Tag: Italie

  • Dans le collimateur des “marchés”

    Ces dernières semaines la Belgique s’est retrouvée le couteau sous la gorge du fait des marchés. En conséquence, les autorités devront payer plus d’intérêts à long terme qu’en Allemagne pour la dette publique, à un certain moment jusqu’à 1,4% en plus. Pour le quotidien flamand De Tijd, cela coûterait annuellement 230 millions d’euros en plus, soit 21 euros par Belge. Le coût des crédits d’investissement ou des crédits au logement montent aussi en flèche. De plus, le doute s’installe concernant la solvabilité du secteur financier belge. Si les autorités doivent à nouveau venir en aide aux banques, cela risque de totalement miner les finances publiques. La Belgique devient-elle la ‘‘Grèce de la mer du Nord’’ ?

    Par Eric Byl

    Selon tous les économistes, l’économie belge ne peut être comparée à celles des ‘PIGS’ (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne). Le déficit budgétaire reste dans la marge du pacte de stabilité européen: 4,6% du PIB, 0,2% de mieux que l’objectif. La dette publique reste encore très considérable mais, à 97,2%, elle n’est pas plus élevée qu’en 2003. A l’époque, la moyenne de la zone euro était à 69%, contre 84% en 2010. La Belgique a donc rattrapé une bonne partie de son retard. Comment l’expliquer?

    Le travailleur belge est toujours parmi les plus productifs au monde. Il ou elle créée plus de valeur par heure de travail et preste chaque année plus d’heures que ses collègues des pays voisins, y compris d’Allemagne. Les travailleurs belges ont aussi arraché un système de sécurité sociale qui a amoindri les pires effets de la crise, notamment grâce au chômage temporaire. L’économie belge, important sous-traitant l’économie allemande, a ainsi pu s’accrocher à la machine d’exportation allemande quand elle s’est mise en branle. C’est ce qui explique aussi que la fortune financière nette ‘des Belges’ est de quelques 750 milliards d’euros (soit 210% du Produit Intérieur Brut, contre 130% au grand maximum dans les pays voisins).

    Pourquoi alors les spéculateurs étrangers, surtout eux, se débarrassent-ils des obligations d’Etat belges ? Pensent-ils vraiment que le pays va éclater et que la dette publique devra être renégociée ? Plus de 6 mois après les élections, des investisseurs aspirent à un gouvernement qui introduise la casse sociale, comme cela se fait déjà depuis quelques temps dans les pays voisins. Tous nos politiciens sont d’accord là-dessus, y compris du côté de la NVA et de son donneur d’ordres, la fédération patronale flamande Voka. Ils tremblent devant l’idée d’être dominés par la bourgeoisie belge principalement francophone, mais ils ne voient aucun inconvénient à nous livrer aux caprices du capital spéculatif international. Au contraire, avec la régionalisation, ils espèrent faire des travailleurs flamands, wallons et bruxellois des proies encore plus attractives pour ‘les marchés’ internationaux.

    L’exemple de l’Irlande a démontré que la production de richesses n’est pas une garantie de stabilité économique. Dans les sondages, les représentants locaux du néolibéralisme commencent à glisser en faveur de la gauche radicale. Déjà 45% de la population se dit en faveur de ne pas amortir les dettes des banques, 25% n’a pas d’opinion à ce sujet. La population irlandaise réalise bien que “les marchés” sont ces mêmes banques qui, à chaque fois que leurs mises tournent mal, font appel à ‘‘l’autorité’’. Dans notre pays non plus, la production de richesses n’est pas une garantie de stabilité. Dès la création de la Belgique, cette richesse a été écrémée par une poigné d’investisseurs, principalement financiers, d’où la prépondérance du secteur financier dans notre économie. Ce secteur financier a investi partout dans le monde dans des produits très rentables, mais aussi très douteux. Les autorités ont déjà dû injecter 20 milliards d’euros pour sauver les banques et, de plus, ils ont dû garantir les dettes du secteur bancaire à hauteur de 80 milliards d’euros.

    A travers ces filiales en Europe de l’Est, en Irlande et en Angleterre, la KBC s’est engagée sur une voie peu sûre tandis que Dexia serait vulnérable à travers ses partenaires en Espagne et en Italie. Ces deux banques seraient fortement exposées à des produits à risque issus des pays ‘PIGS’. Nous savons déjà ce qui s’est passé avec Fortis.

    Tout comme un fruit pourri infecte le reste du panier, le mauvais crédit détruit le crédit plus fiable. Lorsque ces obligations d’Etat perdent en crédibilité, cela mine encore plus la position des banques. Ageas, l’assureur de l’ancienne Fortis notamment, possède pour 10 milliards d’euros de bons d’Etats belges, Dexia 8 milliards et la KBC 22 milliards. S’il faut les passer en pertes, Dexia et la KBC feront probablement à nouveau appel aux autorités, ce qui minerait à son tour la solvabilité de l’Etat Belge.

  • Luttons contre les assainissements sur tous les front!

    Des syndicats combatifs et démocratiques et un nouveau parti des travaill eurs, voilà ce dont nous avons besoin !

    Le système a tremblé sur ses bases sous le choc de la pire crise du capitalisme depuis la deuxième guerre mondiale. Pendant une brève période, la chute de l’économie mondiale, la ‘‘Grande Récession’’, a supprimé une bonne part des profits des patrons. Des entreprises multinationales renommées, comme General Motors, et des dizaines de grandes banques ont flirté avec la faillite. Le terme de ‘‘socialisme pour les riches’’ est apparu au moment où les différents Etats ont allongé des milliards d’euros pour sauver la peau des industriels et des banquiers, menacé par la crise de surproduction et l’explosion des bulles spéculatives.

    Par Jan Vlegels, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    La facture a été livrée à ceux qui gèrent l’Etat, les laquais politiques du patronat. En 2009 déjà, les banques et les grandes entreprises ont déjà recommencé à réaliser des profits records, alors que les Etats les plus touchés (la Grèce, l’Irlande, les Etats baltes,…) ont rapidement fait face à des plans d’austérité draconiens. Là où restait un peu plus de marge, surtout dans les grandes puissances traditionnelles et leur périphérie directe, il semblait qu’on voulait surtout relancer la production avec des mesures de stimulation de l’économie avant de sabrer dans les conditions de vie et de travail de la population. Le calme n’a duré que peu de temps avant la tempête.

    Dans la plupart des pays européens, les grandes vacances ont été la période de préparation pour l’épreuve de force inévitable avec la classe ouvrière. Les mois qui ont suivi, d’immenses paquets de mesures d’austérité ont été rendus publics. Malgré la menace, plus que probable, de l’arrivée d’une ‘‘double dip’’ (une rechute de l’économie notamment basée sur une demande trop fiable), les gouvernements ont attaqué les moyens des ménages.

    La confrontation avec la classe des travailleurs est inévitable, même en Belgique où la bourgeoisie essaie généralement d’éviter une telle attaque frontale et où l’offensive patronale a déjà du retard à cause de la crise politique.

    Augmentation de l’âge de la pension, augmentation de la TVA, démantèlement des services publics, privatisations, accroissement du contrôle des chômeurs, multiplication du minerval des universités,… L’impact de telles mesures sur la vie des travailleurs est incalculable. On serait découragé pour moins que ça, et c’est d’ailleurs le pari des capitalistes européens : écraser tout le monde sous l’austérité et espérer que les masses se redressent trop tard. Bien que ce ne soit pas totalement dénué de fondement – dans un certain nombre de pays, il n’y a provisoirement pas encore de mouvements de résistance généralisés -, les premières réactions du mouvement ouvrier européen nous renforcent dans la conviction que le ‘‘pari’’ de la bourgeoisie s’avérera perdu : des actions de grande envergure ont déjà eu lieu en France, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Irlande, en Grande-Bretagne,…

    Petit à petit, il deviendra clair pour tout le monde, y compris la bourgeoisie, que la classe ouvrière européenne ne va pas accepter l’austérité sans combat. Nous pouvons nous attendre à une intensification des luttes dans la période à venir. Il n’est cependant pas garanti que ces mouvements conduisent directement à des victoires au vu des difficultés déjà présentes dans les premières phases de protestations.

    Partout, les directions syndicales évitent d’organiser efficacement la résistance, aucune stratégie claire avec un plan d’action n’est mise en avant. Cela, en combinaison de l’absence d’une traduction politique de cette résistance, est un sérieux handicap pour le mouvement ouvrier dans la construction de son rapport de forces.

    La création de nouveaux partis des travailleurs – basés sur des membres actifs et ouverts à tous les courants présents dans le mouvement ouvrier – sera cruciale pour lutter contre la bourgeoisie sur le plan politique. Il nous faut aussi défendre la démocratisation des syndicats et appeler les directions syndicales à organiser la résistance, en mettant entre autres en avant l’organisation d’actions européennes, comme une grève générale européenne.

  • 2011 : Une année de luttes qui se durcissent

    2010 – L’année la plus turbulente depuis deux décennies

    Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party, passe en revue les développements et événements de 2010 au Royaume-Uni et dans le monde, et anticipe les luttes à venir en 2011.

    Sur le plan social et politique, 2010 était méconnaissable par rapport à 2009. Cette année a très certainement été l’année la plus tumultueuse depuis plus de deux décennies, surtout au Royaume-Uni. Les élections générales au Royaume-Uni ont eu lieu il y a à peine sept mois et pourtant, telle est la vitesse et l’ampleur des événements, que maintenant nous vivons presque dans un “autre pays”. Dès le moment de leur installation, les Con-Dem (coalition des Conservateurs et des “Libéraux-Démocrates” qui ont bradé leurs beaux principes en échange de postes au gouvernement) ont subi un état de siège.

    Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (CIO-Angleterre et pays de Galles)

    Si les dirigeants syndicaux avaient ne serait-ce que levé leur petit doigt et appelé rapidement à l’action – et organisé cette action méthodiquement – alors le gouvernement aurait pu être submergé sous des protestations de masse. Mais, en trainant des pieds comme toujours, “menant à partir de l’arrière”, la seule politique de l’aile droite des syndicats est une politique d’indécision et de pratiques corrompues, en plein milieu du massacre de nos emplois, de nos services publics et de notre niveau de vie.

    Le rôle dirigeant a donc été repris par les étudiants qui, dans leur bataille contre le triplement des frais d’inscription aux études et le retrait criminel de l’allocation de maintien de l’éducation, sont parvenus à percer une faille dans l’apparente “intransigeance” du gouvernement. Remplissant par là le rôle historique des étudiants lors des périodes critiques en tant que “cavalerie légère” du mouvement ouvrier, ils se sont mobilisés d’une manière audacieuse, hautement originale et improvisée afin de briser les défenses du gouvernement. C’est cela qui a ouvert la brèche à travers laquelle les bataillons lourds de la classe ouvrière – les syndicats – peuvent maintenant s’engouffrer en un mouvement de masse pour vaincre ce gouvernement.

    Le degré de liberté par rapport aux structures bureaucratiques qui a été affiché – le Syndicat national des étudiants ayant été complètement poussé de côté, de l’aveu même de son président Aaron Porter – montre que les étudiants ont ouvert un nouveau chapitre dans le manuel de comment défier et terrifier un gouvernement “fort”. Leurs mots d’ordre ont parfaitement résumé le sentiment qui vit non seulement parmi les étudiants, mais parmi l’ensemble de cette génération, révélant son énorme mécontentement par rapport à des décennies de marginalisation et de répression, et contre le système qui leur ôte tout espoir d’un avenir sous le capitalisme. "Whose streets? Our streets!", "No ifs, No buts, No education cuts!" (« Les rues de qui ? NOS rues ! », « Pas de SI, pas de MAIS, pas de coupes dans l’éducation ! »). Ils ont réaffirmé le droit de manifester, et l’intransigeance de cette génération, qui se dresse contre toutes les coupes, contre la perte de chaque emploi et des services. La manière dont les jeunes ont ridiculisé le New Labour et d’autres, même à gauche, qui étaient prêts à hisser le drapeau blanc avant même que la bataille ne commence et à accepter “certaines” coupes.

    La répression de l’État

    Et quelle est la réaction du gouvernement et de la classe dirigeante en général ? C’est menacer le droit de protester et de manifester lui-même – le Commissaire de la Police métropolitaine Paul Stephenson a laissé entendre que les manifestations pourraient être interdites. La Secrétaire à l’Intérieur Theresa May a appelé à l’usage de canons à eau, mais le lendemain elle a été forcée de revenir sur cette motion à cause de l’outrage. Il a même été suggéré que des “drones” comme on en utilise en Afghanistan soient utilisés pour espionner les prochaines manifestations au Royaume-Uni et que des voitures blindées soient déployées en cas de conflit social.

    Par-dessus tout, dans une démonstration crasse de ce que Karl Marx avait appelé le ”crétinisme parlementaire”, les Con-Dems pensent qu’en faisant passer de force le vote sur la hausse des frais d’inscriptions au parlement, cela mettra un terme au mouvement. Tout comme les Bourbons en France, ils n’ont rien appris et rien oublié de l’Histoire. La poll tax était déjà devenu une “loi” en 1988 mais a été supprimée en 1991 après la campagne de désobéissance de masse qui a été menée par la fédération panbritannique contre la poll tax, dirigée par Militant – qui est maintenant le Socialist Party –, lorsque 18 millions de gens ont refusé de payer cette taxe. De la même manière, le CPE en France a été annulé en 2006 à la suite d’un mouvement de masse de la jeunesse, même alors qu’il était devenu loi. La pression et le pouvoir des masses contre l’injustice ne peuvent pas être supprimés d’un simple trait de stylo, quand bien même il s’agirait d’un stylo sanctifié par la “loi”.

    La révolte des étudiants au Royaume-Uni a eu des répercussions dans le monde entier. De Rome, où les étudiants ont revendiqué le renversement du gouvernement Berlusconi tant détesté et qui s’accroche au pouvoir par le bout des doigts, aux États-Unis en passant par l’Asie, etc. Par exemple, il y a eu une large couverture médiatique au Pakistan et ailleurs des événements qui se déroulent au Royaume-Uni, précisément parce qu’ils se déroulent au Royaume-Uni. Jusqu’à présent, elle était censée être le bastion de la “tranquille démocratie parlementaire” où les protestations et l’opposition est en général contenue dans des canaux sécurisés. Le fait que cette opposition ait débordé de ses digues et ait transformé le centre de Londres en une “zone de guerre” est en soi un facteur qui a attiré l’attention et fait vibrer l’imagination du monde entier, en particulier des jeunes, des travailleurs et des pauvres.

    La crise mondiale du capitalisme

    La toile de fond et l’élan de ces événements et de ceux qui vont se produire en 2011, sont ceux de la crise mondiale du capitalisme qui, depuis qu’elle a commencé en 2007, a dévasté des économies entières et a ravagé la vie de la population laborieuse. L’OCDE a estimé que 17 millions de travailleurs et travailleuses ont été expulsés des usines depuis le début de la crise rien que dans les pays capitalistes “avancés”. Neuf millions de travailleurs américains ont été jeté à la rue au cours de la même période. Cela aurait été encore pire si ce n’avait été les plans de sauvetage des banques par les gouvernements capitalistes. Selon des documents qui ont récemment été divulgués au grand jour, le gouvernement américain a à lui seul fait des crédits pour 3300 milliards de dollars – ce qui équivaut à un quart du PIB américain – aux banques et aux firmes en détresse ! Ceci a sauvé un million d’emplois, mais c’est tout de même neuf fois ce nombre qui ont été virés. Qui plus est, ce sera aux travailleurs américains de payer la facture pour ce sauvetage.

    Cependant, comme tentent de l’expliquer les économistes capitalistes, la délivrance est à portée de main, sous la forme de la “reprise”. Mais ces déclarations ne résistent pas à l’épreuve des faits. Ne serait-ce que pour commencer à faire diminuer le chômage, 300.000 emplois devraient être créés chaque mois aux États-Unis. Mais dans le troisième trimestre de 2010, on n’a vu la création que de 150.000 nouveaux emplois. En plus, la plupart d’entre eux sont maintenant ouvertement décrits comme étant des emplois “de survie”. Incapables de trouver des emplois semblables à ceux qu’ils avaient autrefois, c.à.d relativement bien payés et permanents, des millions de travailleurs sont à présent forcés de prendre le premier boulot qui passe afin d’éviter de se retrouver à la rue et la famine, dans le pays le plus riche de la planète. Une existence “précaire”, l’insécurité massive et la spirale du déclin du niveau de vie et des opportunités futures, voilà les perspectives pour des millions de gens au Royaume-Uni et dans le monde entier.

    C’est cependant le caractère “inattendu” et soudain du changement brutal du mode de vie qui alimente une révolte colossale au niveau européen en particulier. Selon le Guardian, 17,5 millions de gens, sont descendus dans les rues en l’espace de trois semaines (certains participant à plus d’une manifestation) lors de la récente révolte de masse contre le gouvernement Sarkozy en France. Des grèves générales ont ébranlé l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la France, la Roumanie, l’Inde et l’Afrique du Sud. Nous sommes véritablement entrés dans une ère de participation et d’implication de masse, de lutte et de tentatives de changer la situation et le cours de l’Histoire.

    L’Irlande résume toute la situation. Il y a six ans, un “indice du bonheur” révélait que ses habitants se déclaraient les “plus heureux” parmi les 100 pays interrogés. Plus maintenant. Le niveau de vie a dégringolé d’au moins 15% à cause des dernières coupes draconiennes dans les budgets. Le plan d’austérité annoncé reviendra à diminuer de 25% le train de vie du peuple irlandais. Cela est comparable à la dépression aux États-Unis dans les années ‘1930. Et l’Irlande est le miroir du futur des autres pays d’Europe – y compris du Royaume-Uni – qui leur est réservé sur base de la continuation du système capitaliste.

    En fait, la crise irlandaise est en réalité une crise européenne ; il s’agit en particulier d’une crise potentiellement dévastatrice pour le système bancaire européen. Le chancelier Tory George Osborne, dans une personnification de la “froide cruauté” de la classe dirigeante britannique, lance l’assaut contre les étudiants, les allocataires sociaux et les chômeurs, mais vole au secours des banques irlandaises. Il ne faut pas être astrophysicien pour comprendre ce qui est en train de se passer. Si les banques irlandaises devaient crouler, elles emporteraient avec elles des pans entiers du système bancaire britannique, ce qui à son tour serait le détonateur de toute une série de nouvelles crises dans les banques européennes et ferait s’effondrer l’ensemble du système bancaire du continent.

    L’austérité pour toujours

    La faillite complète du capitalisme se reflète dans l’avenir qui s’étend à présent devant le peuple irlandais. C’est un avenir fait d’une austérité éternelle, d’un retour à l’émigration de masse, et de basse croissance ou croissance nulle de l’économie, et par conséquent également du niveau de vie de la population irlandaise pour le futur prévisible. Ceci pourrait en outre s’appliquer au monde capitaliste dans son ensemble. Les organes du monde des affaires tels que le Financial Times admettent maintenant ouvertement que d’autres pays pourraient souffrir de “contagion” de la part des banques irlandaises. Le Portugal, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, et même le Royaume-Uni et l’Allemagne sont menacés d’une attaque de ceux qu’on appelle les “bond vigilantes” – des spéculateurs milliardaires – qui cherchent à s’engraisser sur base du pillage de différents pays. Dans cette crise de la dette “souveraine”, la Grèce représente ce que l’effondrement de Bear Stearns était pour le secteur bancaire, et l’Irlande est l’équivalent de la chute des Lehman Brothers.

    Mais la dette de l’Espagne est tellement grande – c’est la quatrième plus grande économie de l’UE – qu’elle pourrait se révéler “trop grosse pour être sauvée”. Ceci pourrait être le déclencheur d’une autre crise bancaire, cette fois-ci pour l’UE toute entière, qui pourrait avoir pour conséquence un effondrement total de l’euro, qui ne tient déjà plus qu’à un fil à cause des crises d’Irlande et de Grèce.

    La crise a déjà détruit des quantités énormes de forces productives – l’organisation du travail, de la science et de la technique – qui dans le cas du Royaume-Uni ont connu leur plus forte chute depuis 1945. En tout c’est 10% de l’industrie qui a été détruite, juste pour qu’un système basé sur la production pour le profit et non pour satisfaire aux besoins soit maintenu pour le bénéfice d’une poignée de millionnaires et de milliardaires. La perte de foi palpable en leur système auprès des classes dirigeantes se manifeste dans l’incapacité des patrons à réinvestir dans la production le surplus extrait du travail de la classe ouvrière. Les promesses de “lendemains meilleurs”, par conséquent, seront mortes-nées. Une crise bancaire à l’échelle européenne serait similaire à la crise bancaire qui s’est produite en Europe deux ans après le crash de Wall street et qui a renforcé la dépression.

    Dans cette situation, un expédient désespéré après l’autre est déployé par les gouvernements capitalistes. Les plans de relance n’ont pas fonctionné assez bien que pour éviter le chômage de masse. Maintenant, un nouveau tour de “facilitation quantitative” – càd l’injection de cash, de “liquidités” dans le secteur bancaire – a été entrepris par la Réserve fédérale aux États-Unis, et la Bank of England est sur le point de l’imiter. Toutefois, les problèmes qui se sont accumulés ces dernières trente années à partir de l’énorme bulle financière sont tels que ces mesures n’ont aucune garantie de fonctionner. Dans cette situation qui est celle d’une dette excédentaire massive, l’injection de capital n’a aucune garantie de fonctionner parce que, comme l’économiste capitaliste Keynes l’avait fait remarquer, ça reviendrait au même que de “pousser sur une ficelle”.

    La stagnation économique

    La propension des banques à prêter plus à leurs emprunteurs, ou pour les investisseurs à investir, est non-existante, ce qui a pour conséquence un paradoxe de non dépense. Au mieux, cela signifie la stagnation économique, au pire, un approfondissement de la crise. Le chômage s’est graduellement accru au Royaume-Uni jusqu’à toucher un million de jeunes. À Liverpool, 34% des ménages n’ont pas un seul membre de leur famille au travail. Ceci va être accentué avec la destruction en gros des emplois dans les secteurs public et privé qui va suivre les énormes coupes dans les dotations des communes qui sont effectuées par le Ministre tory Eric Pickles. Malgré des hauts et des bas temporaires, le caractère général du capitalisme mondial en cette période est fait de stagnation et de déclin. La politique déflatoire du gouvernement – des coupes dans le niveau de vie par le gel des salaires ou par les coupes dans le budget d’État (ou les deux) – qui est en ce moment suivie par le gouvernement de David Cameron au Royaume-Uni va aggraver la crise et provoquer des convulsions de masse, d’une ampleur jamais vue depuis des générations.

    C’est pourquoi, en coulisses, un “plan B” est déjà en cours de préparation – si pas par le gouvernement lui-même, alors certainement par les hauts responsables de l’administration non élus – afin de couvrir l’échec du programme d’austérité de ce gouvernement. Au fur et à mesure que le chômage montera, la fureur autour des frais d’inscription universitaires aura l’air d’un pique-nique champêtre comparé à la vague d’opposition massive qui va se dresser. Les SDF et les allocataires sociaux dont le revenu est en train d’être passé à la hache ajouteront eux aussi leurs voix enragées dans ce vacarme.

    Tout comme le gouvernement Heath qui avait été menacé d’une grève générale dans les années ’70, ce gouvernement va être forcé de modifier sa trajectoire ou de s’effondrer. Certains analystes, par exemple Steve Richards dans The Independent, admettent maintenant ce que le Socialist Party explique depuis le début : que la façade d’“unité” du gouvernement va se fissurer. Les Libéraux-Démocrates en particulier, qui sont déjà en train de scissionner, vont encore plus se décomposer en diverses factions et se voir contraints de quitter le gouvernement. Nick Clegg et l’aile du “Livre orange” des Libéraux-Démocrates, qu’on reconnait déjà comme étant des Tories déguisés, seront absorbés dans les rangs du parti de Cameron. Les autres sur la “gauche” vont rejoindre le New Labour – encouragés par la cour que leur fait Ed Miliband. Il ne restera plus qu’un moignon de ce parti. Il pourrait se voir réduit à une secte capitaliste.

    Toutefois, Ed Miliband ne représente pas une “remise au gout du jour” réussie de cette marchandise de seconde main qu’est le New Labour. Avec quelques différences mineures, il représente plus un New Labour rafistolé à la va-vite. Lorsque les étudiants étaient en train de faire le siège du parlement, il a “considéré” les rencontrer, mais a préféré rejeter une telle mesure “audacieuse”, pour lui en tous cas. Sur la question du programme, et en particulier des coupes budgétaires, il n’y a en substance aucune différence avec le gouvernement, mais seulement une question de timing : une mort prolongée par mille blessures plutôt que la grosse hache un peu trop directe qui se trouve entre les mains de Cameron. Ce qui est scandaleux, c’est qu’il a clairement fait un appel du pied aux conseils communaux Labour pour qu’ils n’organisent pas la moindre résistance contre le gouvernement, comme cela avait été fait par la commune de Liverpool dans les années ’80, mais au contraire d’appliquer les coupes dans leurs dotations par le gouvernement tory, sans oublier de s’en plaindre bruyamment bien entendu. Au mieux, les conseillers New Labour joueront le rôle de Ponce Pilate, et y a-t-il figure plus méprisable dans l’Histoire !

    Une nouvelle perspective socialiste

    Une nouvelle route doit être ouverte par le mouvement ouvrier, une toute nouvelle perspective socialiste, pour tous ceux qui sont affectés par cette nouvelle crise du capitalisme qui ne va que s’approfondir, et pour tous ceux qui attendent la riposte. La résistance doit être centrée sur les syndicats. Nous accueillons chaleureusement la nouvelle génération d’étudiants dans notre combat, bon nombre d’entre eux remplissent aujourd’hui les rangs du Socialist Party. Nous acclamons et encourageons leur flair, leur spontanéité et leur détermination. Mais il est entièrement faux, comme certains groupes de gauche l’ont fait, de donner l’impression que c’est à travers le soi-disant “pouvoir étudiant” qu’ils seront capables de vaincre ce gouvernement par eux-mêmes. Ils peuvent jouer une fonction auxiliaire extrêmement importante, mais ce sont les bataillons lourds de la classe ouvrière, dont les éléments les plus conscients sont rassemblés au sein des syndicats, qui ont le réel potentiel de briser le programme de ce gouvernement et de l’expulser du pouvoir.

    2011 va probablement excéder dans l’ampleur de la lutte tout ce que nous avons vu en 2010, au Royaume-Uni comme partout ailleurs dans le monde. À travers l’expérience des batailles qui ont eu lieu jusqu’ici, une nouvelle génération est en train de recevoir son “premier sang”, presque littéralement, et de s’entrainer dans les réalités de la société capitaliste. Cette nouvelle couche est à la recherche d’une alternative, nombre d’entre eux sont dégoutés par le capitalisme et reprennent les idées du socialisme. Beaucoup sont en train de rejoindre le Socialist Party, qui a connu sa meilleure période de croissance depuis deux décennies, grâce à l’implication de cette nouvelle génération. Cette dernière a rencontré beaucoup de représentants de la vieille génération, qui maintenant reviennent à la lutte et au Socialist Party à travers ce processus. Cela jette les bases pour une croissance encore plus spectaculaire et soutenue des forces du marxisme authentique et du socialisme au Royaume-Uni au cours de la prochaine période. Une force socialiste puissante est maintenant la précondition pour la réalisation de l’étape cruciale d’un nouveau parti des travailleurs de masse.

    Des processus similaires sont en train de se développer à une échelle mondiale, comme cela a été démontré par lors du formidable Congrès mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière qui s’est déroulé en décembre. De nouvelles forces sociales à une échelle de masse, liées à la construction d’une véritable internationale démocratique de masse peuvent être amenées un pas plus loin dans ce qui promet d’être une année fructueuse et pleine de rebondissements.

  • C’était il y a tout juste 50 ans: le 28 décembre

    A Gand, de nouveaux heurts violents éclatent entre grévistes et gendarmes. Suite à ces violentes bagarres, la régionale FGTB ne peut plus rester sans réaction et décrète d’ urgence la grève générale régionale. La grève générale connait donc encore une fois une nouvelle extension et un durcissement dans les centres industriels flamands. Dans la périphérie d’ Anvers, plusieurs entreprises débrayent sur-le-champ, les travailleurs chrétiens suivent le mouvement de grève. Une grande manifestation est prévue pour le 29 décembre après-midi à Anvers.

    Cet article, ainsi que les prochains rapports quotidiens sur la ”Grève du Siècle”, sont basés sur le livre de Gustave Dache ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61”

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    – Rubrique "60-61" de ce site

    19 décembre

    20 décembre

    – 21 décembre

    22 décembre

    23 décembre

    24 décembre

    25 décembre

    26 décembre

    27 décembre

    [/box]

    De nombreuses manifestations ont encore lieu dans le pays ; à Quaregnon, dans le Borinage, 20.000 grévistes à Mons, à Charleroi, à Bruxelles, où des autobus qui roulaient ont été lapidés, les vitres des banques cassées, dans la région de Liège c’ est la même situation, partout dans le pays l’ action des piquets de grève se durcit et se renforce, plusieurs arrestations ont encore été opérées.

    La situation évolue vers une poussée de fièvre, surtout du côté d’ Anvers et de Gand mais aussi dans d’ autres régions flamandes, notamment à Courtrai, Ypres, Alost, Bruges, Tongres et Tirlemont. Les travailleurs veulent passer à l’ attaque, mais leurs organisations ouvrières le leur interdisent. C’est pourquoi, à partir de ce 28 décembre, on va voir les grévistes se réunir quotidiennement dans des manifestations monstres, crier, piétiner pendant des heures puis se disperser sans qu’aucune organisation ne veuille prendre sur elle la responsabilité d’ un mot d’ ordre national offensif.

    Ceux qui connaissent un tant soit peut l’ histoire des luttes du mouvement ouvrier international savent qu’il ne faut en aucun cas attendre des réformistes ou des staliniens des mots d’ ordre à caractère offensif. Par contre les travailleurs en grève étaient en droit d’ attendre des consignes offensives de la part des dirigeants de La Gauche, qui disaient se placer dans la perspective de la révolution socialiste. Mais voilà, de ce côté là, rien non plus. Ils sont restés à la remorque des réformistes et des staliniens. Le mouvement en cours est bel et bien une grève à objectif révolutionnaire et qui exige de ce fait des mots d’ordre et des consignes appropriés.

    Certains journaux de droite ne s’ y sont d’ ailleurs pas trompés et n’ ont pas manqué de souligner la gravité de la situation, qui empire de jour en jour. Les grèves entraînent un durcissement général, des incidents graves se produisent un peu partout dans le pays et risquent de dégénérer si le gouvernement s’ entête. Toutefois celui-ci reste sur ses positions. Il durcit même ses mesures de répression, tente par tous les moyens à sa disposition (radio, TV , journaux, communiqués,…) d’inciter les grévistes à reprendre le travail, mais il n’ en est rien, bien au contraire. Les grévistes sont décidés à aller jusqu’au bout, c’est l’épreuve de force.

    Treize mille grévistes paralysent Bruxelles pendant trois heures. Les trams ne roulent plus. Les grévistes scandent : « Eyskens au poteau », « Les Wallons à Bruxelles », « Les banquiers doivent payer ». Plus de 8.000 métallos défilent à Herstal. Plus de 20.000 manifestants au Pays Noir. A La Louvière, plus de 15.000 manifestants se réunissent avec un grand calicot : « Camarades ! Marchons sur Bruxelles ».

    Dans le grand port flamand, l’ ensemble des réparateurs de navires et de chantiers navals sont en grève. Dix mille grévistes à la Bell-téléphone, Cockerill-Hoboken est bloquée. Les ouvriers du pétrole sont eux aussi en grève. Les ports d’ Ostende et de Gand sont également totalement paralysés. Les briqueteries de Rupel son arrêtées, 1.800 mineurs du Limbourg sont en grève.

    Avec cette énumération des mouvements de grève générale en Flandre, on peut mesurer le caractère criminel de l’attitude d’André Renard lorsque, en pleine grève générale, il revendique le fédéralisme wallon. Là aussi les dirigeants de La Gauche devaient réagir énergiquement en s’ opposant à Renard et sa revendication, dans un contexte de grève générale visant le renversement du gouvernement et de l’Etat bourgeois. Mais là aussi, on peut constater un silence complice et la capitulation complète face à la politique réformiste de Renard.

    La grève prend toujours de l’extension, de même que l’appel pour une Marche sur Bruxelles et une confrontation directe avec le pouvoir dans la capitale.

    A Bruges, la grève se durcit après les incidents survenus à Gand, où les grévistes ont subi une véritable agression. En réponse à cette même agression, la FGTB d’ Anvers décrète la grève générale. Un acte de sabotage très significatif est commis sur la ligne Gand-Adenkerke, où des blocs de béton sont posés sur les voies, comme sur les routes. La centrale des mineurs du Limbourg communique que la grève est totale dans le charbonnage. Le comité exécutif reçoit de France et d’Italie des encouragements de solidarité. Certains ont prétendu que la Flandre n’ avait pas embrayé à la grève générale alors que même des centrales ouvrières de l’étranger ont apporté leur soutien total aux mineurs flamands. S’ils n’ avaient pas embrayé dans la grève générale, ce genre de soutien n’aurait pas été possible.

    Le même jour, le praesidium élargi de l’action commune socialiste déclare d’ailleurs dans un communiqué que «Il constate que la grève est totale en Wallonie et qu’elle s’ amplifie chaque jour de façon massive tant en Flandre que dans la région bruxelloise.»

  • Afrique du Sud: Des travailleurs prennent le contrôle de leur usine

    Le mercredi 20 octobre, les travailleurs de l’usine Mine Line/TAP Engineering à Krugersdorp, juste à la sortie de Soweto, ont entamé l’occupation de leur lieu de travail afin d’empêcher son ancien propriétaire de dévaliser l’usine de ses machines et autres équipements, et pour mener la lutte afin de sauver leurs emplois.

    Reporters du DSM (CIO-Afrique du Sud)

    Les travailleurs sont organisés par l’Union des travailleurs du métal et de l’électricité d’Afrique du Sud (Metal and Electrical Workers Union of South Africa – MEWUSA), dans laquelle le Democratic Socialist Movement (notre section en Afrique du Sud) joue un rôle dirigeant. Ils occupent l’usine et mobilisent pour une campagne de solidarité de masse, exigeant la reprise de l’usine par l’État, de sorte qu’elle puisse rouvrir en tant que coopérative gérée de manière démocratique par les travailleurs.

    Mine Line/TAP Engineering, qui produits des valves, des locomotives, etc. pour l’industrie minière, a été fermée au mois d’aout par son propriétaire, M. Mulder, qui tentait ainsi d’échapper à sa responsabilité pour la mort de trois travailleurs dans un accident survenu le 4 aout ; cet accident était dû à un mépris total de la santé et de la sécurité des travailleurs. Malgré la crise économique, Mine Line est demeurée une entreprise rentable. La faillite est la conséquence directe du pillage, de la fraude et du vol criminels de la part de M. Mulder. Il a volé 15 millions de rands (1,7 millions €) à la compagnie en cash, en plus de sa flotte de voitures et d’hélicoptères de luxe qu’il s’est offert avec l’argent de la société, et a déclaré la faillite le lendemain. En même temps que lui s’est arrangé avec le liquidateur, Commonwealth Trust, pour piller l’entreprise, en volant des fonds pour pouvoir démarrer des business ailleurs, les 107 travailleurs et les familles de ceux qui ont été tués sont laissés sans rien du tout, même après plus de 25 ans de service comme c’est le cas pour la plupart.

    Le mercredi 20 octobre, les travailleurs ont décidé de garder les installations pour empêcher l’ex-propriétaire et le liquidateur de voler encore plus de machines et d’autres actifs à l’usine. Les travailleurs se battent depuis pour sauver leurs emplois, leurs pensions et leurs allocations, mais aussi pour montrer que la production et la société en général peuvent être gérées sans les patrons capitalistes. Les travailleurs revendiquent que l’État transfère la propriété aux travailleurs et injecte du capital pour revigorer l’entreprise, et sont en train de former une coopérative pour gérer l’usine, en tant que premier pas vers la nationalisation de l’entreprise sous le contrôle et la gestion par les travailleurs.

    L’occupation de Mine Line est, depuis le début de la récession en 2008, la première action de ce genre menée par des travailleurs en Afrique du Sud. Plus d’un million d’emplois ont été perdus en Afrique du Sud depuis que la récession est arrivée – ce qui est selon le FMI le plus haut taux de perte d’emploi au monde, par rapport au taux de croissance. 55% de la population en âge de travailler n’est pas active économiquement (bien que le taux de chômage officiel ne soit “que” de 25%).

    Hélas, les dirigeants du mouvement syndical ont réagi face à la récession comme si c’était un phénomène naturel pour lequel personne n’est à blâmer. Au lieu de coordonner une campagne d’actions de masse afin de repousser l’offensive patronale et de défendre les emplois, ils se sont concentrés sur des négociations avec les patrons et le gouvernement au nom de “l’intérêt commun” – volant dans les faits à la rescousse des patrons. Les travailleurs de Mine Line refusent de payer pour la crise qui a été causée par leur patron, et envoient un message clair et retentissant aux travailleurs partout ailleurs, leur demandant de faire la même chose. La crise économique a démontré à des millions de gens le fait que le système capitaliste est incapable de mener la société plus en avant, et cette lutte fournira des leçons importantes pour les travailleurs organisés, pour les communautés ouvrières en lutte et pour les organisations de jeunes, en Afrique du Sud comme dans le reste du monde, sur comment se battre pour une alternative socialiste.

    Les travailleurs sont maintenant en train de mobiliser et d’appeler au soutien des autres travailleurs et de leurs communautés. Déjà, le Democratic Socialist Movement, le Centre alternatif coopératif et politique (Co-operative and Policy Alternative Center – COPAC) et la Conférence de la Gauche démocratique (Conference of the Democratic Left), une nouvelle initiative de gauche unitaire, participent de manière active au soutien à cette occupation. Il y a maintenant un besoin urgent d’unifier le poids du mouvement ouvrier tout entier et les luttes de masse des communautés et de la jeunesse en une campagne de solidarité de masse. La pression doit aussi être exercée sur les principaux créditeurs de l’entreprise comme la banque ABSA afin qu’ils poursuivent l’ex-propriétaire, et non pas l’entreprise pour récupérer ce qui leur est dû (il a emprunté 35 millions de rands – 4 millions € – en mentant sur le fait qu’il allait l’investir dans l’entreprise, ce qu’il n’a jamais fait). La même chose est valable pour les 15 millions de rands qu’il doit aux Services des revenus sud-africains.

    Les travailleurs sont inspirés par les exemples courageux qui ont été donnés par le personnel de INNSE en Italie et par les occupations de Vestas et de Visteon au Royaume-Uni. Le CIO envoie ses vœux de solidarité au comité des travailleurs de Mine Line et du MEWUSA. Nous leurs souhaitons tout le meilleur dans leur lutte audacieuse.

  • 10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Relations mondiales : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’

    Rapport de la discussion sur les relations mondiales au 10ème Congrès mondal du CIO

    Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) a commencé la semaine dernière en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela. Malheureusement, les délégués de Bolivie et du Pakistan n’ont pas pu venir, à cause du refus de leur visa.

    Sarah Sachs-Eldridge, délégation du Socialist Party (CIO – Angleterre et pays de Galles)

    Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.

    Les principales discussions lors du Congrès ont porté sur les relations mondiales, sur l’économie mondiale, sur l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique, et sur la construction du CIO.

    Le CIO est une organisation internationale socialiste et démocratique. Au cours du Congrès, les documents et les résolutions ont été discutés, amendés, puis soumis au vote. Un nouveau Comité Exécutif International a également été élu.

    Nous publierons les versions finales des principaux textes du Congrès. Notre site international (www.socialistworld.net) a déjà publié le projet initial de document de Congrès concernant les relations mondiales. Une version mise à jour de ce document sera publiée par la suite, avec les documents concernant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie, la Russie et l’Europe de l’Est, de même qu’un document sur la situation en Afrique.

    Ci-dessous, nous publions un rapport de la première discussion du Congrès, celle sur les relations mondiales, rédigé par Sarah Sachs-Eldridge, de la délégation d’Angleterre et Pays de Galles (Socialist Party). D’autres rapports des principales discussions qui ont eu lieu tout au long du 10e Congrès suivront au cours des prochains jours.


    Des millions de personnes ont participé aux manifestations et aux grèves en France. Il y a eu des grèves générales en Grèce, au Portugal – la plus grande depuis la révolution de 1974 -, en Espagne et en Inde où une grève générale a impliqué 100 millions de travailleurs. Un immense mouvement partiellement victorieux s’est développé en Afrique du Sud et de nombreuses autres expressions de colère ont éclaté face à la crise la plus dévastatrice depuis les années ’30.

    Dans son introduction à la discussion, Peter Taaffe du Secrétariat international (SI) du CIO a cité William Butler Yeats, un célèbre poète nationaliste irlandais, qui avait dit : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’ à propos des évènements d’Irlande. Pour décrire les événements de ces derniers mois, cette phrase reste d’actualité. Les contributions au débat portant sur les pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient, d’Europe et d’Europe de l’Est ont bien démontré que pas un pays au monde n’a été épargné par la crise économique mondiale.

    Une crise prolongée

    Les gouvernements de plusieurs pays et régions peuvent bien clamer haut et fort que leurs économies sont à l’abri de tout danger et sur la voie de la reprise, il existe un potentiel pour une nouvelle chute de l’économie mondiale, ou en tous cas pour une stagnation prolongée avec une croissance faible. En fait, il n’y a aucun “remède” clair à appliquer pour la bourgeoisie, et des divisions existent entre et à l’intérieur des différentes classes dirigeantes quant à savoir quelles mesures devraient être prises.

    En cette époque de changements rapides, les gouvernements peuvent être enclins à des revirements soudains. La situation est lourde de troubles sociaux et politiques d’une ampleur tragique.

    Les relations mondiales sont dans un état d’instabilité croissante. Nous ne vivons plus dans un monde “unipolaire” où le pouvoir ultime des États-Unis, en tant que plus grande économie au monde, est accepté. Ceci peut mener à une hausse des frictions et des conflits.

    L’impression prédominante est que nous sommes dans une période de flux. Des luttes de la classe ouvrière ont lieu ou sont à l’ordre du jour dans chaque région du monde. Les socialistes doivent être prêts à ajuster leur tactique et leurs méthodes organisationnelles au fur et à mesure que la lutte de classe se développe et que les conditions objectives changent. De nouveaux mots d’ordre et revendications seront lancés lorsque cela sera requis.

    Des changements soudains

    Dans son introduction, Peter Taaffe a décrit comment, au cours d’un intervalle relativement court, l’économie irlandaise a été noyée, passant d’une des économies les plus prospères au monde à, non pas la récession, mais la dépression. Dans un sondage effectué il y a six ans auprès de 100 pays, on avait révélé que le peuple irlandais était le plus heureux au monde, sur base de la hausse des salaires et d’une phase de croissance apparemment sans fin. Mais ce 27 novembre, 100.000 manifestants sont descendus à Dublin malgré le froid polaire pour y exprimer leur rage, leur dégout et leur amertume face à la situation complètement différente, dans laquelle la majorité de la population est maintenant confrontée à des coupes sévères dans leur niveau de vie.

    La classe ouvrière irlandaise a montré qu’elle était capable de trouver par elle-même le chemin de la lutte, même lorsque les dirigeants syndicaux ont abandonné de la manière la plus poltronne qu’il soit leur responsabilité qui était de mener celle-ci. La survie du gouvernement, élu il y a moins de deux ans, ne tient plus qu’à un fil.

    La présence en Irlande du CIO et de Joe Higgins, l’eurodéputé socialiste de Dublin, signifie qu’il existe une voix qui est présente afin d’articuler l’opposition à la politique pro-marché, et qu’il existe le potentiel pour défier cette politique lors des élections générales de 2011, autour de l’Alliance de la Gauche Unie (United Left Alliance) récemment établie.

    L’ampleur de la crise économique mondiale, qui a commencé avec la crise des subprimes aux États-Unis en 2007, s’est largement fait ressentie lors de la crise bancaire de 2008. Le CIO a averti du fait que les patrons, dont la rapacité et le système du “tout pour le profit” sont responsables de la crise, ne seraient pas capables de trouver une issue facile pour sortir de cette crise, et qu’ils chercheraient à en faire payer le cout par les travailleurs.

    Cette crise a été si grave que, au départ, il n’était pas évident de voir comment une dépression de l’ampleur de celle des années ′30 pouvait être évitée. Toutefois, de nombreux gouvernements, après avoir jeté un œil par-dessus le gouffre et ayant aperçu le danger de la répétition d’une dépression qui durerait une décennie entière, ont pris peur et ont mis en place de grands plans d’urgence de relance de l’économie afin d’amortir les pires effets de la crise.

    Les travailleurs payent la facture

    De nombreuses contributions ont illustré à quel point les dirigeants ne sont pas parvenus à protéger les travailleurs et les pauvres. Par exemple, depuis le début de la crise, les plans de relance aux États-Unis ont empêché un million de pertes d’emplois, mais huit millions d’autres emplois ont été perdus depuis 2007. Dans les pays de l’OCDE, c’est 17 millions de travailleurs qui ont été virés des usines. On ne tient pas compte ici des travailleurs qui subissent le travail temporaire et/ou précaire, ce qu’on a commencé à appeler aux États-Unis des “jobs de survie”.

    À la grand’ messe du G20 à Toronto, il y a eu un accord général pour cesser l’intervention politique et financière et les plans de relance, et pour passer à des plans d’austérité, destinés à satisfaire les marchés. Il n’y a pas une confiance totale dans cette politique, qui a eu pour conséquence des coupes énormes dans de nombreux pays, suscitant déjà la colère et l’action de la classe ouvrière.

    Mais la colère, la frustration et l’opposition n’ont pas encore trouvé une expression dans la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière. Ce facteur représente un grand obstacle dans la lutte. Comme le document sur les relations mondiales l’a fait remarquer : ‘‘S’il existait des partis de masse de la classe ouvrière – même à l’image des partis ouvrier-bourgeois du passé – alors, en toute probabilité, les idées réformistes de gauche, centristes et révolutionnaires seraient en ce moment en train d’être largement discutées dans la société, et en particulier dans les rangs du mouvement ouvrier organisé.’’

    La Chine

    Un aspect important de la discussion a été le rôle de l’énorme plan de relance en Chine. Celui-ci a été combiné à une expansion massive du crédit, principalement de la part des banques d’État. L’investissement dans la construction de routes, de bâtiments et d’autres projets d’infrastructure a été une tentative de focaliser les mesures d’incitation sur la hausse de la demande intérieure.

    Un impact très important de ce plan a été de donner aux travailleurs la confiance de lutter. L’année 2010 a vu une nouvelle vague de grèves balayer la Chine, d’une nature en grande partie offensive, dans le but d’obtenir de meilleurs salaires. Les travailleurs ont vu l’économie s’accroitre, et en ont réclamé leur part. La croissance de ce mouvement et son développement va être crucial dans le développement de la lutte des travailleurs partout dans le monde.

    Dans sa réponse lors de la discussion, Robert, du Secrétariat International du CIO, a souligné les questions importantes qui sont posées : quel est l’attitude de ces travailleurs par rapport à la lutte pour les droits démocratiques, et syndicaux, par rapport aux syndicats officiels, à l’État et au gouvernement ?

    Toutefois, la discussion a bien clarifié le fait que les conséquences du plan de relance en Chine se sont fait ressentir dans de nombreux domaines. La croissance économique dans toute une série de pays, tel qu’en Allemagne, est liée au plan de relance chinois.

    Anthony, d’Australie, a expliqué le fait qu’une des raisons pour lesquelles l’économie australienne est jusqu’à présent parvenue à éviter les pires effets de la crise qui a touché les autres pays est la force du secteur minier et l’exportation massive de matières premières vers la Chine. Tout ralentissement de la croissance de l’économie chinoise aurait des répercussions désastreuses.

    Après être sortis de 30 ans de guerre civile, la classe ouvrière et les pauvres du Sri Lanka sont confrontés aux conditions les plus difficiles. Siritunga, du Sri Lanka, qui a passé la moitié de sa vie dans cette guerre, a décrit comment les “retombées de la paix” tant promises ne se sont absolument pas concrétisées. Au lieu de cela, le budget de 2010 a vu une hausse des dépenses militaires, qui constituent maintenant près du quart des dépenses de l’État, ce qui illustre la montée de la répression employée par le régime Rajapakse.

    Les puissances régionales, telles que l’Inde et la Chine qui ont soutenu l’effort de guerre, continuent à intervenir au Sri Lanka dans leur propres intérêts économiques et stratégiques, sans que cela ne profite le moins du monde aux populations laborieuses de la région.

    Toute une série de personnes ont pris la parole au sujet de la lutte d’influence entre les États-Unis et la Chine, en particulier dans certaines régions comme l’Asie-Pacifique.

    Derrière les statistiques qui montrent une croissance économique, la Chine est en train d’exporter son modèle de production basé sur la surexploitation de la main d’œuvre, avec des bas salaires et sans aucun droit syndical ou autre pour le personnel.

    André du Brésil et Patricio du Chili ont tous les deux expliqué comment l’exportation de matières premières vers la Chine a eu un effet d’amortir la crise économique mondiale dans toute une série de pays d’Amérique latine. Au Brésil, un processus de “reprimairisation” de l’économie est en cours (un développement du rôle de la place de l’extraction de matières premières), avec une désindustrialisation de plus en plus grande. Si cette tendance venait à se confirmer, elle sera accompagnée d’attaques sur les droits des travailleurs, d’une dégradation de l’environnement, et de traitements horribles pour les peuples indigènes.

    Des mouvements de masse

    Lors des précédents Congrès du CIO, au début des années ′2000, c’était le processus révolutionnaire en cours en Amérique latine qui se trouvait à l’avant-plan de la lutte. Tandis que ce processus s’est pour le moment temporairement ralenti, c’est la classe ouvrière européenne qui est aujourd’hui entrée en action.

    Là, même en l’absence de leurs propres partis de masse ou même semi-de masse, les travailleurs ont entrepris une action extrêmement audacieuse, et développent d’instinct leurs propres revendications. Andros de Grèce a expliqué comment l’expérience du mouvement de masse en Grèce a mené à ce qu’aujourd’hui, un Grec sur deux est en faveur de la nationalisation des banques, et un sur trois est pour le non-payement de la dette de l’État, pour laquelle on demande à la classe ouvrière de payer la facture. De telles idées ont été capables de se développer même sans que la plupart des partis d’une certaine taille ne les aient mises en avant, à l’exception de la section grecque du CIO, Xekinima.

    Rob de Russie a décrit le massacre affligeant des services publics, des salaires et des pensions qui s’est produit à travers toute l’Europe de l’Est. Dans toute une série de pays, les mouvements de protestation ont été énormes, avec par exemple le mouvement de masse dans les rues de la Lettonie qui a fait tomber le gouvernement. Mais en l’absence de tout parti ouvrier capable de prendre le pouvoir, c’est tout simplement une autre version de l’ancien gouvernement qui a été mise en place.

    La présence du CIO au Kazakhstan signifie qu’il existe le potentiel pour construire un nouveau parti des travailleurs de masse. La campagne ‘Kazakhstan 2012’, dans laquelle sont actifs les membres du CIO, a lancé plusieurs campagnes visant à défendre la population contre les expulsions de domicile, et à construire des syndicats indépendants. Elle se déclare en faveur de la ‘‘renationalisation de tout ce qui a été privatisé, sous le contrôle des travailleurs.’’ 2012 sera la date des prochaines élections présidentielles, où l’on espère que le régime répressif au pouvoir en ce moment sera remplacé. Un nouveau centre syndical y a aussi été récemment fondé.

    Le Moyen-Orient

    Les dernières fuites organisées par Wikileaks ont brutalement mis au grand jour les frictions qui existent entre les différents régimes du Moyen-Orient, comme le CIO l’avait fait remarquer auparavant.

    Yasha d’Israël a expliqué que les derniers documents suggèrent le fait que le régime israélien est sérieusement en train de se préparer à une attaque contre l’Iran, même si ce scénario est improbable. Robert a décrit comment l’intervention américaine en Irak a mené au renforcement du rôle régional de l’Iran. Mais le régime iranien n’est pas stable, comme l’a bien montré le mouvement de 2009.

    La classe ouvrière égyptienne a trouvé sa force dans le nombre de luttes qui se sont déroulées au cours des dernières années. Le taux de participation de 15% à peine lors des dernières élections montre à quel point aucun des partis politiques ne parvient à susciter le moindre enthousiasme parmi les travailleurs et les jeunes. Mais comme l’a fait remarquer Igor de Russie, une fois qu’un mouvement va commencer à se développer contre le régime détesté de Moubarak, la classe ouvrière pourrait jouer un rôle très important.

    Avec la “contagion” de la crise économique qui s’étend à partir de la Grèce jusqu’en Irlande, et maintenant potentiellement à l’Espagne, au Portugal, à la Belgique et au Royaume-Uni, c’est la question de la survie même de l’euro qui est posée.

    Illustrant les tours de passe-passe financiers qui ont conduit à la crise économique, Robin d’Angleterre a décrit comment la valeur notionnelle de tous les “dérivatifs” est équivalente à onze fois la valeur de production annuelle mondiale ! Il a expliqué que la crise économique mondiale en cours en ce moment n’est pas juste une crise cyclique faisant partie du cycle normal de croissance et décroissance du système capitaliste, mais que c’est une crise basée sur l’absence de demande. Les plans d’austérité massifs ont réduit le pouvoir d’achat des travailleurs.

    Aron d’Allemagne a fait une contribution au sujet de la tendance vers des mesures protectionnistes, dans la lutte pour une plus grande part du marché mondial. C’est là la trame de fond derrière la “guerre des devises” qui se déroule en ce moment. Les États-Unis ont lancé un autre tour massif de “facilitation quantitative” (c’est à dire, la création d’argent à partir de rien) et tentent d’inonder le monde de dollars afin d’améliorer leurs opportunités d’exportation. Paraphrasant un politicien américain, Aron a résumé ainsi l’attitude de l’administration américaine : ‘‘C’est notre monnaie, mais c’est votre problème’’.

    Cependant, les États-Unis ne peuvent pas simplement claquer des doigts et s’attendre à ce que le reste du monde accoure se mettre en rang. Peter a expliqué que l’État chinois est loin de se porter volontaire pour prendre les coups, et a exprimé la menace comme quoi si la Chine devait réévaluer sa monnaie, le monde assisterait à la fermeture de 40 millions d’usines chinoises, ce qui pourrait entrainer un mouvement de masse de la classe ouvrière chinoise, une perspective qui suscite des sueurs froides chez les gouvernements de tous les pays.

    Les conflits

    Mais la guerre des monnaies n’est pas le seul conflit qui menace le monde. La friction entre les Corées du Nord et du Sud pourrait se développer. L’Irak est une plaie béante et Judy d’Angleterre a montré que la guerre d’Afghanistan, qui est maintenant perçu comme la guerre d’Obama, est impossible à remporter pour l’impérialisme.

    Ceci sape le soutien en faveur d’Obama mais, comme Philip des États-Unis l’a dit, ce n’est pas le seul facteur de mécontentement : il y a aussi la colère croissante de la classe ouvrière et de la classe moyenne face au chômage, aux expulsions de domicile, et à d’autres effets de la crise sur leur vie de tous les jours.

    Sur base de cette expérience, c’est un sentiment anti-establishment qui a dominé les élections de novembre aux États-Unis. Le Tea Party, qui cherche à se faire passer comme l’alternative au statut quo tout en étant en réalité lié à des personnes telles que les dirigeants de la chaine Fox News, chaine droitière et pro-capitaliste, pourrait bien tirer profit de ce sentiment et de l’absence d’une alternative ouvrière de gauche. Toutefois, un sondage a révélé la nécessité urgente et le potentiel pour un tel parti, puisque plus de la moitié des personnes qui y ont répondu déclaraient avoir une mauvaise image du Parti démocrate tout comme du Parti républicain. En fait, le Tea Party a lui-même provoqué deux contre-manifestations à Washington.

    La riposte de la jeunesse

    Ty, des États-Unis, a décrit les batailles héroïques qui se sont déroulées dans le secteur de l’éducation. Des étudiants, des enseignants et des parents se sont organisés contre les coupes budgétaires et contre les attaques brutales contenues dans le programme scolaire Charter.

    Même alors qu’ils sont en train de mettre en place des plans de relance pour les grandes boites, les gouvernements vont tenter de forcer leur agenda néolibéral qui consiste à reprendre l’ensemble des précédents acquis de la classe ouvrière, tels que l’éducation, la santé et les pensions.

    Mais l’action estudiantine aux États-Unis n’est qu’un exemple parmi une nouvelle vague de mouvements de la jeunesse qui est en train de se développer. Vincent de Hong Kong a raconté comment 2.000 étudiants chinois ont démoli la cafétéria privatisée de leur campus lors d’une bataille autour de l’augmentation du prix des bouteilles d’eau. Au Royaume-Uni, les étudiants et les lycéens sont en marche en ce moment-même. En Grèce, en Malaisie, en Italie et en Irlande, les étudiants se battent pour leur avenir.

    Au Nigéria, où l’âge moyen est de 19 ans, la lutte pour l’avenir fait partie de la vie de tous les jours. Segun du Nigéria a dépeint l’horreur de la vie des travailleurs sous le capitalisme dans le monde néocolonial. Toutes les promesses rompues en terme de route, d’écoles, etc. a mené certains vieux travailleurs à commencer à penser que la vie était peut-être meilleure du temps de la colonie. Il a décrit à quel point la privatisation et la soif de profit peuvent devenir extrêmes, avec l’exemple d’une route privatisée de 6 km mais qui compte trois péages !

    Cependant, la classe ouvrière a montré sa force potentielle dans les huit fantastiques grèves générales de la dernière décennie. Le défi est maintenant de mobiliser ce potentiel dans une lutte pour changer la société.

    La crise environnementale

    La crise du changement climatique et la destruction de l’environnement ne sont qu’une des nombreuses preuves qui toutes démontrent à quel point l’idée du capitalisme en tant que système progressiste a été discréditée. Bart de Belgique a proposé des mots d’ordre qui puissent trancher à travers le scepticisme qui peut se développer face à des mesures soi-disant “vertes” telles que les taxes environnementales. Les socialistes doivent lier ce problème à celui de la crise générale, en remettant en question le droit à la propriété privée de la recherche scientifique, et avec des revendications telles que des emplois écologiques et la reconversion des usines.

    La discussion a bien confirmé que le sentiment et la compréhension de la classe ouvrière, de la jeunesse et de certaines couches de la classe moyenne est en train de changer et d’évoluer à travers l’expérience de la crise économique, politique et sociale, et surtout l’expérience des luttes émergentes.

    Le sentiment parmi les travailleurs et la jeunesse

    Les sentiments anti-banquiers, anti-establishment et anti-politiciens sont très vivaces. Sascha d’Allemagne a expliqué qu’il y a un potentiel pour un développement très rapide de ce sentiment, et que parmi certaines couches, il a acquis un caractère anticapitaliste plus prononcé. Au fur et à mesure que s’accentue l’expérience de la pire crise depuis les années ′30 et que pleuvent les coupes budgétaires qui s’abattent sur la classe ouvrière, il va y avoir une mise en question de plus en plus grande de la manière dont ces coupes peuvent être combattues et de quelle est l’alternative.

    Mais cela ne veut pas dire que les attaques violentes sur le niveau de vie vont automatiquement conduire à une plus grande volonté de se battre et une plus grande ouverture aux idées socialistes. Il peut y avoir un effet d’hébétement sous le choc de la crise, comme on l’a vu en Grèce au début de la crise. La question de la direction de la classe ouvrière va également jouer un rôle dans l’évolution d’une conscience combative et socialiste.

    Ce qui est propre à cette situation, c’est le potentiel qu’a la classe ouvrière d’infliger des défaites aux gouvernements, divisés et hésitants. Des revirements soudains de tactique de la part de la bourgeoisie peuvent se produire. Tout en essayant de forcer la mise en œuvre de leur agenda néolibéral, ils peuvent passer en un tour de main de la hache de l’austérité à la planche à billets virtuelle afin de se lancer dans de nouveaux plans de relance. Lynn a souligné le fait que toute une série d’économistes qui naguère prêchaient le monétarisme sont maintenant en train d’appeler à de nouvelles mesures de relance.

    Kevin d’Irlande a décrit la situation du sud de l’Irlande comme étant “en gestation d’une révolte”, et la discussion a amené à la conclusion que, en ce qui concerne l’Irlande comme en ce qui concerne les relations mondiales, nous sommes véritablement entrés dans une période différente.

  • Nous ne voulons pas payer leur crise: Pour un plan d’action vers une grève générale

    Partout en Europe, les gouvernements lancent un assaut frontal contre le niveau de vie des travailleurs et de leurs familles. En Belgique, nous sommes encore en retrait de ce processus, surtout parce que notre pays a pu profiter d’une croissance limitée dans le sillage de l’Allemagne. Mais cela aura une fin, la crise frappera à nouveau impitoyablement, et le prochain gouvernement procèdera à l’élaboration d’un programme d’austérité.

    Par Geert Cool

    Pour les capitalistes et les grands banquiers, la crise est déjà passée, ils renouent à nouveau avec les profits en faisant supporter le poids de la crise par la collectivité. Cette logique est faite d’attaques contre les acquis du mouvement ouvrier. En bref, nos conditions de vie, de travail, nos salaires, nos services publics,… sont sous pression alors que les riches n’ont jamais été aussi riches !

    Dans les différents pays européens, il est nécessaire de résister aux plans d’austérité et de renforcer la lutte. Ces derniers mois, plusieurs grandes mobilisations se sont déroulées (voir cadres). Mais ces protestations ne suffisent pas encore à faire émerger une autre politique que celle des patrons. Il est important que le mouvement ouvrier prenne sa lutte en mains, tant sur le plan syndical que politique. Nous avons besoin de syndicats combatifs et démocratiques, de même que de notre propre instrument politique afin de briser l’omniprésence de partis qui sont tous favorables aux plans d’austérité.

    L’establishment tout entier s’accorde à vouloir nous faire payer la crise. Cela, nous ne l’acceptons pas et nous voulons construire un rapport de forces pour non seulement contester la logique actuelle des partis traditionnels, mais aussi la stopper. La journée d’action européenne du 29 septembre dernier était un bon premier pas en ce sens, mais hélas sans une suite de la même ampleur. La mobilisation pour la nouvelle journée d’action de la Confédération Européenne des Syndicats du 15 décembre était considérablement plus limitée.

    Manifester de temps à autre ne suffira pas. Nous avons besoin d’un plan d’action démocratiquement élaboré pour aller en direction d’une grève générale de 24 heures organisée à l’échelle européenne. Cela toucherait les capitalistes là où cela leur fait mal: au portefeuille ! Faire grève partout en Europe renforcerait la résistance au niveau national et pourrait compter sur une grande solidarité. Qu’attendent encore les syndicats pour lancer un tel mot d’ordre lors de la journée d’action du 15 décembre ?

    La politique d’austérité va à l’encontre des intérêts de la majorité de la population. Cette majorité doit commencer à prendre les choses en main. Lorsqu’une telle chose se produit, les possibilités d’obtenir de véritables changements deviennent réelles. En organisant notre lutte et en l’orientant vers le renversement de ce système capitalisme en faillite totale, nous pourrons construire cette alternative socialiste qui nous est tellement nécessaire !


    Grande-Bretagne. Plus de 50.000 étudiants dans les rues le 9 novembre dernier contre le triplement des frais d’inscription à 9.000 £ (10.500 euros).

    Irlande. Début novembre, plus de 30.000 étudiants ont manifesté à Dublin contre le doublement des frais d’inscription (dorénavant jusqu’à 3.000 euros par an).

    France. Deuxième partie de 2010, 8 journées d’actions se sont déjà déroulées, avec de très grandes manifestations contre la réforme des pensions du gouvernement de Sarkozy. 70% des Français se sont dit solidaires du mouvement. A suivre…

    Portugal. 50.000 manifestants à Lisbonne et 20.000 à Porto le 29 septembre. Grève générale le 24 novembre.

    Allemagne. Quatre mobilisations en 10 jours à Stuttgart, en réaction à un projet de prestige local. La manifestation du 9 octobre comptait 150.000 participants, dans une ville de 600.000 habitants.

    Belgique. 100.000 manifestants lors de la journée d’action européenne du 29 septembre, avec de grandes délégations issues de France et d’Allemagne.

    Grèce. Six grèves générales en moins d’un an, suivies de mobilisations dans presque tous les secteurs. Une nouvelle grève générale se prépare pour le 15 décembre.

    Italie. Plus de 500.000 manifestants le 16 octobre à Rome, suite à un appel de la FIOM, le syndicat combatif des métallos.

    Espagne. Dix millions de grévistes et 1,4 millions de manifestants le 29 septembre.

  • “La paix soit avec vous ma sœur”, ou le récit d’un terroriste occidental

    Le livre de Chris De Stoop «Elles sont si gentilles monsieur» concernant la traite des être humains était bouleversant. Son dernier livre, «La paix soit avec vous ma sœur» (Vrede zij met u zuster, non encore traduit), l’est tout autant. Le récit raconte le road trip de Muriel Degauque, une jeune fille du Hainaut qui part pour Fallujah, en Irak, afin de commettre un attentat suicide.

    Muriel a grandi dans la détresse du Hainaut et, après quelques pérégrinations, elle trouve «l’islam» comme alternative, et se donne entièrement à cette religion, ou du moins à l’interprétation spécifique qu’elle lui a donnée. Dans le petit cercle des islamistes radicaux de Saint-Josse (à Bruxelles), après les attentats du 11 septembre 2001 et les guerres en Afghanistan et en Irak, elle est touchée par cette radicalisation. Le livre de Chris De Stoop donne parle aussi de jeunes bruxellois qui partent vers la Syrie afin d’aller lutter en Iraq. Ils arrivent dans le réseau d’Aboe Mazen, surtout intéressé par une femme. Alors qu’en Syrie les hommes doivent attendre un mort de martyre, leurs amis en Belgique doivent leur verser de l’argent et aller au chômage pour la plupart. Ici, toutes les personnes d’origine étrangère sont mises dans le même sac par les autorités. De Stoop ne fait que constater, il laisse au lecteur d’être choqué par l’abus, par le racisme sous-jacent ou par les deux.

    Muriel et son homme, Issam, prennent leur voiture, une Mercedes blanche, et partent vers l’Irak. Ils traversent l’Italie, prennent le bateau vers la Turquie et se dirigent ensuite vers la Syrie. De là, ils partent vers l’Irak. Ils espèrent y mourir et pouvoir ensuite atteindre le paradis. Muriel meurt finalement, dans un attentat suicide avec la Mercedes dont elle est l’unique victime.

    Ce livre est peu politique mais avec ce récit d’une terroriste belge, il donne une meilleure image d’un petit groupe qui se radicalise et est totalement séparé d’une société qui n’a pas pu lui offrir d’avenir. La traduction de ce livre en français devrait arriver sous peu.

  • [DOSSIER] Les grèves générales à nouveau à l’ordre du jour

    Ces dernières années ont véritablement été explosives pour le capitalisme mondial. On aurait bien peine maintenant à trouver un pays ou une région que l’on pourrait considérer comme stable, sous l’onde de choc de la crise et de ses répercussions : licenciements, développement d’un chômage de masse, coupes budgétaires,… mais aussi riposte des travailleurs. Et dans ce contexte réapparait aujourd’hui une des plus formidables armes de la classe des travailleurs : la grève générale.

    Dossier tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61

    Dans les médias, quand on parle de mai ’68, on remarque régulièrement que cette révolte est réduite à un mouvement d’étudiants contestataires, plus intéressés par l’accès au dortoir du sexe opposé qu’à une réelle transformation de la société. Cette propagande cherche en fait à masquer la grève générale numériquement la plus grande de toute l’Histoire de l’humanité, avec quelques 10 millions de grévistes dans tout le pays (sur une population totale de 42 millions). Pourtant, quand on parle de la "grève du siècle", on se réfère à quelque chose d’autre ; la grève de l’hiver 1960-61 qui s’est déroulée en Belgique et a bloqué le pays entier cinq semaines durant.

    Laissons ici la parole à Gustave Dache, militant ouvrier qui a connu cette grève et y a récemment consacré un livre que nous publions et sur lequel nous reviendrons :

    "Ce combat, pour tous ceux qui y ont participé, est inoubliable. C’est la grève générale du ‘siècle’, la plus gigantesque qui ait été menée par les travailleurs de tout le pays. Cinq semaines de grève générale totale dans tous les secteurs, en plein hiver; il n’y a pas de précédent dans l’histoire du pays."

    "[Cette grève générale a été] l’extraordinaire démonstration de la puissante force de combat déployée par la classe ouvrière, renouant avec les traditions révolutionnaires capables de renverser la société capitaliste. Le fait qu’en 1960 et 1961, les travailleurs furent si proches de réussir dans leur tentative doit inciter tous les marxistes révolutionnaires à continuer la lutte et à répéter inlassablement ce qu’ils disent depuis longtemps que: les conditions historiques sont mûres pour la révolution socialiste. Ce qui manque cruellement aujourd’hui comme hier, c’est une direction véritablement marxiste révolutionnaire, audacieuse, prenant exemple et s’appuyant sur l’audace et la volonté de combat des masses en action dans les grands conflits de classe."

    ‘‘La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61’’, par Gustave Dache, éditions marxisme.be, 354 pages, 15 euros Passez commande au 02/345.61.81 ou par mail à redaction@socialisme.be.

    L’année 2009 a notamment été marquée par la grève générale dans les Antilles françaises, initiée en Guadeloupe et, en Grèce, uniquement au cours de la première partie de cette année, 6 grèves générales se sont déroulées. On peut encore parler de la grève générale espagnole du 29 septembre et, dans les pays où il n’est pas encore question d’en organiser une dans l’immédiat, les discussions se développent avec plus ou moins d’ampleur autour de ce fantastique instrument de lutte.

    Pour l’instant, parmi la classe des travailleurs, il n’existe pas encore de conscience large de la nécessité de se diriger vers une société socialiste, où la production est orientée vers les besoins de la majorité de la population et non vers l’avidité d’une élite de parasites. Elle n’existe même pas encore dans un sens plus vague et plus large tel que rencontré dans les années 1970 et 1980. Si la colère est grandissante et que se développe le désir d’aller vers ‘autre chose’, les gens ne savent en général pas encore vraiment ce à quoi cette ‘autre chose’ peut se rapporter. Cela a bien entendu un impact sur la signification des grèves générales qui sont aujourd’hui plutôt vues comme une forme de protestation, de pression ou de menace, mais pas encore comme un moyen de renverser le capitalisme.

    Evolution de la conscience des masses et grève générale

    Mais il ne faut pas perdre de vue que l’Histoire n’évolue pas toujours au même rythme, de façon linéaire. Elle est au contraire parcourue de soubresauts. Parfois, le mouvement des travailleurs semble ne pas évoluer des décennies durant jusqu’à ce que, poussé par des luttes et l’intervention consciente des militants marxistes, il peut bien vite – en quelques semaines, parfois même en quelques jours – rattraper le retard sur la situation politique réelle. Actuellement, en Grèce, 41% de la population est en faveur de la nationalisation des banques et 32% défendent l’annulation des dettes. Mais, à côté des quelques centaines de membres du Comité pour une Internationale Ouvrière sur place, aucune force ou parti n’est partisan de ces revendications, pas même Syriza (un parti plus large dans lequel la section grecque du CIO est active). Nous devons bien entendu tenir compte de la conscience existante parmi les masses, mais cela ne signifie en aucun cas que nous devons tout simplement refléter cette conscience. Nous devons trouver les moyens de faire graduellement émerger – pas à pas et en partant des besoins actuels – l’idée de la transformation socialiste de la société comme étant la seule issue possible.

    Les grèves générales ne sont pas partout à l’ordre du jour. Parfois, il est nécessaire de d’abord promouvoir l’idée d’une manifestation nationale en tant qu’étape vers une grève générale. Telle est la situation actuelle en Grande-Bretagne, en Belgique et dans un certain nombre de pays de l’Europe du Nord. En Grèce, les six grèves générales de la première partie de cette année ont illustré l’énorme colère présente dans le pays, mais également l’attitude des dirigeants syndicaux, qui ne vont pas assez loin. L’idée de comités de grève pour organiser la grève ne trouve pas encore d’écho. Au vu de la conscience existante actuellement parmi les masses, appeler à une grève à durée indéterminée serait prématuré, un tel appel serait erroné. Comme Friedrich Engels le disait : une grève générale est une arme très puissante avec laquelle il faut être prudent. Léon Trotsky, lui, remarquait que l’improvisation était inacceptable dans l’organisation d’une grève générale, surtout dans une grève à durée indéterminée qui, par définition, soulève la question de la gestion de la société. Pour l’instant, en Grèce, nous défendons la nécessité de grèves successives, par secteur ou par région, combinée avec des grèves générales de 48 heures. Cela pourrait stopper la société grecque sans perte de salaires des travailleurs.

    En Belgique, lors de la grande grève générale de l’hiver 1960-1961, des comités de lutte avaient paralysé la vie de la société civile. Ces comités sont le début d’une nouvelle organisation, avec des éléments qui font émerger une autre gestion de la société. En 60-61, ces comités avaient pris en charge l’organisation des permis de transport, l’organisation de la distribution alimentaire ou médicale,… Dans une telle situation, la bourgeoisie perd progressivement son contrôle et se pose alors la question de savoir qui contrôle la société. C’était un phénomène régulièrement présent dans les grèves générales du passé. La bourgeoisie et les dirigeants syndicaux étaient très inquiets de tels développements. Pendant la grève générale de 1926 en Grande Bretagne, un politicien conservateur (les Tories) avait ainsi déclaré aux dirigeants syndicaux que, s’ils continuaient la grève, ils deviendraient plus puissants que l’État lui-même. Il leur posait donc la question : "Est-ce que vous-êtes prêts à cela ?"

    Le rôle crucial d’une direction

    Le capitalisme est un système trop brutal pour que le mouvement des travailleurs et leurs partis soient découragés de prendre le pouvoir. En mai de cette année, au Népal, les maoïstes ont organisé une grève générale de six jours avec des manifestations de masse rassemblant jusqu’à 500.000 participants. La revendication centrale était la démission du premier ministre. Après six jours, la grève a été stoppée, sans résultat. Une grève générale ne peut pas être allumée et éteinte sans que cela ne conduise à la démoralisation. Une grève générale à durée indéterminée pose la question du pouvoir mais, en soi, elle est insuffisante pour prendre le pouvoir. Pour cela, il faut un parti révolutionnaire prêt à jouer ce rôle, et construire cet instrument exige du temps et des sacrifices. A plusieurs reprises au cours du 20e siècle, la classe ouvrière a dû faire face à ce problème, comme lors de la grève générale de 1909 en Suède, où pas moins de 500.000 comités de grève ont été constitués, jusque dans l’armée elle-même. Mais la trahison de la direction a conduit la grève à la défaite, après quoi les salaires et le taux de syndicalisation ont baissé tandis que des assainissements sévères étaient appliqués.

    Cela ne signifie nullement que nous voulons appeler à la grève générale uniquement si nous sommes certains de son issue et de sa victoire, nous ne pourrons en fait jamais l’être. En outre, si le mouvement ouvrier ne se met pas en lutte quand la situation l’exige, les défaites sont encore plus graves. Mais un parti capable d’expliquer d’où provient la défaite peut limiter les dégâts et poser la base de futurs succès. La révolution russe de 1905 a forcé le Tsar à faire des concessions, mais elle a été suivie d’une longue vague de répression. Les bolcheviks et la majorité des militants du mouvement ouvrier ont été forgés dans cette répression et ont acquis une expérience cruciale avec la formation des conseils des travailleurs (ou soviets en russe), à la base de la révolution réussie qui s’est déroulée dans la période de février à octobre 1917.

    Une grève générale n’est cependant pas un outil approprié en toutes circonstances pour le mouvement ouvrier. En Allemagne, en mars 1920, la tentative de coup d’Etat des monarchistes (le putsch de Kapp) a été bloquée par une grève générale de quatre jours. Mais lorsqu’en Russie le général Kornilov s’est lui-aussi hasardé dans une tentative de coup d’Etat militaire en août 1917, personne n’a appelé à la grève générale. Les troupes de Kornilov s’étaient progressivement affaiblies jusqu’à s’effondrer avant même de parvenir aux portes de Petrograd, la capitale du pays et le centre de la révolution. Cela n’a été rendu possible que par les nombreux actes de sabotage, par la propagande révolutionnaire et par la perspective d’une confrontation avec les milices des soviets qui organisaient la défense de Petrograd sous l’impulsion des bolcheviks.

    Lors de la grève générale grecque la plus récente, le taux de participation aux manifestations était plus bas à cause de la grève des transports publics ce qui illustre que, parfois, il vaut mieux organiser du transport gratuit pour les grandes concentrations des travailleurs. Mais en ce moment, les dirigeants syndicaux recourent aux grèves générales comme un moyen de se défouler, sans plus. Cela est particulièrement le cas en Europe du sud, comme avec les grèves générales de 4 heures en Italie par exemple. En 1972, les dockers britanniques ont été arrêtés pour avoir participé à une grève. La pression sur la direction syndicale du TUC (Trade Union Congress) pour organiser une grève générale en réponse était très forte et cet appel est finalement venu, mais seulement après un accord entre la direction syndicale et le gouvernement pour libérer les dockers.

    Construire la grève générale

    Grève générale et socialisme

    Chaque grève recèle en elle la contestation d’une parcelle du pouvoir capitaliste. Un piquet de grève, par exemple, peut contester au patron le pouvoir de faire entrer qui il veut dans “son” entreprise, de même qu’il remet en question l’idée que seuls le fait de travailler pour un patron et l’acceptation quotidienne de l’exploitation permettent de vivre. Qu’une grève prenne de l’ampleur (d’une grève démarrant dans une entreprise vers une grève locale ou nationale, durant plusieurs jours,…) et la force de cette contestation augmente d’autant, jusqu’à poser la question cruciale : qui est le maître à l’usine, dans l’économie et dans l’Etat : les travailleurs ou les patrons et actionnaires ?

    Il ne s’agit pas seulement ici de préparer l’affrontement contre la société capitaliste, une nouvelle société est en germe dans ces luttes. Au fur et à mesure de l’approfondissement d’un tel conflit social, les tâches des comités de grève se développent pour arriver véritablement à une situation de double pouvoir, une situation où, à côté de l’Etat capitaliste, surgit un embryon de nouvel Etat basé sur la coordination des assemblées de travailleurs et leur action. C’est de ce dernier que pourra naître une société enfin débarrassée de l’exploitation et de l’oppression, une société socialiste démocratiquement planifiée et basée sur l’auto-organisation des travailleurs et de la population.

    [/box]

    Les grèves générales sont aujourd’hui plus à l’ordre du jour que durant les 20 dernières années, mais nous portons encore beaucoup d’éléments typiques de la période précédente. La classe ouvrière ne considère pas encore que la grève générale est un moyen de prendre le pouvoir, mais plutôt un outil pour stopper les attaques contre les acquis sociaux. Mais, de l’autre côté, la bourgeoisie ne peut pas se permettre d’arrêter les attaques. Vu le niveau de conscience actuel, dans un certain nombre de pays et notamment en Grande-Bretagne, en Suède, en Allemagne et, jusqu’à un certain point, en Belgique également, il nous faut faire quelques pas intermédiaires. Une grève générale dans les services publics peut par exemple renforcer la confiance de toute la classe ouvrière et l’idée d’une grève générale européenne est un point crucial dans notre propagande depuis le mois de septembre. Dans le sud de l’Europe, cette grève européenne va déjà se manifester le 29 septembre, avec une grève générale en Espagne et des grèves dans d’autres pays. Au nord, surtout dans le cadre de la manifestation européenne contre les assainissements du 29 septembre à Bruxelles, cette revendication fait partie de notre propagande générale. A ces occasions, il est essentiel de lier cette demande à la nécessité d’une transformation socialiste de la société.

    La situation en Grèce conduit inévitablement à l’escalade. Nous ne pouvons pas encore déterminer quand, mais la crise du capitalisme va obliger le patronat à lancer une attaque généralisée contre tous les acquis des travailleurs. Au fil du temps, des grèves générales prendront un caractère révolutionnaire. Cela exige quatre conditions. La classe ouvrière doit se révolter contre le capitalisme, les couches moyennes dans la société doivent douter et – partiellement au moins – choisir le camp des travailleurs et la bourgeoisie doit être divisée au vu du manque de moyens pour sortir de la crise. Ces trois conditions ont commencé à mûrir en Grèce. Mais à cette étape la conscience des masses est encore essentiellement au niveau d’une colère contre les banques, le Fond Monétaire International et l’Europe, et pas encore contre le capitalisme lui-même. Malheureusement, la quatrième condition n’est pas encore présente : l’existence d’un parti révolutionnaire de masse capable de canaliser la colère dans une lutte organisée pour le socialisme. Construire cette force pour la phase suivante de la lutte des classes est la tâche principale pour le CIO, tant en Grèce qu’en Belgique et ailleurs.

    Dans sa lutte, la classe des travailleurs a besoin de mots d’ordres qui correspondent aux besoins objectifs du moment. Même un petit groupe peut surmonter sa faiblesse numérique et devenir un facteur dans le mouvement, à condition qu’il lance les mots d’ordre appropriés au bon moment.

  • Avec EGA et les Jeunes en Lutte pour l’emploi : Contre l’austérité et pour l’emploi, le 29 septembre à Bruxelles

    Ce n’est pas aux jeunes et aux travailleurs de payer leur crise !

    La crise du capitalisme frappe de plein fouet les travailleurs et les jeunes. A travers l’Europe, des millions de personnes ont déjà été jetées à la porte de leur entreprise, afin de préserver et d’augmenter les rémunérations d’actionnaires à l’avidité illimitée. Le chômage et la pauvreté s’accroissent et touchent plus fortement les jeunes.

    Tract des Etudiants de Gauche Actifs

    Partout en Europe, les gouvernements ont distribué l’argent public pour sauver les énormes profits des banques. Aujourd’hui, ils veulent que ce soit à nouveau les travailleurs et les jeunes qui en payent les frais en diminuant drastiquement les moyens pour l’enseignement, pour les soins de santé, pour les pensionnés,… une austérité qui provoquera une diminution énorme du niveau de vie alors que le fossé entre riches et pauvres n’a jamais été aussi profond qu’actuellement.

    La Belgique accueille la présidence de l’Union Européenne pour 6 mois. L’UE et le FMI (Fonds Monétaire International) essayent de forcer les Grecs d’accepter un tel sort. Avec déjà 6 grèves générales, les jeunes et les travailleurs sont entrés en résistance. En France, au Portugal, en Espagne, en Allemagne, en Italie,… les protestations se généralisent.

    Flamands, Wallons, Bruxellois ? Nous sommes tous Grecs !

    La Belgique ne sera pas épargnée par le vent de coupes budgétaires qui souffle sur l’Europe. N’importe quel gouvernement sera formé, tous les partis traditionnels sont d’accord, alors qu’ils ont donné 20 milliards d’€ aux banques (qui représentent plus que le budget de l’enseignement secondaire et supérieur), il faudra assainir au moins 22 milliards d’€ sur quatre ans.

    Leurs politiques de tensions communautaires servent à nous diviser et nous affaiblir. La préparation d’une nouvelle réforme de l’Etat doit permettre de nous imposer une politique d’austérité forte non seulement sur le niveau fédéral mais aussi sur celui des régions et des communautés. Les surenchères communautaires, le racisme, le sexisme, l’homophobie, tous les moyens sont bons pour diviser pour mieux régner. le 29 septembre avec les comités Jeunes en Lutte !

    Ce 29 septembre, aura lieu une journée d’action européenne à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats. Des grèves générales et des manifestations prendront place dans plusieurs pays. Cette journée d’action doit constituer le point de départ d’une résistance unifiée des jeunes et des travailleurs à l’échelle européenne. Les jeunes sont appelés à prendre la tête de la grande manifestation européenne de 100.000 personnes qui aura lieu à Bruxelles. Les comités Jeunes en lutte pour l’emploi seront présents. Mobilise autour de toi (tes amis, ta famille, tes camarades de classe, etc.) pour prendre part à cette manifestation avec les Jeunes en lutte.

    Avec EGA et les Jeunes en Lutte pour l’emploi : Marche des Jeunes pour l’emploi à Bruxelles, Charleroi, Liège et Louvain-la-Neuve !

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Calendrier :

    • Marche des Jeunes pour l’emploi à Bruxelles : Jeudi 14 octobre, à 18h, Place Anneessens
    • Les Jeunes en Lutte à l’euro-marche pour l’emploi de Louvain-la-Neuve: Vendredi 15 octobre, 9h30, Place Montesquieu
    • Marche des Jeunes pour l’emploi à Charleroi Jeudi 28 octobre, à 18h
    • Marche des Jeunes pour l’emploi à Liège: Samedi 6 novembre

    Avec EGA:

    • Défendons chaque emploi! Nationalisation des entreprises qui font des licenciements collectifs!
    • Stop aux contrats précaires! Stop à la chasse aux chômeurs!
    • Des emplois décents pour tous avec un salaire minimum de 1500 € net!
    • Partageons l’emploi disponible, 32 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires!

    [/box]

    Marche des Jeunes pour l’emploi ! Les annonces de licenciements se succèd ent et 350 emplois disparaissent chaque jour. Cette année, on dépassera le cap des 750.0 00 chômeurs en Belgique et un jeune sur trois sera au chômage en 2011. Un diplôme d’enseignement supérieur n’offre plus aucune garantie d’obtenir un emploi. Les emplois précaires (intérims, CDD,…) ont servi à mettre les jeunes sous pression quand tout allait bien. Et maintenant, on nous jette à la porte comme des kleenex aux premiers revers économiques, pour continuer à accroitre les profits.

    Soit chacun essaie de trouver des soluti ons individuelles, qui souvent n’existent pas, soit on tente de réagir collectivement. Un programme combatif pour l’emploi des jeunes est nécessaire. Il est tout à fait possible de répartir le travail disponible en diminuant le temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Les moyens existent mais il faut aller les chercher là où ils sont : dans les coffres des patrons des grandes entreprises et des gros actionnaires. Mais pour y arriver, nous allons devoir lutter.

    Les Etudiants de Gauche Actifs (EGA), les Jeunesses Ouvrières Chrétienne (JOC), les Jeunes FGTB et le Parti Socialiste de Lutte ont pris l’initiative de lancer des comités « Jeunes en lutte pour l’emploi » pour organiser des Marches des Jeunes pour l’emploi locales. Des comités Jeunes en lutte pour l’emploi se lancent également dans toutes les universités et dans plusieurs écoles supérieures. Contacte-nous pour participer toi aussi au lancement de ces comités.

    Plus de moyens publics pour l’enseignement : 7% du PIB !

    On nous a donné l’illusion que le néolibéralisme augmenterait le bien-être et la richesse de tous. Mais les finances publiques ont été pillées avec les nombreux cadeaux fiscaux qu’ont reçus les capitalistes. Leurs richesses se sont accrues pendant qu’on délaissait la santé, l’emploi ou encore l’éducation.

    Ainsi, dans l’enseignement le processus de marchandisation (= processus de Bologne) a été couplé à une baisse du financement public de 7% du PIB dans les années ’70 à un sous-financement de 5% alors qu’il y a deux fois plus d’étudiants qu’avant. Conséquences : des conditions d’études qui ne cessent de se détériorer, des auditoires qui débordent, des services sociaux démantelés, un manque de kots bon marché et de qualité, la privatisation de restos entrainant des repas plus chers et de moindre qualité, …

    L’argument des restrictions était le poids de la dette de l’Etat. Les 20 dernières années de sacrifice dans tous les secteurs ont été réduites à néant en quelques mois avec leur plan de sauvetage des banquiers. Comme on l’a déjà vu avec les luttes des étudiants en Autriche et en Allemagne, l’éducation ne sera de nouveau pas épargnée par l’austérité. L’ensemble du secteur bancaire devrait être nationalisé afin de financer les besoins réels: les soins de santé, la recherche, l’enseignement,…

    L’avenir que nous réserve le capitalisme est fait de guerres, de misère, d’exploitation et de désastres écologiques. De bonnes conditions de vie dans un environnement sain, un emploi décent, un enseignement gratuit et de qualité,… sont autant d’aspirations qui se heurtent violement aux limites de ce système basé sur la course aux profits d’une petite élite. Ce n’est pas une fatalité. Pour changer cela, nous devons agir et nous organiser politiquement. Les Etudiants de Gauche Actifs luttent quotidiennement parmi la jeunesse pour en finir avec ce système et pour construire une société harmonieuse où la production est démocratiquement organisée afin de satisfaire les besoins de tous, une société socialiste.

    Rejoins-nous !

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop