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Tag: Kshama Sawant
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Kshama Sawant : «Pourquoi je ne me représenterai pas au conseil de Seattle»
En 2013, Kshama Sawant est parvenue à être élue au conseil de ville de Seattle (organe qui regroupe 9 personnes élues par district au côté du maire pour gérer la ville, sans majorité ou opposition définie). C’était la première fois qu’une marxiste était élue dans une grande ville américaine depuis un siècle. Avec son parti, Socialist Alternative, elle a inlassablement utilisé cette position élue pour construire un rapport de force à la base et encourager des luttes autour de revendications comme celle d’un meilleur salaire minimum. En dépit de son isolement politique au sein du conseil, la pression des mouvements de lutte a permis d’arracher plusieurs victoires importantes. La classe dirigeante n’a cessé de mener bataille contre elle et contre Socialist Alternative, même Jeff Besos a fait un point d’honneur de la vaincre. Sans succès. Il y aura à nouveau une échéance électorale cette année, mais notre camarade Kshama n’y participera pas. Elle explique les raisons de cette décision ci-dessous.
Cet article a été initialement publié par The Stranger.
C’est maintenant la dixième année que j’ai l’honneur de servir en tant que représentante élue des travailleurs de Seattle.
Les travailleuses et travailleurs de Seattle, en s’organisant aux côtés de mon bureau socialiste au conseil de ville et de mon organisation, Socialist Alternative, ont remporté des victoires historiques, du salaire minimum de 15 dollars de l’heure à la « taxe Amazon » en passant par des droits historiques en faveur des locataires.
Ces victoires ont constitué un puissant exemple à l’impact national et même international.
Au cours de nos quatre victoires électorales et dans chaque combat, nous avons dû surmonter la puissance combinée des grandes entreprises, des médias capitalistes et de l’establishment politique. À chaque fois, les travailleuses et travailleurs ont refusé de reculer, et nous l’avons emporté, encore et encore.
C’est la leçon la plus importante de notre exemple de politique socialiste à Seattle. Lorsque les travailleuses et travailleurs ainsi que la jeunesse s’organisent et se battent, la victoire est possible. Aucun progrès social significatif ne peut être gagné sous le capitalisme sans affronter l’opposition vicieuse des riches et de leurs serviteurs politiques. Au lieu de reculer, nous devons construire l’unité de la classe travailleuse et riposter férocement et fièrement.
Une classe capitaliste rapace et parasitaire a amassé des fortunes incalculables grâce au travail de milliards de travailleuses et travailleurs. Mais leur système est en crise profonde, et il ne peut se maintenir en place. Il continue d’éviscérer le niveau de vie des gens ordinaires avec des niveaux d’inflation historiques, et plus de 800 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide. La droite est à l’attaque contre le droit à l’avortement et contre les droits des personnes LGBTQIA+.
L’avenir de la civilisation humaine est sur le fil du rasoir avec la menace existentielle de la catastrophe climatique. Les travailleuses et travailleurs ainsi que la jeunesse ne peuvent pas se permettre le statu quo politique favorable aux grandes entreprises.
Lors de mon investiture en 2014, j’ai déclaré : « Laissez-moi être absolument clair : il n’y aura pas d’accords pourri dans les coulisses avec les grandes entreprises ou leurs serviteurs politiques. Je ne vendrai pas le peuple que je représente. »
Notre équipe socialiste au Conseil de ville s’y est tenu. Il est extrêmement regrettable qu’excessivement peu d’autres élus dans ce pays puissent en dire autant.
Depuis mon élection en 2013, plus de deux cents candidats se déclarant « socialistes démocratiques » ont été élus au niveau national. Mais malheureusement, à de rares exceptions près, l’écrasante majorité d’entre eux ont abandonné leurs promesses de campagne et n’ont pas réussi à tenir tête à l’establishment politique.
Pas plus tard que le mois dernier, nous avons assisté à la trahison historique et honteuse des cheminots par les membres du Congressional Progressive Caucus (aile « progressiste » du Parti démocrate, NdT), y compris sa présidente Pramila Jayapal et les membres de The Squad (la brigade, un groupe d’élus démocrates progressistes) autoproclamée « socialistes démocratiques » comme Alexandria Ocasio-Cortez (AOC).
La grève des cheminots a été brisée avec le concours de prétendus progressistes du Congrès, ce qui n’est pas seulement une atteinte aux cheminots, c’est une véritable trahison de l’ensemble de la classe ouvrière.
De telles trahisons ont des conséquences encore plus sinistres. Cela donne un espace à la droite, comme nous l’avons vu avec ces cinq sénateurs républicains qui ont hypocritement voté contre le projet de loi briseur de grève, afin de se prétendre du côté des cheminots.
Ces républicains – qui en réalité servent ouvertement les intérêts des riches – s’autorisés à prétendre que leur parti est le parti des travailleurs. Comment est-ce possible ? Uniquement parce que le parti démocrate se dirige de plus en plus vers la droite dans son soutien loyal à l’élite capitaliste.
Il est profondément regrettable que ce soit le Freedom Caucus de droite qui ait démontré comment utiliser l’effet de levier à la Chambre des représentants pour imposer des concessions à l’establishment, plutôt que The Squad. Avec l’échec continu de tout véritable leadership à gauche, la lutte pour la présidence de la Chambre des représentants a révélé à quel point le courant de droite peut rapidement et dangereusement combler le vide. Il s’agit d’un rappel effrayant de la manière dont Trump a remporté son élection en premier lieu.
Les travailleuses et travailleurs ainsi que la gauche ne peuvent pas rester sans rien faire et attendre à la merci de volonté d’élus soi-disant progressistes. Nous ne pouvons pas nous en remettre à AOC ou Pramila Jayapal, même si je comprends que beaucoup entretenaient des espoirs envers leur action.
AOC a récemment déclaré qu’elle ne pouvait pas se battre contre les dirigeants démocrates au nom des travailleuses et travailleurs car cela causerait un « préjudice relationnel » avec les dirigeants du parti. Qu’en est-il du très réel préjudice né de l’absence de combat pour nos intérêts de classe ?
Pendant ce temps, l’organisation qui devrait exiger des comptes à AOC et aux élus de The Squad, les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), semble ne pas vouloir le faire. Cela ne me fait pas plaisir de le dire, car je suis actuellement également membre des DSA. Mais l’attitude de la direction des DSA a essentiellement consisté en une couverture de l’égarement de The Squad.
Nous faisons face à un véritable vide de direction à gauche, localement et nationalement.
Nous avons besoin d’un nouveau parti pour et par la classe travailleuse, un parti qui rend les élus responsables, qui repose sur les mouvements sociaux, qui s’organise aux côtés des travailleuses et travailleurs dans les rues et sur les lieux de travail.
Les élections ne sont pas la seule, et encore moins la première, voie vers le changement politique, car le système politique est pourri de fond en comble dans un régime capitaliste. Aujourd’hui, alors que la crise mondiale s’aggrave, la pourriture s’étend de plus en plus profondément, et la menace d’une corruption accrue par l’extrême droite pèse sur nous tous. En Inde, le pays où je suis né, l’extrême droite est au pouvoir et se consolide rapidement. Aux États-Unis, les élections de mi-mandat n’ont été qu’un sursis temporaire, à moins que nous nous organisions.
Le capitalisme doit être renversé. Nous avons besoin d’un monde socialiste. Et cela n’est possible qu’en mobilisant plusieurs millions de travailleuses et travailleurs autour d’idées socialistes authentiques et en luttant sans relâche pour nos intérêts en tant que classe.
Mais la tâche de reconstruire la lutte des classes en Amérique ne mènera à rien si les jeunes et la base du mouvement ouvrier ne comprennent pas clairement le rôle du parti démocrate et la nécessité d’un nouveau parti qui nous serve nous, et non les riches.
Les travailleuses et travailleurs doivent reconnaître que nous devons nous battre indépendamment des deux partis des grandes entreprises et des dirigeants qui leur trouvent des excuses.
L’année dernière, des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs se sont battus pour syndiquer leur lieu de travail ou ont fait grève pour obtenir un bon contrat, que ce soit chez Amazon, Starbucks ou l’Université de Californie. Nous avons vu la victoire historique des travailleuses et travailleurs d’Amazon à New York par le nouveau syndicat d’Amazon. L’année précédente, nous avons assisté à « Striketober » (une vague de grèves durant le mois d’octobre, NdT), qui a compris des batailles historiques comme la grève de John Deere, et ici à Seattle la grève des Pacific Northwest Carpenters dans la construction.
Il y a moins de trois ans, nous avons assisté au plus grand mouvement de protestation de rue de l’histoire des États-Unis : la lutte de Black Lives Matter à la suite du meurtre de George Floyd par la police.
Les travailleuses et travailleurs veulent riposter, mais nous devons être mieux organisés. Nous avons besoin d’un mouvement à l’échelle nationale : une campagne indépendante de la base qui s’organise sur les lieux de travail et dans les rues.
Ce sont les syndicats progressistes qui devraient utiliser leurs ressources pour lancer un tel mouvement, comme l’ont fait les syndicats au Royaume-Uni avec la campagne « Enough Is Enough ». Mais cela ne s’est pas produit. Malheureusement, la plupart des dirigeants syndicaux de ce pays sont étroitement liés à l’establishment démocrate, ils ont peur de dénoncer les Démocrates, de présenter des candidats indépendants et de mettre en place de puissantes actions de grève basées sur des revendications audacieuses. Ils ont peur de faire des vagues.
C’est pourquoi, avec Socialist Alternative et d’autres, j’annonce le lancement d’un tel mouvement national, Workers Strike Back, au lieu de me présenter à nouveau aux élections dans le district 3 de Seattle. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait qu’un mouvement de masse puisse être construit du jour au lendemain, mais il est urgent de poser les premiers pas.
Les travailleuses et travailleurs ont fait de cette ville un puissant exemple au travers de divers mouvements de lutte. Il est temps de s’appuyer sur cet exemple au niveau national pour élargir et renforcer la lutte des classes.
Workers Strike Back sera lancé début mars dans plusieurs villes du pays : de Seattle à New York, de Chicago à Minneapolis, d’Oakland à Houston et au-delà.
Ici, à Seattle, nous organiserons un rassemblement de lancement le 4 mars. Rejoignez-nous. Les principales revendications de Workers Strike Back sont les suivantes :
- Les travailleurs ont besoin d’une véritable augmentation de salaire
- De bons emplois syndiqués pour toutes et tous
- Luttons contre le racisme, le sexisme et toutes les oppressions
- Un logement de qualité à prix abordable et des soins de santé gratuits pour toutes et tous
- Plus de trahison : il nous faut notre propre parti
Vous pouvez lire notre programme complet sur notre site web, et toutes celles et ceux qui sont d’accord doivent signer la pétition et la partager largement.
Parallèlement à Workers Strike Back, nous lancerons une émission vidéo pour faire connaître la politique et la stratégie socialistes aux travailleurs au niveau national et international. Cette émission vidéo, que je vais aider à animer, s’appellera On Strike, et elle commencera à être diffusée cet été.
De plus en plus, les médias qui se disent indépendants et de gauche ont détourné le regard ou ont activement couvert les politiciens qui trahissent les travailleuses et travailleurs. Cela a un prix réel, car cela crée de la confusion et de la démoralisation, trahissant effectivement les travailleurs une seconde fois.
Une dernière chose : même si je suis sûr que les entreprises de Seattle seront très heureuses d’apprendre que je ne me représente pas, elles ne devraient pas se précipiter pour mélanger leurs martinis, car nous n’en avons pas fini.
Mon bureau au conseil de ville continuera à se battre sans relâche pour les travailleuses et travailleurs jusqu’à la fin de mon mandat. Nous soumettrons le contrôle des loyers au vote et, aux côtés de notre nouvelle organisation, Workers Strike Back, nous construirons notre mouvement pour les droits des locataires et des travailleuses et travailleurs. Et lorsque ce mandat sera terminé, nous continuerons à perturber la paix politique à Seattle, ainsi qu’au niveau national, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôtel de ville.
J’invite les jeunes, les travailleurs et les membres de syndicats à rejoindre Workers Strike Back !
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USA. Les cheminots trahis par Joe Biden et la « Squad »
Quand Alexandra Ocasio Cortez et d’autres membres de la « Squad » (groupe de six membres démocrates de la Chambre des représentants des États-Unis, initialement composé de quatre femmes élues lors des élections de 2018 : Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib) ont été élues, la plupart l’ont été en s’identifiant elles-mêmes comme des « Socialistes démocratiques ». Elles s’étaient présentées en défendant des revendication orientées vers la classe travailleuse incluant les soins de santé pour tou.te.s et un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Elles avaient juré qu’elles rendraient leurs comptes à la classe des travailleurs et aux personnes opprimées.
Par Kshama Sawant, Socialist Alternative (ASI-USA)
Au cours de la première année qui a suivi l’investiture de Joe Biden, alors que les démocrates disposaient du contrôle des trois branches du gouvernement, les membres de la Squad (rejointes par Jamaal Bowman et Cori Bush) ont renié les deux premiers engagements, tout d’abord en refusant d’imposer un vote concernant la couverture médicale universelle (Medicare for All) et ensuite en rejetant toute forme de combat en faveur du salaire minimum de 15 dollars.
Aujourd’hui, la troisième de leurs promesses s’est totalement évaporée, avec la décision des membres de la « Squad » (à une exception près) de franchir le piquet de grève et de voter avec une majorité de démocrates mais aussi de républicains pour casser la grève des travailleuses et travailleurs du rail en leur retirant le droit d’interrompre légalement le travail (en cas de maladie). Ce faisant elles ont ouvertement pris le parti des rois de la mine et du rail face aux cheminot.e.s qui subissent des conditions de travail intolérables depuis des décennies. Il s’agit d’une profonde trahison envers des travailleuses et travailleurs.
Des années de négociations entre 12 syndicats représentant 115.000 travailleurs du rail et une poignée d’entreprises qui contrôle 90% du trafic de fret (ainsi que des lignes qui servent aux trains de voyageurs) ont ainsi été brutalement interrompues sous la houlette d’un président Démocrate qui se décrit comme étant « pro-travailleurs » et de la « gauche » de son Parti.
La « Squad » et le « Congressional Progressive Caucus » (Caucus progressiste du Congrès, caucus du Congrès affilié au Parti démocrate fondé en 1991 et représentant sa faction la plus « progressiste »), dont sa représentante Pramila Jayapal, ont tenté de se démarquer à gauche en votant pour un deuxième projet de loi incluant la revendication-clé des cheminot.e.s, à savoir un congé maladie payé, à côté de la motion de base qui visait à étouffer la grève.
Ce tour de passe-passe ne doit tromper personne : il était en effet de notoriété publique que le projet de loi sur les congés de maladie serait tué dans l’œuf au Sénat dès le lendemain (ce fut effectivement le cas) et que tout ce qu’il resterait serait une grève brisée.
Des conditions calamiteuses pour les cheminot.e.s
Les travailleuses et travailleurs de quatre syndicats qui représentent ensemble la majorité de la main-d’œuvre avaient rejeté le contrat proposé. Mais les votes de 80 sénateurs et 290 représentants des États-Unis ont suffi à imposer l’accord voulu par les magnats du rail. Ce résultat était celui sur lequel les patrons coptaient depuis le début, sachant qu’ils tiennent tant le parti républicain que le parti démocrate dans le creux de leur main.
L’immense pression à laquelle les cheminot.e.s sont soumis.es après des années de réductions de personnel est largement documentée. Cependant, le président Biden, avec une hypocrisie consommée, a prétendu agir au nom des millions de travailleurs et travailleuses qui auraient pu être lésés si la grève avait suivi son cours.
Malgré le fait que les rayons des magasins soient déjà remplis pour Noël, les démocrates ont sous-entendu que la nécessité que les autres travailleuses et travailleurs puissent « profiter de leurs vacances » l’emportait sur le besoin des cheminot.e.s d’avoir un quelconque contrôle sur leurs vies, leur vie de famille ou leur santé. Mais cette logique est tout à fait perverse. Une victoire pour le personnel du rail en aurait été une pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses des USA, de plus en plus victimes du surmenage, de plus en plus forcé.e.s à vivre pour travailler plutôt qu’à travailler pour vivre.
Après le vote, un cheminot et dirigeant syndical à la retraite a écrit ceci : « Il ne s’agit pas seulement d’argent. C’est une question de qualité de vie. La presse vous fait croire qu’une augmentation de 25% sur 5 ans, c’est beaucoup. Ce n’est pas le cas, pas quand l’inflation est de 8 à 10% par an. Ça ne permet même pas le statut quo. Mais le plus gros problème est la qualité de vie. Le transport de fret fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Presque tous les employés des trains travaillent sur appel, avec un délais de 2 heures ou moins pour se rendre au travail, sans compter le temps de déplacement. Avec les coupes de personnel massives de la dernière période, tout le monde doit vivre à côté de son téléphone. Il n’est pas rare que les employés de certains chemins de fer travaillent 3 semaines ou plus sans autre temps de repos que les périodes de repos prescrites par le gouvernement fédéral entre les quarts de travail (dont la plupart sont des périodes de sommeil). De nombreux employés ont fait l’objet de sanctions disciplinaires, c’est-à-dire de suspensions sans salaire. Dans certains cas, on leur a même refusé la possibilité d’assister à des funérailles familiales sous la menace d’une suspension et/ou d’un licenciement. C’est pourquoi les employés se battent cette fois-ci. Trop, c’est trop. »
C’est dans ce contexte qu’a été négocié l’accord de principe de Biden, dont la seule amélioration consistait en un seul jour de congé, lui-même miné par des conditions absurdes : il ne peut avoir lieu que le mardi, le mercredi ou le jeudi et doit être programmé 30 jours à l’avance.
Malgré les appels lancés par certains membres de la gauche en faveur d’une grève sauvage illégale, l’incapacité absolue des dirigeant.e.s syndicaux à mobiliser ou à préparer une action de grève rend cette option extrêmement difficile pour leurs membres, malgré la vive colère de milliers de travailleuses et travailleurs face à cette attaque brutale contre leurs droits. Les dirigeant.e.s syndicaux ont préféré s’en remettre à leur stratégie bien éprouvée et dont l’expérience montre qu’elle mène à un cul de sac : supplier les politiciens du parti démocrate de prendre leur défense.
Il n’est bien sûr pas exclu que les cheminot.e.s entreprennent une action indépendante face à cette trahison, auquel cas Socialist Alternative sera là pour les soutenir à chaque étape. Pour mener à bien une riposte à l’ampleur nécessaire, il faut que des structures d’organisation indépendantes et démocratiques soient immédiatement mises en place, que des comités de grève soient élus dans les différentes sections locales et qu’une caisse de grève soit constituée rapidement.
La capitulation de la « Squad » et les DSA
Lorsqu’il est devenu évident que le Congrès serait invité à intervenir pour empêcher la grève, Bernie Sanders a cherché des moyens procéduraux d’atténuer le choc de cette défaite pour les travailleuses et travailleurs. Sa solution a été d’inclure un amendement donnant aux travailleurs sept jours de congés maladie payés, soit un peu moins de la moitié de la revendication initiale du personnel. À sa décharge, Bernie a été très clair dès le début : sans cet ajout, il ne voterait pas pour imposer l’accord de principe, et lorsque son amendement a échoué, il a voté “non”.
Il est tout à fait honteux que l’on ne puisse pas en dire autant d’Alexandra Ocasio Cortez et de la majorité de la « Squad » à la Chambre, qui ont voté pour écraser la grève, sauf un. Alexandra Ocasio Cortez a justifié son vote en affirmant qu’elle se battait « bec et ongles » pour les jours de congé de maladie supplémentaires. Jamaal Bowman a affirmé qu’il « se battait toujours en solidarité avec les travailleurs ». Mais ce que le « Congressional “Progressive” Caucus » a fait, c’est une escroquerie. Ils se sont entendus avec Pelosi pour séparer le vote en deux, promettant leurs quelque 100 voix sur cet accord de principe en échange d’un vote séparé sur l’amendement relatif au congé de maladie, dont ils savaient pertinemment qu’il serait écrasé au Sénat. Il n’a fallu qu’une seule journée pour confirmer la brutale réalité : la majorité de la « Squad », en collaboration avec les dirigeants du « Congressional Progressive Caucus », a trahi les travailleurs et travailleuses du rail tout en leur faisant miroiter des jours de congé de maladie payés.
Le 30 novembre, le Comité National des DSA (Socialistes démocratiques d’Amérique, dont est membre AOC) a publié une déclaration de soutien au personnel du rail qui comportait cette phrase : « Tout membre du Congrès qui vote oui à l’accord de principe se range du côté des milliardaires et impose aux travailleuses et travailleurs du rail un contrat qui ne répond pas à leur demande pressante de jours de congé maladie payés. » Que dire alors de leurs propres membres et de leurs élu.e.s au Congrès qui ont voté ainsi ? Ce que cette déclaration implique, et ce que les actions de la « Squad » prouvent définitivement, c’est que ces élu.e.s font partie de l’État capitaliste et se considèrent comme tels, comme membres de l’État qui agit pour les milliardaires et contre les intérêts de la majorité, la classe ouvrière.
On ne peut pas être un.e socialiste et un.e briseur.euse de grève. Les DSA doivent arrêter de prétendre que la « Squad » est socialiste et leur exclusion de l’organisation devrait suivre. A défaut, la trahison de la « Squad » envers la classe ouvrière deviendra la trahison des DSA eux-mêmes.
Le danger inhérent à cette capitulation, au-delà des dommages évidents à la qualité de vie des cheminot.e.s, est qu’elle poussera les travailleurs et travailleuses dans les bras de la droite qui pourra se poser en alternative politique de la classe ouvrière face aux démocrates. Le fait que plus de sénateurs républicains ont voté contre l’imposition de l’accord de principe que de démocrates le démontre de manière étourdissante.
La tâche de construire une alternative de gauche et de la classe ouvrière à la politique “progressiste” du Parti Démocrate à la solde des grandes entreprises n’a jamais été aussi urgente qu’aujourd’hui.
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USA. Agir MAINTENANT pour défendre le droit à l’avortement – Déclaration de Kshama Sawant

Le jour où la Cour suprême a annoncé qu’elle révoquait le jugement Roe v Wade, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans tout le pays. Cette décision honteuse de la droite va à l’encontre du soutien à l’avortement légal de la majorité des travailleuses et travailleurs américains. Mais les manifestations ont également très clairement montré que des millions de personnes sont enragées par l’échec total des démocrates à riposter et par l’idée que tout ce que nous devons faire maintenant est de voter démocrate aux élections de novembre.Par Kshama Sawant, élue au Conseil de ville de Seattle, membre de Socialist Alternative (ASI-USA)
À New York, plus de 20.000 personnes ont défilé avec colère dans Manhattan, sous la conduite de Socialist Alternative et d’autres groupes et syndicats de gauche. L’énergie de la manifestation était si féroce que la marche a duré quatre heures.
À Fayetteville, dans l’Arkansas, des centaines de personnes ont manifesté dans le centre-ville pour réclamer une alternative féministe socialiste au féminisme libéral en faillite.
À Houston, où Socialist Alternative a lancé un appel à des manifestations de masse devant le palais de justice fédéral, cinq mille personnes ont participé à la manifestation. Dans une vidéo maintenant virale de la manifestation, on peut voir le démocrate Beto O’Rourke, qui s’est présenté en demandant un temps de parole, baisser la tête de honte alors que la foule autour de lui scandait “Voter démocrate ne suffit pas ! Démocrates nous voyons votre bluff !”
Dans chaque ville où Socialist Alternative a organisé des manifestations, nos membres rapportent que les foules étaient pleines de jeunes gens furieux non seulement de la barbarie évidente de la droite, mais aussi de l’incapacité et du refus des démocrates de défendre même les droits fondamentaux.
Des démocrates qui ne font rien
Il n’a pas échappé aux gens qu’immédiatement après la décision de la Cour suprême, le parti démocrate au pouvoir, plutôt que de se battre pour codifier l’arrêt Roe v Wade ou mettre en œuvre des ordres exécutifs visant à protéger le droit à l’avortement que la grande majorité de la société soutient, a préféré mettre en place un show de « God Bless America » sur les marches de la Cour suprême. Aussi comique que cela puisse paraître, c’est réellement ce qui s’est passé.
Quelques heures après la révocation de l’arrêt Roe, les e-mails de collecte de fonds des démocrates ont commencé à arriver comme une avalanche. « S’il vous plaît, je n’ai jamais eu autant besoin de votre soutien qu’aujourd’hui. Pouvez-vous contribuer à hauteur de 15 dollars pour que nous puissions gagner ces élections de mi-mandat en novembre et codifier enfin les droits reproductifs dans la loi ? » a écrit Nancy Pelosi. « Pouvez-vous vous précipiter pour faire un don, quel qu’en soit le montant, afin de stopper l’extrême-droite et d’élire un Congrès favorable aux droits en matière d’avortement cette année ? » a demandé le congressiste David Cicilline.
Ces plaidoyers insultants des démocrates pour obtenir de l’argent et des voix suscitent la colère générale des jeunes. Comme l’a exprimé une jeune femme « c’est comme si l’on nous demandait d’adhérer encore une fois à un système défaillant dans l’espoir qu’il se répare de lui-même ; ce ne sera pas le cas. »
Nous devons agir MAINTENANT
Les démocrates, avec leur contrôle de la Maison Blanche et leur majorité au Congrès, ont la possibilité de prendre des mesures significatives – s’ils en avaient la volonté politique – pour surmonter cette attaque de la droite.
À l’instant même, Biden pourrait
- Signer un décret autorisant l’ouverture de cliniques d’avortement sur les terres fédérales dans les plus de 20 États où l’avortement est interdit. Les cliniques seraient alors libres de fonctionner dans des bâtiments fédéraux ou des cliniques mobiles pourraient être installées sur tout terrain fédéral.
- Rendre la pilule abortive accessible dans tout le pays en utilisant les directives de la FDA (l’agence de la santé américaine) pour écarter toute restriction des États.
- Élargir l’accès aux services de télémédecine pour l’avortement et utiliser le contrôle fédéral du système postal pour garantir que les envois de pilules abortives ne soient pas restreints.
Au-delà de cela, Biden et les dirigeants démocrates de la Chambre et du Sénat peuvent se battre bec et ongles pour codifier l’arrêt Roe et adopter des lois sur la protection de la santé des femmes. Ils peuvent également abroger de toute urgence taxer les milliardaires afin d’augmenter massivement le financement des cliniques qui plient aujourd’hui sous une demande accrue.
En plus de ces mesures qui feraient une différence spectaculaire dans la capacité des gens à accéder aux avortements, nous avons également besoin d’une multitude de services sociaux pour garantir que les gens puissent se permettre d’avoir des enfants quand ils le souhaitent.
Cela signifie une transition immédiate vers l’assurance-maladie pour tous au niveau fédéral, afin de rendre gratuits tous les soins liés à la reproduction et à l’affirmation du genre. Cela implique de rétablir les allocations familiales de l’époque de la pandémie, de se battre pour des services de garde d’enfants universels et des écoles publiques entièrement financées, le tout financé par l’imposition des riches.
Plus d’excuses
La congressiste démocrate de gauche Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) a raison de dire : « Le président et les leaders démocrates ne peuvent plus s’en tirer avec les tactiques familières des ‘comités’ et des ‘études’ pour éviter de s’attaquer de front à nos crises. » Elle a demandé à Biden de prendre des mesures exécutives immédiates pour protéger l’accès à l’avortement et je suis tout à fait d’accord avec elle. Mais comme nous l’avons appris par l’expérience d’AOC et des autres élues de The Squad (la brigade, surnom donné à diverses élues de gauche au Congrès), demander simplement aux démocrates capitaliste d’agir ne sera jamais suffisant. Les presque neuf années d’existence de Socialist Alternative à Seattle ont montré que nous devons construire un mouvement suffisamment puissant pour forcer les politiciens démocrates à agir, malgré leur opposition.
Comme Cori Bush l’a fait avec le moratoire sur les expulsions, AOC, Bernie et d’autres membres de The Squad devraient appeler à une installer une occupation devant la Maison Blanche pour exiger que Biden utilise une action exécutive visant à ouvrir des cliniques d’avortement sur les terres fédérales et élargir l’accès aux pilules abortives. Nous pouvons organiser des manifestations de soutien devant les bâtiments fédéraux dans les villes du pays.
Si les dirigeants démocrates refusent toujours d’agir, nous devrons intensifier la pression en organisant des manifestations et des actions directes dans les bureaux des dirigeants démocrates. Après la fuite du projet de jugement de la Cour suprême en mai dernier, Socialist Alternative a organisé des sit-in dans les bureaux des dirigeants démocrates Pelosi et Schumer. Des milliers de personnes ont suivi les retransmissions en direct, les encourageant avec enthousiasme. C’est le type d’action que nous devrons mener si nous voulons sérieusement forcer les démocrates à agir.
Lutter pour les villes sanctuaires
Pendant que nous intensifions nos demandes envers les démocrates pour qu’ils adoptent des mesures immédiates au niveau fédéral, il y a des combats cruciaux que nous pouvons mener au niveau de l’État et au niveau local pour garantir l’accès à l’avortement aux résidents et aux visiteurs étrangers.
À Seattle, j’ai déposé une loi faisant de Seattle une ville sanctuaire pour toute personne risquant une sanction légale dans son État d’origine pour avoir cherché ou fourni un avortement. Si elle est adoptée, cette loi empêchera la police de Seattle d’arrêter des personnes, qu’il s’agisse de patientes, de médecins ou d’autres prestataires de soins, pour des mandats non exécutés liés à des lois anti-avortement dans d’autres États. Nous présenterons également une loi sur le budget populaire pour rendre l’avortement gratuit à Seattle pour les personnes voyageant depuis des États ayant des lois anti-avortement ainsi que pour les résidents de Seattle, financée par l’augmentation de la taxe Amazon que nous avons gagnée en 2020.
Il faut se battre pour des législations similaires dans d’autres villes. Notre bureau au Conseil de la ville de Seattle est heureux de constituer une ressource de projets de loi et de débattre des meilleures stratégies pour construire une pression populaire.
Nous avons besoin d’un mouvement de masse indépendant du parti démocrate
Afin de répondre à l’assaut des attaques vicieuses de la droite, nous avons besoin d’un mouvement de masse indépendant qui puisse servir de base aux jeunes et aux travailleurs qui cherchent un moyen de riposter.
Comme l’écrivait Socialist Alternative le jour de la décision de la Cour suprême : « Avec une absence totale de leadership du parti démocrate ou des ONG libérales, stopper la droite dans son élan nécessitera un mouvement complètement indépendant de jeunes et de travailleurs. Ce mouvement doit avoir des objectifs politiques clairement définis, des structures démocratiques et une indépendance totale vis-à-vis des démocrates. »
Nous devons présenter des candidats socialistes et ouvriers indépendants comme une étape immédiate vers la construction d’un nouveau parti pour les travailleurs et les jeunes qui se battra sans ambiguïté pour nos intérêts.
Je demande à tous les autres élus socialistes, à tous les dirigeants syndicaux et à tous les dirigeants du mouvement social de se joindre à moi pour appeler à un mouvement de masse démocratique, à de nouvelles organisations de masse de lutte et à une rupture définitive avec le parti démocrate pourri qui a permis à la droite de mener cette guerre contre notre autonomie corporelle.
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La « Bataille de Seattle ». Choc des titans entre le capital et les marxistes à la pointe de la lutte sociale

Seattle est une ville en crise. Au cours des dix dernières années, les prix des logements ont augmenté de 93 %. Rien que l’an dernier, les loyers se sont envolés de 25 % ! La ville est pourtant très riche ; Amazon, Starbucks et Microsoft y ont leur siège social. Mais à l’ombre de leurs gratte-ciel, on trouve des milliers de campements de fortune tandis qu’une épidémie de drogue fait rage. Les inégalités sautent aux yeux et font mal au cœur.Par Koerian
Des victoires concrètes arrachées de haute lutte
La force qui a le plus fait obstacle à cette tendance au cours de ces huit dernières années est Socialist Alternative, notamment grâce à son élue au conseil de la ville (qui ne comporte que 9 membres), Kshama Sawant.
Kshama Sawant s’est battue avec constance et détermination contre les inégalités. Elle a dirigé le mouvement qui a arraché l’instauration du salaire minimum de 15 dollars de l’heure à Seattle en 2013 (et de 17 dollars à partir de 2022). Récemment, sous son impulsion, une taxe sur les grandes entreprises a été introduite de manière à récolter 2 milliards de dollars sur 10 ans pour des subventions liées au COVID et le logement social. Cette année, Socialist Alternative a également remporté des victoires importantes pour les locataires. Un préavis de six mois doit désormais être donné aux locataires avant éviction et lorsqu’un propriétaire augmente le loyer de plus de 10 %, il doit verser trois mois de loyer à titre de soutien au locataire sortant. Maintenant, Kshama et Socialist Alternative se battent pour un gel des loyers à Seattle. En novembre, Sawant et Socialist Alternative sont parvenus à stopper l’augmentation des loyers dans un immeuble d’habitation où vivent principalement des personnes âgées pauvres. On les a également trouvé auprès de charpentiers de la construction en grève.
La classe capitaliste se défend
La colère des patrons de l’immobilier, des chefs d’entreprise et de la droite est compréhensible… Leur rage est d’autant plus forte qu’ils ont échoué à la battre Sawant lors d’élections régulières. En 2019, Amazon a même jeté 1,5 million de dollars dans la course électorale pour éjecter Kshama de sa position, sans succès.
Leur nouvelle manœuvre est une procédure de destitution non démocratique qui repose sur la participation de Kshama aux manifestations de Black Lives Matter. Les habitants du district 3 de Seattle voteront pour décider si elle peut rester à son poste ou doit être remplacée par une personne choisie par le reste du conseil de ville. La campagne de destitution a le soutien de cadres d’Amazon, de partisans de Trump et de grands propriétaires immobiliers.
Une impressionnante campagne menée par des travailleurs
Mais au lieu de poser la question sur le bulletin de vote des élections générales de novembre, la campagne de destitution a décidé d’organiser une élection spéciale qui se termine le 7 décembre. La classe capitaliste compte sur la période de vacances entre Thanksgiving et Noël pour affaiblir le soutien populaire de Kshama. Le grand défi de nos camarades était de polariser le débat suffisamment pour que l’élection ne passe pas inaperçue.
C’est jusqu’ici réussi. Une campagne de terrain menée par plus de 700 bénévoles a touché 16.000 personnes à leur porte ou en rue. Nos camarades soulignent que le véritable enjeu de ce vote est un combat entre l’élite capitaliste et la classe ouvrière. Plus de 1.300 personnes ont directement enregistré leur vote suite à cela et plus de 900.000 dollars de petites donations ont été récoltés.
Grâce au temps et aux efforts des travailleurs ordinaires, il s’agit à bien des égards de la plus grande campagne politique de l’histoire de Seattle. 16% des électeurs éligibles se sont déjà rendus aux urnes, soit quatre fois plus qu’au même moment la fois précédente. Beaucoup dépendra de la façon dont la campagne aura repris son élan après Thanksgiving.Une dimension nationale
L’importance de cette élection ne peut être sous-estimée. Son importance est nationale. L’obtention du salaire minimum de 15 dollars en 2013 avait servi de source d’inspiration dans tout le pays. Le gel des loyers aurait le même effet. Le programme et les méthodes de lutte de Sawant et de Socialist Alternative à Seattle sont un exemple pour de nombreux mouvements aux États-Unis. Si la droite parvient à destituer notre camarade, elle gagnera en confiance en utilisant des procédures de destitution non démocratiques similaires comme arme contre la gauche dans tout le pays.
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Solidarité avec Kshama Sawant : Bernie Sanders apporte son soutien

Nouvelle de taille pour la campagne de solidarité de Councilmember Kshama Sawant à Seattle ! Bernie Sanders a apporté son soutien officiel !
“Une fois de plus”, a déclaré Bernie dans sa déclaration de soutien, “les riches et les intérêts privés mènent une attaque contre le siège de Kshama Sawant parce qu’elle a le courage de défendre les travailleurs. Nous devons nous unir pour mettre fin à cette procédure de rappel sans fondement. Votez ‘NON’ d’ici le 7 décembre”.
Les campagnes présidentielles de Bernie en 2016 et 2020 ont été des exemples importants de la façon dont les travailleurs peuvent s’organiser et se battre. Mais elles ont également démontré à quel point la classe capitaliste et son personnel politique ne ménagent aucun effort pour vaincre les élus qui dirigent des mouvements de lutte favorables à la classe ouvrière.
Les médias de masse et l’establishment politique des deux partis de Wall Street (Démocrates et Républicains) s’en sont pris à Bernie parce qu’ils considéraient que le large élan en faveur de ses revendications (salaire minimum à 15 dollars de l’heure, un système universel de soins de santé,…) représentait une menace pour leur pouvoir économique et politique.
Aujourd’hui, à Seattle, plus de 500 donateurs républicains, 130 donateurs de Trump, plus de 850 millionnaires et plus de 100 PDG et dirigeants d’entreprise s’en prennent à Kshama pour la même raison. Après avoir vu Kshama diriger des mouvements pour obtenir le salaire minimum historique de 15 dollars de l’heure à Seattle (instauré pour la première fois dans une grande ville américaine à la faveur de sa campagne 15NOW) et pour instaurer la Taxe Amazon pour des logements abordables et un Green New Deal, et avoir constaté qu’elle était l’élue la plus cohérente de Seattle à se tenir aux côtés de Black Lives Matter l’été dernier, les grandes entreprises et la droite sont déterminées à éliminer la seule élue socialiste de Seattle. L’approche de Kshama, qui consiste à utiliser sa position pour construire des mouvements de lutte, et non pour conclure des accords et des compromis avec l’establishment, a été une expression puissante du message “Pas moi, nous” (Not me, us) au cœur de la campagne de Bernie en 2020.
Il ne reste que quelques jours avant le jour de l’élection, le 7 décembre. La campagne de Kshama est engagée à parler à des milliers d’électeurs pour vaincre cette attaque de la droite. Cette campagne de destitution a été organisée de telle manière que beaucoup d’électeurs ne sont même pas au courant qu’elle a lieu ! Ce message de soutien de Bernie Sanders tombe à point pour renforcer la campagne de terrain menée avec acharnement par des centaines de militantes et de militants.

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USA. La droite tente de destituer Kshama Sawant, la riposte est à hauteur de l’enjeu

La riposte contre la tentative de destitution de Kshama Sawant (membre de Socialist Alternative et élue au conseil de la ville de Seattle) atteint son apogée alors que les bulletins de vote ont été envoyés aux électeurs et doivent être complétés avant le 7 décembre.
Pourquoi la droite veut-elle se débarrasser d’elle ? La réponse est simple. Depuis son élection en 2014, elle et ses camarades de Socialist Alternative se sont battus avec ténacité pour les droits des travailleurs à Seattle et au niveau international. Elle fut la figure de proue de la campagne pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure à une époque où l’on attaquait la revendication en la qualifiant d’utopique et d’irréaliste. Mais la mesure fut arrachée par la lutte et appliquée à Seattle. C’était la première grande ville des États-Unis à procéder de la sorte, ce qui a directement servi d’inspiration à celles et ceux qui se battaient ailleurs pour la même cause.
En 2020, elle a contribué à la victoire de la campagne « Taxez Amazon ». Résultat : l’entreprise, dont le siège principal est à Seattle et qui est réputée pour le faible niveau d’imposition qu’elle paie partout où elle est présente, devra verser 2 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie pour financer des logements abordables et des projets d’infrastructure durables dans la ville.
Kshama Sawant a également provoqué la colère du lobby de l’immobilier de Seattle en obtenant des lois novatrices sur les droits des locataires, comme l’obligation pour les propriétaires de donner un préavis de 6 mois avant d’augmenter les loyers. Les personnes contraintes de déménager reçoivent dorénavant une aide au relogement pendant trois mois et les expulsions hivernales sont interdites. Elle a également défendu le contrôle des loyers.
Kshama Sawant fut encore la combattante la plus constante contre la brutalité policière et le racisme structurel. Elle a ouvert la voie à la première interdiction en Amérique de l’utilisation de gaz lacrymogènes et d’autres armes de « contrôle des foules » et a assuré le transfert de dizaines de millions de dollars du financement de la police vers des logements abordables.
Comme si cela ne suffisait pas déjà, les grandes entreprises la redoutent parce qu’elle n’est pas une politicienne carriériste qui passe son temps à faire des compromis et à privilégier les coulisses du pouvoir : elle utilise sa fonction pour construire des mouvements de lutte et y impliquer les couches larges de travailleuses et de travailleurs.
Il n’est donc pas surprenant que les entreprises aient réuni d’énormes sommes d’argent pour faire campagne contre Kshama. Rien que cette année, celles-ci ont accumulé un trésor de guerre de 2 millions de dollars pour les élections de Seattle. Parmi les partisans les plus actifs de la campagne de révocation figurent les propriétaires d’entreprises et des personnes telles que Morgan Battrel, vice-président senior d’Amazon, et John Schoettler, responsable de l’immobilier mondial d’Amazon.
Parmi les ennemis traditionnels des socialistes de Seattle figure le Seattle Times, journal qui fait ouvertement campagne pour la révocation de Kshama Sawant parce que « entre autres crimes », elle est la première élue qui ait jamais été impolie ! Bien sûr, ce qui leur déplaît vraiment, c’est que Kshama est une défenseuse infatigable des travailleuses et des travailleurs. Le journal a publié cette semaine un éditorial contre Kshama, truffé de préjugés sexistes et de condescendance envers la classe ouvrière.
La procédure de destitution par vote – la première jamais organisée en décembre – est conçue pour garantir un faible taux de participation, c’est-à-dire pour s’assurer que les habitants des zones les plus pauvres ne votent pas. La période de vote est interrompue par la grande fête de Thanksgiving, ce qui prive les partisans de plus de temps pour faire campagne. On s’attend à ce que, dans les jours précédant le 7 décembre, de nouvelles attaques et calomnies soient lancées pour tenter de saper le soutien à Kshama.
Les « comités d’action politique » (PAC) sont utilisés aux États-Unis comme un moyen de canaliser des fonds pour soutenir ou s’opposer à des candidats. Ils sont censés avoir une limite supérieure de 1000 $ pour les dons d’un individu. La droite a mis en place différents fonds pour s’opposer à Kshama et tente maintenant de faire supprimer la limite de 1000 $. Le dernier en date, intitulé « A Better Seattle », a récolté plus de 130.000 dollars auprès de sociétés immobilières et de méga-donateurs de Trump. Dans les prochains jours, cet argent sera injecté pour tenter d’obtenir la révocation de Kshama.

Une partie de l’équipe de militant.e.s de Socialist Alternative à Seattle. Mais le combat continue ! Malgré le terrain difficile sur lequel les socialistes de Seattle doivent se battre pour cette élection, ils sont déterminés à tout mettre en œuvre pour obtenir une nouvelle victoire. Seattle n’est pas connue pour son beau temps et la campagne a même lancé un appel pour collecter 5.000 dollars afin de « se préparer pour l’hiver » en équipant les militants d’auvents, de bâches, de ponchos, de lanternes, de gilets réfléchissants, de vestes étanches et bien d’autres choses encore afin que les bénévoles soient aussi sûrs et secs que possible.
D’énormes équipes de campagne vont à la rencontre des électeurs pour leur expliquer les enjeux de cette lutte et les persuader de se rendre aux urnes afin de rejeter cette tentative de destitution raciste et sponsorisée par les grandes entreprises. Le week-end dernier, par exemple, un « méga-canvass » du district 3, que Kshama représente, a été organisé. Des milliers de personnes ont discuté de l’attaque antidémocratique que cette tentative de rappel représente contre le mouvement Black Lives Matter et de l’avantage que représente la conseillère Kshama Sawant à la mairie pour les travailleuses et les travailleurs. Des centaines de personnes se sont portées volontaires pour participer à ces événements. Même pendant la campagne, Kshama continue de soutenir ceux qui se battent pour leurs droits. Elle a notamment soutenu activement la récente grève des charpentiers de Seattle.
La campagne de solidarité de Kshama a permis de réunir un fonds de lutte massif – plus de 840.000 dollars. Cette somme a été collectée non pas auprès d’un petit nombre de riches donateurs, mais auprès de plus de dix mille personnes. Diverses structures syndicales ont également organisé des événements de collecte de fonds.
Les soutiens affluent. Plus de vingt organisations syndicales ont soutenu Kshama, et beaucoup, beaucoup plus de militants et de membres individuels. Les travailleuses et travailleurs des soins de santé, de l’enseignement, de la restauration, de la distribution et de la construction sont les plus représentés. Ils sont rejoints par des groupes et organisations locales. Des personnalités de gauche telles que Noam Chomsky ont également appelé à soutenir Kshama.
Le journal de Seattle The Stranger s’est lui aussi fermement prononcé contre cette procédure de rappel. Il déclare : « Lorsque vous mettrez la main sur ce bulletin de vote, ouvrez l’enveloppe, remplissez la bulle “Recall No”, glissez-la dans la boîte de dépôt la plus proche avant le 7 décembre à 20 heures, puis maudissez la campagne Recall Sawant pour cette foutue perte de temps et d’énergie. »
Les Democratic Socialists of América (DSA) se mobilisent également pour soutenir la campagne, comprenant que si Kshama est battue, il y aura d’autres attaques contre d’autres élus socialistes. Les partisans de Bernie Sanders signalent maintenant qu’ils reçoivent eux aussi des messages de Bernie leur demandant de s’opposer à la tentative de révocation.
Les grandes entreprises peuvent penser qu’elles peuvent éliminer la seule marxiste élue des États-Unis – mais elles vont devoir se battre pour y parvenir.
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Seattle. Les révolutionnaires socialistes défendent le siège de Kshama Sawant

Le 2 novembre 2021, les habitants de Seattle procéderont à l’élection de 17 postes politiques, dont celui de maire, et se prononceront sur plusieurs questions par référendum. Quelques semaines plus tard, lorsque l’attention sera complètement retombée, les électeurs recevront une autre missive électorale. Dans ce document, une seule question sera posée : la conseillère Kshama Sawant doit-elle être révoquée de son poste au conseil municipal? Cette campagne contre l’élue locale de gauche la plus connue des États-Unis est menée par l’establishment politique et économique local, par des milliardaires et par des populistes de droite proches de Trump. Ils espèrent que le taux de participation sera le plus faible possible, toute leur stratégie repose là-dessus.
Par Bart Vandersteene, article issu de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Le retour de la gauche aux États-Unis
Depuis 2012, les lecteurs de Lutte Socialiste sont aux premières loges pour suivre l’évolution de la gauche et aux États-Unis. À la veille des élections municipales de Seattle, en novembre 2013, nous avons cité le Seattle Times qui décrivait l’atmosphère de la ville comme suit : « L’élection n’est que dans dix jours, mais nous savons déjà qui est le grand gagnant à Seattle. Ce sont les socialistes (…) Il est remarquable que, dans la campagne politique de Seattle, la quasi-totalité du programme de [Sawant] a été reprise par les deux candidats à la mairie. » (Seattle Times, 26 octobre). Kshama Sawant a finalement remporté le siège pour lequel elle se présentait avec 51% des voix (95.000 voix) en devenant ainsi la première personne ouvertement socialiste à être élue dans une grande ville américaine. Six mois plus tard, Seattle est devenue la première grande ville américaine à instaurer le salaire minimum de 15 dollars de l’heure.
Son élection a déclenché un séisme politique dans la ville et ses effets ont été ressentis dans tout le pays. Le socialisme en tant que référence idéologique est sorti de la marginalité. En 2015, Bernie Sanders a porté cette évolution au niveau national en se présentant aux primaires des Démocrates devant désigner leur candidat à l’élection présidentielle. Sa campagne reposait sur toutes les grandes revendications issues des luttes sociales du moment. Il se qualifiait de « socialiste démocratique ». Cela a propulsé la popularité du socialisme vers de nouveaux sommets. En 2018, quatre candidates de gauche progressistes – Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Rashida Tlaib, Ayanna Pressley et Ilhan Omar – ont été élues au Congrès national en tant que Démocrates. Elles ont constitué un groupe informel, The Squad (la brigade), qui a fait naître l’espoir qu’une aile gauche se forme au sein des Démocrates pour contester la direction du parti, totalement acquise aux grandes entreprises. En 2019, Bernie Sanders a à nouveau connu suscité l’espoir pour les présidentielles, mais il a à nouveau été poignardé dans le dos par l’establishment démocrate qui a recouru aux manœuvres électorales les plus sophistiquées.
Affronter l’establishment et non chercher des compromis
Aujourd’hui, ce que fait la gauche attire l’attention des médias de masse. AOC est une personnalité connue dans le monde entier. Les photos de sa robe de soirée blanche pour le gala du Met (le Metropolitan Museum of Art de New York) où était inscrit « Tax the Rich » en grosses lettres rouges ont fait le tour du globe. Ce que l’on sait moins par contre parmi les militants de gauche, c’est qu’AOC et The Squad ont à plusieurs reprises cédé et adouci leurs positions sous la pression permanente de la direction de leur propre parti.
Moins d’une semaine après avoir fait la une de l’actualité mondiale avec une robe de gala, AOC n’a pas osé, avec les autres membres de The Squad, voter contre la contribution américaine d’un milliard de dollars pour le bouclier antimissile israélien. Elle s’est abstenue. Les considérations électorales deviennent de plus en plus la boussole qui guide AOC et les autres élus progressistes. Ils et elles tombent dans le même piège que Jeremy Corbyn qui, une fois élu à la tête du parti travailliste britannique, a tenté de trouver un compromis avec la droite. Cette droite s’est servie de la « trêve » pour renforcer son emprise sur l’appareil du parti et poignarder Corbyn à la première occasion. Corbyn leur a laissé manigancer leur complot en refusant de mobiliser la base des affiliés contre la droite du parti.
The Squad fait face au même danger. Ces élus progressistes opèrent en terrain hostile et au sein d’un parti qui a choisi le camp de l’establishment capitaliste. L’ouverture du Congrès au début de l’année et l’élection de la présidente de la Chambre des représentants, la Démocrate Nancy Pelosi, constituaient des opportunités fantastiques puisque les votes de The Squad étaient nécessaires pour obtenir la majorité. En quelques jours à peine, 40.000 personnes ont signé une pétition leur demandant de n’accorder leur voix à Pelosi que si le Parlement votait immédiatement un projet de loi concernant la création d’un système de soins de santé public. Elles ont refusé de le faire en expliquant qu’elles souhaitaient éviter de mettre en péril leur possibilité de collaborer avec Pelosi.
La campagne anti-Sawant
À Seattle, Kshama Sawant a résolument adopté une stratégie différente, une stratégie qui repose sur les mouvements sociaux, l’organisation des luttes sociales et l’indépendance totale vis-à-vis des deux partis de Wall Street et du grand capital. Kshama Sawant est élue depuis huit ans et est dorénavant la plus ancienne des neuf conseillers de la ville. L’establishment n’a ménagé aucun effort pour l’éjecter de son siège en 2015 et en 2019, en vain.
En 2020, l’establishment a changé son fusil d’épaule. Confronté à deux échecs successifs durant des élections ordinaires, il veut maintenant tenter sa chance dans des élections extraordinaires, sur base d’une procédure de destitution impliquant une élection anticipée. La campagne en faveur de sa destitution recueille des signatures depuis près d’un an pour atteindre le seuil nécessaire des 10 % des électeurs du district électoral concerné.
Ce seuil a été atteint dès cet été, de sorte que cette demande de destitution aurait pu figurer sur le bulletin de vote du 2 novembre, pour lequel un taux de participation de 60-65% est attendu. Mais lors d’élections anticipées, un taux de participation de 40% est déjà un succès. La campagne anti-Sawant a délibérément attendu que la date limite pour figurer sur les bulletins de vote du 2 novembre soit dépassée avant de remettre leurs signatures.
Pour démasquer cette manœuvre antidémocratique, Kshama Sawant a elle-même signé la pétition exigeant un vote sur sa destitution début juillet, lors d’une conférence de presse bondée. Dans les semaines qui ont suivi, cette campagne a recueilli des milliers de signatures supplémentaires, de sorte qu’il y en avait plus qu’assez pour les soumettre avant la date limite. Le scénario le plus probable maintenant est qu’une élection spéciale aura lieu le 7 décembre.
La procédure de destitution menace de priver la classe ouvrière de Seattle d’un outil extrêmement précieux. De nombreuses luttes à Seattle ont pu aboutir grâce à cette unique élue qui a porté leur combat dans la salle du conseil en cherchant à les renforcer. La lutte pour taxer davantage les grandes entreprises via la « Taxe Amazon » a été couronnée de succès. Plusieurs millions de dollars ont ainsi été acquis pour lutter contre le sans-abrisme, construire des logements publics abordables et financer un Green New Deal à Seattle. Kshama Sawant a apporté une aide cruciale pour des victoires dans la lutte contre la brutalité policière et le racisme, pour les droits des locataires, la protection de l’environnement et les droits des populations autochtones.
La campagne visant à la destituer repose sur des accusations montées de toutes pièces selon lesquelles elle aurait abusé de sa position. Dans les faits, c’est son soutien aux mouvements sociaux, notamment Black Lives Matter, qui est visé. Nos camarades de Socialist Alternative feront tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver cette position politique cruciale à Seattle. Ce siège symbolise un programme politique cohérent de lutte et de solidarité pour le socialisme.


