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Tag: Maroc
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Pour une enquête indépendante sur le massacre de Melilla

Image tirée d’une vidéo de l’organisation de défense des droits de l’homme AMDH Le 24 juin, au moins 37 migrants ont été tués alors qu’ils tentaient de franchir la frontière entre le Maroc et l’Espagne. Des centaines de personnes ont été blessées. Beaucoup ont été écrasées entre des barrières de trois mètres de haut lorsque les gardes-frontières marocains ont utilisé des matraques et des gaz lacrymogènes contre. Des protestations ont éclaté dans tout l’État espagnol.
Par John Hird (Alternativa Socialista, ASI dans l’État espagnol)
Melilla est l’enclave espagnole au Maroc, et l’une des deux seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe. Les actions des forces de police, qui ont conduit à un massacre, ont été mises en lumière par les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ces décès sont dus à la politique de l’Union européenne, mise en pratique par les États espagnol et marocain.
Nous soutenons les appels des organisations de défense des droits de l’homme en faveur d’une enquête judiciaire indépendante immédiate, tant au Maroc et en Espagne qu’au niveau international, afin de faire toute la lumière sur cette tragédie. Une enquête indépendante devrait impliquer des représentants des migrants, des syndicats et des ONG.
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, et le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, ont honteusement loué la “coopération” de la gendarmerie marocaine et de la Guardia Civil pour mettre fin aux nombreuses tentatives des migrants de franchir la clôture de Melilla. La première réaction de M. Sánchez a été de décrire l’événement comme une opération “bien résolue”. Ce sang-froid n’est pas seulement une honte, il ignore aussi complètement la brutalité des forces espagnoles et marocaines.
La responsabilité de ces événements n’incombe pas aux migrants qui tentent de fuir des guerres ou de terribles famines, mais à la politique européenne de fermeture des frontières, qui ne laisse d’autre choix aux migrants que de franchir les barrières, au péril de leur vie. Une partie de l’histoire officielle consiste à justifier les événements par la prétendue violence des migrants, ce qui ne correspond pas à la réalité, que ce soit dans ce cas ou à d’autres occasions.
Les gouvernements de l’UE sont totalement hypocrites, car ils sous-traitent le contrôle des frontières à des gouvernements tels que celui du Maroc par le biais d’accords scandaleux. Il est également hypocrite de traiter les Africains si différemment de ceux qui ont dû quitter l’Ukraine. Il s’agit d’une politique de deux poids deux mesures raciste et les migrants survivants du côté espagnol de la frontière protestent contre cette situation.
Le gouvernement marocain a agi rapidement pour dissimuler le massacre. Dans une action macabre, le week-end dernier, ils ont ordonné aux travailleurs de creuser des puits pour enterrer les victimes. L’Association marocaine des droits de l’homme (ADHM) a déclaré qu’aucune autopsie n’avait été pratiquée et que l’identité des personnes tuées lors de la tentative de saut de la clôture n’avait pas été établie.
Du côté espagnol, 106 personnes ont été légèrement blessées, 49 agents de la Guardia Civil et 57 migrants, dont trois ont dû être transportés à l’hôpital régional. Un millier de migrants ont été arrêtés au cours de l’opération.
Selon les informations disponibles, les victimes ont été écrasées et étouffées par la foule après avoir été piégées dans une ouverture devant la clôture, du côté marocain, où une grande masse humaine s’est formée avec les personnes qui arrivaient encore et celles qui sont tombées de la clôture.
L’ADHM a publié une vidéo montrant des dizaines de personnes allongées sur le sol, entassées, certaines blessées, près de la clôture et gardées et battues par des policiers marocains.
Cette tentative a été marquée par une brutalité policière généralisée, notamment du côté marocain, où des combats avaient eu lieu dans les montagnes près de Melilla les jours précédents et également près de la barrière frontalière vendredi matin.
Les événements horribles de Melilla et l’attitude insensible de Sánchez provoquent de nouvelles tensions au sein de la coalition PSOE-UP. L’UP demande des éclaircissements et une enquête sur ce qui s’est réellement passé. Un ministre de l’UP a été empêché de s’exprimer lors d’une conférence de presse du gouvernement lorsqu’on lui a posé des questions directes sur ce qui s’est passé à Melilla.
De nombreuses actions ont été menées dans l’État espagnol. Les gens brandissaient des banderoles avec des slogans tels que “Des papiers pour tous”, “Punir les meurtriers, pas les migrants”, “Les vies noires comptent”, “Personne n’est illégal”, “Maroc et Espagne : gendarmes meurtriers de la forteresse Europe” et “Régularisation maintenant”.
Les organisateurs des manifestations organisées dans toute l’Espagne dénoncent à juste titre la politique migratoire actuelle, qu’ils jugent mortifère. C’est pourquoi ils ont lancé de nouvelles manifestations contre le massacre de Melilla, avec le slogan “Plus de morts aux frontières”.
Nous rejetons la politique raciste et xénophobe de l’UE, mise en œuvre par l’État espagnol. Il s’agit d’une politique qui punit les populations subsahariennes pour le “crime” d’être pauvres et noires. Justice pour les victimes de Melilla ! Au lieu de ces conditions inhumaines, de la violence et de l’injustice, nous appelons à l’internationalisme et au socialisme dans tous les pays.
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Maroc : Soutien au «Hirak de Jerada»!

La population de la ville minière de Jerada, dans le nord-est du Maroc, est mobilisée depuis plus de trois mois contre la misère, la marginalisation économique et la répression d’Etat. Le 22 décembre dernier, c’est le décès de 2 frères, Houcine et Jedouane, dans un puits de charbon désaffecté, qui a transformé une colère latente en révolte ouverte. Dans les semaines qui ont suivi, deux autres jeunes sont morts dans des circonstances similaires.
Par Alternative Socialsite (CIO-Tunisie)
La région de Jerada, une des plus pauvres du pays, est sinistrée depuis la fin des années ’90 suite à la fermeture des mines de charbon. Cette situation désespérée a forcé des centaines d’anciens mineurs et jeunes chômeurs à risquer leur vie dans les « puits de la mort », en extrayant du charbon dans des conditions dangereuses, et en le revendant clandestinement pour une poignée de dirhams à des négociants profiteurs, communément appelés les « barons » – qui sont bien souvent aussi des politiciens locaux corrompus, ou des affairistes ayant des liens avec des multinationales énergétiques opérant dans la région.
Fournissant autrefois plus de la moitié des besoins en énergie du pays, les habitants de Jerada se plaignent aujourd’hui de factures d’électricité et d’eau totalement inabordables, du chômage de masse et du mépris des autorités monarchiques.
Après une première vague de mobilisation impliquant des manifestations quotidiennes et des actions de grève, l’élite dirigeante, craignant que la mobilisation s’étale au-delà de son épicentre et fasse des émules dans le reste du Maroc, a proclamé un « plan d’urgence » pour la ville en février.
Mais la population locale a vite compris que les promesses faites par le gouvernement n’étaient que de la poudre aux yeux visant à étouffer leurs revendications plutôt qu’à les satisfaire. Depuis la reprise des mobilisations fin février, la réponse du régime s’est résumée à la répression policière brutale, y compris l’arrestation massive de militants, ciblant en particulier les dirigeants du mouvement. Plus de 300 personnes ont été détenues depuis le début des mobilisations à Jerada, dont au moins 17 mineurs.
Suite à une grève générale bien suivie dans la ville le 12 mars, le ministère de l’Intérieur a ordonné l’interdiction de toute manifestation locale à partir du lendemain. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux ont montré depuis des camions de police fonçant sur la foule de manifestants qui bravaient cette interdiction arbitraire. La majorité des blessés par cette violence policière ont dû se soigner chez eux, évitant l’hôpital par peur d’être arrêtés.
A présent, la ville se trouve de fait en état de siège, avec une présence policière à tous les coins de rue. Malgré cela, radicalisée davantage par la répression, la population locale, comme celle des villages alentour, continue à chercher à se mobiliser ; des appels à une nouvelle grève générale et à une marche vers Rabat, la capitale du Maroc, sont évoqués.
Pendant ce temps, des centaines de protestataires croupissent encore dans les prisons du royaume pour leur participation au mouvement social de l’an dernier à El-Hoceima, dans la région voisine du Rif. Ce qui se passe à Jerada n’est que le dernier épisode en date de mouvements récurrents exprimant des revendications similaires à travers le pays: le droit au travail des jeunes, à des infrastructures publiques décentes, à une vie digne. En octobre dernier, des « manifestations de la soif » contre les coupures d’eau avaient aussi éclaté à Zagora, dans le Sud, en raison de la surexploitation des nappes phréatiques au profit des gros agriculteurs. Le régime avait également répondu à ce mouvement par la force, et quadrillé la ville.
La lutte en cours à Jerada a pris le nom de « Hirak de Jerada » (« mouvement de Jerada ») : une référence directe aux manifestations d’El-Hoceima, illustrant le sentiment largement partagé d’une convergence d’intérêts entre ces luttes.
L’enjeu est de matérialiser ce sentiment par la construction d’une lutte d’ensemble. C’est en faisant cause commune que ces mouvements ont une chance d’avancer et de rompre la politique d’encerclement et d’isolement pratiquée par le régime. Certaines organisations associatives et syndicales ont à juste titre fait un appel pour une mobilisation nationale en solidarité avec le « Hirak de Jerada » le 2 avril. Cet appel pourrait servir d’opportunité pour chercher à étendre la lutte, et à mobiliser le mouvement ouvrier et la jeunesse partout dans le pays sur la base d’un cahier de revendications plus large, touchant au cœur des politiques antisociales du régime. Une grève de 24h, en solidarité avec Jerada et pour la libération des prisonniers politiques, mais intégrant aussi des revendications claires pour l’emploi, le rehaussement des salaires, la fin des privatisations et des attaques sur les subventions,…serait un pas important en vue de construire une telle dynamique.
Les revendications des habitants de Jerada ont en effet une portée nationale. Car c’est uniquement en s’attaquant au cœur du pouvoir économique et politique dans le pays que les revendications des localités marginalisées peuvent trouver une satisfaction durable, et que la demande d’une « alternative économique » brandis par les manifestants de Jerada peut trouver tout son sens. Pourquoi les chômeurs, les pauvres et les travailleurs devraient-ils accepter de s’enfoncer dans la misère et de risquer leur vie pour nourrir leurs familles, alors que le ‘Makhzen’, ainsi qu’une poignée d’entreprises et d’affairistes mafieux qui lui sont proches, s’enrichissent grassement à leurs dépens ?
Une lutte de masse impliquant les travailleurs et la jeunesse de tout le pays est nécessaire pour exproprier la monarchie et les grosses entreprises, marocaines et étrangères, qui contrôlent et pillent l’économie du pays, et pour réorganiser la vie économique sur la base des besoins sociaux de la majorité de la population. Cette alternative, c’est celle du socialisme, que les partisans du CIO défendent face à la misère, aux injustices et à la barbarie du système capitaliste mondial.
Le CIO affirme sa solidarité complète avec la lutte en cours à Jerada. Nous demandons :
- L’arrêt de la répression étatique et de la criminalisation des mouvements sociaux, à Jerada comme dans le reste du Maroc ; la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et la fin des procédures pénales à leur égard
- Le développement de comités d’action locaux afin de coordonner démocratiquement la lutte par la base, et d’organiser la défense du mouvement face à la répression policière
- La préparation d’une grève générale de 24h dans tout le Maroc : en solidarité avec Jerada en lutte, pour l’emploi, contre la répression des mouvements sociaux, et contre les politiques néo-libérales du gouvernement
- Des emplois publics, décents et bien rémunérés pour tous. Un vaste programme de construction et rénovation des infrastructures dans les régions marginalisées, financé par l’Etat, et coordonné démocratiquement par les populations concernées
- Pour des services publics de qualité, accessibles à tous et toutes – arrêt immédiat des privatisations et maintien de toutes les subventions sur les produits de base
- Nationalisation, sous contrôle démocratique des travailleurs et de la population, des secteurs-clés de l’économie, en vue d’une planification des ressources répondant aux besoins sociaux
- Soutien aux travailleurs et jeunes en lutte au Maroc, en Tunisie, en Algérie…pour une fédération socialiste, démocratique et volontaire des peuples du Maghreb.
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Soulèvement populaire au Maroc. Le régime ébranlé

Action de solidarité organisée ce 8 juillet à Bruxelles. Depuis le mois d’octobre et la mort d’un marchand de poisson, Mouhcine Fikri, des suites d’une opération de police, le Rif, au Nord du Maroc, est en ébullition. Le régime a tout d’abord compté sur l’essoufflement du mouvement, puis a tenté d’acheter ses activistes et de les criminaliser. Finalement, de nombreux activistes – parmi lesquelles Nasser Zefzafi, la principale figure de la contestation jusque-là, ont été arrêtées depuis la fin du mois de mai (plus d’une centaine) mais, là aussi, les autorités ont été mises en échec. Le mouvement se poursuit et ne se limite plus à la région du Rif !
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste
Les raisons de la colère
Le décès de Mouhcine Fikri dans le port de pêche rifain d’Al-Hoceima a directement été considéré comme une conséquence de la politique menée dans le Rif. Immédiatement, des manifestations ont éclaté. Le Maroc est un pays particulièrement touché par la pauvreté (60% des Marocains vivent dans la pauvreté et dans le besoin selon un rapport des Nations Unies de 2016), mais la population du Rif fait généralement face à des difficultés plus dures encore.
Comme l’explique Nawal Ben Aissa, une mère de famille devenue figure de proue de la contestation ; ‘‘Le Rif est broyé par le cancer. Ici, dans chaque famille vous rencontrez non pas un cas ; mais, des cas de cancer. C’est la conséquence de l’usage de gaz toxiques par l’occupant espagnol. Le Rif est décimé par le cancer et la marginalisation. Nous n’avons pas d’hôpitaux capables de soigner toutes ces variétés de cancers. Dans ma demeure, de sorte à les rapprocher des soins, j’ai hébergé de nombreuses victimes de ce fléau venues de lointaines montagnes. Des zones montagneuses enclavées, dépourvues de routes et tenues hors du monde par la pauvreté et le dénuement. Des femmes broyées par le cancer, la pauvreté, qui ne subsistent que par la charité qui leur est donnée par les bonnes âmes. Voilà la réalité du Rif, broyé dans tous les droits.’’
Cette région manque cruellement d’infrastructures, de fonctionnaires, d’emplois, etc. depuis longtemps déjà. Mais l’émigration a constitué une sorte de soupape de sécurité pour le régime. Des millions de gens ont quitté le pays (30 % des Rifains ont ainsi émigré en Europe) et les ressources qu’ils renvoyaient à leurs familles étaient cruciales pour leur survie. Mais, depuis 2008 et la crise économique, les migrations se sont en bonne partie arrêtées.
Cependant, si la région du Rif a ses particularités historiques, sociales et économiques, elle est loin d’être la seule à éprouver des difficultés grandissantes et le régime a très vite craint la contagion de la colère populaire et l’exemple de la lutte d’Al Hoceima. Un militant associatif expliquait ainsi le 29 mai dernier sur le site Média24 : ‘‘A Casablanca où je vis, cela fait plusieurs semaines que j’entends gronder la colère dans les taxis et dans les cafés, mais aussi chez les classes moyennes prises en étau, entre crédits, charges familiales, d’éducation, médicales et des revenus qui n’augmentent pas. (…) Les Rifains sont les premiers à réagir, aujourd’hui, mais je suis presque certain, que si la création de valeur et d’emplois ne décolle pas, à court terme, on va voir émerger des Zefzafi dans tous les quartiers péri-urbains à fort taux de chômage. Et Nasser risque de passer pour le plus doux d’entre eux… (…) Tous les ans, 300.000 jeunes arrivent sur le marché du travail, pour seulement 30.000 emplois créés en moyenne par an, soit 270.000 jeunes sans- emploi de plus, chaque année. Faites le calcul sur 10 ans. ’’ Comme le résume Aboubakr Jamaï, professeur à l’Institut américain universitaire à Aix-en-Provence : ‘‘Le Maroc fait face à un désespoir social et économique’’.
‘‘Nous sommes à un point de non-retour’’
Quand la répression est passée à la vitesse supérieure à la fin du mois de mai, le régime entendait couper la tête du mouvement puisqu’il était décidé à ne pas s’essouffler. Selon les autorités, pas moins de 700 sit-in ont eu lieu dans la province pour cette période, dont 150 dans la seule ville d’Al-Hoceïma, soit une moyenne de quatre sit-in par jour ! Mais le ‘‘fouet de la contre-révolution’’ a redonné une certaine vigueur au mouvement et les manifestations de solidarité ont largement débordé le cadre du Rif et du nord du pays. Des sit-in et rassemblements de solidarité ont été organisés à Rabat, Casablanca, Meknès et ailleurs en réunissant plus de monde que par le passé en dépit de la violence policière exercée sur les manifestants.
Au même moment, l’hebdomadaire TelQuel titrait : ‘‘Privé de ses leaders, le hirak [le ‘‘mouvement’’] s’organise’’ et de nouveaux visages apparaissaient sur le devant de la scène. Parmi eux, celui de Nawal Benaissa, ce qui est révélateur de la place qu’ont prise les femmes dans le mouvement. Comme elle l’explique, les femmes ‘‘ont vraiment pris leur place à partir du 8 mars [la Journée internationale des droits des femmes]. On a manifesté, pas pour célébrer cette journée, mais pour dénoncer notre situation’’. Leur présence est devenue massive à partir du 26 mai : ‘‘Après les arrestations de militants, les femmes n’avaient plus le choix. Elles devaient sortir dans la rue pour soutenir leur mari et leurs enfants.’’ Une d’entre elles expliquait ainsi pourquoi la répression ne parvenait pas à étouffer le mouvement : ‘‘Nous sommes à un point de non-retour’’.
3 jours de grève générale en juin
Après l’interpellation de Nasser Zefzafi, un appel à une grève générale de 3 jours a été lancé à partir du 1er juin afin d’exiger la libération des activistes emprisonnés. À Al Hoceima, la quasi-totalité des magasins du centre-ville étaient donc fermés et la grève a été très bien suivie, de même que dans les villes voisines d’Imzouren et Beni Bouyaach. À Imzouren, qui a particulièrement été frappée par la répression, une importante manifestation a également pris place. Ailleurs dans le pays, des sit-in et rassemblements de solidarité ont vu le jour, jusqu’à Rabat et Casablanca à nouveau.
Al Hoceima a derrière elle une longue tradition de lutte, contre la colonisation, mais aussi durant les ‘‘émeutes du pain’’ en 1984 de même qu’en 2011, au moment de la vague de soulèvements de masse qui a déferlé sur l’Afrique du Nord et le Moyen- Orient. Mais c’est dans tout le pays que sont présentes les graines de la révolte, à l’image de ses mineurs de la ville d’Imiter en lutte avec occupation de leur entreprise depuis 2011. Une région désertique où le chômage règne en maître, secouée par un conflit social et environnemental qui dure depuis l’été 2011.. L’appel à la grève générale représente un sérieux pas en avant qui illustre quelle est la force des travailleurs et quelle est leur capacité de bloquer l’économie du pays.
L’importance de la structuration du mouvement a été mise en lumière par les diverses arrestations. Des comités de quartiers ont commencé à s’organiser et ont subi une sorte d’épreuve du feu avec les trois jours de grève générale. Dans une interview accordée au MO magasine, Nasser Zafzafi expliquait à la veille de son arrestation que des réunions et rassemblements organisés durant l’été allaient notamment s’occuper de proposer un programme spécifique aux membres de la diaspora marocaine de retour dans leurs familles durant leurs vacances : ‘‘Nous voulons que d’une part, ils puissent comprendre ce qu’il se passe dans notre région, mais d’autre part aussi leur offrir une plateforme où ventiler leurs propres revendications. Nous devons travailler ensemble.’’
Cette pratique de comité de base doit être élargie en assurant qu’ils fonctionnent de la manière la plus démocratique possible. Il s’agit du lieu idéal non seulement pour préparer les actions à venir, mais aussi pour affiner le programme de revendications économiques, sociales et culturelles du mouvement et pour discuter de la meilleure manière d’étendre la lutte à tout le pays… et même au-delà !
Ces lieux de débats devront également aborder l’alternative vers laquelle se diriger. Répondre à la brutale urgence sociale qui marque ce pays exige non seulement de se débarrasser du pouvoir assassin, mais aussi d’assurer que les richesses du pays ne soient plus pillées par une infime élite, qu’elle soit marocaine ou étrangère, mais contrôlées par la collectivité. Et l’on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Seule la collectivisation démocratique des principaux leviers de commande de l’économie permettra d’établir une planification de l’économie qui lui permettra d’être au service de la population, contrairement aux plans ‘‘Émergence’’, ‘‘Émergence II’’ ou ‘‘d’accélération industrielle’’ du régime qui n’ont eu pour effet que d’enrichir l’élite. C’est également sur cette base, en rompant avec le capitalisme et en avançant vers le socialisme, qu’il sera enfin possible de trouver une solution harmonieuse à la question nationale et à l’oppression des Amazighs basée sur l’autodétermination des peuples et la solidarité.
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[VIDEOS] Rassemblement de solidarité avec le soulèvement populaire au Maroc

Voici ci-dessous deux petites vidéos qui ont été réalisées dans le cadre du rassemblement qui s’est tenu samedi dernier à Bruxelles en solidarité avec le soulèvement populaire au Maroc. la première reprend l’intervention de notre camarade Oumeyma qui a pris la parole au nom du PSL et de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité). La seconde reprend diverses interviews de participants, parmi lesquels des militants de la campagne ROSA et du PSL.
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La solidarité avec le soulèvement populaire au Maroc s’organise et manifeste à Bruxelles

Photo : Liesbeth Ce samedi 8 juillet, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Bruxelles-Nord afin de démontrer leur solidarité avec le soulèvement populaire actuellement en cours au Maroc. Cette initiative fut l’oeuvre de diverses organisations, parmi lesquelles le PSL et la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité). Nous étions donc présents avec une bonne délégation. Ce type d’action de solidarité est d’une grande importance, non seulement de la part de la diaspora, mais aussi de la part du mouvement des travailleurs en Belgique. La police est toutefois revenue sur l’accord qui avait été conclu et a refusé au cortège de manifester au-delà d’un rassemblement. Quelque 300 personnes ne sont visiblement pas suffisantes pour bloquer la rue. L’événement à la gare du Nord fut donc un meeting combatif où se sont succédé slogans et prises de paroles.
Parmi les orateurs figurait Oumayma, une jeune Bruxelloise originaire du Rif qui a représenté le PSL et la campagne ROSA. “Il n’y a aucune raison que le Maroc soit un pays pauvre. Il y existe suffisamment de matières premières et de richesses pour assurer à chacun un niveau de vie décent. Il s’agit notamment du plus grand pays exportateur de poissons. Pourquoi donc un jeune doit-il se jeter dans une benne à ordures pour sauver ses moyens de subsistances?” Elle a souligné que la région du Rif est négligée depuis longtemps par le régime, y compris lors de périodes de croissance économique. “Ces neuf derniers mois, la population a occupé les rues pour revendiquer le respect de leurs droits légitimes. Le gouvernement a accusé les activistes de toutes sortes de choses. Mais le mouvement s’est renforcé et a franchi les frontières du Rif ! Les différences culturelles ont été surmontées. Les revendications défendues par le mouvement sont légitimes : la construction d’hôpitaux et l’extension des soins de santé, la construction de centres culturels et de bibliothèques, du travail pour tous, la dignité, un pays fait de justice et de démocratie. Ces revendications ne peuvent être concrétisées que par la lutte.” Elle a également exigé la libération des prisonniers politiques. Oumayma a encore souligné l’importance pour la communauté marocaine de s’organiser et de tisser des liens avec le mouvement des travailleurs en Belgique. “Les impérialistes et les capitalistes se trouvent partout, tant au Maroc qu’en Europe. Ils ne connaissent pas de frontières, mis à part celles de leurs intérêts. Nous devons nous organiser en tant que classe, la classe ouvrière.”
Divers activistes d’origine marocaine ont également pris la parole, de même que des représentants de VZW Vrede, du CADTM, de la LCT, de la LCR/SAP et du Vonk. Un des éléments positifs de ce rassemblement fut la participation de de manifestants amazighs et d’autres manifestants et sympathisants marocains de diverses origines, tant des hommes que des femmes combatives. Un appel a été lancé pour participer aux actions à venir, notamment en Allemagne. La lutte continue, la solidarité doit se structurer. Quant à nous, nous défendons une alternative socialiste contre la faillite du capitalisme et ses pénuries sociales, sa répression et les tensions qui lui sont inhérentes. L’organisation de comités de lutte visant à structurer le mouvement et en tant qu’instruments pour affiner le programme de revendications à défendre est essentiel. Lors de cette action, nous avons pu constater une grande ouverture pour ces discussions. Notre mensuel, Lutte Socialiste, a été fort bien accueilli : nous avons pu en vendre 34 exemplaires et avons également eu un abonnement supplémentaire.
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Manifestation de solidarité avec les soulèvements populaires au Maroc
Dans la soirée du 28 octobre 2016, un marchand de poisson, Mohsen Fikri, fut assassiné à Al Hoceima (dans la région du Rif, au Nord du Maroc) à la suite d’un contrôle policier. Les effroyables images de sa mort diffusées avaient provoqué une grande colère et lancé l’un des plus vastes mouvements de protestation au Maroc depuis le Mouvement du 20 Février 2011. Les mobilisations se sont succédé depuis lors et n’ont pas faibli en dépit de la répression. Plusieurs actions de solidarité ont déjà été organisées en Belgique, une manifestation est maintenant prévue le 8 juillet prochain à Bruxelles autour des revendications suivantes :
- Pour la libération des prisonniers politiques. Stop à la répression des manifestants. Pour la démilitarisation du Rif.
- Toute la lumière sur les assassinats politiques.
- Stop à l’exploitation : contre le pillage des richesses par le régime et les entreprises étrangères. Pour le partage des richesses.
- Soutien aux revendications du mouvement : emplois, droits sociaux, services publics, libertés, droits culturels, justice !
- Pour la défense par l’Etat belge de ses ressortissants belgo-marocains.
Solidarité internationale !
La manifestation se déroulera samedi 08 Juillet à partir de 14H30 à Bruxelles selon un parcours de la gare du Nord à la gare du Midi.
Appel soutenu par : Vrede vzw, EODP – European Observatory for Democracy and Peace asbl, PSL-LSP, ROSA, Vonk-Révolution, Voie Démocratique Bruxelles, LCR-SAP, CPM, PSU – Parti Socialiste unifié Belgique, LCT, Le hirak chahbi de Bruxelles, Les progressistes musulmans, Comite Mohsin Fikri Belgique

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Bruxelles. Rassemblement de solidarité avec la contestation du Rif
La colère contre le régime est croissante au Maroc. Les mobilisations se renforcent dans les différentes villes du pays, y compris dans le Sud. Ce dimanche 11 juin, des dizaines de milliers de personnes ont envahi le centre de la capitale marocaine en soutien à la contestation qui se développe au Nord du pays depuis des mois et afin d’exiger la libération des leaders du mouvement récemment arrêtés. Ce vendredi soir, un rassemblement a également eu lieu en Belgique, à Molenbeek. Plus de 200 personnes se sont rassemblées au cri de « Vive le peuple marocain ».Par Julien (Bruxelles)
Debut de semaine dernière, le porte-parole du Hirak, Nasser Zefzafi a été incarcéré, ainsi que d’autres représentants de ce mouvement né fin 2016. Mais la répression, plutôt que de calmer les masses, a jeté de l’huile sur le feu. Une pancartes du rassemblement bruxellois déclarait ainsi “Nous sommes tous des Zafzafis”, et ce malgré la terrible répression qui caractérise le régime.
A Al Hoceima, épicentre de la lutte, au Nord du pays, un appel à une grève générale de 3 jours a été lancée et largement suivie ce jeudi 1er juin. Cet appel, lancé par un dirigeant du Hirak, permet de renforcer le rapport de force. Elle a été suivie dans plusieurs villes voisines et accompagnées de sit-in et de manifestations dans le reste du pays. (1)
Tout comme lors du mouvement de 2011 en Tunisie, la jeunesse a joué un rôle moteur pour initier le mouvement, la colère contre le manque d’emplois et de perspectives d’avenir étant énorme. C’est maintenant au tour des travailleurs d’entrer résolument en action en bloquant les responsables de la misère : les capitalistes. Assurer la poursuite de l’extension du mouvement sera primordial pour empêcher le royaume de réprimer les manifestations. Les principales revendications : pour des emplois, pour des droits démocratiques pour tous et contre la répression permettent d’impliquer chacun dans la lutte.
Concernant l’élargissement de la lutte, la nouvelle porte-parole du Hirak depuis l’arrestation de Zefzafi, Nawal Ben Aissa, explique que «[les femmes] ont vraiment pris leur place à partir du 8 mars. On a manifesté, pas pour célébrer cette journée, mais pour dénoncer notre situation». (2) « Après les arrestations de militants, les femmes n’avaient plus le choix. Elles devaient sortir dans la rue pour soutenir leur mari et leurs enfants. »
L’entrée en scène du mouvement ouvrier et du mouvement des femmes au travers de méthode d’actions collectives constitue une excellente nouvelle. Une prochaine étape pourrait être l’établissement de comités de luttes locaux dans les entreprises et les quartiers afin de discuter les revendications et la suite du mouvement.
=> Supplément de Lutte Socialiste diffusé lors de ce rassemblement
(1) http://www.france24.com/fr/20170602-maroc-rif-al-hoceima-toujours-mobilise-greve-generale-manifestations-zefzafi
(2) http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/06/02/nawal-ben-aissa-figure-montante-de-la-contestation-dans-le-rif-marocain_5137774_3212.html -
Maroc. La répression incapable de briser les mobilisations sociales
Dans la soirée du 28 octobre 2016, un marchand de poisson, Mohsen Fikri, fut assassiné à Al Hoceima (dans la région du Rif, au Nord du Maroc) à la suite d’un contrôle policier. Les effroyables images de sa mort diffusées avaient provoqué une grande colère et lancé l’un des plus vastes mouvements de protestation au Maroc depuis le Mouvement du 20 Février 2011. Les mobilisations se sont succédé depuis lors et ont commencé à se structurer autour du ‘‘Hirak’’ (la mouvance). Sa figure de proue, Nasser Zefzafi, a été arrêtée dimanche dernier sous le prétexte d’avoir interrompu le prêche d’un imam dans une mosquée d’Al-Hoceïma le vendredi.Des manifestations spontanées de solidarité ont eu lieu dans la ville ainsi que dans d’autres au Maroc, notamment à Casablanca et à Rabat. Après les manifestations du samedi déjà à Al Hoceima, le procureur général du roi a annoncé l’arrestation de 22 militants du mouvement Hirak, mais d’autres sources ont avancé le chiffre de 70 personnes, pour des délits tels que ‘‘l’atteinte à la sécurité intérieure de l’État’’ ou encore ‘‘l’humiliation des symboles du pays’’. Les manifestations se sont poursuivies le dimanche, notamment sous le slogan : ‘‘arrêtez-nous tous, nous sommes tous des activistes !’’
Dans une vidéo qui a notamment circulé sur AJ+, un manifestant expliquait : ‘‘Al Hoceima est encerclé, par terre et par air. Les forces de répression envahissent les maisons et obligent les gens à partir de force, comme si on était à Tel Aviv ou à Gaza.’’ Ne sachant comment mettre fin au mouvement social initié en octobre dernier – et prenant particulièrement peur après la grève générale et la manifestation monstre du 18 mai – le régime recourt à la force, en utilisant notamment le statut particulier de la province d’Al Hoceima. La région est soumise à un régime militaire depuis le soulèvement de 1958-59 dans la peur d’un mouvement insurrectionnel qui pourrait se répandre à tout le Rif.
L’élite dirigeante craint toutefois que la colère déborde bien au-delà et que l’exemple de la lutte d’Al Hoceima fasse tâche d’huile. Un militant associatif modéré, Mohamed Alami Berrada, expliquait ainsi ce 29 mai sur le site Média24 : ‘‘A Casablanca où je vis, cela fait plusieurs semaines que j’entends gronder la colère dans les taxis et dans les cafés, mais aussi chez les classes moyennes prises en étau, entre crédits, charges familiales, d’éducation, médicales et des revenus qui n’augmentent pas. (…) Les Rifains sont les premiers à réagir, aujourd’hui, mais je suis presque certain, que si la création de valeur et d’emplois ne décolle pas, à court terme, on va voir émerger des Zefzafi dans tous les quartiers péri-urbains à fort taux de chômage. Et Nasser risque de passer pour le plus doux d’entre eux…’’ Il livrait notamment le chiffre suivant : ‘‘Tous les ans, 300.000 jeunes arrivent sur le marché du travail, pour seulement 30.000 emplois créés en moyenne par an, soit 270.000 jeunes sans emploi de plus, chaque année. Faites le calcul sur 10 ans.’’
Construire le mouvement
Action de solidarité à Bruxelles en novembre 2016.Depuis les mobilisations spontanées d’octobre 2016, le mouvement s’est structuré et a développé son cahier de revendications. Le mouvement Hirak exige que l’enquête sur le décès du jeune Mouhcine Fikri concerne toutes les personnes impliquées et que ses résultats soient divulgués rapidement. Il veut aussi que toute la clarté soit faite sur la mort de cinq personnes dans une agence de la Banque Populaire après les manifestations du 20 février 2011. Il revendique également la libération de tous les prisonniers politiques du Rif, la suspension des poursuites dont font l’objet les petits cultivateurs de cannabis de la région et l’abrogation du dahir de 1958 qui a fait d’Al Hoceima une zone militaire.
Ses militants dénoncent également le “blocus économique” dont la région fait l’objet ainsi que “la corruption généralisée” et les “ puissants lobbies qui gangrènent” le secteur de la pêche ou de l’agriculture par exemple, alors que les petits pécheurs travaillent sans la moindre protection sociale. Ils exigent la construction d’une université pluridisciplinaire et d’instituts de formation, l’élargissement du réseau d’écoles, de collèges et de lycées, l’ouverture de nouvelles sections techniques ou scientifiques,… Concernant le secteur de la santé, les activistes revendiquent la construction d’un hôpital et de dispensaires de proximité, ainsi qu’un centre pour handicapés.
Le mouvement réclame encore la construction d’une bibliothèque provinciale, d’un centre culturel, d’un théâtre, d’un conservatoire, mais aussi l’achèvement du projet de musée du Rif. Il accuse les services administratifs de corruption, et de servir certains lobbies immobiliers et revendique l’arrêt immédiat des “expropriations non justifiées au nom de l’intérêt général” et de la “confiscation des terres collectives”. D’autres revendications portent encore sur le recrutement des habitants de la région dans les services locaux de la fonction publique et l’adoption de l’amazigh comme langue de l’administration locale.
C’est tout le régime qui doit dégager !
La plupart de ces exigences veulent répondre à des problèmes auquel l’ensemble du pays est confronté, ces revendications pourraient être reprises ailleurs pour développer un puissant mouvement social capable d’empêcher l’isolement régional de la lutte et de rechercher un soutien parmi les masses du reste du pays. Les manifestations qui ont pris place dans des centres urbains tels que Rabat et Casablanca en octobre dernier ou ce week-end démontrent que le potentiel est bien présent. Elles illustrent que les questions en jeu dépassent largement les clivages culturels et ethniques que le pouvoir n’a cessé d’instrumentaliser pour affaiblir la résistance sociale, hier comme aujourd’hui.
Ce cahier de revendication représente une base de discussion qui pourrait être élargie en exigeant la restitution des subsides sur les produits de première nécessité (gaz, carburant, farine, sucre,…) ou encore l’imposition d’un salaire minimum décent. Avec l’organisation de comités de lutte démocratiques dans tout le pays, ces revendications pourraient être affinées de manière à favoriser l’implication des masses de travailleurs et de pauvres du pays. L’organisation de tels comités démocratiques rendrait également la tâche plus difficile aux forces de répression en organisant la riposte et la défense du mouvement.
Comme nous l’avions expliqué dans un article faisant suite au tragique décès Mohsen Fikri : ‘‘L’établissement de comités de luttes locaux dans les entreprises et les quartiers serait l’endroit idéal où discuter du cahier de revendication à défendre par le mouvement mais aussi de son organisation et de sa stratégie pour renverser le régime despotique de Mohammed VI et convoquer une assemblée constituante révolutionnaire où se rendraient les représentants démocratiquement élus de ces divers comités de lutte. Le mouvement qui a déferlé sur toute la région en 2011 a déjà illustré la manière dont un tel processus a les capacités de déboucher sur l’arène internationale. C’est aussi durant cette période que les organisations islamistes réactionnaires s’étaient retrouvées repoussées, provisoirement asphyxiées par l’activité unificatrice des masses.
Mais il faut bien entendu tirer les leçons du mouvement de l’époque, arrivé dans une impasse qui a laissé l’initiative aux forces réactionnaires impérialistes, despotiques locales ou islamistes réactionnaires. (…) Seule la collectivisation démocratique des principaux leviers de commande de l’économie permettra d’établir une planification de l’économie qui lui permettra d’être au service de la population, contrairement aux plans ‘‘Émergence’’, ‘‘Émergence II’’ ou ‘‘d’accélération industriel’’ du maghzen qui n’ont eu pour effet que d’enrichir les proches du régime. C’est également sur cette base qu’il sera enfin possible de trouver une solution harmonieuse à la question nationale et à l’oppression des Amazighs basée sur l’auto-détermination des peuples et la solidarité.’’
Comme l’a encore tout récemment démontré la grève générale observée dans le gouvernorat de Tataouine en Tunisie, les conditions matérielles qui ont donné naissance au soulèvement de masse et au processus de révolution et de contre-révolution dans la région en 2011 sont encore bien présentes.
Nous sommes tous des Mohsen Fikri ! Non à la répression ! Non à l’impunité ! Pas touche aux libertés individuelles ! A bas l’oppression sociale et culturelle ! Grève générale ! C’est tout le régime qui doit dégager ! Contre la ‘‘hogra’’, le pouvoir aux travailleurs !
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Rassemblement de solidarité avec la révolte au Maroc
Le choc et l’effroi provoqués par la mort du jeune marchand de poisson Mohsen Fikri à Al Hoceima ce vendredi 28 octobre a franchi les frontières du Maroc. Ce ne sont du reste pas les seules choses qui nous sont parvenues : aujourd’hui, ce sont les protestations de masse qui nous frappent et parlent à notre imagination. Des dizaines de milliers de personnes se sont soulevées dans le pays à partir du Rif pour s’opposer aux causes profondes qui se cachent derrière sa mort. (En savoir plus) Face à la répression, à l’arbitraire et à l’oppression, la résistance collective est la meilleure riposte à offrir !Hier en fin d’après-midi, un rassemblement combatif a eu lieu place de la Monnaie à Bruxelles. Sur les deux heures qu’a duré l’action, quelque 150 personnes sont venues exprimer leur colère contre le régime mais aussi leur solidarité avec les manifestations qui se développent actuellement au Maroc, en dépit de la campagne des organisations islamistes selon lesquelles ce mouvement pousse à déstabiliser le pays et à faire du Maroc une nouvelle Libye ou Syrie.
Le ton du rassemblent était très clair, à l’instar de celui des mobilisations du Maroc. Les slogans ciblaient le régime sans la moindre ambiguïté, ce qui est une première depuis des années : ‘‘Peuple, révolte-toi, contre le régime dictatorial’’, ‘‘Soit aujourd’hui, soit demain, la révolution continue’’ ou encore ‘‘Martyr, repose en paix, on va continuer la lutte.’’
Différents orateurs ont pu prendre la parole, dont nos camarades Oumayma et Rachid, qui étaient à l’initiative de l’appel. Oumayma a lancé les prises de parole par la lecture du poème ‘‘Mohamed l’immigré’’ d’Abdalah Baroudi, un écrivain marocain et opposant au régime en exil en France depuis 1964. Ce texte, qui aborde les thèmes de l’exil et de la migration, a beaucoup touché les manifestants. Par la suite, Rachid est intervenu pour décrire la barbarie et le système mafieux de la monarchie. Des représentants de la Voix des Sans Papiers, du Collectif des Progressistes Marocains ou encore du PSL se sont aussi succédé entre les chants et les slogans de lutte. Le Comité de suivi du dossier de Mohsen Fikri a également rejoint le rassemblement et pris la parole.
Nicolas Croes est intervenu pour le PSL en saluant le soulèvement de tous ceux qui refusent le règne de l’élite capitaliste ainsi qu’en faisant notamment référence aux deux grèves générales qui ont secoué le Maroc en février et en mai dernier. L’appel à une nouvelle grève générale serait une excellente prochaine étape pour la lutte contre le régime de Mohammed VI, de même que la création de comités de lutte démocratiques pour définir le cahier de revendications à défendre et discuter de la stratégie à suivre pour éviter de reproduire les erreurs du Mouvement du 20 février 2011. Cette intervention fut chaleureusement accueillie et applaudie par les participants.
Nous sommes tous des Mohsen Fikri ! Non à la répression ! Non à l’impunité ! Pas touche aux libertés individuelles ! A bas l’oppression sociale et culturelle ! Grève générale ! C’est tout le régime qui doit dégager ! Contre la ‘‘hogra’’, le pouvoir aux travailleurs !
Photos : Liesbeth
Photos : PPICS
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Maroc. Protestations de masse suite à l’assassinat d’un marchand de poisson
Bruxelles: rassemblement de solidarité avec Mohsen Fikri
Ce samedi à 17:00, Place De La Monnaie.
Dans la soirée de ce vendredi 28 octobre, un marchand de poisson, Mohsen Fikri, a été assassiné à Al Hoceima (dans la région du Rif) à la suite d’un contrôle policier. Les effroyables images de sa mort diffusées en ligne ont provoqué un émoi immense, son corps ayant été broyé par une benne à ordure. L’un des plus vastes mouvements de protestation depuis le Mouvement du 20 Février 2011 a déferlé sur le pays.
Mouhcine Fikri avait 31 ans. Alors qu’il vendait du poisson pour tenter de joindre les deux bouts, il fut victime d’un contrôle de la police judiciaire et de l’office national de la pêche. Sur leur ordre, ses espadons lui ont été confisqués et jetés dans un camion poubelle après qu’un PV ait été dressé. Le pauvre vendeur, qui n’avait que cela pour faire vivre sa famille, a alors tenté de récupérer sa marchandise en s’introduisant à l’intérieur du camion. Selon les témoins, la police aurait ordonné au chauffeur d’activer le mécanisme. Il fut broyé et tué sur-le-champ.
Ses funérailles ont eu lieu ce dimanche 30 octobre à Imzouren, sa ville natale, en présence de plusieurs milliers de personnes en colère. Les travailleurs du port d’Al Hoceima étaient en grève ce jour-là pour dénoncer cet assassinat symptomatique de l’attitude des autorités envers le peuple. Parmi les slogans criés, on pouvait notamment entendre : ‘‘Broyez-nous ou respectez-nous !’’ ou encore ‘‘Arrêtez la hogra!’’ (terme qui signifie mépris mais par lequel les Algériens désignent aussi l’arbitraire des décisions officielles et les abus d’autorité).
Des manifestations de moindre ampleur ont également eu lieu lundi soir, dans la ville d’Al-Hoceima toujours, mais également dans d’autres villes dont la capitale Rabat, Casablanca, Marrakech, Oujda (à l’Est) ou encore Settat (au centre), mais aussi dans de petits villages. A Rabat, plus d’un millier de personnes ont défilé en criant ‘‘Nous sommes tous Mouhcine !’’ On a également pu voir sur les photos une pancarte portant l’inscription ‘‘Bienvenue à la COP22, ici on broie les gens’’, puisque Marrakesh accueille actuellement une Conférence de l’ONU sur les changements climatiques (la COP22). Beaucoup de slogans visaient directement la monarchie, ce qui est peu commun. Ces mobilisations se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui. Une journée de mobilisation nationale serait également en préparation.
Un air de déjà-vu
Ce tragique événement fait immédiatement penser à la mort violente de Mohammed Bouazizi, ce jeune vendeur tunisien dont la mort à la fin de l’année 2010 avait initié le processus de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord. A l’époque, l’extraordinaire répression des régimes de Ben Ali (en Tunisie) et de Moubarak (en Egypte) n’étaient parvenues à sauver le règne de ces dictateurs.
Le régime du ‘‘maghzen’’ (terme qui désigne la clique autour du roi) adopte toutefois une approche plus sensible, conscient que la répression ne parviendra pas à elle seule à briser les protestations. Le roi Mohamed VI a ainsi ouvertement exigé du ministre de l’intérieur qu’il se rende auprès de la famille de la victime pour lui ‘‘présenter les condoléances et la compassion du souverain’’ tout en affirmant avoir donné des instructions ‘‘pour qu’une enquête minutieuse et approfondie soit diligentée et pour que des poursuites soient engagées contre quiconque dont la responsabilité serait établie dans cet incident’’, selon un communiqué du ministère.
En 2011 déjà, alors que le Mouvement du 20 Février impliquait des dizaines de milliers de personnes, le régime avait promis l’arrivée d’une nouvelle Constitution et la tenue d’élections anticipées. En dépit de la nouvelle Constitution et de nombreuses autres promesses, rien n’a depuis lors fondamentalement changé au Maroc, que ce soit par rapport au droit d’expression ou de liberté individuelle et culturelle en passant par les libertés syndicales et sociales. Ce n’est pas dans l’intérêt du régime de les mettre en pratique, ni dans celui des puissances occidentales dont les entreprises veulent profiter d’une main d’œuvre marocaine bon-marché et docile.
Les organisations de défense des droits humains affirment que plus de 300 personnes ont été emprisonnées pour raisons politiques sous de fausses accusations de droit commun depuisq 2011. Les mouvements sociaux sont toujours criminalisés. Concernant la culture et la langue Amazighs (Berbères), elles sont mises de côté malgré leur constitutionnalisation en 2011. Une grande régression dans l’enseignement est constatée, les lois organiques qui doivent intégrer cette langue à la vie active n’ont toujours pas été votées.
Un contexte socio-économique de plus en plus difficile
S’il y a une chose qui a changé depuis 2011, c’est la situation économique. Déjà fort peu brillante pour les masses à l’époque, elle s’est encore plus dégradée et l’année 2016 menace d’être la pire en vingt années. Selon des études de cabinets internationaux, 200.000 à 250.000 nouveaux demandeurs d’emploi arrivent sur le marché du travail chaque année et, pour simplement absorber ce flux, le Maroc aurait besoin d’une croissance d’au moins 7% par an. Mais la croissance économique de l’année 2016 ne devrait être que de 1%. D’autre part, les scandales d’évasion fiscales des Panama Papers et de Swisleaks ont mis en évidence la détention de comptes offshores par le roi et son entourage.
Les élections anticipées de 2011 avaient été marquées par un fort taux d’abstention, pour beaucoup de gens il ne s’agissait là que d’un pur jeu de dupes, ainsi que par la victoire du parti islamiste Justice et Développement. Le nouveau Premier Ministre Benkirane avait notamment fait campagne autour de la promesse d’un niveau de croissance d’au moins 6%. Aux dernières élections, il y a moins d’un mois, le taux de participation officiel était de 43%… Le désespoir des masses est profond, comme l’a encore illustré l’immolation par le feu d’un demandeur d’emploi ce 2 novembre devant la préfecture d’El Aaiun
Offrir une perspective par la résistance collective
Cette dernière année n’a pas manqué de mouvements sociaux. Les luttes ont atteint un nouveau stade avec l’organisation notamment de deux grèves générales, en février et en mai. Ce sont particulièrement les travailleurs des services publics qui sont à l’offensive, au premier rang desquels les secteurs de la santé et de l’éducation, mais ils ont le potentiel d’attirer à eux l’ensemble de la société, profondément dégoûtée par le luxe dans lequel nage le régime alors que des millions de Marocains vivent dans des bidonvilles.
En ce moment, les protestations sont plus vives dans la ville d’Al-Hoceima, ville qui fut le cœur de la révolte contre le colonisateur espagnol dans les années 1920 mais aussi le théâtre d’une insurrection populaire en 1958. Longtemps délaissée sous le règne d’Hassan II, le père du roi actuel Mohamed VI, la région du Rif a une réputation de frondeuse et entretient des relations difficiles avec le pouvoir central. Elle fut aussi l’un des principaux foyers de la contestation lors du Mouvement du 20-Février.
Il importe aujourd’hui d’empêcher l’isolement régional de la lutte et de rechercher un soutien parmi les masses du reste du pays. Les manifestations qui ont pris place dans des centres urbains tels que Rabat et Casablanca démontrent que le potentiel est bien présent et elles illustrent de manière limpide que les questions en jeu dépassent largement les clivages culturels et ethniques. Le pouvoir a toujours cherché à instrumentaliser ces derniers selon le vieux principe de ‘‘diviser pour mieux régner’’.
Appeler aujourd’hui à l’organisation d’une nouvelle grève générale pourrait unifier la colère en un mouvement de lutte pour exiger : une réelle enquête sur cet événement avec participation de représentants des travailleurs et des associations des droits humains (contrairement aux enquêtes sur les décés survenus en 2011 par exemple, qui ont totalement été dirigés par le régime sans aboutir) ; pour la libération des détenus politiques ; pour la restitution des subsides sur les produits de première nécessité (gaz, carburant, farine, sucre,…) ; pour l’imposition d’un salaire minimum décent ; pour un plan d’investissements massifs pour répondre aux pénuries sociales ; pour un enseignement et des soins de santés gratuits et accessibles à tous; etc.
L’établissement de comités de luttes locaux dans les entreprises et les quartiers serait l’endroit idéal où discuter du cahier de revendication à défendre par le mouvement mais aussi de son organisation et de sa stratégie pour renverser le régime despotique de Mohammed VI et convoquer une assemblée constituante révolutionnaire où se rendraient les représentants démocratiquement élus de ces divers comités de lutte. Le mouvement qui a déferlé sur toute la région en 2011 a déjà illustré la manière dont un tel processus a les capacités de déboucher sur l’arène internationale. C’est aussi durant cette période que les organisations islamistes réactionnaires s’étaient retrouvées repoussées, provisoirement asphyxiées par l’activité unificatrice des masses.
Mais il faut bien entendu tirer les leçons du mouvement de l’époque, arrivé dans une impasse qui a laissé l’initiative aux forces réactionnaires impérialistes, despotiques locales ou islamistes réactionnaires. Le mouvement social ne peut pas tout simplement s’arrêter quand une figure dirigeante est renversée : c’est tout le système capitaliste qu’il faut renverser. Seule la collectivisation démocratique des principaux leviers de commande de l’économie permettra d’établir une planification de l’économie qui lui permettra d’être au service de la population, contrairement aux plans ‘‘Émergence’’, ‘‘Émergence II’’ ou ‘‘d’accélération industriel’’ du maghzen qui n’ont eu pour effet que d’enrichir les proches du régime. C’est également sur cette base qu’il sera enfin possible de trouver une solution harmonieuse à la question nationale et à l’oppression des Amazighs basée sur l’auto-détermination des peuples et la solidarité.
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