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Tag: Iran
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8 mars 2008 : la Journée internationale des Femmes a cent ans
La Journée Internationale des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie de textile et de vêtements à New York, le 8 mars 1908, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes. L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30.000 travailleuses ont été impliquées,. Cette journée est restée longtemps un jour de fête et de lutte pour les organisations de femmes du mouvement ouvrier, même si la mobilisation s’affaiblissait d’année en année. La nouvelle vague d’activités féministes après Mai’68 a repris cette vielle tradition et, cette année encore, il y aura des activités partout dans le monde, bien que celles-ci ne mobilisent plus les masses.
Anja Deschoemacker
L’histoire de l’origine de la Journée Internationale des Femmes ressemble beaucoup à celle du 1er Mai. Tout comme celle-ci, elle célèbre des actions qui ont eu lieu aux Etats-Unis et qui ont été ensuite reprises internationalement par le mouvement ouvrier organisé. La première célébration internationale, celle qui a été en ce sens la première véritable Journée Internationale des Femmes, date de 1911. La Journée des Femmes la plus tumultueuse et la mieux connue, celle aussi qui a eu le plus de conséquences, a été celle du 8 mars 1917 (23 février en Russie), qui annonçait le début de la Révolution de Février dans ce pays. Ce n’est qu’en 1922, à l’appel de l’Internationale Communiste, que la journée a été fixée à une date qui s’est imposée partout : le 8 mars.
Les femmes ouvrières ont lutté pour l’acceptation de leurs revendications dans le mouvement ouvrier
L’acceptation de la revendication du droit de vote des femmes n’était pas évidente dans l’Internationale Socialiste (aussi connue comme la Deuxième Internationale), tout comme ne l’était d’ailleurs pas l’ensemble de la lutte pour les droits des femmes. L’organisation en 1907, par Clara Zetkin et les femmes socialistes allemandes, d’une Conférence internationale des femmes, qui s’est réunie la veille de la Conférence de la Deuxième Internationale, a donc marqué la préhistoire du mouvement. Une motion y a été votée par laquelle les partis adhérents s’engageaient à lutter pour le droit de vote des hommes et des femmes.
Clara Zetkin était une figure importante dans le parti socialiste allemand, une socialiste convaincue et une championne des droits des femmes, mais aussi une opposante déterminée au féminisme bourgeois. Lors de la réunion où a été décidée la mise sur pied de la Deuxième Internationale (1889), elle avait déjà argumenté que le socialisme ne pouvait pas exister sans les femmes, que les hommes devaient lutter ensemble avec les femmes pour les droits des femmes, que cette lutte faisait partie aussi de la lutte des classes. La réponse peu encourageante qu’elle avait reçue l’avait conduite à prendre l’initiative d’un mouvement socialiste des femmes, ayant pour but d’influencer les partis socialistes. Elle avait essayé d’acquérir et d’élargir cette influence avec le journal femme socialiste Die Gleichheit, dont elle était rédactrice en chef.
Mais, malgré l’acceptation de la résolution, l’enthousiasme pour le droit de vote des femmes était tiède dans la plupart des partis socialistes. Pour changer cela et pour impliquer davantage les femmes dans la lutte, la deuxième Conférence Internationale des Femmes Socialistes a décidé de tenir chaque année une journée internationale des femmes, une journée pendant laquelle on manifesterait, on ferait de la propagande,… En 1911, la Journée Internationale des Femmes a été célébrée en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux Etats-Unis. La liste des pays s’est élargie jusqu’à la Première Guerre Mondiale.
Cette guerre n’a pas signifié seulement un massacre massif, mais aussi la désintégration de la Deuxième Internationale. Le soutien à la guerre, venu d’abord de la social-démocratie allemande mais adopté ensuite par tous les partis de la Deuxième Internationale, a montré que, dans chacun de ces partis, le soutien à sa propre bourgeoisie dans le cadre d’un socialisme réformiste avait pris le dessus sur l’internationalisme, sur le refus de laisser les travailleurs de « son » pays tirer sur ceux d’autres pays, au seul bénéfice de leur propre bourgeoisie belliqueuse. Le seul parti qui est resté fidèle aux principes internationalistes du socialisme a été le parti russe, et en particulier son aile gauche majoritaire (les bolcheviks) sous la direction de Lénine, suivi dans cette voie par une partie de l’aile gauche de l’Internationale Socialiste.
L’organisation internationale des femmes a continué d’exister et s’est rangée dans le camp anti-guerre. Les Femmes Socialistes allemandes, au contraire de la direction du Parti Social-Démocrate allemand, ont aussi continué à mobiliser contre la guerre et contre la répression de l’Etat, notamment en 1914 contre la guerre qui approchait à grands pas et contre l’arrestation de Rosa Luxembourg, qui participait avec Clara Zetkin à la direction des groupes de gauche dans le SPD.
Les protestations à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes ouvrent la voie à la Révolution de Février en Russie
Pendant la guerre, les femmes socialistes ont poursuivi les actions de protestation à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, dont la date varie alors entre le 23 février et le 18 mars. Ces protestations étaient fortement centrées sur le manque de vivres et les prix élevés de la nourriture provoqués par la guerre, ainsi que sur l’opposition à la guerre elle-même.
C’est ainsi les femmes socialistes italiennes de Turin ont diffusé une affiche, adressée aux femmes des quartiers ouvriers. L’arrière-plan de leur propagande, c’est alors l’augmentation générale des prix de la nourriture de base, comme la farine (dont le prix a grimpé de 88% entre janvier 1910 et 1917) et les pommes de terre (+ 134%). Ces affiches disaient : « N’avons-nous pas assez souffert à cause de cette guerre ? Maintenant la nourriture qu’il faut pour nos enfants commence à disparaître aussi. (…) Nous crions : à bas les armes ! Nous faisons tous partie de la même famille. Nous voulons la paix. Nous devons montrer que les femmes peuvent protéger ceux qui dépendent d’elles. »
Mais les protestations les plus spectaculaires ont eu lieu lors de la célébration de la Journée Internationale des Femmes en 1917 en Russie. Sous la direction d’Alexandra Kollontaï, les femmes russes sont descendues dans les rues. Au centre de leurs préoccupations se trouvaient les conditions de vie qui continuaient à empirer. Le loyer d’un logement à Saint-Pétersbourg avait doublé entre 1905 et 1915. Les prix des produits alimentaires, surtout ceux de la farine et du pain, avaient augmenté de 80 et 120%. Le prix d’une livre de pain de seigle, qui était la base de la nourriture des familles ouvrières de Saint-Pétersbourg, était monté de 3 kopecks en 1913 à 18 kopecks en 1916. Même le prix du savon avait augmenté de 245%. Une spéculation énorme et un marché noir de la nourriture et de l’énergie se développaient à toute allure alors que les entreprises fermaient leurs portes l’une après l’autre faute d’énergie. Les femmes et les hommes qui étaient licenciés partaient souvent en grève. En janvier et février 1917, plus d’un demi-million de travailleurs russes ont ainsi fait grève, surtout à Saint-Pétersbourg. Comme dans les autres pays impliqués dans la guerre, les femmes formaient une grande partie de ces travailleurs, vu que beaucoup d’hommes avaient été envoyés au front.
A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes (le 23 février du calendrier russe correspond au 8 mars) les femmes ouvrières ont organisé une manifestation passant le long des usines de Saint-Petersbourg. Beaucoup de travailleurs des usines métallurgiques ont rejoint l’action. Le 25 février, deux jours après le début de l’insurrection des femmes, le Tsar a commandé à l’armée de tirer sur les masses pour arrêter le mouvement. Ainsi a commencé la Révolution de Février, qui a forcé le tsar à abdiquer le 12 mars.
Le Gouvernement Provisoire qui a pris le pouvoir en main est le premier gouvernement d’une grande puissance à accorder le droit de vote aux femmes. Mais, pour le reste, ce gouvernement n’était pas du tout prêt à augmenter le niveau de vie des masses. Le Tsar était parti mais les grands propriétaires fonciers et les capitalistes continuaient d’exploiter les masses et d’accaparer les richesses. A coté de ce Gouvernement Provisoire, une autre force s’est construite, les Conseils (soviets) de délégués élus des travailleurs, paysans et soldats. Ces Soviets sont entrés en concurrence avec le Gouvernement Provisoire sur la question centrale : qui va diriger le pays. En outre, le gouvernement refusait également de mettre fin à la guerre, une revendication qui gagnait toujours plus de soutien parmi les masses, en raison aussi de la campagne menée sans répit par les bolcheviks.
Ce double pouvoir – d’un coté le Gouvernement Provisoire et de l’autre les soviets – ne pouvait pas durer longtemps. Lors de la Révolution d’Octobre, les Soviets, réunissant les représentants élus des masses laborieuses, ont répondu à l’appel des bolcheviks et ont pris le pouvoir en main. Ces événements ont fixé la date de la Journée Internationale des Femmes en Russie et en Europe au 8 mars. L’Internationale Communiste (ou Troisième Internationale), mise sur pied à l’initiative de Lénine et Trotsky, les principaux dirigeants de la Révolution Russe, a fait en 1922 de cette journée un jour férié communiste.
La dégénérescence du mouvement communiste révolutionnaire coïncide avec celle de la Journée Internationale des Femmes
L’Etat ouvrier, arrivé au pouvoir par la Révolution d’Octobre, a donné aux femmes travailleuses des acquis dont les femmes en Occident ne pouvaient alors que rêver. A coté de l’égalité devant la loi, non seulement il leur a offert le droit au travail et des régimes de travail spéciaux (diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit, congé de maternité,…) qui tenaient compte de la fonction sociale des mères en plus du travail hors de la maison, mais il a aussi été le premier à prendre réellement ses responsabilités envers les masses populaires sur le plan du logement et des services de base. Les richesses produites par la population laborieuse ont été pour la première fois réellement utilisées pour servir les intérêts des masses, par le biais d’une économie planifiée qui avait au cœur de ses préoccupations les besoins des masses et qui, dans une première période, était aussi élaborée de manière démocratique à travers les soviets, les conseils des travailleurs, paysans et soldats.
Mais le jeune Etat ouvrier a fait beaucoup plus encore. L’oppression des femmes est en effet un problème plus profond qu’une simple question de revenu et de salaire. Le droit à l’avortement, la possibilité de divorcer plus facilement, l’abolition des « droits » que les hommes avaient sur les femmes dans le mariage,… tout cela a fait partie des acquis des femmes travailleuses russes – des acquis que les femmes occidentales ont du attendre longtemps encore. Afin de stimuler et d’aider les femmes à sortir de leur foyer et à s’engager dans la société, un travail de formation sur une grande échelle a aussi été entamé, au moyen de campagnes d’alphabétisation dans la campagne et du travail de formation pour élever le niveau culturel. Des femmes socialistes ont parcouru cet immense pays pour expliquer aux femmes les droits dont elles disposaient.
Mais la Révolution Russe ne pouvait pas rester debout et évoluer vers une société socialiste dans l’isolement total dans lequel se trouvait le pays après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe, et tout particulièrement en Allemagne, des défaites qui se sont succédées surtout à cause de la trahison des partis socialistes de la Deuxième Internationale. La société russe se heurtait à un manque de développement technique, à une arriération culturelle dans les vastes régions rurales,… et était en plus entraînée dans une guerre sans fin, les puissances capitalistes de l’extérieur faisant tout pour aider l’ancienne élite dirigeante russe à reprendre le pouvoir, en bloquant les relations commerciales mais aussi en envoyant des troupes (les armées de 21 pays ont ainsi foncé à travers le territoire de la Russie). La continuation d’une situation de guerre imposée à la société russe a conduit à des famines dans différentes parties du pays.
Le soutien – ouvert et concret – donné par tous les partis russes, excepté les bolcheviks, à la contre-révolution a conduit à une situation dans laquelle de plus en plus de partis ont été mis hors-la-loi. Cette période de « communisme de guerre » reste toujours vue, même aujourd’hui, par une série de partis communistes comme un « modèle » alors qu’elle n’était qu’une adaptation concrète et nécessaire à la guerre qui était imposé au jeune Etat ouvrier. Beaucoup de penseurs bourgeois mettent cela en avant pour montrer combien le « communisme » est « antidémocratique » – bien que dans les pays capitalistes la démocratie ait été également suspendue en temps de guerre et parfois d’une manière encore plus profonde qu’en Russie.
Mais l’échec des révolutions en Europe occidentale et les difficultés économiques internes dans un pays détruit par la guerre ont fait qu’en Russie, une bureaucratie a pu concentrer dans ses mains toujours plus de pouvoir. Cette bureaucratie, sous la direction de Staline, a progressivement étranglé toute opposition et a remplacé le fonctionnement démocratique de l’économie planifiée par son propre pouvoir tout-puissant. Cette prise de pouvoir s’est marquée aussi à travers l’adaptation graduelle du programme du Parti Communiste russe envers les femmes, qui a glissé de plus en plus vers la glorification de la maternité et de la famille nucléaire dans laquelle la mère préoccupée du bien-être de la famille occupait la place centrale.
Parallèlement, l’Internationale Communiste est devenue partout dans le monde un instrument de cette bureaucratie russe, donnant chaque jour davantage la priorité aux intérêts de la politique extérieure de l’URSS sur les intérêts de la classe ouvrière dans le reste du monde. C’est ainsi qu’a commencé une longue chaîne de trahisons, débutant avec la première Révolution Chinoise dans les années ’20 (au cours de laquelle le Parti Communiste a été forcé à aider le Kouo-Min-Tang, le parti bourgeois nationaliste au pouvoir), se poursuivant avec la guerre civile espagnole en 1936-39 (au cours de laquelle le Parti Communiste a notamment utilisé son influence pour retirer leurs armes aux femmes ouvrières et les cantonner au rôle de cuisinières et d’infirmières dans l’armée), dans laquelle les intérêts des travailleurs et paysans espagnols ont reçu une importance bien moindre que les accords que Staline avait conclus avec des différents pays capitalistes, ce qui a mené à la victoire de Franco ou encore avec la Révolution Iranienne de 1979, au cours de laquelle le Parti Communiste a refusé de jouer un rôle indépendant et de diriger lui-même la lutte, a apporté son soutien à Khomeiny et a abandonné les femmes iraniennes totalement à leur sort. Dans ce cadre, la Journée Internationale des Femmes a changé de nature dans les pays staliniens pour devenir une sorte de fête des mères ou de Saint-Valentin, un jour où les femmes reçoivent des fleurs.
Relance de la lutte des femmes dans les années ‘60
Dans le reste du monde, la Journée Internationale des Femmes a été de plus en plus oubliée pour n’être reprise qu’à la fin des années ’60 par le nouveau mouvement féministe, ce qu’on a appelé la « deuxième vague » (après une « première vague » pour le droit de vote). C’est également la période dans laquelle d’autres mouvements d’émancipation, comme le mouvement des homosexuels, a connu une forte poussée.
Les années ’60 ont vu un grand afflux de femmes sur le marché de travail. Vu le chômage très bas, les femmes ont été stimulées à aller revendiquer leur place au travail. La nouvelle vague féministe s’est donc développée sur la base de ces conditions économiques favorables. En Belgique, la montée de ce mouvement a été annoncée par la grève des ouvrières de la FN d’Herstal sur la revendication « à travail égal, salaire égal » qui a duré 12 semaines.
Cette nouvelle vague féministe, qui a coïncidé avec le développement d’autres mouvements d’émancipation comme celui des homosexuels, avait comme objectifs d’obtenir l’indépendance économique, de rompre avec la répartition classique des rôles entre hommes et femmes, d’arracher la libération sexuelle, de casser le « plafond de verre » qui tenait les femmes loin des hautes fonctions, y compris dans la politique. Dans beaucoup de pays, cette lutte a obtenu des acquis importants, entre autres sur les questions de la contraception et de l’avortement, de l’assouplissement des lois sur le divorce,… illustrés par des slogans comme le très connu « maître de mon ventre » ou « le personnel est politique ».
En termes légaux, la revendication “à travail égal, salaire égal” a été obtenue, tout comme l’interdiction des discriminations professionnelles, mais sur ce plan on doit aujourd’hui bien constater que les salaires réels des femmes sont toujours en moyenne 25% plus bas que ceux des hommes.
La Journée Internationale des Femmes doit être remise à l’ordre du jour
Malgré les énormes acquis – accès à l’enseignement et au marché du travail, légalisation de l’avortement, facilitation des procédures de divorce, égalité devant la loi,… – obtenus par les femmes dans les pays capitalistes développés, les problèmes ne sont pas fondamentalement résolus. Au contraire, au cours des 20 à 30 dernières années de politique antisociale et néolibérale, un grand nombre d’acquis ont été rabotés. Les femmes sont touchées de façon très dure : les chômeurs qui ont perdu leur allocation de chômage à cause du fameux article 143 (devenu 80) limitant la durée des allocations pour les chômeurs cohabitants sont en grande majorité des femmes, les allocations de chômage partiel des travailleurs à temps partiel non-volontaire ont été graduellement abolies, le démantèlement de services comme ceux des hôpitaux (notamment avec la réduction du temps de séjour) a pesé surtout sur elle,…
Beaucoup de femmes travaillent en dehors de la maison aujourd’hui et très peu de filles et de jeunes femmes se voient comme futures femmes au foyer. Mais la société ne voit toujours pas les tâches ménagères et de soins – que ce soit pour les enfants, pour le mari et, à cause du coût élevé des maisons de repos combiné au faible montant des pensions, toujours plus aussi pour les parents âgés – comme des tâches sociales pour lesquelles il faut créer des services publics. Dès lors, tout le poids repose dès lors sur le dos des femmes qui subissent une double journée de travail. Cette double journée, dans la situation d’un marché de travail de plus en plus flexible, fait que beaucoup de femmes ne gagnent pas assez pour être indépendantes sur le plan financier. De bas salaires, le temps partiel, des périodes de non-présence sur le marché de travail,… font qu’arrivées à un certain âge, les femmes sont aussi en moyenne bien plus pauvres parce que leurs pensions sont plus faibles, et parfois beaucoup plus faibles.
Ce manque d’indépendance financière fait que les femmes sont vulnérables face à la violence. Même si elles veulent échapper à une relation violente, elles rencontrent plein d’obstacles sur leur route. Comment, avec les bas salaires que beaucoup de femmes subissent à cause du temps partiel, avec les titres-services et autres « petits boulots », avec l’insécurité d’un contrat temporaire ou intérim,… trouver un nouveau logement et des revenus suffisants pour vivre, en particulier s’il y a des enfants ?
La violence contre les femmes est inhérente au capitalisme : elle fleurit sur la division et les préjugés entretenus envers les groupes spécifiques afin de diviser et de paralyser la majorité de la population qui est exploitée et opprimée par la bourgeoisie. Les femmes sont souvent confrontées au harcèlement sexuel dans l’espace public, dans les écoles et les lieux de travail, mais aussi avec la violence physique et sexuelle dans leurs familles. Les préjugés envers les femmes font aussi qu’elles doivent souvent travailler bien plus dur pour être vues comme égales aux hommes. Le sexisme installe des limitations très réelles dans la vie des femmes. Malgré les énormes pas en avant qui ont été faits et la plus grande liberté que les femmes ont aujourd’hui pour déterminer leur vie, cette violence dure toujours : la principale cause de mort et de handicap permanent pour les femmes entre 16 et 44 ans en Europe est la violence du partenaire.
De nouvelles formes d’oppression sont aussi apparues, ou plus exactement de vieilles formes sous une nouvelle apparence. La croissance de l’internet a été utilisé par la mafia du sexe pour assurer un élargissement jamais vu de l’industrie de sexe – le porno est un des plus grands secteurs sur internet. On voit aussi un glissement vers du porno de plus en plus dur, vers la pornographie enfantine. Le porno est présent partout aujourd’hui et diverses études ont montré que cela impose une pression sérieuse sur les jeunes femmes, en particulier sur le plan de leurs « prestations » sexuelles. Elles ont montré que, dans 97% du matériel pornographique, les relations entre les sexes reposent sur l’obéissance et la soumission des femmes. La plus grande partie du matériel porno déborde de clichés du genre « si les femmes disent non, elles veulent dire oui.
Pour beaucoup de jeunes femmes qui sont attirées dans cette industrie du porno – faire des photos est quand même une façon « innocente » et facile de se faire un peu d’argent – ces premiers pas s’avèrent être un marchepied pour la prostitution. Bien qu’on entende aujourd’hui dire de plus en plus souvent que c’est un « choix » que les femmes font, il est quand même remarquable que même ces femmes qui pensent que c’était leur « choix » doivent à terme utiliser des drogues pour pouvoir continuer à faire ce « travail ». Toutes les prostituées sont confrontées régulièrement à la violence. Bien que différentes organisations, y compris des organisations soi-disant progressistes, veulent présenter aujourd’hui la prostitution comme « un boulot comme un autre », ce n’est pas du tout le cas. Pour la grande majorité des prostituées, il ne s’agit pas d’un « choix », mais d’une pure nécessité économique. Une grande partie du marché de la prostitution est en outre occupée par ce qu’on ne peut pas appeler autrement que des esclaves sexuelles, importées par des réseaux de traite d’êtres humains. Ce n’est pas étonnant que cette industrie du sexe ait profité à fond de la désintégration des Etats staliniens en Europe de l’Est et en Russie et qu’un grand nombre de femmes submergent le marché de prostitution, forcées de façon directe ou indirecte par les trafiquants de chair humaine.
Malgré le fait qu’une plus grande proportion de femmes que d’hommes se trouvent dans une situation de pauvreté, leur surconcentration dans les emplois mal payés, temporaires et à temps partiel, la violence, le harcèlement et les préjugés,… une grande partie des politiciens et politiciennes prétendent pourtant que les femmes ne sont plus opprimées ni discriminées. En réalité, la situation s’est détériorée au cours des dernières décennies pour les femmes qui travaillent ou qui dépendent d’une allocation. La dépendance économique fait que toute une série de droits dont les femmes disposent légalement ne peuvent pas être appliqués dans la réalité.
C’est pour cela que le MAS mène campagne en mars. Une campagne sur le thème du pouvoir d’achat et son impact sur de larges couches de femmes qui disposent de revenus moyens plus bas que ceux des hommes. Une campagne qui met aussi en lumière la solidarité internationale avec une manifestation en solidarité avec le mouvement des femmes iraniennes, contre le régime en Iran mais aussi contre l’intervention impérialiste des Etats-Unis au Moyen-Orient.
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Oppression des femmes en Iran: la lutte est nécessaire !
Les lois portant sur l’infériorité de la femme en Iran illustrent à quel point la situation pour les femmes en Iran est des plus violentes sous le régime barbare des forces réactionnaires religieuses. Ainsi, une femme appartient à son père, puis à son conjoint dès qu’elle est mariée.
Ceux-ci ont le droit de vie ou de mort sur elle, ils peuvent la tuer par exemple s’ils estiment qu’elle a déshonoré la famille. Elle doit obtenir leur approbation si elle veut travailler, voyager,… La lapidation pour infidélité et les crimes d’honneur sont autorisés et choses courantes en Iran. Certaines femmes ont tout de même accès à des postes dirigeants, mais ce n’est que pour mieux cacher l’oppression qu’elles subissent, taire les révoltes et calmer la colère. Afin de mieux comprendre la situation et tracer des perspectives un retour historique est nécessaire.
En 1979 a eut lieu la révolution contre la dictature du Shah. Les femmes ont d’ailleurs joué un rôle important pour faire renverser le régime. A l’époque, le parti communiste avait une grande autorité parmi les travailleurs et possédait un grand potentiel pour mener à bien la révolution. Mais malgré les aspirations socialistes de grand nombre de travailleurs et de femmes, la direction du PC n’a pas saisi ce potentiel. Leur stratégie était, à l’instar des théories staliniennes, « Tous contre le Shah, les ennemis de nos ennemis sont nos amis ! ». Ainsi, ils s’allièrent avec tous ceux qui prétendaient combattre le régime, quel que soit ce qu’ils comptaient mettre à la place. De cette façon, ils contribuèrent à la mise en place du régime fondamentaliste islamique dirigé par Khomeini. Deux semaines après qu’il ait accédé au pouvoir, ce dernier proclama l’obligation du port du voile. Le lendemain (le 8 mars 1979), deux millions de femmes (voilées ou non) étaient dans la rue pour s’opposer à l’imposition et défendre leur droit d’en décider. Leur lutte a obligé Khomeini de reculer temporairement. Du moment que le mouvement des femmes s’est affaibli, le régime réactionnaire a pu imposer l’obligation du port du voile.
Aujourd’hui, la situation est celle que l’on sait, pourtant cela n’empêche pas le courage des femmes iraniennes de lutter contre leur oppression. Elles constituent une force importante et représente notamment 60% des étudiants. Ce n’est donc pas un hasard si elles n’ont pas le droit de s’organiser sur leur lieu de travail. Le régime islamique utilise l’oppression des femmes comme outil pour opprimer l’ensemble de la classe ouvrière et pour la diviser. Mais la lutte des femmes contre leur oppression doit être élargie en lutte contre le régime réactionnaire et contre l’oppression qu’il fait subir à l’ensemble des travailleurs, les jeunes, les homosexuels, les minorités religieuses, etc. Ce n’est pas certainement l’impérialisme américain ou l’instauration d’une société capitaliste qui permettra aux femmes d’être réellement libérées. En Europe, sur le plan légal la lutte des femmes a obtenu l’égalité mais sur le plan économique une inégalité de fait entre les hommes et les femmes persiste. Elles n’assurent pas non plus le bien être aux travailleurs, ni quelconque égalité entre eux et leurs patrons. La lutte pour l’émancipation des femmes en Iran, tout comme la lutte pour l’émancipation de l’ensemble de la classe ouvrière ne pourra aboutir que lors de l’avènement d’une société socialiste. L’expérience de la révolution de 1979 a démontré que cette lutte ne pourra être menée que dans une unité de classe (non dans l’alliance avec des personnes dont les intérêts sont divergeants) dont les protagonistes auront pour seul objectif l’avènement d’une telle société. Une société dans laquelle l’économie sera démocratiquement planifiée par et pour la population et non en fonction des profits et des privilèges d’une poignée, comme c’est le cas aujourd’hui, en Iran ou ici.
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Le bourgmestre d’Ixelles interdit la manifestation des femmes iraniennes le 8 mars !
Les femmes iraniennes, réfugiées des quatre coins d’Europe, manifestent le 8 mars pour faire entendre leur colère envers le régime réactionnaire iranien. En Iran, les femmes n’ont pas de droits. Ainsi elles ne peuvent quitter la maison sans l’autorisation de leur mari. Etre vue avec un autre homme ou ne pas porter le voile est suffisant pour être punie à coups de fouet. Il n’y a pas d’égalité devant la loi ; au contraire, l’inégalité en constitue le fondement.
La plate-forme de femmes iraniennes qui veut manifester cette année à Bruxelles, avec d’autres organisations (entre autre des femmes belges, mais aussi kurdes et turques) le fait depuis des années déjà. C’est la première fois qu’elle se heurte à une interdiction dans une ville européenne. Ixelles sera donc inscrite dans l’histoire comme l’unique ville de l’occident "démocratique" où il est interdit aux femmes de manifester lors de la journée internationale de la femme ! Le bourgmestre d’Ixelles, W. Decourty (PS), est donc apparemment en accord avec le régime iranien sur le fait que la résistance des femmes est inacceptable, et qu’il faut réduire celles-ci au silence. Quoiqu’il en soit, il agit en tant qu’allié du régime réactionnaire en Iran.
M. Decourty évoque comme raison pour l’interdiction de manifester sur son territoire la "perturbation du trafic". La perturbation du trafic ! Toute manifestation implique une plus ou moins grande perturbation du trafic – que reste t-il de notre droit constitutionnel à exprimer notre opinion (inexistant en Iran) si un bourgmestre peut invoquer une telle raison pour interdire une manifestation ? Cela nous procure aussi des inquiétudes sur le soutien qu’obtiendraient les femmes à Ixelles de la part de leur conseil communal si elles voulaient combattre l’oppression…
Nous avons obtenu l’autorisation de Thielemans, le bourgmestre de Bruxelles-Ville, mais pour la dernière partie de la manifestation – jusqu’à l’ambassade iranienne – notre droit est refusé par son confrère du même parti à Ixelles. Cette décision ne sera pas seulement regardée en Belgique. En Iran même, l’élite dirigeante s’en frottera les mains de plaisir: même un pays démocratique tel que la Belgique refuse aux femmes iraniennes d’exprimer leur opinion !
La manifestation du 8 mars est annoncée à 14 heures ; le point de départ se trouve à l’ambassade américaine où des femmes prendront la parole contre l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Ces occupations n’ont apporté aux femmes aucune amélioration, bien au contraire. Via le quartier européen, où nous voulons protester contre la politique asociale de l’UE, nous voulons nous diriger vers l’ambassade iranienne, point final de la manifestation.
Mais c’était sans compter sur le bourgmestre d’Ixelles ! Même la proposition -peu probable et déjà totalement inacceptable- des services de police de faire une partie de la manifestation en métro (!) nous est refusée par W. Decourty. Une action de protestation aura lieu ce jeudi 28 février à 17h30 devant la maison communale d’Ixelles. Une conférence de presse prendra place au même moment dans le café L’amour Fou (Place Fernand Coq)…
Nous sommes résolus à exprimer notre opinion, même si cela implique que nous devions emprunter le trottoir pour marcher jusqu’à l’ambassade iranienne. Nous invitons la presse à notre manifestation, qui sera unique par la partie partiellement souterraine de l’itinéraire qui nous est imposé. Aidez-nous à faire connaître cette situation scandaleuse à un plus large public !
- Azar Behrouz, plateforme de femmes iraniennes Karzar
- Anja Deschoemacker, commission femmes du Mouvement pour une Alternative Socialiste, MAS-LSP
- Laure Miege, travail femmes des Etudiants de Gauche Actifs
- Nadine Mertens, membre du Comité exécutif du Setca Bruxelles-Hal-Vilvorde
- Ivy Meert, femmes du Comité pour une Autre politique (CAP)
A: Mr. Decourty, bourgmestre d’Ixelles
STOP à l’interdiction de manifester! Les femmes iraniennes doivent avoir le droit de manifester jusqu’à l’ambassade d’Iran!
Cher M. Decourty,
Nous avons entendu avec indignation qu’en qualité de Bourgmestre d’Ixelles, vous avez interdit aux femmes iraniennes de manifester jusqu’à l’ambassade d’Iran. Et cela pour la journée internationale des femmes – un jour qui a notamment été mis en place par les précurseurs de votre parti. C’est vos prédécesseurs, clairement plus socialistes que vous, qui ont créé ce jour de protestation international pour les droits des femmes !
Mais les femmes iraniennes qui n’ont pas le droit de manifester dans leur pays d’origine, ni le droit de sortir de la maison sans la permission du père ou du mari, se voient refusées leur droit de faire entendre leurs voix par vous !
Je vous demande de revoir cette décision et de ne pas donner au régime iranien l’argument que les droits des femmes sont refusés même dans un pays européen. En effet, le régime réactionnaire en Iran débordera de joie en apprenant votre décision anticonstitutionnelle et totalement antidémocratique. Au lieu de montrer au mouvement des femmes en Iran qu’elles ont le soutien de la communauté internationale pour leur lutte, vous leur donnez un signal totalement contraire.
Je signe en ayant un espoir amoindri de votre raison et de votre sens démocratique,
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L’impérialisme américain : affaibli et impopulaire, mais quelle est l’alternative ?
L’impérialisme américain s’embourbe dans les problèmes. La guerre contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak a provoqué plus d’instabilité et de terrorisme. D’autres alliés, comme le Pakistan, sont également touchés par ces convulsions. Aux USA, le moteur économique commence à capoter et on parle de récession. Ce dossier se propose de brosser l’état des lieux de l’impérialisme américain.
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Vers une récession dure? Quelques citations
“Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation. Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue. L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis sociaux-démocrates et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les acquis de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou la Révolution des Oeillets au Portugal et les diverses révolutions dans les anciennes colonies pour en mesurer l’impact.” (“Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique” Alternative Socialiste no 126, novembre 2007, à relire sur les sites socialisme.be ou marxisme.org)
“Les USA n’ont connu que deux récessions ces 25 dernières années qui étaient l’une et l’autre une récession brève et douce. Il y a lieu de penser que la prochaine crise, lorsqu’elle viendra, sera plus grave.” (Wall Street Journal)
“Le marché immobilier américain a connu la crise la plus grave depuis les années septante, avec des baisses de prix de 8% en moyenne depuis le pic de 2005, mais de 40% dans les régions les plus touchées. Le marché part de l’idée que la baisse pourrait continuer jusqu’à 30%. Cela augure de la direction que l’économie américaine pourrait prendre. Avec un taux de chômage record depuis deux ans (5% en décembre) et qui pourrait atteindre les 7% selon certaines estimations, le consommateur américain (qui a longtemps été considéré comme le moteur de la croissance mondiale) pourrait jeter le gant. La consommation des ménages a chuté de 0,4% en décembre. Les ‘experts’ en discutent encore, mais six Américains sur dix jugent que le pays est déjà en récession.” (The Economist du 12 janvier 2008)
[/box]La guerre contre le terrorisme n’est pas une grande réussite. Dès le début de la guerre en Irak en 2003, nous avons publié une brochure écrite par Peter Delsing qui expliquait les tenants et les aboutissants de cette “guerre pour le pétrole”. Cinq ans après, nous avons interrogé Peter sur la situation actuelle de la guerre.
Trente mille soldats supplémentaires ont été envoyés sur place, l’impérialisme américain a-t-il réussi à stabiliser l’Irak après cette augmentation des troupes? Quelle est la situation en Irak même?
“L’invasion en 2003 faisait partie des projets de l’aile néoconservatrice des Républicains. Ces projets existaient depuis longtemps et visaient au remodelage du Moyen-Orient. Les attentats du 11/09 ont fourni le prétexte rêvé à leur mise en oeuvre. Cette guerre devait permettre à Bush et Cie de rétablir leur emprise sur cette région vitale et pétrolifère et aussi de soutenir leur allié local : Israël. Les régimes en Irak et en Iran étaient une cause permanente d’exaspération pour les Etats-Unis. Bush n’aurait jamais envahi l’Irak s’il n’y avait pas eu de pétrole sous son sol. Mais Bush s’est fourvoyé sur la possibilité d’y établir un régime à sa botte.”
“Le gouvernement de Maliki en Irak est assis sur un cimetière social. Chaque jour, des centaines d’adultes et d’enfants meurent des conséquences de l’occupation : le terrorisme, la violence, la misère, le grand banditisme, etc. En réalité, une guerre civile intercommunautaire y fait rage, entre chiites et sunnites ou entre Arabes et Kurdes. L’eau potable, l’électricité et même l’essence font défaut. L’augmentation des troupes a eu pour effet de militariser quasi complètement la ville de Bagdad et n’a fait que déplacer la violence ailleurs. Par exemple, les attentats terroristes se sont récemment multipliés au Kurdistan.
“Ces divisions communautaires que les Américains ont institutionnalisées ne peuvent mener qu’à des conflits de plus en plus aïgus pour la répartition des maigres ressources encore disponibles. La seule alternative viable serait une lutte commune des masses laborieuses et pauvres pour assurer leur propre sécurité et la défense des besoins de base. Cette lutte devrait être liée au respect du droit à l’autodétermination des différentes composantes de l’Irak et enfin à la lutte pour la transformation socialiste de la société.”
Quels sont les effets de cette politique impérialiste sur le reste du Moyen-Orient?
“Parlons d’abord de l’autre aventure impérialiste, celle d’Afghanistan. Un politicien britannique a récemment déclaré qu’on sous-estimait la position délicate du gouvernement de Karzaï. Fin janvier, les USA ont déplacé 2.200 marines vers l’Afghanistan, car la menace d’une offensive des Talibans se précisait dans le sud du pays. Lors du Forum Economique Mondial à Davos, Karzaï a même mis en garde contre “un embrasement du terrorisme” dans la région. Une telle instabilité – que renforcerait encore un possible effondrement de la société au Pakistan – montre bien l’impossibilité de développer ces pays dans le cadre du capitalisme et de l’impérialisme. Les conditions sociales y sont déjà telles qu’une récession mondiale pourrait donner le coup de grâce à plusieurs régimes instables.”
“Au Moyen-Orient, comme dans les pays du Golfe, il existe une élite riche qui nage littéralement dans les profits pétroliers. De l’autre côté, il y a une population souvent jeune, mais désorientée par la décadence capitaliste. La politique de Bush et de ses marionnettes locales a joué en faveur du fondamentalisme islamique, au Liban avec l’ascension du Hezbollah, à Gaza avec celle du Hamas. La soi-disant initiative de paix de Bush à Annapolis, en novembre de l’année passée, a donné plus de moyens au Fatah en Cisjordanie. Mais Israël continue à y construire des logements pour les colons.”
“En janvier, Bush a aussi fait une tournée dans sept pays arabes. Pour contrecarrer l’influence de l’Iran, il a vendu à l’Arabie Saoudite des bombes à guidage pour une valeur de 123 millions de dollars. Il en a aussi livré gratuitement 10.000 à Israël. D’autres contrats sont prévus pour une valeur totale de 20 milliards de dollars. La région devient une poudrière et l’exemple pakistanais n’a pas servi de leçon.”
Quels seront les effets d’une récession aux USA sur la position de l’impérialisme?
“Le prix du baril de pétrole a chuté légèrement depuis son pic de 10 dollars, mais il oscille toujours à un niveau élevé, entre 85 et 90 dollars. La crise financière actuelle – qui se traduira bientôt par des licenciements de masse, par des fermetures d’entreprises et par de nouvelles attaques sur les salaires et la sécurité sociale – se caractérise par l’éclatement des bulles artificielles qui maintenaient à flot le capitalisme en crise.
“Dans les années 80, dans le sillage de Reagan et de Thatcher, les gouvernements ont relancer les profits en sapant le pouvoir d’achat des salariés et des allocataires sociaux. Ils ont cependant préféré recourir provisoirement à l’emprunt public plutôt que de lancer une offensive encore plus dure contre la classe ouvrière. Dans le cas de Reagan, il s’agissait d’investir dans l’appareil militaire.”
“Au cours des dix dernières années, et surtout depuis la récession en 2001 aux USA, les dirigeants capitalistes ont essayé de différer une crise encore plus profonde en laissant enfler une bulle de crédits à bon marché. C’était le seul moyen pour que la population continue à consommer malgré des revenus qui ne progressaient plus ou même baissaient. C’est ainsi que les salariés se sont mis à dépenser leurs revenus futurs.”
“La bulle du marché immobilier est en train d’éclater aux USA. A l’heure actuelle, les prix n’y ont diminué “que” de 8%. Mais avec quelles conséquences ! Cela a cependant suffi pour que la Bourse américaine recule sérieusement, entraînant derrière elle toutes les Bourses à travers le monde. En Inde, la bourse a chuté de 11% en une journée. Les analystes n’en estiment pas moins que la chute des prix pourrait atteindre les 30%. La bulle d’autres formes de crédits aux USA pourrait produire des effets comparables.
“La bulle du ‘dollar fort’ est déjà en train d’éclater depuis un moment. Si elle devait éclater pour de bon, les exportations européennes auraient du mal à se maintenir et l’économie mondiale pourrait encaisser des chocs plus importants encore. “En outre, on ignore encore l’ampleur de la diffusion des ‘créances douteuses’ qui ont été converties en paquets d’actions. Un géant bancaire américain comme Citigroup a fait ses plus grosses pertes depuis 196 ans ! Un sentiment d’inquiétude, et même de panique, commence à s’installer parmi les dirigeants capitalistes. Il suffit de voir l’intervention énergique de la Federal Reserve (Banque Centrale Américaine) qui a réduit d’un coup ses taux de 0,75%. Les Américains sont endettés jusqu’au cou, mais Bernanke (le président de la FED) les incite à continuer dans cette voie.
“Les remèdes des rebouteux néolibéraux fonctionnent de moins en moins. La classe ouvrière américaine sera appelée à jouer un rôle important dans la construction de nouveaux partis pour les pauvres, les salariés et leurs familles, dans le feu de la lutte pour une autre société, une société socialiste.”
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Les femmes ont intérêt à lutter pour le socialisme
Des femmes belges et iraniennes organisent ensemble une manifestation autour des droits des femmes pour le 8 mars. Mais la journée internationale des femmes n’est pas seulement une journée de lutte pour les droits égaux, c’est aussi une journée de lutte pour une autre société.
La situation à laquelle sont confrontées les femmes en Iran est plus que problématique : elles souffrent de l’oppression barbare causée par un régime religieux réactionnaire.
Quelques exemples révélateurs :
- A Tabriz, la capitale de la province de l’Azerbaïdjan iranien, une femme a été pendue pour non-respect de la loi islamique. Son cadavre a été laissé pendu à la potence pendant plusieurs jours pour que « l’exemple » puisse bien être vu… Les femmes sont battues et arrêtées par milliers parce qu’elles ne respectent pas le code vestimentaire islamique.
- Zahra, une jeune Iranienne, a été arrêtée, violée et assassinée. Mais elle n’est qu’un exemple de ces milliers de femmes violées dans les prisons islamiques.
- Au fur et à mesure que les actions contre l’inégalité subie par les femmes ont pris de l’ampleur, la répression et la violence contre elles ont augmenté, comme pour ces dix militantes enfermées et accusées de “comportement illégal”. Ces pratiques sont aujourd’hui “normales” dans la société iranienne.
Nous nous opposons à l’enfer rencontré par les femmes en Iran : les lapidations continuent, de même que les pendaisons, le port obligatoire du voile et le viol par les “gardiens de la révolution”.
Une intervention de l’impérialisme est-elle une solution ?
L’impérialisme américain n’offre cependant aucune alternative. Les USA ont accepté l’application de la Charia en Irak et la guerre et l’occupation ont augmenté la pauvreté et la violence par rapport à la dictature de Saddam. Le régime saou-dien peut aussi beaucoup compter sur le soutien des USA, mais là sévit une discrimination contre les femmes qui leur interdit même de conduire une voiture.
L’intervention américaine en Afghanistan et en Irak n’a pas amélioré la position des femmes. Les crimes d’honneur restent monnaie courante, par exemple dans le territoire kurde de l’Irak. Des milliers d’Irakiens ont fui vers la Syrie, où beaucoup de femmes sont forcées de se prostituer dans des clubs de nuit ou ailleurs. En Afghanistan, d’innombrables rapports font état de femmes violées, y compris dans les prisons où la police a été formée par les troupes occidentales.
La violence contre les femmes augmente à travers le monde. Au Congo, des dizaines de milliers de femmes ont été violées ces dernières années. Au Pakistan, les crimes d’honneur se poursuivent malgré leur interdiction. En Russie ou en Thaïlande, la pauvreté et la politique antisociale entretiennent la croissance de l’industrie du sexe. Les femmes sont vendues en tant qu’esclaves.
Le 8 mars, nous voulons faire comprendre que nous faisons un autre choix. Nous sommes pour la suppression de toutes les lois barbares et des pratiques à l’encontre des femmes en Iran. Nous revendiquons l’application des droits démocratiques comme celui de porter oui ou non le voile, le contrôle de notre corps, le droit de se séparer et d’obtenir la garde des enfants après une séparation, le droit de choisir nos partenaires, etc. Nous voulons la liberté et l’émancipation des femmes contre chaque forme d’oppression. Cela ne peut se faire qu’en combattant le régime islamique iranien.
L’égalité légale est nécessaire, mais pas suffisante
En Belgique, comme dans le reste de l’Occident, le mouvement des femmes et le mouvement ouvrier ont conquis beaucoup de droits égaux pour les femmes, du moins sur le plan légal. Cela n’a été possible que sur base de lutte, l’élite au pouvoir n’a jamais fait de cadeaux. Mais les droits des femmes ne doivent pas seulement être arrachés uniquement sur papier.
La majorité des femmes connaissent de bas salaires et sont financièrement dépendantes de leur partenaire. Elles doivent aussi s’occuper du ménage en plus de leur emploi. On peut encore ajouter la violence domestique et les viols. Certains disent que l’égalité hommes-femmes est acquise mais la violence conjugale reste la première cause de décès pour les femmes entre 16 et 44 ans !
La politique néolibérale avec ses attaques contre la sécurité sociale et les services publics touche plus durement les femmes. À cause de cela, il est par exemple constamment plus difficile d’avoir accès à une crèche à prix abordable. En conséquence, la femme et sa famille doivent combler le manque.
La manifestation le 8 mars revendique la fin de toute discrimination. Nous exigeons des emplois bien payés pour tout le monde afin que les femmes puissent jouer un rôle indépendant. Nous nous opposons à la violence et à la discrimination et luttons par conséquent pour une société où les besoins de la majorité des femmes et de leurs enfants priment sur les bénéfices.
Trotski avait déjà affirmé que la libération des femmes et le socialisme signifient la même chose : la libération des femmes entraîne la construction d’une société socialiste basée sur le principe de “chacun(e) selon ses possibilités à chacun(e) selon ses besoins”. Les socialistes ne sont donc pas pour l’uniformité qu’on leur reproche sur base de l’expérience de la sanglante caricature du socialisme qu’a été le stalinisme, mais bien pour l’égalité dans la diversité sur laquelle est basée chaque coopération réelle entre les personnes.
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Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”
Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.
Revue par Per-Ake Westerlund.
Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.
Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».
Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.
A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.
Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.
Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.
La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.
Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.
Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.
La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.
Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.
Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.
George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.
Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.
Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.
Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.
Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.
Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.
Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».
Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.
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Des étudiants arrêtés torturés en Iran
Nous publions ici un rapport effectué sur base d’un tract diffusé par des étudiants en Iran. Ce rapport livre des informations sur la situation de dizaines d’étudiants arrêtés au début du mois de décembre. Ces étudiants subissent les formes les plus dures de tortures. Il est plus que nécessaire de protester contre ces sévices et d’exiger la libération immédiate des étudiants.
Les étudiants de gauche iraniens sont très préoccupés par la situation de plus de 30 étudiants actuellement en prison après des actions menées début décembre. Aucun contact n’est possible avec les étudiants dans la prison qui est contrôlée par les services spéciaux de sécurité. La partie de la prison où ils sont détenus n’est même pas accessible pour le personnel ordinaire de la prison. Loin des témoins, les prisonniers subissent les supplices et tortures physiques, psychologiques et même sexuelles les plus dures pour les forcer à livrer de faux aveux.
Les prisonniers sont forcés de répondre aux questions écrites ou orales des inspecteurs tout en étant assis sur des chaises en bois ou en métal en faisant face au mur. Ce genre d’interrogatoire dure des heures et des heures sans interruption. Si les prisonniers ne sont pas prêts à coopérer ou refusent d’admettre les accusations, alors commence un processus plus dur. Les inspecteurs insultent ainsi tous les membres de la famille, en étant particulièrement insultant pour les femmes. Ils mélangent les insultes aux menaces et frappent le dos, le cou et les épaules du prisonnier. Peu à peu arrive la période sombre de la torture. Ceux qui sont appelés par les inspecteurs les « briseurs de volonté » entrent en scène. Ils prennent le prisonnier à la cave, dans la salle pour le chauffage central ou dans l’arrière-cour. Les « briseurs de volonté » crient, insultent et menaces sans arrêt. Ils ordonnent au prisonnier de s’asseoir puis de se tenir debout et il ou elle doit choisir entre obéir ou être battu. Pendant ce processus, les « briseurs de volonté » continuent de parler de la maladie des parents du prisonnier, de la mère qui a eu une crise cardiaque en entendant parler de son enfant, etc. Au moment où le prisonnier entame un mouvement pour se reposer ou se tenir, ils commenceraient à le battre. Peu à peu, le prisonnier se sent fatigué et commence à devenir insensible des pieds. Ils ordonnent alors au prisonnier de rester sur une jambe. Ne pas obéir signifie recevoir des coups dans l’estomac ou des claques au visage. Ceci augmente la faiblesse de sorte qu’il est plus difficile de se tenir sur un pied. Les « briseurs de volonté » commencent ensuite à battre les pieds du prisonnier. Chaque coup force les genoux à se plier et à rompre l’équilibre. Alors ils commencent à battre l’arrière du cou. Les coups contre la colonne vertébrale causent un obscurcissement de la vision. Durant tout ce processus, le prisonnier doit fréquemment sombrer, mais les « briseurs de volonté » jettent de l’eau froide au-dessus du visage et dans le cou et attrapent le prisonnier par la taille pour le maintenir plus vigilant.
Ils ramènent le prisonnier dans de telles conditions à la prison en voulant de lui qu’il remplisse 100 pages des papiers marqués du « tribunal de la révolution », en précisant que si les papiers ne sont pas remplis le jour suivant, la torture serait alors répétée. Après autant de pression, le prisonnier doit encore choisir entre ne pas dormir ou être encore torturé.
En cas de refus de se plier à la volonté des inspecteurs ou des « briseurs de volonté », ils reviennent ensuite avec l’ordre Islamique de punition spécial du juge. Selon cet ordre, ils peuvent attacher les bras et les jambes à un lit en bois et battre le prisonnier avec une ceinture ou un fouet.
Si l’équipe d’enquête n’a pas de certitude au sujet de la durée d’emprisonnement, ils ne rencontreront aucun risque pour peu qu’ils ne laissent aucune trace de torture sur le corps. Dans ce cas, ils emploient la torture blanche. Il existe ainsi des prisons individuelles de couleur blanche ou rouge dans lesquelles est maintenu le prisonnier durant quelques semaines sans que rien ne lui soit demandé. Il n’y a qu’une petite fenêtre de 20cm de longs et de 10 cm de large au bas de la porte pour pousser la nourriture à l’intérieur, le prisonnier ne peut ainsi même pas voir le garde. En raison de la couleur des murs, le prisonnier perd l’équilibre et est victime de tensions nerveuses graves. Si elle continue pendant longtemps, cette méthode de torture indolore rend le prisonnier complètement fou, il perd sa subjectivité et devient alors prêt à coopérer avec les autorités.
Un autre genre de torture particulièrement utilisé contre les jeunes prisonniers est l’abus sexuel. Ils attachent les mains du prisonnier derrière le corps, couvrent ses yeux et le mettent contre le mur avec autour de lui trois ou quatre tortionnaires qui commencent par des menaces sexuelles et des attouchements à différentes parties du corps du prisonnier… Ce dernier devient si nerveux que qu’il est prêt à tout pour coopérer ou devient fou.
Maintenir éveillé le prisonnier est une autre manière de torturer. Ils mettent le prisonnier dans une prison individuelle éclairée par des projecteurs très puissants distants de seulement 3 mètres et baignée constamment dans les bruits d’alarmes ou de la musique. Ainsi ils déchirent les nerfs des prisonniers et même lorsqu’ils perdent connaissance, ils les immergent dans de l’eau pour les tenir éveillés. Ce processus continue durant de 3 à 7 jours.
Les descriptions ci-dessus sont seulement une part de ce qui se produit dans les prisons. Les « amoureux de la liberté et étudiants égalitaires » qui sont déjà dans les prisons du régime de la république Islamique d’Iran sont sous la menace des telles pratiques inhumaines et barbares. Ce danger est beaucoup plus grand pour les prisonniers qui ne pourraient pas avoir de contact avec leurs familles.