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Tag: Israël/Palestine
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Non à la guerre, non au siège de Gaza, non à l’occupation de la Palestine

Aucune paix véritable sans lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et la domination capitaliste
En mai, nous avons assisté avec horreur à l’assaut meurtrier de Gaza par l’État israélien, quatrième puissance militaire au monde. On estime que 242 habitants de Gaza ont été tués en 11 jours. Le spectacle de ces crimes de guerre est devenu trop familier : il s’agit de la quatrième attaque de ce type depuis 2009.
Par Clément (Liège), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste
Si le cessez-le-feu conclu au moment de produire cette édition peut mettre fin au bombardement de Gaza par le gouvernement Netanyahu, l’intervention de la police israélienne autour de la mosquée Al-Aqsa a directement illustré que la violence et le racisme systémique contre les Palestiniens se poursuivront sous d’autres formes.
Durant 11 jours, des centaines de bâtiments ont été détruits, parmi lesquels figurent l’hôpital al-Rimal (l’unique laboratoire Covid de la bande de Gaza) et l’immeuble qui abritait les bureaux de la chaîne Al-Jeezera et de l’Associated press. Des frappes aériennes ont touché le camp de réfugiés surpeuplé d’al-Shati, tuant une dizaine de personnes. De l’autre côté de la clôture, plus de 12 personnes dont plusieurs Palestiniens d’Israël (lesquels représentent environ 20% de la population) et un travailleur migrant indien, ont été tuées par les tirs de roquettes et de missiles antichars.
Nous sommes solidaires des millions de travailleurs ordinaires et de pauvres qui subissent la terreur des bombardements et des tirs de roquettes des deux côtés de la barrière. Nous nous opposons à la politique de terreur d’État menée par le gouvernement israélien. Tout en reconnaissant la disproportion totale entre l’agression d’une enclave sous blocus par une des armées les mieux équipées au monde et les tirs de roquette provenant de la bande de Gaza, ces derniers sont utilisés par le gouvernement de Netanyahu pour renforcer la base de soutien pour sa politique belliqueuse.
L’instabilité politique comme trame de fond
Suite à la chute du précédent gouvernement en raison de son incapacité à adopter un budget pour l’année 2020, des élections anticipées ont eu lieu le 23 mars en Israël. Il s’agit du quatrième scrutin anticipé consécutif en moins de deux ans. 70% des Israéliens pensent qu’il y aura de nouvelles élections anticipées en 2021. Depuis juin 2020, des manifestations régulières ont pris place pour dénoncer la gestion de la crise Covid et ses conséquences et en visant directement le Premier ministre Benjamin Netanyahou, inculpé pour corruption.
En réponse à cette instabilité, le gouvernement intérimaire de Netanyahou appuyé par les grands médias a accentué sa campagne réactionnaire visant à alimenter la fracture nationale et stimuler l’esprit de « citadelle assiégée ». Netanyahu s’est ainsi ouvertement allié au parti kahaniste, un parti d’extrême-droite raciste et violent dont les milices ont champ libre pour mener des raids dans les quartiers palestiniens de Jérusalem. La politique de prétendue « Judaïsation » -un nettoyage ethnique larvé- de Jérusalem-Est a été renforcée avec l’expulsion de familles palestiniennes au profit de colons. Les manifestations de Palestiniens sont systématiquement réprimées avec violence.
La vague réactionnaire suscite une réponse chez les Palestiniens
Le 13 avril, à l’aide de barrages, la police et l’armée eurent l’arrogance de vouloir empêcher les jeunes Palestiniens de se rassembler à la porte de Damas pour socialiser comme ils le font habituellement. Des manifestations quotidiennes rassemblant des milliers de personnes s’organisèrent pendant plus de 10 jours. Devant la ténacité des manifestants, la police fut finalement contrainte de laisser les manifestants retirer ses barrières.
Cette victoire a permis d’augmenter la confiance des jeunes Palestiniens. Après la porte de Damas, c’est le quartier de Cheik Jarrah, où 10 familles étaient menacées d’expulsion, qui est devenu le point focal de la résistance à Jérusalem-Est.
La lutte contre les expulsions dans le quartier y est passée à la vitesse supérieure, se muant en une lutte contre les expulsions de familles palestiniennes pauvres et contre la prise de contrôle du quartier par les colons juifs. Des Palestiniens et Palestiniennes d’Israël et des territoires occupés sont venus manifester, tout en aidant les familles du quartier à organiser les repas de rupture du jeûne. Sous la pression, l’audience de la Cour suprême qui devait statuer sur les expulsions a finalement été ajournée.
Le 7 mai, alors que ces manifestations étaient brutalement réprimées, la police s’est livrée à de nouvelles provocations en tentant d’empêcher des milliers de musulmans de participer aux prières d’une des dernières nuits du ramadan qui rassemblent chaque année des dizaines de milliers fidèles à la mosquée d’al-Aqsa, allant jusqu’à tirer des grenades lacrymogènes dans l’enceinte de la mosquée. À partir de ce moment, les manifestations et les émeutes se sont étendues à d’autres villes : Haïfa, Jaffa, Lydda, Nazareth …
En parallèle, des manifestations de solidarité entre Arabes et Juifs se sont développées sur les lieux de travail et dans les écoles. À Tibériade, les chauffeurs de la compagnie Superbus ont arrêté les bus et les chauffeurs juifs ont accompagné les chauffeurs arabes à leur domicile dans un véhicule privé. Au collège Bezalel, une grève de protestation des étudiants palestiniens a été accueillie par une déclaration de solidarité des professeurs. Le syndicat des travailleurs sociaux a déclaré qu’il “représente tous les travailleurs sociaux en Israël, de toutes les nationalités et religions, et d’une variété de visions du monde. Ce syndicat lutte, agit et appelle à la paix et à la fin de la violence.”
Dans l’ère qui suit le départ de l’administration Trump et de la crise politique en Israël, une nouvelle génération de Palestiniens perd la peur, ose de plus en plus affronter l’establishment israélien. Fondamentalement, il s’agit d’un premier soulèvement pour se libérer de l’oppression nationale et de la dépossession, de la détresse et de la pauvreté. Il porte une expression idéologique générale du nationalisme palestinien, malheureusement sans cibles politiques claires ni organisations majeures.
Les manœuvres militaires préservent le statu quo
Lorsque le Hamas et le Jihad islamique ont décidé de prendre l’initiative et sont intervenus avec des tirs de roquettes « en solidarité » avec le mouvement et contre la répression, le gouvernement de droite israélien s’en est emparé pour reprendre le contrôle des événements par la force militaire. Si la brutalité de l’attaque menée par le régime de Netanyahou souligne la nécessité de soutenir le droit des Palestiniens à protester, à s’organiser et à se défendre y compris par la lutte armée, ces tirs aveugles de roquettes sur la population civile ne défendent en rien les Palestiniens et sont simplement utilisés de manière cynique pour justifier le bain de sang dont le régime de Netanyahou est responsable.
La crise politique et la faiblesse de Netanyahu, qui lutte pour sa survie politique, jouent un rôle clé dans la dynamique de l’escalade militaire. Les manœuvres militaires du régime de Netanyahou n’ont pas pour but de protéger la population israélienne. Affirmer le contraire relève soit de la naïveté, soit de l’escroquerie. Ces manœuvres militaires ont pour but de préserver le statu quo capitaliste d’occupation, de siège, de colonies, de discrimination nationale, de “diviser pour régner” et de pauvreté.
L’unité des travailleurs et l’action politique comme outils de libération
Le déclenchement des opérations militaires israéliennes n’a pas mis fin aux protestations. Outre la manifestation de plus de 10.000 personnes dans la ville de Sakhnin, l’exemple le plus frappant est bien entendu la grève générale des Palestiniens du 18 mai. Malgré les appels de parlementaires d’extrême-droite à traiter les grévistes comme des terroristes et à les licencier, la grève fut largement suivie. Des rues habituellement bondées ont été vidées de leurs passants à cause de la fermeture des magasins. Des centaines de transporteurs routiers se sont mis en grève1. Selon l’Association de la construction d’Israël, seuls 150 de 65.000 ouvriers du bâtiment arabes se sont rendus au travail, causant une perte de 40 millions de dollars. La riposte ne s’est pas fait attendre, des centaines de grévistes ayant déjà reçu des SMS de licenciement de leur employeur.
Les événements exposent la fausse propagande de paix qui a accompagné les accords de normalisation menés par Netanyahu et Trump avec certains oligarques arabes. Ces actions représentent une nouvelle phase dans le soulèvement des Palestiniens. Elles montrent la voie pour construire un rapport de force capable de défaire la droite et l’extrême droite. Dans certaines villes, des comités d’action ont été organisés au cours du mouvement de protestations. Ceux-ci peuvent servir comme base pour organiser l’organisation des manifestations et des grèves et la protection des communautés, mais aussi servir de base à la croissance d’une nouvelle direction politique indépendante et non sectaire qui puisse offrir une alternative à l’impasse stratégique du Hamas et du Fatah, avec une stratégie de libération nationale et d’émancipation sociale comme partie d’un changement socialiste dans la région.

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Les dockers de Gênes, Livourne et Naples s’opposent au transfert d’armes vers Israël
Alternative Socialiste Internationale (ASI), convaincue que la classe ouvrière est la seule force de la société capable d’arrêter les guerres, les massacres et l’oppression, exprime sa solidarité avec les dockers en lutte contre le transfert d’armes vers Israël.Par Giuliano Brunetto Resistenze Internazionali, section italienne d’ASI
Le 14 mai, les travailleurs du Collectif autonome des travailleurs portuaires (CALP), les membres du syndicat de base Usb et l’association internationale Weapon Watch ont appris que des “balles de haute précision” destinées au port israélien d’Ashdod avaient été chargées sur le navire “Asiatic Island”.
Le porte-conteneurs “Asiatic Island”, battant pavillon de Singapour et venant du port de Marseille, avait quitté le port de Haïfa en Israël le 6 mai à destination de Livourne. L’”Asiatic Island” est un navire collecteur, c’est-à-dire, dans le jargon maritime, un navire relativement petit, faisant partie du service régulier de ZIM, la compagnie maritime publique israélienne.
CALP et Weapon Watch ont découvert que le chargement de matériel de guerre avait été effectué sans que le navire n’accoste au port, comme l’exigent les règles de sécurité internationales en matière de chargement de marchandises dangereuses ou explosives.
Les travailleurs du CALP avaient déjà participé à des actions de solidarité internationaliste ces derniers mois, en organisant des grèves et des blocages contre le chargement d’un navire saoudien chargé d’armements lourds destinés à être utilisés dans la guerre au Yémen. Pour cette raison, plusieurs d’entre eux ont fait l’objet d’une enquête du parquet et sont mis en examen par les autorités italiennes.
Dès qu’ils ont appris la nouvelle de l’arrivée de l’Asiatic Island, les dockers du CALP ont immédiatement alerté leurs collègues du port de Livourne, où le navire devait être ravitaillé. Les collègues de Livourne, délégués syndicaux de l’Usb, dont certains sont membres de l’organisation anticapitaliste Potere al Popolo, ont diffusé la nouvelle dans la ville et ont rapidement alerté l’autorité portuaire et la capitainerie, demandant des contrôles urgents à bord du navire.
Manifestant un fort sentiment internationaliste de solidarité contre la guerre, ils ont déclaré une journée de grève en solidarité avec la population palestinienne et pour exiger l’arrêt immédiat des bombardements sur Gaza et la fin de l’expropriation des maisons dans les territoires occupés. Dans un communiqué intitulé “Le port de Livourne n’est pas complice du massacre de la population palestinienne”, ils ont signalé qu’ils ne voulaient pas être complices du massacre perpétré dans les territoires occupés en Palestine. Après Livourne, le navire a fait route vers le port de Naples.
À Naples également, où le navire s’est dirigé le 15 mai, les dockers ont clairement manifesté leur solidarité avec la cause palestinienne. Les membres du syndicat SI Cobas se sont fermement prononcés “contre le rassemblement d’armes qui servent à alimenter les guerres et les profits contre le peuple palestinien qui subit depuis des années une répression impitoyable de la part d’Israël”, déclarant que “nos mains ne seront pas tachées de sang pour vos guerres”.
Ces initiatives des dockers, qui ont eu lieu en même temps que les grandes mobilisations qui ont traversé le pays de Rome à Milan, de Naples à Turin en solidarité avec le peuple palestinien, ont eu un important retentissement international.
En Afrique du Sud, le syndicat SATAWU a organisé une action de protestation contre le chargement de marchandises à destination d’Israël le 21 mai, en se référant explicitement au communiqué rédigé par les travailleurs du port de Livourne. Dans le port d’Oakland, aux États-Unis, des activistes et des militants anti-guerre se mobilisent pour empêcher le chargement d’un autre navire ZIM qui doit accoster dans les prochains jours.
Les initiatives des dockers italiens représentent une continuation des meilleures traditions de la classe ouvrière, elles vont dans la bonne direction et doivent donc être soutenues de manière décisive par toutes les forces de la gauche politique, des syndicats et des associations en Italie et dans le monde.
Alternative Socialiste Internationale, convaincue que la classe ouvrière est la seule force de la société capable d’arrêter les guerres, les massacres et l’oppression, exprime sa proximité et sa solidarité avec les dockers qui ont une fois de plus démontré la force potentielle des travailleurs s’ils sont organisés et en contact les uns avec les autres.
Nous continuerons à soutenir les initiatives internationalistes des courageux dockers italiens qui montrent la voie pour construire une véritable solidarité contre la barbarie que le capitalisme produit partout dans le monde.
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STOP à la guerre ! Pas de paix possible sans lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme

73 ans après la Nakba – lorsque les forces israéliennes ont occupé 78% de la Palestine historique et que 750.000 Palestiniens ont été contraints à l’exil – les provocations de l’extrême droite israélienne, des colons et de la police ont conduit à la plus grave escalade militaire du conflit depuis 2014. Cette guerre doit être stoppée. Nous ne pouvons compter sur aucune des forces impérialistes mondiales ou régionales. La paix ne peut être obtenue que par une lutte de masse contre l’occupation, la pauvreté et la domination capitaliste.Sur base d’une déclaration de Lutte Socialiste, section d’Alternative Socialiste Internationale en Palestine et Israël
Nous sommes solidaires des millions de travailleurs ordinaires et de pauvres qui subissent la terreur des bombardements et des tirs de roquettes des deux côtés de la barrière. Le nombre de morts dans la bande de Gaza est passé à 83, dont au moins 14 enfants. Des bâtiments entiers sont rasés. Comme si la destruction, la détresse, la pauvreté et la pandémie, sous l’agression incessante du gouvernement capitaliste de droite en Israël, ne suffisaient pas. Six personnes, dont deux citoyens arabes palestiniens du village “non reconnu” de Dahmash, ont été tuées de l’autre côté de la clôture par des roquettes et des missiles antichars.
Le régime de Netanyahou, le principal responsable, a joué un rôle clé en alimentant la fracture nationale, qui éclate également dans les rues avec des éléments de guerre civile. Elle a culminé à Lod, où un manifestant palestinien a été abattu, mais de graves affrontements ont lieu dans de nombreuses autres localités. Les gangs kahanistes d’extrême droite sont laissés libres par la police de faire des raids dans les villes afin de mener un pogrom le soir.
Cependant, la vague de réaction commence à susciter une réponse. Il y a la révolte généralisée et continue de la jeunesse palestinienne contre la politique de “judaïsation”, le nettoyage ethnique rampant, à Sheikh Jarrah et à Jérusalem-Est, contre l’introduction de forces armées dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa et contre l’occupation, même sous une forte répression policière. Des manifestations de solidarité entre Arabes et Juifs se sont développées sur les lieux de travail et dans les écoles. À Tibériade, les chauffeurs de la compagnie Superbus ont arrêté les bus et les chauffeurs juifs ont accompagné les chauffeurs arabes à leur domicile dans un véhicule privé. Au collège Bezalel, une grève de protestation des étudiants palestiniens a été accueillie par une déclaration de solidarité des professeurs. Le syndicat des travailleurs sociaux a déclaré qu’il “représente tous les travailleurs sociaux en Israël, de toutes les nationalités et religions, et d’une variété de visions du monde. Ce syndicat lutte, agit et appelle à la paix et à la fin de la violence.”
Le gouvernement de transition de la droite capitaliste de Netanyahou refuse avec véhémence un cessez-le-feu et annonce une “expansion de l’opération” dans la bande de Gaza – une expansion délibérée du cycle du bain de sang. La crise politique et la faiblesse de Netanyahu, qui lutte pour sa survie politique, jouent un rôle clé dans la dynamique de l’escalade. Mais les racines de l’effusion de sang sont plus profondes et résident dans une politique systématique de défense du statu quo capitaliste d’occupation, de siège, de colonies, de discrimination nationale, de “diviser pour régner” et de pauvreté. La guerre est la continuation de cette politique par d’autres moyens.
Les événements exposent la fausse propagande de paix qui a accompagné les accords de normalisation menés par Netanyahu et Trump avec certains oligarques arabes. L’ampleur des tirs de roquettes nous rappelle aussi le mensonge de la ” dissuasion “. Ceux-ci ne peuvent pas arrêter la révolte qui couve contre les démolitions de maisons – avec un nouveau record en pleine pandémie ! – le déplacement de familles palestiniennes à Jérusalem-Est, les opérations de police musclées, les provocations nationalistes et l’escalade de la guerre de religion autour de la mosquée al-Aqsa, ainsi que le piétinement des droits nationaux palestiniens et des droits des travailleurs et des pauvres en général. C’est dans ce contexte que se sont développées les protestations, les émeutes et les confrontations.
Celles-ci ont forcé la police à mettre fin à la provocation des postes de contrôle à la porte de Naplouse, ont conduit à l’interdiction du passage de la “parade du drapeau” d’extrême droite à la porte et à l’ajournement par la Cour suprême d’une audience explosive sur une pétition contre le déplacement de familles palestiniennes à Sheikh Jarrah. Dans l’ère qui suit le départ de l’administration Trump et de la crise politique en Israël, une nouvelle génération de Palestiniens perd la peur, ose de plus en plus affronter l’establishment israélien. Fondamentalement, il s’agit d’un premier soulèvement pour se libérer de l’oppression nationale et de la dépossession, de la détresse et de la pauvreté. Il porte une expression idéologique générale du nationalisme palestinien, malheureusement sans cibles politiques claires ni organisations majeures. Lorsque le Hamas et le Jihad islamique ont décidé de prendre l’initiative et sont intervenus par des tirs de roquettes aveugles, le gouvernement de droite israélien s’en est emparé pour reprendre le contrôle des événements par la force militaire.
Combien de temps l’escalade peut-elle durer ? Le pouvoir de Netanyahu subit des pressions au niveau mondial, régional et local pour contenir l’incendie. Mais la décision de détruite des bâtiments, est un acte de terrorisme d’État, et le refus d’un cessez-le-feu pourraient également prolonger la crise de quelques jours à quelques semaines. Le facteur le plus important qui peut pousser à un cessez-le-feu est le développement des manifestations dans les rues – des Palestiniens, des Israéliens, et des protestations internationales. Dès le début du mois de mai, par exemple, une manifestation de solidarité avec les habitants de Sheikh Jarrah a été organisée à Amman, et maintenant des veillées de protestation sont organisées dans le monde entier. Les craintes des puissances capitalistes mondiales et des régimes de la région d’un événement roulant qui minerait davantage la stabilité et provoquerait une indignation et des troubles de masse, ont déjà suscité des messages de condamnation, qui sont des leviers importants pour faire pression.
Ces circonstances soulignent l’importance de construire une lutte sur le terrain, de faire pression et de marquer une sortie de crise. Le fait que les dirigeants du “bloc du changement” alternatif en Israël se rangent maintenant du côté de Netanyahu, est un signe d’avertissement de l’impasse que représentera un autre gouvernement capitaliste alternatif de droite dirigé par Bennett. Le volontariat opportuniste du Labour et du Meretz pour servir d’outil à la formation d’un tel gouvernement sème de dangereuses illusions et ouvre la voie à de nouvelles crises encore plus graves. Quelle est l’alternative ? S’opposer, et non soutenir, un gouvernement de droite capitaliste dirigé par Netanyahu, Bennett ou tout autre visage. Et lutter pour une alternative à la politique capitaliste nationale – pour un véritable plan de changement socialiste.
Nous devons tous travailler pour multiplier les exemples d’expressions de solidarité entre Arabes et Juifs sur le lieu de travail, dans les syndicats et dans les écoles, ainsi que les déclarations sans équivoque de condamnation de la guerre et des politiques du gouvernement capitaliste. Dans les assemblées, y compris virtuelles, il est possible de discuter des mesures de protestation, y compris des délégations pour renforcer les manifestations contre la guerre. Parmi les Palestiniens des territoires et des endroits où des manifestations fréquentes ont déjà lieu, des deux côtés de la barrière, cela pourrait être l’occasion de promouvoir la création de comités d’action, qui s’efforceront de diriger une organisation démocratique pour étendre la lutte. C’est la réponse à l’escalade. C’est la façon de construire une lutte contre un régime dangereux, une élite corrompue et tout un système qui a une fois de plus conduit des millions de personnes dans une grave crise sanglante.
- Stop à la guerre ! Stop au siège de Gaza !
- Mobilisons pour des manifestations contre les attaques militaires et contre l’occupation.
- Solidarité avec la lutte des résidents de Sheikh Jarah. Stop à la criminalisation de la construction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est. Stop aux démolitions des maisons palestiniennes et stop aux constructions de colonies.
- STOP au siège des forces armées israéliennes sur le complexe d’Al Aqsa. Pas de guerre de religion !
- Pas de paix sans lutte contre l’occupation, la pauvreté, l’inégalité, contre les élites corrompues et pour les soins de santé, les moyens de subsistance et le bien-être pour tous.
- Seules la paix et l’égalité apporteront la sécurité personnelle pour tous – stop à toutes les attaques et punitions collectives contre les 2 millions de résidents de Gaza.
- Le droit à l’autodétermination des Palestiniens ne doit plus être nié. Pour une Palestine socialiste indépendante avec sa capitale à Jérusalem-Est, pour un changement socialiste en Israël et dans toute la région !

Affiches du Mouvement de lutte socialiste en arabe et en hébreu : “Arrêtez la guerre. Pas de paix sans lutte contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme”. -
Jérusalem à nouveau en feu: que se passe-t-il vraiment à Jérusalem-Est et à Sheikh Jarrah?

Vendredi soir, après la prière du ramadan, la police a fait irruption dans la mosquée al-Aqsa. Elle y a tiré des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc sur des centaines de Palestiniens. Les manifestations se sont poursuivies en parallèle dans la nuit à Cheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, ainsi qu’à la porte de Damas. Les personnes prenant part à la contestation ont fait face à une répression extrême de la part de l’État. 205 Palestiniens et Palestiniennes ont été blessé·es, la plupart à al-Aqsa. 45 des personnes blessées ont subi des blessures à la tête causées par les balles en caoutchouc et deux ont été grièvement blessées. Du côté de la police, on compte 18 blessés (légers pour la plupart). On n’avait pas vu une telle violence à Jérusalem-Est depuis 2017.
Résumé d’un article de Lutte Socialiste (section d’ASI en Israël et Palestine), initialement publié le 8 mai
La police a tenté d’empêcher des milliers de musulmans et musulmanes de participer aux prières de la Nuit du Destin (l’une des dernières nuits du ramadan), qui rassemblent chaque année 200 000 fidèles à al-Aqsa. Plus tôt dans la semaine, Tsahal avait abattu un Palestinien de 16 ans lors d’une manifestation. Le même jour, on a déploré le décès d’un Israélien de 19 ans qui s’était fait tirer dessus par un Palestinien. Une heure avant le début des émeutes à al-Aqsa, une grenade assourdissante tirée par un soldat israélien a explosé à proximité d’une petite fille. Ce ne sont là que quelques exemples de la dernière série de provocations nationalistes de la part de l’État israélien.
Tranchant avec l’approche adoptée ces dernières années, la police et l’armée ont eu l’arrogance de vouloir empêcher les jeunes Palestiniens et Palestiniennes de se rassembler à la porte de Damas. La police a tenté d’empêcher l’accès à la zone par la force, en recourant à des clôtures, des barrages, des arrestations, des autopompes, des grenades assourdissantes et en faisant appel à la police montée. Mais la détermination des manifestants et manifestantes a contraint la police à les laisser entrer. Cela illustre de nouveau l’intensification de la répression à Jérusalem-Est, dans le contexte d’un ramadan particulièrement difficile, du fait de la crise sanitaire et de l’aggravation de la pauvreté et du chômage causées par la Covid dans les territoires occupés, particulièrement à Jérusalem-Est.
Une fois les barricades de la porte de Damas abattues par les manifestants et manifestantes, le quartier de Cheikh Jarrah est devenu le point focal de la résistance à Jérusalem-Est. Mohammed Abou Houmous, militant palestinien bien connu, a expliqué lors d’une manifestation dans la région que « la victoire [à la porte de Damas] a donné le pouvoir aux jeunes, qui ont vu qu’ils et elles pouvaient obtenir des résultats ; maintenant, ils et elles iront partout où l’occupation est présente, comme ici. »
Les manifestations de Cheikh Jarrah sont passées à la vitesse supérieure, se muant en une lutte contre les expulsions de familles palestiniennes pauvres et contre la prise de contrôle du quartier par les colons juifs. Des Palestiniens et Palestiniennes de tout le pays sont venu·es manifester, tout en aidant les familles du quartier à organiser les repas de rupture du jeûne. En guise de réponse, la police a intensifié la répression. Les fêtes et les manifestations ont été interrompues par la force, ce qui s’est presque toujours terminé par des blessures. Mardi, on a fait état d’une arrestation rappelant celle de George Floyd : un policier qui appuyait sa jambe sur le cou d’un manifestant, qui criait qu’il ne pouvait pas respirer. La violence policière s’est accompagnée de provocations de la part de l’extrême droite ; au même moment, la maire adjointe de Jérusalem exprimait son souhait qu’Abou Houmous reçoive une balle dans la tête.
Itamar Ben Gvir, un député israélien d’extrême droite nouvellement élu, a installé une tente à Cheikh Jarrah, en face des maisons des familles menacées d’expulsion, affirmant qu’il s’agit de son nouveau « bureau parlementaire ». Ses partisans ont attaqué des Palestiniens pendant le repas de rupture du jeûne, et la voiture d’un colon a été incendiée, ce à quoi les colons ont riposté par des tirs sur les Palestiniens. Bien entendu, Ben Gvir n’a pas été le moins du monde inquiété par les forces de l’ordre, contrairement aux députés et députées venu·es dans le quartier en solidarité aux familles, qui ont été violemment arrêté·es.
Les manifestations à Jérusalem-Est font suite à l’annulation des élections au Parlement palestinien. Sous la dictature de l’occupation en Cisjordanie, on a vu émerger la sous-dictature de l’Autorité nationale palestinienne. Les dernières élections ont eu lieu il y a 15 ans ; depuis, elles sont systématiquement reportées. 51 % de la population palestinienne considère l’Autorité comme un fardeau plutôt qu’un atout. Afin de maintenir l’occupation de la ville, le gouvernement Netanyahou a décidé de ne pas permettre aux citoyens et citoyennes de Jérusalem-Est de participer aux élections pour l’Autorité palestinienne.
Lundi, l’État d’Israël célèbrera l’anniversaire de l’occupation de Jérusalem-Est. L’extrême droite organise une marche provocatrice qui traversera le quartier musulman de la vieille ville, la Marche des drapeaux, évènement annuel toujours accompagné du slogan « Mort aux Arabes » et de violentes tentatives d’agression. Des contremanifestations sont en train d’être organisées. En même temps, la Cour suprême israélienne devait examiner l’appel par les familles du Cheikh Jarrah contre leur ordre d’expulsion. À la demande du procureur général, ce procès a été reporté.
Après la récente manifestation, un grand nombre de jeunes Palestiniens et Palestiniennes estiment que la lutte peut permettre d’obtenir des victoires contre le régime d’occupation. Pour barrer la voie à l’extrême droite, et pour empêcher les expulsions à Cheikh Jarrah, la lutte doit être élargie et organisée à une échelle de masse. Des comités d’action démocratiques pourraient être mis en place pour assurer l’autodéfense des Palestiniens et des Palestiniennes et pour appeler à la solidarité des travailleurs, des travailleuses et des jeunes israéliens et israéliennes, afin de mener une lutte commune pour le bien-être, le logement et l’emploi, et contre les discriminations ; pour la fin de l’occupation ; et pour l’autodétermination et une paix réelle, fondée sur l’égalité et sur la transformation socialiste de la société.
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« Normalisation » Soudan / Israël : au lieu de la paix, l’extorsion impérialiste et l’oppression nationale

Stop à l’extorsion impérialiste du peuple soudanais ! Stop à l’occupation et à l’oppression des Palestiniens ! Pour la solidarité internationale et la lutte commune de la classe ouvrière et des pauvres contre le système capitaliste qui perpétue la pauvreté, l’oppression et les conflits nationaux ! Luttons pour une alternative socialiste !
Déclaration conjointe de “Socialist Struggle” (section d’Alternative Socialiste Internationale en Israël-Palestine) et des partisans d’ASI au Soudan // Vous pouvez également accéder à cette déclaration en arabe et en hébreu.
Le vendredi 23 octobre, une déclaration commune au nom des gouvernements des États-Unis, du Soudan et d’Israël a commencé par des éloges cyniques sur la façon dont “après des décennies de vie sous une dictature brutale, le peuple soudanais prend enfin les choses en main”. Suite à la décision de Trump de retirer le Soudan de la liste américaine des “États qui parrainent le terrorisme”, les États-Unis et Israël “ont convenu de s’associer au Soudan dans son nouveau départ”, et le Soudan et Israël ont déclaré entamer une “normalisation” progressive de leurs relations, en commençant par le plan économique. Les nouveaux alliés promettent également de faire progresser la “l’abandon de la dette” et “l’amélioration de la sécurité alimentaire” pour le Soudan. La déclaration se termine par les félicitations des signataires des trois pays pour leur “approche audacieuse et visionnaire”, et en particulier l’approche pragmatique et unique de Trump pour mettre fin à un vieux conflit et construire un avenir de paix et d’opportunités pour tous les peuples de la région.
En réalité, ces représentants impopulaires d’oligarchies corrompues et oppressives enveloppent leur nouvelle alliance officielle d’une propagande de “paix” visant à renforcer leurs positions et à surmonter l’opposition populaire à leurs gouvernements. Dans le contexte de la pandémie, de la récession mondiale et des conflits mondiaux et régionaux qui font rage, ce nouvel accord est le produit d’un chantage impérialiste pur et simple de la part des gouvernements capitalistes américain et israélien. Ils ont profité de la fragilité de la situation politique au Soudan et de l’état calamiteux de son économie pour satisfaire leurs propres intérêts géopolitiques – ainsi que du besoin de Trump de réaliser un nouveau coup de publicité à l’approche des prochaines élections présidentielles.
L’extorsion impérialiste du Soudan
L’annonce de Trump sur le retrait du Soudan de la liste des “États qui parrainent le terrorisme” a été utilisée comme l’instrument ultime de cette opération de chantage. Cette décision est censée permettre au Soudan d’accéder pleinement aux prêts des agences financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Il a été convenu en échange d’une compensation de 335 millions de dollars, par le gouvernement soudanais, aux familles des victimes américaines des attaques terroristes qui ont eu lieu dans les années 1990 sous la supervision du régime dictatorial d’Omar al-Bashir.
Les travailleurs et les pauvres du Soudan ont souffert pendant de nombreuses années des sanctions américaines punitives en plus de la misère et de la tyrannie infligées par le régime d’Omar el-Béchir. Mais le gouvernement américain, bien sûr, n’offre aucune compensation pour les années de délabrement économique, ni pour le bombardement de l’usine a-Shifa en 1998. Pourtant, même l’accord de compensation n’a pas été suffisant pour l’administration Trump, qui a également posé comme condition l’établissement de relations officielles avec l’Etat israélien, révélant sans vergogne la manipulation de cette question pour imposer un accord par-dessus de la tête du peuple soudanais. Ce chantage ne cessera pas après cet accord de normalisation, car il implique des relations néocoloniales de soumission vis-à-vis de l’agenda des puissances impérialistes mondiales et régionales, les États-Unis et Israël, en plus de l’intervention en cours de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
L’idée selon laquelle cet accord livrerait des avantages économiques substantiels aux travailleurs et aux pauvres soudanais n’est que poudre aux yeux. Ces arguments sont utilisés par la même élite politique et militaire qui a présidé à l’appauvrissement continuel de la société soudanaise au cours de l’année écoulée, marquée par une inflation record, un chômage en hausse, des pénuries croissantes de produits de base essentiels et une série de mesures anti-pauvres, telles que la suppression des subventions aux carburants. Ces politiques ont été encouragées par le FMI. Aujourd’hui, emprunter de l’argent sur les marchés internationaux ne fera qu’aggraver les problèmes, car cela est assorti de “conditions”. Malgré la suppression des sanctions internationales, le nouvel accord avec l’impérialisme américain facilitera l’exploitation économique du Soudan par les multinationales ainsi que l’extorsion financière par les spéculateurs étrangers.
Nourrir les conflits régionaux et l’oppression
Cette fausse paix de Trump ne représente qu’une couverture marketing pour des politiques visant à alimenter les conflits régionaux de ces dernières années par l’ingérence impérialiste, dont l’escalade délibérée du conflit avec l’Iran, le soutien à l’agression saoudienne et israélienne, et le lancement d’attaques contre les Palestiniens. Ce dernier point n’est même pas mentionné dans la déclaration conjointe signée par les dirigeants des Etats-Unis, d’Israël et du Soudan.
Le nouvel ami des généraux soudanais, Netanyahu, a été le fer de lance d’innombrables attaques militaires contre la population de Gaza. Il porte la responsabilité du meurtre de manifestants et de civils palestiniens de tous âges. Il a poursuivi l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Il est responsable de politiques racistes à l’encontre des citoyens arabo-palestiniens d’Israël. Nétanyahou n’a accepté que de “reporter” sa récente menace d’annexer officiellement de larges parties de la Cisjordanie à l’État israélien, tout en se vantant que son régime n’avait pas à faire de réelles concessions aux Palestiniens.
Du côté soudanais, Al-Burhan est l’homme qui dirigeait le Conseil militaire l’année dernière lors du massacre de juin, lorsque des dizaines de manifestants révolutionnaires ont été impitoyablement assassinés, torturés et violés par les milices des Forces de soutien rapide (FRS), elles-mêmes héritières des Janjawids, tristement célèbres pour les crimes de génocide au Darfour (dans lesquels Al-Burhan lui-même était impliqué). Ces forces sont maintenant intégrées dans le “nouvel” appareil d’État prétendument “réformé”. Sous le régime d’al-Burhan et de ses partenaires civils au pouvoir, les FSR et d’autres mercenaires soudanais continuent également d’intervenir dans les guerres civiles du Yémen et de Libye, en accord avec les intérêts de l’Arabie saoudite et de ses alliés.
Les “Accords d’Abraham” dirigés par Trump (une série d’accords de normalisation, à des degrés divers, entre le capitalisme israélien et les États arabes) sont conformes aux politiques réactionnaires de Trump, Netanyahu et des dirigeants arabes qui sapent la paix et les moyens de subsistance des masses pauvres et ouvrières du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’irruption soudaine de ce processus régional a suivi le “deal of the century” (accord du siècle) de Trump. Ce prétendu “plan de paix” visant à résoudre le conflit israélo-palestinien revient à renforcer l’occupation israélienne et à couvrir les mouvements officiels de “normalisation” entre Israël et les États arabes.
Ces nouveaux accords représentent une nouvelle étape dans un long processus de convergence stratégique entre les régimes capitalistes pro-américains israéliens et arabes, notamment autour de la rivalité commune avec le régime iranien. Ce processus est impopulaire parmi les masses arabes, principalement en raison de la solidarité massive contre l’oppression des Palestiniens. Mais les crises profondes et l’instabilité régionale auxquelles les régimes arabes sont confrontés ont poussé deux monarchies du Golfe, et maintenant le Soudan en tant que “maillon faible”, à saisir cette opportunité politique en échange d’avantages économiques et militaires promis par les États-Unis et Israël.
La contre-révolution piétine des millions de Palestiniens
Ainsi, la prétendue condition préalable essentielle à la normalisation fixée par la soi-disant “Initiative de paix arabe” de 2002 – le retrait israélien de la Cisjordanie et de Gaza, et la création d’un État palestinien avec sa capitale à Jérusalem-Est – est révoquée. C’est à Khartoum que la Ligue arabe a déclaré, après l’occupation impérialiste lors de la guerre israélo-arabe de 1967, “pas de réconciliation, pas de reconnaissance, pas de négociation” avec Israël. Même cette rhétorique anti-impérialiste ne visait pas à répondre aux intérêts des masses opprimées de la région, et les dirigeants de la Ligue arabe eux-mêmes n’y ont même pas pleinement cru. Le sort des masses palestiniennes a finalement été cyniquement exploité par les régimes réactionnaires arabes pour détourner et canaliser le mécontentement des masses arabes. Aujourd’hui, même cette prétention est abandonnée.
La propagande impérialiste présente la nouvelle donne comme faisant partie d’un processus progressiste réalisé par la révolution soudanaise. Ce changement d’alliance a toutefois débuté il y a longtemps, sous le règne d’Al-Bachir. Le bilan de l’intervention israélienne dans les guerres civiles soudanaises et, plus tard, les frappes aériennes militaires attribuées à Israël sur le sol soudanais, n’ont pas dérangé l’ancien régime d’al-Bashir lorsqu’il a précisé, dès janvier 2016, qu’il souhaitait une normalisation avec Israël. Cela s’est fait dans le contexte d’un changement d’alliance avec l’Iran pour s’aligner sur l’axe régional dirigé par les Saoudiens. Le régime a alors cherché à surmonter les sanctions impérialistes internationales et américaines, et à obtenir un meilleur accès aux armes et aux technologies de sécurité israéliennes, tout comme son homologue du Sud-Soudan. Le régime de Netanyahou, pour sa part, a fait pression pour le régime d’al-Bashir à Washington et ailleurs.
Après le renversement d’Al-Bachir, les généraux soudanais qui ont détourné la révolution, soutenus par l’Arabie Saoudite et les UAE, ont continué à examiner une alliance officielle avec Israël, dans le cadre d’un accord plus large avec l’impérialisme américain. Ainsi, le général al-Burhan a rencontré Netanyahu en février dernier, avec la participation des UAE. Ce n’est que la crainte d’une opposition populaire de la part de la branche civile du gouvernement soudanais qui a bloqué le mouvement. Mais à la fin, ils ont capitulé.
Le nouvel accord signifie que le gouvernement soudanais fermera les yeux sur l’occupation israélienne et les crimes commis contre la population palestinienne en échange de faveurs économiques et politiques discutables. Nous n’avons jamais eu d’illusions envers le gouvernement antidémocratique soudanais concernant sa participation à la solidarité vis-à-vis de la lutte du peuple palestinien contre l’occupation. Avec cet accord, la classe dirigeante soudanaise a ouvertement exposé son véritable rôle contre-révolutionnaire. Elle a ouvertement rejoint la contre-révolution régionale en tant qu’ennemie de la lutte de libération palestinienne et de la lutte des masses de toute la région.
Le danger pour les demandeurs d’asile
Le gouvernement capitaliste israélien fait maintenant pression pour un accord visant à transférer au Soudan 6.285 demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan vers Israël. Nombre d’entre eux ont été persécutés et ont subi un génocide durant les années du règne d’Al-Bachir. Ils ont été victimes de racisme de la part du régime de droite israélien qui utilise la logique de “diviser pour régner” envers les communautés locales appauvries. Pendant plus d’une décennie, une seule (!) de leurs 4.500 demandes individuelles d’asile politique a été approuvée. Des milliers d’autres ont été contraints par le régime israélien de quitter le pays sous la pression des emprisonnements, de la persécution et de la pauvreté, prétendument “volontairement”. Beaucoup ont fini par retourner au Soudan. Certains y ont été torturés, assassinés ou ont trouvé la mort en essayant à nouveau de fuir le pays.
Malgré l’accord de paix officiel déclaré en août et finalisé en octobre entre le gouvernement de transition du Soudan et le “Front révolutionnaire soudanais” (SRF), une guerre civile fait toujours rage dans la région du Darfour, des attaques meurtrières contre des civils ayant été enregistrées ces dernières semaines. Tout retour forcé des demandeurs d’asile, y compris des enfants nés et élevés dans la société israélienne, ne ferait qu’infliger de nouveaux traumatismes et mettre davantage de vies en danger.
Pas de mandat pour les généraux soudanais
Cet accord de normalisation avec Israël ne fait que souligner davantage le fait que le gouvernement “transitoire” de Hamdok au Soudan ne parle pas au nom de la majorité du peuple soudanais, qui rejette massivement une telle démarche. Le processus de “normalisation” doit se traduire à ce stade par des relations officielles de faible niveau entre les deux États précisément en raison du manque de soutien démocratique au Soudan. Selon l’”Arab Opinion Index” 2019-2020, seuls 13 % des Soudanais interrogés sont favorables à la normalisation des relations entre le Soudan et le régime d’occupation israélien. Quelques heures après l’annonce de l’accord, des protestations spontanées ont éclaté dans plusieurs localités du Soudan, et d’autres ont suivi depuis lors.
Cet accord fait suite à l’annonce du gouvernement soudanais selon laquelle la normalisation était du ressort du “Conseil législatif” (qui n’a pas encore été mis en place) et que, par conséquent, il n’irait pas de l’avant, selon le porte-parole officiel du gouvernement. L’accord expose complètement les manœuvres du gouvernement et ses mensonges continuels aux masses soudanaises.
La confusion et l’apparente volte-face dans la prise d’une telle décision illustrent également les tensions entre les deux ailes du conseil de souveraineté conjoint, et l’équilibre des pouvoirs entre elles. L’accord de partage du pouvoir signé l’année dernière entre le Conseil militaire et les “Forces de la Déclaration de liberté et de changement”, auquel les partisans d’Alternative Socialiste Internationale au Soudan se sont fermement opposés dès le début, était un accord permettant aux militaires contre-révolutionnaires, liés aux crimes et aux guerres de l’ancien régime, de participer directement au gouvernement, de prendre des décisions politiques et de maintenir leur emprise sur la façon dont le pays est dirigé après le renversement d’Al-Bachir.
Le fait que la timide “résistance” au processus de normalisation initialement affichée par l’aile civile du gouvernement ait été si rapidement contournée permet de savoir clairement qui détient réellement le pouvoir dans le pays. Le Premier ministre Hamdok, qui n’a cessé d’insister sur le fait que les autorités de transition n’avaient pas le “mandat populaire” pour mener à bien une telle décision, a complètement capitulé devant les généraux.
Le gouvernement de Hamdok lui-même n’a jamais reçu de “mandat populaire” pour commencer. Certains des dirigeants des “Forces de la liberté et du changement” ont rejeté la décision de normalisation, menaçant même de mettre fin à l’arrangement gouvernemental actuel si l’accord se concrétisait. À vrai dire, cette décision n’aurait jamais dû être prise au départ ! Alors qu’ils ont apporté leur soutien aux politiques pro-capitalistes du gouvernement pendant plus d’un an, ces dirigeants craignent maintenant, pour de bonnes raisons, la réaction de la rue. Ils craignent que cet accord pourri ne jette une allumette sur les flammes de la révolte contre ce même gouvernement de plus en plus impopulaire, qui doit faire face à une opposition et une colère croissantes dans les rues pour son incapacité à répondre aux aspirations et aux exigences de la révolution de décembre.
L’alternative internationaliste et socialiste
Toutes celles et ceux qui aspirent à s’attaquer aux difficultés économiques des masses et aux schismes et conflits nationaux, ethniques et religieux dans la région doivent s’opposer à la campagne de “paix” régionale frauduleuse menée par Trump et l’impérialisme américain. Qu’est-ce que ce processus “normalise” ? Les relations entre un camp des classes dominantes qui défend ses propres intérêts étroits alors qu’il repose sur l’extorsion impérialiste, nourrit les conflits régionaux et renforce l’oppression des masses palestiniennes.
La diplomatie secrète antidémocratique, les intrigues impérialistes et les régimes oligarchiques corrompus constituent une menace quotidienne pour la vie, la santé, les revenus, le bien-être et l’avenir des masses dans toute la région. Aux alliances entre les oligarchies de la région devrait s’opposer la solidarité inter-communautaire et internationale des mouvements de la classe ouvrière, des opprimés et des jeunes de toute la région.
Les socialistes se battent pour les intérêts de la classe ouvrière et des masses opprimées de toutes les nations, pour un bon niveau de vie, des droits démocratiques pleins et égaux et la paix. Nous sommes favorables à la poursuite de la révolution au Soudan sur la base des aspirations des masses à un changement réel. Nous appelons à s’opposer sans relâche à l’oppression des masses palestiniennes et à soutenir leurs aspirations démocratiques à la libération nationale de l’occupation militaire, du siège et de l’agression, des colonies de peuplement, de l’asservissement économique et de la suppression des droits par le capitalisme israélien. C’est aussi la seule façon pour les travailleurs et les pauvres israéliens – qui ont lutté face à la crise capitaliste actuelle – de trouver une issue à un conflit sanglant, pour le remplacer finalement par une paix véritable, sur base de droits égaux à l’existence, du droit à l’autodétermination, à la démocratie et à un niveau de vie élevé. En outre, nous sommes solidaires des demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan et nous demandons la reconnaissance de leurs droits, y compris un retour au Soudan uniquement sur une base volontaire.
La transformation globale et urgente de la vie de centaines de millions de personnes dans la région ne peut être réalisée sur la base du système d’exploitation en crise du capitalisme, des grands propriétaires et de l’impérialisme. Il appartient à la classe ouvrière et aux opprimés de la région de s’organiser en partis politiques indépendants de lutte autour d’une stratégie socialiste de sortie de la crise, du conflit et de la misère de masse du capitalisme. En tant que membre d’Alternative Socialiste Internationale, nous nous engageons à faire avancer la lutte pour renverser les oligarchies corrompues. Le contrôle de toutes les ressources naturelles, des banques et des principales méga-corporations locales et impérialistes doit être pris en main par le secteur public, pour permettre une transition vers le contrôle démocratique, la planification et l’exploitation des ressources, des richesses et des technologies au service de tous, plutôt que pour l’enrichissement et les luttes de pouvoir et les guerres des élites de la région.
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[VIDEO] Manifestation à Tel Aviv contre le plan de Trump pour Israël et la Palestine

Non à l’occupation ! Non au plan de Trump ! Luttons pour une paix réelle, pour l’égalité et pour le socialisme !
Dans la vidéo ci-dessous, Yasmin explique pourquoi le Mouvement de Lutte Socialiste était présent hier à Tel Aviv dans une manifestation contre la plan de Trump.
« Je suis Yasmin, du Mouvement de Lutte Socialiste. Nous manifestons contre le plan de Trump. Ce n’est pas un plan de paix, c’est un plan de guerre. Une guerre contre le droit du peuple palestinien à un Etat indépendant, contre le droit d’une capitale à Jérusalem et contre les droits des réfugiés.
« Ce plan est dangereux pour nous tous, arabes et juifs, Palestiniens et Israéliens. Les armes de Netanyahou et la politique de Trump entraineront plus de guerres et de sang.
« Pour obtenir une paix véritable et la sécurité, il faut nous battre. Nous battre contre l’occupation, contre le siège de Gaza, contre l’oppression et les discriminations. Nos partenaires dans ce combat sont les travailleurs et les pauvres de Naplouse, de Jénine et de Gaza, pas les généraux ou les capitalistes israéliens.
« Nous ne voulons pas d’un nouvel assaut, nous voulons une paix réelle et une paix réelle signifie l’égalité totale, économique, politique et nationale. C’est pourquoi notre lutte est liée à la lutte pour une transformation socialiste de la société, pour une Palestine indépendante et socialiste au côté d’un Israël socialiste, dans le cadre d’une confédération socialiste du Moyen Orient. »
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Combattre l’antisémitisme et toute discrimination par l’unité de notre classe

Ces derniers temps ont vu une recrudescence des violences antisémites(1) : attentat contre le musée juif à Bruxelles, dont le procès vient de s’achever ; tags de cimetières juifs en France ; violences verbales ; remontée du négationnisme et du révisionnisme ; … et, dernièrement, les caricatures antisémites au carnaval d’Alost. En parallèle, une autre tendance accompagne cette première : utiliser l’accusation d’antisémitisme pour diviser la gauche et les opposants à la politique pro-capitaliste.
Par Alain (Namur), article issu de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
En Belgique, les rapports annuels(2) d’Unia (ex-Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme) signalent une tendance à l’augmentation sur les 5 dernières années des plaintes en matière de négationnisme, avec un pic en 2016. La visibilité des thèses antisémites est poussée par des éléments ayant une forte audience comme le leader du mouvement d’extrême-droite Égalité et Réconciliation, Alain Soral, et son associé, l’humoriste Dieudonné.
Palestiniens, Gilets Jaunes, Jeremy Corbyn & Ken Loach
Les militants de la cause palestinienne le vivent fréquemment : toute critique contre la politique de l’État d’Israël devient, aux oreilles et aux yeux de la classe dominante et de ses défenseurs, de l’antisémitisme. L’Etat d’Israël opprime la population palestinienne et assassine certains opposants. Au même moment, il est incapable de répondre aux revendications sociales des travailleurs israéliens. Depuis plusieurs décennies, la lutte des Palestiniens est souvent prise comme symbole de lutte contre l’oppression en général, et particulièrement parmi la jeunesse. Les défenseurs de la cause palestinienne sont invariablement taxés ‘d’anti-juifs’, c’est un rideau de fumée destiné à masquer la politique antisociale et sectaire des autorités israéliennes.
En France, le mouvement des Gilets Jaunes a été taxé d’antisémitisme à plusieurs reprises. Il s’agit d’une tentative de salir et de diviser un mouvement de masse puissant et populaire, tour à tour accusé d’être ‘anti-climat’, ‘d’extrême-droite’ et même ‘complotiste’, après l’attentat de Strasbourg. Dans un mouvement peu structuré, chaque personne émet une analyse ou une idée sans que celles-ci soient pour autant portées par l’ensemble du mouvement. Il est d’ailleurs particulièrement remarquable que les idées nauséabondes soient très souvent directement repoussées par d’autres Gilets Jaunes, souvent plus nombreux. Mais les aspects remarquables et positifs d’un mouvement combatif de masse sont très rarement relayés par les médias au service des puissants. Macron veut aujourd’hui faire de l’antisionisme un délit d’opinion. Ainsi, s’en prendre publiquement à la politique du gouvernement israélien serait interdit.
Au Royaume-Uni, dans la guerre civile interne au Parti Travailliste (Labour), l’aile droite a voulu utiliser la lutte contre l’antisémitisme dans sa bataille contre l’aile gauche de Jeremy Corbyn. En Belgique, Charles Michel a cru bon de devoir s’indigner lors de la remise, par l’ULB, du titre de Docteur Honoris Causa au réalisateur Ken Loach. Charles Michel a par contre été plus discret sur la participation de Francken au 90e anniversaire de Bob Maes, fondateur de la milice néonazie Vlaamse Militanten Orde (VMO). Corbyn et Loach, tous deux sont bien connus comme étant des défenseurs de la lutte des Palestiniens. De la part du bras politique de la classe dominante, il s’agit là ‘‘d’antiracisme’’ bon marché visant à discréditer l’adversaire.
Diviser pour régner et imposer ses idées
Les politiciens traditionnels sont responsables de l’application d’une politique qui a ces dernières décennies transféré l’argent de la majorité sociale qui produit les richesses, vers une minorité capitaliste ultra riche. Et ils prétendent dénoncer et lutter contre l’antisémitisme qui pourtant trouve son origine dans le désespoir et les frustrations de couches dans la population qui pensent erronément voir en la communauté juive la réponse ou une partie de la réponse aux contradictions sociales.
Lorsque l’idéologie dominante accuse les défenseurs de la cause palestinienne d’antisémitisme, elle revient à jouer le même rôle que les Dieudonné et Soral : tenter de pousser une partie de la population sur le chemin de ne plus seulement critiquer l’Etat d’Israël, mais d’englober toute la population juive dans ce qui constituerait le problème de la société. Ça aussi, cela permet de diviser ; c’est ce que veulent les élites pour continuer à régner.
La gauche n’est bien sûr pas automatiquement vaccinée contre l’antisémitisme. Dans un article de 1937 sur l’antisémitisme en Union soviétique, le révolutionnaire russe Léon Trotsky expliquait comment la bureaucratie stalinienne, notamment lors des procès de Moscou, avait remis à l’agenda l’antisémitisme, largement répandu auparavant durant la période tsariste. Face au mécontentement populaire provoqué par l’incapacité de la bureaucratie de l’époque, il était important pour le régime stalinien de détourner la colère des masses vers un bouc émissaire : la population juive de l’URSS(3).
Avec qui et comment combattre l’antisémitisme : la force du nombre, l’organisation et l’unité
La contradiction principale de notre société ne réside pas dans les différences de cultures, d’identités, de genres, d’orientations ou de religions. Nous sommes dans une société de classes qui, en plus de détruire la nature, empêche à la majorité sociale d’y vivre dignement malgré les richesses colossales que celle-ci produit. L’unité dans l’action contre le système mais aussi contre toutes les oppressions spécifiques qu’il engendre doit donc se situer à ce niveau-là. La lutte contre l’antisémitisme, comme la lutte contre chaque discrimination, doit être une lutte d’ensemble de la classe des travailleurs et des jeunes contre la classe capitaliste qui se nourrit des divisions qui peuvent être présentes dans notre camp. Défendons un programme de lutte qui réponde aux besoins sociaux et qui se base sur la solidarité et l’internationalisme ouvrier ! Répondons à l’antisémitisme en indiquant les vrais coupables, le système capitaliste et ses défenseurs, et en y apportant une réponse socialiste.
(1) https://www.franceinter.fr/emissions/les-histoires-du-monde/les-histoires-du-monde-13-fevrier-2019
(2) https://www.unia.be/files/Documenten/Jaarrapport/Rapport_chiffres_2017_DEF.pdf
(3) https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1937/02/antisemitisme.htm -
La gauche marxiste, le conflit national et la lutte palestinienne

La nécessité d’une approche de classe et d’une alternative socialiste
Le Socialist Struggle Movement (Mouvement de lutte socialiste) participe à la lutte pour mettre fin à l’occupation et à l’oppression nationale des Palestinien·ne·s et pour une paix juste fondée sur l’égalité entre les deux groupes nationaux, y compris un droit égal à l’existence, l’autodétermination, la sécurité personnelle et le bien-être.
L’escalade continue dans le conflit israélo-palestinien intensifiant la polarisation nationale et les tendances destructrices dans la société israélienne. Les horreurs de la guerre de Gaza en 2014, l’image de la victoire du parti Likoud aux élections de 2015, les attaques brutales et meurtrières constantes du régime israélien contre les Palestinien·ne·s (qui ne sont rien d’autre que du terrorisme d’État), les attaques contre les libertés démocratiques et la persécution politique accrue contre les député·e·s palestinien·ne·s (membres du Knesset, le parlement israélien) et des activistes anti-occupation parmi le public juif – tout cela a contribué à renforcer les humeurs pessimistes, d’abord parmi les Palestinien·ne·s des masses, y compris parmi le public arabo-palestinien en Israël, parmi plus les couches de gauche dans le public juif et parmi la gauche des deux groupes nationaux. En fait, la gauche en Israël est en crise ces jours-ci, comme on peut le voir ouvertement, entre autres, dans la direction du Parti communiste et Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité – établi et contrôlé par le PC).
Un sondage mené par Pew Research au cours du premier semestre de 2015 a montré que 48% des juifs traitaient positivement l’idée d’un transfert ou expulsion de résident·e·s arabes du territoire israélien. Ce chiffre s’ajoute à d’autres caractéristiques importantes du chauvinisme national d’une large couche dans le public israélien. Néanmoins, ce n’est pas un consensus absolu et il faut prendre en compte, par exemple, que 46% du public juif ou 58% des Juifs laïques, ont exprimé leur opposition à cette idée. Parallèlement, le sondage Peace Index de janvier a mis en évidence une polarisation de la population juive entre 45% qui soutiennent et 45% qui s’opposent à l’idée d’annexer à Israël les territoires occupés saisis en 1967.
Parmi les masses palestiniennes, en particulier dans les territoires de 67, il y a une fois de plus un retrait significatif de l’appui à une position de « deux États », dans une mesure qui n’a pas été observée depuis plusieurs années. Les sondages d’opinion menés par des organisations palestiniennes pendant un certain temps reflètent constamment le manque de confiance dans la possibilité d’une solution au conflit et de la libération de l’oppression nationale. Ces humeurs expriment l’écœurement des promesses frauduleuses pour un « futur État », qui conduisent jusqu’ici à l’aggravation de l’oppression, l’extermination de masse et à la construction de colonies galopantes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. De plus, le régime Netanyahou montre clairement qu’il continue de s’opposer fermement à la création d’un État palestinien.
Cependant, l’idée d’un État binational israélo-palestinien est toujours rejetée par une majorité encore plus grande de Palestinien·ne·s, car en fait, cela revient à abandonner la demande d’un État-nation palestinien indépendant (comme le reflètent systématiquement les sondages d’opinion, par exemple le sondage du CCMM au début de mars). Bien qu’il existe un sentiment de sympathie pour l’ancien programme de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) visant à créer un État-nation arabo-palestinien sur l’ensemble du territoire à l’ouest du Jourdain, cela n’est pas perçu comme un programme pratique. Un tel programme est en effet une utopie nationale bourgeoise. Ni l’OLP, ni les partis politiques palestiniens, le Fatah et le Hamas, n’ont de voie à proposer pour « occuper » Israël, qui est aujourd’hui la plus puissante puissance militaire de la région. Ainsi, les dirigeants pro-capitalistes de ces deux partis cherchent en dernière analyse à s’appuyer sur des alliances avec les puissances impérialistes pour que ceux-ci fassent pression sur Israël pour obtenir des concessions.
En réponse aux attaques de l’État et à la réaction nationaliste du public juif, une tendance à la réclusion nationale des Palestinien·ne·s en Israël a été renforcée. Il y a une couche de jeunes qui se radicalisent et ont tendance maintenant à se référer avec suspicion et cynisme, non seulement à l’idée de « deux États », mais aussi à des slogans sur la « paix », la « coexistence » des deux nationalités, ainsi qu’aux mouvements sociaux qui se développent parmi les travailleurs et les jeunes dans le public juif israélien. Cette couche n’a aucune confiance dans la possibilité d’une lutte commune des travailleurs et des jeunes des deux groupes nationaux sur les conditions de vie et contre la discrimination, l’exploitation et l’oppression – ce qui est souvent considéré comme l’abandon d’une lutte sérieuse pour la libération nationale.
Le renforcement périodique de ces approches, qui reflète parfois la rationalisation du désespoir politique, n’est pas surprenant, compte tenu de la rhétorique hypocrite du régime israélien, de la faiblesse de la gauche dans le public israélien, de l’expérience des dernières décennies et en particulier de l’expérience des accords d’Oslo, qui ont été promus sous de faux slogans sur la paix, mais qui ont assuré la continuation de l’oppression nationale sous d’autres formes brutales. À cela s’ajoute le dangereux chauvinisme national, exprimé aussi par un soutien scandaleux aux attaques sévères contre les Palestinien·ne·s, caractéristiques des dirigeant·e·s de la Histadrout (la principale organisation syndicale), du parti travailliste et du Meretz, les partis israéliens de gauche. En outre, les approches chauvines camouflées des mouvements libéraux, telles que « Peace Now », qui répandent des slogans sur la paix mais ne rejettent pas systématiquement et de façon radicale l’oppression des Palestinien·ne·s.
À cette couche de jeunes Palestinien·ne·s poussé·e·s à la lutte, il n’y a pas d’alternative socialiste claire ou de gauche visible devant les programmes impérialistes frauduleux. Les mouvements politiques de gauche, en premier lieu le PC et Hadash, ont contribué à répandre des illusions dans les accords d’Oslo et dans des programmes similaires – et qui n’ont pas encore corrigé leur position – en assument une certaine responsabilité.
Le phénomène des Juifs et des Arabes se photographiant, en particulier sur les lieux de travail, avec le message « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis », ou manifestations conjointes de résident·e·s sous ce message, pour protester contre l’escalade de la violence nationaliste, est plutôt marginal, mais ce serait une erreur de le minimiser. C’est une réponse sincère et courageuse qui contribue à saper la réaction nationaliste dans la société et à promouvoir la solidarité de classe. Néanmoins, des slogans amorphes sur la « coexistence » et le « partenariat judéo-arabe » dans une réalité de séparation nationale profonde et d’oppression nationale brutale de l’opinion arabo-palestinienne ne peuvent pas suffire. Une véritable lutte politique commune des travailleurs et des jeunes des deux groupes nationaux exige, en bout de ligne, un programme pour l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’oppression nationale des Arabes et des Palestinien·ne·s, et de manière générale.
Faire progresser une lutte aussi large est l’une des tâches importantes de la gauche socialiste parmi les deux groupes nationaux. Le mouvement de lutte socialiste s’oppose complètement à la répression politique et à la violente chasse aux sorcières menée contre le public arabo-palestinien en Israël, indépendamment des controverses politiques avec d’autres mouvements, y compris de la droite palestinienne. Nous avons explicitement, et de manière explicative, opposé la mise hors la loi du Mouvement Islamique du Nord – une démarche hypocrite et dangereuse destinée à aider le régime israélien à viser les populations arabo-palestiniennes et musulmanes en Israël comme des boucs émissaires, destinés à criminaliser et réprimer les luttes politiques parmi ce public et envoyer un message menaçant à d’autres mouvements politiques en conflit avec le régime, d’abord les mouvements palestiniens, mais pas uniquement.
L’absence de mouvements sociaux de travailleurs et de jeunes en Israël, depuis le mouvement de protestation de 2011, permet de renforcer la perception isolationniste de la « politique identitaire » parmi les groupes opprimés dans la société. Dans ce contexte, de nombreux militants concluent que la lutte politique contre l’oppression nationale des Palestiniens nécessite une stratégie basée sur « l’unité nationale » qui traverse les classes sociales et les approches politiques. C’est aussi une réponse aux mesures de répression et à la politique du « diviser pour régner » utilisée par le régime israélien. Il essaie de déchirer les masses palestiniennes sur une base géographique, religieuse et ethnique – y compris en encourageant le militarisme israélien et le projet militaire des citoyens arabes en Israël – nuisant ainsi au potentiel d’une lutte large et efficace contre l’oppression nationale. Le rejet de l’instigation du conflit ethnico-religieux est définitivement juste, tout comme la compréhension qu’un mouvement large et fort est nécessaire.
La forme embryonnaire de l’État policier capitaliste représenté par l’Autorité palestinienne du Fatah et de l’OLP, et son parallèle dans sa version islamiste dirigée par le Hamas dans la bande de Gaza, sont un signe avant-coureur de la direction dans laquelle les dirigeants pro-capitalistes de droite peut mener. L’atténuation des différences politiques au sein de la minorité arabo-palestinienne au nom de « l’unité nationale » finit par faire le jeu de la droite israélienne, qui cherche à isoler ce public afin de faciliter la politique de répression.
Dans la perspective des élections de 2015, malheureusement, Hadash n’a pas insisté pour proposer une alternative de gauche de premier plan au niveau national. Au lieu de cela, il a capitulé devant les pressions et s’est associé à la fondation de la « liste commune », en tant que coalition de forces de gauche et de droite dans le public palestinien, y compris les forces pro-capitalistes et conservatrices. La gauche est l’aile nécessaire pour faire les concessions significatives dans cette alliance. Le profil national du Hadash, en tant que force de gauche la plus importante à ce niveau, a été obscurci. Comme nous l’avions prévu, malgré les discussions sur un développement « historique », la liste commune n’a pas, jusqu’à présent, mené de lutte significative et n’a pas réussi à présenter des résultats essentiels. Elle reste « neutralisée » dans le domaine parlementaire et, par conséquent, a également déçu des couches de partisans qui y ont placé leurs espoirs.
Les couches plus larges du public arabe, dont la majorité vivent sous le seuil de la pauvreté et subissent une offensive quotidienne en raison de leur origine nationale, s’intéressent, à long terme, à des solutions pratiques aux problèmes criants de la pauvreté et de la discrimination. Mais les forces politiques sur la liste n’arrivent pas à esquisser un objectif de lutte efficace pour le changement – elles n’arrivent pas à mettre de l’avant une véritable opposition à la droite israélienne, la domination de Netanyahu, l’oppression nationale et le capitalisme israélien. Les faiblesses du programme politique, y compris en ce qui concerne le changement socialiste, et le manque de confiance dans les luttes de la classe ouvrière et des masses, sont à l’origine de l’approche étroite du Hadash dans le domaine parlementaire et l’orientation des campagnes électorales. Cela se fait d’une manière presque détachée de la construction d’une lutte extra-parlementaire, et cette approche se reflète également dans des alliances politiques sans principes.
Certains dirigeants du Parti communiste peuvent prétendre que leur approche est « pratique » pour changer la réalité dans des circonstances complexes. Bien sûr, les organisations politiques sérieuses doivent examiner quand il est nécessaire de changer les demandes et les tactiques. Mais pour la gauche marxiste, de tels changements devraient être faits sur la base d’une approche de principe et de classe. Malheureusement, ce n’est pas l’approche de la direction du PC, qui a tendance à adopter une approche réformiste qui affaiblit la gauche, car elle nourrit des illusions de solutions dans le cadre de la société capitaliste, garde des couches larges dans un rôle relativement passif et abandonne la construction d’une lutte politique basée sur la classe ouvrière dans la société. La même logique conduit le PC et Hadash à se ranger du côté de l’impérialisme russe, du régime Assad et du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie, en tant que forces jouant un rôle « progressiste », selon la tradition stalinienne de tendre aux forces en conflit avec les puissances impérialistes occidentales.
D’autre part, si les forces de gauche à Hadash avaient adopté une approche de classe et un programme socialiste de manière centrale et proéminente, ils auraient pu utiliser beaucoup plus efficacement leur poids relatif au niveau national afin de défier les forces de droite dans les deux groupes nationaux. Notre organisation au niveau national et international est pleinement engagée à promouvoir la solidarité internationaliste avec la lutte des masses palestiniennes pour la libération de l’oppression nationale, et s’engage également à contribuer à la discussion en ce qui concerne la façon dont cette lutte pourrait être gagnée.
D’une manière générale, et compte tenu des ambitions actuelles et de l’intensification brutale des mesures répressives à l’encontre des Palestinien·ne·s, ne serait-il pas opportun de promouvoir actuellement un programme de « deux États » pour résoudre le conflit? Dans le contexte du Moyen-Orient capitaliste d’aujourd’hui, le sens de cette revendication est en effet la fondation d’un État fantoche néo-colonial pour les Palestiniens, et non une véritable indépendance nationale. Les problèmes fondamentaux des masses palestiniennes ne seraient pas résolus et le conflit sanglant continuerait.
Par contre, l’idée d’un État binational est complètement utopique dans un contexte capitaliste – la majorité décisive des deux nationalités ne sont pas intéressées à renoncer à l’indépendance nationale et à partager un seul État, et même si un tel État serait contraint, il serait basé sur l’inégalité et un schisme national profond. Ce fait souligne qu’à ce stade, même si le mot d’ordre de « deux États » suscite de plus en plus de suspicion, l’idée d’une solution basée sur deux États nationaux – mais dans un contexte socialiste – est encore nécessaire. À ce stade, avancer un programme qui propose une solution sous la forme d’un État commun pour les deux nationalités, même un État socialiste, n’est pas capable de fournir une réponse fondamentale aux peurs, aux soupçons et au désir intense d’indépendance nationale pour les deux groupes nationaux. Néanmoins, le rôle de la gauche marxiste est aussi d’expliquer que les couches de la classe ouvrière et les masses de tous les groupes nationaux ont, à la base, un intérêt dans une lutte unitaire autour d’un programme de changement socialiste.
Bien que des luttes significatives puissent certainement gagner des accomplissements importants auparavant, seulement sur une base socialiste, il sera possible d’assimiler les conditions de vie des Palestinien·ne·s à celles des Israélien·ne·s – et d’élever, en fait, le niveau de vie général bien au-delà des meilleures conditions qui pourraient être atteintes sous le capitalisme – et de garantir une complète égalité des droits dans tous les domaines. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de s’assurer que toutes les ressources de la société servent rationnellement et démocratiquement le bien-être des masses, et permettront également l’investissement nécessaire des ressources pour les réfugiés palestiniens – une solution juste de leur situation exige une lutte pour garantir les conditions de bien-être et d’égalité dans la région, et la promotion du dialogue direct et du consentement, qui inclurait la reconnaissance de l’injustice historique et du droit au retour. Dans ces circonstances, la diminution de l’aversion mutuelle et du schisme national peut aussi préparer le terrain pour un État socialiste commun.
Les approches des sections de la gauche internationale, qui adoptent une approche nationale étroite du problème et proposent d’ignorer les craintes de millions de juifs israéliens et leur volonté d’autodétermination nationale, ne présentent aucun moyen sérieux de trouver une solution. Le processus catastrophique d’occupation, d’expropriation et d’oppression des Palestinien·ne·s par le mouvement sioniste et l’État d’Israël n’annule pas le fait que des masses de réfugiés juifs des pays européens et des pays arabes et musulmans ont été cyniquement exploitées par les puissances mondiales et par l’élite nationaliste sioniste. La référence nationaliste simpliste à tous les juifs israéliens en tant que « colons » ignore le fait que la majorité d’entre eux sont nés dans le pays, sans aucune affinité avec un autre pays.
Considérant l’histoire de l’Holocauste, la persécution des Juifs et les menaces antisémites des forces arabes et islamistes réactionnaires au Moyen-Orient, un programme qui proposerait que des millions d’Israélien·ne·s renoncent simplement à l’indépendance nationale sera perçu comme un plan « d’annihilation ». Cela poussera plus fortement la classe ouvrière israélienne entre les mains de la droite israélienne et pour une « guerre de survie » par tous les moyens, y compris les armes nucléaires. Plus que cela, même dans un scénario sanglant hypothétique dans lequel une force externe subjuguerait militairement Israël, alors des millions de Juifs israéliens deviendraient une minorité nationale opprimée et le conflit national continuerait sous une nouvelle forme terrible.
Certes, le mouvement sioniste et l’État d’Israël ont mis en œuvre, et mettent en œuvre jusqu’à ce jour, une politique colonialiste visant à repousser et à exproprier la population arabo-palestinienne en faveur de la population juive israélienne. Cette politique comprend non seulement l’idée de déraciner la population palestinienne et la construction de colonies actuellement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, mais aussi des plans organisés par l’État pour la judaïsation des territoires, en particulier dans le Néguev et en Galilée. La classe dirigeante israélienne considère les masses palestiniennes expropriées comme une menace existentielle pour l’avenir de sa domination. Le régime capitaliste israélien, qui est toujours en conflit avec la population palestinienne et avec les populations arabes et musulmanes de la région, s’efforce de fonder son existence sur le soutien mobilisateur de la population juive en Israël et par des collaborations avec la politique impérialiste des puissances capitalistes, en particulier les États-Unis, ainsi que les régimes autocratiques qui sont prêts à faire des affaires avec elle.
Dans ce contexte, il y a des courants dans la gauche qui s’opposent au « droit d’existence » d’Israël. Bien sûr, la gauche marxiste s’oppose à tous les régimes d’oppression dans la région et dans le monde. Mais sur cette base, on pourrait aussi opposer le « droit d’existence » des États-Unis, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de la France, qui, en tant que puissances impérialistes majeures, ont causé les plus grandes horreurs de l’histoire. Certains prétendent que le droit à l’existence d’Israël devrait être spécifiquement combattu parce que c’est un État-nation « inventé » et établi sous le patronage des puissances capitalistes pour servir leur politique impérialiste au Moyen-Orient, et parce qu’il est été établi par l’expropriation des masses palestiniennes.
Cependant, en général, les frontières nationales au Moyen-Orient, que les guerres civiles en Irak et en Syrie sapent actuellement, ont été dictées en grande partie par les puissances impérialistes, à travers l’accord Sykes-Picot signé secrètement il y a cent ans suivant les accords impérialistes. La revendication des États nationaux, que les puissances impérialistes ont créée de facto ou nourrie à leur profit, peut également aller à l’encontre du droit à l’existence d’une série d’autres États dans le monde, y compris dans les anciens territoires de l’URSS, les Balkans ou Taiwan, par exemple.
En dehors de cela, bien que le processus d’établissement de l’État d’Israël ait des caractéristiques uniques, il faut tenir compte qu’une longue liste d’états nationaux ont été créées de manière tragique à la suite des occupations, du déracinement massif des populations, de l’expropriation coloniale et de la politique nationaliste visant à modifier la composition démographique en faveur du groupe national-ethnique au pouvoir. Cependant, la question importante, également par rapport aux États-Unis par exemple, est de savoir comment il est possible de passer d’une réalité d’oppression et de vol à une solution aux problèmes fondamentaux et à l’établissement d’une société nouvelle, démocratique et égalitaire. La gauche marxiste ne peut pas se contenter de montrer le caractère réactionnaire des régimes et leur histoire sanglante – elle doit montrer comment les nations capitalistes et impérialistes sont fondées sur des contradictions, comment elles pourraient se scinder en classes et comment il serait possible de surmonter les calamités de l’ère capitaliste et impérialiste de cette façon. Ainsi, l’État d’Israël n’est pas seulement un État colonial/colonisé, gouverné par une nationalité et expropriant une autre – c’est aussi un état capitaliste d’exploitation et d’oppression de classe dans une société de classe en crise.
Des parties de la gauche internationale ont tendance à adopter une attitude nationaliste envers les millions de Juifs israéliens, comme un bloc de réaction, une société de colons, dans laquelle la contradiction fondamentale n’en est pas une de classe mais nationale, et dans laquelle les masses n’ont aucun intérêt réel à mettre fin à l’oppression des Palestiniens, à la libération sociale ou au changement socialiste. C’est une abstraction grossière de la réalité. Une telle approche réduit, en fait, la responsabilité des généraux, des magnats et des partis nationalistes pour les horreurs qu’ils aident à créer. C’est une approche qui dépeint la société israélienne d’une manière non dialectique et presque sans contradiction interne.
Bien que l’antagonisme national soit généralement le plus important et freine le développement de la lutte de classe du côté des travailleurs, l’antagonisme de classe est néanmoins la contradiction interne fondamentale qui sape « l’unité nationale » et représente le potentiel pour dépasser la société capitaliste israélienne et construire une nouvelle société. Objectivement, et indépendamment des humeurs et des perceptions réactionnaires qui sont répandues au stade actuel, la classe ouvrière israélienne a un rôle clé à jouer dans la lutte contre le capitalisme israélien et pour le changement socialiste de la société.
Certes, certaines couches de la classe ouvrière israélienne, par exemple dans les grandes colonies, sont « soudoyées » afin de soutenir politiquement l’entreprise de colonisation, y compris avec certains avantages économiques directs et indirects. Mais une analyse plus large des intérêts de la classe ouvrière n’indique aucun intérêt économique essentiel, ni un véritable « profit politique ». Les capitalistes israéliens profitent des zones industrielles des colonies et généralement de la surexploitation des Palestinien·ne·s comme main-d’œuvre bon marché (bien que ce soit une part restreinte de l’ensemble des profits de la classe capitaliste israélienne, alors que la politique principale du sionisme et du capitalisme israélien aux Palestiniens est le déracinement et l’expropriation, dans le but de renforcer la base sociale du régime). En outre, il est intéressant de noter que les capitalistes sont moins exposés que les travailleurs aux confrontations basées sur le nationalisme dans les rues et les lieux de travail et aux risques de sécurité personnelle résultant du conflit.
La classe ouvrière israélienne-juive – les travailleurs discriminé·e·s de Mizrahi et les milieux éthiopiens et les anciens travailleurs de l’URSS, mais aussi les travailleurs descendants ashkénazes – ne souffre pas le même niveau d’oppression et de pauvreté que les masses palestiniennes. Mais elle souffre collectivement du « diviser pour régner » sur une base nationale, rivalisant dans une course contre la main-d’œuvre bon marché, et souffre surtout des conséquences politiques du conflit perpétué. Généralement, les couches non négligeables ont même tendance, dans une certaine mesure, à avoir une attitude réservée vis-à-vis de l’entreprise de colonisation et à en être aliénées. La réaction nationaliste-raciste en son sein ne repose pas, fondamentalement, sur un intérêt économique mais surtout sur des peurs existentielles sur la sécurité (plus que tout autre problème, notamment la discrimination ethnique historique de Mizrahis, que les partis Likoud et Shas exploitent cyniquement). Cela signifie que cette section est politiquement enchaînée à la classe dirigeante sur la base d’une fausse politique capable de répondre à ses intérêts de sécurité. Comme mentionné précédemment, au profit de la classe dirigeante israélienne, d’autres forces réactionnaires au Moyen-Orient se mobilisent pour contribuer à ce résultat.
Il existe de puissants mécanismes idéologiques permettant au nationalisme sioniste de mobiliser le soutien même parmi les parties du public arabo-palestinien en Israël, particulièrement les travailleurs·eus druzes et bédouins et les pauvres, mais cela ne signifie pas que ces mécanismes sont basés sur les intérêts fondamentaux de ces groupes. La gauche marxiste devrait aider à faire la lumière sur le fait que, finalement, l’intérêt fondamental de la classe ouvrière des deux côtés du schisme national est une lutte commune contre les crimes de la classe dirigeante israélienne. Le conflit israélo-palestinien n’est bien sûr pas symétrique et il a un caractère national-colonial, entre une nationalité oppressive et expropriante et une nationalité opprimée et expropriée. Mais la gauche marxiste ne peut pas adopter une approche nationaliste simpliste de la société israélienne. Contrairement aux idées qui favorisent la « normalisation » de l’occupation et de l’oppression des Palestiniens – y compris les relations économiques et militaires entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement Netanyahou – la gauche marxiste devrait promouvoir la lutte contre l’oppression nationale, le dialogue et les luttes conjointes des deux côtés de la fracture nationale, en particulier des travailleurs, ce qui aidera à clarifier les grands intérêts communs dans une lutte contre le capitalisme israélien et pour une nouvelle société, sans aucune discrimination nationale.
Alors que les approches qui cherchent à mettre une « culpabilité collective » et à prendre, par exemple, l’action d’un boycott généralisé contre la société israélienne, pourraient donner l’impression que la lutte est généralement contre les Israélien·ne·s et ainsi faire le jeu de l’aile droite israélienne, une approche de classe à la société israélienne, ainsi que des initiatives de boycott plus sélectives et ciblées, pourraient constituer une menace beaucoup plus sérieuse contre la droite israélienne. Contrairement aux traditions staliniennes, la gauche marxiste n’abandonne jamais une analyse de classe ou un programme politique de classe en faveur d’une approche nationale ou « patriotique » des luttes progressistes qu’elle soutient, même lorsqu’il s’agit de luttes de libération nationale.
Notre programme politique de base est la lutte pour éradiquer toutes les formes de discrimination et d’oppression dans la société et pour une société socialiste au niveau régional et mondial, qui surmontera tous les schismes nationaux et ethniques. Cependant, il ne suffit pas de parler uniquement de la future société socialiste, surtout si l’on considère la centralité de la lutte nationale des Palestiniens et le conflit national. Dans les circonstances actuelles, un programme qui inclura la reconnaissance d’un droit égal à l’existence et à l’autodétermination, qui sera exprimé dans deux états socialistes avec des droits égaux, avec des droits égaux pour les minorités, et aspirant à ce que les deux états travaillent volontairement dans un cadre confédératif commun et dans le cadre d’une confédération d’États socialistes de la région, pourrait potentiellement convaincre de larges couches des deux côtés de la fracture nationale et servir de base à une lutte commune contre le capitalisme israélien et pour la justice sociale et la paix. Nous ne présumons pas une carte prête à l’emploi avec de nouvelles frontières – cette question et d’autres finiront par être décidées à la suite de processus démocratiques menés par de larges mouvements.
Tenant compte des profondes lacunes actuelles dans les perceptions politiques des deux côtés de la fracture nationale et dans la région, influencés en ce moment par le manque de partis socialistes forts, et compte tenu de la suspicion à l’égard de la position des « deux États », il est clair que le point de départ pour expliquer et promouvoir ce programme, y compris par des slogans politiques, ne peut être identique dans toutes les situations. Mais le programme lui-même est à notre avis le programme objectivement nécessaire aujourd’hui. En même temps, nous sommes certainement ouverts au développement d’une discussion fructueuse sur cette question avec les mouvements de gauche et socialistes des deux côtés et au niveau international.
La tendance des parties de gauche à identifier arbitrairement les tendances dangereuses de la réaction dans la société israélienne comme « fascisme » est dangereuse sur le plan politique, car elle peut conduire à des conclusions erronées sur les opportunités à l’ordre du jour et sur la stratégie et la tactique l’étape actuelle. D’ailleurs, les attaques sévères contre les libertés démocratiques en Turquie, en Russie ou en Égypte, aussi brutales soient-elles, ne représentent pas des régimes fascistes.
Néanmoins, il existe un besoin important de formations de défense communautaire – démocratiques et armées si nécessaire – contre les attaques des colons, de l’armée et de la police dans les villes palestiniennes de Cisjordanie, à Jérusalem-Est, en même temps qu’il y a un besoin de forces politiques de gauche et socialistes qui proposeraient un moyen de lutte politique pour le changement. Il est clair que l’organisation d’une lutte politique est plus complexe dans les territoires de 67 dans des conditions de répression intense et meurtrière – tout militant risque l’emprisonnement et la mort – d’abord sous la dictature militaire du régime israélien, mais aussi sous les gouvernements de l’Autorité palestinienne et le Hamas. La grève de masse populaire organisée par les enseignants en Cisjordanie en février-mars a été la plus grande lutte des travailleurs des dernières années dans les territoires de l’Autorité. Elle a réussi à secouer un syndicat bureaucratique, a secoué l’Autorité palestinienne elle-même, qui sert de sous-traitant de l’occupation, et a ramené à l’ordre du jour la perspective d’un mouvement de couches plus larges vers la lutte.
Des développements de ce type peuvent créer la base de la croissance des forces de gauche et socialistes qui proposeront une alternative à l’impasse des dirigeants de droite du Fatah et du Hamas. Promouvoir l’idée d’assemblées populaires dans les villes et les quartiers pourrait aider à développer une discussion sur la stratégie, les tactiques et les demandes, à impliquer des couches plus larges et à élire des comités d’action démocratiques. Le régime Netanyahou est loin de s’appuyer sur un large soutien du public israélien. Il est nettement plus faible que le régime de Sharon lors de la deuxième Intifada. Il a été présenté avec – en 2011 – le plus grand mouvement de protestation sociale dans l’histoire d’Israël et avec une série de luttes sociales. Malgré l’utilisation claire de la démagogie nationaliste-raciste pour mobiliser les électeurs, Netanyahou n’a pu former au Knesset que des coalitions gouvernementales de majorités très éprouvées, qui n’ont été rendues possibles que par l’aide de nouveaux partis capitalistes qui promettaient un « changement », comme ceux de Lapid et Kahlon.
D’une part, l’idée que l’oppression des Palestiniens et les problèmes du conflit seraient résolus à la suite des pressions exercées sur Israël par d’autres gouvernements capitalistes est une illusion. La solution ne viendra pas de l’extérieur. Mais néanmoins, les développements qui montrent le potentiel et les réalisations pour les mouvements de masse et pour la gauche régionale et internationale ont influencé – comme cela s’est produit pendant les révolutions arabes en 2011 – et influenceront encore l’ouverture aux idées de gauches, de classe et socialistes parmi les couches de la classe ouvrière et la classe moyenne dans les deux groupes nationaux. Le tremblement de terre politique représenté par la campagne de Sanders aux États-Unis est déjà un certain point de référence.
La promotion de collaborations fondées sur des principes entre les forces politiques de gauche pourrait aider à surmonter l’absence d’une force politique basée sur la classe ouvrière dans les deux groupes nationaux et à commencer à mettre une alternative socialiste à l’ordre du jour national. Le Socialist Struggle Movement est pleinement engagé dans une lutte basée sur une approche de classe et internationaliste et nous avons pleinement confiance dans le potentiel des idées socialistes et marxistes pour convaincre et gagner le soutien des deux côtés de la fracture nationale.
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Gaza : Il faut des actions de masse et l’unité des travailleurs contre la terreur d’Etat israélienne

Au cours des dernières semaines, la colère de la population palestinienne a éclaté dans la bande de Gaza à l’occasion de mobilisations de masse. L’État d’Israël a répondu par une violente répression faisant une centaine de morts et des milliers de blessés.
Par Baptiste (Hainaut), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste
Histoire de l’oppression
Il y a 70 ans, l’État d’Israël a été fondé sur le territoire correspondant alors à la Palestine. Cet évènement est surnommé ‘‘Nakba’’, ce qui signifie en arabe ‘‘catastrophe’’. De fait, l’octroi d’un Etat pour la communauté juive a été décidé par les puissances impérialistes au mépris de la population palestinienne. Au-delà de toute considération communautaire, il s’agit d’une catastrophe pour les Palestiniens car cela a signifié l’exil et la pauvreté pour près de 750.000 d’entre eux. Aujourd’hui 70% de la population gazaouie est constituée de familles refugiées de 1948. Les expulsions se sont poursuivies pendant des décennies, s’accompagnant d’une occupation des territoires palestiniens, de confiscations des terres, de colonisations, de destructions et de violences militaires se traduisant par de nombreux morts et emprisonnements. La fondation de l’État d’Israël est le début, pour plusieurs générations, d’un interminable état de guerre
Cette tragédie reste présente dans la vie quotidienne des Palestiniens, marquée par la pauvreté, la répression, l’état de siège. Dans la bande de Gaza, où vivent près de 2 millions de personnes, cette situation est particulièrement aigüe. Le chômage atteint officiellement près de 40% et s’accentue encore parmi la jeunesse (60% chez les moins de 30 ans). Les coupures d’eau courante et d’électricité sont quotidiennes. C’est la conséquence de la politique de guerre menée par l’Etat d’Israël, renforcée par le blocus de Gaza depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas dans cette zone il y a 12 ans.
La ‘‘marche du retour’’ et le spectre de la 1e Intifada
C’est dans ce contexte que des mobilisations ont été organisées depuis le 30 mars à Gaza, avec comme point culminant une ‘‘grande marche du retour’’ le 15 mai. Plus qu’une commémoration de la Nakba, c’est un sentiment de révolte qui caractérise la jeunesse palestinienne. 75% des Gazaouis ont moins de 25 ans. C’est toute une génération qui a grandi dans cette prison à ciel ouvert, et qui n’a pas grand-chose à perdre dans une lutte pour une vie digne.
Ces mobilisations sont allées crescendo jusqu’au 14 mai, date choisie par les États-Unis pour inaugurer leur ambassade à Jérusalem. Cette délocalisation à Jérusalem symbolise le soutien total de l’administration Trump à l’Etat d’Israël pour la domination territoriale et le mépris envers la population palestinienne et ses aspirations. Cette inauguration a forcément mis de l’huile sur le feu alors que près de 50.000 Palestiniens étaient présents au abord du mur de Gaza ce 14 mai pour protester. Un chiffre considérable au vu de la militarisation de la zone.Ces mobilisations de masse ont rappelé aux dirigeants israéliens la 1ere Intifada, au cours de laquelle la révolte des Palestiniens s’était traduite en actions de masses, allant jusqu’à générer des comités d’organisation de la lutte démocratiques et indépendants pour aider à organiser la résistance, défendre les manifestation et générer une polarisation parmi la population israélienne. C’est pour éviter à tout prix un tel mouvement de masse que le gouvernement de Netanyahu a organisé une répression sanglante, en autorisant explicitement les soldats à tirer pour tuer sur les manifestants sans armes, faisant 112 morts dont la moitié sur la seule journée du 14 mai.
Comme si l’augmentation de la puissance du conflit n’était pas ‘‘suffisante’’, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien augmente encore les tensions nationales dans la région, et ses conséquences peuvent être très destructrices, avec en ce compris un réel danger de guerre.
L’action de masse comme méthode de lutte
Une chose est certaine : la misère et la répression ne mettront pas fin à la colère. Mais tant le Fatah que le Hamas ne sont pas à même de donner une orientation politique viable à la lutte pour la libération du peuple palestinien.
En 2006, l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza a été le prix à payer par le Fatah pour des décennies d’échecs à se fourvoyer dans des négociations avec les Etats bourgeois limitrophes pour aboutir à un Etat Palestinien bourgeois. De manière systématique, les intérêts de la classe dominante des pays voisins ont primé sur ceux du peuple palestinien. Une telle stratégie mène à l’impasse. Fort peu a été obtenu à l’issue de la 1e Intifada, en bonne partie à cause de la mauvaise stratégie du Fatah. Aujourd’hui, le Fatah se focalise sur une guerre contre le Hamas, quitte à le faire payer aux Gazaouis à travers des coupes, voire des non paiements de salaires de fonctionnaires ou des coupures dans l’approvisionnement en électricité.
Malgré une considération importante pour la situation sociale des masses et une rhétorique de libération nationale plus radicale, le Hamas n’a pas l’orientation stratégique qui permettrait d’obtenir une victoire. Le recours aux méthodes du terrorisme fournit un exutoire et assouvit une soif de vengeance. Mais cela n’a jamais permis d’obtenir une libération nationale. Au contraire, cela renforce l’implantation sociale d’un conflit national et par conséquent un statu quo. C’est malheureusement tout ce qu’a permis d’obtenir la vague d’attentats assimilée à la 2e Intifada, loin des aspirations de la 1e Intifada.
Les dirigeants du Hamas et de l’Autorité palestinienne contribuent à aggraver la situation, chacun à sa manière, mais le contrôle principal de la bande de Gaza reste entre les mains de la droite israélienne. Le gouvernement israélien, en coopération avec son homologue égyptien, applique un blocus en guise de politique punitive collective à l’encontre d’environ deux millions de personnes, accompagné d’une tentative longue et infructueuse de forcer un changement de direction politique.
L’unité avec les travailleurs de l’État d’Israël
L’allié principal du peuple palestinien dans la lutte contre l’oppression de l’Etat d’Israël, ce sont les travailleurs, les pauvres et les jeunes d’Israël. Il est erroné de considérer Israël comme un bloc uniforme et réactionnaire, sans discerner l’Etat et l’élite capitaliste des travailleurs. Car Israël fonctionne comme toutes les autres sociétés de classe, avec ses magnats et ses inégalités, et des luttes menées par les travailleurs et les jeunes pour défendre et obtenir des droits. S’il est vrai qu’il existe des crimes de haine perpétrés à l’égard de Palestiniens, ce n’est pas le fait d’une majorité de la communauté juive mais de l’extrême-droite, attisée par la rhétorique guerrière et la criminalisation des Palestiniens.
Dans ce sens, la stratégie de ‘‘l’équilibre des souffrances’’ stimulée par le Hamas est une impasse contre-productive. C’est une aubaine pour l’Etat d’Israël qui a vite fait d’instrumentaliser cela en légitime défense vis-à-vis des Palestiniens assimilés dans leur globalité à des terroristes du Hamas. L’ambassadrice d’Israël en Belgique en a donné un aperçu tant grossier que grotesque : ‘‘Tous les Palestiniens abattus par balle étaient des terroristes, y compris les 8 enfants’’. Le premier ministre Netanyahu utilise à plein cette ficèle, lui qui cherche à restaurer son autorité suite à un discrédit politique et des rumeurs de corruption.
Une stratégie visant à développer la solidarité entre les travailleurs et les jeunes Israéliens et Palestiniens permettrait au contraire de démasquer l’establishment israélien. Des organisations indépendantes et démocratiques des jeunes et des travailleurs sont nécessaires pour construire cette stratégie, tant du côté palestinien qu’israélien.
Une alternative socialiste est possible et nécessaire
Si des luttes significatives pourraient permettre de gagner des droits importants, c’est seulement sur une base révolutionnaire qu’il sera possible de donner une substance conséquente à ces droits, notamment le droit au retour pour les réfugiés, et ainsi garantir une complète égalité dans tous les domaines.
Le système capitaliste mène au chaos. Dans celui-ci, les fondamentalistes instrumentalisent la colère et le désespoir des masses face à la barbarie de l’État d’Israël quand ce n’est pas celle d’autres gouvernements despotiques comme celui d’Assad en Syrie. Et Trump vient encore en rajouter une couche.
La seule issue à ce conflit sanglant qui puisse satisfaire les droits des Palestiniens comme des Israéliens serait de mettre en avant une solution à deux États sur le long terme – une Palestine et un Israël socialiste – avec la possibilité d’une capitale partagée à Jérusalem, en liant cela au concept d’une confédération socialiste.
Dans le cadre du capitalisme, il n’y a pas la moindre possibilité de parvenir à une solution viable à deux États. On ne peut exclure un arrangement temporaire, mais cela ne serait pas non plus une solution aux problèmes nationaux des Palestiniens ni des Israéliens. Un enjeu vital pour une révolution au Moyen-Orient est de trouver une méthode pour dissocier les travailleurs israéliens de leur classe dirigeante. Alors, la classe des travailleurs, œuvrant de manière unifiée pourra donner naissance à une force capable de renverser les capitalistes, en Israël comme en Palestine, et capable de mettre sur pied un tel projet.
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Israël-Palestine: Témoignage de Gaza
Ce qui suit est un rapport écrit par un activiste et auteur de Gaza, Rana Shubair, à la demande du Mouvement de lutte socialiste (MLS), la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël-Palestine.L’article est suivi de deux vidéos. La première est une séquence prise lors des manifestations du 14 mai à Gaza par la fille de Rana ; la deuxième est une séquence de membres du MSL participant à une manifestation contre les meurtres de manifestants à Gaza le 18 mai à Yad Mordekhay Junction en Israël, près de la clôture de Gaza.
Lundi sanglant
Le 14 mai était le premier jour des vacances d’été pour les écoliers. Ils avaient terminé les finales un jour avant et le lundi était censé être un jour de sortie en famille. Cependant, mes enfants m’ont surpris cette année en ne m’incitant pas à les emmener quelque part comme d’habitude. Le seul endroit où ils voulaient aller était la Marche du retour.
Il y avait beaucoup d’exaltation dans l’air les jours précédents, et nous avons tous senti que lundi serait le moment de la Marche par excellence. Il s’est avéré que c’était le cas, mais les soldats israéliens en ont fait un jour de deuil pour nous.
Nous sommes arrivés là (à l’est de la ville de Gaza) vers midi et la première chose que j’ai vue, c’était un grand drapeau palestinien, ce qui m’a rempli d’espoir et de courage. La zone du campement était inondée de gens se rassemblant dans différentes zones. Beaucoup se sont assis sous des tentes et beaucoup d’autres se sont levés et se sont assis à 300 mètres de la clôture barbelée.
En descendant vers la clôture, la fumée noire des pneus en feu remplissait l’air et, de temps à autre, les manifestants étaient confrontés à un torrent de grenades lacrymogènes. Certains portaient des masques pour se protéger, d’autres avaient des raquettes pour faire rebondir les grenades, beaucoup couraient dans la direction opposée pour éviter d’inhaler le gaz. Plus je me rapprochais de la zone de rassemblement, plus l’air commençait à être lourd.
Le nombre d’ambulances était plus élevé que n’importe quel autre jour. Elles étaient partout et ont manœuvré à partir de différents points.
A côté de moi se tenait un groupe de femmes qui imploraient à haute voix, appelant à la victoire.
Un vieil homme s’est assis sur une chaise devant une caméra et a été interviewé. Il avait l’air d’avoir plus de quatre-vingts ans et avait beaucoup d’histoires à raconter. C’était un survivant de la Nakba, plus âgé que l’État occupant d’Israël.
Toujours debout, j’ai entendu des cliquetis sporadiques de coups de feu. Avant d’arriver au campement, le nombre de morts parmi les manifestants était de 16. Quelques instants plus tard, j’ai entendu le nombre passer à 30.
Étant donné l’escalade folle des meurtres, je m’attendais à ce que les gens se dispersent. Mais ce fut exactement le contraire. Ils sont restés là avec une ténacité qui n’a fait que s’affirmer de minute en minute.
La Marche a ravivé l’espoir en nous tous à bien des égards. Les jeunes ont bravé sans crainte les tireurs d’élite israéliens lourdement protégés qui pouvaient si facilement choisir d’éliminer l’un d’entre eux. Tandis que je me tenais là, j’ai pensé : tous leurs mouvements sont mesurés et calculés. En fait, ce qu’ils font ressemble beaucoup à ce que font les braconniers. Ils observent leurs proies impuissantes et saisissent l’occasion de tirer.
A la fin de la journée, le bilan s’élevait à 60 morts parmi les manifestants. Ce fut une journée sanglante et inoubliable, qui a ajouté une autre Nakba à notre histoire. Pourtant, nous croyons fermement que le sang versé par les innocents sera la graine qui fera un jour fleurir notre liberté.