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  • Les éditions Marxisme.be éditent "La révolution trahie" de Trotsky

    Rzv_trahieLa Révolution Trahie de Léon Trotsky constitue la première analyse marxiste approfondie du stalinisme. L’ouvrage a été écrit en 1936 alors que Trotsky, expulsé d’Union soviétique en 1929, était déjà en exil depuis plusieurs années.

    Ce livre n’a toutefois rien d’un règlement de compte entre l’auteur et Staline, il s’agit d’une analyse des conditions objectives qui ont permis l’émergence et l’arrivée au pouvoir d’une bureaucratie réactionnaire dans ce qui fut le premier Etat ouvrier de l’Histoire.

    Dès 1936, Trotsky prévenait du danger d’une restauration capitaliste dans le cas où aucune révolution politique ne parvenait à se développer en Union soviétique, sous l’influence d’évènements révolutionnaires dans le reste du monde, afin d’écarter la bureaucratie au profit de l’épanouissement d’une véritable démocratie des travailleurs.

    Les édition Marxisme.be, qui éditent les publications du PSL, sont heureuses de pouvoir annoncer que ce livre sera disponible lors de la journée “Socialisme 2015” ce 28 mars, en français et néerlandais. Il s’agira d’ailleurs de la toute première publication de cet ouvrage majeur de Trotsky en néerlandais.

  • Trotsky : Pourquoi Staline l’a-t-il emporté?

    En 1917 se déroula la révolution qui porta pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité les masses exploitées au pouvoir. Hélas, à cause de l’arriération de la jeune République Soviétique héritée de l’ancien régime tsariste et des destructions dues à la Première Guerre Mondiale et à la guerre civile, à cause aussi de l’isolement du premier Etat ouvrier suite à l’échec des révolutions dans les autres pays – et plus particulièrement en Allemagne – une bureaucratie a su émerger et usurper le pouvoir.

    Staline a personnifié ce processus, tandis que Trotsky, proche collaborateur de Lénine et ancien dirigeant de l’insurrection d’Octobre et de l’Armée Rouge, a été la figure de proue de ceux qui étaient restés fidèles aux idéaux socialistes et qui, tout comme Trotsky lui-même en 1940, l’on bien souvent payé de leur vie.

    Dans ce texte de 1935 qui répond aux questions de jeunes militants français, Trotsky, alors en exil, explique les raisons de la victoire de la bureaucratie sur l’opposition de gauche (nom pris par les militants communistes opposés à la dérive bureaucratiques et à l’abandon des idéaux socialistes et internationalistes par l’Union Soviétique).

    Il explique aussi pourquoi il n’a pas utilisé son prestige dans l’Armée Rouge – qu’il avait lui-même mis en place et organisée pour faire face à la guerre civile – afin d’utiliser cette dernière contre la caste bureaucratique.

    Derrière cette clarification d’un processus majeur lourd de conséquences pour l’évolution ultérieure des luttes à travers le monde se trouvent aussi la question du rôle de l’individu dans le cours historique ainsi qu’une réponse à la maxime « la fin justifie les moyens », deux thèmes qui n’ont rien perdu de leur actualité.


    Pourquoi Staline l’a-t-il emporté ? – Trotsky

    « Comment et pourquoi avez vous perdu le pouvoir ? », « comment Staline a-t-il pris en main l’appareil ? », « qu’est-ce qui fait la force de Staline ? ». La question des lois internes de la révolution et de la contre-révolution est posée partout et toujours d’une façon purement individuelle, comme s’il s’agissait d’une partie d’échec ou de quelque rencontre sportive, et non de conflits et de modifications profondes de caractère social. De nombreux pseudo-marxistes ne se distinguent en rien à ce sujet des démocrates vulgaires, qui se servent, en face de grandioses mouvements populaires, des critères de couloirs parlementaires.

    Quiconque connaît tant soit peu l’histoire sait que toute révolution a provoqué après elle la contre-révolution qui, certes, n’a jamais rejeté la société complètement en arrière, au point de départ, dans le domaine de l’économie, mais a toujours enlevé au peuple une part considérable, parfois la part du lion, de ses conquêtes politiques. Et la première victime de la vague réactionnaire est, en général, cette couche de révolutionnaire qui s’est trouvée à la tête des masses dans la première période de la révolution, période offensive, « héroïque ». […]

    Les marxistes savent que la conscience est déterminée, en fin de compte, par l’existence. Le rôle de la direction dans la révolution est énorme. Sans direction juste, le prolétariat ne peut vaincre. Mais même la meilleure direction n’est pas capable de provoquer la révolution, quand il n’y a pas pour elle de conditions objectives. Au nombre des plus grands mérites d’une direction prolétarienne, il faut compter la capacité de distinguer le moment où on peut attaquer et celui où il est nécessaire de reculer. Cette capacité constituait la principale force de Lénine. […]

    Le succès ou l’insuccès de la lutte de l’opposition de gauche (1) contre la bureaucratie a dépendu, bien entendu, à tel ou tel degré, des qualités de la direction des deux camps en lutte. Mais avant de parler de ces qualités, il faut comprendre clairement le caractère des camps en lutte eux-mêmes ; car le meilleur dirigeant de l’un des camps peut se trouver ne rien valoir pour l’autre camp, et réciproquement. La question si courante et si naïve : « pourquoi Trotsky n’a-t-il pas utilisé en son temps l’appareil militaire contre Staline ? » témoigne le plus clairement du monde qu’on ne veut ou qu’on ne sait pas réfléchir aux causes historiques générales de la victoire de la bureaucratie soviétique sur l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat…

    Absolument indiscutable et d’une grande importance est le fait que la bureaucratie soviétique est devenue d’autant plus puissante que des coups plus durs se sont abattus sur la classe ouvrière mondiale (2). Les défaites des mouvements révolutionnaires en Europe et en Asie ont peu à peu miné la confiance des ouvriers soviétiques dans leur allié international. A l’intérieur du pays régnait toujours une misère aiguë (3). Les représentants les plus hardis et les plus dévoués de la classe ouvrière soit avaient péris dans la guerre civile, soit s’étaient élevés de quelques degrés plus hauts, et, dans leur majorité, avaient été assimilés dans les rangs de la bureaucratie, ayant perdu l’esprit révolutionnaire. Lassée par les terribles efforts des années révolutionnaires, privée de perspectives, empoisonnée d’amertume par une série de déceptions, la grande masse est tombée dans la passivité. Une réaction de ce genre s’est observée, comme nous l’avons déjà dit, après chaque révolution. […]

    […] L’appareil militaire […] était une fraction de tout l’appareil bureaucratique et, par ses qualités, ne se distinguait pas de lui. Il suffit de dire que, pendant les années de la guerre civile, l’Armée Rouge absorba des dizaines de milliers d’anciens officiers tsaristes (4).

    […] Ces cadres d’officiers et de fonctionnaires remplirent dans les premières années leur travail sous la pression et la surveillance directe des ouvriers avancés. Dans le feu de la lutte cruelle, il ne pouvait même pas être question d’une situation privilégiée pour les officiers : le mot même était rayé du vocabulaire. Mais après les victoires remportées et le passage à la situation de paix, précisément l’appareil militaire s’efforça de devenir la fraction la plus importante et privilégiée de tout l’appareil bureaucratique. S’appuyer sur les officiers pour prendre le pouvoir n’aurait pu être le fait que de celui qui était prêt à aller au devant des appétits de caste des officiers, c’est-à-dire leur assurer une situation supérieure, leur donner des grades, des décorations, en un mot à faire d’un seul coup ce que la bureaucratie stalinienne a fait progressivement au cours des dix ou douze années suivantes. Il n’y a aucun doute qu’accomplir un coup d’Etat militaire contre la fraction Zinoviev-Kaménev-Staline (5), etc., aurait pu se faire alors sans aucune peine et n’aurait même pas coûté d’effusion de sang ; mais le résultat d’un tel coup d’Etat aurait été une accélération des rythmes de cette même bureaucratisation et bonapartisation, contre lesquels l’opposition de gauche entrait en lutte.

    La tâche des bolcheviques-léninistes, par son essence même, consistait non pas à s’appuyer sur la bureaucratie militaire contre celle du parti, mais à s’appuyer sur l’avant-garde prolétarienne et, par son intermédiaire, sur les masses populaires, et à maîtriser la bureaucratie dans son ensemble, à l’épurer des éléments étrangers, à assurer sur elle le contrôle vigilant des travailleurs et à replacer sa politique sur les rails de l’internationalisme révolutionnaire. Mais comme dans les années de guerre civile, de famine et d’épidémie, la source vivante de la force révolutionnaire des masses s’était tarie et que la bureaucratie avait terriblement grandit en nombre et en insolence, les révolutionnaires prolétariens se trouvèrent être la partie la plus faible. Sous le drapeau des bolcheviques-léninistes se rassemblèrent, certes, des dizaines de milliers des meilleurs combattants révolutionnaires, y compris des militaires. Les ouvriers avancés avaient pour l’opposition de la sympathie. Mais cette sympathie est restée passive : les masses ne croyaient plus que, par la lutte, elles pourraient modifier la situation. Cependant, la bureaucratie affirmait : « L’opposition veut la révolution internationale et s’apprête à nous entraîner dans une guerre révolutionnaire. Nous avons assez de secousses et de misères. Nous avons mérité le droit de nous reposer. Il ne nous faut plus de « révolutions permanentes ». Nous allons créer pour nous une société socialiste. Ouvriers et paysans, remettez vous en à nous, à vos chefs ! » Cette agitation nationale et conservatrice s’accompagna, pour le dire en passant, de calomnies enragées, parfois absolument réactionnaires (6), contre les internationalistes, rassembla étroitement la bureaucratie, tant militaire que d’Etat, et trouva un écho indiscutable dans les masses ouvrières et paysannes lassées et arriérées. Ainsi l’avant-garde bolchevique se trouva isolée et écrasée par morceau. C’est en cela que réside tout le secret de la victoire de la bureaucratie thermidorienne (7). […]

    Cela signifie-t-il que la victoire de Staline était inévitable ? Cela signifie-t-il que la lutte de l’opposition de gauche (bolcheviques-léninistes) était sans espoirs ? C’est poser la question de façon abstraite, schématique, fataliste. Le développement de la lutte a montré, sans aucun doute, que remporter une pleine victoire en URSS, c’est-à-dire conquérir le pouvoir et cautériser l’ulcère de bureaucratisme, les bolcheviques-léninistes n’ont pu et ne pourront le faire sans soutien de la part de la révolution mondiale. Mais cela ne signifie nullement que leur lutte soit restée sans conséquence. Sans la critique hardie de l’opposition et sans l’effroi de la bureaucratie devant l’opposition, le cours de Staline-Boukharine (8) vers le Koulak (9) aurait inévitable abouti à la renaissance du capitalisme. Sous le fouet de l’opposition, la bureaucratie s’est trouvée contrainte de faire d’importants emprunts à notre plate-forme (10). Les léninistes n’ont pu sauver le régime soviétique des processus de dégénérescence et des difformités du pouvoir personnel. Mais ils l’ont sauvé de l’effondrement complet, en barrant la route à la restauration capitaliste. Les réformes progressives de la bureaucratie ont été les produits accessoires de la lutte révolutionnaire de l’opposition. C’est pour nous trop insuffisant. Mais c’est quelque chose. »

    Ce texte est tiré de : Trotsky, Textes et débats, présentés par Jean-Jacques Marie, Librairie générale Française, Paris, 1984.


     

    1) Opposition de gauche – bolcheviques-léninistes

    On a tendance à séparer Lénine de la lutte contre la bureaucratie incarnée par le conflit entre Trotsky contre Staline et ses différents alliés successifs. Pourtant, la fin de la vie de Lénine est marquée par le combat commencé de concert avec Trotsky contre Staline, qu’il rencontrait à chaque fois qu’il voulait s’attarder sur un problème spécifique (constitution de l’URSS, monopole du commerce extérieur, affaire de Géorgie, transformation de l’inspection ouvrière et paysanne, recensement des fonctionnaires soviétiques,…).

    En 1923, Lénine paralysé, Staline s’est allié à Zinoviev et Kamenev contre Trotsky. La politique de la troïka ainsi créée à la direction du Parti Communiste s’est caractérisée par l’empirisme et le laisser aller. Mais dès octobre 1923, l’opposition de gauche a engagé le combat, c’est-à-dire Trotsky et, dans un premier temps, 46 militants du Parti Communiste connus et respectés de longue date en Russie et dans le mouvement ouvrier international. La base de leur combat était la lutte pour la démocratie interne et la planification (voir au point 10). Le terme de bolchevique-léninistes fait référence à la fidélités aux principes fondateurs du bolchevisme, principes rapidement foulé au pied par Staline et les bureaucrates alors qu’ils transformaient Lénine en un guide infaillible et quasi-divin. Le terme « trotskiste » a en fait été inventé par l’appareil bureaucratique comme une arme dans les mains de ceux qui accusaient Trotsky de vouloir détruire le parti en s’opposant à la « parole sacrée » de Lénine détournée par leurs soins.

    2) « des coups plus durs se sont abattus sur la classe ouvrière mondiale »

    Pour les révolutionnaires russes, la révolution ne pouvait arriver à établir le socialisme qu’avec l’aide de la classe ouvrière des pays capitalistes plus développés. Lénine considérait par exemple qu’il fallait aider la révolution en Allemagne, pays à la classe ouvrière la plus nombreuse et la plus organisée, jusqu’à sacrifier le régime soviétique en Russie si la situation l’exigeait. Cependant, si la Révolution russe a bien engendré une vague révolutionnaire aux nombreuses répercussions, partout les masses ont échoué à renverser le régime capitaliste.

    En Allemagne, c’est cette crise révolutionnaire qui a mis fin à la guerre impérialiste et au IIe Reich. Mais, bien que cette période révolutionnaire a continué jusqu’en 1923, l’insurrection échoua en janvier 1919 et les dirigeants les plus capables du jeune Parti Communiste allemand, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, ont été ensuite assassinés. Quelques semaines plus tard, les républiques ouvrières de Bavière et de Hongrie ont également succombé dans un bain de sang. En France faute de direction révolutionnaire, le mouvement des masses a échoué à établir le socialisme, de même qu’en Italie où la désillusion et la démoralisation a ouvert la voie au fascisme. La stabilisation momentanée du capitalisme qui a suivit a cruellement isolé la jeune république des soviets et a favorisé l’accession au pouvoir de la bureaucratie.

    Quand sont ensuite arrivés de nouvelles opportunités pour les révolutionnaires sur le plan international, la bureaucratie avait déjà la mainmise sur l’Internationale Communiste.

    Ainsi, quand la montée de la révolution chinoise est arrivée en 1926, la politique de soumission à la bourgeoisie nationale et au Kouomintang de Tchang Kaï-Chek dictée par Moscou a eu pour effet de livrer les communistes au massacre. En mars 1927, quand Tchang-Kaï-Chek est arrivé devant la ville de Shangaï soulevée, le mot d’ordre de l’Internationale Communiste sclérosée était alors de déposer les armes et de laisser entrer les nationalistes. Ces derniers ont ainsi eu toute la liberté d’exécuter par millier les communiste et les ouvriers désarmés…

    3) « A l’intérieur du pays régnait toujours une misère aiguë. »

    En 1920, alors que la guerre civile devait encore durer jusqu’à l’été 1922, l’industrie russe ne produisait plus en moyenne que 20% de sa production d’avant-guerre, et seulement 13% en terme de valeur. A titre d’exemple, la production d’acier était tombée à 2,4% de ce qu’elle représentait en 1914, tandis que 60% des locomotives avaient été détruites et que 63% des voies ferrées étaient devenues inutilisables. (Pierre Broué, Le parti bolchevique, Les éditions de minuit, Paris, 1971).

    La misère qui découlait de ces traces laissées par la guerre impérialiste de 14-18 puis par la guerre civile entre monarchistes appuyés par les puissances impérialistes et révolutionnaires a mis longtemps à se résorber.

    4) « Durant la guerre civile, l’Armée Rouge absorba des dizaines de milliers d’anciens officiers tsaristes. »

    La dislocation de l’Etat tsariste et la poursuite de la participation de la Russie à la Première Guerre Mondiale entre le mois de février (où le tsarisme s’est effondré) et l’insurrection d’Octobre par les différents gouvernements provisoires avaient totalement détruit l’armée russe. Arrivés au pouvoir, les soviets durent reconstruire à partir de rien une nouvelle armée capable de défendre les acquis de la Révolution face aux restes des troupes tsaristes aidés financièrement et militairement par différentes puissances étrangères (Etats-Unis, France, Angleterre, Allemagne, Japon…).

    C’est à Trotsky qu’a alors été confiée la tâche de construire l’Armée Rouge. Face à l’inexpérience des bolcheviques concernant la stratégie militaire, Trotsty a préconisé d’enrôler les anciens officiers tsaristes désireux de rallier le nouveau régime. Approximativement 35.000 d’entre eux ont accepté au cours de la guerre civile. Ces « spécialistes militaires » ont été un temps encadrés par des commissaires politiques qui avaient la tâche de s’assurer que ces officiers ne profitent pas de leur situation et respectent les ordres du gouvernement soviétique.

    5) Fraction Zinoviev-Kaménev-Staline

    Comme expliqué dans le premier point, Zinoviev et Kamenev, dirigeants bolcheviques de premier plan et de longue date, se sont alliés à Staline dès la paralysie de Lénine pour lutter contre Trotsky. Son combat contre la bureaucratisation du parti et de l’Etat les effrayait tout autant que sa défenses des idées de l’internationalisme, à un moment où ils ne voulaient entendre parler que de stabilisation du régime. Finalement, cette fraction volera en éclat quand la situation du pays et du parti forcera Zinoviev et Kamenev à reconnaître, temporairement, leurs erreurs. Ils capituleront ensuite devant Staline, mais seront tous deux exécutés lors du premier procès de Moscou en 1936.

    6) Calomnies enragées

    Faute de pouvoir l’emporter par une honnête lutte d’idées et de positions, les détracteurs de l’opposition de gauche n’ont pas lésiné sur les moyens douteux en détournant et en exagérant la portée de passages des œuvres de Lénine consacrés à des polémiques engagées avec Trotsky il y avait plus de vingt années, en détournant malhonnêtement des propos tenus par Trotsky, en limitant le rôle qu’il avait tenu lors des journées d’Octobre et durant la guerre civile, ou encore en limitant ou en refusant tout simplement à Trotsky de faire valoir son droit de réponse dans la presse de l’Union Soviétique.

    Parallèlement, Lénine a été transformé en saint infaillible – son corps placé dans un monstrueux mausolée – et ces citations, tirées hors de leurs contextes, étaient devenues autant de dogmes destinés à justifier les positions de la bureaucratie. La calomnie, selon l’expression que Trotsky a utilisée dans son autobiographie, « prit des apparences d’éruption volcanique […] elle pesait sur les conscience et d’une façon encore plus accablante sur les volontés » tant était grande son ampleur et sa violence. Mais à travers Trotsky, c’était le régime interne même du parti qui était visé et un régime de pure dictature sur le parti a alors été instauré. Ces méthodes et manœuvres devaient par la suite devenir autant de caractéristiques permanentes du régime stalinien, pendant et après la mort du « petit père des peuples ».

    7) « bureaucratie thermidorienne » :

    Il s’agit là d’une référence à la Révolution française, que les marxistes avaient particulièrement étudiée, notamment pour y étudier les lois du flux et du reflux révolutionnaire.

    « Thermidor » était un mois du nouveau calendrier révolutionnaire français. Les journées des 9 et 10 thermidor de l’an II (c’est-à-dire les 27 et 28 juillet 1794) avaient ouvert, après le renversement de Robespierre, Saint-Just et des montagnards, une période de réaction qui devait déboucher sur l’empire napoléonien.

    8) Staline-Boukharine

    En 1926, l’économie ainsi que le régime interne du parti étaient dans un état tel que Kamenev et Zinoviev ont été forcés de reconnaître leurs erreurs. Ils se sont alors rapproché de l’opposition de gauche pour former ensemble l’opposition unifiée. Staline a alors eu comme principal soutien celui de Boukharine, « l’idéologue du parti », dont le mot d’ordre était : « Nous devons dire aux paysans, à tous les paysans, qu’ils doivent s’enrichir ». Mais ce n’est qu’une minorité de paysan qui s’est enrichie au détriment de la majorité… Peu à peu politiquement éliminé à partir de 1929 quand Staline a opéré le virage de la collectivisation et de la planification, Boukharine a ensuite été exécuté suite au deuxième procès de Moscou en 1938.

    9) Koulak

    Terme utilisé pour qualifier les paysans riches de Russie, dès avant la révolution. Ses caractéristiques sont la possession d’une exploitation pour laquelle il emploie une main d’œuvre salariée, de chevaux de trait dont il peut louer une partie aux paysans moins aisés et de moyens mécaniques (comme un moulin, par exemple).

    10) « la bureaucratie s’est trouvée contrainte de faire d’importants emprunts à notre plate-forme »

    Dès 1923, devant la crise dite « des ciseaux », c’est-à-dire le fossé grandissant entre les prix croissants des biens industriels et la diminution des prix des denrées agricoles, Trotsky avait mis en avant la nécessité de la planification afin de lancer l’industrie lourde. A ce moment, la Russie était encore engagée dans la nouvelle politique économique (NEP), qui avait succédé au communisme de guerre en 1921 et avait réintroduit certaines caractéristiques du « marché libre » pour laisser un temps souffler la paysannerie après les dures années de guerre. Mais cette politique devait obligatoirement n’être que momentanée, car elle permettait au capitalisme de retrouver une base en Russie grâce au koulaks et au « nepmen » (trafiquants, commerçants et intermédiaires, tous avides de profiter de leurs avantages au maximum, car ils ne savent pas de quoi sera fait le lendemain de la NEP). Une vague de grève avait d’ailleurs déferlé en Russie cette année-là.

    Finalement, en 1926, 60% du blé commercialisable se trouvait entre les mains de 6% des paysans (Jean-Jaques Marie, Le trotskysme, Flammarion, Paris, 1970). L’opposition liquidée, la bureaucratie s’est attaquée à la paysannerie riche en collectivisant les terres et en enclenchant le premier plan quinquennal. Mais bien trop tard… Tout le temps perdu depuis 1923 aurait permit de réaliser la collectivisation et la planification en douceur, sur base de coopération volontaire des masses. En 1929, la situation n’a plus permit que l’urgence, et Staline a « sauvé » l’économie planifiée (et surtout à ses yeux les intérêts des bureaucrates dont la protection des intérêts était la base de son pouvoir) au prix d’une coercition immonde et sanglante.

  • Le socialisme va-t-il à l’encontre de la nature humaine ?

    Le monde est dans un état lamentable. Guerre, misère et oppression font partie du quotidien de milliards de personnes à travers le monde. 1.2 milliard de personnes luttent pour survivre sur moins de 1 dollars par jour (cet article a été écrit en 2006 et ce dernier chiffre a considérablement augmenté depuis, notamment avec la crise alimentaire mondiale, NDT). Chaque jour, plus de 16.000 enfants meurent des conséquences de la faim (rapport de l’ONU sur le développement humain, 2005). Les guerres en Irak et en Afghanistan ou encore la crise environnementale ne sont que des exemples saisissants des crises auxquelles l’humanité est confrontée.

    Article de Canyon Lalama

    À la racine de ces douleurs se trouve le système économique, social, et politique du capitalisme. Le capitalisme a provoqué l’essors des grandes sociétés multinationales qui sont bloquées dans un système de concurrence à couteaux tirés dans lequel les sociétés ne recherchent que les profits à court terme, la puissance, et les ressources, indépendamment du coût humain.

    Les entreprises et les pays impérialistes peuvent bien dominer le monde, des millions d’opprimés et de pauvres – de l’Irak au Venezuela en passant par le Mexique – reprennent la voie de la lutte. Même aux États-Unis, le mouvement pour les droits des immigrés ou le mouvement anti-guerre ont illustré la colère énorme qui s’est accumulée à la base de la société.

    La plupart de ceux qui sont impliqués dans ces luttes recherchent une alternative à la misère du capitalisme, et beaucoup, particulièrement en Amérique Latine, commencent à tourner leurs regards vers le socialisme. Cependant, on rencontre souvent des arguments selon lesquels le socialisme serait peu réaliste parce qu’il va à l’encontre de la «nature humaine». Cet article est une tentative de répondre à certaines de ces questions au sujet du socialisme.

    Les gens ne sont-ils pas motivés par l’argent ? Le socialisme n’étoufferait-il pas le travail et l’innovation ?

    En réalité, c’est le capitalisme qui étouffe la motivation et la créativité de la majorité de la population – la classe ouvrière. Il n’y a rien de plus démotivant que d’être forcé de répéter les mêmes gestes 8 ou 12 heures par jour juste pour payer ses factures.

    Comme le socialiste américain Eugene Debs l’a déclaré : «[Les gens] ne sont pas dégoûtés du travail, mais de l’esclavage. Celui qui travaille principalement pour d’autres le fait principalement sous le fait de la contrainte, et le travail ainsi effectué est l’essence même de l’esclavage.»

    Après 40 heures (ou plus) de travail aliénant par semaine et avec les autres pressions communément rencontrées dans la vie de chacun, la plupart des travailleurs n’ont pas le temps de développer leurs talents créatifs et leurs qualités. Pour rendre les choses plus mauvaises encore, sous le capitalisme, les travailleurs n’ont pas l’opportunité de développer des méthodes pour rendre le travail plus efficace et agréable. Dans une économie de marché violemment basée sur la compétition, une plus grande productivité de travail conduit généralement à des licenciements et à une plus grande exploitation de la main d’oeuvre, en envoyant les profits vers le haut et les conditions de travail et de vie des travailleurs vers le bas.

    Mais si les travailleurs possédaient et contrôlaient collectivement leurs lieux de travail dans une économie socialiste démocratique plutôt que d’être sous les ordres d’un patron, les travailleurs seraient beaucoup plus motivés. Chaque nouvelle innovation signifierait moins d’heures de travail ou un niveau de vie plus élevé.

    Et si tous les emplois fournissaient de bons salaires, de bonnes indemnités, et une véritable sécurité, les gens poursuivraient des carrières qu’ils apprécient plutôt que de continuer à travailler juste pour obtenir une sécurité économique, ce qui rendrait chacun bien plus productif.

    Les gens ne sont-ils pas trops avides et égoïstes pour que le socialisme puisse fonctionner ?

    Il y a une différence notable entre l’égoïsme et l’intérêt. Il n’y a absolument aucun doute à avoir sur le fait que les êtres humains cherchent à défendre leurs intérêts, la lutte pour le socialisme est d’ailleurs complètement en conformité avec cette tendance. Les socialistes luttent pour obtenir un salaire minimum pour tous, pour un programme public et gratuit de santé publique, pour un enseignement public gratuit, pour des logements abordables et de qualité pour chacun et pour d’autres programmes qui élèveraient nettement le niveau de vie de la grande majorité de la population.

    Comme l’histoire du mouvement ouvrier l’a démontré, les travailleurs ont plus de capacités à augmenter leur niveau de vie en luttant collectivement plutôt qu’en essayant désespérément de réussir individuellement dans un système qui est dirigé contre eux.

    De façon assez ironique, ce sont les mêmes idéologues pro-capitalistes qui prêchent que les gens sont trop ”avide“ pour le socialisme qui se tournent vers les travailleurs en leur demandant de se «serrer la ceinture pour le bien commun» à chaque fois qu’ils veulent attaquer les salaires ou les programmes sociaux.

    Mais l’intérêt personnel n’est pas la seule chose qui nous guide. Il suffit pour le constater de jetez un bref coup d’oeil à la quantité de bénévoles. Selon le bureau des statistiques de travail des USA, approximativement 65 millions d’Américains ont été bénévoles d’une manière ou d’une autre en 2005.

    Après l’ouragan Katrina, toujours aux USA, la population à travers le pays ont donné 4,25 milliards de dollars pour aider les victimes, tandis que les sociétés ont donné la somme pitoyable de 400 millions de dollars (Charity Navigator, 08/08/06). Ces données illustrent les énormes sacrifices et la solidarité dont est capable la classe ouvrière.

    Le socialisme n’aboutira-t-il pas à une dictature bureaucratique comme en Russie ?

    Les monstrueuses dictatures bureaucratiques en Russie, en Chine, en Europe de l’Est et ailleurs étaient une négation complète du véritable socialisme démocratique. Mais il est crucial que les socialistes d’aujourd’hui étudient l’expérience de la Révolution russe afin d’expliquer les raisons derrière sa dégénérescence bureaucratique, qui trouvent ses racines dans des conditions historiques spécifiques et non dans la nature humaine.

    La Révolution russe de 1917 a constitué la première fois où la classe ouvrière a renversé le capitalisme et a commencé à établir une nouvelle société socialiste. L’Union Soviétique des premiers temps était le gouvernement le plus démocratique que le monde avait jamais connu: les ouvriers et les paysans ont dirigé la société démocratiquement par l’intermédiaire des conseils ouvriers (c’est-à-dire, en russe, des soviets). C’est le premier Etat au monde à avoir donné aux femmes la totalité des droits légaux, comme le droit de vote et le droit d’avorter. L’Union Soviétique avait aussi légalisé l’homosexualité.

    Les dirigeants Bolcheviks Lénine et Trotsky, ont toujours expliqués qu’il était impossible de construire le socialisme dans un seul pays, et plus particulièrement dans les conditions semi-féodales de la Russie de l’époque. Pour eux, la Révolution russe ne pouvait arriver à survivre que si elle parvenait à s’étendre aux puissants pays capitalistes d’Europe occidentale.

    Les principales puissances impérialistes ont elles-mêmes reconnus que la Révolution russe n’était pas une affaire purement locale, mais que le capitalisme était menacé internationalement. Elles ont donc participé à une sanglante guerre civile du côté des capitalistes et des propriétaires terriens russes, afin de renverser le nouveau gouvernement soviétique. 21 pays, y compris les États-Unis, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ont envahi la Russie pour soutenir la contre-révolution.

    Dans la victoire des Bolcheviks au cours de la guerre civile, la vague de révolutions dans toute l’Europe et le monde a été décisive. La Révolution russe et l’appel des Bolcheviks aux travailleurs du monde entier pour qu’ils se soulèvent contre la Première Guerre Mondiale avait mis le feu aux poudres. Les soulèvements révolutionnaires en Allemagne et à travers l’Europe ont conduit la guerre à sa fin et ont forcé la classe dirigeante internationalement à retirer ses troupes hors de Russie afin d’éviter d’autres bouleversements dans les pays capitalistes.

    Malheureusement, ces révolutions n’ont pas réussi à renverser le capitalisme. A la différence de la Russie, il n’existait aucun parti révolutionnaire de masse disposé à mener les révolutions jusqu’à leur terme. Au lieu de cela, les partis ouvriers de masse en Europe ont été dominés par les dirigeants réformistes qui ont joué un rôle décisif pour sauver l’économie capitaliste.

    Ainsi, alors que l’Union Soviétique a réussi à défaire la contre-révolution, la jeune république Soviétique est restée dans l’isolement. La sanglante guerre civile avait laissé le pays dans un état de désordre gigantesque avec des masses épuisées, au chômage et affamées. Cela a constitué la base pour l’accession au pouvoir d’une caste bureaucratique et conservatrice. La bureaucratie, groupée autour de Staline, a concentré le pouvoir dans ses mains dans les années ’20 et ’30 et a démoli les droits démocratiques que la classe ouvrière russe avait réussi à obtenir.

    Les nombreuses révolutions qui, plus tard, ont pris place dans le monde néocolonial et en Europe ont malheureusement regardé la Russie comme un exemple à suivre, et le gouvernement bureaucratique soviétique a pu exporter son modèle stalinien vers la Chine, Europe de l’Est, et ailleurs.

    Le capitalisme est-il dans la nature de l’homme?

    La classe dirigeante aimerait nous faire croire que le capitalisme ou la société de classes est le résultat inévitable de la nature humaine. Alors que la biologie détermine certains aspects de notre comportement, la nature humaine n’est pas une chose permanente et invariable tombée du ciel comme par magie. La manière dont nous agissons et dont les relations se construisent entre les hommes et avec le monde se développe en réponse aux conditions matérielles changeantes de la société et de notre relation avec la planète.

    Pendant des millions d’années, les gens ont vécu dans des sociétés égalitaires et nomades de chasseur-cueilleurs. La nourriture et ce qui était nécessaire à la survie étaient également partagés dans toute la société. Ce n’est qu’après la révolution agricole, quand les tribus nomades se sont sédentarisées pour cultiver, qu’un excédent de richesse a pu se développer, ce qui a permis à une classe dirigeante de surgir pour la première fois dans l’histoire.

    Diverses classes dirigeantes ont depuis lors proclamé que c’était ”dans la nature humaine“ qu’une personne en possède une autre comme esclave, ou qu’il y ait un monarque nommé par Dieu pour diriger au-dessus de tous.

    En utilisant la technologie moderne pour pourvoir aux besoins de chacun, le socialisme créerait la base matérielle pour que la culture humaine change de la manière la plus fondamentale. Au lieu d’une société qui récompense le plus vicieux et cupide, une société socialiste développerait une nouvelle culture basée sur l’égalité et la justice.

    Les décisions seraient prises démocratiquement et non pas en élisant un riche ou l’autre tous les quatre ans. Les travailleurs prendraient des décisions eux-mêmes avec des réunions de masse et des élections directes. Les élus, comme les directeurs et les représentants publics, seraient immédiatement révocables et payé au salaire moyen des personnes qu’ils représentent.

    La semaine de travail serait réduite, le travail disponible partagé avec les chômeurs sans perte de salaire, et les besoins fondamentaux de chacun seraient assurés, ce qui libèrerait les femmes et les hommes pour prendre le contrôle de leurs vies et pour poursuivre toutes formes d’efforts créateurs et intellectuels, en ouvrant enfin la porte au potentiel créateur de toute l’humanité.

  • Capitalisme en crise : socialisme ou barbarie !

    Chaque jour, le capitalisme démontre l’ampleur de sa faillite : extrême pauvreté, guerres, famine, destruction de l’environnement,… Nous refusons ce constat, nous opposons résolument au capitalisme et luttons pour une société socialiste démocratique. Dans ce cadre, notre réflexion et nos actions sont basées sur le marxisme. Ce dossier vous présente nos critiques contre le capitalisme ainsi qu’un petit aperçu de ce qu’est notre vision du socialisme. Ce texte est largement basé sur le livre «Le socialisme au 21e siècle» de notre camarade britannique Hannah Sell.

    Qu’est-ce que le capitalisme?

    En 300 ans d’existence, le capitalisme a changé la face du monde à coups de voies ferrées, de lignes électriques, d’avions, d’ordinateurs,… Au cours du dernier siècle seulement, l’économie mondiale est devenue 17 fois plus grande !

    Cependant, malgré les capacités technologiques actuelles, malgré tout le potentiel aujourd’hui présent, 1,2 milliard de personnes n’ont aucun accès à l’eau potable, 841 millions de personnes sont sous-alimentées et jusqu’à 28 millions d’Africains sont infectés par le virus du SIDA. Alors que le capitalisme consacre des milliards d’euros au bombardement d’une population pauvre comme celle d’Afghanistan, au même moment, ce système n’a aucune solution pour la pauvreté, la faim ou les maladies. En fait, le capitalisme est même une menace pour l’avenir de la planète. L’avidité conduit à une production aveugle qui ne tient aucun compte de l’homme ou de l’environnement.

    Les forces productives ont amplement été développées, mais elles ne sont pas systématiquement utilisées. Seul compte le profit à court terme. De leur côté, les gouvernements et les politiciens traditionnels sont au service des intérêts du capital et c’est à cet objectif que l’appareil d’Etat ou le pouvoir judiciaire est utilisé. Le capitalisme est soi-disant un ‘‘marché libre’’ et une ‘‘démocratie’’ mais quelle participation démocratique avons-nous concernant la manière de produire ? Des milliards de personnes à travers le monde n’ont que la liberté d’être exploités ou de connaître la misère et la guerre.

    Qu’est-ce que le socialisme ?

    Une société socialiste assimilerait l’énorme potentiel des talents de chacun et de la technologie pour édifier une société et une économie au service des besoins de tous. Cela ne signifie pas que tous les problèmes seraient immédiatement résolus, loin de là, mais la suppression du profit marquerait le début de la construction d’une nouvelle société, ce qui n’est possible qu’à l’échelle internationale.

    Les marxistes sont en faveur d’une économie démocratiquement planifiée, une économie où les grandes entreprises qui dominent aujourd’hui plus de 80% de l’économie seraient mises sous le contrôle démocratique de la collectivité, ce que nous appelons le contrôle ouvrier. Cela ne signifie toutefois pas que tous les petits commerces, les boulangeries, les boucheries,… seraient nationalisés.

    Un régime socialiste nous permettrait d’avoir bien plus à dire que sous la ‘‘démocratie’’ parlementaire capitaliste, qui ne nous accorde que des élections fort médiatisées après quelques années, tout ça pour élire des représentants qui ne défendent pas nos intérêts et qui ne doivent en rien se justifier auprès de leurs électeurs. Pour les marxistes, tout le monde doit pouvoir participer au processus de prise de décision quant à la manière dont sont gérées l’économie et la société.

    Les élus devraient toujours avoir à se justifier et être révocables, à tous niveaux, par leurs électeurs. De plus, les représentants ne toucheraient que le salaire moyen d’un travailleur, afin de garder un lien concret avec le quotidien de la majorité de la population. Un parlementaire marxiste (comme notre camarade irlandais Joe Higgins au Parlement Européen) ne gagnerait ainsi que l’équivalent du salaire moyen d’un travailleur.

    Les marxistes luttent pour la démocratie des travailleurs, ce qui implique que toute la collectivité travaillerait ensemble à la planification de la production. A tous les niveaux, sur les lieux de travail et dans les quartiers, des comités de représentants seraient organisés, sur les plans régionaux et nationaux, sous le contrôle d’assemblées générales de base. Chacun aurait ainsi la possibilité de réellement participer aux décisions et à la gestion de la société.

    Le capitalisme a développé plusieurs outils pour nous faciliter cette tâche, comme l’enseignement, qui fournit un niveau supérieur d’éducation, ou encore les nouvelles technologies, qui rendent la communication beaucoup plus facile et potentiellement bien plus accessible. La planification de l’économie n’est pas une utopie, les grandes entreprises et les multinationales fonctionnent d’ailleurs sur base d’une planification de leurs activités à grande échelle. Mais porter cela au niveau de la société signifie de s’attaquer à leur propriété.

    Le socialisme va bien au-delà du simple partage des richesses. Il s’agit également de décider de ce qui est produit et de quelle manière. Nous voulons immédiatement en finir avec le gaspillage consacré à des industries comme celle de la publicité. Nous voulons répartir le travail disponible au lieu de demander à une couche de travailleurs de travailler plus dur et plus longtemps alors qu’une autre couche (y compris beaucoup de jeunes) est au chômage.

    Mais aujourd’hui, dans le cadre d’une société où le profit est sacré et où l’humanité souffre sous ses diktats, il n’est pas possible de donner une vue complète de ce que sera une société socialiste. Nous ne pouvons que donner un léger aperçu en mettant en lumière les conditions qui permettront au potentiel existant d’être utilisé dans l’intérêt de la majorité de la population.

    Le socialisme n’aboutira-t-il pas à une dictature bureaucratique comme en Russie ?

    Les monstrueuses dictatures bureaucratiques et sanglantes de Russie, de Chine, d’Europe de l’Est et d’ailleurs étaient une négation totale du véritable socialisme démocratique. Mais il est fondamental que les marxistes d’aujourd’hui étudient l’expérience de la Révolution russe afin d’expliquer les raisons qui ont conduit à sa dégénérescence bureaucratique. En fait, ce processus trouve ses racines dans des conditions historiques spécifiques et non dans la nature humaine.

    La Révolution russe de 1917 a constitué la première fois où la classe ouvrière a renversé le capitalisme et a commencé à instaurer une nouvelle société socialiste. L’Union Soviétique des premiers temps était le gouvernement le plus démocratique que le monde ait jamais connu: ouvriers et paysans dirigeaient la société démocratiquement par l’intermédiaire de conseils ouvriers (c’est-à-dire, en russe, des soviets). C’est le premier Etat au monde à avoir donné aux femmes la totalité des droits légaux, comme le droit de vote et celui d’avorter. L’Union Soviétique avait aussi légalisé l’homosexualité.

    Les dirigeants bolcheviks Lénine et Trotsky, ont toujours expliqué qu’il était impossible d’instaurer le socialisme dans un seul pays, et plus particulièrement dans les conditions semi-féodales de la Russie de l’époque. Pour eux, la Révolution russe ne pouvait parvenir à survivre qu’en s’étendant aux puissants pays capitalistes d’Europe occidentale.

    Les principales puissances impérialistes ont elles-mêmes reconnu que la Révolution russe n’était pas une affaire purement locale et que le capitalisme était mondialement menacé. Elles ont donc participé à une sanglante guerre civile du côté des capitalistes et des propriétaires terriens russes afin de renverser le nouveau gouvernement soviétique. 21 pays ont envahi la Russie pour soutenir la contre-révolution (États-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, Japon,… ) Pour que les bolcheviks arrivent à remporter la guerre civile (1918-1921), la vague de révolutions qui a déferlé sur toute l’Europe et dans le monde a été décisive. La Révolution russe et l’appel des bolcheviks aux travailleurs du monde entier au soulèvement contre la Première Guerre Mondiale avait mis le feu aux poudres. Les soulèvements révolutionnaires en Allemagne et à travers l’Europe ont entraîné la fin de la guerre et ont forcé les classes dirigeantes à retirer leurs troupes hors de Russie afin d’éviter d’autres bouleversements dans les pays capitalistes.

    Malheureusement, ces révolutions n’ont pas réussi à renverser le capitalisme. A la différence de la Russie, il n’existait aucun parti révolutionnaire de masse disposé à mener les révolutions jusqu’à leur terme. Au lieu de cela, les partis ouvriers de masse en Europe ont été dominés par les dirigeants réformistes qui ont joué un rôle décisif pour sauver l’économie capitaliste. Ainsi, alors que l’Union Soviétique a vaincu la contre-révolution, la jeune république Soviétique est restée isolée. La première guerre mondiale puis la guerre civile avaient laissé le pays dans une situation désastreuse, les masses épuisées, au chômage et affamées. Tout cela a constitué la base pour l’accession au pouvoir d’une caste bureaucratique conservatrice. La bureaucratie, groupée autour de Staline, a concentré le pouvoir dans ses mains dans les années ’20 et ’30 et a démoli les droits démocratiques que la classe ouvrière russe avait réussi à obtenir.

    Les nombreuses révolutions qui, plus tard, ont pris place dans le monde néocolonial et en Europe ont malheureusement regardé la Russie comme le modèle à suivre, et le gouvernement bureaucratique soviétique a pu exporter son modèle stalinien vers la Chine, l’Europe de l’Est, et ailleurs.


    Le capitalisme mène à la crise

    Le capitalisme est un échec. Ce système est incapable d’offrir une vie décente à la grande majorité des gens et il n’y a pas que la cupidité des milliardaires ou l’échec individuel des hommes politiques à la base de cette situation. Si c’était le cas, il suffirait de combattre les excès du capitalisme et de réformer certains éléments. Mais les inégalités et la pauvreté font partie des fondations mêmes de la société capitaliste.

    Il y a plus de 150 ans, Karl Marx et Friedrich Engels, ont écrit “Le Manifeste du parti communiste”. Cette brochure est l’un des textes politiques à avoir eu le plus de répercussion dans l’histoire. ‘‘Le Capital’’ de Marx a aussi été très largement diffusé. Les classiques du marxisme sont les premiers travaux qui comprennent une analyse scientifique du fonctionnement du capitalisme et qui expliquent pourquoi ce système conduit à une polarisation de la richesse. Mais ils expliquent également comment le capitalisme peut être renversé.

    Aujourd’hui, Marx refait surface, y compris dans les médias ouvertement de droite. Ses idées ont beau être vieilles, elles sont exactes et restent d’actualité. Bien entendu, tout ce que Marx et Engels ont écrit au 19e siècle n’est pas tout à fait correct dans les détails, et la société d’aujourd’hui est très différente. Mais de très nombreuses choses restent extrêmement pertinentes pour la situation actuelle.

    Marx et Engels ont analysé le capitalisme et ont expliqué comment ce système conduit systématiquement à une crise de surproduction. Le capitalisme est un système cyclique. Certain facteurs peuvent aboutir à une crise mais ses raisons sousjacentes sont les contradictions fondamentales du système capitaliste lui-même, comme la contradiction entre la nature collective de la production et la propriété privée des moyens de production. On peut encore parler de la contradiction entre le monde global et les limites de l’Etat-nation. La production capitaliste est basée sur le profit plutôt que sur la satisfaction des besoins sociaux. La classe des travailleurs crée une nouvelle valeur, mais n’en reçoit en retour qu’une partie à titre de salaire. Le reste de cette valeur, les capitalistes le gardent pour eux. Mais les salaires de la classe ouvrière ne lui permettent pas d’acheter tout ce qu’elle a produit.

    Les capitalistes peuvent en partie résoudre ce problème en investissant une partie de la plus-value dans l’industrie, mais cela ne fait qu’accroître le problème de la surproduction. En définitive, les capitalistes sont incapables de résoudre le problème de la surproduction et le système entre en crise.
    Changer le monde

    Marx et Engels ne se limitaient pas analyser le capitalisme. Marx disait: ‘‘les philosophes n’ont jusqu’ici fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer.’’ Il a reconnu que le capitalisme, malgré toutes ses atrocités, a joué un rôle historique dans le développement des forces productives, que ce système représentait un pas en avant en comparaison des sociétés féodales qui l’ont précédé. Mais le capitalisme n’est pas le point final de l’évolution des sociétés humaines. Il a créé une énorme évolution technologique et scientifique qui peut servir de base pour une nouvelle étape, une société socialiste.

    Sous le capitalisme, la richesse et le pouvoir sont aux mains d’une petite élite, les capitalistes. Le développement de nouvelles technologies et la production n’ont aucun fondement rationnel, ils ne sont guidés que par le profit. Tout le potentiel existant n’est pas utilisé. Aujourd’hui, il y a moins de capitalistes qu’à l’époque de Marx, mais ils sont beaucoup plus riches : il y a un phénomène de concentration croissant du capital. Ces 50 dernières années, l’écart entre les 20% plus riches et les 20% plus pauvres au monde a doublé et une centaine grandes entreprises contrôlent actuellement 70% du commerce mondial.

    Pour gonfler encore leurs profits, les capitalistes veulent nous faire travailler plus longtemps et plus durement. Les travailleurs doivent vendre leur force de travail pour recevoir un salaire. Notre travail, comme tout le reste sous le capitalisme, est devenu une marchandise mais il diffère cependant des autres matières premières en ce sens que le travail crée de nouveaux produits et une nouvelle valeur. Au fil du temps, la classe ouvrière n’a pas disparu, elle est même numériquement et relativement beaucoup plus forte qu’à l’époque de Marx et Engels, même si certains anciens bastions de la classe ouvrière industrielle sont affaiblis (dans les pays occidentaux).

    Ces dernières années, il est vrai que la classe ouvrière n’a pas, ou peu, eu recours à sa force. Mais il ne s’agit pas là d’une conséquence d’une baisse de son pouvoir potentiel, c’est plutôt le résultat des raisons subjectives qui peuvent être résumées en un manque de confiance temporaire consécutif aux lourdes défaites que la classe ouvrière a subies dans les années ‘80 et ‘90 ainsi qu’à l’offensive néolibérale qui a suivi.

    Le capitalisme attaque la vie et les communautés de travailleurs. Cela implique que la société devient plus dure et une “baisse de moral” prend place. Le mouvement syndical sera obligé de mettre en avant la nécessité de la lutte collective pour protéger nos communautés.
    Une alternative au capitalisme

    La classe dirigeante voudrait bien nous convaincre que la société capitaliste ou la société de classe est le produit inévitable de la nature humaine. Si la biologie peut expliquer certains éléments de notre comportement, la nature humaine n’est en rien statique et immuable.

    Pendant des millions d’années, dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs nomades, le gens vivaient de façon égalitaire. L’alimentation, le logement et tout le nécessaire de survie était égalitairement partagé dans la société. Ce n’est qu’après la révolution agricole, quand les tribus nomades se sont installées pour cultiver, qu’un surplus de richesses a été créé pour la première fois dans l’histoire et qu’une classe dirigeante a pu se développer.

    Plusieurs classes dirigeantes ont depuis affirmé que la ‘‘nature humaine’’ veille à ce qu’un homme soit esclave pendant qu’un autre est roi, désigné par Dieu pour régner sur tous les autres. En fait, ce sont les conditions physiques et les processus de production qui constituent la base des relations entre les différentes classes sociales.

    La classe des travailleurs d’aujourd’hui possède une force potentielle sans précédent. En raison de sa place dans le processus de production, elle est la seule force sociale capable d’obtenir des changements fondamentaux : ce sont les travailleurs qui sont à la base de toute valeur produite. En utilisant la technologie moderne d’aujourd’hui dans l’intérêt de tous les travailleurs, le socialisme créera la base pour fondamentalement changer la culture humaine. Au lieu d’une société qui récompense l’avidité et l’égoïsme, une société socialiste mettra l’égalité et la justice au centre de ses priorités.

    La société dépouillée de tous les obstacles au développement du potentiel créatif et intellectuel des hommes et des femmes conduirait également à une explosion de l’immense potentiel créatif de l’humanité.

     

  • Questions fréquemment posées sur le socialisme

    Ces prochains jours, nous allons remettre à l’honneur quelques textes issus de nos archives. Le texte ci-dessous a initialement été publié sur notre site en février 2012.


    Conséquence du développement du mouvement Occupy, l’opposition face au système économique et politique est devenue monnaie courante. Difficile d’imaginer que la femme au bandana sur la couverture du Time – représentation du “Manifestant”, personnalité de l’année selon le Time – puisse avoir quoi que ce soit de positif à dire au sujet du capitalisme, et l’omniprésence du masque de Guy Fawkes – popularisé par “V for Vendetta” – souligne encore plus à quel point les idées révolutionnaires sont à présent répandues.

    Par Brandon Madsen, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Cependant, ce soutien croissant apporté à un changement de système n’a pas encore conduit à des discussions sérieuses quant à une quelconque alternative. Un nouveau sondage du Pew publié le 28 décembre 2011 indique que les personnes noires ou de moins de 30 ans sont majoritairement en faveur du socialisme, mais n’explique en rien ce qu’est le socialisme, ou comment un système politique et économique socialiste fonctionnerait. Nous vous offrons cet article comme base de discussion.

    Comment fonctionnerait une économie socialiste?

    Sous le capitalisme, les institutions où d’immenses richesses sont centralisées (les grandes entreprises) dirigent l’économie, et exploitent les plus pauvres pour accroître leurs propres richesses. Le but d’une économie socialiste est de renverser la vapeur : ce serait la classe ouvrière qui serait aux commandes de l’économie, et utiliserait les richesses et la productivité de la société pour améliorer ses conditions de vie. Pour cela, il faudrait rendre publiques les ressources des banques et des grandes entreprises, et les gérer de manière démocratique.

    Employer les chômeurs, redéfinir le budget et créer de l’emploi en tenant compte des priorités sociales – soins de santé, éducation, énergie propre, etc. – donnerait un énorme coup de fouet à la productivité et créerait des richesses. Une planification démocratique de l’économie permettrait à tout le monde d’avoir un travail bien rémunéré, un accès à des soins de santé de qualité, à un enseignement gratuit à tous les niveaux, et, bien sur, aux besoins vitaux tels que la nourriture et un logement. Mais cela ne se limiterait pas à ces bases; nous pourrions soutenir et encourager les musiciens, artistes, réalisateurs, designers, etc de façon à favoriser un développement culturel.

    Ce système économique nécessiterait une planification réfléchie, mais c’est déjà le cas d’une certaine manière sous le capitalisme. Des multinationales plus grandes que des Etats planifient déjà leurs niveaux de production et de distribution, décident des prix, et cela sans pour autant s’effondrer, rien ne dit que les travailleurs seraient incapables de faire de même.

    La différence sous le capitalisme, c’est que la planification n’est que partielle, incomplète, et antidémocratique, le but étant de maximiser les profits d’une élite. Sous le socialisme, nous pourrions décider des investissements en ayant une vue d’ensemble de l’économie mondiale, afin de subvenir aux besoins humains, de conserver un environnement sain, et de garantir à chacun le droit à une existence libre.

    Un système économique socialiste devrait être intégré de par le monde. C’est déjà le cas sous le capitalisme, nous vivons en effet dans un monde d’interdépendance. La globalisation vue par le capitalisme consiste à exploiter les économies les plus faibles, et à plonger dans une misère sans cesse croissante les travailleurs de par le monde. Sous le socialisme, l’intégration d’une économie globale aurait pour but d’améliorer la vie des gens.

    Une économie socialiste gérerait l’environnement de manière très différente. Tant que maintenant, les compagnies n’ont que faire des taxes environnementales, car elles peuvent les faire payer au public. Les coûts liés à la pollution de l’air et de l’eau sont réels, mais ils ne représentent pas une menace pour une entreprise comme Monsanto. Voilà pourquoi aucune corporation ne bougera le petit doigt pour l’environnement sur base des principes du marché libre.

    Une économie démocratiquement planifiée empêcherait les corporation de faire des profits en externalisant les coûts liés à la pollution. Au lieu de cela, l’efficacité, la préservation de l’environnement, et la satisfaction des besoins de base de chacun seraient les critères de décision économique. Au lieu de promouvoir des mesures inadéquates telles que les ampoules économiques et la sensibilisation au recyclage, une économie socialiste investirait dans un total renouveau de la production, mettant à profit les dernières technologies vertes pour assurer la protection de l’environnement et la création de millions d’emplois.

    Comment fonctionnerait une démocratie socialiste?

    La « démocratie » actuelle se limite à nous faire voter une fois de temps en temps afin de décider quel riche politicien prendra les décisions pour nous. Cela n’a bien sur rien de démocratique, encore moins quand la corruption issue des corporations s’en mêle.

    Au contraire, une démocratie socialiste serait une démocratie omniprésente, de semaine en semaine, présente sur tous les lieux de travail, dans toutes les écoles et communautés. Les travailleurs effectuerait une rotation des tâches, et les managers élus seraient révocables à tout moment si le besoin s’en faisait sentir. Chaque décision pourrait être réévaluée par un vote de la majorité.

    Le programme et les politiques scolaires, plutôt que d’être imposées par des administrateurs incompétents et des bureaucrates, seraient discutées conjointement par les parents, les professeurs et les étudiants. Des conseils de quartier décideraient de qui peut ou ne peut avoir une forme d’autorité, et dicteraient à leurs élus comment prioriser leurs efforts..

    Tout investissement et décision économique se ferait démocratiquement. Les lieux de travail et les quartiers éliraient des représentants à de massifs conseils locaux et régionaux, qui eux-mêmes éliraient des décideurs nationaux. Les représentants élus ne devraient avoir aucun privilège que ce soit comparé à leur électorat, et ils seraient révocables à tout moment.

    Afin de faciliter ce processus décisionnel démocratique, les horaires de travail et d’études devraient prévoir du temps pour des conseils et des discussions quand aux décisions. Grâce aux richesses nouvellement créées, la semaine de travail serait réduite afin de prodiguer aux gens le temps et l’énergie pour s’impliquer politiquement, et se réaliser hors du travail ou du cadre scolaire.

    Une élite bureaucratique ne prendrait-elle pas le dessus?

    Cela va sans dire, aux prémices d’une société socialiste, une lutte contre les carriéristes et la corruption sera nécessaire. Le bagage idéologique pernicieux issu de siècles de domination de classe ne s’évaporera pas d’un claquement de doigts. Mais en faisait des ressources productives de la société un bien public, en éliminant les privilèges, et en établissant les structures d’une gestion et d’un contrôle démocratiques, les obstacles barrant la route des aspirants bureaucrates seraient immenses.

    L’évènement qui fait craindre une prise de pouvoir de la bureaucratie est l’arrivée de Staline au pouvoir en Union Soviétique quelques années après la révolution russe de 1917. Cette dégénérescence tragique de la Révolution Russe a été débattue par des marxistes dans de nombreux ouvrages. La conclusion que l’on peut tirer de ces évènements après une analyse historique sérieuse, c’est que cette dégénérescence n’était ni naturelle, ni inévitable, mais juste un concours de circonstances particulières.

    Au moment de la révolution, la Russie était l’un de pays les plus pauvres, et la situation ne n’est guère améliorée lorsque les capitalistes détrônés, soutenus par 21 armées étrangères, on fait usage de violence pour récupérer le pouvoir des mains des assemblées démocratiques, ce qui a conduit a une guerre civile sanglante. Bien que la révolution prenait place ailleurs également, notamment en Allemagne, tous les mouvements furent réprimés, laissant la Russie isolée.

    Ce n’était pas le terrain idéal sur lequel fonder le socialisme. La base même du socialisme, c’est d’avoir suffisamment de moyens pour subsister, mais la Russie manquait de moyens. Dans ce contexte, les structures démocratiques des Soviets (les assemblées de travailleurs) ont cessé de fonctionner. Qui se soucie d’aller aux réunions politiques sans savoir s’il pourra se nourrir le soir?

    C’est cette sape du pouvoir des travailleurs, aggravée par l’isolement et le déclin économique du pays, qui a permis la bureaucratisation de la société et la montée de Staline en tant que leader. Mais ce n’eût rien de naturel. Staline a eu recours à l’emprisonnement, au meurtre et à l’exil, et a forcé des millions de gens dont le seul crime était leur attachement aux principes démocratiques de la révolution de 1917 à se soumettre.

    Cette expérience illustre l’importance de faire de la lutte pour le socialisme une lutte globale. A cause d’impérialistes pillant des ressources à travers le monde, certains pays pourraient manquer d’une base économique stable pour se mettre au socialisme, et auraient besoin de négocier avec des pays plus riches. Si la Russie avait pu recevoir la soutien ne serait-ce que d’un seul pays, comme l’Allemagne, l’histoire serait aujourd’hui bien différente.
    Ne serait-ce pas plus facile de réformer le capitalisme?

    Contrairement aux récits populaires, l’histoire du capitalisme n’est pas celle d’un progrès constant vers des sommets de démocratie et de richesse. Chaque réforme a nécessité une lutte de masse, remettant souvent en doute les fondements mêmes du système.

    Les réformes ne sont pas des cadeaux de politiciens au grand coeur, mais des concessions accordées dans l’unique but d’apaiser le mouvement et de faire oublier les vraies revendications. Que cela concerne les droits civils, le week-end de congé, ou le droit d’organiser uns syndicat, chacune de ces réformes a nécessité un combat constant contre la logique capitaliste, combats dans lesquels nombre d’innocents furent éliminés par les élites désireuses de mettre un terme à la lutte.

    Sous le capitalisme, même ces réformes partielles ne sont pas permanentes. Comme nous avons pu le voir ces dernières décennies, les capitalistes n’hésitent pas à annuler leurs réformes quand ils pensent pouvoir se le permettre.

    Les programmes sociaux pour lesquels les gens se sont battus bec et ongles par le passé se disloquent ou disparaissent sous des coupes budgétaires. Après avoir presque annihilé les syndicats dans le privé –où moins de 7% des travailleurs sont syndiqués – les politiciens se tournent maintenant vers le secteur public, dont un tiers des travailleurs n’est toujours pas syndiqué.

    Une base stable pour des réformes effective demanderait que les travailleurs s’emparent du pouvoir pour le gérer eux-même – c’est à dire, rejeter le capitalisme en faveur du socialisme. C’est bien simple, lutter pour des réformes, et lutter pour le socialisme, sont deux choses identiques.

    En théorie, ça sonne bien, mais en pratique?

    La seule constante en histoire est le changement ininterrompu. Des anciens Etats esclavagistes aux seigneuries féodales jusqu’au système capitaliste global d’aujourd’hui, les gens n’ont cessé de rejeter les anciens systèmes dés qu’ils devenaient un frein au développement. Là où réside l’utopie, c’est dans la pensée que la guerre, la pauvreté et la destruction de l’environnement peuvent être réglés par le capitalisme.

    Bien que le socialisme soit réaliste, il n’est pas inévitable. Encore et toujours, le capitalisme a conduit les opprimés et les travailleurs à se révolter. Nombreuses ont été les révolutions cette année, notamment en Egypte et en Tunisie. Mas bien que beaucoup aient réussi à détrôner le gouvernement, peu sont parvenues à un changement de régime. Le capitalisme renaîtra sans cesse, au détriment des pauvres, des jeunes et des travailleurs, si nous ne le remplaçons pas par un système meilleur.

    C’est là que les socialistes entrent en scène: Nous prenons l’étude de l’histoire au sérieux, apprenant à la fois des défaites et des succès qu’ont connus les révolutions. Nous répandons cette connaissance au maximum afin d’établir le socialisme avec succès . Cela ne revient pas qu’à se plonger dans des bouquins. Cela nécessite de s’engager et construire les mouvements actuels, de mettre en avant des idées socialistes tout en apprenant des autres en lutte, construire notre avenir ensemble.

    Si vous êtes d’accord avec ces idées, réfléchissez à nous rejoindre !

  • Critique : Thomas Piketty : le nouveau Marx ?

    Le capital au vingt-et-unième siècle

    Au Royaume-Uni, les 20 % les plus pauvres de la population constituent une des couches les plus démunies d’Europe occidentale, avec un niveau de vie comparable à celui de la Slovénie ou de la Tchéquie. Parallèlement, les 1 % les plus riches du pays sont parmi les plus riches du monde, s’accaparant à peu près un tiers du revenu mondial !

    Par Hannah Sell, Socialist Party (CIO en Angleterre et pays de Galles)

    Cela fait un certain temps que le Royaume-Uni n’est plus champion dans quoi que ce soit, mais en ce qui concerne l’inégalité, il en a largement à remontrer : parmi les pays “développés”, le Royaume-Uni est le deuxième pays le plus inégal après les États-Unis. Mais la croissance de l’inégalité, qui semble à présent si inévitable, est en réalité un phénomène mondial. Selon l’ONG Oxfam, les 85 personnes les plus riches au monde possèdent à elles seules autant de richesses (1700 000 milliards de dollars) que la moitié de la population mondiale (3,5 milliards de personnes).

    Les stratèges du capitalisme (du moins, ceux parmi eux qui ne sont pas des farceurs) reconnaissent vaguement le fait que cette inégalité croissante menace l’avenir du capitalisme. Lorsqu’on voit par exemple la directrice du FMI et le gouverneur de la Bank of England proclamer que « Il faut faire quelque chose » pour préserver la « stabilité », on comprend que l’élite mondiale commence à sérieusement s’inquiéter du risque de grèves, de révoltes et de révolutions.

    Une inégalité de plus en plus grande

    C’est dans ce contexte que M. Thomas Piketty, économiste français, a publié son œuvre Le capital au vingt-et-unième siècle. Piketty a collaboré avec d’autres économistes tout au long des quinze dernières années afin de fournir des preuves selon lesquelles la tendance naturelle du capitalisme sur le long terme est d’aller vers un accroissement de l’inégalité. Piketty remarque à très juste titre le fait que la période “dorée” d’après la Seconde Guerre mondiale (années ’60-’70) était une période d’exception et que, depuis lors, le système est revenu à la “normale”, avec une tendance marquée à un renforcement de l’inégalité. Il explique par exemple que « entre 1977 et 2007, les 1 % des plus riches Américains se sont approprié 60 % de la croissance du revenu national ».

    Le capitalisme mène à l’inégalité : cela n’est pas une idée nouvelle. Karl Marx lui-même, il y a plus de cent ans, écrivait qu’il y a : « corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même.» (Le Capital, chapitre 25)

    Réactions

    Néanmoins, les informations statistiques rassemblées par Piketty et ses collaborateurs sont extrêmement utiles, et sont également clairement perçues comme une menace par les défenseurs du capitalisme.

    Le Financial Times a vigoureusement attaqué leurs données sur l’inégalité, en relevant quelques erreurs statistiques relativement mineures dans le but de discréditer l’ensemble des conclusions de Piketty. Le problème de tout ceci, cependant, est que loin d’être “révolutionnaires” ou “nouvelles”, les données de Piketty ne font que confirmer une tendance marquée depuis des décennies. Piketty lui-même a répondu que son livre est selon lui loin d’exagérer la réalité de l’inégalité, puisque de nouvelles recherches parues depuis indiquent que « la hausse de la part de la richesse pour les plus riches Américains au cours des dernières décennies serait en réalité encore plus élevée que ce que j’ai calculé dans mon livre ».

    Même si certaines personnes de droite ont tenté de discréditer Piketty, son livre a connu un grand succès auprès du public, se hissant en tête des ventes dans de nombreux pays. Nombreux sont ceux à gauche qui l’ont applaudi, y compris le secrétaire général du syndicat britannique Unite, Len McCluskey, qui avouait : « Je suis enthousiaste quand je pense jusqu’où Piketty pourrait nous mener ». Cependant, ceux qui espèrent que ce livre leur fournira une analyse convaincante de ce pourquoi le capitalisme crée cette inégalité croissante seront plutôt déçus ; encore plus déçus seront ceux qui attendent une solution de la part de l’auteur.

    Puisque le titre du livre ressemble à celui du chef d’œuvre de Karl Mark, Le Capital, beaucoup de commentateurs affirment que Piketty est le digne successeur de Marx. Piketty a quant à lui répondu que ce n’est pas comme ça qu’il se perçoit, et qu’en fait, il n’a jamais lu Le Capital. Cela n’est guère étonnant, vu que les seules fois où Piketty mentionne Marx dans son livre, c’est pour le critiquer, et souvent pour des choses que Marx n’a jamais dites ni écrites.

    Piketty, par exemple, prétend que « Tout comme ses prédécesseurs, Marx a totalement négligé la possibilité d’un progrès technologique durable et d’une productivité sans cesse croissante », ou encore que « La théorie de Marx est implicitement fondée sur l’hypothèse d’une hausse zéro de la productivité sur le long terme ». Ces affirmations sont complètement à l’opposé de la véritable analyse de Marx. Marx expliquait justement qu’une caractéristique fondamentale du capitalisme est la façon dont la course aux profits force les capitalistes à entrer en concurrence avec leurs rivaux en investissant dans la science et dans la technologie – “progrès technologique” donc – afin d’accroitre leur productivité. C’est cette course débridée vers plus de profits qui conduit à la crise – à la récession et à la dépression – mais qui jette également les bases pour la transition vers une société socialiste démocratique.

    Le fait que les taux d’investissements aient atteint à présent leur point le plus bas de l’histoire – et certainement au Royaume-Uni – indique que le capitalisme est un système en faillite, incapable de faire progresser la société plus en avant. Le capitalisme a créé – tout comme Piketty le décrit – une richesse immense, mais seul une planification socialiste démocratique de la production permettrait à présent de reprendre le contrôle sur les forces productives afin de protéger la planète et de satisfaire aux besoins de base de l’humanité – ce que le capitalisme est incapable de faire – en assurant le droit à un emploi décent, sûr et bien payé, à un logement, à un enseignement gratuit et à la retraite à 60 ans (et même avant).

    Le marxisme

    Le marxisme et les idées socialistes sont cependant complètement inconnus pour Piketty. Il n’essaie pas une seule fois d’expliquer les raisons de la crise capitaliste. Il ne parle pas non plus de la production de marchandises, ni de leur vente : il préfère se concentrer exclusivement sur la répartition de la richesse. Sa “nouvelle théorie” pour expliquer l’inégalité est que le taux de retour sur “capital” est toujours supérieur au taux de retour sur “revenu”. Piketty dit que c’est là la contradiction centrale du capitalisme. Cependant, il ne donne aucune explication pour nous permettre de comprendre en quoi cette contradiction serait si importante.

    De plus, il se trompe dans son usage du mot “capital”. Pour les marxistes, toute richesse n’est pas capital. Est capital uniquement la part de la richesse mise en œuvre par les capitalistes afin de tenter d’engranger un profit ; la source de tout profit étant l’exploitation de la classe prolétaire, la classe des travailleurs. Mais lorsque Piketty parle de capital, il parle de richesse de manière générale, qu’il s’agisse d’un investissement, d’un collier en diamant ou encore de la maison d’un travailleur. Il ne considère pas non plus que la force et l’action du mouvement des travailleurs, que la capacité des travailleurs à se battre pour défendre leurs salaires et conditions de travail, soit un facteur qui détermine la répartition de la richesse entre capitalistes et travailleurs.

    Les énormes lacunes du livre de Piketty signifient que cet ouvrage ne parvient en réalité pas à offrir ne serait-ce que le début d’une analyse du capital au vingt-et-unième siècle – ce qui a d’ailleurs été reconnu par ses admirateurs. Lawrence Summers, par exemple, ex-secrétaire du Trésor américain, loue le “tour-de-force” que représente ce travail, tout en restant très sceptique quant à son analyse : « Quand je me projette dans le futur, je vois que le principal élément créateur d’inégalité et lié à l’accumulation de capital ne sera pas, contrairement à ce que croit Piketty, le fait que les riches amassent des fortunes. La principale raison de cette inégalité sera le développement de l’impression en 3D, de l’intelligence artificielle, de toutes ces choses qui auront des conséquences désastreuses pour les personnes occupées à des tâches manuelles routinières. D’ailleurs, nous avons déjà plus de personnes détentrices d’une assurance handicap que de personnes occupées à la production dans l’industrie ».

    M. Summers exprime ici une grande crainte de la classe capitaliste, à laquelle Piketty ne touche même pas. Les nouvelles technologies rendent chaque travailleur de plus en plus productif, mais pour chaque travailleur productif, il y a de plus en plus de sans-emploi ou de personnes sous-employées. Tout cela ne promet que plus de crises économiques et d’instabilité sociale à l’échelle mondiale.

    Cela rend également de plus en plus évidente la nécessité du passage au socialisme, afin que les nouvelles technologies qui posent un problème au capitalisme puissent être mises en œuvre non pas pour licencier les travailleurs en masse, mais pour répartir le temps de travail entre tous et donc réduire la semaine de travail à 30 heures par semaine sans perte de salaire, voire même encore moins. Au lieu de ça, on voit que, malgré le fait que la lutte pour la journée des huit heures a été entamée depuis la création même du mouvement ouvrier, cette revendication n’est toujours pas acquise pour des millions de travailleurs de par le monde.

    Piketty ne cherche pas à en finir avec le capitalisme : il veut l’aider à s’en sortir. Quand il est passé à la télévision, on lui a demandé s’il voulait en finir avec l’inégalité. Sa position était très claire : selon lui, c’est un problème que 50 % des Britanniques ne possèdent que 3 % de la richesse nationale, mais s’ils en possédaient 5 ou 8 %, ce ne serait pas un souci !

    Afin de parvenir à cette toute petite hausse de l’égalité, Piketty appelle à une hausse de taxe pour la population riche, qu’on devrait taxer à hauteur de 80 %, et à une taxe progressive sur la richesse au niveau mondial. En tant que socialistes, nous soutenons ces revendications, qui seraient certainement également soutenues avec enthousiasme par la majorité de la population. Cependant, même les plus enthousiastes parmi les admirateurs de Piketty ne peuvent s’empêcher de sourire à cette idée. Même le célèbre économiste keynésien Paul Krugman, qui n’a que louanges pour cet ouvrage, s’est vu contraint d’admettre qu’il « est aisé d’exprimer un certain cynisme à l’égard de toute proposition de ce genre ». Le journaliste et professeur honoraire à l’université de Wolverhampton Paul Mason a exprimé la même idée dans le quotidien britannique Guardian, de manière un peu plus brutale : « Il est plus facile d’imaginer la chute du capitalisme que d’imaginer l’élite consentir à une telle taxe ».

    Nous arrivons donc au nœud du problème. Piketty espère pouvoir appeler les capitalistes à la “raison”, en les priant de reconnaitre que s’ils veulent préserver leur système, ils doivent laisser un petit peu plus pour les “99 %”. Ça rappelle les discours du dirigeant social-démocrate britannique Ed Milliband, qui parle d’un “capitalisme plus équitable”, sans donner la moindre proposition concrète en ce sens comme la taxation des riches ou des grandes entreprises.

    Un capitalisme fait de partage et d’amour ?

    Le président français François Hollande avait promis de mettre en place une “taxe des millionnaires” afin de se faire élire. Cela a suscité une virulente opposition de la part du capitalisme français. Finalement, Hollande a fait passer devant la Cour constitutionnelle une version fortement édulcorée de sa taxe sur les riches. Mais il a fini par capituler devant les exigences des capitalistes. Le magazine Forbes titrait à cette occasion : « Hollande converti, propose l’austérité et une baisse des taxes pour renforcer la croissance en France ».

    On a beau montrer de beaux arguments et supplier, on ne parviendra pas à mettre en place un capitalisme “à visage humain”. Les seules fois où les capitalistes se voient contraints de faire des concessions importantes pour la majorité de la population est lorsqu’ils sont confrontés à des mouvements de masse de la classe des travailleurs qui menacent l’avenir de leur système. Et même lorsque des concessions sont faites, ils tentent toujours de les récupérer d’une autre manière un peu plus tard.

    Tout gouvernement qui demeure dans le cadre du capitalisme ne sera jamais en mesure de mettre en pratique les quelques propositions de Piketty. On estime à 20.000 milliards de dollars la richesse planquée dans des paradis fiscaux, la moitié de cette richesse appartenant à à peine 100.000 personnes. Cette somme est supérieure à la dette nationale cumulée de tous les pays développés. Personne ne paie de taxe sur cette immense richesse. Rien qu’au Royaume-Uni, on estime que la fraude fiscale (surtout du fait des riches) s’élève à 120 milliards de livres par an.

    Une popularité révélatrice

    Piketty reconnait en partie le fait que les capitalistes seront toujours tentés d’éviter de payer des taxes, en déménageant à l’étranger, etc. C’est pourquoi il parle d’une taxe progressive sur la richesse au niveau mondial. À nouveau, en tant que socialistes, nous soutenons cette revendication, mais nous ne pensons pas qu’il soit possible – dans un monde fait de flux et reflux de capitaux que les gouvernements sont incapables de contrôler – de parler de cette revendication sans l’introduire dans le cadre d’un programme plus large fait de revendications socialistes. Qui voterait cette taxe ? Un impôt mondial sur la fortune ne pourra qui plus est jamais être prélevé sans le monopole étatique sur le commerce étranger et la nationalisation des banques à échelle nationale puis internationale. Sans quoi, ce serait comme quelqu’un qui tenterait d’arracher ses griffes à un tigre de manière “douce”.

    Malgré ses limites, la popularité du livre de Piketty illustre néanmoins le fait que de plus en plus de gens sont à la recherche d’une alternative au capitalisme du vingt-et-unième siècle, qui ne nous offre qu’un sombre avenir fait d’emplois mal payés, de contrats flexibles et précaires et de logements impossibles à payer. Nul doute que beaucoup de ceux qui aujourd’hui dévorent le livre de Piketty, demain mordront à pleines dents Le Capital de Karl Marx, qui leur donnera une analyse bien plus “moderne” et “pertinente” du capitalisme que celle de Piketty.

  • [DOSSIER] La lutte de classe existe toujours… mais comment la remporter?

    ‘‘Il y a une lutte des classes, c’est ma classe qui la gagne.’’ Cette célèbre citation n’est pas sortie du 19e siècle, elle provient d’une interview accordée à CNN en 2005 par Warren Buffet, actuellement quatrième fortune mondiale. La suite de cette phrase n’a hélas pas eu la même notoriété, mais c’est elle qui nous intéresse le plus : ‘‘alors qu’elle ne le devrait pas.’’ Comment faire pour que ce ne soit plus le cas ?

    Par Nicolas Croes

    A la lumière de la crise économique, il est aujourd’hui bien difficile de masquer la réalité de cette lutte des classes opposant fondamentalement une classe de détenteurs des capitaux et des moyens de production – la classe capitaliste – et une autre contrainte de vendre sa force de travail pour vivre – la classe des travailleurs. Les explosions sociales se succèdent, plus ou moins organisées, plus ou moins massives, mais aucune voie de sortie n’émerge.

    Sous l’impact du combat de la classe des travailleurs organisée, l’écart entre riches et pauvres s’était progressivement réduit dans les pays capitalistes développés jusque dans les années ’80, pour à nouveau se développer sous les coups de la politique néolibérale. Aujourd’hui, ce fossé atteint une taille exceptionnelle, et la crise est utilisée comme prétexte pour l’accroître plus encore. Il ne s’agit pas d’un flux et d’un reflux ‘‘naturel’’, mais de l’expression de la modification des rapports de force dans le cadre de cette lutte de classe en développement au sein du système capitaliste. L’histoire de ce processus est riche d’enseignements pour aujourd’hui.

    Des acquis sociaux se sont retrouvés transformés en leur contraire, comme c’est le cas en Belgique pour les négociations salariales collectives (l’Accord Interprofessionnel). A l’origine, il s’agissait d’assurer que les salaires augmentent également dans les secteurs de travail les plus faibles, où la force syndicale était moins implantée, mais ce mécanisme a été vidé de son contenu au point que nous nous retrouvons avec un gel salarial pour les deux années à venir tandis que le gouvernement veut faire durer ce blocage des salaires au moins pour 6 ans. Tout employeur qui céderait à la pression de la lutte des travailleurs pour augmenter les salaires se verrait infliger une ‘‘amende’’ (c’est surtout leur offrir le meilleur argument qui soit pour refuser tout en bloc), tandis que ceux qui respecteront le gel bénéficieraient de nouvelles réductions de charges.

    Comme partout en Europe, la politique d’austérité s’abat sur les travailleurs et leurs familles tandis que les conditions de travail et de salaire sont attaquées sur les lieux de travail. Pourtant, jamais autant de richesses n’ont été produites. Les dix familles belges les plus riches possèdent ensemble une fortune estimée à 42 milliards d’euros ! Quelque 1000 ménages possèdent chacun une fortune de plus de 20 millions d’euros et les 10% des ménages les plus riches possèdent la moitié de la fortune belge totale (soit 1,9 million d’euros par ménage en moyenne).

    Les travailleurs, seule force sociale capable de s’opposer à la voracité des capitalistes

    Mais si l’élite capitaliste dispose de son capital, la classe des travailleurs possède une puissance incroyable de par son nombre. Cette masse est la seule force capable de briser la spirale négative de casse sociale, que ce soit en Belgique, en Europe ou dans le monde, la seule force capable de bloquer l’économie par la grève et de s’en prendre au capital là où ça lui fait mal: au portefeuille.

    L’arme favorite de la bourgeoisie dans la guerre de classe, c’est le chantage à l’emploi et aux investissements, par la fermeture d’entreprises, la fuite de capitaux,… Les politiciens de l’establishment se réfugient toujours derrière cette peur – feinte ou non – pour justifier les mesures destinées à soutenir la ‘‘compétitivité des entreprises’’ qui sont un véritable hold-up contre la collectivité. La seule riposte appropriée doit venir du mouvement des travailleurs et des jeunes et de sa mobilisation, avec l’expropriation de ces entreprises et leur contrôle sous gestion démocratique des travailleurs. Après tout, ce sont les travailleurs qui créent les richesses. Mais cela signifie automatiquement de réduire la puissante arme syndicale au simple rang de jouet de lobbying. Aucun acquis social n’a été obtenu en suppliant des politiciens déjà acquis au camp capitaliste, toutes nos avancées sociales ont été obtenues par une lutte acharnée. Aujourd’hui, il est crucial d’en revenir à un syndicalisme de lutte de classe.

    Contre l’avalanche d’austérité et de pertes d’emplois, où est notre plan d’action ? Comment se fait-il que les milliers de travailleurs qui sont actuellement concernés par la procédure Renault (et donc menacés d’un licenciement collectif dans leur entreprise) soient isolés chacun sur leur site ? Nous avons besoin d’un bon échéancier d’actions crédibles connu suffisamment longtemps à l’avance, allant crescendo, avec l’organisation de grèves générales, y compris en lien avec les luttes d’autres pays (tout particulièrement dans le cas de l’Europe).

    C’est de cette manière qu’il sera possible de redonner confiance à tous les hésitants qui ont tendance à considérer que ça ne sert à rien de manifester ou de faire grève. Comment ne pas se mettre à douter quand la lutte se limite à une succession de ballades entre Bruxelles-Nord et Bruxelles-midi ? Et pourtant, les appels lancés par les syndicats, aussi insuffisants soient-ils, sont loin de tomber dans le vide. Quel serait l’impact d’une large campagne de sensibilisation et de mobilisation capable d’aller à contre-courant de la propagande patronale des médias dominants ? Quel résultats donnerai une implication active de la base syndicale dans la prise de décision ? On pourrait décupler les forces militantes.

    La démocratie syndicale pour oser vaincre

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    Lutte de classe ?

    ‘‘L’Histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot : oppresseurs et opprimés, se sont trouvés en constante opposition; ils ont mené une lutte sans répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui chaque fois finissait soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en lutte.’’ Marx et Engels, Manifeste du Parti communiste, 1848
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    Il est logique que dans cette situation les discussions portant sur la stratégie et les tactiques syndicales se développent. Mais ce débat ne trouve pas de cadre aujourd’hui, aucun plan d’action n’est présenté et discuté démocratiquement avec la base, et c’est bien souvent le cas également dans les délégations d’entreprises. La tradition de tenir des Assemblées Générales régulières des travailleurs est à reconstruire. L’exemple d’une démocratie réelle, d’une démocratie des travailleurs et des exploités, devrait venir en premier lieu des syndicats. On peut régulièrement entendre que les critiques affaiblissent la force des travailleurs, nous pensons tout le contraire, dès lors qu’il s’agit de critiques constructives destinées à renforcer la lutte de classe en faveur des travailleurs. Une telle démocratie syndicale est surtout un péril pour les partisans d’un syndicalisme de collaboration de classe et pour qui le PS représente le summum de ce que la gauche a à apporter à la collectivité.

    Les sommets syndicaux se sont sans cesse plus reposés sur des positions dites réformistes, c’est-à-dire sans remettre en question la question de la propriété privée des moyens de production. De là a découlé la nécessité de s’adapter à l’Etat capitaliste et à tenter de coopérer avec lui pour tenter de récupérer le plus de miettes possibles tombant du festin des patrons et actionnaires. Dans le cadre de la crise actuelle, toute marge a disparu, la ‘‘concertation sociale’’ est rompue.

    L’ère dans laquelle nous sommes rentrés ne laisse plus d’espace aux petits accords et aux demi-mesures. Mener le combat syndical tel que cela se fait jusqu’ici équivaut à laisser le patronat et le gouvernement détruire impitoyablement notre niveau de vie, et un nombre grandissant de syndicalistes en est parfaitement conscient.

    Warren Buffet est un éminent représentant de sa classe sociale, et il sait parfaitement que toute la pyramide capitaliste ne peut subsister que si sa base d’exploités n’entre pas en mouvement. La force de ce régime économique, social et politique ne réside pas en son sein, mais dans la faiblesse de la direction des travailleurs. Cela doit changer, et cela peut changer.

  • Le marxisme, une grille d’analyse toujours actuelle ?

    Au cours de ces dernières années – surtout depuis la crise financière – le nom de Marx s’est régulièrement refait entendre. Ainsi, Nouriel Roubini (l’un des rares économistes bourgeois à avoir anticipé la crise économique) a-t-il déclaré dans une interview : ‘‘Marx avait raison, il est possible que le capitalisme lui-même se détruise à un certain moment. Vous ne pouvez pas transférer des revenus du travail vers le capital sans créer une surproduction et une rupture de la demande.’’ Cette approche reste essentiellement intellectuelle. Marx, à l’opposé des intellectuels de salon, désirait comprendre le monde avant tout pour le changer. Il s’est ainsi également investi dans la construction des organisations du mouvement ouvrier.

    Par Peter Delsing

    Le regain d’intérêt dans les idées de Marx n’est en rien un hasard. Des temps de crise entraînent une recherche de solutions. Selon la théorie économique libérale, ce qui s’est produit depuis la crise de 2008 était impossible. Au lieu d’un retour automatique à une période de croissance stable, le système est en plein marasme et menace même de replonger dans une nouvelle récession.

    Le capitalisme a pu être maintenu par l’injection de sommes colossales dans le secteur bancaire. Mais ce n’est que temporaire, la surproduction et le chômage structurel actuels rendent la crise et la stagnation plus permanentes.

    A la chute du stalinisme (1989-91), la ‘‘fin de l’histoire’’ a été proclamée, la démocratie libérale était alors largement considérée comme la forme de société la plus aboutie. L’idée d’une alternative socialiste a connu un recul dans la conscience générale des masses. Les sociaux-démocrates (le PS et le SP.a en Belgique) sont totalement devenus pro-capitalistes et ont perdu leur base ouvrière active. Quant aux dirigeants syndicaux de droite, ils ont embrassé la logique de privatisation et de déréglementation.

    Pour les marxistes, même dans les années ’90, il était clair que le capitalisme n’allait pas connaître un développement équilibré et stable. Aucune amélioration générale des conditions de vie n’était d’ailleurs observée. Depuis les années ‘70 et l’arrivée du néolibéralisme en tant que politique dominante dans les années ‘80, le capitalisme était en déclin. Le mouvement contre la mondialisation capitaliste au début de ce siècle, les récentes révolutions et les mouvements de masse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le mouvement Occupy et les protestations contre le règne des 1% les plus riches aux États-Unis, le mouvement des Indignés,… tout cela a démontré que cette idée de la ‘‘fin de l’histoire’’ et de la fin de la lutte pour changer de société était totalement erronée.

    Au cours de cette dernière période, nous avons d’ailleurs assisté à la résurgence des mobilisations de la classe ouvrière dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal,… avec une série de grèves générales et partielles. L’Europe du Sud est en ébullition contre la dictature de la Troïka (FMI, BCE, UE) qui plonge de plus en plus ces sociétés vers la barbarie.

    On estime que la dernière victime de la crise de l’euro, Chypre, va connaître ces prochaines années une contraction économique de 20%. Le pays rejoint ainsi la Grèce et l’Espagne dans la perspective d’une dépression économique. L’appauvrissement massif et le chômage qui s’y développent ne sont comparables qu’à la période des années ’30. La différence réside dans l’absence de partis larges de la classe ouvrière et des jeunes capables d’organiser la résistance à large échelle. Les partis traditionnels du monde du travail – sociauxdémocrates ou staliniens – ont à peine survécu à la baisse de conscience de classe des années ‘90 et à l’absence totale d’une réponse politique de la part de leurs directions. Voilà qui illustre très clairement l’importance de la théorie, de l’élaboration de perspectives, et de la construction d’un mouvement révolutionnaire basé sur les meilleures traditions du mouvement des travailleurs en termes de discussions politiques, de prise de décision démocratique et de lutte collective.

    Une méthode scientifique

    Dans les médias bourgeois, on ne parle du marxisme qu’avec condescendance, comme s’il s’agissait d’une idéologie ringarde. C’est toutefois la méthode la plus adéquate pour comprendre totalement la crise économique. Marx, en élaborant les perspectives pour la société capitaliste, avait livré les outils nécessaires pour anticiper la crise actuelle. Les partisans du système capitaliste, par contre, ont vu la crise leur arriver dessus d’un coup, sans y comprendre quoi que ce soit.

    Marx a dégagé des tendances qui sont toujours d’actualité : la tendance à la concentration sans cesse plus importante de capital dans de moins en moins de mains ou encore l’arrivée d’un chômage structurel de masse à un moment donné en conséquence de la tendance à la surproduction et à la suraccumulation issue de l’exploitation de la classe ouvrière et des inégalités inhérentes au système. Marx a parlé de la tendance à la baisse du taux de profit provenant des limites de l’augmentation de la productivité des salariés sur base capitaliste. La productivité est particulièrement stimulée par des investissements dans les machines et la technologie. Mais la plus-value (le travail non rémunéré, d’où viennent les profits) est uniquement créée par le travail vivant. Le ‘‘travail mort’’ accumulé dans les machines est amorti sur une certaine période et transféré dans le produit final. Ce processus n’augmente pas la plus-value. Une augmentation rapide des investissements dans les machines, etc. par rapport à la main-d’oeuvre entraîne relativement moins de valeur – et donc de bénéfice – par unité de capital investi.

    Marx a aussi expliqué que la nation constituerait un obstacle croissant pour le développement de la production. Sur base de la propriété privée des moyens de production et de la concurrence, les Etats capitalistes poursuivant chacun leurs propres intérêts et finissent inévitablement par entrer en conflit. C’est dans ce cadre qu’il faut placer la crise de la zone euro. Il parlait encore d’une polarisation croissante entre les classes sociales et de la maturation des conditions nécessaires pour connaître des mouvements de masse et des révolutions contre le capitalisme.

    Prenons la concentration du capital dans de moins en moins de mains. Fin des années ‘90 déjà, le Wall Street Journal dénonçait que les secteurs de l’automobile, de l’industrie pharmaceutique, de l’aéronautique,… – secteur après secteur – étaient aux mains de quelques multinationales à peine. Le pouvoir de quelques centaines de multinationales est aujourd’hui sans commune mesure avec la situation d’il y a 50 ou 100 ans, elles possèdent la moitié de ce qui est produit mondialement.

    Le chômage structurel ? En Belgique, nous connaissons un taux de chômage supérieur à 10% depuis les années ‘80. À l’apogée des années ‘60, jusqu’à la crise du milieu des années ‘70, il n’était question que de 1% à 2%. Dans la zone euro, le taux de chômage a atteint un nouveau record en février dernier (12%) tandis que le chômage des jeunes est de 23,5%.

    La tendance à la surproduction – du fait que la majorité exploitée produit plus que ce qu’elle n’est en mesure d’acheter avec son salaire – est particulièrement visible aujourd’hui. A force de poignarder nos salaires, la partie de notre travail qui est rémunérée, les capitalistes ne peuvent plus vendre les voitures produites, pour ne prendre qu’un exemple. Eux vont d’ailleurs plutôt utiliser leur argent pour des voitures de luxe, pas pour ce genre de modèle. C’est la maximisation des profits qui se cache derrière ce processus.

    La surproduction ou la suraccumulation sont particulièrement évidents au vu de l’essor du chômage structurel et du plus bas taux de croissance, ce à quoi nous assistons depuis la crise des années ‘70. La croissance du Produit Intérieur Brut mondial (la richesse produite en un an) a été, entre 1973 et 2003, inférieure de moitié à celle de la période d’après-guerre, de 1950 à 1973. Le secteur industriel américain utilisait à son apogée, dans les années ‘60, près de 90% de sa capacité de production. Ce niveau a constamment baissé au cours des décennies suivantes, jusqu’à atteindre les 68% au cours de la dernière récession.

    Imaginons ce qu’il serait possible de faire avec une économie nationalisée et démocratiquement planifiée, un système où la production ne serait pas artificiellement limitée et déformée par l’exploitation ! Quel est le coût de la faillite du capitalisme en termes d’écoles supplémentaires, de logements, de transports en commun, d’infrastructures collectives,… ?

    Fin des années ‘60 – avant la hausse des prix du pétrole en 1973 – une baisse du taux de profit était déjà observable. Ce fut le cas à cause de la lutte des travailleurs pour de meilleurs salaires, mais aussi à cause de la nécessité d’investissements dans les machines et la technologie sans cesse plus rapides et de la part que cela représentait par rapport à la plus-value produite par le travail. Malgré le retour des bas salaires et la baisse des prix du pétrole au milieu des années ‘80, les bénéfices récupérés par montant de capital investi restaient faibles dans les pays industriels les plus fondamentaux.

    Le capital excédentaire, dans le contexte d’une économie réelle marquée par les économies néolibérales, a alors trouvé sa voie vers les Bourses. Cela, de pair avec la montagne de dettes faramineuse, a posé les bases d’une série de bulles spéculatives (immobilière, technologique, hypothécaire, des matières premières,…). Les périodes de croissance ont été plus courtes et plus faibles et la récession n’a été ‘‘résolue’’ qu’en ouvrant à fond les robinets à crédit jusqu’à un point où ces dettes, après 2008, ont menacé d’engloutir l’ensemble du système. Le cycle de vie naturel du capitalisme, fait de crises, avait été trop longtemps artificiellement étiré (c’est aussi la raison pour laquelle la plupart des économistes bourgeois n’avaient rien vu venir). La crise et la récession étaient une menace permanente.

    Si le problème d’origine est un manque de demande, par exemple, et que vous décidez de rétablir les profits en attaquant les salaires, que se passe-t-il ? Et si la rentabilité diminue, notamment à cause des investissements limités dans la force de travail durant toute une période, et que vous commencez à licencier et développez ainsi un chômage structurel ? Sans avoir ouvert les vannes du crédit aussi fortement, un tel système de contradictions n’aurait jamais duré aussi longtemps. Nous devons remercier Marx et d’autres révolutionnaires socialistes pour nous avoir fourni une méthode critique capable de comprendre le monde. Mais cela doit impérativement servir à le changer par une révolution socialiste.

  • Liège : une soixantaine de personnes au meeting "Le marxisme aujourd'hui"

    Les Étudiants de Gauche Actifs avaient organisé hier un meeting consacré au marxisme, une initiative qui a remporté un franc succès. La participation à cet évènement ainsi que les très bons échos obtenus durant la campagne de mobilisation sont une illustration de l’ouverture qui prend actuellement place dans la société pour la gauche ainsi que pour la recherche d’une alternative. Notre camarade Eric Byl a introduit la discussion en abordant les bases du marxisme en relation avec la crise économique actuelle et, par exemple, l’annonce de la fermeture de Ford Genk. Un grand nombre de participants ont d’ailleurs fait part de leur volonté de participer à la manifestation de solidarité avec les travailleurs de Ford de ce dimanche 11 novembre.

  • Le marxisme, son actualité et sa pertinence

    Comment parvenir à un changement de système, et par quoi le remplacer ?

    Chaque nouvelle phase de la crise économique s’accompagne d’un profond soupir poussé du fond des bureaux d’experts et de journalistes économiques bourgeois. Comment, à nouveau, fournir une explication ? Au plus il devient clair que la fin de cette crise est loin d’arriver, au plus ces idéologues du patronat ont tendance à aller jeter un œil du côté du marxisme (enfin, ce qu’ils en ont compris en tout cas). Combien cela doit-il être frustrant pour eux d’avoir à reconnaître que la seule grille d’analyse capable de livrer un aperçu crédible de la nature même du capitalisme est le fruit de la réflexion d’un homme qui a consacré sa vie à le combattre !

    Par Tim (Bruxelles)

    Le capitalisme mène à la crise

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    Cet essor des idées marxistes n’est guère surprenant. Marx fut le premier à dégager l’essence du fonctionnement du système capitaliste afin de parvenir à une explication des crises récurrentes de ce système. Il a expliqué pourquoi les capitalistes ont besoin de lancer de continuelles attaques contre les conditions de travail et les salaires afin de sauvegarder leurs profits à cour terme contre une concurrence sans cesse plus féroce. Cette concurrence constitue la base d’une nouvelle crise à long terme, puisque de plus maigres salaires impliquent que moins d’argent est disponible pour acheter tout ce qui est produit. Pour Marx, la solution est de remplacer le capitalisme par un nouveau et meilleur système : une société socialiste où on produit pour les besoins de tous et non pas pour les profits de quelques uns.

    D’autres après Marx ont utilisé cette méthode pour développer et approfondir le marxisme. Lénine a ainsi contribué au marxisme avec son analyse sur l’impérialisme : la période historique dans laquelle le capitalisme se trouve aujourd’hui et dans laquelle les banques et les spéculateurs dominent l’économie. Trotsky a quant à lui apporté d’importantes contributions portant sur la nature du stalinisme et sur la montée des forces réactionnaires d’extrême-droite si la classe ouvrière ne dispose pas de son propre parti armé d’une bonne stratégie. Le marxisme devient ainsi très concret.

    Une méthode pour parvenir au changement

    Le marxisme n’est donc pas un dogme, mais une méthode vivante pour placer les événements d’une société dans un contexte plus large afin de les analyser. Les marxistes d’aujourd’hui expliquent que la crise des dettes que nous vivons est la conséquence de décennies de politique néolibérale : la baisse du pouvoir d’achat de la classe ouvrière a été compensée en donnant massivement accès au crédit. Pour pouvoir postposer l’éclatement des contradictions du capitalisme, une énorme montagne de dette a été construite, ce qui est aujourd’hui la cause principale de la crise.

    Les marxistes se posent alors des questions sur l’absurdité d’un système dans lequel des dizaines de milliards de dollars ne sont plus investis dans l’économie alors qu’il y a tant de besoins dans la société : des listes d’attente gigantesques pour la construction d’écoles, un manque de crèches, d’hôpitaux, de logements,… Un programme marxiste pointe directement la cause commune de ces problèmes : le capitalisme et ses insolubles contradictions. Le marxisme offre aussi une solution sur base de la lutte des masses : un monde socialiste où les richesses sont utilisées pour résoudre ces problèmes gigantesques, et non plus pour assouvir les pulsions spéculatives des supers riches.

    C’est aussi la raison pour laquelle les idées socialistes trouvent souvent autant de soutien chez les travailleurs et les jeunes partout dans le monde lorsqu’ils rentrent en lutte contre les excès du capitalisme. Les idées socialistes et marxistes ont été largement discutées dans tous les grands mouvements sociaux de ces dernières années – des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en passant par les mouvements de masse en Grèce, en Espagne, en France et même au sein du mouvement Occupy aux Etats-Unis. Une lutte des masses contre le capitalisme conduit forcément à d’âpres discussions sur la possible alternative.

    Voilà qui explique la pertinence du marxisme aujourd’hui : il vise l’idéologie de la classe ouvrière, le seul groupe dans la société qui est capable de renverser le capitalisme. Les marxistes se basent sur 150 années de lutte de classe, ils étudient les victoires de la classe ouvrière et tirent les leçons des défaites pour être mieux préparés à la lutte de demain.

    La lutte est à l’agenda

    Les partis marxistes et révolutionnaires ont toujours joué un rôle important sur ce plan : ils continuaient à défendre des idées socialistes, même quand cela était difficile, même quand le capitalisme semblait invincible. Ils ont joué un grand rôle dans la remontée des idées marxistes dans les mouvements de lutte qu’on voit aujourd’hui : ils renforcent des tendances qui sont présentes dans la classe ouvrière et assurent que les processus politiques s’accélèrent. La classe en soi devient ainsi une classe pour soi, explique Marx : quand la population ouvrière devient consciente de sa force potentielle, elle devient toute-puissante. Ainsi une grève générale, suivie massivement, montre comment le patronat et ses laquais politiques sont faibles. Pas de travailleurs, cela signifie pas de profits pour le patronat ! Cela explique pourquoi les médias traditionnels sortent leur plus forte propagande antisyndicale quand la lutte des masses est à l’agenda, ou pourquoi ils tentent de taire les grands mouvements de lutte à l’étranger. Ils ont cependant affaire à des travailleurs et des jeunes qui échangent internationalement leur expérience de lutte, comme le mouvement Occupy qui a inspiré des luttes partout dans le monde.

    Tout cela montre que les marxistes vont faire face à d’énormes défis dans les années à venir, dans le monde entier. En Belgique, les politiciens et le patronat attendent avec impatience que les élections communales soient passées pour mettre un nouveau plan d’austérité sur la table. La lutte va sans aucun doute être à l’agenda et un programme marxiste sera nécessaire pour donner à cette lutte un fondement solide. Lorsque nous plaidons pour un tel programme, dans lequel les richesses sont utilisées pour les besoins gigantesques qui existent aujourd’hui, quelques uns vont nous demander si cela est bien réaliste. Nous répondrons avec une contre-question : est-ce réaliste que les milliards de personnes aujourd’hui dupées par la crise puissent continuer à l’accepter sans rien faire ? Les mouvements de lutte de ces dernières années partout dans le monde nous prouvent le contraire.

    Pour les marxistes, il s’agit d’être aussi présents que possible dans cette lutte, de faire connaître leurs idées, de défendre leur programme. De l’autre côté de la barrière se trouvent les milliardaires et leurs politiciens, leurs médias, leur appareil de police et de justice bourgeoises, mais s’ils ont le chiffre, nous avons le nombre. Si on le veut, tout l’engrenage capitaliste peut être paralysé. Et si le mouvement est armé d’un programme marxiste, aucune force ne saurait alors stopper la construction d’une économie basée sur les besoins des 99% et non pas sur les profits des 1%.

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