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Tag: Irlande
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Troisième partie)
Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique
75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)
76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)
77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.
Les fondements minés
78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)
79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)
Marché immobilier : illusions statistiques ?
80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)
81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.
82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)
83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède
Hystérie de l’inflation
84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)
85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)
86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)
Cadeaux fiscaux aux entreprises
87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?
88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.
89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)
90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)
91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)
92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.
93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.
94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).
95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)
Des rémunérations généreuses pour les patrons
96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)
97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (…) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.
98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.
Actions pour plus de salaire
99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)
100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.
101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».
102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.
Premier mai – élections sociales et semaine d’actions
103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »
104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)
105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)
106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.
107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.
Le droit de grève restreint ?
108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.
109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».
110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)
111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport… La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.
(1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro
(2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.
(3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.
(4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard
(5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.
(6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.
(7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.
(8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.
(9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op
(10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays
(11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.
(12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie
(13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York …
(14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.
(15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen
(16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours
(17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’
(18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.
(19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen
(20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008
(21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics
(22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf
(23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt
(24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar
(25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.
(26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008
(27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)
(28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder
(29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie
(30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC
(31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore
(32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »
(33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008
(34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur
(35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation
(36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug
(37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale
(38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25
(39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf
(40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159
(41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek
(42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe
(43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen
(44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen
(45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels
(46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik
(47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels
(48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe
(49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’
(50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’
(51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’
(52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat
(53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”
(54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public
(55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.
(56) Site des autorités Fédérales, grèves
(57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie
(58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven
(59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert
(60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus
(62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen
(63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries
(64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine
(65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen
(66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet
(67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.
(68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’
(69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er
(70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage
(71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie
(72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.
(73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.
(74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers
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Visite militante de Liège et BBQ
Visite militante de Liège et BBQ
Il y a tout juste une semaine, nous avons organisé une petite visite de Liège avec sur base de l’histoire des luttes et des révoltes populaires dans la cité ardente, qui a décidément bien mérité son surnom… C’était pour nous l’occasion de commencer les vacances et nos campagnes d’été par une rencontre agréable à laquelle un peu plus d’une trentaine de personnes ont pris part, dont de jeunes ouvriers qui ont fait la connaissance de notre organisation à travers notre campagne pour plus de pouvoir d’achat.
Cette activité s’est déroulée une semaine à peine après la soirée de fin d’examen des Etudiants de Gauche Actifs, qui a également été une belle petite réussite. Réussite visiblement dans la droite lignée des traditions liégeoises, aux dires d’un certain Hubert Thomas… Ce dernier avait déclaré en 1541: «Personne ne croirait que les Liégeois sont buveurs au-delà de toute mesure, et moi-même je n’aurais rapporté cet amour du vin de mes compatriotes si je ne savais qu’aujourd’hui l’art de boire congrûment n’est pas compté par eux au nombre des vices, mais bien estimé à l’égal des premières vertus… Celui qui se montre sobre et frugal est méprisé, bafoué : on s’écrie qu’il doit avoir sur la conscience quelque crime qu’il craint de dévoiler pendant son ivresse.» Hum…
1.000 ans de luttes populaires à Liège
Bien entendu, c’est un autre aspect de l’histoire populaire de notre ville qui a été mis à l’honneur durant la visite, celui de la combativité du peuple liégeois au cours de l’histoire. La Cité Ardente peut s’enorgueillir de quelques beaux faits d’armes propres à rendre fiers les militants d’aujourd’hui… Notre guide n’a pas manqué d’insister sur ce point : Jean Peltier n’est pas seulement militant de longue date et passionné d’histoire, c’est aussi un amoureux de sa ville qui sait susciter l’intérêt, et avec beaucoup d’humour, ce qui ne gâche bien évidemment pas les choses…
Parmi tous les évènements hauts en couleur (rouge…) qui parsèment l’histoire de Liège, l’épisode de la Révolution liégeoise de 1789 est probablement le plus connu. Dès que les échos de la révolution française sont parvenus aux oreilles des Liégeois, le Prince-Evêque qui exerçait le pouvoir a été chassé. Après plusieurs années de luttes, en 1795, le rattachement à la France est voté, ce qui est un fait unique en Europe. Ce fait est révélateur de l’adhésion aux idéaux révolutionnaires portés par la jeune République, mais aussi des liens étroits que le parti populaire, à Liège, avait entretenu avec la France au cours des siècles précédents. Cette date a signifié la fin de la principauté de Liège et d’une histoire indépendante d’un millénaire, mais c’est loin d’être la seule à retenir pour les révolutionnaires d’aujourd’hui.
Ainsi, en 965 déjà, une révolte populaire éclate contre la politique fiscale de l’évêque Eracle (peut être un ancêtre de Didier Reynders ?).
Peu de temps après arrive l’évêque de Liège le plus célèbre, Notger, qui est aussi un seigneur féodal. C’est à partir de ce moment que la Principauté prend corps peu à peu. Il redescend de Publémont où s’était réfugié Eracle, fait construire une nouvelle cathédrale et un nouveau palais Place Saint-Lambert (l’actuel date de 1536), plusieurs collégiales et une nouvelle muraille autour d’une zone élargie incluant un centre économique (Place du Marché) et commerçant (en Neuvice).
Pendant les 5 premiers siècles de son existence, la principauté de Liège est une région très riche grâce aux terres fertiles de Hesbaye, aux bois des Ardennes, à la pierre, la houille et le fer que l’on trouve en abondance. Le commerce s’effectue d’abord le long de la Meuse, puis se développe un peu partout en Europe. Liège est alors célèbre pour son artisanat (dinanderies, textile), pour ses banquiers et son art, essentiellement religieux. Tout cela suscite les convoitises de l’extérieur… mais aussi des luttes pour mieux répartir cette richesse à l’intérieur.
Car le peuple connaît dans la principauté des conditions de vie très difficiles et dès le début, des luttes opposent les pauvres aux riches et aux puissants. C’est ainsi que Huy, qui dépend de la Principauté, connait la première Charte des Libertés au nord des Alpes, en 1066. Plus réticent à accorder des libertés sous son propre balcon, l’Evêque de Liège n’accordera les premières libertés aux Liégeois qu’en 1198.
Dès le 13e siècle, les luttes sociales s’aiguisent. Le Prince-Evêque et les nobles, qui acceptent mal de voir leurs privilèges rabotés, essaient de récupérer l’intégralité du pouvoir. Les métiers résistent à la politique du Prince-Evêque et essaient de conquérir de nouveaux droits. Régulièrement, le Prince-Evêque est obligé de faire appel à des seigneurs étrangers pour résister militairement aux soulèvements populaires. En 1255 se déroule l’insurrection des batteurs de Dinant, en 1297 le soulèvement du commun de Huy et en 1302 la révolte des métiers de Saint-Trond. Mais la plus grande lutte a lieu à Liège en 1312. C’est la Mal Saint-Martin.
Quand les Liégeois brûlent les églises…
Avec les nobles et les curés dedans !
Le jour de la Saint-Anne, le 3 août, les nobles ont tenté de récupérer l’intégralité de leur pouvoir, raboté au cours des dernières années. Le rassemblement des seigneurs était prévu durant la nuit, Place du Marché, où des renforts du comte de Looz devaient rejoindre le groupe et mettre le feu à la halle aux viandes. C’est que, dix ans plus tôt, un boucher avait coupé la main d’un noble, ce qui avait ouvert la voie à des luttes et des victoires du peuple contre les nobles…
Mais des domestiques des seigneurs avaient éventé la surprise en annonçant l’attaque. A la deuxième torche lancée sur le quartier, les bouchers, rejoints par les autres métiers, sortent de leurs cachettes et se jettent avec fureur sur les assaillants. Durant toute la nuit, la bataille fait rage. A l’aube, les soldats du comte de Looz manquent toujours à l’appel, les troupes des seigneurs commencent à faiblir. Tout comme Eracle en son temps, ils se réfugient alors sur les hauteurs de Publémont pour attendre les renforts.
Après des heures de bataille, les nobles semblent reprendre du terrain. C’est alors qu’arrivent des renforts… mais pas ceux attendus! De Vottem, d’Ans, de Montegnée, de Saint-Léonard, de Huy et d’ailleurs, les troupes des métiers arrivent, bien décidés à vaincre ou mourir. Suite à la violence du nouvel assaut, les seigneurs sont repoussés et cherchent refuge dans la collégiale, en pensant que personne ne violerait l’asile accordé par les lieux saints. Ils avaient raison. Plutôt que d’y entrer, les Liégeois y ont mis le feu. C’est à ce moment que le Tiers-Etat a obtenu un droit de veto. Par la suite, le peuple de Liège a pu être bien plus tranquille…
Les 600 Franchimontois
Les luttes pour les libertés vont continuer par la suite, faites d’avancées et de reculs – mais Liège a aussi des ennemis à l’extérieur (le Brabant, notamment, qui est l’ennemi héréditaire). Au 15e siècle, la principale menace vient de Bourgogne. Avec l’extension de ce duché, Liège est prise en étau.
La Bourgogne multiplie les pressions (tentative de coup d’Etat en 1433 – Louis de Bourbon, neveu de Philippe le Bon, est nommé Prince-Evêque en 1466) puis passe à l’action (prise et sac de Dinant 1466, puis prise de Liège novembre 1467). Liège se révolte en septembre 1468, mais est assiégée en octobre de la même année. C’est l’épisode célèbre des 600 Franchimontois, qui tentent une sortie pour assassiner Charles le Téméraire. Ils sont massacrés et le pillage, les massacres et les incendies dureront 7 semaines : les murailles et les 2/3 de la ville sont détruits. Environ 10.000 des 25.000 habitants sont tués, des milliers d’autres réussissent cependant à prendre la fuite.
Charles le Téméraire décède en 1477 devant Nancy et le Perron, symbole des libertés liégeoises déménagé à Bruges en 1468, est ramené à Liège l’année suivante. Les institutions démocratiques sont rétablies, mais il faudra du temps pour que Liège se reconstruise.
La vie reste très dure pour les pauvres. Lors de la crise agricole de 1491, les étrangers sont expulsés… de même que les femmes dont le mari est à la guerre ! C’est dans ce contexte que se déroule la révolte des habitants de la banlieue (les Rivageois). C’est aussi à partir de ce moment que les inégalités de classe prennent un tour de plus en plus aigu au sein du Tiers-Etat.
Inégalités au sein du Tiers-Etat
En 1620, deux « partis » font leur apparition: les Chiroux (nobles, grands bourgeois, tourné vers l’Empire germanique) et les Grignoux (petite bourgeoisie et peuple, tourné vers la France). Les surnoms donnés aux factions sont explicites: les « mangeurs de tartes aux pommes » pour els riches contre les « mangeurs de boudins » pour les pauvres. L’agitation sociale est alors permanente, à tel point qu’en 1684 est construite une citadelle, à l’emplacement de l’actuel centre hospitalier de la Citadelle, pour surveiller la ville.
Les princes-évêques et la noblesse essaient de conserver l’ordre ancien, la grande bourgeoisie veut augmenter sa part de pouvoir tandis qu’une partie de la petite-bourgeoisie (surtout les avocats) est pour sa part gagnée aux idées des Encyclopédistes français (avec parfois un écho chez certains Princes-Evêques !).
Il reste encore à parler de la grève générale de 1886, la première de Belgique, partie de Liège à l’occasion du 15e anniversaire de la Commune de Paris. Le quotidien La Meuse a écrit à cette époque: « Le spectre rouge n’est pas une chimère. Le Spectre rouge, aujourd’hui même, montre sa face hideuse en Irlande et en France, en Russie et en Angleterre. En Irlande, où les crimes agraires sèment la terreur, à Londres, où le pillage, le vol, brisent les vitrines, à Decazeville, où des milliers de malheureux, enrôlés par des scélérats, désertent leur travail et laissent leurs enfants manquer de pain, le Spectre rouge a montré sa face hideuse et agité son linceul sanglant (…). Oui, là est le vrai danger, car il menace l’édifice social, le travail et la liberté (…). C’est à l’œuvre de la défense et de la préservation sociale qu’il faut appeler tous les bons citoyens, tous les vrais libéraux, et ce n’est pas en décrétant le suffrage universel, en donnant le droit de vote aux ignorants et la toute puissance électorale aux imbéciles que l’on fera chose utile pour le pays et le salut public ».
Mais les luttes du mouvement ouvrier se sont déroulées à l’extérieur de la ville, à Seraing ou encore Herstal, et pour faire une visite en racontant cette histoire, il nous faudrait un bus… Pour l’année prochaine ?
BBQ dans notre local remis à neuf
Après la visite, histoire de reprendre des forces après une longue marche, un barbecue était organisé à notre local, repeint et rénové. Cela nous permet de maintenant avoir sur Liège un centre qui dispose d’une petite salle de réunion, d’un bureau spécifiquement réservé à l’organisation, d’une réserve, etc. Tout comme la visite, c’était l’occasion de récolter un peu de soutien pour notre fonds de lutte, afin de pouvoir payer les tracts, affiches, etc. qui nous permettent de poursuivre nos activités. Les discussions sont allées bon train et chacun garde un souvenir très fort de cette soirée agréable… en attendant de poursuivre ces discussions et de participer activement aux actions de notre parti!
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Le NON irlandais et la propagande des médias
Rien que des mensonges
Dans la presse, depuis vendredi dernier, c’est à qui qualifiera le plus les Irlandais d’égoïstes pour avoir rejeté le Traité de Lisbonne. Dans ce cadre, l’éditorial de l’édition du Soir du week-end dernier (“Référendum irlandais et roulette russe”, samedi 14 et dimanche 15 juin 2008) a réussi le tour de force d’être le pire que ce quotidien ait publié depuis l’époque du Pacte des Générations. Un grand bravo à son auteur, Maroun Labaki, à qui nous voulons expliquer l’une ou l’autre chose. Rions un peu…
Nicolas Croes
De la part du journaliste principalement chargé des affaires européennes au Soir, certains auraient peut-être attendu quelque chose de différent des habituelles diatribes contre les “Irlandais qui n’ont rien compris”. Et pourtant non. Mr Labaki enchaîne dans son billet des critiques qui ne font que confirmer son attachement aux valeurs chères à l’establishment: la mauvaise foi et l’arrogance.
Un traité pour faire quoi ?
“Depuis le début, l’Europe avance par à-coups. Avec le “non” irlandais, la prochaine embardée a été remise à plus tard. Mais face aux défis, pouvons nous encore attendre ?” Car, visiblement, c’est d’urgence qu’il s’agit ici. Mais urgence pour faire quoi ? Là est la vraie question à laquelle Mr Labaki, sans se distinguer de ses collègues, n’apporte aucune précision. Le fil conducteur entre tous les articles de la presse traditionnelle sur l’Europe est qu’il lui faut avancer. Dans quelle direction ? Et à quel prix en termes de lest jeté par-dessus bord ? L’Union Européenne apparaît sous la plume des journalistes comme un absolu abstrait contre lequel toute critique est mauvaise simplement du fait d’exister.
“Pour nos beaux yeux, Chinois et Indiens vont-ils appuyer sur leur touche “pause” ? Les glaciers vont-ils se remettre au garde-à-vous ? La flambée des prix de l’énergie va-t-elle tourner au feu de paille ? La vague islamiste va-t-elle retomber en d’aimables clapotis ?” Cela en surprendra plus d’un, mais le Traité de Lisbonne permettait de faire tout ça. S’il était sincère en écrivant ces lignes, Mr Labaki sera honteux d’apprendre que plutôt de sauver le monde d’une multitude de problèmes (bien mal posés de cette manière d’ailleurs), le Traité de Lisbonne avait pour vocation de participer activement à la détérioration des conditions de vie de la majorité de la population. Explications :
- L’article 188c.4 du traité de Lisbonne supprime le droit de veto, excepté dans des “circonstances exceptionnelles”, que peut exercer chaque pays membre contre le fait de pouvoir être forcé d’ouvrir la Santé, l’Education, et les services sociaux, de même que les services culturels et audiovisuels à l’intervention des multinationales, si une telle proposition émerge d’un accord de l’OMC. En clair, avec un vote à la majorité, cela signifie la possibilité pour le patronat de privatiser les parties les plus rentables de ces services. Avec les conséquences que l’on a déjà pu voir dans plusieurs domaines : nombreux sont ceux qui se rappellent que l’énergie devait être moins chère après la libéralisation du secteur…
- Le protocole n°6 du Traité de Lisbonne déclare : “le marché intérieur comme établi dans l’article 1-3 doit assurer un système où la concurrence n’est pas faussée”. Et l’article 189 mandate l’UE pour assurer “l’abolition progressive des restrictions sur le commerce international et l’investissement direct étranger”. Cela veut dire que le droit pour les capitalistes du privé de commercer, faire du profit et exploiter devient un droit supérieur à tous les autres. Cool.
- L’article 27.3 du Traité stipule que “chaque Etat membre doit s’efforcer de progressivement augmenter ses capacités militaires”. Il demande également plus de recherche et l’extension de l’industrie d’armement. Sans commentaires.
Vive la démocratie !
Mr Labaki, qui ne se rend pas bien compte de ce qu’il écrit ou n’a vraiment pas peur du ridicule, continue ensuite en déclarant : “«L’imagination au pouvoir»: plus que jamais, il faut espérer que nos dirigeants et nos experts en droit rivalisent de créativité. Pour que le Traité de Lisbonne, mort juridiquement ce vendredi 13, survive politiquement.” On se demande quelque peu à quoi cela sert de faire un référendum si c’est pour s’assoir dessus juste après. Mais bon, ce n’est pas la première fois que le respect de l’avis de la population est sacrifié par l’Union européenne. En 2001, le Traité de Nice avait été rejeté en Irlande, puis avait été soumis une nouvelle fois au référendum en 2002, sous prétexte que la participation n’avait pas été suffisante la fois précédente (35%). Manque de bol, vendredi 13 aidant peut-être, l’argument ne vaut plus cette fois-ci: le taux de participation a été de 53%.
“Les Irlandais avaient évidemment le droit de dire «non».” Précision utile, parce que cela ne ressortait pas limpidement des quelques dernières lignes… “C’est démocratique.” C’est bien vrai. “La démocratie est cependant relative quand moins d’un million de citoyens imposent leur véto à un demi-milliard d’autres.” Patatras! Chassez le naturel et il revient au galop! Il faudrait quand même expliquer une bonne fois pour toute aux zélés (et fêlés) défenseurs du traité – dont une des caractéristiques principales est une mauvaise foi digne du Guinness Book – que les Irlandais n’ont pris en otage personne. Ils ont juste été les SEULS à qui on a demandé leur avis (et encore, sous obligation constitutionnelle et pas de gaité de cœur). Donc, pour être vraiment clair, sur la totalité des personnes qui ont été impliquée dans la décision, une majorité c’est prononcée contre. Point. Une majorité. Dans les autres pays, ce sont les parlementaires qui ont imposé leur vue à la population, en se gardant bien de susciter un véritable débat public. L’argument de la “minorité d’Irlandais contre le reste de l’Europe” n’a de valeur que comme exemple révélateur de la malhonnêteté intellectuelle de ceux qui y ont recours. Mais la vérité est, comme la démocratie, toute relative…
“Au demeurant, c’est surtout la manière qui heurte. Bien sûr, l’Europe a ses défauts et le traité de Lisbonne est un chef d’œuvre de complexité. Tous, nous le voudrions plus glamour.” En termes de complexité, les 3 points repris ci-dessus expliquent très facilement la nature du Traité. La complexité n’apparaît que quand on veut faire avaler le texte en masquant sa finalité. Mais alors, le truc du “glamour”, ça, c’est pas mal. Une expression pareille, ça veut dire quoi ? “Qui possède un charme sensuel.” Que Mr Labiki ne s’en fasse cependant pas, pour le patronat, ce texte avait du charme à revendre. L’image des euros tombant par centaines de milliers, par millions, sur leurs comptes en banque est tout à fait sensuelle aux yeux des capitalistes. Mais rien ne sait être charmant à la fois aux yeux des travailleurs et à ceux des patrons qui les exploitent. Il faut choisir. Mr Labaki, lui, a choisi.
“Mais à quoi les Irlandais ont-ils vraiment dit «non»? Nous devons à l’évidence chercher la réponse dans l’hétérogénéité du «non». Comme s’il s’agissait d’un grand défoulement collectif, ils ont dit «non» : à la mondialisation, à l’Europe bruxelloise, aux étrangers, aux pouvoirs, à la vie chère, à la vie moderne, à tout.” On pourrait rajouter “non” aux médias, qui tous étaient derrière le “oui” et qui, comme ici, ne servent que de collection de courroies de transmissions à la classe dirigeante. Certes, le camp du “non” n’était pas homogène. Mais, comme en France et aux Pays-Bas en 2005, c’est des quartiers ouvriers et des populations les plus pauvres que le “non” a surgit, de ces fondements de la société qui créent les richesses sans pouvoir en profiter. C’est ce genre de vol légal, basé sur la propriété privée des usines, entreprises, etc. qui a été rejeté. Se masquer derrière les gugusses nationalistes que les médias ont instrumentalisés pour cacher l’expression de classe du “non”, c’est tomber dans une facilité qui semble plaire particulièrement à Mr Labaki, tout au long de son article en tout cas.
“Il y a un vrai problème avec ces référendums occasionnels, qui permettent les plus extravagants parasitages du débat public.” Eh oui, grande découverte : lorsqu’on demande son avis à la population, elle le donne, et pas nécessairement dans le sens qu’aimerait le pouvoir en place. “On se souvient que, en 2005, les Français et les Néerlandais avaient envoyé le projet de Constitution Européenne par le fond. A l’époque, on avait déjà dit qu’ils avaient voté sur le contexte davantage que sur le texte.” C’est que ce genre de texte détermine le contexte ; le contexte de privatisation, de néolibéralisme, de pauvreté croissante et de richesse accaparée par une minorité arrogante dont Le Soir, entre autres, s’érige en défenseur.
On en arrive enfin à la conclusion, qui vaut de l’or et qui serait en droit de rejoindre la mauvaise foi susmentionnée au livre des records, dans la section consacrée au grotesque. “La politique et l’Europe sont choses sérieuses. Sauf le respect dû aux Irlandais, cessons de jouer à la roulette russe des référendums – dès lors qu’ils n’appartiennent pas réellement à nos traditions démocratiques. Et laissons nos parlementaires faire ce pour quoi nous les avons élus.” Merveilleux. Voilà une belle vision de la démocratie, voilà le portrait d’un défenseur du traité de Lisbonne. Cela est en soi un argument supplémentaire pour le “non”.
Note : Aussi incroyable que cela puisse paraître, rien n’a été changé dans le texte de Mr Labaki, repris dans cet article intégralement et dans l’ordre.
Histoire d’en savoir un peu plus:
- Irlande : pour la victoire du Non au référendum sur le traité de Lisbonne Communiqué de presse international de Joe Higgins et du Socialist Party durant la campagne.
- Le néo-libéralisme mis en cause. Union européenne: une claque magistrale! Article de 2005, juste après la victoire du Non dans les référendums de France et des Pays-Bas

