d’autres places symbolise ceci. On sentait par intuition qu’on ne pouvait pas simplement rester là. Les travailleurs occupaient leurs entreprises, les communautés avaient pris le contrôle de leur quartier, mais le moment de la prise du pouvoir, ils l’ont laissé filer. On a estimé la contribution des travailleurs sans doute importante, tout comme celle des mosquées ou des bloggers, mais la révolution, celle-ci appartenait au “peuple”. Le caractère de classe de la société n’avait pas assez pénétré. On s’est battu contre le chômage et la pauvreté, pour de meilleures conditions sociales, pour la liberté et pour la démocratie, mais on n’a pas encore compris que c’est contre l’organisation capitaliste de la société qu’il faut lutter si on veut tout cela. On a vu les travailleurs comme une partie de la population, pas encore comme avant-garde d’une nouvelle organisation de la société sur base de la propriété collective. Les travailleurs eux-mêmes ne se voyaient pas comme ça, parce qu’il n’y avait aucune organisation ouvrière, aucun syndicat et encore moins de partis qui puissent ou qui veuillent donner une expression à cela en termes de programme et d’organisation.

    53. Dans une telle situation, le vieux pouvoir, après avoir fourni les quelques sacrifices symboliques exigés, rétablit petit à petit son emprise. Les masses ont cependant développé une énorme énergie, ont surmonté leur peur, et sont devenues conscientes de leur propre force. En outre, les conditions matérielles vont continuer à les encourager à chaque fois à rentrer en action de nouveau. Une chance énorme a été perdue, mais la lutte n’est pas terminée. La prise du pouvoir n’est plus en ce moment en tête de liste à l’ordre du jour, mais la construction de syndicats, de partis ouvriers et surtout aussi de noyaux révolutionnaires, n’est pas seulement nécessaire, mais sera beaucoup mieux compris par la couche la plus consciente. De plus, une couche de militants va observer de manière beaucoup plus attentive les nuances qu’elle avait encore considérées comme peu importantes pour le mouvement.

    L’impérialisme reprend pied dans le pays

    54. L’impérialisme était encore en train de mener une guerre d’arrière-garde avec les partisans d’Al-Qaeda, lorsque les masses ont jeté par-dessus bord ses pantins dans la région et ont ainsi réalisé en quelques semaines ce qu’al-Qaeda n’a jamais pu faire. Il a perdu tout contrôle. Les masses dans la région étaient d’ailleurs très conscientes du fait que Moubarak, Ben Ali et autres dictateurs étaient maintenus en place par l’impérialisme. Il a fallu la brutalité du régime de Kadhafi en Libye pour que l’impérialisme puisse à nouveau prétendre jouer un rôle dans la région. Au début, les jeunes de Benghazi, qui avaient commencé la révolution, avaient laissé savoir à la presse internationale qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence de la part de l’impérialisme. Bientôt apparaissaient cependant les drapeaux royalistes et des chefs rebelles autoproclamés, ex-laquais de Kadhafi, partaient rendre visite à l’Élysée.

    55. Kadhafi a sauté sur l’occasion pour semer le doute quant aux objectifs des rebelles. Cela lui a donné la possibilité d’infléchir le conflit social et politique en un conflit militaire, avec sa propre armée armée jusqu’aux dents. À l’est du pays, cela a fait croitre l’appel à un soutien militaire d’Occident, et les ex-laquais de Kadhafi ont vu leur chance pour pouvoir arracher l’initiative hors des mains de la jeunesse révolutionnaire. Cela a duré plus longtemps et couté plus cher que l’impérialisme avait prévu au départ. Il est loin d’être sûr qu’ils parviendront à stabiliser la situation. La Libye pourrait bien devenir le seul pays de la région dans lequel le fondamentalisme islamiste parvienne à accéder au pouvoir. Il y aura bien des courants qui ainsi justifieront leur soutien à Kadhafi. Ils affirmeront que l’entrée triomphale du “libérateur” Sarkozy, est une mise en scène. C’est d’ailleurs bien possible. Ils s’apercevraient cependant mieux que Sarkozy et l’impérialisme n’auraient pas pu prendre l’initiative sans la brutalité de Kadhafi.

    56. Le président syrien, Assad, a suivi dans les traces de Kadhafi. L’impérialisme ne va pas y intervenir aussi rapidement, à cause du danger de déstabiliser la région. Il est cependant certainement à la recherche d’une alternative à Assad, sans doute en préparation du résultat d’une probable guerre civile. Ici aussi un soutien, même critique, au régime brutal d’Assad, en guise de ce qui voudrait passer pour une rhétorique anti-impérialiste, serait une faute capitale pour la gauche et ne ferait que pousser les masses dans les bras de l’impérialisme. La manière dont l’impérialisme en revanche est déjà ouvertement en train de se partager le butin en Libye, même avant que Kadhafi ne soit renversé, illustre à nouveau le fait que le mouvement ouvrier international ne peut jamais donner la moindre confiance en l’impérialisme, et donc pas non plus ni à l’OTAN, ni à l’ONU, pour défendre ses propres intérêts. Dans nos textes, nous faisions allusion aux troupes révolutionnaires de Durruti en 1936, pendant la Révolution espagnole, afin d’illustrer ce qui aurait pu être entrepris dans une telle situation.

    Révolution permanente

    57. On ne peut pas être socialiste, si on n’est pas en même temps internationaliste. Les mouvements sociaux ont toujours eu une tendance à passer outre les frontières nationales. Le processus de mondialisation et les nouveaux médias ajoutent une dimension supplémentaire à cela. En Chine, le régime a pris des mesures pour étouffer dans l’oeuf toute contagion par le mouvement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au Chili aussi, mais avec beaucoup moins de succès. Même les travailleurs et jeunes américains grèvent désormais “like an Egyptian”, entre autres au Wisconsin. Ils construisent des campements en plein dans l’antre du lion, à Wall street, et n’ont plus peur de la répression. Les syndicats sont de plus en plus impliqués. Même les travailleurs et jeunes israéliens ont donné une claque à tous ceux qui pensaient que dans ce pays vivait une grande masse réactionnaire sioniste. Cela confirme notre thèse selon laquelle le fossé entre la bourgeoise sioniste et les travailleurs et jeunes israéliens s’approfondit. Pour les masses palestiniennes, voilà leur allié le plus important.

    58. Le centre du mouvement est clairement passé de l’Amérique latine au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord et surtout à l’Europe. L’Amérique latine a déjà servi dans les années ’80 de laboratoire pour le néolibéralisme. Cela y a mené à des mouvements de masse. Dans toute une série de pays, comme au Venezuela, en Bolivie, et en Équateur, sont arrivés au pouvoir des régimes dont les agissements n’ont pas été du gout de l’impérialisme. Ils se sont en général basés sur un populisme de gauche, ont pris tout une série de mesures sociales importantes, et malgré le fait qu’aucun d’entre eux n’ait complètement rompu avec le capitalisme, ils ont été une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs partout dans le monde.

    Révolte en Europe

    59. Les recettes que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international gardaient pour le “tiers monde”, ont été après la crise de 2008 appliquées pour la première fois dans un État-membre de l’UE, d’abord dans les nouveaux, puis dans les plus anciens. Comme cela était encore requis, cela a été le test ultime de la loyauté de la social-démocratie envers la politique néolibérale. Elle a réussit avec la plus grande distinction. La réaction du mouvement ouvrier ne s’est pas fait attendre. Il y a eu des manifestations et des grèves massives en protestation contre l’austérité illimitée dans presque chaque pays de l’Union européenne. Ce n’est pas la combativité qui manque. La stratégie des dirigeants syndicaux a cependant en général été un plaidoyer en faveur d’une austérité moins dure, d’une répartition plus équitable des pertes et d’une austérité qui n’entrave pas la croissance. Toute action a été aussi freinée et sabotée que possible. Malgré le fait que l’austérité touche tous les secteurs, les mouvements spontanés ont été isolés autant que possible. Aucune perspective n’a été offerte quant à une possibilité de victoire. C’est comme si on fait grève et manifeste, seulement pour confirmer que l’on n’est pas d’accord avec la politique d’austérité mise en oeuvre, mais sans mot d’ordre clair, sans parler d’une alternative.

    60. Ici et là les directions syndicales ont été obligées d’appeler à des grèves générales. Mais ce surtout des grèves appelées en vitesse et d’en haut qui, malgré la participation massive, sont peu ou pas du tout préparées, et qui ne sont pas orientées vers la construction d’un véritable rapport de force. En général ils servent tout au plus à laisser échapper de la vapeur. Dans ces mobilisations, les travailleurs sentent leur force potentielle, mais réalisent qu’il n’y a aucune stratégie derrière elles afin d’assurer une victoire. En Grèce, nous sommes entretemps à la 12ème journée de grève générale, mais le gouvernement n’a pas été ébranlé d’un millimètre. Cela mène à la frustration envers les dirigeants, qui sont désormais déjà aussi fortement haïs par leur base que les politiciens qui appliquent l’austérité. Certaines centrales qui adoptent une attitude plus combative, telle que la FIOM (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – Fédération des ouvriers salariés métallurgistes), la centrale des métallos en Italie, membre de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), ou bien quelques syndicats britanniques dans les services publics comme le PCS et le RMT (le Public and Commercial Services union et le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), peuvent cependant compter sur une approbation enthousiaste. Aux Pays-Bas, il n’est pas exclu que l’on voie une scission entre la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging – Confédération syndicale néerlandaise) et ses deux plus grandes centrales, la FNVbondgenoten (centrale de l’industrie) et la Abvakabo (Algemene Bond van Ambtenaren / Katholieke Bond van Overheidspersoneel – Centrale générale des fonctionnaires / Centrale chrétienne du personnel étatique) sur base de la question des pensions. Nous pouvons nous attendre à ce que la lutte de classe dans la période à venir se répande également au sein des structures syndicales, avec l’expulsion des militants combatifs, mais aussi le remplacement des vieux dirigeants usés par de nouveaux représentants plus combatifs.

    61. Les attaques sont cependant si dures et si généralisées que de nombreux jeunes et aussi de nombreux travailleurs ne peuvent ou ne veulent pas attendre que les choses soient réglées à l’intérieur des syndicats. Certains ne croient tout simplement plus en le fait que les syndicats puissent encore un jour devenir un instrument de lutte, encore moins pour pouvoir obtenir un véritable changement. Il faut dire que les dirigeants ne font pas le moindre effort pour réfuter cette impression. On dirait bien qu’ils sont heureux d’être libérés de ce fardeau. Toute une série de jeunes et de travailleurs se reconnaissent dans le mouvement de la place Tahrir. Ils croient que les syndicats et les partis sont des instruments du siècle passé, qui par définition mènent à la bureaucratie, aux abus et à la corruption, et que maintenant une nouvelle période est arrivée, celle des réseaux et des nouveaux médias. Il faut bien dire que ces réseaux peuvent être exceptionnellement utiles aux syndicalistes aussi, afin de pouvoir briser la structure verticale bureaucratique au sein de leurs syndicats.

    62. Les nouvelles formations de gauches sont encore moins parvenues à apporter une réponse. Elles devraient se profiler en tant que partis de lutte qui formulent des propositions afin d’unifier tous les foyers de résistance et de contribuer à l’élaboration d’une stratégie qui puisse mener à une victoire. Au lieu de cela, ces nouvelles formations, dans le meilleur des cas, se contentent de courir derrière le mouvement. Elles voient la lutte sociale non pas comme un moyen de mobiliser de larges couches pour une alternative à la politique d’austérité, mais espèrent uniquement obtenir de bons scores électoraux sur base du mécontentement. C’est une grave erreur de calcul. Elles se profilent en tant qu’aile gauche de l’establishment politique, comme le Bloco de Esquerda au Portugal, qui ne va pas plus loin que la revendication de la renégociation de la dette, ou comme le PCP (Parti communiste portugais), qui ne dénonce que la répartition injuste de l’austérité. La plupart de ces nouvelles formations de gauche, comme Syriza en Grèce, le SP hollandais, ou Die Linke en Allemagne, viennent maintenant d’effectuer un virage à droite. Tandis que le monde se retrouve sens dessus-dessous, le NPA est hypnotisé par les prochaines élections présidentielles.

    63. En intervenant avec tact dans le mouvement des indignados et autres mouvements qui prennent place en-dehors des mouvements sociaux traditionnels, ces nouvelles formations de gauche pourraient convaincre ces jeunes du fait qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre la légitime aversion envers les politiciens et les dirigeants syndicaux et la base syndicale, et de la manière dont fonctionnerait un parti démocratique de la classe ouvrière. Au lieu de cela, elles restent absentes, ou participent à titre individuel. Il y a pourtant besoin d’une coordination entre les différents mouvements de protestation et d’une orientation vers la seule classe qui puisse réaliser le changement de société, la classe ouvrière. Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter et mobiliser autour de la seule revendication capable de mettre un terme à la casse sociale : la fin du remboursement de la dette aux banques. Ce n’est que par la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de la finance, sous le contrôle démocratique du personnel, que la collectivité pourra mobiliser l’ensemble des forces productives dans la société et accorder un emploi et un salaire décent pour chacun.

    64. Les mouvements en-dehors des structures officielles sont très explosifs, mais ils ont aussi la tendance à rapidement s’éteindre. Les énormes contradictions et les attaques continues de la part de la bourgeoisie engendrent cependant toujours plus de nouveaux foyers. Il y a des similitudes avec le mouvement antimondialisation du début de ce millénaire. C’était surtout un mouvement contre la répartition inéquitable, mais de manière abstraite, la partie officielle du mouvement oeuvrait surtout à des issues afin de tempérer le “capitalisme sauvage”. Les dirigeants syndicaux ont soutenu, tout comme les ONG, tandis que les travailleurs étaient plutôt observateurs que participants actifs. La crise économique est maintenant présente de manière bien plus proéminente. Le mouvement exprime des questions qui portent sur le système lui-même. Ce n’est plus seulement une protestation, mais aussi un appel au changement. Les travailleurs ne sont plus observateurs, mais participants actifs. Les dirigeants syndicaux, les ONG et les universitaires ne jouent clairement plus le même rôle central. Cela concerne maintenant nos emplois, nos salaires, nos vies. La volonté de changement et la composition sociale du mouvement mène également à la recherche d’une alternative. C’est la caractéristique la plus importante.

    65. Il est clair que les jeunes et les travailleurs adoptent de manière intuitive une position internationaliste. La crise frappe partout. Il n’y a aucune solution possible dans le cadre d’un seul pays. Même si le CIO n’a pas partout les quantités numériques que nous avions au milieu des années ’80, notre poids relatif à l’intérieur du mouvement ouvrier organisé est aujourd’hui plus fort qu’à ce moment-là. Nous avons des militants dans la plupart, si pas dans tous les pays où les travailleurs et les jeunes sont en mouvement, certainement en Europe. Dans un certain nombre de pays, nous jouons un rôle important, quelquefois décisif au sein des syndicats ou dans les mouvements étudiants. Nous avons la chance de disposer d’une série de figures publiques saillantes, aussi de parlementaires, y compris dans le Parlement européen. Nous devons saisir cela afin de recadrer notre lutte à l’intérieur de celle pour une fédération socialiste des États d’Europe.

    66. La faiblesse de la gauche peut mener à des actes de désespoir tels que les émeutes au Royaume-Uni, que la droite ne se prive pas d’utiliser pour susciter un soutien social en faveur de plus de répression. Le populisme de droite va utiliser la défaillance de la gauche et le plaidoyer pour une austérité plus douce pour se projeter en tant que soi-disant barrage contre la casse du bien-être de la population autochtone travailleuse. La période à venir va cependant faire pencher le pendule plus à gauche. Le mouvement que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un signe avant-coureur de nouvelles explosions de masses, dans lesquelles le mouvement ouvrier va se réarmer politiquement et organisationnellement. Même une poignée de socialistes de lutte tenaces et bien préparés peut jouer un rôle déterminant dans cela. La faillite de l’Argentine en 2001 a mené à des mouvements de masse. En 18 mois, il y a eu 8 grèves générales. Puis on suivi des occupations d’entreprise. Les jeunes chômeurs, les piqueteros, construisaient chaque jour des barricades dans les rues. Les classes moyennes qui voyaient leurs économies s’évaporer sont descendues en masse dans les rues avec des pots et des casseroles, les carcerolazos, comme on les a appelés. Le 19 décembre 2001, des masses de chômeurs et de travailleurs précaires ont attaqué les supermarchés pour satisfaire leur faim. Le gouvernement a appelé à l’état d’urgence. Un jour plus tard, a eu lieu une confrontation de dizaines de milliers de manifestants avec la police. Il y a eu des dizaines de morts, et des centaines de blessés. En deux semaines, se sont succédé cinq présidents.

    67. Hélas, il manquait un parti révolutionnaire avec une alternative socialiste. Lorsque le mouvement social s’est terminé dans une impasse, beaucoup de gens se sont concentrés sur le terrain électoral. Luis Zamora, un ex-trotskiste avec un soutien de masse, n’aurait pas gagné les élections, mais a pu avoir utilisé son influence dans les élections pour mobiliser des milliers de travailleurs et de jeunes et avoir fait un début avec la construction d’un parti ouvrier socialiste. Zamora a hélas décidé de ne pas participer et s’est mis de côté dans cette lutte. Le contexte international dans lequel ce mouvement a pris place était cependant du point de vue de la bourgeoisie bien plus stable qu’aujourd’hui. De la même manière, nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des mouvements explosifs qui peuvent prendre toute une série de formes possibles et de plus, auront un bien plus grand effet international. De temps à autre, ce mouvement se traduira plutôt sur le plan électoral, comme avec l’élection des cinq parlementaires de l’Alliance de gauche unie en Irlande. Pour nous, la lutte ne s’arrête pas là, mais il s’agit d’employer ce terrain aussi au maximum et d’utiliser les positions conquises en tant que tribune pour renforcer la lutte sociale.

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