Tag: Italie

  • Berlusconi humilié

    Le gouvernement Letta fait face à une crise économique et sociale prolongée

    “Berlusconi est mort”, a déclaré l’un des plus proches collaborateurs du Cavaliere à la fin de la pire semaine de sa carrière politique. Après avoir dominé la scène politique italienne pendant près de 20 ans, Berlusconi a été contraint à un humiliant virage à 180° suite au vote de confiance, a été témoin de l’implosion de son parti, et, pour couronner le tout, a été privé de son titre de sénateur. S’il n’est pas encore complètement sorti de la scène politique, ce n’est plus qu’une question de temps.

    Christine Thomas, Controcorrente (CIO-Italie)

    Les décisions politiques en Italie ont pendant des années été influencées et motivées par les affaires et les intérêts privés de Berlusconi. Cela a de nouveau été le cas il y a quelques semaines, ce qui a créé une crise politique et a soulevé la question de la chute du gouvernement de la coalition Letta.

    En août, Berlusconi a été jugé coupable de fraude fiscale liée à son groupe Mediaset, et a été condamné à 4 ans de prison. A cause de son âge (77 ans), il n’ira pas en prison mais pourra choisir entre une résidence surveillée ou 1 an de travaux d’intérêt général. Il semble s’être décidé pour la seconde option, la moins lourde. Ses 4 ans d’emprisonnement le privent de la fonction de sénateur. Lorsque les deux chambres du parlement auront accepté la décision du sénat, il devra tirer sa révérence. Dans le courant du mois, un tribunal décidera combien de temps il restera privé de ses fonctions, probablement entre 1 et 3 ans plutôt que le maximum de 5 ans. Il perdra par conséquent son immunité diplomatique, ce qui, avec les affaires en cours (rapports sexuels avec une prostituée mineure et corruption d’un sénateur pour qu’il trahisse son parti), pourrait éventuellement lui valoir d’être arrêté et emprisonné.

    En réaction, Berlusconi est monté à l’offensive contre les décisions politiques et judiciaires ‘‘aux motifs politiques’’ destinées à ‘‘le sortir du gouvernement’’. Des semaines durant, il a tenté de tenir le gouvernement en otage en créant encore une autre crise politique et potentiellement économique. Il a forcé ses 5 ministres du PDL dans la coalition à démissionner. Ensuite, avec juste une poignée de ses associés les plus proches, il a décidé que le PDL ne soutiendrait pas un vote de confiance du gouvernement Letta. Le parti, qu’il fondé en 1994 et qu’il a depuis manipulé comme une marionnette, a explosé en une rébellion sans précédent entre les ‘‘colombes’’ menées par Alfano, le secrétaire général du parti (secrétaire d’Etat à l’Intérieur, et aussi premier ministre député) qui a refusé de se conformer à la décision de Berlusconi, et les ‘‘faucons’’ qui ont traité Alfano en Judas. Son parti en plein schisme et les actions de ses compagnies en baisse, Berlusconi a été forcé à se retirer et le PDL a voté en faveur du vote de confiance.

    Un gouvernement fragile

    ‘‘Crise repoussée, le gouvernement Letta renforcé’’. Voilà la une des médias actuellement mais, en réalité, les évènements de ces dernières semaines ont clairement démontré la fragilité et la précarité de ce gouvernement qui n’est que la réflexion d’une crise économique, sociale et politique sévère du capitalisme italien. Des économies du G7, celle de l’Italie est la seule à toujours être en récession, son PIB ayant baissé de 8% depuis le début de la crise économique. La production industrielle a baissé de 25% et le taux de chômage des 16-25 ans a atteint 40%. Des prévisions de ‘‘croissance’’ de 0,4% l’année prochaine ne changeront rien à l’hémorragie en cours.

    Pour la classe des travailleurs et la jeunesse qui luttent pour nouer les deux bouts à la fin du mois, la crise politique de ces dernières semaines n’est qu’un cirque, à des années-lumière de la réalité quotidienne.

    La coalition Letta est née en avril dernier pour être un gouvernement de dernier recours après que les résultats des élections de février aient démontré un rejet absolu du l’austérité, du système politique dysfonctionnel et de ses deux représentants, le PDL de Berlusconi et le PD, que se soient par le taux d’abstention ou les votes (25%) pour le Mouvement 5 Etoiles populiste de Beppe Grillo.

    Les gens ont voté pour le changement, mais ne l’ont pas trouvé. La coalition PDL/PD a gratté pour trouver un milliard par-ci, un milliard par-là, pour offrir l’équivalent de miettes de pain à des affamés, tout en échouant à appliquer les contre-réformes exigées par les grosses entreprises et l’UE. Le fait que la possibilité que ce gouvernement faible et paralysé s’effondre ait fait trembler la classe capitaliste italienne, l’UE et les marchés, démontre la profondeur de leur désespoir face à une crise profonde, sans représentants politiques stables.

    88% des gens disent que la crise politique n’est pas terminée, et peu croient que le gouvernement tiendra jusqu’en 2015 (le but originel de Letta). Même si le PDL se scinde en une aile chrétienne-démocrate ‘‘modérée’’ et en une autre de droite assumée, et que l’influence de Berlusconi s’essouffle, il y aura toujours d’énormes pressions sur les partis de la coalition de la part de nombreux électeurs, et particulièrement sur le PD, pour appliquer des réformes visant à diminuer les pires effets de la crise.

    Le PD lui-même est dans un état de conflit ouvert alors qu’il s’apprête à élire un nouveau chef. Mais la profondeur de la crise, et les intérêts inconciliables en jeu, signifient que le gouvernement ne peut tenir parole. S’en tenir aux 3% de déficit budgétaire maximum (que l’UE menace d’imposer cette année) conduira à de nouvelles coupes dans les services publics déjà affaiblis par les coupes précédentes. De nouveaux secteurs seront privatisés. Restaurer la productivité et la compétitivité, comme l’exigent les grandes entreprises, signifie plus de ‘‘réformes du travail’’, des réductions de salaires et des attaques contre les conditions de travail des travailleurs italiens pour leur faire atteindre les mêmes conditions qu’au Portugal et en Grèce, où la productivité progresse sur fond de dévastation sociale.

    Un agonie prolongée

    Les politiques du Mouvement 5 Étoiles n’offrent aucun répit à l’agonie prolongée des ouvriers et la classe moyenne italienne. Le mouvement a connu expulsions et abandons dans son groupe parlementaire, et son soutien a baissé dans les sondages. Cependant, il se maintient à 20% et restera probablement l’atout de l’opposition, bien qu’il soit incapable de mobiliser l’opposition quant aux attaques du gouvernement.

    C’est la même chose pour les dirigeants des fédérations syndicales principales. Il n’y a de plus aucun parti de gauche conséquent ni aucun projet en cours. Il ne pourra y en avoir que sur la base des luttes futures sur les lieux de travail et dans les communautés, pas sur la base de tentatives visant à recoudre ensemble des bouts de groupes de gauche (comme Cremaschi, l’ancien dirigeant du syndicat radical des métallurgistes, la FIOM, tente de le faire avec l’initiative ROSSA), ni sur la base de formations qui s’attachent à la défense légale de la ‘‘démocratie’’ et de la Constitution (soutenues par le dirigeant actuel de la FIOM, Landini, et un groupe d’intellectuels).

    ControCorrente (section du CIO en Italie) est ouvert à une collaboration avec d’autres forces de gauche, mais le but essentiel en cette période et de développer des luttes industrielles et sociales, comme celle contre la privatisation massive des services locaux à Gênes, par exemple. Là-bas, sous l’influence de membres de ControCorrente, une grève municipale des travailleurs du transport, des éboueurs, du personnel de maintenance et d’autres services menacés a conduit à une victoire temporaire : le conseil ayant postposé le débat sur les privatisations. La lutte continue, et ce seront des luttes similaires qui poseront les bases de la reconstruction d’une organisation de masse de la classe ouvrière et d’une représentation politique pour les travailleurs et la jeunesse en Italie.

  • Comment vaincre la machine d’austérité européenne ?

    Depuis le début de la crise de la zone euro, les mobilisations de masse n’ont pas manqué contre la politique d’austérité, avec toute une série de manifestations et de grèves mais aussi de grèves générales. Mais même si ces explosions de colère et de rage ne peuvent plus tout simplement être passées sous silence – malgré le contrôle des médias dominants et de l’information par la classe dominante – le bulldozer de la casse sociale n’en a pas moins poursuivi sa course, une course d’ailleurs destinée à devenir plus meurtrière encore avec l’adoption du ‘‘Traité européen d’austérité’’ (le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, TSCG). Quelle contre-attaque organiser et comment (re)mobiliser les découragés de la lutte sociale ?

    Par Nicolas Croes

    A faux diagnostique, faux remède

    La logique austéritaire ne fonctionne tout simplement pas. Tout y est faux, du début à la fin. Cette politique de bain de sang social est basée sur une explication totalement erronée : la crise de la zone euro proviendrait non pas de la faillite du secteur bancaire et de la collectivisation des pertes du privé – elles-mêmes conséquences des contradictions du système capitaliste – mais des dépenses publiques ‘‘impayables’’. Banquiers et spéculateurs ont en fait bénéficié de la complicité active et enthousiaste des politiciens capitalistes et des médias dominants pour se cacher, eux et leurs responsabilités, derrière les fonctionnaires ‘‘fainéants’’, les travailleurs ‘‘privilégiés’’, les chômeurs ‘‘parasites’’ et les pensionnés ‘‘destructeurs de sécurité sociale’’. A cette liste se sont rajoutés – au gré des besoins – les immigrés, les homosexuels, les femmes, les syndicats,… et l’extrême-droite est loin d’être la seule à avoir tenu la plume.

    Il a toujours été clair que cette politique n’allait rien arranger pour les masses, que nous serrer la ceinture n’allait pas nous préparer des jours meilleurs et qu’il nous faudrait au contraire percer de nouveaux trous. La maîtrise relative de la dette publique avant 2008 n’avait d’ailleurs pas empêché les divers pays européens de sombrer profondément dans la crise. S’il en était encore besoin, un bref coup d’œil porté aujourd’hui sur cette Union Européenne dévastée suffit à illustrer la faillite totale de l’austérité.

    En Espagne, après des années de coupes dans les budgets des autorités, d’augmentations de taxes (pour l’homme de la rue, pas pour ceux qui nous regardent du haut de leur tour d’ivoire) et de destruction des conditions de travail et des salaires, l’avenir du pays reste plombé par la récession. Le taux de chômage vient d’y franchir un seuil historique lors du premier trimestre de cette année en atteignant les 27,16%. Derrière ce chiffre, il y a 6.202.700 personnes plongées dans la misère (pas moins de 237.400 de plus qu’au trimestre précédent). Dans cette course macabre, l’Espagne ne cède la place qu’à la Grèce (27,2% de chômage officiel en janvier). Quant à cette fameuse dette publique dont la réduction justifie tous les sacrifices (pour autant qu’ils ne touchent pas l’élite de la société), elle a elle aussi atteint un nouveau record au premier trimestre de 2013 : 923,31 milliards d’euros, soit 87,8% de la totalité des richesses produites en un an dans le pays (le PIB, Produit Intérieur Brut). La Banque centrale prévoit qu’elle poursuivra son ascension vers les 91,4% du PIB en 2013 et les 99,8% en 2016. Et quand ça ne marche pas on fait quoi ? Et bien on continue !

    La saignée est inefficace, allons-y à la hache !

    En Grèce, l’austérité massive n’a pas empêché la dette publique d’atteindre les 159,9% de son PIB fin 2012 (une croissance de 8,6% entre 2010 et 2012). Ce taux aurait d’ailleurs largement dépassé les 190% si le tiers de la dette grecque (100 milliards d’euros) n’avait pas été annulé en mars 2012. Fin 2012 toujours, la dette souveraine de l’Irlande représentait 117,6% de son PIB (+ 25,5% entre 2010 et 2012) et celle du Portugal 123,6% (+ 29,6% entre 2010 et 2012).

    Ces trois pays sont ceux à avoir subi le plus directement la dictature des marchés, par l’intermédiaire de l’action dévastatrice de la troïka européenne (qui réunit la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International). Afin de bénéficier de ‘‘l’assistance’’ du Fonds Européen de Stabilité Financière, puis du Mécanisme Européen de Stabilité, les gouvernements de ces pays se sont engagés à appliquer une politique antisociale extrêmement brutale. Le résultat de cette politique (explosion du chômage, des suicides, des expulsions de logements, de malades incapables de payer leurs soins,…) ne peut que faire froid dans le dos, notamment à la population chypriote dont le pays vient de rejoindre le club des Etats mis en coupe réglée par la troïka européenne. Il est pourtant question de mettre toute la population européenne au même régime à l’aide du TSCG, le ‘‘traité d’austérité’’ européen. Ce texte a été signé le 2 mars 2012 par 25 pays de l’Union Européenne (tous sauf le Royaume-Uni et la République tchèque) et prévoit de ‘‘renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro.’’ En gros, il condamne l’Union Européenne à une austérité permanente.

    TSCG : une dictature des marchés de plus en plus ouverte

    L’article 3 du Traité interdit de dépasser un ‘‘déficit structurel’’ de 0,5% pour le budget d’un gouvernement (doublé dans le cas où la dette publique se situe sous les 60% du PIB). Respecter cette règle signifiera d’opérer des coupes encore plus profondes dans les dépenses publiques à un moment où les investissements de l’Etat dans l’économie sont plus que jamais nécessaires. De plus, cette notion de ‘‘déficit structurel’’ est absolument arbitraire. En 2006, le Fonds Monétaire International avait par exemple estimé le déficit structurel irlandais à 5,4% du PIB, tandis que la Commission Européenne l’avait estimé à 2,2%. Et c’est la Commission Européenne – le quartier général européen de l’offensive antisociale – qui décidera du chiffre à garder, de même que des moyens à mettre en œuvre pour rester dans le cadre de la discipline budgétaire !

    Il ne s’agit là que d’un exemple, tout le reste du texte est du même acabit, uniquement basé sur une vision à court terme de l’économie capitaliste et sur la recherche du profit maximal le plus rapidement possible. L’élite européenne est tellement idéologiquement liée au néolibéralisme qu’elle est incapable de voir l’impact dévastateur qu’aura ce traité, même en considérant les intérêts des capitalistes à plus long terme.

    Ce traité est aussi une attaque anti-démocratique de taille. L’Union Européenne est déjà une institution anti-démocratique, ce n’est même pas une ‘‘démocratie parlementaire’’. Le pouvoir y est concentré dans la Commission Européenne et le Conseil Européen. Fin 2011, 6 mesures ont été adoptées (le ‘‘six-pack’’) pour transférer d’importants pouvoirs de décision des gouvernements élus vers la Commission Européenne non-élue, tandis que la prise de décision a été modifiée au sein du Conseil Européen afin de rendre les sanctions punitives quasiment automatiques en cas de non-respect des dictats néolibéraux.

    Le texte du Traité prévoit de considérer le néolibéralisme comme une obligation et non plus comme un choix économique. L’article 5 prévoit ainsi de placer un pays directement sous administration des autorités européennes. Actuellement, plus de vingt pays sur les 27 que comprend l’Union Européenne sont exposés à cette tutelle !

    Quel type de résistance ?

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    Pourquoi l’austérité ?

    Comme expliqué ci-contre, l’austérité ne vise pas à ‘‘rééquilibrer les budgets des autorités’’. Dans le cadre de la crise de surproduction dans laquelle est plongée la totalité du système capitaliste (et pas uniquement l’Europe), il s’agit pour ‘‘nos’’ élites de restaurer par la manière forte le taux de profits des capitalistes, les détenteurs des moyens de production. A la manière dont Naomi Klein l’avait développé dans son livre ‘‘La stratégie du choc’’ (également disponible gratuitement sous forme film-documentaire sur internet), le choc de la crise a servi de prétexte pour accroitre l’offensive contre les acquis sociaux que le mouvement des travailleurs avait pu obtenir par le passé grâce à sa lutte.

    Il s’agit de l’accentuation de la politique néolibérale de transfert de richesses de la collectivité vers le privé, initiée en leur temps par Pinochet au Chili, Reagan aux Etats-Unis et Thatcher au Royaume-Uni. Cette politique économique était devenue nécessaire suite à la crise économique des années ‘70 et a pris son plein essor suite à l’effondrement du stalinisme au début des années ’90. Depuis lors, les privatisations d’entreprises publiques, les réductions de moyens pour les budgets sociaux et les diminutions de taxes pour les grosses entreprises se sont suivies au pas de charge. Mais cela n’a pas pu empêcher la crise d’éclater.

    Quel programme contre l’austérité ?

    • Non à l’austérité ! Pour la défense des services publics et des pensions ! C’est aux patrons de payer pour leur crise !
    • Pour des syndicats combatifs et démocratiques et des partis larges de travailleurs combatifs !
    • Dans chaque pays : pour un plan d’action combatif, démocratiquement discuté à la base, afin de construire le meilleur rapport de force contre l’offensive antisociale et d’élever la conscience des masses par la discussion et l’action collective !
    • Pour un plan d’action vers une grève générale de 24 heures à l’échelle européenne !
    • Non à la dictature des marchés ! À bas les agences internationales de notation de crédit et le FMI ! Stop au paiement des dettes de l’État aux capitalistes ! Arrachons la richesse des mains des spéculateurs super riches !
    • Nationalisation des secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie…) sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs !
    • Non au chômage de masse ! Pour la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
    • Pour des programmes massifs de travaux publics afin de créer des emplois socialement utiles et de répondre aux besoins de la population
    • Non à l’Europe des patrons et des marchés ! Pour une Europe socialiste démocratique !

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    Les pétitions, cartes blanches, déclarations,… n’ont pas manqué pour dénoncer ce traité. Les positions défendues dans ces critiques étaient souvent très bonnes, mais les moyens exposés pour vaincre le TSCG n’ont pas été à la hauteur de l’attaque. Le TSCG n’a été soumis au référendum qu’en Irlande, avec une offensive patronale et un chantage extraordinaire qui ont réussi à faire passer le ‘‘oui’’ de justesse. Dans les autres pays, ce sont les parlements nationaux qui étaient responsables de l’acceptation du texte ou de son rejet. En Belgique, cela signifie de passer devant le Parlement flamand et le Sénat (où le traité a déjà été approuvé), à la Chambre du Parlement fédéral, au Parlement wallon, au Parlement bruxellois, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et au Parlement germanophone. Hélas, l’opposition à l’austérité européenne s’est limitée à un lobbying à destination de parlementaires qui appliquent quotidiennement la casse sociale…

    Ainsi, la centrale des employés de la CSC (CNE), malgré des prises de positions combatives ces derniers temps (notamment concernant la nécessité d’organiser une grève générale contre la politique des autorités belges ou face à la nécessité de construire un nouveau relais politique large pour les travailleurs aux côtés de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut), a appelé ‘‘tous les parlementaires belges à un sursaut de courage pour défendre notre démocratie. Ratifier ce traité serait comme choisir, en pleine mer, la ceinture de plomb plutôt que la bouée.’’ De même, le CEPAG (Centre d’Education Populaire André Genot, une ASBL d’éducation permanente liée à la FGTB et dont l’actuel administrateur général est Thierry Bodson, le président de la FGTB wallonne) a lancé une pétition déclarant notamment : ‘‘Nous devons agir pour que nos représentants élus ouvrent les yeux, refusent d’obéir à l’Europe de l’austérité et rejettent la Traité budgétaire. Mettons la pression sur les parlementaires afin qu’ils ne signent pas un texte en totale contradiction avec les intérêts de la population !’’ Ce lobbying est insuffisant, on ne peut convaincre les politiciens capitalistes d’agir dans nos intérêts que par la force. En ce sens, la manifestation appelée par la FGTB wallonne devant le Parlement Wallon le 29 mai dernier était un premier pas – tardif – dans la bonne direction, qui ne doit pas rester un acte isolé, doit être amplifié et être considéré dans le cadre de la lutte plus large contre l’austérité et les licenciements. Qu’attendre encore pour un vrai plan d’action avec grève(s) générale(s) ?

    Pas mal de gens se demandent comment combattre cette Union Européenne antisociale qui parait être si lointaine. De nombreux politiciens traditionnels se servent d’ailleurs de ce sentiment d’impuissance pour justifier leurs attaques, sur le mode ‘‘c’est pas nous, c’est l’Europe’’. Cette question est loin d’être neuve. Karl Marx répondait déjà à son époque que ‘‘la lutte de classes est internationale dans son contenu mais nationale dans sa forme’’. Il n’en va pas différemment aujourd’hui. La majeure partie des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs oppose directement ces derniers à la classe dominante de leur pays. Hélas, partout en Europe, nous sommes forcés de constater que les sommets syndicaux manquent d’audace et évitent soigneusement toute stratégie d’affrontement direct avec l’Etat capitaliste et les diverses bourgeoisies nationales.

    L’exemple de la Grèce est à ce titre des plus édifiants. Ces dernières années, les grèves générales se sont succédées comme nulle part ailleurs en Europe, mais décidées et stoppées d’en haut, sans aucun plan d’action, bien plus destinées à laisser échapper la pression de la base qu’à sérieusement bloquer l’économie pour aller chercher les moyens là où ils se trouvent : dans les caisses des grandes entreprises et des banques. Dans chaque pays, le mouvement des travailleurs doit lutter pour récupérer ses instruments de lutte de masse, ce qui signifie de lutter résolument pour une démocratie syndicale (entre autres parce qu’une lutte déclenchée par la base est plus difficile à stopper par le sommet syndical), pour la fin du syndicalisme de négociation et de concertation et pour le retour d’un syndicalisme de lutte.

    Pour nous, cette timidité dans la contre-offensive provient directement de l’absence d’idée concernant l’alternative à défendre contre la société capitaliste. ‘‘Nos’’ dirigeants syndicaux ont été tellement impliqués dans le ‘‘moindre mal’’ et dans la concertation avec les institutions capitalistes qu’ils refusent de sérieusement considérer qu’une voie de sortie existe en dehors du capitalisme. Revenir à un syndicalisme de lutte signifie donc aussi de s’armer d’un programme anticrise anticapitaliste basé sur la collectivisation des moyens de production et leur contrôle et gestion démocratiques. C’est la seule manière d’obtenir un plan de relance basé sur les nécessités sociales et écologiques et non pas sur la recherche de profit. Réclamer tout simplement une ‘‘fiscalité plus juste’’ est largement insuffisant, en plus de nier la possibilité de l’évasion de capitaux qu’il faut résolument saisir et donc exproprier. Cela nécessite aussi de disposer d’un prolongement politique large pour porter les exigences des travailleurs sur l’arène politique tout en étant un parti de lutte, qui ne se cantonne pas à l’activité électorale. Les PS, Partis Travaillistes, Pasok et autres sont totalement passés dans l’autre camp depuis belle lurette.

    Pour une grève générale européenne

    De même que la lutte internationale ne doit pas servir de prétexte à laisser sa propre classe dirigeante nationale tranquille, une coordination des luttes par-delà les frontières – et particulièrement au niveau européen – est absolument cruciale. A ce niveau aussi, la faiblesse de la direction du mouvement des travailleurs est criante : la Confédération Européenne des Syndicats (CES) reçoit ainsi une partie de ses subsides de la Commission Européenne, et a toujours considéré son action dans le cadre de la construction loyale d’une Union Européenne capitaliste ‘‘sociale’’. On en voit le résultat.

    Le mot d’ordre d’une grève générale européenne est aujourd’hui d’une extrême importance, et la journée d’action européenne du 14 novembre dernier en a illustré le potentiel. Cette action coordonnée de plus grande ampleur que par le passé était un reflet de la pression grandissante de la base syndicale sur les divers syndicats européens et sur la CES elle-même. En Espagne et au Portugal, des grèves générales de 24 heures ont eu lieu (ce fut la plus massive et militante depuis 1974 au Portugal tandis qu’un million de personnes avaient manifesté à Barcelone et à Madrid). Des actions de grève avaient aussi eu lieu en Italie, en Grèce, à Malte, à Chypre et en Belgique. Comme nous le disions à l’époque : ‘‘Le génie des actions de grèves internationales est sorti de sa lampe.’’

    La combativité nécessaire à la victoire est bel et bien présente. Mais toute cette énergie ne peut être que dilapidée si elle n’est pas canalisée au travers d’un plan d’action combatif, avec un échéancier clair capable de peu à peu (re)mobiliser tous ceux qui veulent se battre mais se rendent bien compte que nombre de responsables syndicaux ne sont eux-mêmes pas convaincus qu’il est possible d’inverser la tendance antisociale actuelle. Laisser cette situation perdurer équivaut à ouvrir grand la voie à la droite la plus réactionnaire et à l’extrême-droite. Avec les conséquences que cela implique.

  • Discours à la Nation : le langage du pouvoir

    Interview de David Murgia

    David Murgia est un artiste engagé actif notamment en tant qu’acteur metteur en scène. Il a joué dans des films tels que Rundskop (‘‘Tête de Boeuf’’, film consacré à la mafia des hormones). Après avoir vu son ‘Discours à la Nation’ au Théâtre National, nous avons discuté avec lui.

    Par Cécile (Bruxelles)

    David Murgia, vous avez interprété le mois passé au Théâtre National un texte d’Ascanio Celestini, “Discours à la nation”. Dans cette pièce, vous vous mettez dans la peau des dirigeants politiques et vous adoptez leurs discours avec beaucoup d’humour et de poésie. Celestini, originaire d’Italie, s’est beaucoup inspiré du cirque politique de Berlusconi et de sa clique pour sa création. N’y a-t-il que la droite populiste qui est représentée dans vos discours ?

    Ce qui est mis en représentation, c’est le langage du pouvoir. Qu’ils soient politiciens, patrons, banquiers ou présidents de conseils d’administration, ce sont des gens de la classe dominante, venus s’exprimer honnêtement, avec des paroles sincères, franches et directes.

    Puis s’entrecroisent des récits plus intimes de citoyens ordinaires. L’un, par exemple, dans son appartement, regarde par la fenêtre comme on regarde la télévision. Il voit des images de misère, de guerres barbares, mais il est en sécurité dans son salon. Il n’éprouve rien, il n’est pas sadique mais tout cela n’est pas réel pour lui. Il est inoffensif, c’est un optimiste.

    Le cynisme et la fiction caractérisent-ils ces histoires ?

    Pour interpréter les puissants qui prononcent ces discours, je m’amuse avec une certaine effronterie, une impertinence. Mais cette attitude, je ne l’utilise qu’en envisageant l’idée de nation ou de société avec transparence. Une nation métaphorique, proche de la nation contemporaine, qui est celle où les classes dominantes vivent une toute autre réalité que les classes dominées, un petit pays où ce sont les patrons-puissants et les apprentis-tyrans qui ont le mieux intégré la lutte des classes marxiste. Ce n’est donc pas qu’une fiction. La crise est imagée par la pluie, et dans ce petit pays il pleut continuellement.

    Oscar Wilde disait que le cynisme constitue à voir les choses telles qu’elles sont plutôt que telles qu’elles devraient être.

    Cette pièce rencontre un franc succès parmi les milieux fréquentant le monde du théâtre et les médias traditionnels. Comment l’interpréter vous ?

    Ce qui est dit dans le spectacle ne révèle rien de neuf, on ne fait qu’y redécouvrir certains rapports et certains mécanismes, les engrenages de notre sociale-démocratie. On ne fait que regarder d’un autre point de vue, hors du rythme du quotidien, à travers les métaphores et la poésie.

    Ces histoires me semblent intéressantes en ce qu’elles relèvent d’une représentation du monde qui est celle de contradictions fortes entre classes, entre dominants et dominés. Investir cette interprétation du monde, la rendre publique, et la confronter à d’autres visions du monde (par exemple celle selon laquelle il n’existerait aucune alternative valable au capitalisme), permet une re-définition de la réalité ou, si l’on préfère, une transformation des cadres d’interprétation ayant cours dans notre société. Ceci pourrait éventuellement expliquer l’enthousiasme que rencontre le spectacle.

    Les critiques médiatiques autour du projet ont été très bonnes, même si ce sont parfois les mêmes journaux qui rendent illégitimes d’autres formes de critiques sociales, je pense particulièrement à la manière dont sont relayées certaines grèves.

    Dans un de vos discours, vous interprétez un voleur de pain aux mains blanches. La référence au vol du patronat, ce que l’on appelle en langage marxiste la plus-value, qui est un vol non puni, est très explicite…

    En effet, nombre de concepts marxistes, dramaturgiquement réinterprétés, saupoudrent le spectacle et ouvrent la porte sur notre actualité économique et politique. On peut par exemple reconnaitre la plus-value, la propriété privée, la démocratie bourgeoise, …

    L’Art est très souvent utilisé comme moyen de contestation. Dernièrement, nous avons redécouvert – avec plaisir – la vague anti-Tatcher chez les musiciens pop-rocks du monde anglo-saxon. Qu’en pensez-vous ? Est-ce votre manière d’envisager le théâtre ?

    Je souhaite que le théâtre soit un divertissement combiné à la réflexion. Un théâtre qui puisse “bousculer les cadres ordinaires de la vie”. Bien sûr, il peut être un moyen de contestation, mais je ne veux pas l’envisager comme s’il n’était que ça. S’il n’était que ça, alors ne serait plus du théâtre. il serait simplement une contestation.

    On demande souvent aux créateurs si leur théâtre “est un théâtre politique”. Mais le théâtre et la politique sont deux choses différentes, deux langues différentes. Faire de la politique, ça signifie interagir directement avec la réalité, et le théâtre ne peut pas faire ça. Le théâtre peut raconter des histoires et c’est au spectateur, ensuite, de penser à ce qu’elles peuvent raconter du monde.

    Retour dans le monde réel. Au mois de novembre dernier, les artistes sont descendus dans la rue pour protester contre la politique d’austérité de Fadila Laanan (PS) de couper dans les budgets de la CAPT. Aujourd’hui, où en est ce combat ?

    Le groupe de travail Conseildead, composé de quelques jeunes créateurs rassemblés pour répondre à la crise, a transformé une menace maladroite de la Ministre en un rassemblement du secteur artistique dans son ensemble. Le 29 mai, Conseildead devrait rencontrer Fadila Laanan pour aborder une série de questions liées à la gestion du secteur théâtral, dans un premier temps. Ces questions sont rendues publiques sur www.conseildead.be.

    Alors que tous les coûts augmentent, le budget de la Culture, qui représente à peine 1 % du budget global de la FWB, n’est plus indexé depuis maintenant 12 ans. Le secteur artistique dans son entièreté est inquiet devant l’évolution et les risques de régression de la politique culturelle. Il sait que devant la dictature économique, on ne sauve pas la Culture d’un pays comme on sauve une banque.

    Il paraît que vous êtes traqué par l’ONEM et Actiris, comme beaucoup de vos consorts. Le statut d’artiste est-il réellement reconnu ?

    Il n’existe pas ! Et le peu qu’il est tend à disparaître dans un avenir proche. Certains artistes sont reconnus en tant que demandeurs d’emploi, sous la dite règle du bûcheron, appliquée également aux pêcheurs en mer. Ce manque de reconnaissance et la chasse à laquelle sont livrés les créateurs, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, est une situation proprement exaspérante et insupportable. Nous ne sommes pas encore dans un marécage égal à celui de nos cousins Grecs, Espagnols ou Portugais.. mais nous commençons déjà à en sentir l’odeur nauséabonde.

    Pour finir, vous vous adressez régulièrement aux citoyens. Vous, personnellement, quel message voulez-vous adresser aux spectateurs ? Que voulez-vous faire de la prochaine tournée qui s’annonce pour vous ?

    Permettre au spectacle de se raconter hors des institutions, sur une place publique ou lors d’une fête ouvrière. Le rire est une arme révolutionnaire fondamentale. Pour nous rendre maîtres et possesseurs de notre propre vie, pour tenter d’en écrire une autre qui vaille la peine d’être jouée.


    Discours à la Nation sera au Théâtre National de Bruxelles du 26 novembre au 14 décembre 2013 Réservations au 02/203.53.03. Ecriture et mise en scène : Ascanio Celestini – interprétation David Murgia – Musique : Carmelo Prestigiacomo – (www.ascaniocelestini.it)

  • Économie mondiale : ''Les banques centrales naviguent dans le noir''

    La grave récession de 2008-2009 a fait de l’économie mondiale un véritable laboratoire d’expérimentations. Mais ni l’austérité extrême ni les trillions injectés dans les banques n’ont conduit à une véritable reprise. Les politiciens et les économistes sont désormais de plus en plus préoccupés.

    Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Au centre des préoccupations, la crise européenne. Au début de 2012, l’Italie et l’Espagne étaient proches du défaut souverain (fait pour un gouvernement de ne pas pouvoir payer sa dette), une situation qui, à son tour, aurait pu voir le projet euro entier s’effondrer. Les dirigeants et les institutions européennes, par crainte, ont du prendre des mesures extrêmes.

    La Banque Centrale Européenne (BCE) a promis un ”accès illimité” au capital pour les États et les banques. Depuis lors, la BCE a prêté 360 milliards d’euros aux banques espagnoles et 260 milliards aux banques italiennes. Une grande partie de ces sommes a été utilisée pour racheter leurs obligations d’État respectives. L’écart de taux d’intérêt – ce qui coûte en plus à l’Espagne et à l’Italie pour emprunter par rapport à l’Allemagne – a chuté de 6-7% à 2-3%.

    La générosité de la BCE est compensée par les autres banques centrales. La Réserve Fédérale Américaine (FED) est à sa quatrième phase d’assouplissement quantitatif, ce qui signifie que la FED rachète des parts de la dette publique à raison de 85 milliards de dollars par mois.

    Le nouveau gouvernement de droite du Japon s’est lancé dans une politique monétaire ”quantitative et qualitative”, une double mesure par rapport à celle de la FED. En deux ans, la banque centrale (la Banque du Japon, BOJ) va utiliser l’équivalent d’un quart de son PIB – le Japon est la troisième plus grande économie mondiale – pour acheter des obligations d’État, des actions et des biens immobiliers.

    Les Banques centrales

    Mais désormais, il y a une inquiétude croissante quant à savoir si les interventions des banques centrales sont bel et bien la solution ou au contraire aggraveraient la crise. ”Certaines figures de proue des Banques centrales avouent qu’ils naviguent dans le noir dans le pilotage de leur économie” a rapporté le Financial Times (18 avril) après la dernière réunion du Fonds Monétaire International (FMI).

    Selon Lorenzo Samgh de la direction de la BCE : ”Nous ne comprenons pas entièrement ce qui se passe dans les économies avancées”. Le chef de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a affirmé que personne ne pouvait être sûr que la politique monétaire expansionniste était correcte et s’est interrogé sur le fait qu’elle pouvait ”courir le risque d’attiser les problèmes qui ont conduit à la crise préalablement”.

    L’intervention de la Banque centrale a assoupli la crise immédiate pour les banques et les États les plus vulnérables. Mais ils n’ont pas reboosté l’économie – les investissements dans les pays capitalistes avancés sont toujours au record le plus bas.

    Cependant, la nouvelle politique a initié des conflits plus nets entre les Etats-Nations. La monnaie japonaise, le Yen, a chuté de 25% depuis l’année dernière. Cela a profité à l’industrie d’exportation japonaise au détriment, entre autres, des industries allemande et sud-coréenne.

    Les rapports semi-annuels d’avril du FMI (le Rapport du Stabilité financière global et des Perspectives économiques mondiales) notent que les actions des Banques centrales ont provoqué un ”large rassemblement de marché” mais ont aussi créé de nouveaux risques. Le capital passe maintenant des pays les plus riches vers les pays en développement, créant une instabilité potentielle. Le patron de la FED, Ben Bernanke, a récemment averti que la spéculation des banques pourrait augmenter.

    Le FMI

    Mais ce qui inquiète véritablement le FMI est ce qui se passera quand la politique d’assouplissement se terminera. Il n’y a pas de précédents historiques sur lequel se baser. ”Des améliorations continues nécessiteront un redressement du bilan du secteur financier et un déroulement harmonieux des sur-endettements public et privé. Si nous ne relevons pas ces défis à moyen terme, les risques pourraient réapparaitre. La crise financière mondiale pourrait se transformer en une phase plus chronique marquée par une détérioration des conditions financières et des épisodes récurrents d’instabilité financière”, écrit le FMI. Mais tout a jusqu’ici échoué, la situation tend vers une crise plus chronique.

    La deuxième étape de la politique de crise – les mesures d’austérité extrêmes – ont eu de pires effets immédiats. 19,2 millions de personnes sont actuellement au chômage dans la zone euro, dont six millions en Espagne seulement. En Grèce, le chômage des jeunes s’élève à 59,1%. Le New York Times a rapporté dans un article sur les écoles grecques que les enfants s’évanouissaient de faim et fouillaient les poubelles pour trouver de la nourriture.

    Le premier ministre portugais, Pedro Passos Caolho – un fervent partisan de l’infâme austérité de la Troïka (FMI, UE et BCE) – a promis en 2011 que ces ”deux terribles années” seraient suivies par une reprise. Mais en raison de l’austérité extrême, en 2013, le Portugal ”fait face à une récession plus profonde et plus longue que celle prévue par le gouvernement et les prêteurs internationaux.” (Financial Times).

    Le FMI a estimé en avril que le risque de récession (le fait que l’économie se contracte) dans la zone euro était de 50%. Depuis lors, le président de la BCE, Mario Draghi, a averti que même la France s’était engouffrée plus profondément dans la crise. L’UE a accordé à l’Espagne et à la France deux années supplémentaires pour se conformer à la règle selon laquelle les déficits budgétaires ne doivent pas dépasser 3% du PIB. Selon les nouvelles règles, ces deux pays auraient, aussi non, été condamnés à une amende.

    Dans une grande enquête effectuée par l’agence de notation Fitch auprès des capitalistes et des investisseurs financiers en Europe, une grande majorité pense que le calme qui règne cette année en Europe n’est que passager. ”Fitch met en garde dans un communiqué qu’elle [l’année 2013] peut revoir un été marqué par la crise de l’euro, tout comme ce fut le cas en 2011 et 2012, car il y a une forte contradiction entre le récent rallye boursier et la montée du chômage” (Dagens Industri, quotidien suédois).

    Pas de solution capitaliste

    Aucune institution capitaliste n’a de solutions. Beaucoup avertissent que l’austérité est allée trop loin, mais continuent de souligner la nécessité d’un budget équilibré pour le ”moyen terme”.

    En combien de temps la crise chypriote qui menace de s’étendre montrera que les pays de l’UE ont besoin d’une union bancaire, écrit le FMI dans son rapport ? Et avant que les flux de capitaux illimités de la BCE n’atténuent la crise, les politiciens dirigeants de l’UE comme Angela Merkel et le président de la Commission européenne Barroso déclaraient que l’UE avait besoin d’une politique budgétaire beaucoup plus stricte et synchronisée.

    Mais les intérêts nationaux et les conflits rendent spécialement les dirigeants allemands hésitants. Le risque, à leurs yeux, est que l’Allemagne devienne définitivement le garant des banques à travers l’Europe.

    En parallèle avec les contradictions croissantes au sein des États membres de l’UE, il y a une méfiance grandissante contre l’Europe elle-même. Aujourd’hui, en Espagne, 72% de la population est critique par rapport à l’Europe contre 23% avant la crise. En Allemagne, cette méfiance est passé de 36 à 59%.

    La crise a été utilisée pour pousser en avant les contre-réformes néolibérales dont rêvaient les capitalistes. Des pensions encore pires en Italie, des facilités pour licencier les travailleurs en Espagne, des réductions de salaire de 50% en Grèce et ainsi de suite. De la même façon, les capitalistes augmentent leur pression sur le président français François Hollande. Il a déjà aboli l’impôt sur les gains en capital et a promis de réduire les allocations de chômage, des pensions et des municipalités.

    En même temps, la pression politique par le bas est de plus en plus forte. Dans un sondage d’opinion français, 70% des sondés pensent qu’une ”explosion sociale” est possible dans les prochains mois.

    Le FMI, en avril, a à nouveau abaissé ses prévisions pour la croissance économique mondiale de cette année à 3,3% (3,5% néanmoins en Octobre). Le commerce mondial ne devrait augmenter que de 3,6% cette année après 2,5% l’année dernière.

    L’indice des directeurs d’achats des grandes entreprises européennes et japonaises est encore en dessous de 50, ce qui indique que l’économie ne se développe pas. Mais même dans le cas de la Chine, ce chiffre ne dépasse pas beaucoup les 50.

    La Chine

    L’économie de la Chine – la deuxième plus grande au monde mais dont on estimera qu’elle dépassera les États-Unis d’ici 2020 – est en train de ralentir fortement. Le grand plan de relance de 2009, qui a tenu la croissance grâce à des investissements massifs, frappe désormais de son revers avec force. Les dettes des municipalités et des provinces sont estimées à entre 20 et 40% du PIB du pays. Au cours du premier trimestre de cette années, ces dettes ont augmenté deux fois plus vite que dans la même période en 2012.

    Le FMI et les politiciens occidentaux parlent de la façon dont la consommation en Chine devrait augmenter et l’investissement diminuer. Mais l’abaissement de la part de l’investissement dans le PIB de 50 à 30%, dans une situation ou la croissance économique sera de 6% au lieu des 10% précédents, ”provoquerait une dépression à lui tout seul” conclut le chroniqueur économique du Financial Times, Martin Wolf. La demande s’effondrerait avec un impact considérable sur l’économie mondiale.

    Les gouvernements et les classes capitalistes mettent désormais davantage de pression sur d’autres États. Les États-Unis veulent voir une plus grande demande en Allemagne et en Europe, tandis que les politiciens européens exigent que les déficits des États-Unis et du Japon soient réduits. Le déficit budgétaire du Japon cette année est à près de 10% du PIB, pour la cinquième année consécutive. La dette publique devrait être à 255% du PIB en 2018.

    Le déficit américain est de 5% du PIB et la dette s’élève à 110% de celui-ci. La croissance cette année aux États-Unis devrait être la plus élevée dans les pays capitalistes développées, soit 1,2%. Mais les prévisions sont incertaines puisque les coupes automatiques, la mise sous séquestre, n’auront effet que dans la seconde moitié de l’année.

    Avec l’échec des ”méthodes peu orthodoxes”, de plus en plus de gens se rendent compte qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste. La résistance des travailleurs et des pauvres va augmenter, comme l’ont montré les manifestations de masse au Portugal au début de mars qui étaient les plus importantes depuis la révolution de 1974. La tâche des socialistes est de construire de nouveaux partis des travailleurs avec une réponse socialiste claire face à la crise.

  • Statut unique : Une harmonisation vers le haut !

    Pas de petites actions, mais une stratégie qui vise à vaincre !

    Ces derniers mois, il y a toujours eu quelque part un piquet de grève à renforcer ou une manifestation locale, régionale ou nationale. C’était notre façon de réagir à l’avalanche de casse sociale, contre les fermetures d’entreprises, les restructurations et les licenciements. Au cours des prochaines semaines et prochains mois, nous resterons mobilisés, notamment pour l’harmonisation vers le haut des statuts ouvrier et employé.

    Tract du PSL / Tract en version PDF

    Nous connaissons les enjeux. La Cour constitutionnelle réclame la fin de la discrimination en matière d’indemnités de départ et de jours de carence au plus tard pour le 8 juillet. Pour les employés, le délai de préavis est d’un mois par année de service (avec un minimum de trois mois) alors que pour les ouvriers, il s’agit seulement d’entre 28 et 129 jours, en fonction des années de service. Pour les ouvriers, le premier jour de maladie n’est pas payé et ensuite une partie seulement est prise en charge par l’employeur, le reste étant pour la sécurité sociale. Chez les employés, le premier jour de maladie est intégralement payé par l’employeur. D’importantes différences existent encore concernant les congés payés, le paiement et la période d’essai. Globalement, le statut d’employé est plus favorable que celui d’ouvrier.

    Pour n’importe qui, mettre un terme à la discrimination signifie de la supprimer. Pas pour nos patrons. Ce sont eux qui ont instauré cette discrimination pour diviser les travailleurs. Ils auraient préféré que les choses restent ainsi. Mais ces dernières années, les ouvriers qui se sont rendus au tribunal pour exiger la même indemnité que leurs collègues employés ont remporté leur procédure, comme Georges D. contre la marque de vêtements Bellerose. Afin d’éviter à l’avenir que tous les ouvriers soient traités comme des employés, les patrons sont soudainement prêts à discuter. Mais dans leur logique, on ne peut faire disparaître une discrimination qu’en l’appliquant à tout le monde, sauf à eux-mêmes.

    Dans un contexte où il y a plus de 26 millions de chômeurs sur le continent, un contexte de fermeture d’entreprises, de restructuration et d’arrêt du recrutement de la part des autorités, ce débat sur le statut unique en est vite réduit à un débat sur le licenciement. On ne parle plus de l’injustice subie par les ouvriers des décennies durant, mais du danger de la généralisation du statut d’employé pour l’emploi. Selon les patrons réunis dans la prétendue ”concertation interprofessionnelle”, cela coûterait des dizaines de milliers d’emplois. Cependant, en Espagne, en Italie, en France et aux Pays-Bas, l’assouplissement des conditions de licenciement n’a pas entraîné de maintien de l’emploi, bien au contraire.

    Il n’y a aucune raison justifiant que les syndicats revendiquent moins que la généralisation du statut des employés. En effet, selon le tribunal, l’absence d’accord signifie l’extension du meilleur statut à tous. Les patrons ont toutefois un allié de taille : le gouvernement. Celui-ci imposera, si nécessaire, son propre ”compromis” en allant à la rescousse du patronat avec une proposition se situant quelque part entre les deux statuts existants, mais surtout proche de celui des ouvriers.

    Face au front des patrons et des politiciens, le front syndical est malheureusement divisé. Le président de la CSC Marc Leemans appelle à "un équilibre global: pour le travailleur et l’employeur. Nous ne voulons pas créer de handicap concurrentiel." Chez les travailleurs de la FGTB, certaines centrales, avec à leur tête Herwig Jorissen de la centrale flamande des métallos, refusent de participer aux actions du 25 avril. Selon Jorissen "chacun doit réaliser que dans le domaine social, comme en politique, le résultat des négociations est un compromis et donc une question de concessions et d’avancées." En bref, tant Leemans que Jorissen se trouvent à la remorque de l’argumentaire patronal.

    Comment est-ce possible? Sans mots d’ordre clairs axés sur une stratégie visant à gagner, chacun cherche sa façon de faire, avec le résultat que les syndicats et le mouvement ouvrier lui-même sont divisés et affaiblis. Nous pouvons encore faire grève et manifester des centaines de fois, mais si cela n’est pas couplé à une stratégie visant à faire plier le gouvernement et le patronat, cela dégénère en folklore. Pourquoi Leemans et Jorissen peuvent continuer à adopter une telle attitude ? Parce qu’aucune perspective n’est offerte pour vaincre ! Afin d’éviter la division et d’assurer que ce débat sur le statut unique soit saisi pour construire à partir des acquis sociaux des employés, un plan d’action fort, unitaire et discuté à la base est nécessaire.


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    La classe des travailleurs ne peut compter que sur sa propre force pour parvenir à un changement. Nous devons nous organiser. Le PSL est pour l’implication politique de la base et est actif sur les lieux de travail, dans les quartiers, aux universités, dans les écoles… Voulez-vous vous aussi jouer un rôle actif dans ce cadre? Rejoignez le PSL et contactez-nous pour une discussion avec un militant. E-mail: info@socialisme.be ou 02/345 61 81.


    Pour un relais politique de la lutte des travailleurs !

    Meeting à Charleroi pour une aternative à la gauche du PS et d’Ecolo – Samedi 27 avril. 13H30, à la Géode, à Charleroi

    Il y a un an, le 1er mai, la FGTB de Charleroi Sud-Hainaut avait dénoncé les politiques d’austérité et constaté que le PS et Ecolo n’étaient plus des relais politiques pour les revendications des travailleurs. Dans son discours, le secrétaire régional interprofessionnel Daniel Piron avait appelé à un rassemblement politique à la gauche de ces partis afin de redonner espoir et dignité aux travailleurs. Quelques semaines plus tard, le secrétaire général de la CNE (la centrale chrétienne des employés) avait de façon similaire. Un certain nombre de dirigeants syndicaux ont fait de même.

    Le 27 avril se déroulera un meeting à Charleroi avec le soutien de la FGTB de Charleroi Sud-Hainaut, la CNE et presque toutes les forces à la gauche des partis établis pour discuter d’un relais politique pour la classe des travailleurs. Voici le programme de la journée, l’intégralité de l’appel peut être consulté à cette adresse.

    Programme du 27 avril

    13h30: Accueil

    14h: Introduction par Daniel Piron, Secrétaire Régional de la FGTB de Charleroi Sud-Hainaut et Isabelle Vanschoor, Secrétaire principale CNE-Hainaut.

    Rappel des motivations de l’appel du 1er Mai 2012 de la FGTB à construire une alternative à gauche du PS et d’Ecolo. Travaux en cours.

    En quoi la CNE se retrouve-t-elle dans l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB ?

    14H30 : Témoignages d’un délégué du Non marchand, d’un TSE, d’un délégué de l’industrie, d’un délégué des Services Publics.

    15H00 : Répartition des participant(e)s en groupe de travail avec un rapporteur et un animateur (du banc syndical).

    – Quels sont les terrains que les partis traditionnels, dits de Gauche, ont déserté et qu’il faudrait réinvestir ?

    – Quelles suites donner à cette première, journée de rencontre et de réflexion à moyen terme ?

    16H00 : Pause café et lunch. Durant cette pause, les rapporteurs des groupes de travail se réuniront avec D. Piron et I. Vanschoor pour préparer une synthèse.

    17H00 : Présentation de la synthèse générale en plénière.

    17H30 : Conclusions et contact avec la Presse.

    Samedi 27 avril de 13h30 à 17h30 à la Géode, rue de l’Ancre – 6000 CHARLEROI (en voiture : sortie ‘expo’ sur le ring de Charleroi, en train, descendre à ‘Charleroi-Sud’)

  • Résistance internationale contre l'Europe des banques et des multinationales !

    Pour une riposte anticapitaliste et socialiste contre l’austérité !

    La population chypriote est la plus récente victime de la crise brutale du projet capitaliste européen. La crise de l’Union Européenne est loin d’être terminée, contrairement à ce que certains avaient prétendu. Toute la zone euro est en récession économique. Pas moins de 120 millions d’Européens sont menacés de pauvreté. Un million de personnes sont venues rejoindre les rangs des chômeurs au cours de l’an dernier uniquement, portant le chiffre officiel à plus de 26 millions de travailleurs sans-emploi. Mais il y en a encore des millions d’autres dans les faits. Tout indique qu’un nouveau dramatique épisode de la crise est en cours.

    Par Bart Vandersteene

    Ce n’est nullement un hasard si les pays d’Europe du Sud sont les plus fortes victimes de cette crise. Le projet néolibéral européen a accru la concurrence entre les divers États-membres. Afin d’attirer les investissements, les pays d’Europe du Sud ont réduit l’impôt sur les sociétés et créé des paradis fiscaux. Les banques chypriotes étaient de véritables casinos, notamment pour les milliardaires russes. Le secteur bancaire chypriote a récemment été estimé représenter une valeur annuelle égale à huit fois le produit intérieur brut du pays, soit huit fois la totalité des richesses produites en un an ! La faillite d’une de ces banques peut infecter l’ensemble du secteur financier de l’Union Européenne.

    La logique de la politique dominante est un refrain désormais bien connu : c’est aux travailleurs chypriotes de saigner alors qu’ils ne sont pas responsables de la crise, à eux de supporter les pertes du casino de la spéculation. Mais sous la pression formidable du mécontentement et de l’opposition populaires, la mesure qui prévoyait de s’en prendre aux livrets d’épargne a été balayée. Les solutions de rechange du gouvernement chypriote reviennent toutefois aux mêmes conséquences à grands coups de privatisations, de vente des réserves de gaz, des taxes supplémentaires,…

    La situation sociale est très tendue dans tout le sud du continent. L’establishment politique a vu son autorité compromise par l’application de la politique d’austérité. Le 2 mars, 1,5 million de Portugais ont manifesté. En Italie, les partis établis ont reçu une claque monumentale de la part du comédien Beppe Grillo, qui a reçu un quart des voix à partir de rien. Ce n’est qu’une question de temps avant que de nouveaux dominos économiques ou politiques ne tombent dans la région.

    Les travailleurs et leurs familles à Chypre, en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande, en Italie,… n’ont qu’une seule option pour protéger leur niveau de vie des attaques vicieuses des autorités européennes et nationales: la lutte pour la nationalisation du secteur financier sous contrôle et gestion publics démocratiques. Tous les fonds spéculatifs et les profits monumentaux du passé doivent revenir à la collectivité. Aujourd’hui, ce sont les dettes de jeu des requins de la finance qui reviennent à la population, mais ce ne sont pas nos dettes. Le non-paiement des dettes publiques et la mise sous statut public du secteur financier et des autres secteurs-clés de l’économie peuvent poser les bases d’un programme d’investissements publics pour répondre aux besoins sociaux actuellement en souffrance tout en créant une masse d’emplois socialement utiles.

    Chaque dégradation du niveau de vie au sud de l’Europe sera utilisée comme argument pour s’en prendre à notre épargne, à nos salaires et à nos acquis sociaux. De la même manière, chaque victoire de nos camarades du sud renforcera la lutte chez nous. Nous sommes solidaires des luttes de la classe des travailleurs, de la jeunesse, des chômeurs et des pensionnés qui, dans toute l’Europe, s’opposent à l’offensive antisociale qui assombrit notre avenir !

  • La crise européenne est loin d’être terminée

    Il nous faut une grève générale à l’échelle européenne !

    Le délai supplémentaire accordé à la Grèce pour rembourser sa dette a temporairement retardé un défaut de paiement. En décembre, François Hollande déclarait à Oslo : “la crise de la zone euro est derrière nous”. Mais, à chaque fois, l’euphorie n’est que momentanée, l’establishment est systématiquement rattrapé par la réalité de cette crise profonde pour laquelle il n’a aucune solution.

    Par Boris Malarme, article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste

    Chypre sous perfusion

    Après la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, c’est au tour de Chypre (avec son secteur financier fortement exposé à la dette grecque) d’être également mis sous perfusion et tutelle de la troïka (le FMI, la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne). Le parti Communiste (AKEL, qui était le premier parti politique depuis 2001) a été sanctionné pour sa politique d’austérité aux élections de février (26,9%) au profit de la droite (45,5%). Mais le candidat conservateur Nicos Anastasiades a fait part de sa volonté d’accélérer le rythme de l’austérité. Cependant, même une victoire surprise de l’AKEL au second tour sur base d’un soutien au ‘‘moindre mal’’ ne changerait pas fondamentalement la donne pour les travailleurs chypriotes [depuis lors, le second tour a eu lieu et les conservateur l’ont emporté, NDLR]. Tous les partis acceptent le chantage de la Troïka et les attaques contre les salaires et les pensions, les privatisations et les hausses d’impôts. Le plan de sauvetage d’au moins 17 milliards d’euros ne représente que 0,2% du PIB de l’Europe, mais cela équivaut au PIB de l’île chypriote !

    L’Europe craint l’instabilité en Italie

    A côté de cela, l’Italie (troisième économie de la zone euro) est un autre morceau sur lequel l’establishment peut se casser les dents. Cette crainte a été illustrée par les propos du président du Parlement européen, Martin Schulz, qui mettait en garde contre un retour de Berlusconi aux affaires. Ce dernier a connu une remontée dans les sondages qui l’a placé directement derrière Bersani, le candidat du Parti Démocrate (au moment d’écrire cet article, les résultats des élections n’étaient pas encore connus). Pour l’establishment européen, Berlusconi est un franc-tireur incontrôlable qui pourrait à nouveau saboter la confiance retrouvée des marchés suite à l’action du gouvernement non-élu de Mario Monti.

    De plus, le mouvement “5 étoiles” de l’humoriste Beppe Grillo serait destiné à devenir la troisième force politique du pays, brouillant ainsi les cartes. Sa campagne populiste autour du slogan “renvoyez les tous [les politiciens] à la maison” a largement recueilli le suffrage du mécontentement, faute d’une alternative sérieuse et crédible issue du mouvement des travailleurs. La campagne de la liste “Révolution citoyenne”, une alliance formée autour du PRC (Partito della Rifondazione Comunista) avec des éléments fortement à sa droite, est embourbée dans le discrédit et l’électoralisme. Ce n’est qu’une mauvaise copie de la campagne du Front de Gauche en France. Beppe Grillo, qui déclare que son mouvement n’est “ni de gauche ni de droite”, défend des propositions radicales lors de véritables one-man-show qui remplissent les places italiennes : nationalisation des banques, revenu minimum de 1000€, semaine de travail de 20h,… Mais d’autres mesures proposées sont à l’opposé : augmentation du nombre de privatisations, suppression des syndicats,…

    La classe capitaliste, avec le soutien de l’Eglise et des élites européennes, voulait disposer d’un gouvernement stable pour appliquer son programme, autour d’une coalition du PD de Bersani et de la liste de Monti. Cet essai est voué à l’échec car ces forces sont considérées comme les responsables de la politique de casse sociale. La remontée du spread italien (c.-à-d. l’écart de taux d’intérêt entre l’Allemagne et l’Italie pour emprunter sur les marchés financiers) illustre la crainte des marchés d’un possible blocage institutionnel. Mais quels que puissent être les résultats, le gouvernement sera ‘au mieux’ une équipe Bersani-Monti très faible qui devra alors affronter le mouvement des travailleurs.

    Vers des explosions sociales

    Toutes les contradictions s’accentuent. La spéculation atteint des sommets et produit de nouvelles bulles. Les plans d’austérité gonflent les dettes publiques et plongent le continent dans la récession. Les annonces de fermetures d’usines et de plans de restructuration massifs s’enchaînent. Il y a désormais 19 millions de sans-emploi dans la zone euro, soit 2 millions de plus qu’il y a un an. Le taux de chômage atteint 11,8%. La crise économique, sociale et politique s’amplifie.

    C’est dans ce contexte que le Ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, a récemment donné des instructions aux services de renseignement de la police pour suivre “au plus près” les conflits sociaux afin d’anticiper une “radicalisation”. Dans la presse, il s’est inquiété du fait que l’on assiste aujourd’hui “moins à des mouvements sociaux, qu’à des implosions ou explosions sociales”, le lendemain de la brutale répression des travailleurs d’ArcelorMittal à Strasbourg, tout en assurant que la police ‘‘ferait son travail’’. Manuel Valls exprime simplement par là sa bonne compréhension du caractère de la période dans laquelle nous nous trouvons, et clarifie le camp qu’il a choisi. En Grèce, rien que cette année, le gouvernement a déjà recouru par deux fois à la loi martiale pour réprimer des grèves de travailleurs.

    Le récent mouvement de masse qui a ébranlé la Bulgarie illustre le climat semi-insurrectionnel qui se développe dans l’opposition à l’austérité appliquée à l’échelle du continent. Après 10 jours de manifestations massives dans 35 villes du pays, le gouvernement de Boiko Borisov est tombé. Les factures d’énergie avaient plus que doublé en 2012 pour atteindre parfois les 100€ dans un pays où le salaire moyen est de 350€, le salaire minimum de 150€ et la pension moyenne de 75€ ! L’étroite collusion existant entre le gouvernement et les trois entreprises qui détiennent le marché de l’énergie a été dénoncé. Dans un contexte de succession de mesures d’austérité, l’augmentation des prix de l’énergie a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Les promesses de diminutions des factures (de 8%) et le retrait de la licence de la compagnie tchèque CEZ d’une part, et la répression brutale d’autre part, ont soufflé sur les braises du mouvement qui a su faire chuter le gouvernement.

    Le Sud de l’Europe, maillon faible

    Les pays du Sud de l’Europe sont les plus exposés. Le chômage atteint les 26% en Grèce et en Espagne et respectivement 60% et 56,5% pour les jeunes de moins de 25 ans. Ce sont des niveaux dignes de la grande dépression des années ‘30. 2013 sera la sixième année de récession en Grèce, la troisième au Portugal et la cinquième en Espagne. La Grèce vient de connaitre sa 20e grève générale. De nouvelles manifestations sont encore prévues le 2 mars au Portugal.

    En Espagne, le gouvernement de droite de Rajoy est affaiblit par les scandales de corruption et est retombé à 23,9% dans les sondages, devançant à peine le PSOE (23,5%). Pendant 20 ans, des enveloppes d’argent provenant d’entreprises privées ont été distribuées au sein du PP. Rajoy lui-même aurait touché 25.200€ par an de cette manière. Cela illustre les liens étroits qui existent entres les politiciens et les patrons sous le capitalisme. Le 23 février, des centaines de milliers d’Espagnols ont manifesté contre “le coup d’Etat financier”, le jour anniversaire de la tentative de coup d’Etat de 1981. Les protestations contre l’austérité s’amplifient. Des manifestations de masse contre les expulsions des maisons (350.000 depuis 4 ans) et de la part des travailleurs du service public national de santé contre sa privatisation avaient encore pris place une semaine plus tôt. Le mécontentement et la volonté de lutter sont présents à la base de la société, mais les directions syndicales sont incapables de riposter à hauteur de ce qu’exige la situation.

    Vers une grève générale européenne ?

    Après le succès de la plus grande journée d’action coordonnée en Europe contre l’austérité, le 14 novembre dernier, les syndicats devraient élaborer un véritable plan d’action allant crescendo. Une grève générale coordonnée des pays du Sud de l’Europe et d’autres pays (comme la Belgique, la France, l’Angleterre, etc.) avec des manifestations de masse partout en Europe à l’occasion du sommet européen de la mi-mars constituerait une bonne prochaine étape pour transformer la colère en un rapport de force favorable aux masses. Cette journée de grève générale devrait être bien préparée et élaborée sur chaque lieu de travail.

    Quelle alternative politique ?

    Une autre faiblesse provient de l’absence de forces de gauche ou de leur timidité programmatique. Le drame que vivent les masses face à l’actuelle véritable guerre de classe exige des solutions radicales. Aucune demi-mesure n’est apte à réponde aux enjeux de la situation présente. Le non-paiement des dettes, la nationalisation sous contrôle des travailleurs du secteur financier et des autres secteurs vitaux de l’économie, de même que des entreprises qui ferment ou procèdent à des licenciements collectifs, permettraient de réaliser un plan massif d’investissements publics pour sauver les emplois, en créer d’autres et rompre avec cette Europe du Capital pour la remplacer par une confédération socialiste européenne sur base volontaire.

  • Portugal. Nouvelle explosion sociale contre l’austérité et le gouvernement : Que la Troïka dégage !

    Ce 2 mars, environ 1,5 million de personnes ont manifesté dans les rues du Portugal. Même les medias ont dû parler de la mobilisation probablement la plus importante de l’histoire du pays. Ainsi, 800.000 personnes ont protesté à Lisbonne, 400.000 à Porto, et des dizaines de milliers d’autres encore dans plus d’une trentaine de villes portugaises, sous le slogan “Que la Troïka dégage, le peuple est le meilleur dirigeant”. Ces manifestations ont donné une claire illustration de la colère bouillonnante qui fermente dans la société portugaise en conséquence de la spirale mortelle que constitue la politique d’austérité brutale des marionnettes de la Troïka, le gouvernement de centre-droit dirigé par Passos Coelho (PSD, parti conservateur).

    socialistworld.net

    Un puissant message a été envoyé à la troïka – l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – alors que ses représentants visitaient Lisbonne pour la septième fois afin d’y superviser les brutales coupes budgétaires imposées au pays. Devant le ministère des finances, des centaines de milliers de personnes ont protesté contre la troïka tout en exigeant également la chute du gouvernement. Un manifestant cité par Euronews.com a déclaré : "Je veux juste dire à Passos Coelho que j’ai le droit de crier et de montrer à tous à quel point je suis révolté contre son incompétence, sa médiocrité et sa malhonnêteté – contre tout.’’ Un autre a ajouté : ‘‘Si le gouvernement prête attention à ce qui se passe et comprend que les gens sont contre eux, ils doivent partir. Sinon, cela ne s’arrêtera pas."

    Le quotidien Publico a cité un manifestant à propos de Passos Coelho (le nom du premier ministre, mais aussi le terme portugais pour ‘‘lapin’’): ‘‘Je préfère avoir du cheval dans mes hamburgers que des lapins [Coelhos] au gouvernement."

    Ces manifestations, qui ont réuni travailleurs, pauvres et soldats dans chaque ville du pays, ont démontré que les Portugais sont prêts au combat et déterminés à pousser ce gouvernement et ses politiques hors de la scène de l’histoire.

    Traduire la colère en stratégie vers la victoire

    La tâche qui fait actuellement face au mouvement, afin de conduire cette massive volonté populaire pour un changement vers la victoire, est de se construire à l’aide d’une stratégie conséquente et combative pour faire tomber la coalition au pouvoir, armée des idées nécessaires et du programme nécessaire pour faire sortir les masses de la misère de la crise capitaliste.

    Une grève générale de 24 heures est nécessaire en tant qu’étape immédiate de la lutte pour faire chuter ce gouvernement.

    En septembre dernier, la même plate-forme avait réuni des centaines de milliers de personnes dans les rues. Le gouvernement avait été plongé dans le désarroi et avait même été forcé de revenir sur plusieurs importantes mesures d’austérité qui avaient été annoncées. Cet élan n’a toutefois malheureusement pas été saisi pour mettre en avant un calendrier d’action allant crescendo pour pousser le gouvernement vers la sortie. Cette erreur ne doit pas être répétée.

    Armenio Carlos, le secrétaire général de la CGTP (la principale fédération syndicale) a déclaré dans son discours du 2 mars : "Aujourd’hui, il est clair que ce gouvernement n’a aucune légitimité politique, n’a aucune légitimité morale, n’a aucune légitimité éthique pour continuer à gouverner, parce que toute visite, par n’importe quel ministre, est suivie par des protestations et la revendication de la démission du gouvernement. Le gouvernement est devenu le problème qui empêche la solution’’ (Euronews.com). Cependant, Carlos ne donne actuellement aucune direction à la lutte.

    L’organisation de ceux qui ont fait l’histoire ce 2 mars 2013 au sein de comités d’action démocratiques sur les lieux de travail dans les communautés, une campagne immédiate pour forcer les dirigeants de la CGTP (la principale fédération syndicale) à organiser une grève générale visant à renverser le gouvernement, l’occupation de bâtiments stratégiques et des principaux lieux de travail, etc., ne sont plus des rêves utopiques, mais des tâches urgentes. Compte tenu de l’esprit révolutionnaire et de la force du mouvement qui se sont exprimés le 2 mars, les militants n’ont pas seulement à faire pression sur les dirigeants syndicaux pour qu’ils lancent un tel appel, il faut aussi assurer que le mouvement soit construit de la base.

    Si le gouvernement Coelho tombe, quelle alternative ?

    Parallèlement à cela, les partis de gauche de masse (le Bloc de Gauche et le Parti communiste, qui se partagent déjà près de 30% dans les sondages d’opinion) ont été placés devant une responsabilité historique pour canaliser le mouvement avec un programme politique destiné à mettre un terme à la misère et à l’austérité du capitalisme. Ce qu’il faut est un programme qui refuse de payer la dette, qui refuse l’austérité, basé sur la nationalisation des banques et des principaux secteurs de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs. Un tel gouvernement pourrait immédiatement inspirer un nouveau développement des luttes en Grèce, en Espagne, en Italie et à travers toute l’Europe et pourrait par exemple réunir les travailleurs grecs, espagnols et italiens dans une lutte commune contre la dictature des marchés et de la Troïka.

    Cela nécessite la création urgente d’un front unique des partis de gauche, des syndicats et des mouvements sociaux autour d’un programme orienté vers l’instauration d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres afin de refuser de payer la dette et d’appliquer des politiques socialistes.

    Les manifestations baignaient littéralement dans l’héritage de la révolution portugaise d’avril 1974, la ‘‘Révolution des Œillets’’, notamment autour du chant "Grandola Vila Morena", l’hymne de cette révolution. Cet air n’a cessé d’être chanté ces dernières semaines et a clôturé de nombreuses manifestations, dans des scènes émouvantes qui reflétaient la manière dont, 38 ans après, la crise capitaliste a ramené la révolution au premier plan de l’agenda. La seule façon de se saisir de cet héritage est de mener à bien la révolution socialiste aujourd’hui.

  • 1933 : Hitler s’empare du pouvoir – 80 ans après : qu’est-ce que le fascisme et comment le vaincre ?

    Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler fut nommé nouveau chancelier d’Allemagne. Ce fut le début d’une sombre période, celle du terrible règne du fascisme. Evoquer simplement aujourd’hui le “populisme” des années ‘30, c’est sous-estimer ce que le terme ‘‘fascisme’’ signifiait véritablement pour la majorité de la population. 80 ans après l’accession au pouvoir d’Hitler, il reste crucial de bien comprendre comment cette situation a pu se produire et ce que le fascisme implique.

    Par Geert Cool

    Qu’est-ce que c’est le fascisme?

    Le fascisme, c’est bien plus qu’un leader charismatique et manipulateur. La base sociale du fascisme est importante, mais elle n’a pu être organisée que grâce au soutien de la bourgeoisie. Sans ce soutien des grands industriels, Hitler n’aurait jamais été capable d’organiser ce mouvement qui s’est développé au début des années 30. Toutefois, même dans ces conditions, les nazis n’auraient jamais pu conquérir le pouvoir si le mouvement ouvrier avait utilisé les tactiques correctes.

    Le fascisme mobilise surtout les couches de la petite bourgeoisie: les petits commerçants, les professions libérales, etc., pour les utiliser contre le mouvement ouvrier. Les classes fondamentales de la société capitaliste sont la bourgeoisie (les détenteurs des moyens de production) et la classe ouvrière (qui fait vivre ces moyens de production). Si la petite bourgeoisie (ou la classe moyenne) regarde la bourgeoisie avec envie, ses couches inférieures ont des conditions de vie parfois pires que celles de beaucoup de travailleurs. Cette couche de la population est fortement touchée par la crise économique, ce qui conduit à sa radicalisation. Mais la petite bourgeoisie n’a pas de projet social propre, un projet où elle pourrait prendre une position économique centrale. Afin d’avancer, la petite bourgeoisie n’a d’autre choix que de se tourner soit vers la bourgeoisie, soit vers la classe ouvrière.

    Si le mouvement ouvrier cesse d’avancer et ne démontre pas clairement, avec audace, qu’il est capable de l’emporter, il ne peut convaincre la petite bourgeoisie de se rallier à lui. De larges pans des classes moyennes, de même que des éléments de la classe ouvrière, peuvent alors être tentés par une certaine forme de “radicalité” de certains éléments de la bourgeoise. Convaincre la petite bourgeoise nécessite de la part du mouvement ouvrier de prouver qu’il dispose d’une alternative viable en laquelle il a résolument confiance. Le doute et la confusion conduisent à la défaite. Pour éviter cela, l’élément fondamental est le programme politique, c’est-à-dire non seulement la vision que l’on a sur la société et les revendications qui l’accompagnent, mais aussi la manière dont ces revendications sont utilisées.

    Le fascisme mobilise la petite bourgeoisie et sur les couches qui se sont déconnectées du mouvement ouvrier (chômeurs et éléments marginalisées dans la société) afin de les placer sous les ordres de la bourgeoisie pour complètement liquider le mouvement ouvrier. En brisant la force collective de ce dernier, la bourgeoisie peut alors régner sans concession. Atomiser le mouvement ouvrier organisé n’est cependant pas chose aisée, cela ne peut se produire qu’à la suite de défaites cruciales (la non-utilisation des possibilités révolutionnaires en Allemagne entre 1918 et 24 ou en Italie en 1919-1920). Faute de concrétisation de l’espoir révolutionnaire, la voie est ouverte au désespoir contre-révolutionnaire.

    Dans le but de mobiliser les classes moyennes, le fascisme fait appel à un amalgame d’idées dont l’imposture à déjà été démontrée par l’histoire. L’instrumentalisation d’éléments mystiques et de discours sur la grandeur d’un peuple ont pour objectif de tromper la petite bourgeoisie et de la pousser à lutter contre le mouvement ouvrier. Le nationalisme de même que le racisme et l’éthique conservatrice moralisatrice, sont favorablement accueillis dans ces milieux. Mais quand les nazis ont remarqué qu’une certaine rhétorique de gauche avait son utilité, ils n’ont pas hésité à se référer au socialisme. Mais la base de leur projet restait le ‘‘solidarisme’’, qui nie la contradiction entre le travail et le capital alors que le travail est soumis à celui-ci. Pour l’idéologue nazi Gregor Strasser, le point de départ du nazisme est ‘‘l’esprit et le contenu des guildes et des corporations du Moyen-Age.’’

    Le nationalisme et le racisme servent à dépasser le clivage entre une rhétorique anticapitaliste et la défense pratique des intérêts capitalistes. Le nationalisme est ainsi présenté comme une question de foi, quelque chose de sacré. Le nazisme a joué sur la désillusion de larges couches de la société vivant dans de pires conditions qu’auparavant et a exalté les volontés revanchardes fortement présentes parmi les vétérans de la première guerre mondiale.

    Les nazis arrivent au pouvoir

    L’Allemagne est sortie détruite de la première guerre mondiale. En 1918, un mouvement révolutionnaire pris naissance, avec la création de comités ouvriers. Le régime du Kaiser s’est effondré, et le mouvement ouvrier a pu prendre le pouvoir dans de nombreuses villes. Mais ce mouvement révolutionnaire (partie intégrante de la vague révolutionnaire internationale consécutive à la Révolution d’Octobre 1917 en Russie) n’est pas parvenu jusqu’à ses conclusions logiques. Les dirigeants du parti social-démocrate (le SPD) ont trahi le mouvement, tout en restant malgré cela le plus grand parti ouvrier du pays. Le jeune parti communiste allemand (le KPD) était encore trop petit et manquait d’expérience. Les dirigeants du SPD sont parvenus au pouvoir grâce au mouvement révolutionnaire, mais ont tout fait pour sauver le capitalisme. Le SPD a lutté contre la révolution.

    La possibilité d’une rupture révolutionnaire anticapitaliste ne fut pas utilisée. Quand, en 1923, le KPD se trouva face à la possibilité de renverser le capitalisme par un mouvement révolutionnaire, il laissa échapper le moment. Sous l’impulsion de Brandler, le dirigeant du parti, le prétexte de la menace fasciste (bien qu’inexistante à l’époque), fut utilisé pour empêcher la perspective d’une révolution.

    A la brève période de relative stabilité économique du milieu des années 1920 succéda brusquement la crise économique de 1929. Cette crise internationale eut de profondes conséquences en Allemagne. Le nombre de chômeurs passa de 1,39 millions en 1928 à 5,5 millions en 1932. Au pouvoir, le SPD ne fut capable d’offrir aucune réponse contre la crise. Hélas, le KPD, fortement renforcé entre-temps, s’obstinait ne pas faire de distinction entre la direction du SPD et sa base ouvrière qui considérait encore ce parti comme le leur.

    Le KPD a refusé chaque possibilité de front unique avec la base ouvrière du SPD. Il qualifiait les autres courants du mouvement ouvrier de ‘‘sociaux-fascistes’’, appliquant ainsi à la lettre la doctrine de l’Internationale Communiste stalinisée dite de la ‘‘Troisième Période’’ (après la première période de crise capitaliste (1918-1924) et la deuxième période de stabilité (1924-1928)). L’idée était que le capitalisme allait s’effondrer et que le mouvement ouvrier parviendrait au pouvoir. Le danger du fascisme était sous-estimé par le KPD. Le révolutionnaire Léon Trotsky comparait alors le KPD à un orchestre jouant de la musique de mariage lors d’un enterrement, et vice-versa. En bref : la musique n’était jamais la bonne.

    En 1930, les nazis ont obtenu une victoire éclatante (18,25% des suffrages), et sont passés de 12 à 107 sièges. Le SPD stagnait à 24,53% des voix tandis que le KPD avait progressé jusqu’à 13,13%. La direction du KPD était alors aveuglée par son propre score, sans constater que la dynamique était favorable aux nazis. Le fait que le KPD ait échoué à jouer son rôle de parti de l’espoir révolutionnaire a offert plus d’espace au fascisme en tant que ‘‘mouvement de masse du désespoir contre-révolutionnaire’’.

    Front Unique contre le fascisme

    Alors que grandissait la menace fasciste, il était crucial d’insister sur la nécessité d’un front unique ouvrier. Quand Trotsky en parlait, il n’avait pas en tête la conclusion d’accords entre directions des appareils sociaux-démocrates et communistes imposant un silence sur les divergences d’opinion. Il mettait au contraire le doigt sur l’existence d’une grande force sociale – celle des travailleurs et de leurs familles – politiquement divisée entre la social-démocratie et le parti communiste. L’objectif de la tactique du front unique était d’unifier les travailleurs dans l’action contre la menace fasciste. Comme base de départ, Trotsky prescrivait de ‘‘Marcher séparément, frapper ensemble.’’ Il poursuivait : ‘‘Se mettre d’accord uniquement sur la manière de frapper, sur qui et quand frapper!’’ sans avoir nécessairement pour cela de journaux, d’affiches ou de drapeaux communs.

    Le parti communiste refusa initialement de considérer une telle démarche unitaire. Mais après le choc de la prise du pouvoir par les nazis, il opéra un tournant, en enchaînant à nouveau les erreurs. Alors que le parti, avant 1933, affirmait que la social-démocratie était le ‘‘frère jumeau du fascisme’’, dès 1933 ils cherchèrent à conclurent de grands accords avec la direction de la social-démocratie ainsi qu’avec celle des partis ‘‘progressistes’’ bourgeois (la tactique dite du ‘‘front populaire’’).

    Pour la direction de la social-démocratie, toute l’attention était concentrée sur les institutions politiques bourgeoises. Elle soutenait le ‘‘moindre mal’’ dans l’espoir de stopper les fascistes. Au moment de la radicalisation de couches larges de la population, c’était une illusion. Quand les institutions bourgeoises entrent en crise – accompagnant la crise du système lui-même – de véritables socialistes doivent au contraire mettre en lumière les raisons fondamentales de cette crise.

    Masquer ces raisons en soutenant des partis bourgeois ‘‘démocratiques’’ a miné la crédibilité et la force de frappe de la social-démocratie (ainsi que celles des partis communistes qui faisaient partie des ‘‘Fronts Populaires’’ après 1933). Mais des millions des travailleurs étaient toujours actifs dans les organisations sociale-démocrates, il s’agissait d’une part essentielle de la résistance ouvrière contre le fascisme.

    Le fascisme au pouvoir

    Aux élections du 6 novembre 1932, sociaux-démocrates et communistes obtinrent ensemble encore plus de voix que les nazis, qui durent abandonner quelques sièges. Mais malgré cela, les nazis sont parvenus au pouvoir. Cela ne fut possible qu’à cause des erreurs commises par les directions des organisations ouvrières pour véritablement combattre le danger fasciste. Le refus de constituer un front unique et d’autres erreurs ont laissé l’espace à Hitler et aux siens pour se renforcer et ainsi prendre le pouvoir.

    La tentative du président Von Hindenburg de nommer chancelier le général ‘‘socialiste’’ Schleicher fut brève. Le 30 janvier 1933 Von Hindenburg nomma Hitler à son tour. Les nazis s’emparèrent de 3 des 11 postes de ministres. Le SPD refusa de réagir : la prise de pouvoir des nazis s’effectuant de façon ‘‘constitutionnelle’’. Le KPD était de son côté si absorbé par sa lutte contre le SPD qu’il ne s’est pas rendu compte du danger des nazis.

    Entre fin février et début mars 1933 les nazis progressèrent encore. Le 27 février, ils incendièrent le parlement en accusant les communistes et en se servant de ce prétexte pour abolir les libertés constitutionnelles et la liberté d’expression et d’organisation. Des milliers de responsables du KPD et du SPD furent alors arrêtés. Aux élections du 5 mars 1933, tous les meetings du KPD furent interdits, et leurs presses fermées. Les nazis avaient déjà commencé à appliquer leur régime de terreur. Mais même sous ses conditions, ils n’ont pas été capables d’obtenir une majorité des suffrages, même si leurs 44% dépassaient les 18% du SPD et les 12% du KPD réunis. La direction du KPD prit alors conscience du danger et appela à la grève. Trop tard…

    En Italie, Mussolini eut besoin de plus de temps pour consolider son pouvoir. Hitler atomisa au contraire très vite le mouvement ouvrier. En avril 1933, l’Internationale Communiste stalinisée misait encore sur une révolution ouvrière, alors que le KPD était liquidé. Le 1er mai les ‘‘organisations ouvrières’’ qu’Hitler avait créées manifestèrent lors de la ‘‘journée nationale du travail’’ (et non plus la Fête des travailleurs). Le succès fut utilisé pour liquider le mouvement syndical, arrêter ses dirigeants et les envoyer dans les camps de concentration.

    Les fascistes ont brisé le mouvement ouvrier et sa force d’opposition aux attaques contre les salaires et les conditions de vie. Il leur fallait tuer dans l’œuf toutes les manifestations à venir. Les travailleurs étaient forcés de s’inscrire dans des organisations soumises aux fascistes, et donc au grand capital, et qui servaient seulement à contrôler les travailleurs. Ces organisations n’étaient jamais très populaires. Lors des élections sociales partielles de mars 1933, après la prise de pouvoir par Hitler, le syndicat nazi n’obtint que 3% des voix.

    Après l’arrestation des dirigeants syndicaux et l’interdiction des syndicats existants, le droit de grève fut aboli le 16 mai 1933 et, le 1er octobre, 1934 les structures nazies qui avaient remplacé les syndicats furent également abolies. Le but n’était pas de créer un nouveau syndicat après l’élimination des anciens, mais que la structure ‘‘syndicale’’ nazie serve à éliminer les vrais syndicats.

    Le résultat fut terrible pour le mouvement ouvrier. Dépouillés de leurs organisations, les travailleurs étaient sans protection. Les salaires italiens diminuèrent de 50% entre 1927 et 1932, et continuèrent de baisser par la suite. En Allemagne, entre 1933 et 1935, la baisse était de l’ordre de 25% à 40%. Les chômeurs étaient forcés de travailler pour l’Etat, sans recevoir rien de plus que leurs allocations. Göring annonça dans un speech, le 13 mai 1938 : ‘‘Nous devons travailler deux fois plus dur pour sauver l’Empire de la honte, de l’incurie, de l’ignorance et de la pauvreté. Huit heures par jour ce n’est pas assez. Nous devons travailler plus !’’ La journée de travail fut allongée à 10 heures ou plus. Toute la rhétorique de la ‘‘collaboration de classe’’ fut balayée une fois les organisations ouvrières brisées. Le fascisme dévoilait ainsi son véritable visage : la répression et les camps de concentration en tant qu’armes pour imposer l’agenda patronal.

    Peut-on pertinemment faire une comparaison entre les années 30 et aujourd’hui ?

    Il existe en effet quelques similitudes. En période de crise profonde, les institutions dominantes sont minées, de même que les partis traditionnels. La méfiance et l’instabilité politique se développent. Cette méfiance n’est pas toujours généralisée. Par exemple, l’impact des médias de masse reste intact dans beaucoup de pays. Il y a, comme dans les années 30, une radicalisation de la classe moyenne qui est utilisée par plusieurs formations. C’est ce que fait notamment la NVA de De Wever.

    La croissance de différents populistes ainsi que l’instabilité obligent la bourgeoisie du sud de l’Europe à installer, aujourd’hui encore, des régimes instables de technocrates qui semblent être au-delà des préoccupations du quotidien et des différences de classes. Dans le passé, quand cela n’a plus fonctionné, de larges couches de la bourgeoisie ont fait appel au fascisme. Des parties importantes de l’establishment, comme l’ancien roi belge Leopold III, étaient séduits par cette approche.

    Mais des différences existent également. Aujourd’hui, aucune grande force fasciste ne possède de force mobilisatrice de masse. Même si des néofascistes peuvent obtenir des scores électoraux stables (à l’instar du Vlaams Belang), ils n’ont pas de base de masse active. En Grèce, Aube Dorée essaie de changer cette situation, mais n’y parvient pas de manière stable. La base traditionnelle pour une politique de terreur de rue fasciste est aujourd’hui bien plus faible que dans les années ‘30.

    La différence la plus importante avec les années ‘30 est que le mouvement ouvrier est potentiellement plus fort, même si cette force n’est pas utilisée par sa direction. Le mouvement ouvrier actuel n’en est pas à panser ses plaies, mais montre au contraire le potentiel qui est le sien pour une croissance des luttes. Le fait que des couches des directions syndicales et des anciens partis ouvriers ont accepté la logique du système actuel rend toutefois l’organisation des luttes plus difficile. Mais le potentiel est toujours présent.

    Le mouvement ouvrier peut faire beaucoup, même s’il est ralenti par sa direction. Ainsi, c’est l’impact de la révolution russe en 1917 et son aura internationale qui, entre autres, a mis fin à la Première Guerre Mondiale avec la révolution allemande. Pour utiliser ce potentiel historique, la question d’un programme socialiste et révolutionnaire est primordiale.

  • General Motors / Opel annonce la fin de la production de voitures à Bochum d'ici 2016

    Les fermetures de sites de construction de voitures se poursuivent en Europe. Organisons la lutte pour la défense de Bochum, de Genk, d’Aulnay-sous-Bois, de Southampton et de Dagenham ! Unifions le combat pour la protection de l’emploi et des usines !

    Par Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les dirigeants d’Opel ont joué la carte de la sécurité en postant 50 gardes supplémentaires pour la protection d’un meeting du conseil d’entreprise, tant pour se protéger que pour intimider. Ils se sont aussi assurés que la police soit aux abords de l’usine le 10 décembre 2012, au moment de l’annonce de la fin de l’usine d’automobiles de Bochum, en Allemagne, d’ici 2016.

    En moins d’une minute, le patron d’Opel, Thomas Sedran, a exprimé son intention de faire payer aux 3000 travailleurs et à leurs familles la crise d’Opel et de l’industrie automobile en général (voir notre dossier : Industrie automobile européenne : Une autre crise est en cours…)

    Les vagues promesses d’une future production de composants n’ont pas réussi à dissiper la colère des 2300 travailleurs qui se sont rassemblés dans la centrale de la Ruhr. Des sifflets et des insultes ont interrompu le discours de Sedran, alors qu’il tentait de justifier l’attaque contre les travailleurs en mettant en avant la surproduction de voiture et la baisse de la demande sur le marché européen. Il a ensuite immédiatement quitté l’usine par la porte de derrière. Un délégué syndical d’IG-Metall a été jeté à terre et quasi étranglé par les gardes de sécurité alors qu’il tentait de lui poser des questions.

    La centrale de Bochum a une tradition militante. Une précédente grève avait permis de minimiser les tentatives de la direction pour diviser la main d’œuvre et sous-traiter certaines parties de l’usine en 2000. En 2004, une grève sauvage de 6 jours a été lancée pour protester contre le licenciement de milliers de travailleurs. Pourtant, à présent, Rainer Einenkel, le président du comité d’entreprise d’IG Metall, a appelé à la prudence et a déclaré que les travailleurs ne devaient pas céder à la provocation.

    Malgré cela, le lendemain matin, 200 travailleurs ont cessé de travailler et on manifesté devant les portes de l’usine pour exiger plus d’informations au comité d’entreprise, comme nous l’a communiqué le SAV (section du CIO en Allemagne). Dans l’urgence manifeste de montrer qu’ils ‘‘font quelque chose’’, les membres du comité ont enfin arrêté la ligne de production le vendredi 14 décembre pendant quelques heures afin d’informer les travailleurs.

    Cela fait un moment que l’équipe de management s’est préparée à cette situation, en réduisant notamment la dépendance d’autres sites de General Motors vis-à-vis de celui de Bochum. A cause de la pause de Noël dans la production et de la réduction forcée des heures de travail en janvier, les travailleurs ne se sentent plus aussi forts que durant leurs précédentes batailles. Des années de réductions d’effectifs ont épuisé les travailleurs restants et réduit leur pouvoir économique. De plus, l’échec de la stratégie des dirigeants syndicaux et du comité d’entreprise, qui consistait à accepter sans cesse des concessions, a intensifié le sentiment de démoralisation.

    Cependant, il reste une grande colère qui pourrait provoquer une riposte. Les travailleurs sont conscients que si cette décision est acceptée sans protestation massive, les perspectives de sauvegarde de leurs emplois et de l’usine seront en grand danger. Une stratégie de combat est nécessaire pour organiser et construire le mouvement de grève de Bochum et envoyer des délégations dans d’autres usines pour augmenter la pression sur le syndicat IG Metall afin d’accroitre la lutte.

    Une grève à Bochum, ralliée par des délégations de toutes les autres usines menacées de fermeture en Europe ainsi que par des délégations d’autres usines de General Motos et d’Opel, aurait le potentiel de commencer à mobiliser l’une des plus puissantes sections de la classe ouvrière européenne. Les travailleurs du secteur automobile de tout le continent savent très bien que leur avenir est aussi en péril. Les chaînes de production de Ford à Dagenham et Southampton (Grande-Bretagne) et à Genk (en Belgique) sont menacées de fermeture (voir: Ford Genk. Pas de funérailles mais un plan d’action ! Nationalisation et reconversion du site !). En Italie, les patrons de Fiat parlent sans cesse de la nécessité de faire des coupes dans le budget. Ce qu’il faut, c’est une stratégie de lutte pour sauver l’emploi.

    Chute libre

    Les ‘‘experts’’ allemands de l’automobile critiquent la direction de General Motors, qui aurait dû selon eux fermer l’usine d’Ellesmere Port en Grande-Bretagne à la place de celle de Bochum. Cette stratégie a également été utilisée par des ‘‘experts’’ français suite à la fermeture de l’usine de Ford d’Aulnay-sous-Bois près de Paris. Ils avaient déclaré qu’il aurait mieux valu fermer les usines espagnoles.

    Les différents États-Nations en Europe se concentrent sur la défense de l’économie de leur propre pays en se fichant royalement de ce qui se passe ailleurs. Le seul point sur lequel ils se rejoignent, c’est sur le fait que les travailleurs doivent payer et que l’environnement doit être sacrifié pour assurer les profits des entreprises automobiles. Le Commissaire en charge de l’énergie Guenther Oettinger a déjà confirmé dans une lettre à Volkswagen que les limites d’émission de carbone pour les entreprises automobiles en Europe ne changeront quasiment pas. D’autres conflits entre les divers États-nations n’excluront pas une tendance commune qui intensifierait les dangers du réchauffement climatique pour augmenter les profits.

    Défendons tous les emplois et toutes les usines !

    Malheureusement, ce point de vue nationaliste a aussi été adopté par les dirigeants syndicaux de General Motors, d’Opel et de Vauxhall. Ces entreprises ont fait chanter les travailleurs. Les dirigeants syndicaux de la centrale de General Motors – Vauxhall à Ellesmere Port ont accepté de travailler plus d’heures, pour des salaires moindres et plus de flexibilité, en mai dernier. Cela a été perçu comme le coup de grâce porté aux sites de Bochum et de Rüsselsheim.

    Les travailleurs d’Ellesmere Port se sont peut-être sentis soulagés lorsque les dirigeants syndicaux leur ont annoncé qu’ils avaient fait ça pour sauvegarder les emplois. Mais 5 mois plus tard, General Motors a annoncé qu’il ferait travailler 2000 d’entre-eux 4 jours par semaine seulement. En septembre, les centrales de Vauxhall à Ellesmere Port et Luton ont toutes deux cessé le travail pendant une semaine.

    La stratégie de concession des syndicats pour ‘‘sécuriser’’ l’emploi a totalement échoué. Les travailleurs de Bochum ont donné des millions d’euros pour obtenir des garanties de production jusqu’en 2016, et à présent ils sont de nouveau la cible d’autres attaques, en plus de faire face à la fermeture de leur usine à cette date.

    Il nous faut une stratégie de lutte pour protéger chaque emploi. Avec une réduction de temps de travail sans perte de salaire, des emplois seraient immédiatement sauvés, et payés par les patrons et les propriétaires d’entreprise.

    Chaque usine frappée de licenciement doit être nationalisée sous le contrôle des travailleurs. Vu les relations entre les usines et la crise de l’industrie automobile dans le monde et particulièrement en Europe, l’industrie tout entière doit être nationalisée, et la production réorganisée de telle manière que s’il y a trop de voitures, d’autres marchandises nécessaires pourront être produites.

    Ces forces de travail talentueuses très éduquées doivent être utilisées pour créer de la richesse qui bénéficiera aux 99% et non pas rejoindre les files de millions de chômeurs européens pour maintenir la richesse des 1%.

    C’est dans cette direction que les syndicats doivent mobiliser. Un mouvement de grève issu de la base pourrait faire écho aux exigences de défense des travailleurs et de leurs familles tout en défiant les dirigeants syndicaux en se battant pour des syndicats combatifs et démocratiques.

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