Tag: Kshama Sawant

  • Kshama Sawant : «Pourquoi je ne me représenterai pas au conseil de Seattle»

    En 2013, Kshama Sawant est parvenue à être élue au conseil de ville de Seattle (organe qui regroupe 9 personnes élues par district au côté du maire pour gérer la ville, sans majorité ou opposition définie). C’était la première fois qu’une marxiste était élue dans une grande ville américaine depuis un siècle. Avec son parti, Socialist Alternative, elle a inlassablement utilisé cette position élue pour construire un rapport de force à la base et encourager des luttes autour de revendications comme celle d’un meilleur salaire minimum. En dépit de son isolement politique au sein du conseil, la pression des mouvements de lutte a permis d’arracher plusieurs victoires importantes. La classe dirigeante n’a cessé de mener bataille contre elle et contre Socialist Alternative, même Jeff Besos a fait un point d’honneur de la vaincre. Sans succès. Il y aura à nouveau une échéance électorale cette année, mais notre camarade Kshama n’y participera pas. Elle explique les raisons de cette décision ci-dessous.

    https://fr.socialisme.be/59739/dossier-procedure-de-destitution-a-seattle-comment-kshama-sawant-et-socialist-alternative-ont-encore-gagne
    https://fr.socialisme.be/58147/kshama-sawant-pourquoi-je-rejoins-les-socialistes-democrates-damerique-dsa
    https://fr.socialisme.be/56131/seattle-une-taxe-historique-imposee-aux-grandes-entreprises-comme-amazon-reaction-de-kshama-sawant

    Cet article a été initialement publié par The Stranger.

    C’est maintenant la dixième année que j’ai l’honneur de servir en tant que représentante élue des travailleurs de Seattle.

    Les travailleuses et travailleurs de Seattle, en s’organisant aux côtés de mon bureau socialiste au conseil de ville et de mon organisation, Socialist Alternative, ont remporté des victoires historiques, du salaire minimum de 15 dollars de l’heure à la « taxe Amazon » en passant par des droits historiques en faveur des locataires.

    Ces victoires ont constitué un puissant exemple à l’impact national et même international.

    Au cours de nos quatre victoires électorales et dans chaque combat, nous avons dû surmonter la puissance combinée des grandes entreprises, des médias capitalistes et de l’establishment politique. À chaque fois, les travailleuses et travailleurs ont refusé de reculer, et nous l’avons emporté, encore et encore.

    C’est la leçon la plus importante de notre exemple de politique socialiste à Seattle. Lorsque les travailleuses et travailleurs ainsi que la jeunesse s’organisent et se battent, la victoire est possible. Aucun progrès social significatif ne peut être gagné sous le capitalisme sans affronter l’opposition vicieuse des riches et de leurs serviteurs politiques. Au lieu de reculer, nous devons construire l’unité de la classe travailleuse et riposter férocement et fièrement.

    Une classe capitaliste rapace et parasitaire a amassé des fortunes incalculables grâce au travail de milliards de travailleuses et travailleurs. Mais leur système est en crise profonde, et il ne peut se maintenir en place. Il continue d’éviscérer le niveau de vie des gens ordinaires avec des niveaux d’inflation historiques, et plus de 800 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide. La droite est à l’attaque contre le droit à l’avortement et contre les droits des personnes LGBTQIA+.

    L’avenir de la civilisation humaine est sur le fil du rasoir avec la menace existentielle de la catastrophe climatique. Les travailleuses et travailleurs ainsi que la jeunesse ne peuvent pas se permettre le statu quo politique favorable aux grandes entreprises.

    Lors de mon investiture en 2014, j’ai déclaré : « Laissez-moi être absolument clair : il n’y aura pas d’accords pourri dans les coulisses avec les grandes entreprises ou leurs serviteurs politiques. Je ne vendrai pas le peuple que je représente. »

    Notre équipe socialiste au Conseil de ville s’y est tenu. Il est extrêmement regrettable qu’excessivement peu d’autres élus dans ce pays puissent en dire autant.

    Depuis mon élection en 2013, plus de deux cents candidats se déclarant « socialistes démocratiques » ont été élus au niveau national. Mais malheureusement, à de rares exceptions près, l’écrasante majorité d’entre eux ont abandonné leurs promesses de campagne et n’ont pas réussi à tenir tête à l’establishment politique.

    Pas plus tard que le mois dernier, nous avons assisté à la trahison historique et honteuse des cheminots par les membres du Congressional Progressive Caucus (aile « progressiste » du Parti démocrate, NdT), y compris sa présidente Pramila Jayapal et les membres de The Squad (la brigade, un groupe d’élus démocrates progressistes) autoproclamée « socialistes démocratiques » comme Alexandria Ocasio-Cortez (AOC).

    La grève des cheminots a été brisée avec le concours de prétendus progressistes du Congrès, ce qui n’est pas seulement une atteinte aux cheminots, c’est une véritable trahison de l’ensemble de la classe ouvrière.

    De telles trahisons ont des conséquences encore plus sinistres. Cela donne un espace à la droite, comme nous l’avons vu avec ces cinq sénateurs républicains qui ont hypocritement voté contre le projet de loi briseur de grève, afin de se prétendre du côté des cheminots.

    Ces républicains – qui en réalité servent ouvertement les intérêts des riches – s’autorisés à prétendre que leur parti est le parti des travailleurs. Comment est-ce possible ? Uniquement parce que le parti démocrate se dirige de plus en plus vers la droite dans son soutien loyal à l’élite capitaliste.

    Il est profondément regrettable que ce soit le Freedom Caucus de droite qui ait démontré comment utiliser l’effet de levier à la Chambre des représentants pour imposer des concessions à l’establishment, plutôt que The Squad. Avec l’échec continu de tout véritable leadership à gauche, la lutte pour la présidence de la Chambre des représentants a révélé à quel point le courant de droite peut rapidement et dangereusement combler le vide. Il s’agit d’un rappel effrayant de la manière dont Trump a remporté son élection en premier lieu.

    Les travailleuses et travailleurs ainsi que la gauche ne peuvent pas rester sans rien faire et attendre à la merci de volonté d’élus soi-disant progressistes. Nous ne pouvons pas nous en remettre à AOC ou Pramila Jayapal, même si je comprends que beaucoup entretenaient des espoirs envers leur action.

    AOC a récemment déclaré qu’elle ne pouvait pas se battre contre les dirigeants démocrates au nom des travailleuses et travailleurs car cela causerait un « préjudice relationnel » avec les dirigeants du parti. Qu’en est-il du très réel préjudice né de l’absence de combat pour nos intérêts de classe ?

    Pendant ce temps, l’organisation qui devrait exiger des comptes à AOC et aux élus de The Squad, les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), semble ne pas vouloir le faire. Cela ne me fait pas plaisir de le dire, car je suis actuellement également membre des DSA. Mais l’attitude de la direction des DSA a essentiellement consisté en une couverture de l’égarement de The Squad.

    Nous faisons face à un véritable vide de direction à gauche, localement et nationalement.

    Nous avons besoin d’un nouveau parti pour et par la classe travailleuse, un parti qui rend les élus responsables, qui repose sur les mouvements sociaux, qui s’organise aux côtés des travailleuses et travailleurs dans les rues et sur les lieux de travail.

    Les élections ne sont pas la seule, et encore moins la première, voie vers le changement politique, car le système politique est pourri de fond en comble dans un régime capitaliste. Aujourd’hui, alors que la crise mondiale s’aggrave, la pourriture s’étend de plus en plus profondément, et la menace d’une corruption accrue par l’extrême droite pèse sur nous tous. En Inde, le pays où je suis né, l’extrême droite est au pouvoir et se consolide rapidement. Aux États-Unis, les élections de mi-mandat n’ont été qu’un sursis temporaire, à moins que nous nous organisions.

    Le capitalisme doit être renversé. Nous avons besoin d’un monde socialiste. Et cela n’est possible qu’en mobilisant plusieurs millions de travailleuses et travailleurs autour d’idées socialistes authentiques et en luttant sans relâche pour nos intérêts en tant que classe.

    Mais la tâche de reconstruire la lutte des classes en Amérique ne mènera à rien si les jeunes et la base du mouvement ouvrier ne comprennent pas clairement le rôle du parti démocrate et la nécessité d’un nouveau parti qui nous serve nous, et non les riches.

    Les travailleuses et travailleurs doivent reconnaître que nous devons nous battre indépendamment des deux partis des grandes entreprises et des dirigeants qui leur trouvent des excuses.

    L’année dernière, des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs se sont battus pour syndiquer leur lieu de travail ou ont fait grève pour obtenir un bon contrat, que ce soit chez Amazon, Starbucks ou l’Université de Californie. Nous avons vu la victoire historique des travailleuses et travailleurs d’Amazon à New York par le nouveau syndicat d’Amazon. L’année précédente, nous avons assisté à « Striketober » (une vague de grèves durant le mois d’octobre, NdT), qui a compris des batailles historiques comme la grève de John Deere, et ici à Seattle la grève des Pacific Northwest Carpenters dans la construction.

    Il y a moins de trois ans, nous avons assisté au plus grand mouvement de protestation de rue de l’histoire des États-Unis : la lutte de Black Lives Matter à la suite du meurtre de George Floyd par la police.

    Les travailleuses et travailleurs veulent riposter, mais nous devons être mieux organisés. Nous avons besoin d’un mouvement à l’échelle nationale : une campagne indépendante de la base qui s’organise sur les lieux de travail et dans les rues.

    Ce sont les syndicats progressistes qui devraient utiliser leurs ressources pour lancer un tel mouvement, comme l’ont fait les syndicats au Royaume-Uni avec la campagne « Enough Is Enough ». Mais cela ne s’est pas produit. Malheureusement, la plupart des dirigeants syndicaux de ce pays sont étroitement liés à l’establishment démocrate, ils ont peur de dénoncer les Démocrates, de présenter des candidats indépendants et de mettre en place de puissantes actions de grève basées sur des revendications audacieuses. Ils ont peur de faire des vagues.

    C’est pourquoi, avec Socialist Alternative et d’autres, j’annonce le lancement d’un tel mouvement national, Workers Strike Back, au lieu de me présenter à nouveau aux élections dans le district 3 de Seattle. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait qu’un mouvement de masse puisse être construit du jour au lendemain, mais il est urgent de poser les premiers pas.

    Les travailleuses et travailleurs ont fait de cette ville un puissant exemple au travers de divers mouvements de lutte. Il est temps de s’appuyer sur cet exemple au niveau national pour élargir et renforcer la lutte des classes.

    Workers Strike Back sera lancé début mars dans plusieurs villes du pays : de Seattle à New York, de Chicago à Minneapolis, d’Oakland à Houston et au-delà.

    Ici, à Seattle, nous organiserons un rassemblement de lancement le 4 mars. Rejoignez-nous. Les principales revendications de Workers Strike Back sont les suivantes :

    • Les travailleurs ont besoin d’une véritable augmentation de salaire
    • De bons emplois syndiqués pour toutes et tous
    • Luttons contre le racisme, le sexisme et toutes les oppressions
    • Un logement de qualité à prix abordable et des soins de santé gratuits pour toutes et tous
    • Plus de trahison : il nous faut notre propre parti

    Vous pouvez lire notre programme complet sur notre site web, et toutes celles et ceux qui sont d’accord doivent signer la pétition et la partager largement.

    Parallèlement à Workers Strike Back, nous lancerons une émission vidéo pour faire connaître la politique et la stratégie socialistes aux travailleurs au niveau national et international. Cette émission vidéo, que je vais aider à animer, s’appellera On Strike, et elle commencera à être diffusée cet été.

    De plus en plus, les médias qui se disent indépendants et de gauche ont détourné le regard ou ont activement couvert les politiciens qui trahissent les travailleuses et travailleurs. Cela a un prix réel, car cela crée de la confusion et de la démoralisation, trahissant effectivement les travailleurs une seconde fois.

    Une dernière chose : même si je suis sûr que les entreprises de Seattle seront très heureuses d’apprendre que je ne me représente pas, elles ne devraient pas se précipiter pour mélanger leurs martinis, car nous n’en avons pas fini.

    Mon bureau au conseil de ville continuera à se battre sans relâche pour les travailleuses et travailleurs jusqu’à la fin de mon mandat. Nous soumettrons le contrôle des loyers au vote et, aux côtés de notre nouvelle organisation, Workers Strike Back, nous construirons notre mouvement pour les droits des locataires et des travailleuses et travailleurs. Et lorsque ce mandat sera terminé, nous continuerons à perturber la paix politique à Seattle, ainsi qu’au niveau national, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôtel de ville.

    J’invite les jeunes, les travailleurs et les membres de syndicats à rejoindre Workers Strike Back !

  • USA. Les cheminots trahis par Joe Biden et la « Squad »

    Quand Alexandra Ocasio Cortez et d’autres membres de la « Squad » (groupe de six membres démocrates de la Chambre des représentants des États-Unis, initialement composé de quatre femmes élues lors des élections de 2018 : Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib) ont été élues, la plupart l’ont été en s’identifiant elles-mêmes comme des « Socialistes démocratiques ». Elles s’étaient présentées en défendant des revendication orientées vers la classe travailleuse incluant les soins de santé pour tou.te.s et un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Elles avaient juré qu’elles rendraient leurs comptes à la classe des travailleurs et aux personnes opprimées.

    Par Kshama Sawant, Socialist Alternative (ASI-USA)

    Au cours de la première année qui a suivi l’investiture de Joe Biden, alors que les démocrates disposaient du contrôle des trois branches du gouvernement, les membres de la Squad (rejointes par Jamaal Bowman et Cori Bush) ont renié les deux premiers engagements, tout d’abord en refusant d’imposer un vote concernant la couverture médicale universelle (Medicare for All) et ensuite en rejetant toute forme de combat en faveur du salaire minimum de 15 dollars.

    Aujourd’hui, la troisième de leurs promesses s’est totalement évaporée, avec la décision des membres de la « Squad » (à une exception près) de franchir le piquet de grève et de voter avec une majorité de démocrates mais aussi de républicains pour casser la grève des travailleuses et travailleurs du rail en leur retirant le droit d’interrompre légalement le travail (en cas de maladie). Ce faisant elles ont ouvertement pris le parti des rois de la mine et du rail face aux cheminot.e.s qui subissent des conditions de travail intolérables depuis des décennies. Il s’agit d’une profonde trahison envers des travailleuses et travailleurs.

    Des années de négociations entre 12 syndicats représentant 115.000 travailleurs du rail et une poignée d’entreprises qui contrôle 90% du trafic de fret (ainsi que des lignes qui servent aux trains de voyageurs) ont ainsi été brutalement interrompues sous la houlette d’un président Démocrate qui se décrit comme étant « pro-travailleurs » et de la « gauche » de son Parti.

    La « Squad » et le « Congressional Progressive Caucus » (Caucus progressiste du Congrès, caucus du Congrès affilié au Parti démocrate fondé en 1991 et représentant sa faction la plus « progressiste »), dont sa représentante Pramila Jayapal, ont tenté de se démarquer à gauche en votant pour un deuxième projet de loi incluant la revendication-clé des cheminot.e.s, à savoir un congé maladie payé, à côté de la motion de base qui visait à étouffer la grève.

    Ce tour de passe-passe ne doit tromper personne : il était en effet de notoriété publique que le projet de loi sur les congés de maladie serait tué dans l’œuf au Sénat dès le lendemain (ce fut effectivement le cas) et que tout ce qu’il resterait serait une grève brisée.

    Des conditions calamiteuses pour les cheminot.e.s

    Les travailleuses et travailleurs de quatre syndicats qui représentent ensemble la majorité de la main-d’œuvre avaient rejeté le contrat proposé. Mais les votes de 80 sénateurs et 290 représentants des États-Unis ont suffi à imposer l’accord voulu par les magnats du rail. Ce résultat était celui sur lequel les patrons coptaient depuis le début, sachant qu’ils tiennent tant le parti républicain que le parti démocrate dans le creux de leur main.

    L’immense pression à laquelle les cheminot.e.s sont soumis.es après des années de réductions de personnel est largement documentée. Cependant, le président Biden, avec une hypocrisie consommée, a prétendu agir au nom des millions de travailleurs et travailleuses qui auraient pu être lésés si la grève avait suivi son cours.

    Malgré le fait que les rayons des magasins soient déjà remplis pour Noël, les démocrates ont sous-entendu que la nécessité que les autres travailleuses et travailleurs puissent « profiter de leurs vacances » l’emportait sur le besoin des cheminot.e.s d’avoir un quelconque contrôle sur leurs vies, leur vie de famille ou leur santé. Mais cette logique est tout à fait perverse. Une victoire pour le personnel du rail en aurait été une pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses des USA, de plus en plus victimes du surmenage, de plus en plus forcé.e.s à vivre pour travailler plutôt qu’à travailler pour vivre.

    Après le vote, un cheminot et dirigeant syndical à la retraite a écrit ceci : « Il ne s’agit pas seulement d’argent. C’est une question de qualité de vie. La presse vous fait croire qu’une augmentation de 25% sur 5 ans, c’est beaucoup. Ce n’est pas le cas, pas quand l’inflation est de 8 à 10% par an. Ça ne permet même pas le statut quo. Mais le plus gros problème est la qualité de vie. Le transport de fret fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Presque tous les employés des trains travaillent sur appel, avec un délais de 2 heures ou moins pour se rendre au travail, sans compter le temps de déplacement. Avec les coupes de personnel massives de la dernière période, tout le monde doit vivre à côté de son téléphone. Il n’est pas rare que les employés de certains chemins de fer travaillent 3 semaines ou plus sans autre temps de repos que les périodes de repos prescrites par le gouvernement fédéral entre les quarts de travail (dont la plupart sont des périodes de sommeil). De nombreux employés ont fait l’objet de sanctions disciplinaires, c’est-à-dire de suspensions sans salaire. Dans certains cas, on leur a même refusé la possibilité d’assister à des funérailles familiales sous la menace d’une suspension et/ou d’un licenciement. C’est pourquoi les employés se battent cette fois-ci. Trop, c’est trop. »

    C’est dans ce contexte qu’a été négocié l’accord de principe de Biden, dont la seule amélioration consistait en un seul jour de congé, lui-même miné par des conditions absurdes : il ne peut avoir lieu que le mardi, le mercredi ou le jeudi et doit être programmé 30 jours à l’avance.

    Malgré les appels lancés par certains membres de la gauche en faveur d’une grève sauvage illégale, l’incapacité absolue des dirigeant.e.s syndicaux à mobiliser ou à préparer une action de grève rend cette option extrêmement difficile pour leurs membres, malgré la vive colère de milliers de travailleuses et travailleurs face à cette attaque brutale contre leurs droits. Les dirigeant.e.s syndicaux ont préféré s’en remettre à leur stratégie bien éprouvée et dont l’expérience montre qu’elle mène à un cul de sac : supplier les politiciens du parti démocrate de prendre leur défense.

    Il n’est bien sûr pas exclu que les cheminot.e.s entreprennent une action indépendante face à cette trahison, auquel cas Socialist Alternative sera là pour les soutenir à chaque étape. Pour mener à bien une riposte à l’ampleur nécessaire, il faut que des structures d’organisation indépendantes et démocratiques soient immédiatement mises en place, que des comités de grève soient élus dans les différentes sections locales et qu’une caisse de grève soit constituée rapidement.

    La capitulation de la « Squad » et les DSA

    Lorsqu’il est devenu évident que le Congrès serait invité à intervenir pour empêcher la grève, Bernie Sanders a cherché des moyens procéduraux d’atténuer le choc de cette défaite pour les travailleuses et travailleurs. Sa solution a été d’inclure un amendement donnant aux travailleurs sept jours de congés maladie payés, soit un peu moins de la moitié de la revendication initiale du personnel. À sa décharge, Bernie a été très clair dès le début : sans cet ajout, il ne voterait pas pour imposer l’accord de principe, et lorsque son amendement a échoué, il a voté “non”.

    Il est tout à fait honteux que l’on ne puisse pas en dire autant d’Alexandra Ocasio Cortez et de la majorité de la « Squad » à la Chambre, qui ont voté pour écraser la grève, sauf un. Alexandra Ocasio Cortez a justifié son vote en affirmant qu’elle se battait « bec et ongles » pour les jours de congé de maladie supplémentaires. Jamaal Bowman a affirmé qu’il « se battait toujours en solidarité avec les travailleurs ». Mais ce que le « Congressional “Progressive” Caucus » a fait, c’est une escroquerie. Ils se sont entendus avec Pelosi pour séparer le vote en deux, promettant leurs quelque 100 voix sur cet accord de principe en échange d’un vote séparé sur l’amendement relatif au congé de maladie, dont ils savaient pertinemment qu’il serait écrasé au Sénat. Il n’a fallu qu’une seule journée pour confirmer la brutale réalité : la majorité de la « Squad », en collaboration avec les dirigeants du « Congressional Progressive Caucus », a trahi les travailleurs et travailleuses du rail tout en leur faisant miroiter des jours de congé de maladie payés.

    Le 30 novembre, le Comité National des DSA (Socialistes démocratiques d’Amérique, dont est membre AOC) a publié une déclaration de soutien au personnel du rail qui comportait cette phrase : « Tout membre du Congrès qui vote oui à l’accord de principe se range du côté des milliardaires et impose aux travailleuses et travailleurs du rail un contrat qui ne répond pas à leur demande pressante de jours de congé maladie payés. » Que dire alors de leurs propres membres et de leurs élu.e.s au Congrès qui ont voté ainsi ? Ce que cette déclaration implique, et ce que les actions de la « Squad » prouvent définitivement, c’est que ces élu.e.s font partie de l’État capitaliste et se considèrent comme tels, comme membres de l’État qui agit pour les milliardaires et contre les intérêts de la majorité, la classe ouvrière.

    On ne peut pas être un.e socialiste et un.e briseur.euse de grève. Les DSA doivent arrêter de prétendre que la « Squad » est socialiste et leur exclusion de l’organisation devrait suivre. A défaut, la trahison de la « Squad » envers la classe ouvrière deviendra la trahison des DSA eux-mêmes.

    Le danger inhérent à cette capitulation, au-delà des dommages évidents à la qualité de vie des cheminot.e.s, est qu’elle poussera les travailleurs et travailleuses dans les bras de la droite qui pourra se poser en alternative politique de la classe ouvrière face aux démocrates. Le fait que plus de sénateurs républicains ont voté contre l’imposition de l’accord de principe que de démocrates le démontre de manière étourdissante.

    La tâche de construire une alternative de gauche et de la classe ouvrière à la politique “progressiste” du Parti Démocrate à la solde des grandes entreprises n’a jamais été aussi urgente qu’aujourd’hui.

  • USA. Agir MAINTENANT pour défendre le droit à l’avortement – Déclaration de Kshama Sawant


    Le jour où la Cour suprême a annoncé qu’elle révoquait le jugement Roe v Wade, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans tout le pays. Cette décision honteuse de la droite va à l’encontre du soutien à l’avortement légal de la majorité des travailleuses et travailleurs américains. Mais les manifestations ont également très clairement montré que des millions de personnes sont enragées par l’échec total des démocrates à riposter et par l’idée que tout ce que nous devons faire maintenant est de voter démocrate aux élections de novembre.

    Par Kshama Sawant, élue au Conseil de ville de Seattle, membre de Socialist Alternative (ASI-USA)

    À New York, plus de 20.000 personnes ont défilé avec colère dans Manhattan, sous la conduite de Socialist Alternative et d’autres groupes et syndicats de gauche. L’énergie de la manifestation était si féroce que la marche a duré quatre heures.

    À Fayetteville, dans l’Arkansas, des centaines de personnes ont manifesté dans le centre-ville pour réclamer une alternative féministe socialiste au féminisme libéral en faillite.

    À Houston, où Socialist Alternative a lancé un appel à des manifestations de masse devant le palais de justice fédéral, cinq mille personnes ont participé à la manifestation. Dans une vidéo maintenant virale de la manifestation, on peut voir le démocrate Beto O’Rourke, qui s’est présenté en demandant un temps de parole, baisser la tête de honte alors que la foule autour de lui scandait “Voter démocrate ne suffit pas ! Démocrates nous voyons votre bluff !”

    Dans chaque ville où Socialist Alternative a organisé des manifestations, nos membres rapportent que les foules étaient pleines de jeunes gens furieux non seulement de la barbarie évidente de la droite, mais aussi de l’incapacité et du refus des démocrates de défendre même les droits fondamentaux.

    Des démocrates qui ne font rien

    Il n’a pas échappé aux gens qu’immédiatement après la décision de la Cour suprême, le parti démocrate au pouvoir, plutôt que de se battre pour codifier l’arrêt Roe v Wade ou mettre en œuvre des ordres exécutifs visant à protéger le droit à l’avortement que la grande majorité de la société soutient, a préféré mettre en place un show de « God Bless America » sur les marches de la Cour suprême. Aussi comique que cela puisse paraître, c’est réellement ce qui s’est passé.

    Quelques heures après la révocation de l’arrêt Roe, les e-mails de collecte de fonds des démocrates ont commencé à arriver comme une avalanche. « S’il vous plaît, je n’ai jamais eu autant besoin de votre soutien qu’aujourd’hui. Pouvez-vous contribuer à hauteur de 15 dollars pour que nous puissions gagner ces élections de mi-mandat en novembre et codifier enfin les droits reproductifs dans la loi ? » a écrit Nancy Pelosi. « Pouvez-vous vous précipiter pour faire un don, quel qu’en soit le montant, afin de stopper l’extrême-droite et d’élire un Congrès favorable aux droits en matière d’avortement cette année ? » a demandé le congressiste David Cicilline.

    Ces plaidoyers insultants des démocrates pour obtenir de l’argent et des voix suscitent la colère générale des jeunes. Comme l’a exprimé une jeune femme « c’est comme si l’on nous demandait d’adhérer encore une fois à un système défaillant dans l’espoir qu’il se répare de lui-même ; ce ne sera pas le cas. »

    Nous devons agir MAINTENANT

    Les démocrates, avec leur contrôle de la Maison Blanche et leur majorité au Congrès, ont la possibilité de prendre des mesures significatives – s’ils en avaient la volonté politique – pour surmonter cette attaque de la droite.

    À l’instant même, Biden pourrait

    • Signer un décret autorisant l’ouverture de cliniques d’avortement sur les terres fédérales dans les plus de 20 États où l’avortement est interdit. Les cliniques seraient alors libres de fonctionner dans des bâtiments fédéraux ou des cliniques mobiles pourraient être installées sur tout terrain fédéral.
    • Rendre la pilule abortive accessible dans tout le pays en utilisant les directives de la FDA (l’agence de la santé américaine) pour écarter toute restriction des États.
    • Élargir l’accès aux services de télémédecine pour l’avortement et utiliser le contrôle fédéral du système postal pour garantir que les envois de pilules abortives ne soient pas restreints.

    Au-delà de cela, Biden et les dirigeants démocrates de la Chambre et du Sénat peuvent se battre bec et ongles pour codifier l’arrêt Roe et adopter des lois sur la protection de la santé des femmes. Ils peuvent également abroger de toute urgence taxer les milliardaires afin d’augmenter massivement le financement des cliniques qui plient aujourd’hui sous une demande accrue.

    En plus de ces mesures qui feraient une différence spectaculaire dans la capacité des gens à accéder aux avortements, nous avons également besoin d’une multitude de services sociaux pour garantir que les gens puissent se permettre d’avoir des enfants quand ils le souhaitent.

    Cela signifie une transition immédiate vers l’assurance-maladie pour tous au niveau fédéral, afin de rendre gratuits tous les soins liés à la reproduction et à l’affirmation du genre. Cela implique de rétablir les allocations familiales de l’époque de la pandémie, de se battre pour des services de garde d’enfants universels et des écoles publiques entièrement financées, le tout financé par l’imposition des riches.

    Plus d’excuses

    La congressiste démocrate de gauche Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) a raison de dire : « Le président et les leaders démocrates ne peuvent plus s’en tirer avec les tactiques familières des ‘comités’ et des ‘études’ pour éviter de s’attaquer de front à nos crises. » Elle a demandé à Biden de prendre des mesures exécutives immédiates pour protéger l’accès à l’avortement et je suis tout à fait d’accord avec elle. Mais comme nous l’avons appris par l’expérience d’AOC et des autres élues de The Squad (la brigade, surnom donné à diverses élues de gauche au Congrès), demander simplement aux démocrates capitaliste d’agir ne sera jamais suffisant. Les presque neuf années d’existence de Socialist Alternative à Seattle ont montré que nous devons construire un mouvement suffisamment puissant pour forcer les politiciens démocrates à agir, malgré leur opposition.

    Comme Cori Bush l’a fait avec le moratoire sur les expulsions, AOC, Bernie et d’autres membres de The Squad devraient appeler à une installer une occupation devant la Maison Blanche pour exiger que Biden utilise une action exécutive visant à ouvrir des cliniques d’avortement sur les terres fédérales et élargir l’accès aux pilules abortives. Nous pouvons organiser des manifestations de soutien devant les bâtiments fédéraux dans les villes du pays.

    Si les dirigeants démocrates refusent toujours d’agir, nous devrons intensifier la pression en organisant des manifestations et des actions directes dans les bureaux des dirigeants démocrates. Après la fuite du projet de jugement de la Cour suprême en mai dernier, Socialist Alternative a organisé des sit-in dans les bureaux des dirigeants démocrates Pelosi et Schumer. Des milliers de personnes ont suivi les retransmissions en direct, les encourageant avec enthousiasme. C’est le type d’action que nous devrons mener si nous voulons sérieusement forcer les démocrates à agir.

    Lutter pour les villes sanctuaires

    Pendant que nous intensifions nos demandes envers les démocrates pour qu’ils adoptent des mesures immédiates au niveau fédéral, il y a des combats cruciaux que nous pouvons mener au niveau de l’État et au niveau local pour garantir l’accès à l’avortement aux résidents et aux visiteurs étrangers.

    À Seattle, j’ai déposé une loi faisant de Seattle une ville sanctuaire pour toute personne risquant une sanction légale dans son État d’origine pour avoir cherché ou fourni un avortement. Si elle est adoptée, cette loi empêchera la police de Seattle d’arrêter des personnes, qu’il s’agisse de patientes, de médecins ou d’autres prestataires de soins, pour des mandats non exécutés liés à des lois anti-avortement dans d’autres États. Nous présenterons également une loi sur le budget populaire pour rendre l’avortement gratuit à Seattle pour les personnes voyageant depuis des États ayant des lois anti-avortement ainsi que pour les résidents de Seattle, financée par l’augmentation de la taxe Amazon que nous avons gagnée en 2020.

    Il faut se battre pour des législations similaires dans d’autres villes. Notre bureau au Conseil de la ville de Seattle est heureux de constituer une ressource de projets de loi et de débattre des meilleures stratégies pour construire une pression populaire.

    Nous avons besoin d’un mouvement de masse indépendant du parti démocrate

    Afin de répondre à l’assaut des attaques vicieuses de la droite, nous avons besoin d’un mouvement de masse indépendant qui puisse servir de base aux jeunes et aux travailleurs qui cherchent un moyen de riposter.

    Comme l’écrivait Socialist Alternative le jour de la décision de la Cour suprême : « Avec une absence totale de leadership du parti démocrate ou des ONG libérales, stopper la droite dans son élan nécessitera un mouvement complètement indépendant de jeunes et de travailleurs. Ce mouvement doit avoir des objectifs politiques clairement définis, des structures démocratiques et une indépendance totale vis-à-vis des démocrates. »

    Nous devons présenter des candidats socialistes et ouvriers indépendants comme une étape immédiate vers la construction d’un nouveau parti pour les travailleurs et les jeunes qui se battra sans ambiguïté pour nos intérêts.

    Je demande à tous les autres élus socialistes, à tous les dirigeants syndicaux et à tous les dirigeants du mouvement social de se joindre à moi pour appeler à un mouvement de masse démocratique, à de nouvelles organisations de masse de lutte et à une rupture définitive avec le parti démocrate pourri qui a permis à la droite de mener cette guerre contre notre autonomie corporelle.

  • [DOSSIER] Procédure de destitution à Seattle : Comment Kshama Sawant et Socialist Alternative ont (encore !) gagné

    Pour la quatrième fois, la dirigeante de Socialist Alternative et membre du conseil de ville de Seattle Kshama Sawant a remporté une élection, cette fois en faisant face à une procédure de destitution par référendum raciste soutenue par les grandes entreprises. Cette nouvelle victoire souligne la pertinence d’une approche des positions élues reposant sur la lutte de classe. Il s’agit d’un brillant exemple concernant la façon dont la classe ouvrière peut bénéficier d’une politique indépendante du parti démocrate. Les leçons à tirer pour les travailleurs et la gauche socialiste ne manquent pas.

    Par Bryan Koulouris et Calvin Priest

    Cette élection a sans conteste été la plus difficile à laquelle nous avons été confrontés depuis l’élection de Kshama au Conseil de ville de Seattle en 2013 (ce conseil est à peine composé de 9 élus et du maire pour une ville de 750.000 habitants, NdT). Jusqu’ici, Seattle n’avait jamais connu d’élection en décembre (entre les fêtes de Thanksgiving et de Noël, NdT). Ce timing avait été sciemment réfléchi de manière à assurer la plus faible participation électorale possible parmi les travailleurs, les locataires, les jeunes et les personnes de couleur. Un CAP (Comité d’action politique, une structure privée dont le but est d’aider ou de gêner des élus, ainsi que d’encourager ou de dissuader l’adoption de certaines lois, NdT) pro-entreprises portant le nom orwellien « A Better Seattle » (Un meilleur Seattle) a dépensé des centaines de milliers de dollars pour bombarder de mensonges les électeurs au travers des publicités télévisées, d’annonces sur Internet ou de courriers. Parallèlement, la campagne de solidarité pour Kshama s’est vue refuser le droit d’avoir la moindre publicité sur Google, YouTube et Hulu.

    Les CAP pro-entreprises n’étaient du reste pas les seuls à diffuser des informations malhonnêtes sur Kshama et la procédure de destitution lancée à son encontre. En raison de notre capacité à remporter des victoires, ce qui a exaspéré la classe dirigeante et l’establishment politique, les médias dominants (en particulier le très lu Seattle Times) ont mené une campagne constante d’attaques trompeuses et sournoises contre Kshama et notre mouvement au cours de ces huit dernières années. La Cour suprême de l’État, sans prendre la peine d’organiser la moindre audience au sujet de la véracité des accusations ouvrant la voie à la procédure de destitution, a statué en faveur de celle-ci. En conséquence, des mensonges purs et simples ont figuré sur le bulletin de vote et étaient la dernière chose que les gens voyaient avant de voter.

    Les tribunaux ont inexplicablement reporté leur jugement de trois mois après le dépôt des signatures nécessaire au déclenchement de la procédure. La manœuvre visait à assurer que le moins d’électeurs possible ne prenne part au vote, avec une élection inédite pendant les vacances d’hiver. Le taux de participation pour de telles élections est déjà en temps normal beaucoup plus faible que lors d’élections générales. Moins de six mois auparavant, le même tribunal avait rejeté une tentative de révocation de la maire de Seattle, Jenny Durkan, alors qu’elle avait illégalement ordonné le gazage lacrymogène de manifestants pacifiques du mouvement Black Lives Matter ! Plus de 18.000 plaintes avaient pourtant été déposées. Cet exemple, à l’instar des graves attaques portées contre le droit à l’avortement et du racisme sur lequel repose tout le système judiciaire, démontre que les tribunaux capitalistes ne sont pas du côté des travailleurs et des opprimés.
    Au cours des huit années de mandat de Kshama, son leadership et le travail de Socialist Alternative à Seattle ont démontré comment les marxistes peuvent mener les travailleurs et les opprimés à arracher des victoires cruciales. Qu’il s’agisse de faire de Seattle la première grande ville à obtenir un salaire minimum de 15 dollars de l’heure en 2014, d’imposer la Taxe Amazon (qui a récolté 2 milliards de dollars en 2020 pour subventionner des projets de logements abordables) ou encore de remporter des victoires historiques en matière de droits des locataires, notre bureau de conseil marxiste ainsi que les mouvements de lutte de la classe ouvrière à Seattle ont eu un impact sur la vie non seulement des résidents de Seattle, mais aussi de millions de travailleurs au niveau national. Le mandat que nous avons reçu grâce à notre victoire dans cette procédure de destitution nous impose de poursuivre audacieusement notre combat contre la droite et la classe dominante.

    Polarisation profonde et prochaines étapes

    Comme c’est le cas dans de nombreuses grandes villes, les loyers montent en flèche à Seattle. Nous avons recueilli plus de 15.000 signatures en faveur du contrôle des loyers alors que nous menions campagne contre la procédure de destitution. Le bureau de Kshama et Socialist Alternative ont aidé les locataires à s’organiser pour lutter avec succès contre les augmentations de loyer dans certains immeubles spécifiques. Nous avons également obtenu cette année des droits historiques pour les locataires qui ont créé un précédent national. Nous allons intensifier ce combat pour des logements de qualité et abordables à Seattle, et nous espérons que ce mouvement dont nous avons désespérément besoin pourra s’étendre à tout le pays, tout comme notre victoire concernant le salaire minimum de 15 dollars de l’heure l’a fait en 2015. Comme toujours, nous ferons face à une opposition déterminée de la part des capitalistes, de l’establishment démocrate, des tribunaux pro-capitalistes, des populistes de droite, et peut-être même de la répression d’Etat. Mais nos victoires témoignent de la façon dont une approche reposant sur la lutte de classe peut surmonter ces obstacles.

    Les grandes entreprises n’étaient pas parvenues à déloger notre bureau socialiste du conseil de ville, bien qu’elles aient mis les bouchées doubles en 2019, Amazon ayant dépensé à elle seule plus de 3 millions de dollars dans l’élection. Cette fois-ci, elles ont fait équipe avec les forces de droite réactionnaires opposées au mouvement Black Lives Matter. Mais elles ne sont toujours pas parvenues à vaincre Kshama et notre mouvement. Elles ne s’arrêteront pas là. Socialist Alternative sera victime de mensonges de plus en plus nombreux, de poursuites judiciaires et même de la répression d’État. Nous avons assisté à une polarisation accrue lors de cette élection. Des activistes de droite déséquilibrés ont harcelé et menacé nos bénévoles avec férocité. L’ancien président du syndicat des flics, Ron Smith, a menacé de « menotter la membre du conseil » alors que les flics de Seattle faisaient campagne pour la destitution de Kshama.

    Pour la première fois depuis plus de 30 ans, un républicain ouvertement revendiqué a été élu le mois dernier au poste de procureur de la ville de Seattle. Cela ne fera qu’enhardir davantage la droite. Comme l’administration Biden ne parvient pas à obtenir des gains réels pour les travailleurs, l’espace pourrait grantir à l’avantage du populisme de droite. Notre victoire illustre comment lutter efficacement contre ce phénomène.

    Malheureusement, de nombreux candidats et militants de gauche tentent de contrer les politiciens de droite en masquant leur différences avec l’establishment démocrate. Cela ne fait que laisser un plus grand espace à la droite pour que celle-ci se présente comme l’alternative « anti-establishment » aux politiques habituelles, à la manière dont Trump et d’autres l’ont fait au niveau national. D’autres militants s’appuient sur des slogans “woke” sans proposer de revendications concrètes susceptibles d’améliorer la vie des travailleurs. Aucune de ces approches n’est efficace.

    L’année dernière, alors que notre campagne socialiste s’est battue pour des revendications populaires comme le contrôle des loyers, les droits des locataires et l’extension de la Taxe Amazon pour des logements abordables, pas un seul de ces candidats démocrate progressiste “woke” n’a fait campagne sur ces questions. Au lieu de cela, ils sont restés sur la défensive face aux attaques de la droite. En conséquence, non seulement les candidats démocrates ont perdu, mais certains d’entre eux, comme Lorena Gonzalez, ont été battus à plates coutures.

    Les socialistes peuvent contrer la droite en luttant sans réserve contre toutes les formes d’oppression et en reliant cette lutte aux revendications qui bénéficient aux travailleurs. Nous devons être prêts à dénoncer les dirigeants d’entreprise et les “progressistes” qui n’offrent aucune solution à la classe ouvrière, tout en organisant la lutte en faveur de politiques claires telles que le contrôle des loyers, l’augmentation des salaires, l’imposition des riches et un programme d’emploi socialiste et écologique.

    Une politique reposant sur le terrain

    Les médias de Seattle et une grande partie de la gauche se concentrent souvent sur l’incroyable « jeu de terrain » (groundgame) de Socialist Alternative pour expliquer les victoires de Kshama. Bien que nous soyons extrêmement fiers de notre effort sans précédent pour convaincre de participer aux élections et pour collecter un million de dollars de fonds de solidarité, tout cela découle directement de notre politique socialiste révolutionnaire dynamique.

    Vaincre les capitalistes exige un mouvement de masse actif. Le soutien passif aux idées socialistes ou à des politiques spécifiques de la classe ouvrière ne suffit pas pour remporter des victoires qui peuvent avoir un impact positif sur nos vies et porter un coup aux comptes en banque des milliardaires. Nous devons nous battre sans ambiguïté pour les besoins des travailleurs, des jeunes et des opprimés afin qu’ils s’investissent eux-mêmes dans la lutte pour la victoire. Cela s’exprime en partie dans les revendications combattives d’une campagne, à l’image de notre revendication d’un contrôle des loyers pour laquelle nous sommes passés à l’offensive malgré le fait que la campagne de solidarité contre la procédure de destitution était par essence une campagne défensive. Nous sommes également passés à l’offensive contre cette attaque de la droite pour souligner à quel point il était crucial pour les travailleurs de conserver la seule voix à l’hôtel de ville prête à se battre pour nous.

    Plus de 1.500 personnes du district 3 de Seattle se sont portées volontaires d’une manière ou d’une autre pour participer à la campagne de solidarité avec Kshama. Beaucoup d’entre elles ont rempli des « cartes d’engagement » pour discuter de l’élection et faire voter au moins trois proches ou collègues. De plus, nous ne nous sommes pas concentrés uniquement sur les électeurs probables. Le taux de participation au référendum révocatoire des 18-25 ans a été bien plus élevé que lors de l’élection générale de novembre ! Cela a été notamment rendu possible grâce à plus de 1.700 nouvelles inscriptions sur les listes électorales grâce à nos efforts ainsi qu’à une orientation vers les étudiants, qui ne votent normalement pas aux élections locales. L’inscription de nouveaux électeurs est particulièrement cruciale pour les locataires, souvent contraints de déménager en raison de la hausse vertigineuse du coût du logement, car Seattle dispose d’un système de vote par correspondance.

    Contrairement aux campagnes électorales de gauche qui promettent des victoires sur base du vote, nous avons répété à tous nos partisans que nous avions besoin qu’ils fassent plus que simplement voter. Nous avons demandé au moins trois fois à tous nos sympathisants rencontrés au porte-à-porte ou en déposant des affiches s’ils étaient prêts à faire un don à la campagne, en insistant sur les dépenses de la droite et des dirigeants d’entreprise. Nous avons battu tous les records pour une élection à Seattle en réunissant plus de 5.000 donateurs directement issus de la circonscription 3.

    Alors que de nombreuses campagnes progressistes se concentrent sur les électeurs « probables », nous avons augmenté le taux de participation dans les logements publics et les communautés marginalisées. Dans un immeuble à forte concentration est-africaine, le taux de participation a été presque dix fois supérieur à celui de l’élection générale ! Nous disposions de matériel de campagne en huit langues et avons mené des actions de sensibilisation spécialisées auprès de nombreuses communautés dont l’anglais est souvent la deuxième langue. De plus, nous avions prévu des stations d’impression de bulletins de vote pour que les travailleurs et les jeunes puissent voter sur place.

    Toutes ces réalisations organisationnelles étaient nécessaires pour gagner, et elles découlent toutes de l’orientation ouvrière du marxisme authentique. De nombreux militants ont également été impressionnés par la discipline de notre campagne qui découle également de notre politique révolutionnaire ; nous savons qu’il faudra une organisation soudée pour vaincre efficacement toutes les forces que le capitalisme nous envoie. Il s’agissait d’une campagne combattive visant à transformer un soutien passif en une lutte active contre les grands propriétaires, les promoteurs immobiliers et les dirigeants d’entreprise qui dominent l’establishment politique. Notre message politique a été un élément décisif de notre victoire.

    Nommer les ennemis de classe

    Tout comme le bureau de Kshama le fait depuis plus de huit ans, nous étions prêts à nommer et à faire honte aux partisans de la procédure de destitution. Alors que de nombreuses campagnes progressistes et même socialistes évitent souvent de polariser la discussion contre nos ennemis de classe et les mauvais dirigeants du mouvement social, nous étions fiers des adversaires que nous nous sommes faits.

    Dès le début, nous avons dit la vérité sur le fait que la procédure de destitution était une campagne de droite, même si cela a mis certaines personnes en colère. Deux des accusations de la campagne de révocation étaient une attaque contre le mouvement Black Lives Matter et les 20 millions de personnes qui ont participé aux manifestations pour demander justice pour George Floyd. L’autre concernait l’utilisation de notre bureau de conseil socialiste pour construire le mouvement Tax Amazon, qui avait connu un grand succès. Trop souvent, les progressistes sont sur la défensive lorsqu’ils sont attaqués par l’establishment politique. Nous avons fait tout le contraire et dit aux gens que Kshama et notre mouvement n’avaient rien à cacher, aucun regret, et que ces accusations étaient de droite. Nous avons souligné le soutien des grandes entreprises pour la destitution et leur motivation à renverser notre réélection en 2019. Nous avons également souligné que les tribunaux ne sont pas du côté des travailleurs et la nature antidémocratique du processus de destitution.

    Alors que les accusations de droite de la campagne de révocation étaient claires tout au long de la campagne, nous avons également utilisé le slogan « révocation de droite » (rightwing recall) sur base de notre prédiction politique de la façon dont la campagne se déroulerait. Alors qu’au départ, la campagne de révocation refusait les dons de donateurs de droite notoires, comme le milliardaire et promoteur immobilier Martin Selig, par ailleurs ardant partisan de Trump. Nous savions qu’ils devraient de plus en plus s’appuyer sur le soutien de la droite étant donné leur base peu profonde à Seattle. Après des mois passés à dire que la procédure était engagée par la droite, leur directeur de campagne, qui ne pouvait pas gérer les questions difficiles des journalistes progressistes, a commencé à apparaître sur des talk-shows de droite pour disposer d’interviews bienveillantes sur une base hebdomadaire. Les donateurs de droite (plus de 130 donateurs de Trump et plus de 500 donateurs républicains) ont commencé à affluer, et ils ont même accepté un nouveau don de Selig lui-même ! L’utilisation du slogan « révocation de droite » dès le début a positionné notre campagne pour scandaliser une couche d’électeurs du « centre mou ».

    Nous avons également prédit que la campagne de révocation aurait recours à la suppression d’électeurs comme seule voie possible vers la victoire. Nous avons recueilli plus de 3.000 signatures pour que la révocation soit inscrite sur le bulletin de vote, avec Kshama signant elle-même la pétition de façon bien visible ! Si nous avons procédé de la sorte, c’était pour dénoncer le plus fortement possible cette campagne de la droite qui a sciemment évité de mettre la question sur le bulletin de vote des élections générales du 2 novembre, lorsque le taux de participation devait être le plus élevé et alors que les habitants de Seattle devaient élire le maire et de nombreux autres postes de la ville et du comté. Cette tactique a permis de démontrer sans l’ombre d’un doute que la campagne de révocation était une tentative de suppression d’électeurs et a donné plus de crédibilité à notre slogan qualifiant la campagne de révocation de droite malgré les objections de nombreux riches libéraux.

    Tout en étant obligés de mener une lutte contre la révocation, nous avons également continué à nous concentrer sur la construction de mouvements sociaux pour les travailleurs et les locataires, même lorsque cela empiétait sur notre campagne de terrain. Le bureau de Kshama et Socialist Alternative se sont mobilisés pour une législation historique sur les droits des locataires en 2021 et ont mené une lutte contre les augmentations de loyer à Rainier Court (un ensemble d’immeubles d’habitation situés en dehors du district de Kshama). En plus de cela, nous avons recueilli plus de 15.000 signatures pour le contrôle des loyers et construit un rassemblement de centaines de personnes par une journée pluvieuse au plus fort de notre lutte contre la procédure de révocation. La lutte des classes ne s’arrête pas, et nous ne faisons pas de pause pour des considérations électorales ; nous savons aussi qu’une ambiance de confiance envers les mouvements sociaux serait de nature à aider les perspectives électorales des socialistes.

    Le rôle de Kshama et de Socialist Alternative dans la grève des charpentiers de l’État de Washington, menée par la base, est peut-être le plus important pour la lutte des classes, mais aussi le plus controversé. Cette grève, dont les dirigeants du syndicat n’ont jamais voulu, a eu lieu après que les travailleurs ont rejeté quatre accords de principe négociés par les permanents du syndicat. Les dirigeants du syndicat ont organisé des piquets de grève inefficaces qui n’ont pas permis de fermer un seul site de travail. Après quelques jours de cette situation, les travailleurs ont commencé à organiser leurs propres piquets de grève militants. Le bureau de Kshama a joué un rôle important dans cette grève, au grand dam de ces dirigeants syndicaux. Si l’issue de la grève n’a pas été une victoire décisive, elle a contribué à ouvrir la voie aux futures batailles syndicales qui s’annoncent, et Kshama est en train d’introduire une législation pour répondre à l’une des demandes des travailleurs : que les patrons paient les frais de stationnement très coûteux de Seattle. Ceux-ci absorbent une part importante du salaire quotidien des travailleurs.

    Socialistes et syndicats

    Nous sommes fiers d’avoir obtenu plus de 20 soutiens syndicaux locaux pour la campagne de solidarité avec Kshama, et cet effort a été soutenu par 600 soutiens de travailleurs de base du mouvement syndical de Seattle. Bien qu’il y ait quelques dirigeants syndicaux combattifs à Seattle, beaucoup d’autres n’ont soutenu notre campagne qu’à contrecœur en raison de la pression exercée par la base. Parfois, même après que les syndicats aient soutenu notre lutte contre la révocation, il fallait une proposition des militants de la base (souvent des membres ou sympathisants de Socialist Alternative) pour que les syndicats investissent des ressources dans la lutte.

    C’est un microcosme de la situation actuelle du mouvement syndical. Des syndicats combatifs sont désespérément nécessaires alors que les milliardaires amassent des richesses pendant que la planète brûle. Le mouvement ouvrier est également plus populaire que jamais, et des signes de lutte émergent. Pourtant, dans pratiquement tous les combats menés pendant le mois d’octobre (surnommé « striketober », une contraction entre « grève » et « octobre »), les dirigeants syndicaux ont freiné la lutte alors que les travailleurs de la base souhaitaient un combat plus déterminé. Comme par le passé, les militants socialistes peuvent jouer un rôle important dans le monde du travail si nous offrons une voie claire pour gagner. Cela signifie qu’il ne faut pas hésiter à critiquer les dirigeants syndicaux lorsqu’ils commettent des erreurs ou trahissent carrément la classe ouvrière.

    Socialist Alternative était fière de présenter une résolution à la convention nationale des Socialistes Démocrates d’Amérique (DSA) l’été dernier, arguant que les dirigeants syndicaux sont le principal obstacle qui empêche le mouvement de progresser. Bien que notre résolution n’ait finalement pas été adoptée, les événements ont prouvé que cette perspective était correcte. Bien que Kshama soit une présence constante dans les luttes des travailleurs de Seattle, une pression énorme a été exercée sur elle au fil des ans pour qu’elle modère ses critiques à l’égard des dirigeants syndicaux. Cependant, les socialistes ont le devoir d’indiquer le chemin de la victoire dans chaque mouvement, même si cela conduit à des débats acerbes.

    Les dirigeants syndicaux combattifs dont l’approche repose sur la lutte des classes, même lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec Socialist Alternative, ne craignent pas la critique lorsqu’ils valorisent un débat ouvert et honnête dans notre mouvement. Cependant, de nombreux dirigeants syndicaux, même ceux des syndicats qui ont soutenu la campagne de solidarité de Kshama, n’étaient pas d’accord avec notre approche de la grève des charpentiers, des travailleurs d’UPS avant cela ou encore notre opposition au contrat du syndicat des flics qui était largement contesté par les dirigeants des communautés marginalisées.

    Certains des dirigeants syndicaux les plus conservateurs, en particulier dans les métiers du bâtiment, ont ouvertement soutenu la campagne de révocation. Ils ont même aidé à mettre en place un CAP pour tenter de destituer Kshama et ont fait des dons aux mêmes CAP que les patrons du bâtiment détestés, l’Associated General Contractors of America. Nous avons publiquement dénoncé ces dirigeant et avons clairement exprimé nos désaccords. De nombreux responsables syndicaux ont vivement désapprouvé notre approche. Cependant, nous avons pour principe de dire la vérité à la classe ouvrière, et nous le ferons à nouveau.

    Malheureusement, l’approche combative adoptée par Socialist Alternative pour reconstruire un mouvement ouvrier combatif contraste avec une grande partie de la gauche. Par exemple, la campagne d’India Walton pour la mairie de Buffalo a été sapée par la direction du syndicat qui a massivement soutenu son adversaire sortant. Au lieu de construire agressivement le soutien de la base pour s’opposer aux dirigeants syndicaux conservateurs, sa campagne a reculé devant ce combat et n’a pas réussi à polariser suffisamment contre l’establishment démocrate. Au lieu de cela, Mme Walton s’est concentrée sur la promotion de son soutien à Chuck Schumer, démocrate de premier plan et complice des entreprises, dans les dernières semaines de la campagne.

    Le rôle honteux des responsables démocrates

    Kshama se présente ouvertement comme membre de Socialist Alternative, et elle est connue pour son plaidoyer en faveur d’un nouveau parti de masse des travailleurs et d’une rupture claire avec les démocrates. Sur cette base, nous avons néanmoins remporté le soutien écrasant des militants démocrates locaux dans le 43e district législatif, par une majorité de 83%. Seattle est quelque peu unique en ce sens que les structures locales du parti démocrate ont réellement des militants. Nous y avons trouvé un certain soutien pour les idées socialistes au fil des ans. Ce n’est pas le cas des partis démocrates de la plupart des villes qui sont souvent des coquilles vides sans militants qui ne servent que les besoins des politiciens carriéristes.

    Kshama et Socialist Alternative sont également fiers d’avoir reçu le soutien de Bernie Sanders, Noam Chomsky et d’autres personnalités nationales, en plus des racines profondes que nous avons dans le district 3 et dans le reste de Seattle.

    Malgré le soutien important des électeurs et des militants démocrates de base, nous avons été confrontés au silence de la plupart des élus démocrates (à quelques exceptions près au niveau de l’État et du comté). Il est honteux que pas un seul membre démocrate du conseil de ville n’ait soutenu Kshama, pas même les démocrates progressistes comme Tammy Morales et Teresa Mosqueda. Et ce, malgré les tentatives répétées de notre campagne et les efforts de bonne foi pour travailler avec les progressistes là où nous sommes d’accord. En même temps, Kshama n’a jamais retenu ses critiques lorsqu’elles étaient justifiées, et nous pensons que d’autres élus devraient faire de même lorsqu’ils sont confrontés à des démocrates progressistes qui ne défendent pas systématiquement les travailleurs.

    Les démocrates progressistes ont fait piètre figure lors des élections de novembre à Seattle. Les travailleurs en ont assez des mots à la mode “woke” des politiciens qui ne sont pas liés à des demandes concrètes comme le contrôle des loyers et l’imposition des riches. Les démocrates de l’establishment ont saisi l’ouverture, soutenus par des millions de dollars de CAP d’entreprises. Alors que les représentants des entreprises, comme le maire élu Bruce Harrell, se sont appuyés sur la répression pour faire face à la crise du logement à Seattle, la progressiste Lorena Gonzalez, soutenue par les travailleurs, n’a pas réussi à fournir un semblant d’alternative, et a fini par faire une série de gestes désespérés qui se sont retournés contre elle. Gonzalez a non seulement évité de mentionner le contrôle des loyers ou d’autres demandes de la classe ouvrière, mais elle n’a pas non plus défendu le mouvement Black Lives Matter. Elle a également refusé de dénoncer le soutien des grandes entreprises et le soutien massif des CAP à son adversaire, probablement parce qu’elle ne voulait pas se mettre à dos les grandes entreprises. Harrell a remporté une victoire écrasante.

    Leçons pour les DSA

    Malheureusement, les candidates soutenues par les DSA, Nikkita Oliver et Nicole Thomas-Kennedy, ont toutes deux perdu à Seattle en novembre. Nicole Thomas-Kennedy a été battue par un républicain (le premier élu de Seattle en 30 ans) pour le poste de procureur de la ville, et cela a été alimenté en partie par la réaction de la droite contre BLM. Nikkita Oliver, dirigeante du mouvement BLM soutenue par Kshama, a également perdu sa course, cette fois face à un démocrate de l’establishment. Malheureusement, Nikkita Oliver n’a pas vraiment fait campagne sur le contrôle des loyers, sur la taxation des grandes entreprises ou sur d’autres revendications de la classe ouvrière, se contentant de slogans vagues.

    Il est clair que ce qui s’est passé à Seattle, avec le contraste entre les résultats des élections de novembre et de décembre, contredit les affirmations de certains membres du mouvement socialiste selon lesquelles la politique indépendante en dehors du parti démocrate est une “condamnation à mort”. Les deux candidats (Oliver et Thomas-Kennedy) qui bénéficiaient du soutien de l’establishment démocrate progressiste de Seattle ont perdu, et la marxiste indépendante, Kshama Sawant, a gagné. Bien que l’indépendance politique ne se traduise pas nécessairement par un succès électoral, cela démontre qu’il est faux de dire que se présenter en tant que démocrate est une voie plus facile pour obtenir un changement socialiste. Et cela ne se limite pas aux élections – le fait d’éviter de contrarier les grandes entreprises et l’establishment politique pendant les élections se poursuit pratiquement toujours par un échec dans la construction de mouvements et la lutte pendant le mandat. Notre seul bureau de conseil marxiste à Seattle a remporté plus de gains historiques significatifs pour les travailleurs, comme le salaire minimum de 15 dollars et la taxe Amazon, que n’importe quel autre élu socialiste autoproclamé, y compris ceux qui ont les ressources et les plateformes d’un bureau national.

    En dernière analyse, le parti démocrate est une barrière pour les travailleurs, les opprimés et les jeunes qui tentent de changer la société. Kshama se présente indépendamment des Démocrates pour être un exemple brillant qu’un parti de la classe ouvrière est possible et nécessaire. Au lieu de promettre des réformes si elle est élue, Socialist Alternative pointe toujours vers les mouvements qui seront indispensables pour remporter des victoires.

    L’élection du maire de Buffalo en novembre montre également que les socialistes ne peuvent pas avoir un “raccourci” vers le succès en se présentant aux primaires du parti démocrate. India Walton a gagné la primaire contre le titulaire, mais a été battue dans l’élection générale par une campagne menée par ce même titulaire !

    Les DSA s’efforcent de trouver un moyen de tenir les élus responsables, comme le montre la récente trahison de Jamal Bowman et le débat continu à ce sujet au sein des DSA. Cela devrait être une discussion continue, et de simples réponses organisationnelles ne seront pas suffisantes. Une analyse approfondie et un plan d’action sont nécessaires pour que les socialistes utilisent efficacement les fonctions électives pour construire des luttes fructueuses et ouvrir la voie à un nouveau parti de masse de la classe ouvrière. Socialist Alternative aimerait approfondir sa contribution à cet important débat au sein des DSA et de la gauche au sens large, et notre travail et notre expérience à Seattle nous donnent un aperçu unique de cette discussion.

    Vers la victoire finale

    Bien qu’il y ait actuellement une accalmie dans les manifestations de rue, la société est profondément polarisée et des luttes de masse sont à l’horizon. La gauche socialiste peut se développer si nous indiquons une voie à suivre pour le mouvement ouvrier et la lutte contre la menace populiste croissante de la droite.

    Concrètement, le droit à l’avortement est directement menacé. Les socialistes doivent être à l’avant-garde de la lutte pour défendre et étendre les droits reproductifs. Si la gauche reste à l’écart des mouvements ouvriers et féministes en 2022, elle sera conduite dans des impasses et des défaites par les démocrates et les bureaucrates. Au lieu de cela, les socialistes devront faire des propositions audacieuses et concrètes pour élargir une lutte prête à prendre les mesures déterminées pour perturber le système capitaliste.

    Ce ne sont pas seulement les élections, mais la lutte de classe et sociale, qui peuvent jeter les bases d’un nouveau parti pour les travailleurs. Les travailleurs produisent tout, distribuent tout, construisent tout, nettoient tout, soignent les malades, enseignent aux enfants et fournissent tous les services. Ce système ne peut pas bouger sans nous. Nous pouvons le mettre à plat et construire un nouveau monde basé sur les besoins de l’humanité et de la planète, et non sur la cupidité de quelques-uns. Au niveau international, nous avons besoin d’un monde basé sur la solidarité et la démocratie, dans lequel les grandes entreprises et les ressources du monde sont détenues et contrôlées démocratiquement. Nous pouvons gagner un monde socialiste si nous nous organisons, et cette élection est une contribution importante mais modeste à ce processus.

    Comme l’a dit Kshama en annonçant notre victoire, “Si une petite organisation socialiste révolutionnaire peut battre les entreprises les plus riches du monde ici à Seattle, encore et encore, vous pouvez être sûrs que le pouvoir organisé de la classe ouvrière au sens large peut changer la société.” Rejoignez-nous !

  • Seattle. “Les riches ont joué leurs meilleures cartes contre nous, et nous les avons battus. Une fois de plus.”


    Voici ci-dessous, le texte du discours de Kshama Sawant prononcé lors de la conférence de presse du 10 décembre annonçant l’initiative de revue du scrutin par la Campagne de Solidarité avec Kshama (Kshama Solidarity Campaign). Cette campagne avait été lancée suite à la procédure de destitution engagée à son encontre par la droite et les grandes entreprises de Seattle.

    Tout d’abod, félicitations aux travailleurs de Starbucks pour le succès de leur campagne de syndicalisation (qui a tout récemment imposé la présence syndicale pour la toute première fois dans l’entreprise aux Etats-Unis, NdT). C’est un signe annonciateur de la période à venir.

    Aujourd’hui, l’ancien PDG de Starbucks et résident du district 3 de Seattle (circonscription en jeu pour la procédure de révocation de Kshama Sawant, NdT), Howard Schultz, a passé une très mauvaise journée. Entre les travailleurs de Starbucks qui commencent à se débarrasser de leurs chaînes et notre victoire apparente ici à Seattle, les nouvelles ont été terribles pour la classe capitaliste.

    Le dépouillement du scrutin d’hier après-midi a montré que notre campagne socialiste à Seattle a pris une avance de 232 voix.

    Il semble bien que nous ayons vaincu les efforts combinés des grandes entreprises, de leurs médias, de la droite, des tribunaux et de l’establishment politique – qui cherchaient par tous les moyens à éliminer notre présence socialiste au conseil de la ville de Seattle (conseil où ne siègent que 9 élus et le maire pour la gestion d’une ville de 740.000 habitants, NdT).

    En d’autres termes, les riches et leurs représentants en politique et dans les médias ont joué leurs meilleures cartes contre nous, et nous les avons battus. Une fois de plus.

    Comment avons-nous fait cela ? Nous avons gagné parce que nous n’avons pas reculé.

    Nous n’avons pas reculé dans notre position socialiste au conseil de ville. Au contraire, nous sommes passés à l’offensive, et cette année, nous avons remporté certaines des victoires les plus importantes pour les droits des locataires.

    Nous n’avons pas reculé dans la lutte des travailleurs : nous avons mis nos ressources et notre engagement total à la disposition des courageux syndicalistes de base du syndicat des charpentiers du Pacifique Nord-Ouest. Nous l’avons fait alors que la direction de leur syndicat a honteusement refusé de se battre et a attaqué publiquement notre siège au conseil de ville en nous accusant d’interférence. Si soutenir les travailleurs syndiqués dans leurs efforts pour combattre les patrons est une interférence, alors je plaide coupable. Je suis une interférente.

    Il existe également de bons et courageux dirigeants syndicaux, et nous devons travailler à leurs côtés. Les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de reconstruire un mouvement syndical combatif, et si certains dirigeants syndicaux conservateurs veulent s’y opposer, nous ne pouvons pas les laisser nous arrêter.

    Nous n’avons pas reculé d’un pouce dans notre campagne électorale socialiste pour vaincre cette tentative de révocation lancée par la droite, une campagne raciste soutenue par les grandes entreprises. Nous avons combattu les attaques sans fin des médias capitalistes, en particulier le Seattle Times.

    Encore une fois, nous avons lutté contre les quantités massives d’argent des grandes entreprises. Un million de dollars. Je ne parle pas seulement de l’argent des Comités d’Action Politique (structures privées dont le but est d’aider ou de gêner des élus, ainsi que d’encourager ou de dissuader l’adoption de certaines lois, NdT), mais aussi des énormes sommes d’argent des entreprises qui sont allées directement à la campagne pour la révocation, avec plus de 500 riches républicains, 850 millionnaires, plus de 100 PDG et cadres supérieurs, de même que tout un Who’s Who du secteur de l’immobilier.

    Nous avons surmonté les obstacles posés par la Cour suprême de l’État de Washington, qui a non seulement permis à cette campagne de révocation injuste de se poursuivre, mais a également retardé sa prise de décision de façon à permettre au vote de se tenir en décembre (entre Thanksgiving et Noël, la pire période pour la participation à une élection, NdT) afin de priver de leurs droits les travailleurs, les locataires et les personnes de couleur.

    Et nous devons être clairs : la suppression des électeurs a eu un effet réel. En 2019, nous avons également eu une forte campagne pour inciter les gens à voter – bien qu’elle n’ait pas été aussi forte que cette fois-ci – et la participation a été de 60 % dans notre district. Cette fois-ci, elle n’est que de 53 %. S’il n’y avait pas eu de suppression flagrante d’électeurs, nous aurions gagné avec une marge bien plus importante. Le résultat n’aurait même pas été serré.

    Mais même cette fois-ci, sous la pluie battante de décembre et lors d’une élection sans précédent en période de fêtes, le résultat de ce vote n’était PAS du tout serré en ce qui concerne les votes de la classe ouvrière, des personnes de couleur et des jeunes. Dans tous les bureaux de vote avec des majorités claires de travailleurs, nous avons remporté des marges massives. Y compris dans cette circonscription. Des majorités de 70%, 80%, et plus.

    Ce fut vrai à chacune de nos élections. Les travailleurs soutiennent massivement nos politiques socialistes.

    Cela s’est reflété non seulement dans le vote, mais aussi dans le fait que nous avons réuni 1.500 bénévoles ou encore dans notre collecte de fonds record.

    Cette victoire n’aurait pas été possible sans l’énorme abnégation de nos bénévoles, des socialistes et des travailleurs. Nous avons fait campagne pendant des heures sous la pluie battante, dans le froid et les vents violents, au cours du mois de novembre le plus pluvieux de l’histoire de Seattle. Et ce n’est pas seulement leur sacrifice personnel, mais la clarté politique des idées socialistes qui a guidé tous leurs efforts pour remporter cette victoire historique pour la classe ouvrière.

    En fin de compte, la suppression d’électeurs n’a pas suffi. Il n’est donc pas surprenant que le bureau éditorial du Seattle Times souhaite maintenant davantage de suppression d’électeurs à l’avenir, et n’hésite pas à adopter ouvertement cette position digne de Trump.

    Si la classe dirigeante veut changer les lois de ce pays prétendument dans l’intérêt de la démocratie, elle devrait commencer par la loi de rappel de l’État. Ce système permet aux tribunaux de protéger les politiciens de l’establishment contre la révocation tout en ouvrant la voie à la révocation des politiciens de la classe ouvrière. Ils devraient faire en sorte que TOUS les politiciens soient soumis à un rappel démocratique, au lieu de cette parodie totale de démocratie qui vient d’avoir lieu.

    Les démocrates progressistes ont perdu du terrain au conseil de ville. L’élection de Sara Nelson va enhardir les grandes entreprises. Elle sera l’excuse pour ces nombreux démocrates présents au Conseil qui veulent faire glisser la politique de Seattle vers la droite. Nous ne pouvons pas les laisser faire.

    Il y a sans aucun doute d’énormes différences entre la socialiste que je suis d’une part, et les membres progressistes du conseil Teresa Mosqueda, Tammy Morales et Lisa Herbold d’autre part. Mais je leur demande instamment, ainsi qu’à notre bureau socialiste, d’agir de manière unie en tant qu’aile progressiste du conseil de ville pour lutter contre les attaques des grandes entreprises et passer à l’offensive en faveur des travailleurs.

    Si l’objectif des démocrates progressistes était réellement de se battre sans ambiguïté pour les travailleurs, je les rejoindrais volontiers. Je les rencontrerais dès aujourd’hui pour élaborer une stratégie offensive en faveur du contrôle des loyers, de logements abordables pour toutes et tous ou encore pour combattre le racisme institutionnel dans cette ville.

    Leur choix leur appartient. Et tous les mots doux et les fleurs de notre part ne les inciteront pas à agir de la sorte.

    Si l’on se fie à l’histoire, les démocrates progressistes « wokes » vont plutôt s’allier à la nouvelle administration du maire Bruce Harrell et chercher à apaiser les grandes entreprises dans les mois à venir. C’est d’ailleurs déjà le cas. Le conseiller Mosqueda a honteusement rejoint l’équipe de transition du maire. Cela en dit long. Les autres démocrates progressistes donnent également toutes sortes d’indications qu’ils ont l’intention de suivre cette voie.

    En tant que travailleurs, nous devons tirer les véritables leçons de ce combat.

    L’une d’elles est que les démocrates du conseil de ville de Seattle ne sont pas de votre côté, ils ne sont pas du côté de la classe ouvrière. Au mieux, ce sont des libéraux progressistes wokes qui vous diront parfois ce que vous voulez entendre lorsqu’ils ressentent la pression de la rue, mais leur bouche relayera également la volonté des grandes entreprises.

    Pas un seul des progressistes du conseil de ville, en fait pas un seul des huit démocrates, n’a prononcé un seul mot contre cette procédure de destitution de la droite en dépit de l’enjeu pour la classe ouvrière dans ce combat. Cela devrait vous dire tout ce que vous avez besoin de savoir sur eux.

    Mais c’est plus que cela. Au lieu de se tenir aux côtés de nos mouvements, ils nous ont combattus à chaque étape du processus. Gonzalez et d’autres démocrates ont utilisé des moyens bureaucratiques pour tenter de mettre fin à notre mouvement en faveur de la Tax Amazon l’année dernière (une taxe sur les multinationales présentes à Seattle de manière à subventionner des logements pour sans-abris et d’autres mesures liée au logement abordable, NdT). Il y a deux mois à peine, pas un seul de ces progressistes ne m’a soutenu, ne serait-ce que pour présenter notre projet de loi visant à faire payer aux patrons le stationnement des ouvriers du bâtiment, l’une des principales revendications de leur grève. En plus de cela, Gonzalez, en tant que président du Conseil, a menacé de me mettre en sourdine lors d’une réunion du Conseil en ligne. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.

    J’aimerais que ce ne soit pas vrai, mais ça l’est. Nous avons besoin de plus de socialistes au Conseil de ville pour se battre du côté des travailleurs. Et, plus important encore, nous devons construire nos mouvements de lutte. C’est ainsi que les choses changeront. Je sais que certains n’aiment pas entendre cela, mais c’est mon devoir politique de le dire.

    Nous avons besoin d’unité, mais l’unité dont nous avons besoin est celle de la classe ouvrière, de la jeunesse et des personnes opprimées. Nous avons besoin d’unité avec toutes elles et ceux qui sont prêts à se battre pour que le logement soit un droit humain, pour un New Deal vert socialiste et pour mettre fin au racisme et au sexisme. L’unité avec l’establishment politique ne signifie qu’une chose : la trahison.

    Si je devais tenir ma langue lorsque les politiciens démocrates trahissent les travailleurs, comme ils l’ont fait avec l’abrogation tout à fait honteuse de la première taxe Amazon en 2018, j’aurais moi-même trahi la classe ouvrière.

    C’est ce que cela signifie quand on ne s’exprime pas. En choisissant ce qu’il faut dire et ce qu’il faut laisser de côté, un élu choisit un camp. Si je ne dénonçais pas les démocrates quand ils vendent les travailleurs, je deviendrais moi-même une partie du problème, une partie de la trahison.

    Les démocrates présents au Conseil pourraient faire des choix différents. Je souhaite qu’ils le fassent, et j’espère qu’ils le feront, mais je ne retiens certainement pas mon souffle. Et vous ne devriez pas non plus. En fait, je vous appelle à arrêter de le faire. Il est temps d’agir. Il est temps de se battre pour le contrôle des loyers. Il est temps de reconstruire un mouvement ouvrier combatif. Il est temps d’avoir un système de santé pour tous. Nous avons du travail aujourd’hui, nous n’avons pas de temps à perdre à entretenir des illusions sur les politiciens acquis à la cause des patrons, même s’ils parlent bien. Ce que nous gagnerons ou ne gagnerons pas reposera sur l’unité que nous construirons au sein de la classe ouvrière. De cela dépendra la force de notre mouvement.

    Mais les grandes entreprises ont pratiquement balayé les élections de novembre à Seattle et ont remporté de grandes victoires au niveau national. Pourquoi donc ?

    Alors que les grandes entreprises ont soutenu de tout leur poids les candidats de la « loi et de l’ordre », les démocrates progressistes ne sont pas parvenus à mener campagne autour des problèmes rencontrés par la classe ouvrière. Pourquoi des démocrates comme Lorena Gonzalez n’ont-ils rien offert à la classe ouvrière ? Pourquoi ne se sont-ils pas battus pour le contrôle des loyers, pour l’extension de la taxe Amazon pour construire des logements abordables, ou pour toute autre revendication de la classe ouvrière ? Pourquoi ont-ils laissé l’élection être définie par l’opposition de droite au mouvement Black Lives Matter ? Pourquoi n’ont-ils pas dénoncé le soutien des grandes entreprises à leurs adversaires. Les grandes entreprises ont utilisé 2 millions de dollars pour acheter ces élections.

    Si l’élection de Gonzalez s’est soldée par un échec, c’est parce qu’elle n’a jamais présenté de revendications combatives – elle a fait campagne sur la défensive – sans vouloir souligner que son adversaire était la candidate préférée des grandes entreprises. Et c’est parce qu’elle ne veut pas se mettre à dos ces grandes entreprises précisément.

    Le parti démocrate n’est pas un parti de la classe ouvrière mais plutôt un parti des milliardaires. Même son aile progressiste veut en fin de compte faire la paix avec les grandes entreprises. Elle se limiter à apporter des changements largement symboliques dans le cadre du statu quo.

    Les démocrates sont évidemment différents du parti républicain, de plus en plus franchement réactionnaire. Mais cela ne suffit pas.

    Je suis une marxiste. C’est-à-dire que je suis une socialiste scientifique. Cela signifie que je ne m’engage pas dans les vœux pieux ou l’impressionnisme politique qui sont le fonds de commerce des progressistes libéraux. Je me base – comme tous mes camarades de Socialist Alternative – sur la réalité matérielle, sur le matérialisme historique – qui est l’étude de l’histoire à travers une lentille scientifique. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas tirer les leçons des erreurs et des victoires passées de la classe ouvrière. Nous n’avons tout simplement pas le temps de le faire.

    L’une des conclusions tirées par Karl Marx dans son étude de la lutte des classes est que la classe ouvrière a besoin de son indépendance politique, de ses propres candidats et de son propre parti politique. Elle ne peut partager son parti politique avec les capitalistes.

    Et il est grand temps que nous dressions le bilan du parti démocrate, qui est un parti raté, pourri de part en part. Il n’a jamais été le parti des travailleurs. Le New Deal de Roosevelt est né de l’action d’un mouvement ouvrier combattif, guidé par des socialistes et des idées socialistes, qui ne lui a laissé aucun autre choix que d’agir. Roosevelt a dit aux capitalistes de son époque : “Je suis le meilleur ami du capitalisme américain”.

    Nous avons juré de mettre sur pied la plus grande campagne de mobilisation électorale que Seattle ait jamais connue, et c’est exactement ce que nous avons fait. Mais nous n’avons pas fini. Il y a maintenant environ 600 votes qui ont été contestés, en raison de signatures manquantes ou qui ont été laissés incomplets par inadvertance. Notre campagne va mener l’effort nécessaire pour s’assurer que le vote de chaque travailleur compte dans cette élection, tout comme nous nous sommes battus pour le faire ces dernières semaines. Nous allons commencer cette campagne de protection des électeurs aujourd’hui, juste après cette conférence de presse.

    Nous avons maintenant devant nous une réelle opportunité de gagner le contrôle des loyers. Cette victoire témoigne de l’énorme soutien dont bénéficie le contrôle des loyers dans ce district, à Seattle et au-delà. Nous avons recueilli plus de 15.000 signatures cet été pour le contrôle des loyers, alors que nous étions déjà engagés dans cette procédure de révocation de la droite. Nous devons passer à l’offensive l’année prochaine pour que cela se produise. Comme notre victoire à la réélection de 2019 a créé l’élan dont nous avions besoin pour gagner la taxe historique sur Amazon, la défaite de la droite dans cette procédure de destitution représente un vent dans nos ailes pour faire passer cette législation à Seattle et l’imposer aux démocrates.

    Enfin, j’ai un message pour les travailleurs. Cette victoire vous a été apportée par les idées politiques et la clarté de Socialist Alternative, comme l’ont été toutes nos victoires électorales passées, comme l’ont été le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, la taxe Amazon et les droits obtenus pour les locataires. Point final. Si vous voulez sérieusement vous battre pour obtenir des gains pour les travailleurs, vous devriez sérieusement envisager de rejoindre Socialist Alternative. Vous le devez à vous-même, vous le devez à la classe ouvrière.

    Si une petite organisation socialiste révolutionnaire peut battre les entreprises les plus riches du monde ici à Seattle, encore et encore, vous pouvez être sûrs que la force organisée de la classe ouvrière au sens large peut changer la société.

  • La « Bataille de Seattle ». Choc des titans entre le capital et les marxistes à la pointe de la lutte sociale


    Seattle est une ville en crise. Au cours des dix dernières années, les prix des logements ont augmenté de 93 %. Rien que l’an dernier, les loyers se sont envolés de 25 % ! La ville est pourtant très riche ; Amazon, Starbucks et Microsoft y ont leur siège social. Mais à l’ombre de leurs gratte-ciel, on trouve des milliers de campements de fortune tandis qu’une épidémie de drogue fait rage. Les inégalités sautent aux yeux et font mal au cœur.

    Par Koerian

    Des victoires concrètes arrachées de haute lutte

    La force qui a le plus fait obstacle à cette tendance au cours de ces huit dernières années est Socialist Alternative, notamment grâce à son élue au conseil de la ville (qui ne comporte que 9 membres), Kshama Sawant.

    Kshama Sawant s’est battue avec constance et détermination contre les inégalités. Elle a dirigé le mouvement qui a arraché l’instauration du salaire minimum de 15 dollars de l’heure à Seattle en 2013 (et de 17 dollars à partir de 2022). Récemment, sous son impulsion, une taxe sur les grandes entreprises a été introduite de manière à récolter 2 milliards de dollars sur 10 ans pour des subventions liées au COVID et le logement social. Cette année, Socialist Alternative a également remporté des victoires importantes pour les locataires. Un préavis de six mois doit désormais être donné aux locataires avant éviction et lorsqu’un propriétaire augmente le loyer de plus de 10 %, il doit verser trois mois de loyer à titre de soutien au locataire sortant. Maintenant, Kshama et Socialist Alternative se battent pour un gel des loyers à Seattle. En novembre, Sawant et Socialist Alternative sont parvenus à stopper l’augmentation des loyers dans un immeuble d’habitation où vivent principalement des personnes âgées pauvres. On les a également trouvé auprès de charpentiers de la construction en grève.

    La classe capitaliste se défend

    La colère des patrons de l’immobilier, des chefs d’entreprise et de la droite est compréhensible… Leur rage est d’autant plus forte qu’ils ont échoué à la battre Sawant lors d’élections régulières. En 2019, Amazon a même jeté 1,5 million de dollars dans la course électorale pour éjecter Kshama de sa position, sans succès.

    Leur nouvelle manœuvre est une procédure de destitution non démocratique qui repose sur la participation de Kshama aux manifestations de Black Lives Matter. Les habitants du district 3 de Seattle voteront pour décider si elle peut rester à son poste ou doit être remplacée par une personne choisie par le reste du conseil de ville. La campagne de destitution a le soutien de cadres d’Amazon, de partisans de Trump et de grands propriétaires immobiliers.

    Une impressionnante campagne menée par des travailleurs

    Mais au lieu de poser la question sur le bulletin de vote des élections générales de novembre, la campagne de destitution a décidé d’organiser une élection spéciale qui se termine le 7 décembre. La classe capitaliste compte sur la période de vacances entre Thanksgiving et Noël pour affaiblir le soutien populaire de Kshama. Le grand défi de nos camarades était de polariser le débat suffisamment pour que l’élection ne passe pas inaperçue.

    C’est jusqu’ici réussi. Une campagne de terrain menée par plus de 700 bénévoles a touché 16.000 personnes à leur porte ou en rue. Nos camarades soulignent que le véritable enjeu de ce vote est un combat entre l’élite capitaliste et la classe ouvrière. Plus de 1.300 personnes ont directement enregistré leur vote suite à cela et plus de 900.000 dollars de petites donations ont été récoltés.
    Grâce au temps et aux efforts des travailleurs ordinaires, il s’agit à bien des égards de la plus grande campagne politique de l’histoire de Seattle. 16% des électeurs éligibles se sont déjà rendus aux urnes, soit quatre fois plus qu’au même moment la fois précédente. Beaucoup dépendra de la façon dont la campagne aura repris son élan après Thanksgiving.

    Une dimension nationale

    L’importance de cette élection ne peut être sous-estimée. Son importance est nationale. L’obtention du salaire minimum de 15 dollars en 2013 avait servi de source d’inspiration dans tout le pays. Le gel des loyers aurait le même effet. Le programme et les méthodes de lutte de Sawant et de Socialist Alternative à Seattle sont un exemple pour de nombreux mouvements aux États-Unis. Si la droite parvient à destituer notre camarade, elle gagnera en confiance en utilisant des procédures de destitution non démocratiques similaires comme arme contre la gauche dans tout le pays.

  • Solidarité avec Kshama Sawant : Bernie Sanders apporte son soutien

    Nouvelle de taille pour la campagne de solidarité de Councilmember Kshama Sawant à Seattle ! Bernie Sanders a apporté son soutien officiel !

    “Une fois de plus”, a déclaré Bernie dans sa déclaration de soutien, “les riches et les intérêts privés mènent une attaque contre le siège de Kshama Sawant parce qu’elle a le courage de défendre les travailleurs. Nous devons nous unir pour mettre fin à cette procédure de rappel sans fondement. Votez ‘NON’ d’ici le 7 décembre”.

    Les campagnes présidentielles de Bernie en 2016 et 2020 ont été des exemples importants de la façon dont les travailleurs peuvent s’organiser et se battre. Mais elles ont également démontré à quel point la classe capitaliste et son personnel politique ne ménagent aucun effort pour vaincre les élus qui dirigent des mouvements de lutte favorables à la classe ouvrière.

    Les médias de masse et l’establishment politique des deux partis de Wall Street (Démocrates et Républicains) s’en sont pris à Bernie parce qu’ils considéraient que le large élan en faveur de ses revendications (salaire minimum à 15 dollars de l’heure, un système universel de soins de santé,…) représentait une menace pour leur pouvoir économique et politique.

    Aujourd’hui, à Seattle, plus de 500 donateurs républicains, 130 donateurs de Trump, plus de 850 millionnaires et plus de 100 PDG et dirigeants d’entreprise s’en prennent à Kshama pour la même raison. Après avoir vu Kshama diriger des mouvements pour obtenir le salaire minimum historique de 15 dollars de l’heure à Seattle (instauré pour la première fois dans une grande ville américaine à la faveur de sa campagne 15NOW) et pour instaurer la Taxe Amazon pour des logements abordables et un Green New Deal, et avoir constaté qu’elle était l’élue la plus cohérente de Seattle à se tenir aux côtés de Black Lives Matter l’été dernier, les grandes entreprises et la droite sont déterminées à éliminer la seule élue socialiste de Seattle. L’approche de Kshama, qui consiste à utiliser sa position pour construire des mouvements de lutte, et non pour conclure des accords et des compromis avec l’establishment, a été une expression puissante du message “Pas moi, nous” (Not me, us) au cœur de la campagne de Bernie en 2020.

    Il ne reste que quelques jours avant le jour de l’élection, le 7 décembre. La campagne de Kshama est engagée à parler à des milliers d’électeurs pour vaincre cette attaque de la droite. Cette campagne de destitution a été organisée de telle manière que beaucoup d’électeurs ne sont même pas au courant qu’elle a lieu ! Ce message de soutien de Bernie Sanders tombe à point pour renforcer la campagne de terrain menée avec acharnement par des centaines de militantes et de militants.

     

  • USA. La droite tente de destituer Kshama Sawant, la riposte est à hauteur de l’enjeu

    La riposte contre la tentative de destitution de Kshama Sawant (membre de Socialist Alternative et élue au conseil de la ville de Seattle) atteint son apogée alors que les bulletins de vote ont été envoyés aux électeurs et doivent être complétés avant le 7 décembre.

    Pourquoi la droite veut-elle se débarrasser d’elle ? La réponse est simple. Depuis son élection en 2014, elle et ses camarades de Socialist Alternative se sont battus avec ténacité pour les droits des travailleurs à Seattle et au niveau international. Elle fut la figure de proue de la campagne pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure à une époque où l’on attaquait la revendication en la qualifiant d’utopique et d’irréaliste. Mais la mesure fut arrachée par la lutte et appliquée à Seattle. C’était la première grande ville des États-Unis à procéder de la sorte, ce qui a directement servi d’inspiration à celles et ceux qui se battaient ailleurs pour la même cause.

    En 2020, elle a contribué à la victoire de la campagne « Taxez Amazon ». Résultat : l’entreprise, dont le siège principal est à Seattle et qui est réputée pour le faible niveau d’imposition qu’elle paie partout où elle est présente, devra verser 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie pour financer des logements abordables et des projets d’infrastructure durables dans la ville.

    Kshama Sawant a également provoqué la colère du lobby de l’immobilier de Seattle en obtenant des lois novatrices sur les droits des locataires, comme l’obligation pour les propriétaires de donner un préavis de 6 mois avant d’augmenter les loyers. Les personnes contraintes de déménager reçoivent dorénavant une aide au relogement pendant trois mois et les expulsions hivernales sont interdites. Elle a également défendu le contrôle des loyers.

    Kshama Sawant fut encore la combattante la plus constante contre la brutalité policière et le racisme structurel. Elle a ouvert la voie à la première interdiction en Amérique de l’utilisation de gaz lacrymogènes et d’autres armes de « contrôle des foules » et a assuré le transfert de dizaines de millions de dollars du financement de la police vers des logements abordables.

    Comme si cela ne suffisait pas déjà, les grandes entreprises la redoutent parce qu’elle n’est pas une politicienne carriériste qui passe son temps à faire des compromis et à privilégier les coulisses du pouvoir : elle utilise sa fonction pour construire des mouvements de lutte et y impliquer les couches larges de travailleuses et de travailleurs.

    Il n’est donc pas surprenant que les entreprises aient réuni d’énormes sommes d’argent pour faire campagne contre Kshama. Rien que cette année, celles-ci ont accumulé un trésor de guerre de 2 millions de dollars pour les élections de Seattle. Parmi les partisans les plus actifs de la campagne de révocation figurent les propriétaires d’entreprises et des personnes telles que Morgan Battrel, vice-président senior d’Amazon, et John Schoettler, responsable de l’immobilier mondial d’Amazon.

    Parmi les ennemis traditionnels des socialistes de Seattle figure le Seattle Times, journal qui fait ouvertement campagne pour la révocation de Kshama Sawant parce que « entre autres crimes », elle est la première élue qui ait jamais été impolie ! Bien sûr, ce qui leur déplaît vraiment, c’est que Kshama est une défenseuse infatigable des travailleuses et des travailleurs. Le journal a publié cette semaine un éditorial contre Kshama, truffé de préjugés sexistes et de condescendance envers la classe ouvrière.

    La procédure de destitution par vote – la première jamais organisée en décembre – est conçue pour garantir un faible taux de participation, c’est-à-dire pour s’assurer que les habitants des zones les plus pauvres ne votent pas. La période de vote est interrompue par la grande fête de Thanksgiving, ce qui prive les partisans de plus de temps pour faire campagne. On s’attend à ce que, dans les jours précédant le 7 décembre, de nouvelles attaques et calomnies soient lancées pour tenter de saper le soutien à Kshama.

    Les « comités d’action politique » (PAC) sont utilisés aux États-Unis comme un moyen de canaliser des fonds pour soutenir ou s’opposer à des candidats. Ils sont censés avoir une limite supérieure de 1000 $ pour les dons d’un individu. La droite a mis en place différents fonds pour s’opposer à Kshama et tente maintenant de faire supprimer la limite de 1000 $. Le dernier en date, intitulé « A Better Seattle », a récolté plus de 130.000 dollars auprès de sociétés immobilières et de méga-donateurs de Trump. Dans les prochains jours, cet argent sera injecté pour tenter d’obtenir la révocation de Kshama.

    Une partie de l’équipe de militant.e.s de Socialist Alternative à Seattle.

    Mais le combat continue ! Malgré le terrain difficile sur lequel les socialistes de Seattle doivent se battre pour cette élection, ils sont déterminés à tout mettre en œuvre pour obtenir une nouvelle victoire. Seattle n’est pas connue pour son beau temps et la campagne a même lancé un appel pour collecter 5.000 dollars afin de « se préparer pour l’hiver » en équipant les militants d’auvents, de bâches, de ponchos, de lanternes, de gilets réfléchissants, de vestes étanches et bien d’autres choses encore afin que les bénévoles soient aussi sûrs et secs que possible.

    D’énormes équipes de campagne vont à la rencontre des électeurs pour leur expliquer les enjeux de cette lutte et les persuader de se rendre aux urnes afin de rejeter cette tentative de destitution raciste et sponsorisée par les grandes entreprises. Le week-end dernier, par exemple, un « méga-canvass » du district 3, que Kshama représente, a été organisé. Des milliers de personnes ont discuté de l’attaque antidémocratique que cette tentative de rappel représente contre le mouvement Black Lives Matter et de l’avantage que représente la conseillère Kshama Sawant à la mairie pour les travailleuses et les travailleurs. Des centaines de personnes se sont portées volontaires pour participer à ces événements. Même pendant la campagne, Kshama continue de soutenir ceux qui se battent pour leurs droits. Elle a notamment soutenu activement la récente grève des charpentiers de Seattle.

    La campagne de solidarité de Kshama a permis de réunir un fonds de lutte massif – plus de 840.000 dollars. Cette somme a été collectée non pas auprès d’un petit nombre de riches donateurs, mais auprès de plus de dix mille personnes. Diverses structures syndicales ont également organisé des événements de collecte de fonds.

    Les soutiens affluent. Plus de vingt organisations syndicales ont soutenu Kshama, et beaucoup, beaucoup plus de militants et de membres individuels. Les travailleuses et travailleurs des soins de santé, de l’enseignement, de la restauration, de la distribution et de la construction sont les plus représentés. Ils sont rejoints par des groupes et organisations locales. Des personnalités de gauche telles que Noam Chomsky ont également appelé à soutenir Kshama.

    Le journal de Seattle The Stranger s’est lui aussi fermement prononcé contre cette procédure de rappel. Il déclare : « Lorsque vous mettrez la main sur ce bulletin de vote, ouvrez l’enveloppe, remplissez la bulle “Recall No”, glissez-la dans la boîte de dépôt la plus proche avant le 7 décembre à 20 heures, puis maudissez la campagne Recall Sawant pour cette foutue perte de temps et d’énergie. »

    Les Democratic Socialists of América (DSA) se mobilisent également pour soutenir la campagne, comprenant que si Kshama est battue, il y aura d’autres attaques contre d’autres élus socialistes. Les partisans de Bernie Sanders signalent maintenant qu’ils reçoivent eux aussi des messages de Bernie leur demandant de s’opposer à la tentative de révocation.

    Les grandes entreprises peuvent penser qu’elles peuvent éliminer la seule marxiste élue des États-Unis – mais elles vont devoir se battre pour y parvenir.

  • Seattle. Les révolutionnaires socialistes défendent le siège de Kshama Sawant

    Le 2 novembre 2021, les habitants de Seattle procéderont à l’élection de 17 postes politiques, dont celui de maire, et se prononceront sur plusieurs questions par référendum. Quelques semaines plus tard, lorsque l’attention sera complètement retombée, les électeurs recevront une autre missive électorale. Dans ce document, une seule question sera posée : la conseillère Kshama Sawant doit-elle être révoquée de son poste au conseil municipal? Cette campagne contre l’élue locale de gauche la plus connue des États-Unis est menée par l’establishment politique et économique local, par des milliardaires et par des populistes de droite proches de Trump. Ils espèrent que le taux de participation sera le plus faible possible, toute leur stratégie repose là-dessus.

    Par Bart Vandersteene, article issu de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Le retour de la gauche aux États-Unis

    Depuis 2012, les lecteurs de Lutte Socialiste sont aux premières loges pour suivre l’évolution de la gauche et aux États-Unis. À la veille des élections municipales de Seattle, en novembre 2013, nous avons cité le Seattle Times qui décrivait l’atmosphère de la ville comme suit : « L’élection n’est que dans dix jours, mais nous savons déjà qui est le grand gagnant à Seattle. Ce sont les socialistes (…) Il est remarquable que, dans la campagne politique de Seattle, la quasi-totalité du programme de [Sawant] a été reprise par les deux candidats à la mairie. » (Seattle Times, 26 octobre). Kshama Sawant a finalement remporté le siège pour lequel elle se présentait avec 51% des voix (95.000 voix) en devenant ainsi la première personne ouvertement socialiste à être élue dans une grande ville américaine. Six mois plus tard, Seattle est devenue la première grande ville américaine à instaurer le salaire minimum de 15 dollars de l’heure.

    Son élection a déclenché un séisme politique dans la ville et ses effets ont été ressentis dans tout le pays. Le socialisme en tant que référence idéologique est sorti de la marginalité. En 2015, Bernie Sanders a porté cette évolution au niveau national en se présentant aux primaires des Démocrates devant désigner leur candidat à l’élection présidentielle. Sa campagne reposait sur toutes les grandes revendications issues des luttes sociales du moment. Il se qualifiait de « socialiste démocratique ». Cela a propulsé la popularité du socialisme vers de nouveaux sommets. En 2018, quatre candidates de gauche progressistes – Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Rashida Tlaib, Ayanna Pressley et Ilhan Omar – ont été élues au Congrès national en tant que Démocrates. Elles ont constitué un groupe informel, The Squad (la brigade), qui a fait naître l’espoir qu’une aile gauche se forme au sein des Démocrates pour contester la direction du parti, totalement acquise aux grandes entreprises. En 2019, Bernie Sanders a à nouveau connu suscité l’espoir pour les présidentielles, mais il a à nouveau été poignardé dans le dos par l’establishment démocrate qui a recouru aux manœuvres électorales les plus sophistiquées.

    Affronter l’establishment et non chercher des compromis

    Aujourd’hui, ce que fait la gauche attire l’attention des médias de masse. AOC est une personnalité connue dans le monde entier. Les photos de sa robe de soirée blanche pour le gala du Met (le Metropolitan Museum of Art de New York) où était inscrit « Tax the Rich » en grosses lettres rouges ont fait le tour du globe. Ce que l’on sait moins par contre parmi les militants de gauche, c’est qu’AOC et The Squad ont à plusieurs reprises cédé et adouci leurs positions sous la pression permanente de la direction de leur propre parti.

    Moins d’une semaine après avoir fait la une de l’actualité mondiale avec une robe de gala, AOC n’a pas osé, avec les autres membres de The Squad, voter contre la contribution américaine d’un milliard de dollars pour le bouclier antimissile israélien. Elle s’est abstenue. Les considérations électorales deviennent de plus en plus la boussole qui guide AOC et les autres élus progressistes. Ils et elles tombent dans le même piège que Jeremy Corbyn qui, une fois élu à la tête du parti travailliste britannique, a tenté de trouver un compromis avec la droite. Cette droite s’est servie de la « trêve » pour renforcer son emprise sur l’appareil du parti et poignarder Corbyn à la première occasion. Corbyn leur a laissé manigancer leur complot en refusant de mobiliser la base des affiliés contre la droite du parti.

    The Squad fait face au même danger. Ces élus progressistes opèrent en terrain hostile et au sein d’un parti qui a choisi le camp de l’establishment capitaliste. L’ouverture du Congrès au début de l’année et l’élection de la présidente de la Chambre des représentants, la Démocrate Nancy Pelosi, constituaient des opportunités fantastiques puisque les votes de The Squad étaient nécessaires pour obtenir la majorité. En quelques jours à peine, 40.000 personnes ont signé une pétition leur demandant de n’accorder leur voix à Pelosi que si le Parlement votait immédiatement un projet de loi concernant la création d’un système de soins de santé public. Elles ont refusé de le faire en expliquant qu’elles souhaitaient éviter de mettre en péril leur possibilité de collaborer avec Pelosi.

    La campagne anti-Sawant

    À Seattle, Kshama Sawant a résolument adopté une stratégie différente, une stratégie qui repose sur les mouvements sociaux, l’organisation des luttes sociales et l’indépendance totale vis-à-vis des deux partis de Wall Street et du grand capital. Kshama Sawant est élue depuis huit ans et est dorénavant la plus ancienne des neuf conseillers de la ville. L’establishment n’a ménagé aucun effort pour l’éjecter de son siège en 2015 et en 2019, en vain.

    En 2020, l’establishment a changé son fusil d’épaule. Confronté à deux échecs successifs durant des élections ordinaires, il veut maintenant tenter sa chance dans des élections extraordinaires, sur base d’une procédure de destitution impliquant une élection anticipée. La campagne en faveur de sa destitution recueille des signatures depuis près d’un an pour atteindre le seuil nécessaire des 10 % des électeurs du district électoral concerné.

    Ce seuil a été atteint dès cet été, de sorte que cette demande de destitution aurait pu figurer sur le bulletin de vote du 2 novembre, pour lequel un taux de participation de 60-65% est attendu. Mais lors d’élections anticipées, un taux de participation de 40% est déjà un succès. La campagne anti-Sawant a délibérément attendu que la date limite pour figurer sur les bulletins de vote du 2 novembre soit dépassée avant de remettre leurs signatures.

    Pour démasquer cette manœuvre antidémocratique, Kshama Sawant a elle-même signé la pétition exigeant un vote sur sa destitution début juillet, lors d’une conférence de presse bondée. Dans les semaines qui ont suivi, cette campagne a recueilli des milliers de signatures supplémentaires, de sorte qu’il y en avait plus qu’assez pour les soumettre avant la date limite. Le scénario le plus probable maintenant est qu’une élection spéciale aura lieu le 7 décembre.

    La procédure de destitution menace de priver la classe ouvrière de Seattle d’un outil extrêmement précieux. De nombreuses luttes à Seattle ont pu aboutir grâce à cette unique élue qui a porté leur combat dans la salle du conseil en cherchant à les renforcer. La lutte pour taxer davantage les grandes entreprises via la « Taxe Amazon » a été couronnée de succès. Plusieurs millions de dollars ont ainsi été acquis pour lutter contre le sans-abrisme, construire des logements publics abordables et financer un Green New Deal à Seattle. Kshama Sawant a apporté une aide cruciale pour des victoires dans la lutte contre la brutalité policière et le racisme, pour les droits des locataires, la protection de l’environnement et les droits des populations autochtones.

    La campagne visant à la destituer repose sur des accusations montées de toutes pièces selon lesquelles elle aurait abusé de sa position. Dans les faits, c’est son soutien aux mouvements sociaux, notamment Black Lives Matter, qui est visé. Nos camarades de Socialist Alternative feront tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver cette position politique cruciale à Seattle. Ce siège symbolise un programme politique cohérent de lutte et de solidarité pour le socialisme.

  • Kshama Sawant : Pourquoi je rejoins les socialistes démocrates d’Amérique (DSA)


    La réémergence d’un mouvement socialiste aux États-Unis et la croissance rapide d’organisations comme les socialistes démocrates d’Amérique (Democratic Socialists of America, DSA) et Alternative Socialiste (Socialist Alternative, SA) revêtent une importance historique énorme. Cela n’est pas seulement dû au fait que le marxisme commence à s’enraciner à nouveau sur le sol rocailleux du capitalisme américain, mais aussi aux énormes défis auxquels la classe ouvrière est confrontée en cette période.

    Par Kshama Sawant, membre du conseil de la ville de Seattle

    Le capitalisme est confronté à sa pire crise depuis près d’un siècle : les désastres mortels du COVID-19, l’effondrement économique mais aussi la catastrophe climatique. Les désastres que nous avons connus l’année dernière pourraient considérablement empirer si les socialistes et la classe ouvrière ne se montrent pas à la hauteur des tâches historiques qui nous attendent.

    La gauche socialiste est confrontée tout à la fois à des défis et à des opportunités. Nous avons besoin d’un parti de masse des travailleurs, d’un mouvement ouvrier plus puissant et de luttes victorieuses dans notre combat permanent contre la classe des milliardaires. À mon avis, pour progresser, nous devons faire défendre les idées marxistes nécessaires pour obtenir à la fois des gains immédiats dans la crise actuelle et une victoire finale sur l’exploitation et l’oppression du capitalisme.

    En raison de l’urgence de la construction d’un mouvement socialiste plus large, je rejoins maintenant les DSA, tout en restant membre d’Alternative Socialiste. D’autres membres de mon organisation font de même, comme nous l’avons expliqué dans notre article de décembre dernier. La classe ouvrière s’engage dans la lutte, et la gauche socialiste aura besoin d’un débat patient pour atteindre la clarté politique ; j’espère contribuer à ce processus au sein des DSA et je suis enthousiaste à l’idée d’apporter mon expérience en tant qu’élue ouvertement marxiste.

    L’émergence de mouvements de masse

    Ce n’est pas un hasard si, parallèlement à la renaissance des idées socialistes, des mobilisations de masse et des mouvements sociaux imposants ont également vu le jour. Nous avons ainsi assisté aux marches de masse des femmes, qui, bien qu’épisodiques et limitées dans leurs revendications, comportèrent la plus grande journée de protestation de l’histoire des États-Unis.

    Cet été, les manifestations historiques de Black Lives Matter ont éclaté dans le sillage des meurtres brutaux de George Floyd et Breonna Taylor par la police. Le mouvement de protestation BLM 2020 a été le plus important de l’histoire des États-Unis, avec une participation estimée à 20 millions de personnes. Notre lutte contre le racisme et les assassinats policiers sera un combat permanent dans les années à venir, car peu de revendications clés de notre mouvement ont été satisfaites jusqu’à présent. Et le racisme systémique est loin d’avoir pris fin. Une question centrale à laquelle nous sommes confrontés est celle des stratégies que les socialistes peuvent apporter à ce mouvement face à des approches concurrentes, comme la renaissance des idées du capitalisme noir qui, si elles prennent de l’ampleur, affaibliront la capacité à lutter efficacement contre le racisme. Je suis d’accord avec le leader des Black Panthers, Fred Hampton, qui disait : « Nous ne pensons pas que vous pouvez combattre le feu par le feu, mais plutôt par l’eau. Nous allons combattre le racisme non pas avec le racisme, mais avec la solidarité. Nous disons que nous n’allons pas combattre le capitalisme avec le capitalisme noir, mais nous allons le combattre avec le socialisme. »

    Nous assistons également aux débuts d’une renaissance d’un mouvement ouvrier combatif, après des décennies marquées par des directions syndicales désastreuses qui, tout en restant malheureusement la force dominante, commence à être aujourd’hui contestée. C’est ce que nous avons vu avec les grèves des enseignants qui ont balayé les “États rouges” (c.à.d traditionnellement républicains, NdT) à partir de la Virginie occidentale, où une direction s’est développé sur une base de classe et a remporté une victoire cruciale qui s’est étendue ensuite à d’autres États du Sud et au-delà. Cette victoire historique des enseignants de Virginie occidentale n’a été remportée que parce que ce derniers ont refusé l’accord conclu par les hauts dignitaires du syndicat et ont continué à se battre.

    Nous constatons que la jeunesse est à l’avant-garde de tous ces mouvements, y compris bien sûr durant les manifestations historiques pour le climat de 2019.

    Aujourd’hui, les travailleuses et travailleurs de tout le pays assistent à l’incroyable organisation des travailleurs de Bessemer, en Alabama, qui se battent pour imposer la présence syndicale chez Amazon. Une victoire dans cette lutte pourrait envoyer une onde de choc dans tout le pays et faire énormément progresser le processus nécessaire pour reconstruire un mouvement ouvrier combatif. Cela survient à un moment où les milliardaires, comme l’ancien patron d’Amazon, Jeff Bezos, ont gagné plus de 1,1 trillion de dollars grâce à la pandémie, alors que les travailleurs sont confrontés à des conditions dangereuses, à un chômage de masse et à des montagnes de dettes.

    Parallèlement à ces avancées, d’importants débats se sont développés au sein du mouvement socialiste et ouvrier naissant et nous avons subi des pressions accrues. Nous constatons déjà des attaques féroces contre notre mouvement, en particulier de la part des dirigeants du Parti démocrate. Au lendemain des élections de novembre, la députée Abigail Spanberger a imputé la perte de sièges à la politique de gauche, a déclaré aux membres du Parti démocrate : « Ne dites plus jamais ‘socialisme’ ». Il ne fait aucun doute que bien pire a été dit à huis clos. Nous ne devons pas nous faire d’illusions sur le fait que le Parti démocrate, avec Joe Biden à la Maison Blanche, hésiterait à intensifier ses attaques contre les socialistes et les mouvements issus de la classe ouvrière, en particulier au milieu de cette lune de miel d’illusions dans la nouvelle administration démocrate et avec tant de personnes qui redoute de l’affronter. Joe Biden et le Parti démocrate sont contraints de procéder à des dépenses de relance et à d’autres mesures pour éviter l’effondrement de leur système, mais ils chercheront toujours à faire payer la crise à la classe ouvrière.

    À Seattle, nous assistons à la campagne de révocations lancée par la droite contre mon siège au conseil de ville. Il s’agit essentiellement d’une tentative des grandes entreprises et de l’establishment politique pour renverser non seulement notre élection démocratique, mais aussi les nombreuses victoires de notre mouvement en faveur des travailleurs et des communautés marginalisées. Si cette tentative réussit, elle servira à n’en pas douter de tremplin pour de nouvelles attaques contre la gauche, non seulement à Seattle mais aussi au niveau national, et c’est pourquoi il est crucial que nous arrachions une victoire.

    Nous devons nous dresser contre les attaques, d’où qu’elles viennent, que ce soit dans les mouvements de masse, dans le monde du travail, dans les campagnes électorales ou dans le mouvement socialiste lui-même. Que les socialistes le fassent ou non n’est pas une question de principe abstrait, cela peut décider de l’issue des principales luttes. Dans le passé, le mouvement socialiste a malheureusement souvent été affaibli par l’incapacité à s’opposer aux idées et aux forces pro-establishment, par le désir de s’entendre avec de puissants individus “progressistes”, par le manque de clarté concernant les idées du marxisme et par l’influence des carriéristes dans nos rangs.

    Une unité de principe

    L’unité du mouvement socialiste, sur une base de principe, sera cruciale. Nous nous engageons dans des débats sérieux, et parfois acerbes, sur la manière de riposter et d’apporter des stratégies et des tactiques efficaces dans les luttes émergentes, pour les faire avancer et les aider à les mener à la victoire.

    Comme certains lecteurs le sauront sans doute, je suis membre de longue date d’Alternative socialiste, et j’ai été élue en tant que candidate ouvertement socialiste en 2013 avant les campagnes présidentielles de Bernie Sanders ou l’élection des membres de « The Squad » (« la brigade », surnom donné à un groupe d’élue de gauche) comme AOC (Alexandria Ocasio-Cortez). À Seattle, nous avons utilisé notre position élue comme un levier en faveur de la classe ouvrière et des communautés marginalisées afin de construire des mouvements sociaux capables de remporter des victoires historiques.

    La victoire qui a fait de Seattle la première grande ville à passer à un salaire minimum de 15 dollars reposait sur une stratégie socialiste de lutte des classes : sur la construction d’un mouvement de masse et non sur de bonnes relations avec des démocrates progressistes ou des dirigeants d’ONG. Plutôt que de négocier avec l’establishment de la ville, nous nous sommes organisés sans relâche pour construire la force la plus forte possible pour 15 dollars de l’heure. Nous avons lancé la campagne et la coalition « 15 Now », qui a surmonté non seulement l’opposition des grandes entreprises et des démocrates pro-entreprises, mais aussi les instincts prudents des principaux dirigeants syndicaux qui ne voulaient pas entrer en conflit avec l’establishment. Alternative Socialiste et la campagne « 15 Now » ont organisé une série de conférences de masse organisées démocratiquement, ont lancé des comités d’action de quartier, ont organisé des manifestations, puis ont décidé démocratiquement de déposer une initiative de vote populaire afin de pouvoir porter la question devant les électeurs si les membres démocrates du conseil de ville n’agissaient pas.

    Nous avons utilisé cette même stratégie de lutte des classes pour remporter une série de victoires importantes à Seattle, de la Taxe Amazon de l’année dernière pour financer des logements abordables et des programmes de “Green New Deal” à des lois historiques sur les droits des locataires, en passant par l’interdiction, pour la première fois dans le pays, de l’utilisation par la police de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc et d’autres “armes de contrôle des foules” l’année dernière. De nombreux membres des DSA ont apporté une contribution majeure à ces luttes.

    Mais si ces victoires sont importantes, les défis auxquels notre classe est confrontée sont énormes et nous devons nous concentrer sur ce qui est nécessaire : obtenir des changements fondamentaux à l’échelle nationale et mondiale et lutter pour le renversement du capitalisme et pour un monde socialiste. Des questions immédiates se posent à nous concernant la plate-forme popularisée par les campagnes de Bernie Sanders et le mouvement socialiste au sens large.

    Comment lutter et remporter l’assurance maladie pour tous, un New Deal vert, un salaire minimum fédéral de 15 dollars, l’annulation de la dette étudiante et la fin de la brutalité policière et du racisme systémique ? Nous avons obtenu un énorme soutien pour nos revendications, mais sans une stratégie socialiste, les choses pourraient tragiquement en rester au stade de simples slogans. Quel est le meilleur moyen de vaincre l’opposition de la classe dirigeante et de ses représentants dans les deux partis pour faire avancer la lutte pour les 15 dollars, par exemple ? AOC a repoussé l’appel #ForceTheVote for Medicare for All (en faveur d’un système universel de soins de santé) en affirmant que nous devrions nous concentrer sur des revendications « atteignables » comme un salaire minimum fédéral de 15 dollars. Aujourd’hui, les 15 dollars sont abandonnés par Joe Biden, qui a déclaré à un groupe de gouverneurs et de maires la semaine dernière que l’augmentation du salaire minimum de 15 dollars ne se produirait probablement pas.

    Je pense que l’expérience du mouvement socialiste à Seattle ces dernières années en dit long sur ces questions, et nous devons mettre cette expérience en avant dans ces luttes nationales. Nous devons construire à une échelle beaucoup plus large de puissants mouvements sociaux réunissant des millions de personnes derrière une stratégie socialiste pour remporter ces revendications transformatrices.

    Si les socialistes ne mettent pas en avant des stratégies et des tactiques claires, et qu’au lieu de cela, « The Squad » et les autres dirigeants continuent à hésiter à s’opposer au Parti démocrate pour éviter un affrontement, alors nous perdrons. Si les socialistes ne construisent pas des mouvements puissants et intrépides pour un salaire minimum fédéral de 15 dollars, pour un système d’assurance maladie pour tous et pour un Green New Deal, la classe ouvrière ira chercher une direction ailleurs.

    Nous ne vaincrons pas la dangereuse croissance du populisme de droite et de l’extrême droite aux États-Unis et dans le monde sans construire une alternative de gauche de masse. Car si Trump est parti, le trumpisme est bien vivant et peut se développer rapidement sous l’administration actuelle, alors que Joe Biden s’éloigne de ses promesses progressistes et défend les intérêts des grandes entreprises.

    Il existe une longue histoire d’organisations comportant diverses tendances en son sein dans le mouvement socialiste. Les DSA représentent aujourd’hui la deuxième plus grande organisation socialiste de l’histoire des États-Unis, certaines de ses tendances politiques s’identifient comme marxistes (avec des interprétations différentes) et d’autres non. Alternative Socialiste est explicitement une organisation révolutionnaire, internationaliste et marxiste qui fait partie d’Alternative Socialiste Internationale, qui comporte des organisations sœurs dans 30 pays à travers le monde.

    Je crois que le mouvement socialiste a besoin de ces deux types d’organisations, et je suis donc très heureux d’être membre d’Alternative Socialiste et des DSA.

    Les débats au sein du mouvement socialiste

    D’importants débats ont lieu en ce moment chez les DSA de Seattle ainsi qu’au niveau national. Récemment, lors d’une discussion à Seattle, certains dirigeants d’un caucus des DSA se sont prononcés contre l’inclusion d’un appel à la propriété publique démocratique des grandes entreprises énergétiques. Bien que je n’aie pas assisté à ce débat, j’ai été très déçue d’apprendre que ce point essentiel avait été rejeté. Je pense que la section locale des DSA devrait réexaminer la question. L’appel à la propriété publique démocratique des grandes entreprises est depuis longtemps au cœur des idées socialistes. Dans le cas des grandes entreprises énergétiques, sans contrôle démocratique des travailleurs, nous n’avons aucun espoir d’éviter le désastre climatique. Cela a été brutalement mis en évidence au début de ce mois avec l’effondrement du réseau énergétique déréglementé et axé sur le profit du Texas.

    L’objectif des marxistes, bien sûr, n’est pas seulement la propriété d’une entreprise ou d’une autre, mais des sommets de l’économie dans son ensemble, afin de développer une économie socialiste durable et rationnellement planifiée, dirigée démocratiquement par les travailleuses et travailleurs eux-mêmes. Nous savons que le capitalisme ne pourra jamais être mis au service des intérêts des travailleurs, des communautés marginalisées ou de la planète. C’est un système en crise, qui entraîne rapidement la civilisation humaine vers le précipice.

    En tant que marxistes, nous nous battons pour la fin complète de ce système et de son État répressif – qui n’est pas une entité neutre ou réformable, mais essentiellement un appareil violent de « corps d’hommes armés », y compris bien sûr des forces de police racistes. Nous devons construire une société sans classes, basée sur la solidarité et l’égalité, avec une économie gérée et planifiée démocratiquement, où la classe capitaliste ne pourra pas voler la richesse créée par les travailleuses et travailleurs.

    La question de la propriété publique démocratique est cruciale et celles et ceux qui s’y opposent doivent expliquer s’ils pensent que le capitalisme peut être réformé.

    Je crois que les socialistes ont également besoin d’une discussion au niveau national sur la façon de construire un nouveau parti pour les travailleurs aux États-Unis, parce que nous avons besoin d’une organisation beaucoup plus large de la classe ouvrière, qui dépasse la gauche socialiste. Le soutien à un troisième parti est à son plus haut niveau dans l’histoire des sondages, selon un nouveau sondage Gallup. Et il y a une réelle urgence, car si nous ne construisons pas un parti pour les travailleurs, les mesures politiques imminentes du Parti démocrate au nom des grandes entreprises donneront un nouvel élan à la croissance de l’extrême droite, en l’absence de toute alternative de gauche.

    Construire un nouveau parti de masse ne sera pas facile, mais c’est absolument nécessaire car le Parti démocrate est sous la ferme emprise de la classe capitaliste. L’idée popularisée par une partie de la gauche est que les socialistes peuvent « prendre le contrôle du parti ». Mais cela représente une terrible sous-estimation de la résistance de l’establishment et du fait que le Parti démocrate est complètement antidémocratique et qu’il n’existe aucun mécanisme pour le prendre en charge.

    Nous avons vu ce que les dirigeants du Parti démocrate étaient prêts à faire pour arrêter Bernie Sanders et son appel à une « révolution politique ». Par deux fois ! Nous avons également vu avec quelle fermeté ils contrôlent tous les leviers du pouvoir au sein du parti.

    Nous avons vu de près à Seattle toutes les tactiques pourries de l’establishment pour défendre Amazon et les grandes entreprises, parallèlement aux attaques contre les mouvements sociaux tels que Black Lives Matter l’été dernier. Nous voyons maintenant comment les démocrates, tant à Seattle qu’ailleurs, sont au coude à coude dans leurs efforts pour saper ou supprimer progressivement la taxe sur Amazon.

    Je crois que notre mouvement doit s’efforcer de discuter de nos différences de manière fraternelle en fonction des problèmes. Nous devons chercher à trouver une clarté et un accord politiques là où cela est possible, en nous basant toujours sur les besoins de la classe ouvrière et des communautés marginalisées et sur la manière dont nous pouvons le plus efficacement construire nos mouvements.

    J’attends avec impatience les discussions à venir, à Seattle et au niveau national, alors que nous nous efforçons de relever les défis historiques auxquels nous sommes confrontés. Nous devons travailler ensemble de toute urgence en cette période de crise profonde, afin de lutter pour un changement transformateur et d’accroître la conscience et la confiance de notre classe dans la lutte pour un type de société différent.

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