Tag: Japon

  • Japon : Malaise politique et social après «vingt années perdues»

    La force du Premier ministre Abe ne repose que sur la faiblesse de l’opposition

    AbeParmi tous les Premiers ministres qui se sont succédé au Japon au cours des quarante dernières années, Shinzo Abe est celui qui aura duré le plus longtemps. Son Parti libéral démocratique (Jiy?-Minshut?, ou Jimint?) au pouvoir reste en tête des sondages, malgré les grands mouvements de contestation de l’été dernier contre les nouvelles lois de sécurité, qui suscitent l’opposition de la majorité de la population.

    Cette stabilisation temporaire de la vie politique japonaise n’a été possible qu’en raison de la faiblesse de l’opposition et du fait que l’échec de la politique d’« abénomie » (l’économie selon Abe) n’est pas encore devenu apparent aux yeux de la masse de la population. Toutefois, l’accalmie actuelle ne sera que de courte durée pour le gouvernement. Derrière la façade de stabilité politique et sociale, le capitalisme japonais est confronté à une énorme crise, même sans tenir compte de la récente volatilité sur les marchés boursiers mondiaux.

    Carl Simmons, Kokusai Rentai (Solidarité internationale, section japonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Depuis 1990, la croissance moyenne du PIB japonais n’a été que d’un peu moins de 1 %. Ce qui était considérée comme une « décennie perdue » s’est à présent changé en « vingt années perdues » pour la croissance économique. La nature de ce déclin est indiquée par un rapport diffusé un peu avant Nouvel An par la Compagnie de diffusion du Japon, la chaine de médias nationaux. Selon ce rapport, le Japon se trouverait à présent à la 20e place des pays de l’OCDE pour la croissance du PIB par habitant. C’est son plus bas classement depuis 1970.

    En plus de ce lent déclin économique, le Japon est également confronté à une rapide baisse de sa population. Un rapport du gouvernement a prévenu du fait qu’en 2060, le nombre de Japonais passera de 127 millions aujourd’hui à 87 millions. À cette date, 40 % de la population sera âgée de plus de 65 ans.

    L’émergence de la Chine

    Cette sensation de crise et de panique face au déclin national est exacerbée par l’émergence de la Chine en tant que grande puissance économique et militaire – un rival pour le Japon. Pas une semaine ne passe sans que de nouvelles informations n’apparaissent dans la presse japonaise pour illustrer ce déclin relatif. Par exemple, le nombre d’universités chinoises qui figurent dans le classement des meilleures universités asiatiques a dépassé le nombre d’universités japonaises. Le nombre d’articles écrits par des Chinois dans les revues scientifiques dépasse le nombre d’articles écrits par des Japonais. Et c’est sans parler des nombreux rapports qui indiquent la croissance militaire de la Chine, surtout de sa flotte de guerre.

    C’est ce sentiment de crise qui a poussé Abe et sa rhétorique nationaliste au-devant de la scène politique. On voit aussi cela dans l’évolution du Jimint?. Dans le passé, ce parti était dominé par diverses factions regroupées autour de différents députés qui finançaient leurs propres projets de construction et se relayaient rapidement au poste de Premier ministre, sans que l’on ne parle vraiment de différences en terme de programme politique. Mais aujourd’hui, ce parti est dominé par la Conférence du Japon, un influent lobby de droite dont Abe est le principal conseiller. Ce groupe au sein du Jimint? aurait à présent sous son contrôle 289 députés (sur 480), ainsi que la majorité des membres du cabinet d’Abe.

    Même si Abe est lui-même un militant convaincu de la même idéologie de droite réactionnaire et partisan de la révision de la constitution proposée par ce groupe (la constitution actuelle interdit notamment au Japon de déployer des forces armées à l’étranger, ce que la classe dirigeante japonaise veut changer), il est également bien conscient du fait que l’opinion de la population japonaise n’est aujourd’hui pas prête à accepter la moindre restriction de ses droits démocratiques. La loi sur la protection des secrets d’État, les tentatives de faire taire l’opposition, les pressions sur les agences de presse, les nouvelles lois sécuritaires… ont suscité l’indignation d’une partie de la population, et – ce qui est très important – poussent une partie de la jeunesse à devenir politiquement active. Même si les récents mouvements de contestation n’ont pour le moment pas obtenu la moindre victoire, le mouvement de l’été dernier contre le projet de nouvelles lois sécuritaires n’a pas été sans effet sur la société.

    La stratégie d’Abe et l’échec de l’« abénomie »

    Dans sa campagne pour les élections nationales de juillet de cette année, Abe va insister sur le fait que l’opposition ne propose aucune alternative à sa politique d’« abénomie ». Sans insister sur son projet de révision de la constitution, il va tenter d’exploiter des incidents tels que les essais nucléaires effectués par la Corée du Nord et les incursions de la flotte militaire chinoise dans les eaux japonaises pour promouvoir cette idée. Mais il va devoir se montrer très prudent. Il sait que ce ne sera pas facile de convaincre une majorité de la population d’accepter un changement de la constitution par voie de référendum, et que le succès ou l’échec de son gouvernement dépend avant tout de l’impact de sa politique économique.

    Le premier effet de la politique d’« assouplissement quantitatif » menée par le gouvernement a été de renforcer la profitabilité des grandes entreprises nationales. 30 % des entreprises de la première section de la bourse de Tokyo ont annoncé des profits records pour l’année 2014. C’était le meilleur résultat depuis 2006, où 36 % de ces entreprises avaient annoncé avoir engrangé de tels profits. En tout, les profits des entreprises se sont accrus de 6,7 % en 2014.

    Cette politique a renforcé la confiance des patrons. Avant la dégringolade du Nouvel An, la bourse de Tokyo avait atteint son plus haut niveau depuis 16 ans ; ce niveau avait doublé depuis l’arrivée d’Abe au pouvoir. Ce sont les riches qui ont le plus profité de cette croissance. Selon l’agence fiscale nationale, le nombre de gens dont le revenu dépassait les 500 millions de yen par an (2,5 milliards de francs CFA soit 200 millions par mois) était passé de 578 en 2010 à 1515 en 2013.

    Cette croissance des profits était essentiellement le résultat de la chute de la valeur du yen, une conséquence de la politique d’Abe. Malgré cela, le Japon continue à subir un énorme déficit commercial. Même si la chute du yen a encouragé les exportations de voitures et d’autres marchandises, les profits totaux se sont surtout accrus à cause de la hausse des profits tirés par les entreprises japonaises installées à l’étranger, recalculés en yen. Le fait que les grandes entreprises possèdent plus d’argent sur leur compte en banque ne veut pas dire pour autant un retour de la croissance. Car pour qu’il y ait croissance, il faut que cet argent soit investi dans le pays !

    À la fin de l’année passée, Abe et Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, ont redoublé d’efforts pour tenter de convaincre les grandes entreprises nationales de renforcer leurs investissements. Kuroda a utilisé l’argument selon lequel « La fortune sourit aux audacieux ». Mais cela n’a pas suffi à convaincre les patrons. Vu la stagnation du marché national et le ralentissement de la croissance en Chine, ces grands patrons se demandent à quoi bon investir s’ils savent qu’ils ne pourront pas vendre leur nouvelle production. Et même s’il se créait un nouveau marché pour la consommation, pourquoi ces entreprises devraient-elles investir au Japon, alors qu’elles peuvent tout aussi bien investir à l’étranger ? La chute du yen n’a pas suffi à empêcher la tendance à délocaliser la production vers d’autres pays.

    Selon la Banque japonaise pour la coopération internationale, les entreprises japonaises ont effectué 35 % de leur production à l’étranger en 2014. En 1989, cette proportion n’était que de 14 % ; on s’attend à ce qu’elle atteigne 40 % d’ici 2018. La plupart des investissements réalisés par des entreprises japonaises sont localisés non pas au Japon mais en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines, à Singapour et en Thaïlande.

    Tout en appelant les patrons à investir au pays, la banque centrale les a aussi exhortés à augmenter les salaires. Les organisations patronales disent que c’est une excellente idée, car une hausse des salaires renforcerait le pouvoir d’achat de la population, ce qui permettrait d’accroitre les ventes des entreprises. Mais chacun attend que son concurrent augmente les salaires, sans chercher à le faire soi-même !

    Kuroda a même critiqué les dirigeants des syndicats des travailleurs, disant qu’ils ne font pas assez d’efforts pour chercher à obtenir des hausses salariales ! L’échec de la politique d’« abénomie » pourrait donc être attribué aux syndicats, qui étaient encore récemment loués en tant que principal facteur du succès du capitalisme japonais. Même si les salaires ont un peu augmenté ces derniers temps, cette hausse ne suffit pas à contrebalancer l’inflation (la hausse de la cherté de la vie). Et même les quelques entreprises qui ont décidé d’augmenter les rétributions de leurs travailleurs l’ont fait essentiellement sous la forme de primes plutôt que de véritables hausses salariales.

    Le plan d’Abe et de Kuroda était d’obtenir une inflation de 2 %, parce qu’ils supposaient qu’un tel taux pourrait contraindre les entreprises et les consommateurs à dépenser plus, vu que leurs économies perdraient graduellement de leur valeur. Mais malgré trois années d’« assouplissement quantitatif » et une énorme hausse de la masse d’argent en circulation, l’inflation n’a pas dépassé les 0,2 %, bien en-dessous de l’objectif du gouvernement.

    La conséquence de cette politique est que la dette de l’État a désormais atteint le plus haut niveau pour un pays de l’OCDE : elle s’élève à présent à 226 % du PIB. L’État parvient à rembourser cette dette grâce à la faiblesse du taux d’intérêt. Le danger est que le taux d’intérêt pourrait augmenter en cas d’inflation, ce qui déclencherait une grave crise économique. Même si on a évité une nouvelle récession en 2015, la croissance observée aujourd’hui est loin d’e?tre solide. La véritable conséquence de la politique d’« abénomie » est une croissance morose, anémique, tandis que le niveau de vie des travailleurs continue d’être attaqué.

    La fin de la politique d’« emploi à vie »

    Le troisième pilier de la politique d’« abénomie » était censée être la « réforme structurelle » ; c’est-à-dire une politique qui permettrait aux patrons de se débarrasser plus facilement de leurs travailleurs. Le « système de l’emploi à vie » était auparavant perçu comme un des fondements de la stabilité japonaise. Mais ce système est à présent fortement remis en question. En 1984, 85 % des travailleurs bénéficiaient d’un emploi permanent « à vie ». Cette proportion n’est aujourd’hui plus que de 60 %. Et cette tendance va continuer, vu la baisse des restrictions sur l’utilisation de travailleurs temporaires.

    La hausse du nombre de travailleurs temporaires a causé une forte augmentation de la pauvreté. En 2013, le revenu moyen des travailleurs temporaires n’était que de 140 000 yen par mois (soit 700 000 francs CFA), alors qu’un travailleur permanent gagne en moyenne trois fois plus. Le nombre de travailleurs pauvres, ceux qui gagnent moins de 170 000 yen par mois (850 000 francs CFA), a atteint le chiffre record de 11 millions de personnes en 2014 : soit un travailleur sur six. On estime que 15 % des enfants âgés de moins de 17 ans vivent dans des familles dont le salaire se situe sous le seuil de pauvreté de 100 000 yen par mois (500 000 francs CFA). On voit donc que la pauvreté ne cesse de croitre.

    Abe et ses conseillers comprennent bien que la croissance actuelle est en réalité très faible. Le Japon pourrait replonger dans une spirale déflationniste à tout moment. Abe espère qu’il pourra se faire réélire cette année avant qu’une nouvelle crise économique n’éclate. Il espère pouvoir faire cela en avançant la date des élections à la chambre basse du parlement afin d’organiser une double élection conjointe pour les deux chambres. C’est ce même souci qui explique la hausse de 30 000 yen (150 000 francs CFA) accordée pour les pensions les plus basses, ainsi que les concessions faites au Ko?meit? (Parti de la justice, un parti de centre-droit lié au mouvement bouddhiste So?ka Gakkai et partenaire de coalition du Jimint?) comme l’exemption des produits alimentaires de la hausse de la TVA qui sera appliquée à partir d’avril 2017. Si l’économie devait se dégrader d’ici là, il est possible que de nouvelles concessions soient effectuées par le gouvernement avant les élections.

    La faiblesse de l’opposition

    Le principal facteur qui explique la puissance d’Abe est la faiblesse de l’opposition. Le plus grand parti d’opposition, le Parti démocratique (Minshut?), n’est qu’un ramassis de renégats du Jimint? et d’anciens éléments du Parti social-démocrate (essentiellement issus de son aile droite), soutenu par la plus grande (et la plus conservatrice) confédération syndicale, la Rengo?.

    Lorsque le Minshut? était au gouvernement de 2009 à 2012, il a suivi une politique encore plus néolibérale et orthodoxe qu’Abe. Ce parti a trahi ses électeurs en augmentant la TVA, alors qu’il avait promis tout au long de la campagne électorale qu’il ne ferait jamais une chose pareille. Le parti n’est même pas uni sur la question de la révision de la constitution. Il inclut des politiciens qui visitent régulièrement le sanctuaire Yasukuni, généralement associé à l’extrême-droite nationaliste, dont le cimetière abrite un millier des pires criminels de guerre japonais. Le Minshut? a récemment signé un programme conjoint avec un parti de droite dans lequel il défend entre autres une réduction de 20 % des dépenses d’État pour les salaires des fonctionnaires. Alors que ce parti continue à bénéficier du soutien de grands syndicats de la fonction publique tels que le syndicat des enseignants du Japon et le syndicat des employés communaux !

    À la gauche de ce parti, on trouve le Parti social-démocrate (Shakai Minshu-t?, ou Shamint?) le successeur du Parti socialiste japonais, qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Alors que ce parti était autrefois le parti de masse des travailleurs japonais, il n’a plus aucune influence dans le pays à part sur l’ile d’Okinawa. Il n’est même plus capable de présenter un candidat dans la majorité des circonscriptions électorales.

    Enfin, on trouve le Parti communiste japonais (Nihon Ky?san-t?), le seul parti de gauche encore capable de compter sur un soutien électoral au niveau national. Ce parti est en train de monter dans les sondages et a obtenu un bon score aux dernières élections. Mais même s’il bénéficie d’une hausse de soutien, ses membres sont de plus en plus âgés. Beaucoup de travailleurs et de syndicalistes qui auparavant soutenaient le Parti social-démocrate ont du mal à faire confiance au Parti communiste. Même s’ils sont prêts à voter pour ce parti, vu le manque d’alternative, ils ne le considèrent pas comme « leur » parti.

    Le Parti communiste japonais considère le socialisme comme un objectif à atteindre uniquement sur le très long terme. Selon son programme, « Le changement dont le Japon a besoin aujourd’hui est une révolution démocratique, pas une révolution socialiste ». Pour le Parti communiste, le Japon, qui est pourtant une des plus grandes puissances impérialistes de la planète, est un pays sous domination états-unienne et doit avant tout lutter pour son indépendance.

    Récemment, ce parti a accompli un important revirement dans sa tactique. Tout au long de son histoire, il s’était toujours opposé à toute forme de coopération avec d’autres groupes. Il avait sa propre fédération syndicale et ses propres groupes citoyens sous le contrôle de son organe de parti. Il présentait des candidats dans chaque circonscription quelles que soient les circonstances et les chances d’être élu. Mais depuis l’émergence de forces de droite populiste qui soutiennent une révision de la constitution (comme Abe et le Parti de la Restauration dont nous parlerons plus loin), le Parti communiste est revenu sur cette logique et a non seulement retiré certains de ses candidats mais a même soutenu des candidats du Jimint?, notamment à ?saka, dans l’espoir de contrer les candidats d’extrême-droite.

    Une alliance de l’opposition ?

    L’appel à former une grande alliance de l’opposition pour stopper Abe a eu un impact. Une organisation de jeunes nommée Action étudiante d’urgence pour la démocratie libérale (« Jiy? to minshu shugi no tame no gakusei kinky? k?d? »), qui a joué un rôle très important dans le mouvement contre la loi sur les secrets d’État et les lois sécuritaires de l’été dernier, a organisé une conférence de presse avec quatre autres groupes citoyens pour appeler les partis d’opposition à former une candidature unique dans chaque circonscription électorale, chaque candidat devant signer un accord promettant d’abolir les lois sécuritaires. Dans la foulée, ils ont aussi appelé le reste de la société civile à rejoindre le mouvement pour soutenir cet appel.

    L’idée que la politique ne doit pas être laissée entre les mains des seuls députés et hauts cadres de l’État, mais qu’elle peut aussi être l’affaire de simples citoyens et de la jeunesse, est un premier pas important que nous devons encourager. Cependant, il nous faut aussi être clairs sur le fait que cette stratégie ne pourra jamais porter le moindre fruit.

    Cette approche a d’ailleurs déjà été testée lors des élections régionales et communales à ?saka, la plus grande ville de l’ouest du Japon (20 millions d’habitants), à présent entre les mains d’un parti de droite populiste, le Ishin no Kai (Association pour la restauration). Tous les partis d’opposition, y compris la section locale du Jimint?, se sont ligués en un front destiné à contrer les candidats de ce parti.

    Le plan de réorganisation de la commune d’?saka (qui visait à faire fusionner la région et la commune d’?saka en un seul district métropolitain) proposé par l’Association pour la restauration a été refusé lors d’un référendum. Mais cela n’a pas empêché les candidats de ce parti de remporter les élections haut la main. Au lieu de parler de son programme politique, l’Association pour la restauration a utilisé quelques phrases populistes pour dénoncer le fait que tous les autres partis se liguent contre elle, afin de l’empêcher de mener à bien le « changement » préconisé par elle. Elle a mis en avant le fait que ses opposants ne sont même pas d’accord sur le moindre programme politique. Il est vrai que cette tactique était plus facile à employer par l’Association pour la restauration parce qu’elle reste un parti d’opposition, même si elle est au pouvoir à ?saka. Mais on voit aujourd’hui Abe utiliser la même rhétorique face aux appels à organiser un front contre lui.

    Nous comprenons bien le désir des militants démocratiques de vouloir transformer les élections à la chambre haute du parlement en une sorte de référendum sur les lois sécuritaires d’Abe. Cependant cet appel ne sera sans doute pas repris par les couches larges de la société, y compris les plus pauvres, pour qui les questions économiques sont beaucoup plus importantes. Une telle approche « frontiste » implique en effet de soutenir des candidats de l’opposition qui défendent pourtant la même politique néolibérale de coupes budgétaires et d’attaques sur le niveau de vie des travailleurs, comme le fameux accord pour une réduction de 20 % de la masse salariale de la fonction publique prôné par le Parti démocratique. On n’est d’ailleurs même pas sûr que ces candidats soient véritablement opposés à ces lois sécuritaires. D’autres peuvent y être opposés simplement parce qu’elles contredisent la constitution, tout en soutenant une révision de la constitution qui les rendrait constitutionnelles !

    Où aller ?

    Au lieu d’appeler à l’unité des partis d’opposition, il faut plutôt appeler à un front de la société civile, des syndicats combatifs et des partis de gauche autour d’un programme de lutte. Un tel appel trouverait une oreille beaucoup plus favorable auprès de tous les mécontents, et permettrait d’ébaucher une stratégie capable de nous faire progresser.

    Un véritable programme de lutte doit non seulement défendre l’abolition des lois sécuritaires, mais aussi s’opposer au projet de révision de la constitution promu par Abe et appeler à démanteler les bases de l’armée américaine stationnées au Japon. Ce programme doit aussi s’opposer à l’énergie nucléaire et à la politique actuelle de l’énergie qui menace l’environnement.

    Il doit aussi mettre en avant les revendications économiques des travailleurs et des pauvres, en exigeant un salaire minimum de 1500 yen par heure (7500 francs CFA), l’embauche permanente des travailleurs temporaires, la réforme de l’assurance médicale pour garantir un taux de couverture de 100 %, etc.

    Ce programme devra aussi lutter pour l’égalité des genres, contre les discours réactionnaires et insultants envers les femmes tenus par le Jimint? et ses alliés.

    Cette alliance, si elle parvenait à se réaliser, pourrait constituer la base d’un nouveau parti de gauche, qui mettrait en avant une véritable alternative socialiste au capitalisme, un système qui à notre époque ne promet que plus de restrictions des droits démocratiques, plus de discrimination, d’inégalités, de pollution et de guerres.

  • Fukushima : Quelle gestion des conséquences du désastre nucléaire?

    Suite au dernier incident à la centrale nucléaire de Fukushima, Shinzo Abe, le premier ministre japonais, a écourté sa visite au sommet mondial du G20 à Saint-Pétersbourg pour se dépêcher d’aller à Rio De Janeiro, où se réunissaient les délégués devant décider de l’emplacement des Jeux Olympiques de 2020. Comme prévu, ils ont voté pour la candidature de Tokyo après qu’on leur ait assuré que les problèmes seraient résolus d’ici là et qu’il n’y aurait aucun danger de radiation ou de nourriture contaminée. Il y a cependant bien peu de chance que ce soit le cas étant donné les résultats obtenus par la compagnie privée, Tepco, depuis la catastrophe de février 2011.

    Pete Dickinson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    A la fin du mois d’août de cette année, Tepco a annoncé que 305 tonnes d’eau radioactive s’étaient échappées d’un réservoir de stockage sur le site endommagé. Cet évènement a alors été classé en niveau 3, ‘‘incident sérieux’’, par les autorités de contrôle nucléaire japonaises, le niveau 7 étant le plus élevé, comme à Tchernobyl en 1986 ainsi qu’au début de l’incident de Fukushima. Pourtant, en novembre 2011, neuf mois après la fusion des trois réacteurs causée par le tremblement de terre et le Tsunami, Tepco avait alors déclaré que la centrale était étanche et que toute radiation avait été contenue. Suite à cette dernière fuite radioactive, la Corée du Sud a interdit toute pêche aux alentours de Fukushima, accusant les autorités japonaises de ne pas donner les informations appropriées sur la centrale.

    Tous les jours, 400 tonnes d’eau s’écoulent des montagnes dominants Fukushima et aboutissent aux réacteurs nucléaires endommagés. Cela a été fait délibérément afin de refroidir le cœur des réacteurs encore actifs. Ce procédé rendant l’eau radioactive, Tepco a alors décidé d’ôter l’isotope le plus toxique, le Caesium 137 et de stocker l’eau traitée, toujours radioactive, dans de grands réservoirs.

    Pour le moment, il y a 1.060 réservoirs contenant chacun 1.000 tonnes d’eau. Le problème est alors apparu lorsque l’on a découvert près des réservoirs un écoulement avec un haut degré de radiation, probablement dû à une fuite d’un de ceux-ci. Tepco y a en effet trouvé des trous dus à la corrosion, probablement causés par le haut taux de sel resté après que des millions de tonnes d’eau de mer aient été utilisés pour refroidir la centrale juste après le désastre initial.

    Les opérateurs ne savent toujours pas exactement ce qui s’est produit sur le site. Le combustible fondu est collecté un peu comme de la cire de bougie au fond des réacteurs mais il s’échappe maintenant de fissures de la tuyauterie et des machineries. Il est possible que cela ait aussi entièrement pénétré le récipient de confinement et ait également pénétré dans le sol, mais il n’y a aucune information à ce propos. Le plan à long terme est d’essayer de parvenir à retirer le matériau nucléaire des réacteurs endommagés pour éliminer la source même des radiations. De façon très ironique, cette opération très difficile est programmée pour l’été 2020, précisément au moment où les athlètes devraient arriver pour les Jeux Olympiques.

    Les experts avertissent : il pourrait être impossible d’extraire les matériaux toxiques

    Les experts mettent en garde qu’il est loin d’être certain qu’il soit possible d’enlever les matériaux toxiques. Le professeur Per Peterson, président du département d’ingénierie nucléaire à l’Université de Californie, à Berkeley, a expliqué que c’est probablement le récipient principal qui se corrode après avoir été exposé à l’eau salée et que la priorité devrait être de se débarrasser du sel pour stopper toute corrosion future. Si cela n’était pas fait ‘‘cela deviendrait un réel défi et il serait même impossible de retirer le combustible endommagé’’ a-t-il déclaré. Peterson a ajouté que, si le combustible ne peut être retiré, Tepco ‘‘devrait gérer ces centrales sur place pour des milliers d’années’’. Il n’existe actuellement aucun projet de la part de Tepco qui suive les conseils du Professeur Peterson. Il n’est guère étonnant de voir que les opérateurs nucléaires en Grande-Bretagne, comme EDF, essayent de s’assurer que le gouvernement prenne sur lui tous les risques potentiels avant de construire une nouvelle génération de centrales nucléaires.

    De son côté, malgré l’évidence claire que rien n’est sous contrôle à Fukushima, le gouvernement japonais a l’intention de rouvrir les centrales nucléaires fermées après février 2011.

    L’argument de dernier recours des défenseurs nucléaires est que, malgré la catastrophe de Fukushima, les radiations émises ne présentent aucun danger significatif. Les tentatives de sensibiliser l’opinion publique sur ce sérieux problème ont donné lieu à de grotesques conflits entre le gouvernement japonais et Tepco, mais les problèmes sont très sérieux. Au moment-même où se déroulait la course aux votes concernant l’emplacement des futurs Jeux Olympiques, Tepco a rendu public des données selon lesquelles les émissions radioactives seraient de 2.200 millisieverts par heure, un scénario très dangereux si une victime était exposée plus de quelques heures (La Commission internationale de protection radiologique conseille de ne pas recevoir une dose annuelle de plus d’1 millisievert, NDLR). Le président des autorités de sureté nucléaire japonaises a ensuite critiqué la compagnie disant qu’elle ne faisait qu’alarmer les gens, en prétendant qu’utiliser les unités de millisieverts par heure revenait à dire qu’elle ‘‘ décrivait le poids de quelque chose en utilisant des centimètres.’’

    Si cette déclaration est avérée, un tel niveau d’ignorance scientifique de la part d’une institution gérant des centrales est scandaleux. Les 2.200 millisieverts par heure sont une donnée correcte. Utiliser cette manière pour décrire les émissions de radiation permet d’obtenir une évaluation directe des risques sanitaires, alors que l’unité de référence utilisée par l’autorité de réglementation nucléaire, le becquerel, qui mesure le taux de radioactivité dans les eaux, ne peut elle pas être directement liée à des risques.

    La controverse concerne aussi le type de radiation communiqué. Tepco met en avant que la majorité des radiations sont de type beta, et que ces radiations sont bien différentes des dangereux rayons gamma. Cela ne signifie pas que les radiations beta sont pour autant sans danger. Il est vrai que cette radiation beta ne peut pénétrer dans le sol que de deux mètres et peut être stoppée avec de simples boucliers, mais les travailleurs présents sur le site et se trouvant à proximité des fuites seraient quand même en danger s’ils ne portaient pas d’équipement de protection en cas d’accident ou en ronde de surveillance.

    Au cours du dernier incident, la concentration de rayon gamma dans l’eau, le plus dangereux pour le public, était peu élevé. Des doutes significatifs existent toutefois au sujet des risques face à de bas taux de radiation. Par exemple, les estimations des données pour le désastre de Tchernobyl varient énormément à cause du manque de preuves claires concernant les victimes et du degré exact de radiation auquel elles ont été exposées.

    Aucune alternative à l’énergie nucléaire ?

    L’environnementaliste et chroniqueur du Guardian George Monbiot utilise une basse estimation des données afin de justifier sa position selon laquelle il n’y aurait aucune alternative à l’énergie nucléaire étant donné qu’elle ne produit pas de gaz à effet de serre causant le réchauffement global de la planète, ce serait donc un moindre mal dans la bataille contre le changement climatique.

    Et pourtant, il y a une alternative à l’énergie nucléaire et aux énergies fossiles : les énergies renouvelables – éolienne et solaire. Si les énergies renouvelables sont combinées à un large programme destiné à améliorer leur efficacité, tous nos besoins d’énergie pourraient-être rencontrés sans ‘‘que la lumière ne s’éteigne’’, en liaison avec une économie libérée du gaspillage énergétique et autres issu du chaos de la production capitaliste, ce qui nécessite une économie démocratiquement planifiée où les secteurs-clés de l’économie (notamment l’énergie) seraient nationalisés et démocratiquement gérés et contrôlés par les travailleurs et les usagers.

    Le désastre à Fukushima a été empiré en conséquence directe du rôle néfaste joué par l’entreprise privée Tepco. Pour cette firme capitaliste, rien ne peut venir entraver la course au profit, tout comme c’est d’ailleurs également le cas pour le gouvernement, aux ordres de pareilles compagnies. La gestion des dégâts issus de désastres nucléaires devrait être gérée par les travailleurs des centrales nucléaires, les collectivités touchées et l’ensemble de la société, démocratiquement représentée par un gouvernement des travailleurs et des pauvres.

  • Économie mondiale : ''Les banques centrales naviguent dans le noir''

    La grave récession de 2008-2009 a fait de l’économie mondiale un véritable laboratoire d’expérimentations. Mais ni l’austérité extrême ni les trillions injectés dans les banques n’ont conduit à une véritable reprise. Les politiciens et les économistes sont désormais de plus en plus préoccupés.

    Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Au centre des préoccupations, la crise européenne. Au début de 2012, l’Italie et l’Espagne étaient proches du défaut souverain (fait pour un gouvernement de ne pas pouvoir payer sa dette), une situation qui, à son tour, aurait pu voir le projet euro entier s’effondrer. Les dirigeants et les institutions européennes, par crainte, ont du prendre des mesures extrêmes.

    La Banque Centrale Européenne (BCE) a promis un ”accès illimité” au capital pour les États et les banques. Depuis lors, la BCE a prêté 360 milliards d’euros aux banques espagnoles et 260 milliards aux banques italiennes. Une grande partie de ces sommes a été utilisée pour racheter leurs obligations d’État respectives. L’écart de taux d’intérêt – ce qui coûte en plus à l’Espagne et à l’Italie pour emprunter par rapport à l’Allemagne – a chuté de 6-7% à 2-3%.

    La générosité de la BCE est compensée par les autres banques centrales. La Réserve Fédérale Américaine (FED) est à sa quatrième phase d’assouplissement quantitatif, ce qui signifie que la FED rachète des parts de la dette publique à raison de 85 milliards de dollars par mois.

    Le nouveau gouvernement de droite du Japon s’est lancé dans une politique monétaire ”quantitative et qualitative”, une double mesure par rapport à celle de la FED. En deux ans, la banque centrale (la Banque du Japon, BOJ) va utiliser l’équivalent d’un quart de son PIB – le Japon est la troisième plus grande économie mondiale – pour acheter des obligations d’État, des actions et des biens immobiliers.

    Les Banques centrales

    Mais désormais, il y a une inquiétude croissante quant à savoir si les interventions des banques centrales sont bel et bien la solution ou au contraire aggraveraient la crise. ”Certaines figures de proue des Banques centrales avouent qu’ils naviguent dans le noir dans le pilotage de leur économie” a rapporté le Financial Times (18 avril) après la dernière réunion du Fonds Monétaire International (FMI).

    Selon Lorenzo Samgh de la direction de la BCE : ”Nous ne comprenons pas entièrement ce qui se passe dans les économies avancées”. Le chef de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a affirmé que personne ne pouvait être sûr que la politique monétaire expansionniste était correcte et s’est interrogé sur le fait qu’elle pouvait ”courir le risque d’attiser les problèmes qui ont conduit à la crise préalablement”.

    L’intervention de la Banque centrale a assoupli la crise immédiate pour les banques et les États les plus vulnérables. Mais ils n’ont pas reboosté l’économie – les investissements dans les pays capitalistes avancés sont toujours au record le plus bas.

    Cependant, la nouvelle politique a initié des conflits plus nets entre les Etats-Nations. La monnaie japonaise, le Yen, a chuté de 25% depuis l’année dernière. Cela a profité à l’industrie d’exportation japonaise au détriment, entre autres, des industries allemande et sud-coréenne.

    Les rapports semi-annuels d’avril du FMI (le Rapport du Stabilité financière global et des Perspectives économiques mondiales) notent que les actions des Banques centrales ont provoqué un ”large rassemblement de marché” mais ont aussi créé de nouveaux risques. Le capital passe maintenant des pays les plus riches vers les pays en développement, créant une instabilité potentielle. Le patron de la FED, Ben Bernanke, a récemment averti que la spéculation des banques pourrait augmenter.

    Le FMI

    Mais ce qui inquiète véritablement le FMI est ce qui se passera quand la politique d’assouplissement se terminera. Il n’y a pas de précédents historiques sur lequel se baser. ”Des améliorations continues nécessiteront un redressement du bilan du secteur financier et un déroulement harmonieux des sur-endettements public et privé. Si nous ne relevons pas ces défis à moyen terme, les risques pourraient réapparaitre. La crise financière mondiale pourrait se transformer en une phase plus chronique marquée par une détérioration des conditions financières et des épisodes récurrents d’instabilité financière”, écrit le FMI. Mais tout a jusqu’ici échoué, la situation tend vers une crise plus chronique.

    La deuxième étape de la politique de crise – les mesures d’austérité extrêmes – ont eu de pires effets immédiats. 19,2 millions de personnes sont actuellement au chômage dans la zone euro, dont six millions en Espagne seulement. En Grèce, le chômage des jeunes s’élève à 59,1%. Le New York Times a rapporté dans un article sur les écoles grecques que les enfants s’évanouissaient de faim et fouillaient les poubelles pour trouver de la nourriture.

    Le premier ministre portugais, Pedro Passos Caolho – un fervent partisan de l’infâme austérité de la Troïka (FMI, UE et BCE) – a promis en 2011 que ces ”deux terribles années” seraient suivies par une reprise. Mais en raison de l’austérité extrême, en 2013, le Portugal ”fait face à une récession plus profonde et plus longue que celle prévue par le gouvernement et les prêteurs internationaux.” (Financial Times).

    Le FMI a estimé en avril que le risque de récession (le fait que l’économie se contracte) dans la zone euro était de 50%. Depuis lors, le président de la BCE, Mario Draghi, a averti que même la France s’était engouffrée plus profondément dans la crise. L’UE a accordé à l’Espagne et à la France deux années supplémentaires pour se conformer à la règle selon laquelle les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3% du PIB. Selon les nouvelles règles, ces deux pays auraient, aussi non, été condamnés à une amende.

    Dans une grande enquête effectuée par l’agence de notation Fitch auprès des capitalistes et des investisseurs financiers en Europe, une grande majorité pense que le calme qui règne cette année en Europe n’est que passager. ”Fitch met en garde dans un communiqué qu’elle [l’année 2013] peut revoir un été marqué par la crise de l’euro, tout comme ce fut le cas en 2011 et 2012, car il y a une forte contradiction entre le récent rallye boursier et la montée du chômage” (Dagens Industri, quotidien suédois).

    Pas de solution capitaliste

    Aucune institution capitaliste n’a de solutions. Beaucoup avertissent que l’austérité est allée trop loin, mais continuent de souligner la nécessité d’un budget équilibré pour le ”moyen terme”.

    En combien de temps la crise chypriote qui menace de s’étendre montrera que les pays de l’UE ont besoin d’une union bancaire, écrit le FMI dans son rapport ? Et avant que les flux de capitaux illimités de la BCE n’atténuent la crise, les politiciens dirigeants de l’UE comme Angela Merkel et le président de la Commission européenne Barroso déclaraient que l’UE avait besoin d’une politique budgétaire beaucoup plus stricte et synchronisée.

    Mais les intérêts nationaux et les conflits rendent spécialement les dirigeants allemands hésitants. Le risque, à leurs yeux, est que l’Allemagne devienne définitivement le garant des banques à travers l’Europe.

    En parallèle avec les contradictions croissantes au sein des États membres de l’UE, il y a une méfiance grandissante contre l’Europe elle-même. Aujourd’hui, en Espagne, 72% de la population est critique par rapport à l’Europe contre 23% avant la crise. En Allemagne, cette méfiance est passé de 36 à 59%.

    La crise a été utilisée pour pousser en avant les contre-réformes néolibérales dont rêvaient les capitalistes. Des pensions encore pires en Italie, des facilités pour licencier les travailleurs en Espagne, des réductions de salaire de 50% en Grèce et ainsi de suite. De la même façon, les capitalistes augmentent leur pression sur le président français François Hollande. Il a déjà aboli l’impôt sur les gains en capital et a promis de réduire les allocations de chômage, des pensions et des municipalités.

    En même temps, la pression politique par le bas est de plus en plus forte. Dans un sondage d’opinion français, 70% des sondés pensent qu’une ”explosion sociale” est possible dans les prochains mois.

    Le FMI, en avril, a à nouveau abaissé ses prévisions pour la croissance économique mondiale de cette année à 3,3% (3,5% néanmoins en Octobre). Le commerce mondial ne devrait augmenter que de 3,6% cette année après 2,5% l’année dernière.

    L’indice des directeurs d’achats des grandes entreprises européennes et japonaises est encore en dessous de 50, ce qui indique que l’économie ne se développe pas. Mais même dans le cas de la Chine, ce chiffre ne dépasse pas beaucoup les 50.

    La Chine

    L’économie de la Chine – la deuxième plus grande au monde mais dont on estimera qu’elle dépassera les États-Unis d’ici 2020 – est en train de ralentir fortement. Le grand plan de relance de 2009, qui a tenu la croissance grâce à des investissements massifs, frappe désormais de son revers avec force. Les dettes des municipalités et des provinces sont estimées à entre 20 et 40% du PIB du pays. Au cours du premier trimestre de cette années, ces dettes ont augmenté deux fois plus vite que dans la même période en 2012.

    Le FMI et les politiciens occidentaux parlent de la façon dont la consommation en Chine devrait augmenter et l’investissement diminuer. Mais l’abaissement de la part de l’investissement dans le PIB de 50 à 30%, dans une situation ou la croissance économique sera de 6% au lieu des 10% précédents, ”provoquerait une dépression à lui tout seul” conclut le chroniqueur économique du Financial Times, Martin Wolf. La demande s’effondrerait avec un impact considérable sur l’économie mondiale.

    Les gouvernements et les classes capitalistes mettent désormais davantage de pression sur d’autres États. Les États-Unis veulent voir une plus grande demande en Allemagne et en Europe, tandis que les politiciens européens exigent que les déficits des États-Unis et du Japon soient réduits. Le déficit budgétaire du Japon cette année est à près de 10% du PIB, pour la cinquième année consécutive. La dette publique devrait être à 255% du PIB en 2018.

    Le déficit américain est de 5% du PIB et la dette s’élève à 110% de celui-ci. La croissance cette année aux États-Unis devrait être la plus élevée dans les pays capitalistes développées, soit 1,2%. Mais les prévisions sont incertaines puisque les coupes automatiques, la mise sous séquestre, n’auront effet que dans la seconde moitié de l’année.

    Avec l’échec des ”méthodes peu orthodoxes”, de plus en plus de gens se rendent compte qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste. La résistance des travailleurs et des pauvres va augmenter, comme l’ont montré les manifestations de masse au Portugal au début de mars qui étaient les plus importantes depuis la révolution de 1974. La tâche des socialistes est de construire de nouveaux partis des travailleurs avec une réponse socialiste claire face à la crise.

  • Corée du Nord : Le dictateur nord-coréen brandit la menace nucléaire

    Simple provoc’, ou l’annonce de millions de morts ?

    Les craintes et tensions en péninsule coréenne et dans le monde ont connu un nouveau pic, pour des raisons très compréhensibles. La Corée du Nord est un régime quasi stalinien d’un genre très particulier et fondamentalement instable. Son nouveau “grand dirigeant”, Kin Jon-un, semble encore plus imprévisible que son père en ce qui concerne ces menaces d’envoyer des bombes nucléaires sur ses voisins.

    Clare Doyle, secrétariat international du CIO

    Considère-t-il le Sud de cette péninsule divisée comme constituant une menace majeure envers son régime dictatorial (surtout vu la différence de niveau de vie et la présence dans le Sud de quelques éléments de base de démocratie) ? Cherche-t-il à démontrer à sa propre clique dirigeante, y compris à sa tante et à son oncle, vu son jeune âge, qu’il a la carrure d’un chef ? Tente-t-il d’utiliser la menace d’une attaque nucléaire afin de contraindre ses voisins à un retour à la table des négociations ? À moins que son objectif ne soit d’obtenir la levée des sanctions internationales et une hausse de l’aide alimentaire pour sa population affamée ?

    Probablement un mélange de tout cela. Nous avons ici réellement une situation dans laquelle un échange nucléaire pourrait démarrer à tout moment – délibérément ou par accident. Cela ne peut être exclu. Un tel acte engendrerait un véritable cauchemar de mort et de destruction, l’effondrement du régime nord-coréen et une crise majeure pour la Corée du Sud et pour toute la sous-région.

    La première réponse des États-Unis par rapport aux menaces de la Corée du Nord a heureusement été “revue à la baisse”, selon le mot d’un commentateur de l’université Yonsei. Après avoir envoyé des bombardiers B2 survoler la péninsule, les États-Unis ont reporté leur test prévu de tir de missiles intercontinental et cherchent apparemment le “dialogue” plutôt que la “dissuasion active”.

    La nouvelle équipe dirigeante chinoise semble elle aussi moins prompte que dans le passé à apporter son soutien automatique au régime nord-coréen et à ses provocations périodiques à l’encontre de l’impérialisme et du régime sud-coréen. D’un autre côté, dans le Sud, la “politique de confiance” du nouveau régime de droite implique l’acceptation que la “dénucléarisation” n’est pas la seule chose à faire avant la neutralisation de la menace quasi permanente provenant du Nord.

    Un des facteurs qui joue sans doute dans les calculs du régime du Nord est la crainte que s’il devait supprimer son arsenal nucléaire, il subirait alors le même sort que les régimes irakien et autres qui ont subi le courroux de l’impérialisme.

    Beaucoup d’hypocrisie

    Le fait que les États-Unis et la Chine exigent le désarmement total de la Corée du Nord, alors que ces pays sont eux-mêmes armés jusqu’aux dents (notamment d’armes nucléaires qu’ils n’ont pas la moindre intention de démanteler), est le signe d’une terrible hypocrisie. Les armes nucléaires sont des dispositifs monstrueux de destruction massive. Aucun gouvernement sain d’esprit ne ferait usage de ces armes, à cause de la perspective de destruction mutuellement assurée qui en découlerait. Ces armes ne servent que de moyens de dissuasion.

    Mais cela ne signifie nullement que de telles armes ne pourraient être déclenchées par un dirigeant malade ou par accident. Dans le cas de la Corée, cette nouvelle instabilité est à replacer dans le contexte qui suit la mort de Kim Jong-il, dont le “règne” a vu la majorité de la population nord-coréenne plonger dans la misère et la famine. La menace provenant du niveau de vie supérieur dans le Sud et l’“infection” causée par certains droits démocratiques durement acquis (comme le droit d’utiliser internet) – posent un risque pour le régime du Nord. C’est pourquoi Kim Jong-un aujourd’hui fait tellement de bruit au sujet de la menace extérieure et de la nécessité d’utiliser des armes nucléaires en guise d’auto-défense.

    Le régime nord-coréen semble ne se soucier d’aucune loi. Avec ses 600 000 soldats postés juste derrière la frontière, il est en position d’anéantir en un clin d’?il la capitale du Sud, Séoul, qui se trouve à moins de 60 kilomètres. Il a récemment effectué un certain nombre d’attaques sur des navires sud-coréens, et pourrait cette semaine envoyer un missile qui irait jusqu’à atteindre la base militaire américaine sur l’ile de Guam.

    Le soutien chinois pour Pyongyang s’amenuise

    Tout affairé dans sa lutte pour l’hégémonie dans la sous-région et en interne, le parti “communiste” chinois n’est pas contre l’idée d’organiser ses propres interventions militaires dans la région – il y a eu récemment des accrochages avec le Vietnam, le Japon et les États-Unis. Mais sur sa route vers la restauration capitaliste, la Chine n’accourra plus automatiquement à l’aide de son voisin comme par le passé. Le régime nord-coréen n’a de toute façon lui non plus rien de communiste, même pas en nom. Son idéologie dominante, le “Juche”, est une invention de son premier “grand dirigeant”, Kim Il-sung, qui était au départ un dirigeant communiste dans la guerre de résistance contre l’occupation de la Corée par le fascisme japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce petit État de 25 millions d’habitants est né à la suite de la guerre dévastatrice de 1950-53 entre les forces de l’impérialisme et la Chine de Mao Zedung. Cette guerre s’est achevée sur un “match nul” qui a mené à la division de la Corée entre un Nord stalinien et un Sud capitaliste sous régime militaire pro-américain.

    Aujourd’hui, le flux constant de touristes qui voyagent jusqu’à la zone démilitarisée qui divise le pays afin de jeter un ?il par-dessus la frontière apprennent de la part des guides officiels que cela fait 60 ans que les “loups communistes” du Nord menacent le Sud démocratique. Mais cela n’est pas correct. Tout d’abord, bien que les secteurs-clés de l’économie dans le Nord appartiennent au gouvernement, il n’y existe aucun élément de démocratie ouvrière pour la masse affamée et miséreuse de la population, alors que la petite clique dirigeante au somment du gouvernement et de l’armée vit dans un luxe scandaleux. Pour les capitalistes, la Corée du Nord sert d’épouvantail visant à discréditer les idées du communisme et du socialisme, alors que ce régime n’est en réalité qu’une déformation grossière de nos idées et n’a pas la moindre ressemblance d’un État ouvrier socialiste démocratique.

    Deuxièmement, on voit mal de quel “Sud démocratique” on parle, vu que l’impérialisme américain y a consacré des ressources gigantesques afin de soutenir les cruelles dictatures militaires qui s’y sont succédées pendant plus de 30 ans, y compris celle de Park Cheung-he, le père de la nouvelle présidente récemment élue. Les États-Unis y maintiennent un large arsenal et des dizaines de milliers de soldats. Depuis que Pyongyang a menacé d’oblitérer Hollywood (alors qu’il est peu probable qu’il en ait la capacité), les États-Unis ont à leur tour menacé d’accroitre leurs “actifs” sur la péninsule – ce qui n’est pas du tout du gout de la Chine, qui s’acharne maintenant à réconcilier les deux camps. (En 1994, l’administration de Bill Clinton avait sérieusement considéré de lancer une invasion du Nord, mais a annulé son plan vu le cout estimé de 100 milliards de dollars et un million de morts).

    Le capitalisme des chaebols

    L’économie de Corée du Sud est dominée par une petite poignée de grands cartels appartenant à de riches familles, nommés les “chaebols”. Les militants syndicaux y sont constamment réprimés et emprisonnés pour le simple fait d’exprimer leur droit démocratique à s’organiser et à entrer en grève (voir notre article du 26 février 2013 sur la situation en Corée du Sud – en anglais). La lutte pour la construction d’une voix politique indépendante pour la classe laborieuse sud-coréenne devient de plus en plus pressante. À cause du régime monstrueux du Nord qui est faussement présenté comme étant communiste, beaucoup de personnes ont été détournées de nos idées, et il est très difficile de construire une force véritablement socialiste dans le pays capable de lutter contre le règne des multinationales et des banques.

    Aujourd’hui, à cause de l’immense gouffre entre le niveau de vie au Nord et celui dans le Sud, la plupart des gens du Sud considèrent que la réunification de la Corée leur coutera personnellement énormément d’argent. Toute lutte visant à réunifier la péninsule dans l’intérêt de la population laborieuse doit lier la lutte contre la dictature et la folie nucléaire du Nord avec la lutte contre les chaebols du Sud. La lutte pour la planification socialiste démocratique de l’industrie, des banques et des grandes fermes sous propriété collective permettrait de jeter les bases pour la réunification longtemps attendue du peuple coréen.

  • [PHOTOS] Stop Tihange !

    Ce dimanche, environ 2000 personnes ont manifesté à Huy pour commémorer la catastrophe de Fukushima au Japon et dénoncer les dangers du nucléaire. Pour éviter de telles tragédies, il est crucial de placer le secteur énergétique entier dans les mains de la collectivité, c’est-à-dire hors de portée de la soif de profit destructrice du privé. Ainsi, il serait possible de consacrer des investissements massifs pour se diriger vers une énergie alternative, sans danger et respectueuse de l’environnement. Une délégation de membres du PSL était présente, aux côtés de nos camarades allemands du SAV.

    Par Nico (Liège)

  • Reprise économique : Le pire derrière nous? Qui peut le croire?

    Vous aussi vous l’avez remarqué ? Malgré l’annonce dramatique des fermetures de Ford à Genk et d’ArcelorMittal à Liège, malgré la cascade de faillites que cela entraîne, malgré la dislocation de quartiers entiers, de villes et de régions, malgré la monté excessive de la pauvreté,… les politiciens, les patrons, leurs bureaux d’étude ‘‘indépendants’’ et leurs médias s’accrochent avec acharnement au mythe selon lequel le pire est derrière nous.

    Par Eric Byl

    Ce mythe est basé sur l’illusion que le processus de ‘‘destruction créatrice’’ cessera bientôt et que les vieux sites ‘‘non-productifs’’ (lisez : qui ne génèrent pas suffisamment de profits) seront remplacés par de nouvelles structures productives. L’élite économique trouve géniale toute cette théorie de la ‘‘destruction créatrice’’ de l’économiste autrichien Schumpeter (1883-1950). Enfin une explication pour le phénomène d’expansion et de récession qui poursuit le capitalisme depuis son origine ! Mais l’élite capitaliste préfère oublier que Schumpeter a emprunté sa théorie à Karl Marx.

    Dans son Manifeste du Parti Communiste (1847) celui-ci disait que la bourgeoisie ne peut exister ‘‘sans révolutionner constamment les instruments de production’’ en conséquence de la concurrence, c’est la principale loi du développement du capitalisme. Mais, contrairement à Schumpeter, Marx avait également immédiatement compris ses limites. Il a démontré que la fureur concurrentielle allait énormément augmenter le coût d’investissements en capital (surtout en recherches et en machines), que les petits producteurs étaient destinés à se faire écraser par les grands, que la concurrence s’accompagnerait de la constitution de monopoles et de cartels, que le capitalisme développait son propre fossoyeur – la classe des travailleurs- et que le capital d’investissements requis deviendrait finalement trop important pour séduire des investisseurs privés.

    L’an dernier, les actions des bourses européennes ont grimpé de 15%, celles de la bourse japonaise de 25%. Durant les trois premières semaines de cette année, 3% s’y sont encore ajoutés en Europe et 5% au Japon. Comparez cela aux miettes que vous recevez sur votre compte d’épargne ou sur votre compte à terme ! Les 9 premiers jours de 2013, 22 milliards de dollars ont afflué sur les bourses à travers le monde ! Le pire de la crise est-il passé ? Non.

    Des ‘‘spécialistes’’ expliquent cette montée des actions par le gage donné par la Banque Centrale Européenne de ne pas laisser tomber les banques européennes, grâce à l’accord budgétaire conclu aux Etats-Unis, par la baisse des taux d’intérêts espagnols et italiens et par l’assouplissement de Bâle III qui gère les exigences des capitaux propres des banques. D’autre part, le chômage progresse en Europe de façon alarmante et toute une série de datesbutoir sont face à nous. Ainsi, à la mifévrier, il faudra à nouveau relever le plafond des dettes aux Etats-Unis, les autorités espagnoles devront sauvegarder leur système bancaire sans pousser l’économie de récession en dépression et les autorités irlandaises devront bientôt retourner faire appel à l’aide des marchés financiers.

    Qu’importe le zèle avec lequel Di Rupo et consorts défendent le régime fiscal belge au Forum Economique Mondial de Davos, les investissements obtenus ont un caractère spéculatif important et ne représentent que des miettes en comparaison de la montagne de liquidité (près de 8.000 milliards de dollars) que les entreprises accumulent sur leurs comptes à travers le monde en refusant d’investir dans la production. Comment les actions en Bourse augmentent-elles leur valeur ?

    Pour nous, il s’agit à nouveau d’une bulle spéculative après celle d’internet, des matières premières, des obligations, etc. Mais, sans la moindre question au sujet des fondations économiques actuelles, toute la meute de propriétaires de capitaux fonce dans cette direction. Que le gouvernement, par la voix du ministre des finances Vanackere, veut inciter la population à parier ses épargnes dans ce casino illustre que personne dans l’establishment n’a tiré de leçons de la précédente phase de la crise.

  • Chine : Bo Xilai et la crise du PCC

    La lutte de pouvoir expose le régime chinois à encore plus de risques

    Quand Bo Xilai est spectaculairement tombé en disgrâce au sein de la direction du Parti Communiste Chinois, cela a révélé les profondes divisions qui règnent au sein de l’élite dirigeante. La révélation semi-publique de la lutte de pouvoir expose le régime chinois à encore plus de risques.

    Vincent Kolo (Chinaworker.info), article initialement paru dans Socialism Today, magazine mensuel du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de galles)

    L’exclusion du ”prince rouge” déchu Bo Xilai du Parti ”Communiste” (PCC) au pouvoir, décidée à la réunion du Politburo le 28 septembre dernier, a marqué une nouvelle phase dans la lutte de pouvoir de haut niveau qui se mène en Chine, la plus sérieuse depuis au moins 20 ans. A cause des divisions sur le degré de dureté avec lequel traiter Bo, le congrès du PCC qui se tient tous les 5 ans a été reporté de plus d’un mois, au 8 novembre.

    Ce délai a illustré la profondeur des divisions internes sur les places dans composition de la nouvelle direction, qui seront révélées au congrès. Les dates des trois derniers congrès (1997, 2002 et 2007) avaient été annoncées fin août, un mois plus tôt que pour ce congrès. En août, un traditionnel conclave pré-congrès des dirigeants du PCC, qui s’est tenu dans la station balnéaire de Beidhane, était sensé avoir trouvé un accord sur la composition de la direction très contestée. Ce délai suggère que cet accord s’est rompu dans le renouvellement des querelles des factions.

    Le sort de Bo Xilai a été utilisé comme monnaie d’échange entre ses partisans et opposants au sein de la direction du parti. Les opposants de Bo – qui incluent la direction actuelle du président Hu Jintao et du premier ministre Wen Jiabao – semblent avoir pris le dessus, mais la question est à quel prix ? Quelles concessions la faction ”tuanpai” (ligue de la jeunesse communiste) de Hu a-t-elle été forcée de faire sur le partage des sièges dans le tout puissant Comité Permanent du Bureau Politique (CPBP) ?

    Les divisions actuelles dans l’Etat à un seul parti reflètent les tensions explosives dans la société, qui a l’écart de richesse le plus extrême en Asie, une épidémie de corruption, et des centaines d’ ”incidents massifs” chaque jours. La ligne de faille principale dans la lutte de pouvoir actuelle est entre les ”princes rouges” – les super-riches de la deuxième ou troisième génération de dirigeants du PCC comme Bo – et leurs opposants – surtout représentés par la faction tuanpai, qui veut limiter le pouvoir des princes rouges et mettre fin à leurs ”droits acquis”. Ceux-ci incluent les groupes industriels puissants appartenant à l’Etat, qui sont vus comme un blocage dans la libéralisation de l’économie. Certains commentateurs comparent la férocité de la lutte interne actuelle au coup d’Etat manqué de Lin Biao contre Mao Zedong en 1971 et au mystérieux accident d’avion qui a tué Lin pendant qu’il tentait de s’échapper en Union Soviétique.

    L’exclusion de Bo est un premier pas vers un procès-spectacle minutieusement préparé dans le but de ”l’éliminer” – politiquement, sinon littéralement. Il risque maintenant une longue peine de prison, voire même la peine de mort. Alors que cela pourrait faire un tollé en Chine parmi les nombreux partisans de Bo, quelques uns de ses opposants ”libéraux” seraient en faveur d’une condamnation aussi drastique, pour éliminer toute possibilité de retour politique. Il est improbable que le procès de Bo soit ouvert au public, pour éviter tout acte de défi en public ou tentative d’incriminer ses ennemis. En ce sens, la procédure sera surement moins démocratique que quand la ”bande des quatre” maoïstes ont été jugés en 1981 et que Jiang Qing (Madame Mao) a engueulé ses accusateurs pendant deux heures la télé.

    Bo Xilai et la ”nouvelle gauche”

    Avant sa destitution de la direction du parti à Chongqing, Bo était la principale figure de proue de la ”nouvelle gauche” en plein essor, un groupe imprécis qui va de la jeunesse inspirée par Mao aux nationalistes en passant par les vieux du PCC. Ils sont critiques des politiques néolibérales et mondialistes de Pékin. Bien qu’il soit lui-même un multimillionnaire, Bo a acquis une renommée nationale avec ses campagnes flamboyantes contre l’autopromotion, comme sa campagne néo-Maoïste de ”culture rouge” qui puise dans le rejet populaire des effets de la restauration du capitalisme.

    La répression brutale des célèbres triades de Chongqing, dirigées par le chef de police et ancien sous-fifre de Bo, Wang Lijun, récemment emprisonné, a attiré les critiques des militants des droits de l’Homme, et a visé beaucoup d’autres au-delà des triades. Une telle campagne et la popularité que Bo en a tirée n’étaient pas pour plaire à la direction en place de Hu et Wen. Bo était vu comme une menace contre les tentatives de Pékin de régner sur les provinces rebelles et comme un symbole de l’arrogance des princes rouges, de la corruption et d’autoritarisme qui, s’il n’est pas contrôlé, est une menace au pouvoir du PCC.

    Depuis son exclusion, les médias contrôlés par l’Etat ont dénigré Bo dans des termes inhabituellement durs pour un dirigeant déchu, en présentant une litanie de crimes, dont l’abus de pouvoir, corruption et même ”relations sexuelles inappropriées”. Significativement, ces soupçons reviennent sur presque 20 ans, à l’époque où Bo était vice-maire de Dalian. Il a été cloué au pilori en tant que ”dictateur” qui régnait sur Chongqing d’une ”main de fer” et en tant que ”homme vraiment dégoûtant”, selon le Guangming Daily, un journal sous contrôle du Comité Central. Ce journal ouvertement libéral n’a pas pu se retenir d’attaquer les positions prétendument à gauche de Bo, qu’il décrit comme un ”modèle politique dépassé qui a mené la Chine à un désastre sans équivalent”.

    Ces attaques constituent une stratégie très risquée pour la direction du PCC. Son but est clairement de détruire non seulement Bo mais aussi de porter un coup à la gauche néo-Maoïste qui est de plus en plus audible et a adopté Bo comme porte-drapeau. Mais la campagne de propagande contre Bo peut aussi attiser le scepticisme à l’égard du régime dans son ensemble.

    Les gens vont inévitablement se demander pourquoi, si Bo ”a violé la discipline du parti” pendant 20 ans, le régime n’a pas réagi jusqu’ici ? Et en quoi ses actions sont-elles plus dictatoriales que celles des autres hauts fonctionnaires du PCC ? En tant qu’historien libéral, Yuan Weishi, demande : ”Pourquoi a-t-il été malfaisant si longtemps et qu’est-ce qui peut bien alimenter ce comportement ?” Bo s’est vu reprocher d’avoir choisi peu judicieusement Wang comme chef de police, dont la fuite vers le consulat américain à Chengdu a accéléré la chute de Bo. Mais, comme le commente l’avocat militant Liu Xiaoyuan : ”Bo Xilai a échoué à surveiller Wang Lijun, mais alors qui a échouéà surveiller Bo ?”

    Avec ces attaques, le régime s’avance sur un terrain glissant. Elles pourraient attiser les protestations des partisans de Bo mais aussi des opposants qui doutent de la sincérité du régime ou de sa capacité à faire face à la corruption et les ”abus de pouvoirs”. L’impasse sur le sort de Bo, et le délai du congrès du parti, soulignent la sérosité de cette tactique et les risques encourus. En plus de profiter de la protection des princes rouges, Bo a construit un soutien considérable en dehors du PCC et aussi dans les forces armées, à un degré sans doute inégalé par aucune personnalité du régime.

    ”Le cas de Bo est sans précédent car il a apparemment beaucoup plus d’influence que Chen Liangyu et Chen Xitong [anciens chefs du parti à respectivement à Shanghai et Pékin, emprisonnés pour corruption]”, note Yuan Weishi, faisant référence aux deux plus importantes affaires de corruption des deux dernières décennies.

    Le procès pour meurtre de Gu Kalai

    C’est un revirement total depuis le procès en août de Gu Kalai, la femme de Bo, qui a reçu une peine capitale suspendue après avoir avoué le meurtre de l’homme d’affaire Neil Heywood. Le procès mis en scène de Gu, qui n’a duré qu’une journée, n’a pas fait la moindre mention de Bo. Maintenant, Xinshua écrit que Bo porte la « principale responsabilité » dans le meurtre de Heywood ! De la même façon, le procès de Gu minimisait la question de la corruption, malgré qu’il soit connu que Heywood blanchissait l’argent de la famille Bo et a été tué à cause d’une dispute avec Gu après qu’une affaire de plusieurs millions de dollars ait tourné au vinaigre.

    En ne mentionnant pas Bo, le procès de Gu impliquait qu’une procédure criminelle lui serait épargnée et qu’il serait traité avec plus d’indulgence, dans les canaux disciplinaires du PCC lui-même (shanggui). Cela a été perçu comme faisant partie d’un accord plus large à la tête du parti à l’approche du congrès. Apparemment, les choses ont changé. Le changement a commencé avec le procès de Wang Lijun à la mi septembre, qui a envoyé l’ancien chef de police de Chongqing en prison pour 15 ans – une peine indulgente si on considère qu’un des quatre actes d’accusation était la tentative de déserter vers les USA. Les rapports officiels du procès en grande partie secret de Wang impliquent Bo, dans la tentative de couvrir le meurtre de Heywood. Bo n’était pas explicitement nommé, cependant le rapport parlait du ”principal responsable du comité du parti à Chongqing à cette époque”.

    On nous dit maintenant que Bo ”recevait d’énormes pots-de-vin, personnellement et à travers sa famille” (Xinhua, 28 septembre). Mais, à son procès il y a juste deux mois, cette charge n’a été retenue contre Gu Kalai ou contre le fils de Bo, Bo Guagua, dont on dit qu’il se cache à présent aux USA. L’omission de telles charges malgré une connexion évidente avec le meurtre de Heywood montre à quel point le procès de Gu a été manipulé par le groupe dirigeant du PCC dans son propre intérêt, qui a à présent changé. Le procès imminent de Bo XIlai ne va probablement pas montrer une plus grande « impartialité » ou un plus grand respect de « l’autorité de la loi ».

    Même le compte rendu officiel du meurtre de Heywood a été mis en question, sur le blog de Wang Xuemei (26 septembre), l’un des principaux experts de médecine légale chinois. Elle a mis en doute la confession écrite de Gu attestant qu’elle avait empoisonné Heywood avec du cyanure parce que cela donne des symptômes indubitables, comme la décoloration du corps, qui aurait forcément été remarquée par les médecins légaux sur la scène du crime. Le post de Wang, qui a rapidement été supprimé par la censure, soulevait l’hypothèse qu’il ait été étouffé.

    Pourquoi l’accusation a-t-elle besoin de « modifier » la méthode par laquelle Heywood a été tué ? Il est possible que ce soit pour soutenir un scénario dans lequel Gu a agi seule, prétendument dans un état mental instable, plutôt que tout simplement (et plus logiquement) faire appel à des « professionnels » des forces de sécurité sous le contrôle de Bo pour s’occuper de Heywood.

    On peut s’attendre à de telles « modifications » des faits pendant le procès de Bo. Déjà, dans la campagne médiatique contre lui, les allégations de corruption ont été ramenées à 20 millions de yuan par commodité. C’est un chiffre ostensiblement bas, en particulier si cela représente tout ce qu’il a pris pendant une carrière de deux décennies. « Pour autant que je sache, c’était bien plus que 20 millions de yuan », note Li ZHuang, un avocat emprisonné par Bo. « Bien plus que 200 millions, je dirais même. »

    Une comptabilité honnête du montant du pillage de la famille Bo poserait cependant de graves problèmes au régime du PCC. La décision de baisser les sommes d’argent concernées et d’introduire la question des « relations inappropriées avec de multiples femmes » (ce qui n’est pas un crime en Chine) représentent des manœuvres de diversion de la part de l’Etat et de sa machine de propagande. Malgré cela, beaucoup de gens vont conclure avec raison que, plutôt que la « brebis galeuse », Bo n’était ni meilleur ni mauvais que les autres dirigeants quand il s’agissait de s’en mettre plein les poches.

    Le niveau de corruption dans le cas de Bo et de sa famille n’est pas du tout exceptionnel dans la Chine d’aujourd’hui, bien qu’il s’agisse probablement de milliards de yuan. Selon les rapports dans les médias étrangers basés sur les informations des initiés du parti, Bo a collecté un milliard de yuan en pots-de-vin rien qu’en dispensant des promotions, quand il dirigeait le parti à Chongqing entre 2007 et cette année. Si ces sommes plus réalistes faisaient surface pendant le procès et dans les comptes rendus officiels, cela alimenterait inévitablement les revendications d’une investigation plus approfondie. La plupart des subalternes qui ont payé Bo pour des promotions sont encore assis sur leurs sièges officiels hors-de-prix. Très peu d’entre eux ont été purgés à Chongqing après la chute de leur bienfaiteur.

    La lutte de pouvoir va continuer

    Le drame autour de Bo ne peut pas être compris simplement en termes de corruption et de criminalité. Comme toujours en Chine, les affaires de corruption de haut niveau sont menées par la lutte entre les factions du parti pour des postes, l’influence et le contrôle. Les factions internes du PCC ne sont pas basées sur un programme ou une idéologie mais sur des loyautés claniques et le pouvoir politique. Cependant malgré ce manque de distinctions politiques apparentes, qui prête à confusion, la lutte actuelle reflète une grande différence entre ceux qui veulent accélérer la dérégulation et la privatisation de l’économie et diminuer le rôle des entreprises d’Etat, surtout dans « l’aile réformiste » de Wen (qui inclurait aussi le président à venir Xi Jinping), et ceux comme Bo qui dont pour plus d’intervention de l’Etat et la défense du capital national contre le capital étranger.

    Le principal appui de Bo dans la hiérarchie du parti vient de la faction connue en tant que « gang de Shangai » ou « faction des princes rouges », dirigé par l’ex-président Jiang Zemin (86 ans). Ce groupe avait espéré protéger Bo d’une crucifixion publique, pas par solidarité politique au départ (la plupart des princes rouges d’opposent au Maoïsme teinté de populisme de Bo) mais dans un esprit d’auto-préservation collective. Rendre publics les méfaits de Bo menace la position des princes rouges de couche politique privilégiée. Cela pourrait aussi représenter une menace systémique plus large contre l’Etat à parti unique lui-même.

    D’après Steve Tsang, professeur d’études chinoises contemporaines à l’université de Nottingham, la tournure récente des événements signifie que la faction de Jing a « accepté de laisser Bo être jeté aux loups en échange d’un accord quelconque dans le changement de direction du parti. » Il semble qu’ils aient sacrifié Bo pour plus de présence dans le CPBP. Il y a même une rumeur selon laquelle Jiang, officiellement depuis longtemps à la retraite, a assisté à la réunion du Bureau Politique qui a exclu Bo.

    Plutôt qu’une victoire que certains observateurs ont proclamée pour Hu, Wen et le camp réformiste tuanpai, c’est plus probablement un compromis qui inclut des concessions à Jiang, qui est maintenant présenté comme exerçant une influence considérable, en échange du scalp de Bo. Si, comme on s’y attend, le nombre de sièges du CPBP passe de 9 à 7 pour concentrer plus de pouvoir dans les mains de Xi Jinping, cela va aussi accentuer la lutte de pouvoir – une version brutale des chaises musicales.

    Manifestations anti-Japon

    Il est aussi possible que la faction de Hu, soutenue par Xi, n’ait changé sa position que récemment en faveur d’une « solution durable » au problème de Bo, même si cela signifie accorder un plus grand rôle à la faction des princes rouges de Jiang dans la nouvelle direction.

    Les récentes manifestations contre le Japon dans plus d’une centaine de villes en Chine peuvent avoir pesé dans la balance. C’étaient les plus grosses manifestations depuis plusieurs années, exigeant la restitution des îles Diaoyu par le Japon alors que les nationalistes japonais de droite sont très actifs. Elles montrent aussi de nouvelles preuves de scissions dans le PCC.

    Alors que le gouvernement central cherche à maintenir un contrôle serré et à utiliser ces manifestations pour renforcer sa position dans les négociations avec le Japon et les USA, les manifestations ont donné quelques mauvaises surprises à Pékin. L’apparition de portraits de Mao et de slogans en soutien à Bo Xilai en particulier ont fait sentir au gouvernement que les manifestations ont été détournées par les partisans de Bo et ses alliés factionnels dans les forces de sécurité et les gouvernements locaux. Cela « a alarmé de nombreux membres du parti », selon Zhang Ming, un politologue à l’université de Renmin, à Pékin.

    En retournant ses fusils contre Bo, la direction du PCC veut empêcher tout retour politique futur. Elle veut aussi porter un coup à ses partisans dans la « nouvelle gauche » et l’empêcher de lancer un défi au régime et à son programme de plus en plus néolibéral.

    Dans le monde entier, les commentateurs capitalistes ont voulu nous rassurer en disant que la décision de juger Bo Xilai signifiait que Pékin était « sur la bonne voie » avec son congrès et la cure de jouvence de sa direction. Depuis quelques temps, les bourses du monde entier ont été très nerveuses à propos de la paralysie étatique et de l’impasse en Chine, un peu comme dans l’Union Européenne et aux USA. Cela a paniqué les capitalistes quand ils ont vu l’économie chinoise plonger vers un possible dur atterrissage. Ils ont sollicité un retour à des mesures pratiques à Pékin, comme un plus grand stimulus économique.

    Mais quel que soit le sort de Bo, il ne mettra pas fin à la lutte de pouvoir au sein du régime, qui lui-même n’est qu’un reflet des contradictions sociales fondamentales de la société chinoise. Elles proviennent de la fusion du développement capitaliste déchaîné et de la dictature du parti unique. La lutte est installée pour continuer et la ligne de conduite dans laquelle le régime s’est embarqué lui-même peut lui donner un nouvel élan explosif.

    « Déballer tout ce linge sale est très risqué pour le parti. Ils jouent avec le feu », avertit Chovanec. Il faut une force politique massive de la classe ouvrière, complètement indépendant des factions du PCC, pour lutter pour les droits démocratiques et le socialisme.

  • Perspectives mondiales : ‘‘L’ère de l’austérité’’ prépare des convulsions sociales sismiques

    Nous vivons une des périodes les plus dramatiques de l’Histoire

    Les travailleurs grecs, suivis par les portugais et les espagnols, sont à l’avant-garde du mouvement contre cette interminable austérité. Plus personne ne peut aujourd’hui affirmer que la classe ouvrière reste passive face aux attaques du système capitaliste malade et pourrissant. Sa résistance s’est exprimée par une série de grèves générales épiques, mais elle a encore à créer un parti de masse ainsi qu’une direction dignes d’elle pour cette bataille entre travail et capital qui va dominer le début du 21ème siècle. La tâche du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), grâce à la clarté théorique de ses idées liée à un programme orienté vers l’action, est d’aider à créer cette nouvelle direction, une direction capable d’assurer la victoire de la classe ouvrière.

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Ce texte est un résumé du projet de document sur les perspectives mondiales discuté lors de la dernière réunion du Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu en décembre. Le document final est disponible, en anglais, sur le lien suivant.
    [/box]

    Le caractère instable des relations mondiales (qui peuvent entraîner l’éclatement d’un conflit dans de nombreux endroits du monde et à n’importe quel moment) s’est illustré lors des récents affrontements entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Ils se sont limités à un échange de roquettes et de missiles et un accord de cessez-le-feu a été atteint, mais la guerre pourrait reprendre et un assaut d’Israël sur la Bande de Gaza n’est pas à exclure. En retour, des troubles auraient lieu dans le Moyen-Orient.

    D’autre part, une ou plusieurs guerres régionales sont toujours de l’ordre du possible. La Syrie représente un véritable baril de poudre avec le régime de Bachar el-Assad assiégé et menacé d’être renversé, mais avec une opposition divisée sur des lignes sectaires. Les véritables socialistes ne peuvent soutenir ni Assad ni l’opposition, mais doivent s’orienter vers les masses que nous pouvons atteindre avec une voie clairement indépendante basée sur un programme et des perspectives de classe.

    Certaines minorités du pays recherchent encore la protection d’Assad par craintes des conséquences d’une victoire de l’opposition, laquelle bénéficie clairement d’un soutien prédominant de la part de la majorité sunnite de la population, avec une influence grandissante significative d’organisations du type d’Al-Qaïda. De plus, l’intervention de la Turquie contre le régime a augmenté la tension entre les deux pays. Des affrontements armés pourraient avoir lieu entre eux, ce qui pourrait devenir hors de contrôle. Une intervention de l’Iran dominé par les chiites pour soutenir les chiites en Syrie n’est pas non plus à exclure. Pareillement, le conflit pourrait déborder au Liban avec l’éclatement de conflits sectaires. Cela en retour pourrait conduire Israël à saisir l’opportunité de lancer des attaques aériennes contre les supposées infrastructures nucléaires iraniennes, avec sans doute en riposte des salves de missiles et de roquettes de la part de l’Iran et du Hezbollah contre les villes et infrastructures israéliennes.

    Au cours du récent conflit, le régime israélien et la population, plus largement, ont été pris de court par la capacité des roquettes du Hamas de frapper au cœur même de Tel Aviv. Le CIO s’oppose aux prétendues ‘‘frappes chirurgicales’’ d’Israël (qui ne sont en rien chirurgicales) qui ont tué au moins 160 Palestiniens. Mais nous ne soutenons pas pour autant les méthodes du Hamas, qui a lancé des roquettes à l’aveugle contre les villes les plus peuplées d’Israël. Cela a uniquement servi à jeter la population d’Israël dans les bras de Netanyahou, dont les actions punitives seraient soutenues par 85% de la population tandis que 35% soutiendraient maintenant une invasion de Gaza, opération qui verrait des centaines et des milliers de Palestiniens tués ou mutilés, de même que des Israéliens. Le peuple palestinien a le droit de résister aux méthodes terroristes de l’Etat Israélien, mais cette tâche peut être mieux accomplie par des mouvements de masse dans but de faire séparer la classe ouvrière d’Israël du régime vicieux de Netanyahou. En cas d’invasion de Gaza ou d’un autre territoire occupé, le peuple palestinien a tous les droits de résister, avec des armes si nécessaire, contre les envahisseurs.

    Les mineurs sud-africains montrent la voie

    Nonobstant l’influence des facteurs géopolitiques comme les guerres sur le cours des évènements (ce qui peut, sous certaines circonstances, sérieusement altérer nos perspectives), les principales caractéristiques de la situation présente sont l’approfondissement de la crise du capitalisme mondiale et la réponse combattive des la classe ouvrière et des pauvres.

    Cela est symbolisé par le magnifique réveil de la classe ouvrière sud-africaine à la suite des mineurs. Ces grèves héroïques, à l’instar des révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ont inspiré la classe ouvrière des pays industriels avancés. Un élément ‘‘d’Afrique du Sud’’ pourrait lui aussi être exporté en Europe avec un mouvement similaire au sein des syndicats afin de renverser les dirigeants qui refusent d’organiser la classe ouvrière pour sérieusement résister aux attaques du capitalisme.

    A la suite des mineurs, d’autres pans de la classe ouvrière d’Afrique du Sud sont eux aussi entrés en action dans cette grève qui est en ce moment la plus grande et la plus sanglante au monde.

    Cette lutte a également été caractérisé par un haut degré de conscience de la classe ouvrière (un héritage qui a su être préservé après les révolutions avortées des années 1980, avant la fin du régime de l’apartheid). Cela s’exprime par l’aspiration à la construction de nouveaux syndicats combattifs pour les mineurs afin de remplacer le syndicat officiel des mineurs, complètement corrompu, le NUM. Confrontés à l’ANC tout aussi corrompue, les mineurs (avec l’aide du Democratic Socialist Movement, le DSM, section du CIO en Afrique du Sud) ont lancé un appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs. Cela ne peut que renforcer les revendications du même type portant sur la question de la représentation indépendante de la classe ouvrière dans tous les pays (c’est-à-dire la majorité) où la masse des travailleurs n’a pas de parti, pas même un capable de les représenter ne fut-ce que partiellement.

    Même le magazine The Economist, la voix du grand capital, a déclaré : ‘‘le meilleur espoir pour le pays dans les années à venir est une scission réelle dans l’ANC entre la gauche populiste et la droite afin d’offrir un vrai choix aux électeurs.’’ C’est surprenant, sinon incroyable, au premier abord. Aucun journal capitaliste ne propose cela pour la Grande Bretagne ! Mais ce qui alarme The Economist, c’est que face au discrédit de l’ANC (un fossé de la taille du Grand Canyon existe à présent entre les seigneurs, chefs et rois de l’ANC et la classe ouvrière), les masses appauvries ont commencé à se tourner brusquement vers la gauche, vers les véritables militants pour le socialisme, les membres du DSM. Ils vont donc remuer ciel et terre pour essayer d’empêcher les masses d’aller dans notre direction, même si cela signifie de mettre en place une alternative ‘‘populiste’’ pour bloquer le développement d’un vrai parti de masse des travailleurs.

    Les élections américaines

    Le plus important évènement de cette période, au moins dans l’Ouest capitaliste, a été la réélection d’Obama aux USA. Il a été le premier président à être réélu depuis 1945 avec un taux de chômage supérieur à 7,5% dans le pays. Certains stratèges du capital (ou certains imaginant l’être) ont tiré des conclusions complètement fausses hors du résultat de cette élection. Ils affirment que la principale raison pour laquelle Obama a été élu, c’est que le peuple américain blâmait Bush, l’ancien président, pour les catastrophes économiques actuelles. Cela a sans doute été un facteur, certes, mais ce n’était ni le seul, ni le plus décisif. Une grande polarisation a pris place dans la société américaine avec les électeurs d’Obama (malgré leur déception face à son bilan) se rendant massivement au bureau de vote pour empêcher le candidat des 0,01% des riches et des plutocrates, Romney, de remporter les élections.

    Il y avait une réelle peur de ce que signifierait une victoire de Romney, qui aurait fait tourner à l’envers la roue de l’histoire, briser les aides sociales et les réformes limitées dans la santé, etc. Cela a fait accroître la participation électorale qui, même si elle n’était pas aussi élevée qu’en 2008, était néanmoins d’un niveau historique. Le vote populaire a été serré, Obama l’emportant par 50,8% contre 47,5%. Mais il est crucial que la majorité des femmes l’aient soutenu, avec une majorité encore plus forte concernant les jeunes femmes. Il a aussi gagné 80% du vote des minorités (Latinos et Afro-Américains), bien sûr, et des sections significatives de travailleurs syndiqués (dans l’automobile par exemple) ont milité pour lui et l’ont soutenu. Dans cette élection, ce n’était pas seulement une question de victoire du ‘‘moindre mal’’ pour Obama pour ‘‘arranger l’économie’’. Bien sûr, il ne sera pas capable de le faire, à cause du caractère de la crise économique.

    Le magnifique résultat de la candidate de Socialist Alternative aux élections de la chambre des représentants de l’Etat de Washington (un splendide 28% des suffrages) a été un triomphe non seulement pour nos camarades Américains mais pour l’ensemble du CIO.

    C’était la confirmation du fait que présenter des candidats des travailleurs indépendants peut conduire au succès, et à un nouveau parti de masse des travailleurs. De plus, cela s’est produit au cœur même de la plus grande puissance capitaliste au monde. Cette élection est un avant-goût de ce à quoi nous pouvons nous attendre ailleurs dans la prochaine période, en particulier en Afrique du Sud et en Europe, et cela montre le potentiel qui existe dialectiquement aux USA pour les idées et le programme du socialisme.

    L’héritage des trahisons social-démocrates et staliniennes n’existe pas aux USA, ce qui en fait un terrain encore plus favorable pour les vraies idées du socialisme en comparaison de nombreux endroits d’Europe et d’ailleurs à ce stade. De notre point de vue, il en va de même pour la victoire d’Obama. Son deuxième mandat pourrait préparer la voie à la création d’un troisième parti, mais d’un parti de la classe ouvrière cette fois, socialiste, radical et populaire. Bien sûr, toutes les perspectives sont conditionnées par la façon dont l’économie se développera aux USA et dans le monde entier.

    L’économie mondiale fait face à une série de crises

    L’économie américaine (l’une des seules à ré-atteindre le niveau de production d’avant 2008) a ralenti pour atteindre son rythme le plus faible depuis 2009, avec une croissance de moins de 2% alors que, simultanément, toutes les plus grandes économies mondiales ont perdu de la vitesse. Si les Républicains refusent un accord avec Obama, si les USA échouent face à la falaise fiscale, cela pourrait presque automatiquement plonger l’économie mondiale (fondamentalement stagnante) dans une nouvelle dépression encore plus profonde. Les intérêts des capitalistes devraient logiquement forcer les Républicains à chercher un accord avec Obama. Mais le système politique des USA, conçu à l’origine pour une population prédominée par les petits fermiers au XVIIIème siècle, est maintenant complètement dysfonctionnel, de même que le Parti Républicain.

    En 2009, lors de l’un de ses discours parmi les plus révélateurs devant les banquiers américains, Obama a déclaré : ‘‘Mon administration est tout ce qu’il y a entre vous et les fourches.’’ Mais lors des élections, cela ne lui a pas pour autant apporté le soutien de la bourgeoisie américaine dans son ensemble, qui a en général préféré Romney. Cela tend à montrer qu’une classe ne reconnait pas toujours ce qui est dans son meilleur intérêt ! Ce sont les stratèges et les penseurs de la classe dominante, parfois en opposition avec ceux qu’ils sont sensés représenter, qui sont préparés à défendre les meilleurs intérêts des capitalistes et à planifier le chemin à suivre. Aujourd’hui, le problème pour eux est que les différentes routes qui mènent toutes le capitalisme à la ruine.

    Leur perte de confiance est visible dans leur refus d’investir ainsi que dans les avertissements des institutions sacrées du capitalisme : le FMI, la Banque Mondiale, etc. Leurs perspectives de sortie rapide hors de la crise actuelle ont toutes été balayées. Dorénavant, ils sont plongés dans un pessimisme total. Le premier ministre britannique David Cameron et le Gouverneur de la Bank of England ont averti que la crise peut durer encore une décennie, et c’est le même son de cloche au FMI. Le thème des ‘‘banques zombies’’, d’abord employé au Japon, est à présent utilisé pour décrire non seulement les banques mais aussi les économies de l’Amérique, de l’Europe et du Japon. Comme dans le cas du Japon, les économistes bourgeois prédisent une ‘‘décennie perdue’’ pour certains pays et pour l’ensemble de l’Europe. Ils comparent cela à la dépression de 1873 à 1896, au moins en ce qui concerne l’Europe. Martin Wolf, du Financial Times, réfléchit ainsi : ‘‘l’âge de la croissance illimitée est-il terminé ?’’ en citant beaucoup une nouvelle étude ‘‘La Croissance Economique des USA Est-Elle Terminée ? L’Innovation Hésitante Confronte Les Six Vents Contraires’’. (NBER Working Paper no 18315)

    Cela a posé la question essentielle du rôle de l’innovation dans le développement du capitalisme, et en particulier dans l’amélioration de la productivité au travail. Les auteurs de l’étude mentionnée ci-dessus ont conclu qu’il y avait eu ‘‘trois révolutions industrielles’’ depuis 1750 qui ont été cruciales pour le développement du capitalisme.

    La première s’est située entre 1750 et 1830, a vu la création des machines à vapeur, du filage du coton, des chemins de fer, etc. La deuxième était la plus importante des trois avec ses trois inventions principales : l’électricité, le moteur à combustion interne et l’eau courante avec la plomberie, dans une période relativement courte, de 1870 à 1900. Ces deux révolutions ont pris à peu près 100 ans pour que leurs effets se répandent complètement dans l’économie. Après 1970, l’augmentation de la productivité a nettement ralenti, pour un certain nombre de raisons. La révolution informatique et internet (décrits par les auteurs comme la révolution industrielle n°3) ont atteint leur apogée à l’ère d’internet, fin des années 1990. Selon cette étude, son principal impact sur l’économie s’est altéré au cours des 8 dernières années. Les chercheurs en concluent que, depuis les années 2000, l’invention a largement été concentrées dans les appareils de loisir et de communication qui sont plus petits, plus smart et ont plus de capacités, mais ne changent pas fondamentalement la productivité du travail ou le niveau de vie de la même manière que la lumière électrique, les voitures à moteur et la plomberie. Cela ne veut pas dire que la science et la technique n’ont pas le potentiel de considérablement rehausser la productivité, mais le problème est posé par l’état actuel du capitalisme en déclin, incapable de développer pleinement le potentiel de ses forces productives. La baisse tendancielle du taux de profit (et les baisses réelles de rentabilité) décourage les capitalistes d’adopter des innovations qui pourraient développer les forces productives.

    Il y a ensuite le problème de la ‘‘demande’’ qui en retour a conduit à ‘‘une grève de l’investissement’’, avec un minimum de 2000 milliards de dollars de ‘‘capital au chômage’’ dans la trésorerie des entreprises américaines. Et le problème du surendettement par-dessus tout. Styajit Das, du Financial Times, admoneste la bourgeoisie américaine qui ‘‘parait incapable d’accepter la vérité : la perspective d’une croissance économique faible ou nulle pour une longue période. (…) Le maintien de la croissance nécessite toujours plus d’emprunts. En 2008, aux USA, 4 ou 5 dollars de dettes étaient nécessaires pour créer 1 dollar de croissance, contre 1 ou 2 dollars dans les années 1950. A présent, la Chine a besoin de 6 ou 8 dollars de crédit pour générer 1 dollar de croissance, une augmentation de 1 à 2 dollars par rapport à il y a 15 ou 20 ans.’’

    Le capitalisme ne fait pas face à une crise, mais à une série de crises. Ses partisans essaient de faire accepter à la classe ouvrière la perspective d’une croissance faible, voire de pas de croissance du tout, et ainsi qu’elle soit plus encline à accepter de voir ses conditions de vie se réduire drastiquement, comme en Grèce. Nous devons contrer cela par notre programme et en mettant en avant les possibilités illimitées (évidentes même aujourd’hui) qui sont présentes pour autant que la société soit organisée de façon rationnelle et planifiée, c’est-à-dire grâce à l’instauration du socialisme.

    L’insoluble crise de l’Europe

    La crise économique en Europe est la crise la plus sérieuse à laquelle fait face le système capitaliste. Cette crise parait insoluble avec la politique d’austérité qui ne fonctionne clairement pas, l’éclatement de conflits et la mise en garde du FMI contre ‘‘l’austérité excessive’’ appliquée par les gouvernements nationaux en Europe avec la bénédiction des autorités de l’UE et de la Banque Centrale Européenne (BCE). La BCE a d’un côté cherché à implanter, comme l’US Federal Reserve et la Bank of England, une forme de keynesianisme par l’achat d’obligations d’Etat ainsi qu’en accordant des prêts meilleurs marché à certaines banques et pays. Mais de l’autre, ces mêmes autorités (la ‘‘Troïka’’) ont été l’instrument des politiques d’austérité. Pourtant le FMI critique ‘‘l’effet multiplicateur’’ négatif qui s’opère quand une austérité drastique est appliquée (coupes dans les dépenses d’Etat, pertes d’emplois, etc.) car cela réduit les revenus de l’Etat. La BCE et les gouvernements nationaux rétorquent avec l’argument de ‘‘l’absolue nécessité’’ de faire des coupes dans les dépenses d’Etat, accompagnées de toutes les autres mesures d’austérité, de privatisation, etc. Mais en dépit de toutes les attentes, l’austérité a eu pour effet d’éteindre les braises économiques qui subsistaient encore durant la crise.

    Il est vrai que les politiques keynésiennes ont échoué à générer la croissance. Dans la situation actuelle, cela revient à ‘‘pousser un objet avec une corde’’. Cela a conduit les nouveaux keynésiens, comme l’ancien monétariste thatchérien Samuel Brittan, à faire pression pour des mesures plus audacieuses ; il défend ce qui revient à une ‘‘chasse au trésor’’ géante, dans une tentative désespérée de faire bouger l’économie. Il suggère, en plaisantant seulement à moitié, d’enterrer des montagnes de cash, et que les aventuriers qui les découvriraient aillent les dépenser ! Il n’y a pas d’indication que cela se produise, cependant. Les largesses qui ont été distribuées jusqu’ici ont été utilisées pour payer les dettes, pas pour augmenter les dépenses. C’est une indication du désespoir de la classe dominante pour une amélioration, à ce stade. Le keynésianisme a été partiellement essayé et a échoué, mais cela ne signifie pas que, face à une explosion révolutionnaire, les capitalistes ne vont pas recourir à des mesures keynésiennes de grande ampleur. Des concessions peuvent être accordées, et par la suite les capitalistes vont tenter de les reprendre par le biais de l’inflation.

    Même à présent, les autorités européennes tentent d’éviter que la Grèce soit en défaut de paiement en suggérant que plus de temps lui soit donné pour payer. Cela ne va pas empêcher les attaques sauvages contre la classe ouvrière grecque, qui sont appliquées sans état d’âme par l’UE. Cela ne va pas non plus résoudre les problèmes de base de la Grèce, qui vont encore s’accumuler avec la dette colossale. Un défaut de la Grèce est donc toujours probable, ce qui aura d’énormes répercussions dans toute l’Europe, dont en Allemagne, lourdement endettée envers les banques d’autres pays. Il est même possible que l’Allemagne elle-même prenne l’initiative de quitter la zone euro, telle est l’opposition politique intérieure contre la politique de renflouement. Même la proposition de donner à la Grèce plus de temps pour payer ses dettes rencontre une opposition de la part des capitalistes allemands parce que cela signifierait d’effacer une petite partie de leur dette. Il est possible que, en ce qui concerne l’Espagne et certains autres pays, ‘‘la canette soit envoyée plus loin’’. Mais, en fait, la canette va devenir trop grosse pour pouvoir être envoyée au loin ! Par conséquent, une rupture de la zone euro reste en jeu.

    Même les Chinois sont alarmés par la tournure des événements en Europe. Un haut fonctionnaire Chinois, Ji Liqun, assis au sommet d’un fond souverain d’Etat de plus de 350 milliards d’euros, a averti que le public européen est à un ‘‘point de rupture’’. Auparavant, il avait argumenté que les Européens devraient travailler plus, mais il reconnait maintenant que la profondeur de la colère publique pourrait conduire à un ‘‘rejet complet’’ des programmes d’austérité. ‘‘Le fait que le public descende dans les rues et recoure à la violence montre que la tolérance du public en général a atteint ses limites’’, a-t-il commenté. ‘‘Les syndicats sont maintenant impliqués dans des protestations organisées, des manifestations et des grèves. Ca sent les années ‘30.’’ Ses préoccupations inexprimées sont que l’exemple de la classe ouvrière européenne puisse faire des vagues en Chine. Il craint d’autre part pour la sûreté des investissements chinois en Europe.

    La Grèce est la clé de la situation

    En ce moment, l’Europe est la clé de la situation mondiale : c’est là que la lutte des classes est la plus aigüe, c’est là que se trouvent les plus grandes opportunités pour une percée de la gauche et des forces révolutionnaires. Mais s’il en est ainsi, la Grèce est en conséquence la clé de la situation en Europe, suivie de près par l’Espagne et le Portugal dans la chaine des maillons faibles de l’Europe capitaliste. Comme Trotsky le disait de l’Espagne dans les années ‘30, non pas une mais 3 ou 4 révolutions auraient été possibles si les travailleurs grecs avaient une direction prévoyante et un parti de masse à sa tête. Le jour de la dernière grève générale, un programmeur informatique grec a commenté dans le journal britannique The Guardian : ‘‘Personnellement, je suis épaté qu’il n’y ait pas encore eu de révolution.’’ La télévision britannique a aussi commenté que seulement 3% de la population soutient effectivement les mesures d’austérité du gouvernement et de la Troïka. Avec tous les tourments que les Grecs sont forcés d’endurer, à la fin du programme d’austérité actuel, la dette de la Grèce sera encore de 192% du PIB ! En d’autres termes, il n’y a absolument aucune chance que cette dette soit payée. L’austérité sans fin est cependant l’avenir que le capitalisme a décrété pour le peuple grec.

    Toutes les conditions pour la révolution ne sont pas seulement mures, mais pourries. 19 jours de grève générale (parmi lesquelles quatre de 48h et le reste, de 24h) témoignent des réserves colossales d’énergie dont disposent les travailleurs grecs et de leur capacité à résister. Cependant, ils en ont conclu que, malgré une lutte magnifique, la Troïka et les capitalistes grecs n’ont pas encore capitulé. Il est donc nécessaire de se tourner vers le front politique, vers l’idée d’un gouvernement de gauche capable de montrer la voie pour sortir de la crise. Ce processus a trouvé place malgré le fait que les masses soient sceptiques vis-à-vis de Syriza et de sa direction. Des sections significatives des masses sont prêtes à soutenir Syriza, qui reçoit actuellement 30% de soutien dans certains sondages, mais ils ne sont pas prêts à rejoindre ses rangs et à s’engager activement. Il y a une part de cet élément dans beaucoup de pays. La forte déception consécutive à l’échec des partis ouvriers a entraîné un scepticisme extrême envers ceux-ci, même ceux qui sont formellement de gauche. La volonté est bien présente de soutenir les formations et partis de gauche aux élections, mais pas de leur donner du temps et de l’énergie en s’engageant dans leurs rangs et en les construisant. Les travailleurs ont été déçus dans le passé et craignent d’être à nouveau laissés tomber. Bien sûr, cet état d’esprit peut et va être modifié une fois qu’ils auront vu ces partis véritablement accomplir ce qu’ils ont promis. Cependant, au lieu d’aller vers la gauche, les partis de gauche en général – et Syriza en particulier – ont eu tendance à aller vers la droite, en baissant leur programme et en ouvrant même leurs portes à d’ex-dirigeants de la social-démocratie (comme le Pasok en Grèce) qui ont ouvertement joué un rôle de briseurs de grève dans la dernière période.

    Dans les circonstances de la Grèce, les tactiques souples employées par nos camarades grecs – tout en restant fermes sur le programme – répondent aux besoins de cette situation très complexe. Nous devons avoir l’œil non seulement sur les forces de gauche à l’intérieur de Syriza, mais aussi sur les forces importantes qui se situent à l’extérieur et qui, dans certains cas, ont revu leurs positions politiques. Nous ne pouvons pas dire à quel moment le gouvernement actuel va s’effondrer (car il va surement s’effondrer), avec la probable arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche emmené par Syriza. Mais nous devons être préparés à une telle éventualité, dans le but de pousser ce gouvernement vers la gauche, tout en aidant à créer des comités démocratiques populaires qui peuvent en même temps soutenir le gouvernement contre la droite mais aussi faire pression pour la prise de mesures en défense de la classe ouvrière. Il n’est pas impossible qu’une nouvelle force semi-massive significative émerge des tactiques dans lesquelles nous nous sommes à présent engagés.

    Cela implique non seulement une concentration sur les développements dans la gauche et dans les partis des travailleurs mais aussi contre les dangers de l’extrême-droite, et en particulier celui de la montée du parti fasciste Aube Dorée, dont le soutien est récemment monté jusqu’à 14% dans les sondages, mais qui est maintenant descendu autour des 10%. Une des raisons de cette diminution est la formation de comités de masse antifascistes, que nous avons aidé à initier et dans lesquels nous avons attiré des travailleurs, des jeunes et des réfugiés. Ce travail est d’une importance exceptionnelle et pourrait être le modèle pour le genre de situation à laquelle la classe ouvrière peut être confrontée dans beaucoup d’autres pays à l’avenir.

    Si la classe ouvrière et la gauche échouent à mener à bien une révolution socialiste, l’Histoire témoigne qu’ils devront en payer de lourdes conséquences. Les tensions sociales qui existent en Grèce ne peuvent être contenues pour toujours dans le cadre de la ‘‘démocratie’’. Il y a déjà une guerre civile voilée, avec plus de 90% de la population opposée aux ‘‘un pour cent’’ et cela peut exploser en un conflit dans le futur. Quelques éléments d’extrême-droite en Grèce ont discuté de l’idée d’une dictature, mais ce n’est pas immédiatement à l’agenda. Tout mouvement prématuré qui paraitrait imiter le coup d’état militaire de 1967 pourrait provoquer une grève générale totale, comme en Allemagne en 1920 avec le Putsch de Kapp, et entraîner une situation révolutionnaire. De plus, un coup d’Etat ne serait pas acceptable en ce moment pour l’impérialisme, la ‘‘communauté internationale’’, dans cette ère de ‘‘démocratie et de résolution des conflits’’.

    Dans un premier temps, les capitalistes vont plus probablement recourir à une forme de bonapartisme parlementaire, comme le gouvernement Monti en Italie, mais en plus autoritaire. La position économique et sociale risquée de la Grèce va demander un gouvernement plus ferme et plus à droite qu’en Italie, avec le pouvoir de renverser le parlement ‘‘en cas d’urgence’’. Si cela ne fonctionne pas, et qu’une série de gouvernements de caractère similaire est incapable de forcer l’impasse sociale, et si la classe ouvrière, faute d’un parti révolutionnaire conséquent, échoue à prendre le pouvoir, alors les capitalistes grecs pourraient passer à une dictature ouverte.

    Nous devons avertir la classe ouvrière que nous avons encore du temps en Grèce, mais nous devons utiliser ce temps pour préparer une force capable d’accomplir un changement socialiste de société. Le 14 novembre dernier, la réponse dans toute l’Europe a illustré que les luttes de la classe ouvrière sont liées entre elles. Si les travailleurs grecs brisaient les chaines du capitalisme et en appelaient aux travailleurs de l’Europe de l’Ouest, ou au moins aux travailleurs du Sud de l’Europe, il y aurait une énorme réponse pour un appel pour une confédération socialiste – qui impliquerait probablement l’Espagne, le Portugal et peut-être l’Irlande dans un premier temps, sinon l’Italie.

    La Chine à la croisée des chemins

    Comme le montre le fait que la première visite d’Obama après sa victoire électorale était en Asie, l’impérialisme américain a identifié ce continent comme une région-clé (plus importante que l’Europe, par exemple, stratégiquement et économiquement). Il s’agissait en partie de réaffirmer l’enjeu économique de l’impérialisme américain mais aussi à avertir la Chine de l’importance des intérêts stratégiques militaires des USA. Cela paraissait nécessaire à cause de la réaffirmation militaire de la Chine, qui a été révélée récemment dans les clashs de la marine chinoise avec le Japon à propos d’îles inhabitées contestées. Le Japon commence à construire ses forces militaires, seulement pour sa ‘‘défense’’ bien sûr ! Cela signifie que l’Asie va devenir un nouveau dangereux théâtre de conflits militaires, avec la montée du nationalisme et la possibilité de conflits déclarés, où les diverses puissances seront préparées à se confronter les unes aux autres, avec les armes si nécessaire, afin de renforcer leur influence, leur pouvoir et leurs enjeux économiques.

    La Chine est le colosse de l’Asie, la deuxième puissance au monde après les USA. La façon dont elle se développe va avoir un effet énorme, peut-être décisif, sur la région et le monde. Et la Chine est certainement à la croisée des chemins, comme son élite dirigeante le comprend bien. Comme beaucoup de groupes dirigeants dans l’Histoire, elle sent les tensions contradictoires monter d’en bas et est incertaine concernant la façon de les gérer. Les érudits Chinois décrivent la situation actuelle du pays à The Economist comme ‘‘instable à la base, découragée dans les couches moyenne, hors de contrôle en haut.’’ En d’autres termes, en ce moment, les ingrédients pour une révolution fermentent en Chine. Le temps des taux de croissance spectaculaires de l’ordre de 12% est révolu. La Chine est aujourd’hui telle une voiture embourbée dans la neige : les roues tournent mais le véhicule n’avance pas. La croissance s’est probablement contractée entre 5 et 7%. Le régime revendique une certaine ‘‘reprise’’ mais ne s’attend pas au retour d’une croissance à deux chiffres. Cela va automatiquement affecter les perspectives pour l’économie mondiale. Un taux de croissance de plus de 10% n’était possible que par l’injection de ressources, qui est monté jusqu’à 50% du PIB investi dans l’industrie, ce qui est énorme et sans précédent. Cela a en retour généré du mécontentement et du ressentiment contre la croissance des inégalités et la dégradation de l’environnement ainsi que contre l’accaparation illégale des terres collectives par des fonctionnaires avides.

    Cela et les conditions de surexploitations dans les usines ont généré une opposition énorme parmi les masses avec 180.000 manifestations publiques en 2010 (et ce chiffre a augmenté depuis), en comparaison à l’estimation officielle de 40.000 en 2002. Le retrait du ‘‘bol de riz en fer’’ (la sécurité sociale) et les attaques contre la santé et l’éducation ont ajouté au mécontentement. Cela a forcé la direction à réintroduire un minimum de couverture-santé. La direction chinoise est hantée par la gestion de ce volcan et par la voie économique à adopter. Le village de Wukan s’est soulevé il y a un an et a été victorieux après des batailles avec la police pour réclamer des terres qui leur avaient été volées par la bureaucratie locale. Ceci était symptomatique de ce qui se passe sous la surface en Chine : une révolte souterraine qui peut éclater à n’importe quel moment. A cette occasion, les fonctionnaires locaux ont battu en retraite mais d’un autre côté, les manifestants n’ont pas donné suite à leur mouvement. Il semble que cet incident et beaucoup d’autres sont ‘‘de petits soulèvements qui ne cessent de bouillonner à travers toute la Chine.’’ (Financial Times)

    Beaucoup de protagonistes pensent naïvement que si seulement les seigneurs de Pékin connaissaient l’échelle de la corruption, ils interviendraient pour y mettre fin. Quelque chose de similaire se produisait en Russie sous le stalinisme. Au départ, les masses tendaient à absoudre Staline de toute responsabilité dans la corruption, pour laquelle il n’aurait pas été ‘‘au courant’’. Cela était considéré comme étant le crime de la bureaucratie locale et non pas de Staline lui-même. Mais l’arrestation de Bo Xilai et le procès de sa femme ont aidé à dissiper ces illusions dans la Chine actuelle. Il a été accusé d’avoir abusé de sa position pour amasser une fortune, acceptant d’énormes pots-de-vin tout en permettant la promotion de ses amis à de hauts postes. Bo, membre du sommet de l’élite (un prince rouge, fils d’un dirigeant de la révolution chinoise) est accusé de complicité de meurtre, de corruption passive et de corruption à grande échelle. Cela pose naturellement la question de la manière dont il a pu s’en sortir si longtemps.

    En réalité, ce ne sont pas ces crimes (bien qu’ils soient probablement vrais) qui ont conduit à son arrestation et à son procès imminent. Il représentait un certain danger pour l’élite et faisait campagne pour un poste au plus élevé en évoquant, élément très dangereux pour l’élite, certaines expressions radicales du maoïsme associées à la Révolution Culturelle. En faisant cela, il aurait pu inconsciemment libérer des forces qu’il n’aurait pas été capable de contrôler, qui auraient pu aller plus loin et exiger des actions contre les injustices du régime. Qui sait comment cela se serait terminé ?

    Le régime chinois est en crise. Il est assez visiblement divisé sur les prochaines étapes à accomplir (en particulier sur la question économique). Un prince rouge l’a exprimé brutalement au Financial Times : ‘‘La meilleure époque de la Chine est révolue et le système entier a besoin d’être remanié.’’ Les commentateurs bourgeois de journaux comme The Economist, le Financial Times, le New York Times, etc., ont récemment recouru à la terminologie qu’utilise le CIO, en décrivant la Chine comme ‘‘un capitalisme d’Etat’’. Ils n’ajoutent pas la clause que nous y ajoutons, ‘‘un capitalisme d’Etat avec des caractéristiques uniques’’. Cela est nécessaire pour différencier notre analyse de la position rudimentaire du Socialist Workers Party et d’autres, qui décrivent inexactement les économies planifiées du passé de cette façon. Le sens de la marche de la Chine est clair. Par le passé, le secteur capitaliste a augmenté au détriment des entreprises d’Etat. Mais récemment, et en particulier depuis le plan de relance de 2008, il y a eu une certaine recentralisation et le pouvoir économique a tendu à être plus concentré dans le secteur d’Etat, à tel point que maintenant les entreprises d’Etat pèsent maintenant 75% du PIB total. D’un autre côté, selon The Economist : ‘‘Les experts ne s’accordent pas à dire si l’Etat représente la moitié ou un tiers de la production chinoise, mais sont d’accord pour dire que cette part est plus basse qu’elle l’était il y a deux décennies. Depuis des années, depuis la fin des années 1990, les entreprises d’Etat paraissent battre en retraite. Leur nombre a décliné (à environ 114000 en 2010, une centaine d’entre elles étant des champions nationaux contrôlés centralement), et leur part dans l’emploi a chuté. Mais à présent, même alors que le nombre de compagnies privées a augmenté, la retraite de l’Etat a ralenti et, dans certaines industries, s’est inversées.’’

    Il est clair qu’une discussion féroce a lieu derrière les portes fermées de l’élite. Les ‘‘réformateurs’’ sont en faveur d’un programme déterminé de démantèlement du secteur d’Etat pour se tourner de plus en plus vers le ‘‘marché’’. Ils proposent de lever les dernières barrières à l’entrée et l’action du capital étranger. Selon la rumeur, le nouveau ‘‘dirigeant’’ Xi Jinping, malgré la rituelle rhétorique du ‘‘socialisme avec des caractéristiques chinoises’’ soutient ces réformateurs. D’un autre côté, ceux qui ont proposé l’ouverture, dans l’économie mais aussi avec des réformes ‘‘démocratiques’’ limitées, paraissent mis à l’écart. Des études ont été réalisées sur la façon dont d’anciennes dictatures comme la Corée du Sud aurait réussi une ‘‘transition froide vers la démocratie’’. Elles ont eu lieu quand l’expansion économique ne s’était pas épuisée et même alors, il s’agissait d’un contexte de mouvement de masses. La ‘‘transition’’ proposée en Chine prend place au milieu d’une crise économique massive. Il paraitrait que les dirigeants chinois étudient avidement le rôle de Gorbatchev en Russie. Il avait d’abord l’intention de ‘‘réformer’’ le système et a fini par présider son démantèlement. Dans la Chine actuelle, des réformes importantes d’en haut provoqueront une révolution d’en bas. On ne peut pas exclure qu’une période ‘‘démocratie’’ très faible (avec le pouvoir encore aux mains des anciennes forces, comme aujourd’hui en Egypte avec l’armée et les frères musulmans au pouvoir) pourrait se développer après un soulèvement révolutionnaire en Chine. Mais cela ne serait qu’un prélude à l’ouverture des vannes à un des plus grands mouvements de masse dans l’Histoire.

    Conclusions

    En quatre ou cinq ans de crise économique mondiale dévastatrice, nous pouvons conclure qu’il y a des perspectives très favorables pour la croissance du marxisme, avec toutefois certaines réserves compte tenu du fait que la conscience (la vision large de la classe ouvrière) doit encore rejoindre la situation objective, qui peut encore être décrite comme prérévolutionnaire, surtout à l’échelle mondiale.

    Les forces productives n’avancent plus, mais stagnent et déclinent. Cela a été accompagné d’une certaine désintégration sociale de certaines sections de la classe ouvrière et des pauvres. En même temps, de nouvelles couches de la classe ouvrière se créent ainsi que de parties de la classe moyenne (prolétarisées) et sont forcées d’adopter les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière avec les grèves et les organisations syndicales. Le pouvoir potentiel de la classe ouvrière reste intact, même entravé et affaibli par les directions syndicales droitières ainsi que par la social-démocratie et les partis ‘‘communistes’’.

    Le CIO n’a pas encore fait de percée décisive dans un pays ou un continent. Cependant, nous avons maintenu notre position globale en termes de membres et, surtout, nous avons augmenté notre influence dans le mouvement ouvrier. Beaucoup de travailleurs sympathisent et regardent de notre côté, ils peuvent nous rejoindre sur base des événements et de notre militantisme. Nous devons faire face à la situation en formant et préparant nos sympathisants pour le prochaine période tumultueuse, dans laquelle de grande opportunité se présenteront de renforcer les organisations et partis du CIO et l’Internationale dans son ensemble.

  • La zone euro dans la tourmente

    “Il n’y aura pas de sauvetage de l’Espagne. Cela serait la fin de l’euro et il faudrait sauver toute l’Europe.” Voilà comment Felipe Gonzalez, président du gouvernement espagnol entre 1982 et 1996, pose le problème de l’eurozone. Après le quasi soulagement provoqué par le défaut partiel de la Grèce qui s’est passé sans remous majeur, la zone euro recommence à avoir des sueurs froides avec les difficultés de financement que connaît l’Etat espagnol. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a pourtant donné des gages de bonne volonté en annonçant une réforme du marché du travail et des coupes monstrueuses dans le secteur de l’éducation et du social. Cela n’a pas, de toute évidence, apaisé la soif de destruction sociale des marchés.

    Par Alain (Namur)

    La construction européenne, un rêve qui se transforme en cauchemar

    Depuis le lancement de l’unification européenne en 1957, avec la création du marché commun, le visage de l’Europe a fortement évolué. Il y a eu une intégration plus grande au niveau politique et économique. La construction européenne a été vantée par tous les politiciens traditionnels et leurs relais médiatiques comme la solution aux problèmes rencontrés par les travailleurs, les jeunes et les allocataires sociaux des différents pays.

    Dans tous les pays européens, y compris la Belgique, la social-démocratie a défendu la construction européenne. Paul Magnette, dans son livre Le Bel Avenir du socialisme écrivait en 2009: “l’Europe (…) est aussi le lieu où développer une régulation toujours plus efficace du capitalisme. L’euro est un succès et une arme de poids contre la spéculation ; la monnaie européenne est un vecteur de la stabilité du cadre financier international…” En réalité, le projet de construction du marché commun n’a jamais eu comme objectif d’améliorer les conditions de vie des travailleurs. Il correspondait à la nécessité qu’avaient les capitalistes des différents pays d’Europe d’agrandir leur marché et d’avoir un bloc plus intégré pour résister à leurs concurrents sur la scène mondiale.

    Les travailleurs européens ont été floués par la construction d’une soi-disant citoyenneté européenne. Ils ont par contre bien compris qu’avec l’Europe de la libre circulation des capitaux et du Traité de Maastricht, la seule chose que l’Europe apporterait c’est plus de concurrence entre les travailleurs et plus d’austérité au niveau de l’Etat-providence.

    Certains commentateurs ont cru voir une disparation des Etats-nations. Il est vrai que le lancement de l’Euro dans une période de croissance économique a généré beaucoup d’enthousiasme pour toutes les bourgeoisies nationales européennes. Mais lors de la première récession généralisée de l’économie, l’euro a révélé ces contradictions internes.

    Une crise qui révèle les faiblesses structurelles de l’euro

    La crise actuelle révèle un problème insoluble pour le capitalisme. D’un coté, il faut comprimer les salaires et les dépenses sociales pour pouvoir être compétitifs dans une économie mondialisée. De l’autre, il faut vendre sa marchandise à des consommateurs qui voient leur pouvoir d’achat comprimé par la perte ou la diminution de revenu et par la dégradation des services publics.

    N’ayant aucune solution viable, les capitalistes restent assis sur leur montagne d’argent qu’ils ne veulent pas investir. On peut même dire que l’on est dans une “grève du capital”. En effet, si l’on additionne les profits réalisés par les banques et les entreprises des USA, de l’Eurozone, du Japon et du Royaume-Uni, ce n’est pas moins de 7,75 mille milliards de dollars qui dorment. Le ratio investissement/PIB est à son niveau le plus bas depuis ces 60 dernières années. Si l’on prend juste le Royaume-Uni, c’est 750 milliards de livres sterling que les banques et les entreprises gardent sans trouver comment les investir.

    L’attitude de la BCE

    La BCE, qui se glorifie de sa soi-disant indépendance, continue à jouer son rôle. Elle mène encore une politique accommodante avec des taux directeurs qui tournent autour des 1%. Cela permet aux banques de faire du “carry-trade” : emprunter à un taux de 1% environ pour ensuite prêter cet argent via l’achat de bons d’Etat aux pays en difficulté, pour lesquels les banques vont exiger un taux qui avoisine les 5%, comme pour l’Italie, ou les 6%, comme pour les taux à 10 ans de l’Espagne.

    La BCE a aussi dû injecter des liquidités sur le marché afin de favoriser les prêts interbancaires mais aussi les prêts aux entreprises. C’est plus de 1.000 milliards qui ont été injectés dans le circuit financier européen.

    A côté de cela, c’est cette même BCE qui exige des Etats qui se sont massivement endettés pour sauver les banques de retourner à l’équilibre pour 2014-2015. Sous le prétexte de juguler l’inflation, elle appelle à supprimer les mécanismes d’indexation en Belgique et au Luxembourg.

    La crise de l’eurozone n’est pas finie

    Les banques de l’eurozone ont dû lever 115 milliards pour respecter les engagements pris dans le cadre de Bâle 3, qui imposent une réserve de 9% afin d’éviter le “crédit crunch” (une pénurie de crédit) des années 2008-2009. Mais pour cette fin d’année, elles devront retrouver 500 milliards d’euros. Les gouvernements devront trouver 1.600 milliards d’euros pour se financer et honorer leurs prêts, dans une situation où règne une méfiance généralisée entre les banques.

    De plus, le secteur manufacturier européen connaît lui aussi des reculs. La surcapacité de production dans le secteur automobile est évaluée à 20%. Mais dans tous les secteurs industriels, la crise se fait sentir. C’est le cas par exemple du secteur des panneaux photovoltaïques qui est au désespoir face à la concurrence chinoise. Avec la nouvelle ligne d’attaques sur la compétitivité des entreprises lancée dans tous les pays européens, il est clair qu’une spirale risque à nouveau d’entraîner les salaires vers le bas. Dans pareille situation, la concurrence sera d’autant plus rude entre producteurs afin de pouvoir écouler les stocks.

    L’Espagne, une nouvelle épine dans le pied de l’éclopé

    L’Espagne a subi de plein fouet la crise de 2008-2009. La bulle immobilière qui avait tiré l’économie espagnole durant les années Aznar et le début du mandat de Zapatero a éclaté. Depuis, l’économie espagnole peine à se relever.

    Le taux de chômage avoisine les 25%, tandis qu’un jeune sur deux est sans emploi. En 4 ans, c’est presque 2,9 millions d’emplois qui ont été perdus. Cette année, le déficit sera de 5,8% du PIB au lieu des 4,4% attendus, alors que les critères de Maastricht imposent un déficit sous les 3%. Ce fut le prétexte utilisé par le gouvernement Rajoy pour lancer un plan d’austérité d’une ampleur jusqu’alors inconnue, la plus grande attaque contre la classe ouvrière espagnole depuis l’ère franquiste : des coupes sociales et des augmentations de taxes pour un montant de 27 milliards d’euros, ainsi qu’une réforme de la législation du travail. Certains secteurs de la bourgeoisie pensent que ce plan ne va pas assez loin alors que d’autres pensent qu’il va tuer toute relance et va augmenter la tension sociale. En plus de tout cela, les banques espagnoles devront trouver 50 milliards cette année.

    Cette situation avec des éléments dépressionnaires a eu un impact sur le mouvement ouvrier espagnol. Après moins de 100 jours de gouvernement, le premier ministre a été confronté à une manifestation de 1,5 millions de personnes. Un calicot exprimait la volonté de lutte du prolétariat espagnol : “Mariano, à ce rythme tu n’atteindras pas l’été !”

    Lors de cette manifestation, il y a eu énormément de pression et d’appels de la base pour un plan d’action. La tête des syndicats a été forcée d’appeler à une grève générale, une victoire pour la base du mouvement ouvrier dans la lutte contre l’austérité. Le 29 mars, la grève générale a très bien été suivie : on parle de 10 millions de participants, avec des taux de participation de 77% des salariés dans les entreprises. Dans l’industrie, le transport et l’agriculture, les taux de participation étaient respectivement de 97%, 95% et 95%. Le gouvernement a vu l’énorme potentiel qu’avait cette grève et appréhende la possible escalade du mouvement. Il y a eu une forte répression de la part de l’Etat, 176 personnes ont été arrêtées et on a dénombré 116 blessés.

    La situation à ce stade est très ouverte. Si la pression de la base continue, on pourra voir d’autres appels à la grève générale et d’autres mouvements se développer. La colère dans la société espagnole est énorme. Les indignés qui ont pris les rues l’an passé sont un exemple de cette colère qui cherche une alternative.

    On le voit, le mouvement ouvrier en Espagne, mais aussi de façon plus large en Europe, est à un moment crucial. La bourgeoisie dans tous les pays d’Europe n’a aucune solution face à la crise. La seule voie pour elle dans cette situation, c’est de profiter de la crise pour faire avancer son programme : réduction des coûts salariaux et des services publics. Il en résultera un appauvrissement généralisé et une diminution des conditions de vie de toute la population en Europe. La classe ouvrière détient les clés de la situation. Elle peut arrêter cette avalanche d’austérité en mettant en avant son propre programme. Pour cela, nous avons besoin d’organisations politiques et syndicales combatives, démocratiques, indépendantes des partis de l’austérité et orientées vers le renversement du capitalisme.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    A noter dans votre agenda

    • Di. 18 mars. Liège. Vottem : 13 ans déjà, je ne l’accepte pas ! Manifestation contre le centre-fermé de Vottem. Rassemblement à 14h Parc de la Citadelle rue des Glacis à Liège
    • Sa. 24 mars. Protestations contre le rassemblement anti-avortement à Bruxelles. 14h place Poelaert (devant le Palais de Justice)
    • Sa-Di 28 et 29 avril : ”Socialisme 2012”
    • 7-9 décembre: Congrès National du PSL

    [/box]

    Socialisme 2012

    Demain, nous publierons sur ce site le programme entier du week-end ”Socialisme 2012”. Ne manquez pas ces deux jours de discussion politique et de formation! Cette année, nous serons à Anderlecht pour cet évènement. Durant ce week-end, nous voulons prendre le temps de mener tout un tas de discussions de base concernant le marxisme, mais aussi divers thèmes plus spécifiques. Entre autres choses, il y aura un stand de livres et brochures particulièrement bien fourni, avec quelques nouveautés qui bénéficieront très certainement d’un bon accueil…


    Louvain : meeting ce mercredi

    La manifestation antifasciste du 15 mars dernier contre le NSV a dû être annulée suite au tragique accident survenu en Suisse (toute manifestation étant interdite dans la ville de Louvain en signe de deuil). Mais durant la campagne de mobilisation qui a précédé, nous sommes rentrés en contacts avec de nombreuses personnes désireuses d’en savoir plus sur notre parti et notre travail. Le meeting de ce mercredi vise à les réunir pour aborder plus en profondeur la nature de notre programme et de nos méthodes politiques.

    MEETING PUBLIC des Etudiants de Gauche Actifs

    Quelle alternative face au capitalisme ?

    Par Peter Delsing, ancien membre d’EGA à l’université de Louvain et porte-parole du PSL à Louvain.

    Mercredi 21 mars 20.00

    MTC 00.12, Hogeschoolplein

    N’hésitez pas à prendre vous aussi contact avec nous pour participer à nos campagnes ! (info@socialisme.be)


    Manifestation ‘No more Fukushima’

    Dimanche dernier, le PSL était présent à la manifestation ‘No More Fukushima’, un an après le désastre nucléaire au Japon. Nous avions un stand, avons formé une délégation combative dans le cortège et avons diffusé notre matériel politique. Nous avons vendu 42 exemplaires de notre mensuel et récolté 80 euros de fonds de lutte. Un de nos camarades de Liège a ainsi vendu 12 exemplaires de Lutte Socialiste à lui seul.


    Tournée des cafés

    Afin de récolter de la solidarité financière et de distribuer nos tracts, nous passons de temps à autre de café en café pour parler de nos campagne. A Anvers, le jeudi soir, puisque la manifestation anti-NSV était annulée, un groupe de camarade est allé dans divers cafés et a récolté 116 euros pour notre fonds de lutte, et a vendu 19 exemplaires de notre journal. De la même manière, un groupe plus restreint de camarade a fait hier la tournée des cafés du centre-ville de Liège afin de mobiliser une dernière fois pour la manifestation contre le centre fermé de Vottem cet après midi. Ils ont récolté 32 euros de fonds de lutte. Notre camarade Olivier en a récolté 17 à lui seul.


    Les nouveaux drapeaux EGA sont arrivés

    Nous aurions normalement dû utiliser nos nouveaux drapeaux EGA pour la première fois lors de la manifestation anti-NSV. Finalement, c’est à la manifestation contre la répression policière qui s’est tenue le jeudi soir à Bruxelles que ces drapeaux ont fait leur première apparition. Vous pouvez vous aussi acheter un exemplaire pour la somme de 12 euros.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop