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  • Manifestation antiraciste à Milan. Un excellent point de départ

    La manifestation antiraciste qui a eu lieu à Milan ce samedi 3 mars représente un succès incontesté du point de vue de la participation. Environ 200.000 personnes ont pris part à la manifestation organisée dans la ville de Matteo Salvini pour protester contre le racisme et les politiques discriminatoires du gouvernement !

    Par Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    L’événement qui a pu compter sur une présence massive de jeunes et de femmes. Une importante délégation du syndicat de la Confédération générale italienne du travail (CGIL était également présente, aux côtés de l’ANPI (l’association nationale des partisans italiens, fondée par des membres de la résistance italienne contre le régime fasciste italien et l’occupation nazie), de nombreuses organisations non gouvernementales et de dizaines d’associations et d’organisations antiracistes issues de tout le pays, notamment du Sud.

    Cette journée de lutte fut absolument positive et encourageante. Le caractère populaire et festif de l’événement a été malheureusement gâché par une tentative maladroite d’infiltrer la manifestation conduite par les principaux représentants du centre-gauche national qui se sont placés en tête du cortège. Parmi ceux-ci se trouvait l’actuel secrétaire du PD, Nicola Zingaretti et son prédécesseur direct, Maurizio Martina.

    Ces politiciens professionnels ont essayé de toutes les manières possibles de récupérer notre succès populaire. Les représentants du Parti démocrate sont à la recherche d’une nouvelle virginité politique maintenant que les primaires ont consacré Nicola Zingaretti comme secrétaire “de gauche”. Ce même Zingaretti a pourtant été responsable du démantèlement de la santé publique de la région de Lazio lorsqu’il l’a présidée. Les représentants du PD ont parlé de “réveil de la conscience démocratique”, de “grande réponse de l’opposition”, etc. Parmi toutes ces voix se trouve celle du maire de Milan, Giuseppe Sala, qui essaie de se profiler comme le principal organisateur de la manifestation de samedi pour tenter d’endosser le rôle d’improbable nouveau chef politique de la gauche italienne…

    Le PD et ce nouveau secrétaire “de gauche” peuvent temporairement essayer de se présenter sous un nouveau visage. Ils peuvent essayer de porter le masque de l’antiracisme, mais ils ne tarderont pas à montrer leur vraie nature. Dans la campagne électorale, le “nouveau” secrétaire a très explicitement affirmé être en faveur du TAV (la liaison ferroviaire transalpine Lyon – Turin qui fait l’objet d’une opposition populaire massive). Il s’est également dit opposé à une taxation sur base du patrimoine de même qu’à la réintroduction de l’article 18 du statut des travailleurs qui les protégeait en cas de licenciement illégitime.

    La présence de parlementaires du PD dans la manifestation n’est pas la bienvenue, non pas parce que nous voulons construire des barrières et diviser le front antiraciste, au contraire, mais bien parce que nous les savons directement responsables de la croissance des organisations d’extrême droite dans notre pays ! Ils sont responsables de la méfiance légitime que des millions de travailleurs italiens ressentent à présent à l’égard des idées “de gauche”.

    La tentative opportuniste de politiciens professionnels de s’approprier notre succès populaire doit être rejetée ! Au-delà de la présence de ces sombres personnages, la journée du 3 mars illustre clairement la volonté de dizaines de milliers de travailleurs, de jeunes et de citoyens ordinaires de s’opposer aux politiques racistes du gouvernement et des organisations politiques qui gouvernent. Cette manifestation démontre la volonté de rompre avec les discriminations et la guerre contre les pauvres.

    Contrairement à ce que prétendent tous les discours sur l’apathie, la passivité et le pessimisme, une partie de l’Italie – essentiellement composée de gens normaux qui étudient et travaillent – ne soutient pas le gouvernement. Cette couche est véritablement antiraciste et refuse de s’allier aux évêques des privatisations, aux partisans du néolibéralisme et à ceux qui défendent les politiques de rigueur et de massacre social souhaitées par la Commission européenne.

    Il est indéniable que nous avons assisté à une dangereuse résurgence d’attaques racistes et de gestes d’intolérance ces derniers mois. Nous assistons à une croissance des idées et des organisations néo-fascistes et d’extrême droite. Cette croissance peut être stoppée. Le succès de la manifestation de Milan montre que la croissance de la droite dans notre pays génère un fort sentiment d’opposition à tout ce qui nous divise. Ce sentiment, pour le moment embryonnaire, va croître dans les mois à venir et amènera des milliers d’Italiens, des jeunes en particulier, à choisir la voie de la lutte contre la barbarie d’un gouvernement qui utilise l’arme du racisme pour diviser le front des pauvres. En ce sens, le racisme institutionnel du gouvernement et des politiciens professionnels est un puissant boomerang qui se retournera contr eux.

    Afin que le mouvement antiraciste que nous avons vu occuper les rues de Milan et qui commence à émerger dans tout le pays soit credible et puisse construire un véritable dialogue avec la majorité des travailleurs italiens – ceux qui aujourd’hui soutiennent, même de manière critique, le gouvernement – ce mouvement doit clairement énoncer son caractère de mouvement populaire en rupture contre le gouvernement actuel mais aussi avec la prétendue opposition du PD et de Forza Italia. Cette opposition revêt aujourd’hui les vêtements antiracistes alors qu’elle applique depuis des décennies les mêmes politiques racistes contre lesquelles les Italiens doivent aujourd’hui se rassembler !

    Si le mouvement antiraciste veut grandir et se structurer, il doit se doter d’un programme radical capable d’indiquer une véritable alternative aux millions d’Italiens qui se méfient de ce gouvernement mais aussi à ceux qui le soutiennent en absence d’une alternative crédible ou parce que déçu ou plein d’illusions. Il faut essentiellement un programme anticapitaliste capable de parler à la majorité de la société, un programme capable d’unir les jeunes et les travailleurs dans la lutte contre l’austérité imposée par Rome et Bruxelles en défendant des revendications et des slogans simples et accessibles à tous.

    Ces mots d’ordre doivent partir des besoins fondamentaux de chacun d’entre nous. Nous devons tout d’abord revendiquer la fin des politiques de coupes budgétaires et de massacres sociaux. Cela signifie de se battre pour le retrait immédiat des coupes prévues par la loi de financement et pour le retrait des mesures de privatisation et de vente d’actifs publics prévues pour 2019 (la loi prévoit la privatisation d’actifs pour plus de 18 milliards d’euros).

    Nous devons instaurer un salaire minimum intersectoriel garanti de 1.200 euros pour tous et une allocation de chômage générale pour tous, y compris pour ceux qui recherchent un emploi pour la première fois. Le “revenu de citoyenneté” de 780 euros par mois en échange de l’obligation d’accepter tout travail pour les plus pauvres d’entre nous ne nous satisfait pas ! Nous voulons un travail décent pour vivre sans essayer de survivre!

    En outre, il est nécessaire de lutter pour le retrait de la réforme Fornero et pour la pension à 60 ans, quelles que soient les années de cotisation versées. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons lutter contre le fléau du chômage des jeunes, qui pousse 40% de nos jeunes dans l’extrême pauvreté et l’émigration. Nous devons également nous mobiliser pour le démantèlement de la “bonne école” (une offensive antisociale contre l’enseignement public), pour la suppression de l’alternance école / travail et des stages gratuits, ainsi que pour la révocation des mesures liberticides et préjudiciables à la dignité humaine prévues par les décrets Minniti-Orlando et Salvini.

    Le gouvernement Salvini-Di Maio est particulièrement odieux, mais n’oublions pas que le gouvernement précédent a présenté le décret Minniti-Orlando. Ce décret a ouvert la voie à la violation des droits démocratiques à laquelle nous assistons aujourd’hui.

    Samedi 3 mars, nous avons manifesté et continuerons de manifester contre Salvini et contre les politiques migratoires barbares d’un gouvernement condamnant à mort plusieurs centaines d’êtres humains laissés à la dérive sur les bateaux de la mer Méditerranée.

    Mais nous sommes également descendus dans les rues pour protester contre le gouvernement Renzi, pour défendre l’article 18 du statut des travailleurs et pour lutter contre la ‘‘bonne école’’. Nous étions dans la rue contre le ministre Minniti qui, avec ses politiques de gestion de l’ordre public et d’immigration, a ouvert la voie à la violation systématique des droits des Italiens et des migrants du ministre Salvini.

    Seule la lutte de masse des jeunes et des travailleurs réussira à faire reculer les gouvernements. Le seul moyen d’obtenir de réels changements et de défendre les droits démocratiques des travailleurs et des pauvres est de renverser le pouvoir de la classe dirigeante avec l’instrument de la lutte de masse. La manifestation antiraciste de samedi est un excellent point de départ dans cette direction.

  • Italie : ‘‘Celui qui gouverne avec l’extrême droite en sort affaiblit.’’

    Entretien avec Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali

    L’establishment politique italien a été rayé de la carte, à la faveur de la droite populiste, faute d’une alternative de gauche conséquente suffisamment visible. La Lega et le Mouvement 5 étoiles (M5S) ont formé un gouvernement ensemble. Nous en avons discuté avec Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali, notre organisation-sœur en Italie.

    Comment la situation s’est elle développée depuis la formation du gouvernement ?

    GB : Les élections législatives du 4 mars ont donné l’image d’une Italie épuisée, fatiguée des partis traditionnels et de l’élite, en colère, prête à tout essayer pour connaître un changement. Le nouveau gouvernement repose sur un accord a minima, sans véritable unité d’action ou d’intention. Le M5S ne dispose pas d’une orientation politique propre ni d’une vision du monde. Il est divisé entre une composante gouvernementaliste et opportuniste d’une part et, de l’autre, une minorité placée politiquement à gauche qui ne digère pas l’accord conclu avec la Ligue.

    Le nouveau gouvernement comprend d’importants bureaucrates d’Etat comme Moavero Milanesi (ministre des Affaires européennes des gouvernements Monti et Letta, 2011-14) et Paolo Savona (ancien directeur général de la fédération patronale, la Confindustria) aux côtés de personnages embarrassants, comme le nouveau ministre de la Famille Lorenzo Fontana (Lega), lié à l’extrême droite, ou la nouvelle ministre de la Santé qui lorgne vers le mouvement anti-vaccins.

    Cette situation particulière permet à la Lega et à son secrétaire, le nouveau ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, d’exercer une véritable hégémonie politique sur le gouvernement. Salvini utilise sa position de vice-Premier ministre et de ministre de l’Intérieur pour orchestrer une campagne de haine contre les migrants. Cette politique cynique et meurtrière vise à dévier l’attention des citoyens ordinaires en soulageant ainsi la pression sur la Lega et le M5S. Aucune des deux formations n’a la volonté de satisfaire leurs promesses électorales sociales, comme l’abolition de la loi Fornero qui augmente l’âge de départ en retraite.

    Les déclarations racistes de Salvini ont créé un espace pour légitimer la violence contre les migrants. Pas un seul jour ne passe sans qu’il n’y ait d’agressions et de violences racistes. Cette situation crée une tension sociale explosive qui peut se retourner contre l’extrême droite. Mais, jusqu’ici, la Lega a réussi son pari.

    Comment réagissent la gauche et les syndicats ?

    GB : Le Partito democratico (PD) est, à juste titre, identifié comme le parti des banques et des industriels. À gauche du PD, les échecs et les trahisons des dernières années pèsent lourdement, notamment depuis la participation de forces comme le Parti de la Refondation Communiste (PRC) aux gouvernements, que cela soit à l’échelon local ou national. Cette gauche est identifiée aux élites et à ces riches qui n’ont pas de problèmes économiques et qui dénigrent le peuple.

    Il n’y a pas eu jusqu’ici de réaction de masse face à la montée du racisme et aux agressions d’extrême droite. Du côté syndical, les grandes confédérations ont complètement abdiqué leur rôle social et ont été submergées par l’effondrement du PD. Le conflit de classe est aujourd’hui entre les mains des syndicats de base et des structures politiques qui n’ont pas abandonné l’anticapitalisme. C’est le cas de Potere al Popolo (le pouvoir au peuple), une formation politique de gauche née dans le cadre des dernières élections et avec laquelle nous collaborons. En général, les forces réellement à gauche sont petites, disposent de peu de ressources et naviguent actuellement à contre-courant dans la société et parmi les larges couches de travailleurs.

    Comment la gauche s’est-elle retrouvée dans une telle situation défensive ?

    GB : Nous subissons encore les conséquences de décennies de politiques désastreuses menées par le centre gauche et la gauche. La population ordinaire est fatiguée et est prête à compter sur n’importe qui, tandis que la gauche officielle est incapable de dialoguer avec elle.
    L’effondrement du pont Morandi à Gênes, par exemple, a été intelligemment exploité par les forces gouvernementales. Le premier ministre Conte a immédiatement tonné contre la gestion des routes par le groupe ‘‘autostrade per l’Italia’’. Le ministre du Développement économique Di Maio (M5S) a annoncé que le gouvernement ne se contenterait pas d’une aumône de la part du groupe. Le ministre des Infrastructures Toninelli (M5S) a lancé la procédure de révocation de la concession au groupe. Salvini s’est exprimé de façon similaire, mais s’est par la suite rétracté. Ils ne vont très certainement pas assez loin, mais ils sont parvenus à trouver un ton qui les a placés en harmonie avec l’humeur des citoyens. De son côté, le PD s’est déclaré opposé au ‘‘jacobinisme du gouvernement’’ ainsi qu’à une politique qui pourrait brusquer les marchés.

    Le climat de droite dans le pays a du reste été préparé par les gouvernements de centre-gauche. Sans être ouvertement raciste, le PD n’a pas été économe en politiques discriminatoires, notamment contre les migrants. Le prédécesseur de Salvini à l’Intérieur, l’ancien cadre du Parti communiste Marco Minniti (PD), était le spécialiste des mesures contre les migrants. Il n’a pas ménagé ses efforts pour mettre au pas les ONG opérant en Méditerranée. Il a aussi conclu des accords très opaques avec les clans libyens par lesquels ces derniers ont reçu des milliards d’euros en échange de l’enfermement dans des conditions abominables de migrants africains désireux d’atteindre les côtes italiennes.

    Le ‘‘moindre mal’’ social-démocrate a ouvert un boulevard à la droite populiste et à l’extrême droite. Berlusconi s’est d’ailleurs lui aussi pris les pieds dans le tapis en pariant sur le fait que se lier à la Lega brûlerait les ailes de cette dernière. A partir des élections parlementaires de 2008, il a repris la Lega dans sa ‘‘coalition de centre-droit’’. Cela n’a pas mené à un affaiblissement de la Lega, mais bien à un recul de Forza Italia. Celui qui gouverne avec l’extrême droite en sort affaiblit. En l’absence d’une réponse de gauche combattive et offensive, l’extrême droite peut aussi se renforcer de l’intérieur d’un gouvernement. C’est aussi maintenant le cas : la Lega est entrée dans le gouvernement en tant que plus petit partenaire, mais selon les sondages, elle a déjà dépassé le M5S.

    Comment contrer le pessimisme ?

    GB : La popularité de Conte, Salvini et Di Maio repose sur l’impopularité des anciens présidents du conseil Renzi (PD) et Berlusconi (Forza Italia). Sous la triple pression de la bourgeoisie italienne, de l’Union européenne et des marchés, le gouvernement devra appliquer des politiques de massacre social opposées aux attentes de ses électeurs. Les sentiments des Italiens vont très rapidement changer. La confiance envers ce gouvernement peut être comparée à un boomerang qui se retournera brutalement contre lui.

    La faillite de ce ‘gouvernement du changement’’ entrainera un nouvel essor des sentiments antiparti et de rejet des élites. De nombreux électeurs et militants du M5S rentreront chez eux déçus et découragés. Une partie se tournera à nouveau vers les anciennes formations politiques. Mais une petite minorité, y compris à la gauche du M5S, tirera des conclusions anticapitalistes de l’expérience de ce gouvernement et cherchera à s’organiser afin de changer la société. C’est notamment vers cette minorité que nous devons nous orienter dans cette phase.

  • Italie. Effondrement du pont Morandi : vos profits, nos morts.

    C’est la soif de profits capitaliste qui est responsable !

    Le 14 août, à 11h37, un tronçon d’environ 200 mètres du pont Morandi s’est effondré sur l’autoroute A10 Gênes/Ventimiglia qui traverse les quartiers résidentiels de la ville de Gênes.

    Par Giuliano Brunetti, Resistenze Internazionali (CIO-Italie)

    L’effondrement du pont Morandi a entraîné la mort de 43 personnes et blessé des dizaines de personnes, dont beaucoup gravement. Le risque d’effondrement d’une autre section du pont a contraint la municipalité de Gênes et la protection civile à exiger l’expulsion immédiate des habitations dans la zone de la via Fillak. Actuellement, plus de 600 personnes ont été déplacées.

    Pour donner une idée de la dimension émotionnelle de la tragédie : chaque année, 25 millions de voitures en moyenne circulent sur ce tronçon d’autoroute. Il s’agit d’un pont colossal, ouvert comme symbole du boom de l’Italie en 1967. Le pont était le lien principal entre Gênes et l’ouest de la Ligurie, dans une ville notoirement enclavée entre la mer et les Alpes.

    Le viaduc de Polcevera, situé à proximité, était également le principal point de transit à destination et en provenance de la France. Tous les Génois, et beaucoup d’autres, ont traversé le pont Morandi à plusieurs reprises. Cette immense tragédie a choqué toute une ville et tout un pays. Une immense solidarité est arrivée aux victimes de toute la ville de Gênes et de toute l’Italie. Par exemple, la municipalité de Naples a annulé les festivités du front de mer à la mi-août en solidarité avec les victimes. Il y a de plus en plus de rumeurs selon lesquelles le début de la saison de football pourrait être repoussé. Chacun d’entre nous se demande comment il est possible, dans un pays où les ponts et les aqueducs construits il y a deux millénaires par les anciens Romains sont encore debout, qu’une structure aussi imposante, conçue pour durer des siècles, puisse tomber d’un moment à l’autre.

    Le jour des funérailles des victimes, alors que les recherches se poursuivent dans les décombres, Resistenze Internazionali entend d’abord se joindre à la solidarité avec les parents et amis des victimes de cette tragédie qui a impliqué principalement des travailleurs. Parmi les morts établis, il y a des transporteurs routiers, des employés d’entreprises municipales de l’AMIU (dont un jeune travailleur qui avait un contrat à court terme) et ASTER, ainsi que des jeunes et des familles qui allaient à la plage.

    La privatisation, le profit et le capitalisme sont responsables

    Ce massacre aurait pu et aurait dû être évité. L’effondrement du pont Morandi et ses conséquences désastreuses sur la vie de centaines de personnes ont pour seules causes la soif de profit du secteur privé et les politiques criminelles de privatisation du réseau autoroutier italien. Elles ont permis à des particuliers et plus particulièrement à la famille Benetton, l’une des pires du capitalisme italien, de marquer de leur empreinte l’ensemble du réseau autoroutier italien.

    L’effondrement du pont Morandi n’est pas le résultat d’un événement imprévisible. Le pont ne s’est pas effondré à cause de grandes précipitations ou parce qu’il a été frappé par la foudre mais à cause d’un choix politique précis ; confier la gestion du réseau autoroutier italien au secteur privé. Un secteur privé qui cache ses intérêts et ses responsabilités par le biais d’un système de sociétés écrans et de filiales protégées par des lois écrites spécialement pour elles.

    La privatisation du réseau autoroutier italien a été réalisée par le gouvernement dit de centre-gauche de Massimo D’Alema en 1999. Cependant, pour être honnête, nous devons reconnaître que la frénésie de privatisation a commencé dans les années 1980 et a été menée à la fois par le “centre-droit” et par le “centre-gauche” au cours des vingt dernières années, avec son apogée lorsque le “centre-gauche” était au gouvernement.

    Dans le cadre de cette politique de privatisation, l’État a accordé une concession sur les 6.500 km d’autoroutes à des intérêts privés qui, en échange du paiement d’une redevance annuelle symbolique, ont empoché des sommes vertigineuses grâce aux péages sans investir dans l’entretien. Les coûts de maintenance sont en contradiction ouverte avec le principe cardinal des capitalistes individuels dans leur économie capitaliste : la maximisation du profit à tout prix, même lorsque cela va à l’encontre des intérêts généraux de la société.

    En 2000, la famille Benetton a pris le contrôle de la plus grande société concessionnaire, Autostrade per l’Italia, qui gère la majeure partie du réseau autoroutier, y compris le tronçon du pont Morandi.

    Autostrade per l’Italia, qui gère l’ensemble du réseau autoroutier national, est aujourd’hui contrôlée par Atlantia SpA, une société holding contrôlée à 30% par la famille Benetton. Atlantia gère et contrôle des autoroutes et des aéroports dans le monde entier avec des investissements de plusieurs milliards de dollars en Inde, au Brésil, en France et, depuis 2018, également en Espagne grâce à l’achat d’actions d’Abertis Infraestructuras, qui gère les péages sur les autoroutes espagnoles. Ce géant a réalisé, rien qu’en 2018, un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros par le seul péage, ce qui fait qu’il ne s’agit pas vraiment d’une entreprise en crise.

    Comme on le sait, la famille Benetton, qui est l’actionnaire majoritaire d’Atlantia, a des investissements et des participations dans divers secteurs et n’épargne aucun effort pour maximiser ses profits. Des liens ont été démontrés entre cette famille et les entreprises bangladaises pour lesquelles travaillaient les victimes de la tragédie du Rana Plaza, en 2013, catastrophe au cours de laquelle un bâtiment de huit étages s’est effondré à Dhaka, tuant plus d’un millier de travailleurs du textile.

    En Argentine, la même famille est impliquée dans la privatisation des terres agricoles en Patagonie et dans la “disparition” en 2017 de l’activiste mapuche Santiago Maldonado qui luttait pour la défense de sa terre.

    En réponse aux rumeurs selon lesquelles sa concession pour la gestion des autoroutes pourrait être révoquée (qui durerait normalement jusqu’en 2042), la société a déclaré qu’elle considérait ces rumeurs comme des attaques injustifiées, soulignant qu’en cas de révocation, elle exigera le paiement de la valeur restante de la concession, qui, selon une première estimation, s’élèverait à 20 milliards d’euros.

    Bref, nous avons affaire à une famille de capitalistes cyniques, rapaces et assoiffés de profit. Mais le problème, ce n’est pas la famille Benetton, c’est un système qui leur confie la gestion privée des infrastructures, un système qui privatise les gains et socialise les pertes.

    Rage et colère parmi les victimes et le public

    Aujourd’hui, samedi 18 août, les funérailles nationales ont eu lieu pour les victimes de la tragédie. De nombreuses familles ont refusé de participer aux funérailles d’État. La mère de l’une des victimes a ouvertement dénoncé les politiciens qui se rendaient sur les lieux de la catastrophe. La mère d’une autre victime a dit : “L’État a causé tout cela et il y a eu un défilé politique honteux : ils ne doivent pas se montrer”. Le père d’un autre des garçons morts a écrit sur Facebook “Nous ne voulons pas une farce funéraire, mais une cérémonie à la maison, dans notre église de Torre del Greco. C’est une douleur privée, vous n’avez pas besoin de défilés. A partir d’aujourd’hui commence notre guerre pour la justice, pour la vérité : cela ne doit plus se produire”.

    Le fait que tant de familles aient rejeté les funérailles d’État est un fait extrêmement significatif et démontre l’abîme qui existe entre les citoyens ordinaires, les institutions et l’élite politique considérée comme responsable de cette tragédie.

    Les funérailles d’État se sont déroulées dans une atmosphère surréaliste, toute la ville semblait endormie avec des boutiques et des restaurants qui fermaient en signe de deuil et de respect pour les victimes. Les plus hautes fonctions de l’État ont pris part à la cérémonie. Le président de la république Sergio Mattarella était présent, de même que le premier ministre Giuseppe Conte et les vice-premiers ministres Salvini et Di Maio. Les journalistes et les commentateurs du régime ont parlé d’applaudissements pour les représentants du gouvernement. En fait, les applaudissements s’adressaient aux pompiers, aux hommes et aux femmes de la protection civile et aux travailleurs de la santé qui travaillent depuis des jours dans les ruines du pont Morandi.

    S’il est vrai qu’il n’y a pas eu d’hostilité particulière à l’égard des politiciens du gouvernement, cela est dû à leur promesse de ‘‘mettre en œuvre la justice’’ et à la décision prise par le ministre des Infrastructures, Toninelli, d’engager des procédures pour retirer la concession d’Etat des autoroutes italiennes au groupe Atlantia. Ce sentiment fait écho à la force de l’atmosphère anti-establishment, canalisée vers un gouvernement auquel beaucoup de gens ordinaires délèguent en ce moment leurs espoirs de vengeance.

    Cela dit, la distance entre les paroles des représentants du gouvernement et la solidarité réelle issue d’en bas, des milliers et milliers de citoyens génois solidaires des victimes, était palpable.

    L’effondrement du pont Morandi a ouvert un grand débat dans la société italienne. Cet événement a eu et aura des conséquences sociales et politiques incalculables. Pour de nombreux citoyens ordinaires, cela signifie l’effondrement définitif de la confiance dans les institutions. Beaucoup se demandent : ” Si je ne peux pas faire confiance aux “experts” et aux techniciens, même pour l’entretien d’un pont sur l’une des autoroutes les plus fréquentées d’Italie, à quoi et à qui puis-je faire confiance ?’’

    L’élite politique en désarroi – pour une nationalisation sans compensation du réseau autoroutier !

    L’effondrement a mis les principaux partis politiques en difficulté. Par exemple, le M5S a dû supprimer de ses sites les articles qui décrivaient l’effondrement possible du pont Morandi comme un ‘‘conte de fée’’. En même temps, il est apparu que les Benettons finançaient les campagnes électorales du Parti démocrate et de la Lega dirigée par Salvini, actuellement vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur. Le premier ministre actuel, Conte, alors qu’il travaillait auparavant comme avocat, a été conseiller juridique de l’Aiscat, l’association italienne des autoroutes et tunnels, et de l’A4 Brescia-Padova, dont il a défendu les intérêts.

    Malgré cela, sous la pression de l’opinion publique, Conte a déclaré que l’annulation de la concession des autoroutes au groupe qui les gère actuellement était possible. La révocation de la concession au groupe est déjà peu. Mais en restant dans le cadre des règles de l’économie capitaliste, cependant, l’Etat risque de devoir payer une “pénalité” pour l’annulation de la concession et, paradoxalement, d’enrichir davantage les actuels propriétaires de la concession.

    En outre, retirer le contrôle des autoroutes d’un grand groupe capitaliste pour le remettre entre les mains d’un autre ne résoudra pas le problème de l’entretien, des péages coûteux et du profit privé.

    Une récente enquête réalisée peu après la tragédie a montré que 81 % des Italiens sont favorables à la renationalisation des autoroutes. C’est la voie à suivre ! Il est nécessaire de renationaliser au plus vite l’ensemble du réseau autoroutier, de l’arracher aux griffes du privé et de procéder immédiatement au contrôle et à l’entretien de toutes les infrastructures à partir de celles en béton armé construites dans les années 1960.

    Mais pour éviter que les coûts de la nationalisation ne retombent sur les gens ordinaires, peut-être sous la forme d’une nouvelle augmentation des péages, il est essentiel qu’elle soit effectuée sans aucune forme de compensation pour les anciens opérateurs du réseau autoroutier.

    La critique légitime de la privatisation et du groupe Benetton ne doit toutefois pas nous empêcher de voir le lien entre cette catastrophe et la crise à long terme du capitalisme en Italie et les politiques d’austérité. Les investissements dans les routes italiennes sont passés d’environ 14 milliards d’euros en 2007 à 5 milliards d’euros en 2015. Le pont Morandi est le 12e pont italien à s’être effondré depuis 2004.

    En voulant canaliser la colère populaire contre l’effondrement du pont en direction de l’Union européenne, Matteo Salvini, le dirigeant de la Lega qui est vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, a déclaré que cet effondrement était dû aux politiques d’austérité souhaitées par Bruxelles.

    Cette tentative maladroite et grossière d’instrumentaliser la colère populaire qui existe dans la société italienne contre l’Union européenne vise d’une part à masquer la responsabilité directe et indirecte de son parti et de son gouvernement dans cet effondrement. D’autre part, elle sert à détourner l’attention des véritables responsables et à essayer de dévier la colère populaire pour éviter d’affronter les thèmes des concessions étatiques, des privatisations et de la renationalisation des autoroutes. Cette tentative doit être immédiatement rejetée. Nous n’acceptons pas qu’un ministre de l’Intérieur qui, le soir de la tragédie, n’a pas visité la ville, mais a fait la fête avec ses amis siciliens instrumentalise les événements pour son profit médiatique. Ce n’est pas un hasard si Salvini, ne voulant pas ou ne sachant pas comment commenter sérieusement l’incident, continue de publier des interviews contre les migrants. Le jour des funérailles d’État, il a pris des selfies avec ses partisans durant la cérémonie !

    Nous devons rejeter les tentatives nationalistes de Matteo Salvini de détourner les critiques du capitalisme lui-même et de la classe dirigeante italienne en blâmant simplement les politiques d’austérité souvent exigées par l’Union européenne (UE). L’UE a imposé des politiques d’austérité à de nombreux pays, mais à elle seule, une rupture avec l’UE et ses politiques ne produira pas de changement fondamental.

    Seule une rupture structurelle avec le capitalisme et les lois qui régissent son fonctionnement pourront prévenir des tragédies similaires à l’avenir. Une société socialiste, basée sur le pouvoir et l’auto-organisation des travailleurs et des gens ordinaires, n’affecterait pas seulement des ressources à l’entretien et au contrôle des infrastructures, mais choisirait de construire des ponts, des routes et des autoroutes en utilisant le critère de l’utilité, du bénéfice social et de l’impact écologique et non celui du profit à court terme. C’est pour cette perspective que Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) se bat.

    Pour éviter que ces tragédies ne se reproduisent et pour honorer les victimes de cet effondrement, Resistenze Internazionali exige :

    • La création d’une commission d’enquête non gouvernementale indépendante et reposant sur des organisations. populaires comme les syndicats et les groupes communautaires, afin de déterminer la responsabilité pénale de ce qui s’est passé.
    • L’indemnisation appropriée des familles des victimes et des personnes déplacées.
    • Le contrôle immédiat de la sécurité de toutes les structures à risque en commençant par le remplacement de tous les piliers en béton armé par des structures en fer.
    • La révocation sans compensation de la concession de l’État au groupe Autostrade per l’Italia.
    • L’abolition du secret d’État sur toutes les concessions d’État.
    • La suppression des péages autoroutiers.
    • La renationalisation, sans compensation d’entreprises comme Atlantia, du réseau autoroutier italien et sa mise sous contrôle et gestion des travailleurs du secteur et de leurs représentants, avec le financement public nécessaire, dans le cadre d’un plan de transport global.

  • Italie. Le ‘‘gouvernement du changement’’ est né

    Giuseppe Conte. Photo : Wikipédia.

    Trois mois après les élections générales du 4 mars, l’Italie a de nouveau un gouvernement. Le 1er juin, la naissance du gouvernement vert-jaune a officiellement été annoncée par l’avocat Giuseppe Conte et les deux vice-premiers ministres – le chef politique du Mouvement des cinq étoiles (M5S) Luigi di Maio et le secrétaire de La Lega, Matteo Salvini. Le vote de confiance dans ce nouvel exécutif devrait avoir lieu au cours des prochains jours au Sénat et à la Chambre des députés. C’est, à quelques exceptions près, le même gouvernement que celui qui été rejeté la semaine dernière par le président de la république, Sergio Mattarella.

    Par Giuliano Brunetti, Resistenze Internazionale (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Le refus du président de nommer Paolo Savona au poste de ministre des finances a été écarté par ce dernier, qui a accepté de faire partie du gouvernement en tant que ministre sans portefeuille aux affaires européennes. La position délicate de ministre des finances sera reprise par le professeur Giovanni Tria, un eurosceptique, très proche de la Lega et nommé sur l’avis du même Savona.

    C’est la proposition de nommer Savona au ministère des finances la semaine dernière qui a provoqué un tollé de désapprobations de la part des chancelleries européennes et une certaine panique sur les marchés internationaux. Mattarella, sous la pression de ces mêmes marchés pour adopter une approche “responsable”, a largement utilisé ses prérogatives présidentielles pour bloquer l’émergence d’un gouvernement perçu, à tort ou à raison, comme fondamentalement eurosceptique.

    Paolo Savona a provoqué l’inquiétude des ministères européens des finances, des bourses et des agences de notation qui le considèrent comme quelqu’un capable d’envoyer l’Union européenne au diable. Paolo Savona a quatre-vingt-deux ans et une longue carrière politique derrière lui en tant que représentant de l’establishment et des grandes banques. Il a été ministre du gouvernement Ciampi (1993-94), directeur de la Banca Nazionale del Lavoro (BNL), fondateur de l’université privée de la Confindustria, Luiss, etc. En bref, cet homme est totalement issu de l’establishment et de la grande bourgeoisie italienne. Mais il est considéré comme étant capable sous pression de se retourner contre l’Union européenne et contre l’Euro.

    Une nervosité palpable

    La controverse sur le contrôle de l’économie par Savona illustre les craintes et inquiétude quant à la possibilité qu’une politique économique “imaginative” puisse pousser l’Italie hors de la monnaie unique en quelques semaines. L’intervention scandaleuse de Mattarella exprimait l’ampleur de la peur et de la nervosité quant à l’avenir éprouvées par de nombreux membres de la classe dirigeante italienne et de la classe dirigeante européenne.

    Une lutte de pouvoir est à l’œuvre entre les représentants du capitalisme italien. Un de ses secteurs produit essentiellement à destination du marché intérieur et se sent écrasé par la mondialisation. Il désire s’affranchir des restrictions de l’Union européenne. Mais, d’autre part, de grandes entreprises exportatrices sont liées au capital international. Ces dernières veulent une plus grande intégration des différentes économies nationales. Le président est intervenu au nom de l’establishment italien qui avait été clairement rejeté dans les sondages, comme en témoignent plus de 50% des électeurs qui soutiennent la Lega et le M5S ou encore la punition électorale subie tant par le Parti démocratique (PD) que par Forza Italia.

    La proposition même de Savona au poste de ministre des finances a ouvert un nid de guêpes qui en dit long sur l’état de santé de l’économie et du système de crédit du pays. L’Italie est confrontée à d’énormes problèmes économiques : l’une des dettes publiques les plus élevées du monde, une croissance anémique, un taux de chômage de 11% et un système bancaire pourri et profondément instable. Dans cet État, elle menace l’ensemble de la monnaie unique et l’économie du vieux continent.

    Le nouveau gouvernement

    Le nouveau gouvernement de Giuseppe Conte sera en réalité dirigé par deux consuls – Salvini, le leader de la Lega, et Di Maio, du M5S – pour mettre en œuvre des éléments clés de leur programme électoral. En tant que ministre du Travail, Di Maio a l’intention de mettre en œuvre des mesures visant à compléter les revenus les plus faibles, si pas l’ensemble du plan de “revenu des citoyens”. Salvini, devenu ministère de l’Intérieur, a déclaré : “La lune de miel est finie pour les immigrés clandestins”. Au lendemain de cette déclaration raciste incendiaire, un ouvrier agricole malien et syndicaliste de l’USB, Sacko Soumayla, a été tué par balle alors qu’il ramassait des planches pour construire une maison de fortune dans le bidonville où il vivait.

    Ce dramatique événement est une indication du climat qui existe dans le pays. Matteo Salvini a déclaré que sa promesse de campagne d’expulser tous les migrants sans-papiers – estimés aux environs de 500.000 personnes – sera respectée. Il n’est pas le seul ministre du gouvernement Conte à avoir des positions fort marquées à droite. Le nouveau ministre de la Famille, Véronèse, est un avocat catholique extrémiste de la Léga. Il croit, par exemple, que l’homosexualité représente un danger pour la société et a très clairement des positions sexistes et anti-avortement.

    Le “Gouvernement du Changement” peut aussi se vanter d’avoir comme ministre de l’Administration publique l’avocat Buongiorno – autrefois avocat de l’ancien premier ministre de droite Giulio Andreotti. Moavero Milanesi, ancien ministre des gouvernements Monti et Letta et fonctionnaire européen de longue date, ira au ministère des Affaires étrangères. Son collègue au ministère de l’Éducation, des Universités et de la Recherche sera Marco Bussetti, ancien professeur d’éducation physique dans une école privée. Au ministère de l’environnement se trouvera un général du corps de police des Carabiniers, Sergio Costa.

    En bref, ce nouveau “visage du changement” sera un gouvernement clairement positionné à droite avec des figures techniques visant à assurer “la bonne réputation des institutions” mais aussi avec des membres fascistes de la Lega et certains visages de l’ancienne Première République d’après-guerre. Ce gouvernement n’apportera pas de stabilité.

    Au vu de l’ampleur du vote de mars dernier contre l’establishment italien et pour des partis populistes, un gouvernement de ce type entrera inévitablement en collision avec les travailleurs et les jeunes. La vague répressive qui frappera les militants, les délégués syndicaux, les migrants et les femmes suscitera une réaction puissante de la part des gens.

    L’absence initiale d’une opposition de classe solide et crédible à ce gouvernement soulignera aux yeux de millions d’Italiens la nécessité de construire un nouveau parti des travailleurs pour riposter aux attaques. Resistenze Internazionali, la section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, sera à l’avant-garde de la construction d’un tel parti.

     

  • Italie : Une nouvelle crise pour le capitalisme européen

    Mattarella (au centre) défend les intérêts d’une partie du capital italien. Son veto à un ministre de la Léga et du Mouvement des cinq étoiles conduit à une nouvelle crise politique aux conséquences profondes. Ce pourrait être le début d’une nouvelle crise pour la zone euro et l’UE.

    Ce qui était déjà une grave crise pour le capitalisme italien – le rejet, lors des élections générales de mars, des partis de l’establishment – s’est transformé en ce que l’on peut considérer comme une bombe à retardement qui menace également l’Union européenne et l’euro. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a averti, à plusieurs reprises, que la tentative de conserver une monnaie commune et une économie intégrée sur une base capitaliste s’effondrera à un certain stade. La Grèce ne devait pas le dernier pays à menacer leur rupture. Ce qui se passe en Italie, ainsi que le départ du Royaume-Uni, pourrait entraîner un éclatement de la zone euro et/ou de l’Union européenne sous leur forme actuelle.

    L’Italie, avec sa dette nationale massive et son économie stagnante, était un candidat de choix pour une nouvelle crise. Les racines de cette dernières puisent dans l’insatisfaction profonde des travailleurs et des pauvres du pays après des décennies d’absence de croissance et d’austérité paralysante. Les deux partis populistes qui ont “gagné” les élections de mars dernier, et qui devaient former un gouvernement, étaient le Mouvement des cinq étoiles (M5S) et la Lega. Leurs projets comprenaient des attaques contre les migrants et certaines expressions d’un nationalisme extrême, mais ces partis promettaient aussi un revenu de base, des impôts moins élevés et une augmentation des dépenses publiques. Ils ont comblé le vide créé par les politiques criminellement pro-capitalistes de la gauche italienne dans le passé, y compris le Parti de la refondation communiste – le RPC – qui s’est pratiquement effondré.

    Aucun de ces partis n’a préconisé de quitter l’UE, pas plus que le ministre des finances choisi par les deux partis, Paolo Savona. Mais il était connu comme eurosceptique et les représentants des banques et des grandes entreprises savent que les pressions pour sortir de la camisole de force de l’UE pourraient bien pousser un gouvernement M5S/Lega vers une rupture.

    De mal en pis

    La décision du président italien d’aller à l’encontre de celle des partis élus et d’imposer un nom différent pour le ministre des finances – Carlo Cotterelli, qui vient du Fonds monétaire international (FMI) – a aggravé les choses et envoyé les bourses de l’Europe vers la chute libre.

    La crise gouvernementale se développe d’heure en heure, le président italien utilisant ses pouvoirs autoritaires et parlementaires bonapartistes pour renverser les décisions et en proposer de nouvelles.

    Outre la colère justifiable des électeurs face à l’intervention du président dans la recherche d’un gouvernement sûr pour le capitalisme et les appels à sa destitution, les actions du président ont alimenté un plus grand soutien aux partis qui ont remporté les élections ! Les attaques des représentants les plus enragés du capitalisme allemand ne peuvent qu’enflammer la situation. Le commissaire allemand au budget de l’UE, Gunther Oettinger, a déclaré que l’effondrement des marchés en Italie montrerait aux électeurs italiens les dangers de voter pour des populistes.

    Ce n’est pas seulement en Italie que les marchés reflètent des craintes quant à l’avenir de l’UE et, en fait, de leur système, face à la colère populaire. Le financier George Soros a averti que la zone euro fait face à une crise existentielle. Comme l’a dit Larry Elliott dans le journal Guardian (Londres, 30 mai) : “Depuis des années, les marchés financiers se demandent d’où viendra la prochaine crise mondiale. Une rupture de l’euro causée par “Italeave” ferait certainement l’affaire.” Le titre de son article est le suivant : “L’union monétaire aurait survécu à la perte de la Grèce. Elle ne survivrait pas à la perte de l’Italie”.

    Lorsque la Grèce a été intimidée de poursuivre la politique d’austérité sauvage comme condition pour des prêts supplémentaires, le CIO a fait valoir qu’une alternative existait. Elle impliquait de rompre avec le capitalisme et de diffuser les idées d’une alternative socialiste à travers l’Europe du Sud – l’Espagne, le Portugal et, surtout, l’Italie.

    Nous luttons pour une confédération socialiste d’Europe, comprenant l’Allemagne. La lutte contre les politiques de l’impérialisme allemand doit inclure un appel à la classe ouvrière puissante de ce pays pour rompre avec les politiques réactionnaires de ses gouvernements capitalistes. C’est l’approche que les socialistes italiens doivent adopter – trouver un moyen d’exprimer la colère des travailleurs et des jeunes contre le système et s’efforcer de construire un nouveau parti des travailleurs pour lutter pour le socialisme – en Italie et au niveau international.


    L’article suivant a été publié par Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière):

    Au cours du dernier épisode en date du drame politique post-électoral interminable en Italie, le Président de la République, Mattarella, a torpillé le gouvernement de coalition “jaune-vert” qui était sur le point d’être formé par la Lega et le Mouvement des cinq étoiles (M5S). Cinq jours seulement après sa nomination au poste de Premier ministre, le professeur de droit Giuseppe Conte a remis sa démission et va maintenant retomber dans l’obscurité politique.

    Ces événements ont déclenché une grave crise politique, constitutionnelle, économique et financière qui a déjà des conséquences européennes et internationales. Au sommet, il s’agit d’une lutte de pouvoir politique qui reflète les divisions entre les différentes ailes de la classe capitaliste. Alors que des petites et moyennes entreprises du nord du pays ont trouvé une voix politique dans la Léga populiste de droite, les grandes entreprises et les entreprises davantage axées sur l’exportation ont vu leurs dernières représentations politiques – le Parti démocratique (PD) et Forza Italia – annihilées sur le plan électoral. Dans cette situation, Mattarella est devenu leur seul espoir.

    Le déclencheur de la démission de Conte a été le refus de Mattarella de soutenir l’économiste Paolo Savona que la Lega et le M5S avaient proposé comme ministre de l’économie. Bien que cela ne soit pas sans précédent, le recours au veto présidentiel dans une telle situation est rare, reflétant la profonde crise politique à laquelle la bourgeoisie italienne est confrontée. Mattarella n’aurait pas pu être plus clair sur sa motivation. La nomination de Savona, a-t-il déclaré, était alarmante pour les investisseurs italiens et étrangers en raison de sa position sur l’euro.

    Paolo Savona n’est guère un révolutionnaire. Bien que l’économiste de 81 ans ait décrit l’euro comme une erreur historique et a souligné l’importance d’avoir un “Plan B”, il n’a pas préconisé le départ de l’Italie, et une sortie de l’UE ne faisait pas partie du contrat gouvernemental Lega/M5S. En fait, Savona a derrière lui une longue carrière en tant que représentant de l’establishment, comme ministre, actif dans le secteur bancaire et dans la Confindustria, la fédération patronale. Pourtant, sous la pression des fonctionnaires de l’UE, des dirigeants des gouvernements de l’UE, des marchés financiers et des agences de notation, Mattarella, et derrière lui le PD et des sections de la classe capitaliste italienne, s’est montré prêt à adopter une mesure aussi radicale dans l’espoir de calmer la tourmente des marchés et de donner l’apparence d’un “business as usual”.

    A la place de Conte, le remplaçant de Mattarella est Carlo Cottarelli, un ancien fonctionnaire du FMI et conseiller en matière d’examen des dépenses publiques (c’est-à-dire des coupes budgétaires), connu sous le nom de “M.Scissorhands” (Monsieur Ciseaux) en raison de son enthousiasme pour la promotion des coupes budgétaires, de l’austérité et de l’équilibre budgétaire. Ces politiques sont exactement à l’opposé des réductions d’impôt sur le revenu des particuliers et de l’augmentation des prestations sociales que le gouvernement M5S/Lega promettait. Mais loin de calmer les marchés, sa nomination a conduit à une nouvelle baisse de la Borsa, la bourse italienne, et à une hausse des spreads sur la dette publique au niveau le plus élevé depuis la fin 2013. Il sera presque impossible pour Cottarelli de remporter le vote de confiance du parlement, ce qui se traduira par une nouvelle élection, peut-être à l’automne, avec Cottarelli à la tête d’un gouvernement virtuel jusqu’à la dissolution du parlement, ou même une élection surprise en juillet.

    Et ensuite ?

    Plutôt que de freiner les populistes, le “coup présidentiel” de Mattarella aura joué dans leurs mains, renforçant le profond climat anti-establishment exposé au grand jour lors des élections du 4 mars en signe de protestation contre des années de crise économique et de corruption. La Léga et le M5S ont appelé à des manifestations de protestation pour le 2 juin (le Jour de la République). Selon l’Instituto Cattaneo, si le M5S et la Lega se présentaient ensemble aux prochaines élections (ce qui n’est pas du tout certain), ils remporteraient environ 70 % des sièges au parlement. Quoi qu’il en soit, ils seront probablement les plus grands gagnants. La Lega, en particulier, a rapidement augmenté son soutien (principalement aux dépens du parti de Berlusconi, Forza Italia) avec un sondage d’opinion lui donnant 27%, juste quelques points derrière le M5S. Dans le même temps, le mécontentement s’est accru au sein du M5S et l’on ne peut exclure que la direction de Di Maio soit contestée par ceux qui estiment qu’on leur a volé le pouvoir et que Di Maio a vendu le parti à Salvini, le chef de la Léga.

    “L’Italie n’est pas une colonie”, a déclaré Salvini. “Les Allemands ne peuvent pas nous dire quoi faire”, a-t-il ajouté. Cela donne une idée du type de campagne électorale susceptible d’être menée : “Qui contrôle l’Italie – le peuple ou l’élite, les pouvoirs en place, les marchés financiers et l’UE”. Alors que l’Europe était à peine mentionnée durant les élections de mars, il est probable qu’elle occupera le devant de la scène cette prochaine fois. Dans cette situation, la gauche ne peut pas être perçue comme s’identifiant à l’un ou l’autre côté de la lutte pour le pouvoir politique. La coalition de gauche récemment créée (et encore petite et hétérogène), Potere al Popolo, devra se battre pour canaliser une partie de l’atmosphère anti-establishment dans une direction clairement anticapitaliste, loin de l’approche nationaliste et souverainiste de droite qui dominera pendant la campagne électorale. Ce ne sera pas une tâche facile, mais c’est absolument urgent et c’est pour cela que Resistenze Internazionali fera campagne.

  • Italie. La perspective d’une coalition “jaune/verte” problématique pour les grandes entreprises italiennes et l’UE

    Un candidat Premier ministre de compromis : Giuseppe Conte (wikimedia)

    Après presque trois mois de négociations tortueuses et de marchandage, un gouvernement italien semble enfin avoir été accepté et n’a encore besoin que de l’approbation du Parlement. La réaction des marchés – une chute de la bourse et une augmentation des spreads (écarts entre les taux) sur les obligations d’Etat – bien que modérée par rapport à la crise de 2011, est le présage d’événements futurs.

    Par Chris Thomas, Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Une coalition “jaune/verte” entre le Mouvement des cinq étoiles (M5S) et la Lega, les deux partis populistes qui ont remporté l’élection générale du 4 mars (32% pour le M5S et 17% pour la Lega) n’est clairement pas l’option favorite des grandes entreprises et des élites d’Italie et d’Europe. Mais face à l’effondrement électoral des plus grands partis, Forza Italia et le Parti démocrate, elles n’avaient guère le choix. L’alternative consistant à ce qu’aucun gouvernement n’émerge d’une élection pour la première fois en 70 ans. Le retour aux urnes menaçait d’être encore plus déstabilisant. Au lieu de cela, la majorité de la classe dirigeante est forcée d’agir par l’intermédiaire du président Mattarella, espérant ainsi faire pression sur le gouvernement pour qu’il agisse “de manière responsable”.

    Comme Matteo Salvini, le dirigeant de la Léga, n’a pas pu accepter que le leader du M5S Luigi Di Maio soit Premier Ministre, et vice-versa, le compromis est Giuseppe Conte, un professeur de droit non-élu et pratiquement inconnu. Le “contrat pour un gouvernement de changement” de 52 pages rédigé par les deux dirigeants comprend un “comité de réconciliation” pour arbitrer les différends. Cela en dit long sur les perspectives de ce gouvernement bricolé qui tente de concilier deux programmes électoraux essentiellement opposés et de satisfaire des électeurs très différents. Le M5S a reçu beaucoup de voix dans le sud appauvri du pays, où les chômeurs et les travailleurs précaires ont été enthousiasmés de voter pour eux suite à la promesse d’introduire un revenu citoyen de 780 euros par mois pour les Italiens les plus pauvres. La Lega a obtenu ses meilleurs résultats dans le Nord, en courtisant sa base électorale de petites entreprises avec des propositions de réductions d’impôts par le biais d’une ‘‘flat tax’’, un impôt à taux unique.

    Soixante pourcents de la population ont actuellement une vision favorable de la formation d’une coalition M5S/Lega. Beaucoup s’attendent à ce que ce gouvernement, contrairement aux précédents, fasse ce qu’il dit et améliore les conditions de vie après plus d’une décennie de dévastation économique. Toutefois, essayer de répondre à ces attentes signifierait entrer en collision frontale avec l’Union européenne et l’instabilité du marché. Ne pas satisfaire l’électorat risque de détruire le soutien électoral précaire des deux partis et de provoquer des troubles sociaux.

    Tant le revenu citoyen que l’impôt à taux unique figurent dans le contrat, dans des versions modifiées, de même que les modifications apportées à la loi Fornero 2011 sur les pensions qui réduisent la valeur de nombreuses pensions et, l’année prochaine, porteront l’âge de la retraite à 67 ans. Le contrat promet également d’autres réformes, telles que l’introduction d’un salaire minimum légal et l’inversion des réductions budgétaires du système de santé. Le coût exact de ces réformes et la provenance de l’argent pour les payer ne sont pas entièrement expliqués. Certaines estimations parlent d’un coût de 100 milliards d’euros, d’autres de 30 milliards d’euros par an pendant la législature de cinq ans (en supposant que la coalition dure aussi longtemps, ce qui est douteux étant donné ses nombreuses contradictions).

    Une croissance économique ?

    Le contrat gouvernemental parle vaguement d’accroître la croissance économique (sans dire comment cela serait réalisé), ainsi que de réduire le gaspillage et de lutter contre l’évasion fiscale, ce qui ne se distingue pas des promesses faites (et brisées) par tous les gouvernements précédents. C’est une pure fantaisie de penser que ces changements à eux seuls permettraient de générer les finances nécessaires. L’économie elle-même est à peine en croissance en raison de la baisse de la production industrielle de 25% provoquée par la crise de 2007/8. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB est le deuxième plus élevé d’Europe. L’impôt à taux unique (qui serait en réalité un impôt à deux niveaux) réduirait considérablement les recettes fiscales du gouvernement (50 % des bénéfices allant aux riches). Quelles sont les alternatives ? Soit des coupes budgétaires dans les dépenses publiques, ce qui est politiquement dangereux puisque les deux partis se sont engagés à mettre fin à l’austérité, soit une augmentation de la dette publique et un dépassement de la limite de 3% du déficit budgétaire imposé par l’UE.

    Pendant la campagne électorale et les négociations gouvernementales, les deux partis ont été soumis à des pressions croissantes pour modérer leur rhétorique anti-euro et anti-UE. Le président Mattarella a averti Salvini et Di Maio qu’il a le pouvoir politique d’opposer son veto à une législation anticonstitutionnelle (le “Pacte fiscal” de l’UE qui exige des budgets équilibrés est inscrit dans la Constitution italienne). Une version antérieure du contrat qui a fait l’objet d’une fuite dans la presse parlait du retrait de l’euro et demandait à l’UE d’annuler 250 milliards d’euros de la dette publique de l’Italie. Ces deux éléments ont été retirés de la version finale. Salvini et Di Maio parlent maintenant de la réforme du droit fiscal et des traités de l’UE, y compris l’Accord de Dublin, qui oblige les migrants à demander l’asile dans le premier pays où ils arrivent. Que se passera-t-il si l’UE refuse, comme ce sera sans aucun doute le cas ? L’UE deviendra-t-elle l’excuse commode pour ne pas mettre en œuvre le contrat ou y aura-t-il une confrontation directe avec l’Europe ?

    Bien que Salvini, en particulier, continue d’être extrêmement bruyant dans ses attaques contre l’ingérence de l’UE et le droit du gouvernement de “faire une priorité des Italiens”, la première option semble être la plus probable. Mais la seconde ne peut pas être totalement exclue, surtout si une crise des marchés se développe comme en 2011. Tirant les leçons de la crise grecque, le M5S et la Lega ont sérieusement envisagé ou proposé l’option d’émettre des obligations d’État (appelées “mini-bots” par la Lega) qui pourraient ensuite être utilisées pour payer des impôts ou payer les services publics. Il s’agirait en fait d’une monnaie parallèle à l’euro. Ce serait inévitablement considéré comme un pas vers la sortie de l’euro, provoquant un affrontement avec l’UE et de nouvelles turbulences sur le marché. L’Europe pourrait devenir la question qui déchire la coalition.

    Le mécontentement peut rapidement croître

    Le contrat comprend diverses propositions concernant l’éthique au Parlement et la lutte contre la corruption, qui, si elles étaient mises en œuvre, seraient généralement très populaires étant donné la corruption profondément enracinée dans la classe politique et les organes de l’État. Il contient également des attaques sévères contre les migrants, y compris le détournement des fonds alloués à l’aide aux réfugiés pour déporter jusqu’à 500.000 migrants “illégaux”. Plus de crèches sont promises, mais seulement pour les “familles italiennes”. Le sécuritaire et la création d’un environnement plus dur pour les réfugiés jouent sur des couches des deux électorats qui estiment que l’Italie accueille un nombre disproportionné de migrants traversant la Méditerranée en provenance d’Afrique et que ces migrants sont en concurrence avec les Italiens pour les emplois, les logements et des allocations sociales toujours plus basses.

    Mais les questions économiques seront au cœur des perspectives de la coalition. Le mécontentement pourrait se développer très rapidement. Les sondages montrent déjà un déclin du soutien au M5S, très probablement d’anciens électeurs de “gauche” qui s’opposent à la coalition avec l’extrême droite de la Lega. Le M5S a essayé d’être tout pour contenter tout le monde, des fractures sont susceptibles de s’approfondir et le mouvement peut imploser à un certain stade. Dans une situation où la bureaucratie syndicale est ossifiée et léthargique et en l’absence d’un parti de gauche large, la manière dont le mécontentement social s’exprimera n’est pas claire à ce stade. Mais le populisme, en particulier le populisme ‘ni de gauche ni de droite’ du M5S, sera exposé et trouvé insuffisant. Cela ouvrira la voie à la reconstruction des organisations sociales et politiques nécessaires pour défendre réellement les intérêts des travailleurs.

    Pour en savoir plus :

  • Italie. Potere al popolo : Le pouvoir au peuple !

    Lors des élections générales qui ont eu lieu le 4 mars en Italie, la liste Potere al Popolo (Pouvoir au Peuple) a obtenu 370.000 voix à la Chambre et 310.000 au Sénat, soit l’équivalent de 1.16 % des suffrages exprimés. Ce résultat électoral modeste n’a pas entraîné de vagues de pessimisme parmi les militants, bien au contraire. Les dizaines d’assemblées locales qui ont eu lieu après les élections du 4 mars ont démontré que la détermination des militants de Potere al Popolo à s’engager dans ce projet est plus vivace que jamais. Nous en avons discuté avec Giuliano Brunetti, membre de notre organisation-sœur italienne Resistenze Internazionali et l’un des candidats à la Chambre sur les listes déposées par Potere al Popolo.

    Peux-tu nous expliquer comment cette alliance de gauche est née ?

    Potere al Popolo est né de l’activisme d’un groupe de militants de la ville de Naples actifs depuis une dizaine d’année. Il y a presque deux ans, ils ont occupé un immense bâtiment, un ancien hôpital psychiatrique du centre-ville. De là est né un centre social (Je so Pazz OPG) qui a lancé plusieurs campagnes (en défense des droits des travailleurs, contre le racisme et la xénophobie…) qui lui ont donné une reconnaissance et une autorité à l’échelle de tout le pays.

    Ce groupe de camarades a lancé un appel audacieux pour construire une liste antilibérale et populaire. Cet appel a immédiatement été repris par ce qui reste du PRC (Parti de la Refondation Communiste), du PCI (Parti Communiste Italien) et d’autres forces anticapitalistes.

    La dynamique s’est ensuite développée ailleurs dans le pays ?

    Oui, grâce à des centaines d’assemblées dans les principales villes. Elles ont vu la participation de milliers d’anciens militants réactivés par la campagne, de jeunes aux prises avec leur première expérience politique, d’activistes politiques, syndicaux et associatifs…

    La campagne électorale a été l’occasion de tester dans la pratique la volonté de milliers de militants ‘’orphelins politiques’’ de reconstruire avec patience et détermination la force de notre classe sociale. L’enthousiasme et l’optimisme ont été absolument déterminants dans cette campagne objectivement très difficile, où la gauche a été écrasée par le vote de protestation contre les élites en faveur du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue.

    Quelles ont été les propositions et l’activité de Resistenze Internazionali ?

    Resistenze Internazionali, la section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, a dès le début participé à ce projet. Dans la ville de Gênes et dans la région de Ligurie, sa participation a été essentielle pour construire et faire vivre Potere al Popolo. Un candidat de Resistenze Internazionali, candidat à la Chambre des députés, a reçu 11.000 voix en Ligurie (1,36% des voix) et nous avons participé à l’élection d’un ouvrier communiste dans une municipalité où des élections locales se tenaient conjointement au suffrage national.

    Nous avons défendu la nécessité de construire une initiative non seulement antilibérale mais aussi clairement anticapitaliste, en expliquant que le néolibéralisme est la forme spécifique que le capitalisme adopte dans un contexte historique et social déterminé. Nous avons également souligné l’importance de disposer de slogans simples, comme la réduction collective du temps de travail à 32 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Ce fut un atout essentiel dans un pays où l’on travaille jusque 67 ans et où 40% des jeunes sont sans emploi.

    Nous défendons une structuration réellement démocratique et inclusive de Potere al Popolo, avec des assemblées territoriales pouvant élire des délégués au niveau national. De ce point de vue, il reste encore beaucoup à faire.

    Justement, comment envisager les choses pour la suite ?

    Les militants de Potere al Popolo sont sortis de cette campagne avec une détermination inédite. Une assemblée nationale réunie le 18 mars, la première après les élections, donne un bon aperçu de cette atmosphère. Le théâtre où se tenait la réunion ne pouvait contenir que 800 places : plus du double de personnes se sont présentées !

    Il nous faut maintenant construire l’organisation sur les lieux de travail, les lieux d’étude et dans les quartiers. Les indications issues du national sont assez générales, chaque territoire construit ses lignes d’interventions. Il est essentiel de développer maintenant d’importantes campagnes nationales. De timides tentatives existent autour des pensions et de la santé publique. Tout n’est pas simple, différentes forces coexistent dans cette alliance avec des approches très différentes au sujet de l’Union européenne, de l’attitude à avoir envers d’autres forces de gauche… Du point de vue organisationnel, il est essentiel de démocratiser Potere al Popolo au moyen de structures élues et révocables.

    Le succès de Potere al Popolo dépendra de sa capacité à se transformer d’une structure d’intervention de militants politiques en une force cohérente capable d’organiser des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs combatifs et radicaux.

    Pour une analyse générale des élections italiennes, consultez notre article “Séisme politique en Italie”

  • Tremblement de terre électoral en Italie

    Les élections générales du 4 mars dernier ont provoqué le plus grand bouleversement du paysage politique italien depuis plus de 20 ans. Depuis le scandale de corruption ‘‘mains propres’’ du début des années 90, les partis de l’establishment n’ont jamais été aussi gravement blessés.

    Par Christine Thomas, Resistenze Internazionali (CIO-Italie)

    Le Parti démocratique (PD) de Renzi a subi une défaite humiliante, arrivant en deuxième position derrière le Mouvement populiste des cinq étoiles (M5S), tandis que la formation de Berlusconi Forza Italia (FI) a été devancée par les populistes de droite de la Lega, dirigés par Matteo Salvini. Sur un taux de participation de 73%, plus de 50% des voix sont allées à des partis anti-establishment, ce qui reflète un rejet clair de la politique traditionnelle et un désir désespéré de changement après des années de corruption, d’austérité et de dévastation économique pour les gens ordinaires.

    En l’absence d’un vainqueur clair, des semaines et peut-être des mois d’incertitude sont probables alors que les partis luttent pour former un gouvernement viable.

    L’effondrement du vote pour le PD, principal parti de la coalition sortante et favori de la classe capitaliste italienne, a été encore plus grand que ce que les sondages avaient prédit. Dans la Camera (chambre basse), le PD a eu 19% et n’a devancé que de peu la Lega, bien loin des 40% obtenus lors des élections européennes tenues il y a moins de 4 ans. Même sa position dominante dans les ‘‘régions rouges’’ (les anciennes forteresses du parti communiste) dans le centre du pays a été brisée, le PD perdant la région Emilia Romagna au profit du ‘‘centre-droit’’ pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale et ne s’accrochant encore que dans quelques villes comme Bologne et Imola. Suite à une telle défaite écrasante au niveau national, Renzi a été forcé d’annoncer sa démission en tant que leader (bien que cela ne sera effectif qu’après la mise en place d’un nouveau gouvernement).

    Economie et politique

    Même s’il y a eu une légère reprise de l’économie, après près d’une décennie de récession, le PD n’a pas bénéficié d’un rebond électoral. La croissance est encore plus faible et le chômage plus élevé qu’avant la crise et la plupart des gens de la classe ouvrière et de nombreuses personnes de la classe moyenne n’ont pas ressenti d’amélioration dans leur vie quotidienne. La crise ne connait pas de fin aux yeux de beaucoup. Pendant la campagne électorale, Embraco (qui fait partie de Whirlpool) a annoncé le transfert de la production de Turin vers la Slovaquie, ce qui signifie 500 pertes d’emplois.

    La scission du PD, Liberi e Uguali (LeU), qui devait offrir une nouvelle alternative ‘‘de gauche’’, n’a atteint que le seuil électoral de 3%. Cela n’est pas surprenant puisque ses dirigeants ont été associés à toutes les attaques contre la classe ouvrière menées par le PD, à l’image de la ‘‘réforme’’ de la législation du travail qui a facilité le licenciement des travailleurs et de la ‘‘réforme’’ des retraites qui a contraint les travailleurs à travailler plus longtemps. A la veille des élections, Pietro Grasso, le dirigeant de LeU, a montré les vraies couleurs de son parti en annonçant la volonté de LeU de former une coalition post-électorale avec le PD.

    Avec plus de 32 % des voix à l’échelle nationale, le Mouvement des cinq étoiles est de loin le plus grand parti. Il a balayé le Sud du pays, qui a été le plus durement touché par la crise économique, en obtenant 40% des voix dans les Pouilles et en Sicile et plus de 50% dans certaines parties de la Campanie, comme Naples. Le M5S s’est particulièrement bien comporté auprès des jeunes (35% des moins de 35 ans ont voté en sa faveur).

    Le soutien au M5S est venu à la fois d’anciens électeurs de gauche et de droite qui, lassés de la politique traditionnelle, se sont montrés prêts à ignorer les problèmes internes du parti et la gouvernance chaotique de Rome pour ‘‘essayer quelque chose de différent’’. Cependant, malgré son succès, le M5S ne sera pas en mesure de former un gouvernement majoritaire à lui seul. Terrifiée par la possibilité d’un gouvernement du M5S, la classe dirigeante italienne avait forcé un changement de la loi électorale visant précisément à priver le mouvement d’une majorité. Aujourd’hui, cette même loi électorale a fait en sorte que la classe dirigeante n’a pas de point d’appui politique stable.

    Luigi Di Maio, le leader du M5S, a passé ces derniers mois à courtiser les grandes entreprises et à essayer de se présenter comme un futur premier ministre viable et le M5S comme un parti capitaliste fiable, y compris en s’éloignant de l’ancienne position anti-euro et anti Union européenne du mouvement et en s’opposant à un impôt sur la fortune. Il s’est également déclaré ouvert à l’idée d’alliances avec d’autres partis. La question de savoir jusqu’où il pourra aller sur cette voie est une question encore ouverte, car elle va à l’encontre de la raison d’être originelle du M5S – un mouvement forgé en opposition totale à la caste politique pourrie et aux partis traditionnels. Si le M5S décidait de former une coalition avec l’un des autres partis, il est fort probable que le mouvement se briserait, une partie tentant de revenir à ses origines anti-establishment.

    Le ‘‘centre-droit’’ s’est imposé comme la plus grande coalition, mais avec 37 % des voix, il lui manque également une majorité. Le changement significatif est que la Lega, virulemment anti-immigrés, est maintenant le plus grand parti de droite, ce qui renverse l’équilibre des forces au sein de la coalition, au détriment de la formation Forza Italia de Berlusconi.

    L’immigration

    Dans les médias, la question de l’immigration a dominé la campagne électorale et tous les grands partis ont adopté une position ferme. Mais, dans le Nord et de plus en plus dans certaines parties du Centre, c’est la Lega qui en a récolté les bénéfices électoraux. Le parti a vu son soutien électoral augmenter à l’échelle nationale de 4% lors des dernières élections à 18% cette fois-ci (un tiers de ses nouveaux électeurs s’étant auparavant abstenus et un quart étant issus du parti de Berlusconi). Par ailleurs, Fratelli d’Italia, qui fait partie de la coalition et qui puise ses racines dans le MSI fasciste, a triplé son nombre de voix pour atteindre 4,35%. Le ‘‘centre-droit’’ tentera sans aucun doute de convaincre les députés d’autres partis afin de former une majorité. Mais il sera extrêmement difficile de trouver ce qui est nécessaire (plus de 50 sièges), surtout avec Salvini comme candidat au poste de Premier ministre.

    Malgré le discours politique anti-immigration et la couverture médiatique sans précédent pour l’organisation néofasciste Casapound, cette dernière n’a obtenu que 0,9% des voix. La fusillade de 6 immigrés par un terroriste d’extrême droite au cours de la campagne électorale a cependant montré les dangers que la politique anti-immigrés alimente. La question de l’antiracisme et de l’antifascisme continuera d’être une question centrale, quel que soit le gouvernement qui émerge de cette situation.

    Potere al Popolo / le pouvoir au people !

    La formation de gauche nouvellement créée Potere al Popolo (Pouvoir au peuple) n’a pas réussi à atteindre le seuil électoral de 3%. Elle a obtenu 370.000 voix, soit un peu plus de 1 % au niveau national (contre 3 % en 2013 pour les forces ‘‘radicales’’ de gauche). Cela s’explique en partie par le climat de ‘‘vote utile’’ qui a prévalu et qui a affecté toutes les listes plus petites.

    Pour un mouvement formé quelques semaines seulement avant les élections et sans une couverture médiatique équivalente à celle des partis (y compris le néo-fasciste Casapound), parvenir à faire élire des candidats n’a jamais été l’objectif principal. Potere al Popolo a été formé par en bas comme une organisation de combat et de campagne par et pour les gens ordinaires, unissant les principaux partis et mouvements sociaux de gauche du pays. Des centaines de réunions tenues dans plus de 100 villes à travers le pays ont attiré des milliers de personnes, surtout des jeunes.

    C’est en raison du potentiel que représente Potere al Popolo pour la construction d’une force anticapitaliste de combat que Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière), qui lui est affiliée, a participé à sa campagne électorale et a déposé un candidat sur sa liste à Gênes. Il n’est pas certain que cette organisation saisira son potentiel, mais nous continuerons à jouer un rôle au niveau local et national au cours de la période à venir.

    A ce stade précoce, il est impossible de dire quel type de gouvernement résultera de cette élection – une coalition de centre-droit dominée par la Lega, une coalition M5S/PD, une alliance entre le M5S et la Lega, une ‘‘grande coalition’’ élargie, un gouvernement technocratique, un gouvernement du président dans le seul but de changer (encore une fois) la loi électorale, ou peut-être de nouvelles élections – tous sont des résultats possibles. Mais ce qui est certain, c’est qu’aucune de ces solutions ne sera en mesure de répondre aux problèmes auxquels font face les travailleurs et la classe moyenne.

    La crise économique, politique et sociale du capitalisme italien se poursuivra et la construction d’une alternative anticapitaliste par la lutte est aujourd’hui plus vitale que jamais.

  • Italie : Renzi subit une cuisante défaite et démissionne

    Sa démission ouvre aux travailleurs et aux jeunes l’opportunité de lutter pour un meilleur avenir

    En janvier 2014, le jour de l’entrée en fonction de Matteo Renzi, nous écrivions qu’il s’agissait là du début de la fin pour le chef du Parti démocrate (PD), à qui rien ne semblait alors pouvoir résister dans sa marche vers la gloire. Le résultat du référendum constitutionnel, qui a vu Renzi être battu par près de 60%, ne montre pas tant notre clairvoyance que l’absence totale de prévoyance de la part de la classe dirigeante italienne. Cette dernière s’est reposée sur un dirigeant qui s’est avéré n’être qu’une voiture sans freins, destinée à s’écraser tôt ou tard. C’est ce qui s’est produit ce 4 décembre lorsque les Italiens ont envoyé un message clair et fort non seulement au gouvernement et au Premier ministre mais aussi à toute la classe politique, y compris ceux qui étaient du côté du «non».

    Editorial de ‘Resistenze’, mensuel de ControCorrente (CIO-Italie)

    Comme l’a écrit «Sole24Ore» (le journal des industriels et des financiers) au lendemain du vote, ceux qui ont voté «oui» étaient principalement des retraités et des personnes issues des couches supérieures et moyennes de la société. Ce sont les travailleurs et les jeunes précaires qui ont porté le coup solennel au gouvernement, alors qu’ils étaient précisément au cœur de la rhétorique du gouvernement ces trois dernières années. 81% des personnes âgées de 18 à 35 ans ont voté «non». L’establishment pensait qu’il serait possible de surmonter la vague de colère sociale en se contentant de briller aux émissions télévisées, en promettant quelques euros aux couches les plus pauvres de la société, en prédisant l’apocalypse si le «Non» l’emportait et en essayant de suivre Beppe Grillo (leader du Mouvement des Cinq Etoiles) et Matteo Salvini (leader de la Lega Nord) sur leur terrain «anti-caste politique » et anti-Europe. Cela s’est révélé illusoire. Il en va de même pour ceux qui se font passer pour des défenseurs de la constitution, y compris Grillo.

    Les travailleurs, les jeunes et les membres appauvris de la classe moyenne n’ont pas voté «non» pour défendre «la meilleure constitution du monde». Ils ont procédé de la sorte pour rejeter ceux qui, au lieu de «démolir la vieille politique» (comme chacun le dit) continuent à démolir les travailleurs et à se moquer d’eux en parlant d’un pays qui n’existe pas : un pays où l’économie s’améliore, où les entreprises engagent des centaines de milliers de jeunes avec des contrats à durée indéterminée et où les impôts sont en baisse. C’était la seule vraie raison pour laquelle cela valait la peine de perdre quelques heures de travail pour aller voter.

    Une opportunité

    La défaite majeure de Renzi, sa démission et l’aggravation de la crise du PD (un parti qui a représenté la véritable «aile armée» des grandes entreprises au cours des cinq dernières années) représentent un développement positif de même qu’une opportunité pour les travailleurs et les jeunes en lutte pour un meilleur avenir. Mais pour qu’une opportunité devienne un pas en avant, il faut y lier une analyse réaliste de la situation politique et sociale. Il n’y a pas une seule force politique dans le camp du «Non» qui pourrait constituer un point de référence pour ceux qui veulent vraiment changer la société italienne.

    L’enthousiasme suscité par la victoire du Non pourrait servir à engager une sérieuse discussion au sujet de l’alternative politique dont nous avons besoin pour être capables de remplir les rues plutôt que les bureaux de vote. Sans cela pourrait se répandre l’illusion selon laquelle nos problèmes seraient désormais résolus puisque Renzi a été foutu à la porte et qu’un nouveau «centre gauche» pourrait ainsi renaître. Espérer une victoire du Mouvement Cinq Etoiles aux prochaines élections générales pour obtenir un vrai changement est tout aussi illusoire, comme l’illustrent tous les conseils locaux contrôlés par le mouvement de Beppe Grillo. Nous défendons de toute évidence une claire alternative combattive.

  • L’Italie vers les élections européennes : entre rigueur et instabilité

    La naissance du gouvernement Renzi a renforcé le sentiment de haine et de dégoût vis-à-vis de la politique traditionnelle parmi les travailleurs et les masses populaires italiennes. Il s’agit du troisième gouvernement non-élu consécutif, nommé après consultations entre le président de la république Giorgio Napolitano qui va éteindre ses 88 bougies et l’état-major de la Banque Centrale Européenne.

    Matteo Renzi, le nouveau premier ministre, est un jeune homme qui a construit son succès politique contre la vieille garde social-démocrate du PD (Parti Démocrate) et en s’entourant de personnalités du monde du spectacle et de richissimes entrepreneurs incarnant une ‘‘nouvelle philosophie d’entreprise’’…

    Pour l’establishment politique italien et européen, et dans un cadre de fort discrédit du système politique, Renzi est le bon homme arrivant au bon moment. Les stratèges du capital estiment que l’Italie a besoin de réformes et de stabilité, notamment en relation au semestre de présidence du Conseil Européen qui s’ouvrira en juillet et à l’Exposition universelle qui se tiendra à Milan en 2015. Pour cette raison, Renzi incarne le désir de stabilité de la classe dominante qui navigue à présent dans l’ombre et qui aspire à se doter d’une façade plus propre après les parenthèses ‘techniques’ et les multiples scandales qui se sont abattus sur l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi. Berlusconi a été condamné à quatre ans de réclusion pour fraude fiscale et a été jugé inéligible. Sa peine a été commutée en 4 heures de service social par semaine.

    Renzi qui a plus d’ambition et de soutien que ces prédécesseurs aura plus de marge de manœuvre. Toutefois, la dégradation permanente des conditions de vie de la majorité de la population, les contradictions politiques au sein de sa ‘grande majorité des responsables’ et la forte instabilité politique qui continue a caractériser la situation italienne indiquent que la lune de miel du gouvernement sera de courte durée.

    Lors des dernières élections politiques en février 2013, le mouvement 5 étoiles était parvenu à obtenir le résultat exorbitant de 25% des suffrages exprimés. Ce résultat était révélateur du rejet de la politique dominante, de ses mesures d’austérité, de ses scandales et de ses trahisons.

    Lors de ces dernier mois, le caractère fortement hétérogène de ce mouvement structuré autour du blog de Beppe Grillo, l’incapacité d’exprimer des prises de position unitaires sur les questions les plus diverses et la méthode fortement autoritaire et pyramidale de gérer le mouvement ont conduit à une longue série de scissions individuelles de parlementaires et d’expulsions de dissidents dans les régions. Le Mouvement 5 Etoiles est prisonnier de son caractère de mouvement virtuel, de son absence de programme véritable et de la faiblesse de sa base sociale de référence, ce mouvement va inévitablement se dégonfler cela engendrera une augmentation de la frustration chez une couche d’activistes qui recommenceront à chercher une solution de lutte et d’organisation politique contre les partis de la Troïka. Il est toutefois fort probable que le Mouvement 5 Etoiles obtiendra son dernier triomphe électoral lors des élections européennes à venir. Un bon résultat électoral pour ne pas parler d’une victoire du Mouvement 5 Etoiles risque de fortement affaiblir le gouvernement Renzi et de freiner ses multiples projets de réforme. Conscient des risques de fragmentations au sein de son mouvement, Beppe Grillo a imposé à tous les candidats un ‘accord’ qui les force à verser 250.000 euros au mouvement s’ils trahissent le pacte avec leurs électeurs. De cette façon, Grillo et Casaleggio (le gourou de l’informatique cofondateur et copropriétaire du mouvement) essayent de renforcer leur emprise sur le mouvement contre toute voix dissidente.

    Pour ce qu’il en est des grands parti traditionnel, le Parti Démocrate, le Nouveau Centre Droit et Forza Italia portent des campagnes politiques très similaires qui n’intéressent ou ne passionnent pratiquement personne. La gauche radicale incapable de se présenter sous ses propres symboles souillés par des décennies de petites tactiques et de trahisons ouvertes a choisi de se présenter derrière le visage réconfortant d’Alexis Tsipras, le leader du parti grec de gauche radicale Syriza, pratiquement inconnu en Italie. La liste Tsipras ‘dirigée’ par un comité de six intellectuels, véritables vieux dinosaures de la petite gauche progressiste et de la ‘société civile’ italienne risque d’aboutir à un résultat décevant. Dans cette éventualité, la gauche radicale italienne serait privée de représentant pour la quatrième fois d’affilée lors d’élections importantes, alors qu’elle était encore relativement forte jusqu’il y a peu. Cette perspective risque de mettre un terme à la longue agonie du PRC et d’autres petites forces résiduelles.

    A la veille des élections, la situation politique Italienne reste caractérisée par une forte dose d’incertitudes et par une très forte instabilité politique. A l’heure actuelle, le mouvement ouvrier est saigné par une avalanche de licenciements, de délocalisations et de fermetures de sites de production. Mais il est le grand absent des discussions politiques. L’inévitable reprise du conflit social modifiera cette situation et réinitiera dans la société une discussion autour de la nécessité de construire un nouveau projet politique pour les jeunes et les travailleurs qui puissent prendre l’initiative de lancer une offensive frontale capable de mettre fin aux massacres sociaux que nous subissons actuellement.

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