Tag: Iran

  • 8 mars 2008 : la Journée internationale des Femmes a cent ans

    La Journée Internationale des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie de textile et de vêtements à New York, le 8 mars 1908, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes. L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30.000 travailleuses ont été impliquées,. Cette journée est restée longtemps un jour de fête et de lutte pour les organisations de femmes du mouvement ouvrier, même si la mobilisation s’affaiblissait d’année en année. La nouvelle vague d’activités féministes après Mai’68 a repris cette vielle tradition et, cette année encore, il y aura des activités partout dans le monde, bien que celles-ci ne mobilisent plus les masses.

    Anja Deschoemacker

    L’histoire de l’origine de la Journée Internationale des Femmes ressemble beaucoup à celle du 1er Mai. Tout comme celle-ci, elle célèbre des actions qui ont eu lieu aux Etats-Unis et qui ont été ensuite reprises internationalement par le mouvement ouvrier organisé. La première célébration internationale, celle qui a été en ce sens la première véritable Journée Internationale des Femmes, date de 1911. La Journée des Femmes la plus tumultueuse et la mieux connue, celle aussi qui a eu le plus de conséquences, a été celle du 8 mars 1917 (23 février en Russie), qui annonçait le début de la Révolution de Février dans ce pays. Ce n’est qu’en 1922, à l’appel de l’Internationale Communiste, que la journée a été fixée à une date qui s’est imposée partout : le 8 mars.

    Les femmes ouvrières ont lutté pour l’acceptation de leurs revendications dans le mouvement ouvrier

    L’acceptation de la revendication du droit de vote des femmes n’était pas évidente dans l’Internationale Socialiste (aussi connue comme la Deuxième Internationale), tout comme ne l’était d’ailleurs pas l’ensemble de la lutte pour les droits des femmes. L’organisation en 1907, par Clara Zetkin et les femmes socialistes allemandes, d’une Conférence internationale des femmes, qui s’est réunie la veille de la Conférence de la Deuxième Internationale, a donc marqué la préhistoire du mouvement. Une motion y a été votée par laquelle les partis adhérents s’engageaient à lutter pour le droit de vote des hommes et des femmes.

    Clara Zetkin était une figure importante dans le parti socialiste allemand, une socialiste convaincue et une championne des droits des femmes, mais aussi une opposante déterminée au féminisme bourgeois. Lors de la réunion où a été décidée la mise sur pied de la Deuxième Internationale (1889), elle avait déjà argumenté que le socialisme ne pouvait pas exister sans les femmes, que les hommes devaient lutter ensemble avec les femmes pour les droits des femmes, que cette lutte faisait partie aussi de la lutte des classes. La réponse peu encourageante qu’elle avait reçue l’avait conduite à prendre l’initiative d’un mouvement socialiste des femmes, ayant pour but d’influencer les partis socialistes. Elle avait essayé d’acquérir et d’élargir cette influence avec le journal femme socialiste Die Gleichheit, dont elle était rédactrice en chef.

    Mais, malgré l’acceptation de la résolution, l’enthousiasme pour le droit de vote des femmes était tiède dans la plupart des partis socialistes. Pour changer cela et pour impliquer davantage les femmes dans la lutte, la deuxième Conférence Internationale des Femmes Socialistes a décidé de tenir chaque année une journée internationale des femmes, une journée pendant laquelle on manifesterait, on ferait de la propagande,… En 1911, la Journée Internationale des Femmes a été célébrée en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux Etats-Unis. La liste des pays s’est élargie jusqu’à la Première Guerre Mondiale.

    Cette guerre n’a pas signifié seulement un massacre massif, mais aussi la désintégration de la Deuxième Internationale. Le soutien à la guerre, venu d’abord de la social-démocratie allemande mais adopté ensuite par tous les partis de la Deuxième Internationale, a montré que, dans chacun de ces partis, le soutien à sa propre bourgeoisie dans le cadre d’un socialisme réformiste avait pris le dessus sur l’internationalisme, sur le refus de laisser les travailleurs de « son » pays tirer sur ceux d’autres pays, au seul bénéfice de leur propre bourgeoisie belliqueuse. Le seul parti qui est resté fidèle aux principes internationalistes du socialisme a été le parti russe, et en particulier son aile gauche majoritaire (les bolcheviks) sous la direction de Lénine, suivi dans cette voie par une partie de l’aile gauche de l’Internationale Socialiste.

    L’organisation internationale des femmes a continué d’exister et s’est rangée dans le camp anti-guerre. Les Femmes Socialistes allemandes, au contraire de la direction du Parti Social-Démocrate allemand, ont aussi continué à mobiliser contre la guerre et contre la répression de l’Etat, notamment en 1914 contre la guerre qui approchait à grands pas et contre l’arrestation de Rosa Luxembourg, qui participait avec Clara Zetkin à la direction des groupes de gauche dans le SPD.

    Les protestations à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes ouvrent la voie à la Révolution de Février en Russie

    Pendant la guerre, les femmes socialistes ont poursuivi les actions de protestation à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, dont la date varie alors entre le 23 février et le 18 mars. Ces protestations étaient fortement centrées sur le manque de vivres et les prix élevés de la nourriture provoqués par la guerre, ainsi que sur l’opposition à la guerre elle-même.

    C’est ainsi les femmes socialistes italiennes de Turin ont diffusé une affiche, adressée aux femmes des quartiers ouvriers. L’arrière-plan de leur propagande, c’est alors l’augmentation générale des prix de la nourriture de base, comme la farine (dont le prix a grimpé de 88% entre janvier 1910 et 1917) et les pommes de terre (+ 134%). Ces affiches disaient : « N’avons-nous pas assez souffert à cause de cette guerre ? Maintenant la nourriture qu’il faut pour nos enfants commence à disparaître aussi. (…) Nous crions : à bas les armes ! Nous faisons tous partie de la même famille. Nous voulons la paix. Nous devons montrer que les femmes peuvent protéger ceux qui dépendent d’elles. »

    Mais les protestations les plus spectaculaires ont eu lieu lors de la célébration de la Journée Internationale des Femmes en 1917 en Russie. Sous la direction d’Alexandra Kollontaï, les femmes russes sont descendues dans les rues. Au centre de leurs préoccupations se trouvaient les conditions de vie qui continuaient à empirer. Le loyer d’un logement à Saint-Pétersbourg avait doublé entre 1905 et 1915. Les prix des produits alimentaires, surtout ceux de la farine et du pain, avaient augmenté de 80 et 120%. Le prix d’une livre de pain de seigle, qui était la base de la nourriture des familles ouvrières de Saint-Pétersbourg, était monté de 3 kopecks en 1913 à 18 kopecks en 1916. Même le prix du savon avait augmenté de 245%. Une spéculation énorme et un marché noir de la nourriture et de l’énergie se développaient à toute allure alors que les entreprises fermaient leurs portes l’une après l’autre faute d’énergie. Les femmes et les hommes qui étaient licenciés partaient souvent en grève. En janvier et février 1917, plus d’un demi-million de travailleurs russes ont ainsi fait grève, surtout à Saint-Pétersbourg. Comme dans les autres pays impliqués dans la guerre, les femmes formaient une grande partie de ces travailleurs, vu que beaucoup d’hommes avaient été envoyés au front.

    A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes (le 23 février du calendrier russe correspond au 8 mars) les femmes ouvrières ont organisé une manifestation passant le long des usines de Saint-Petersbourg. Beaucoup de travailleurs des usines métallurgiques ont rejoint l’action. Le 25 février, deux jours après le début de l’insurrection des femmes, le Tsar a commandé à l’armée de tirer sur les masses pour arrêter le mouvement. Ainsi a commencé la Révolution de Février, qui a forcé le tsar à abdiquer le 12 mars.

    Le Gouvernement Provisoire qui a pris le pouvoir en main est le premier gouvernement d’une grande puissance à accorder le droit de vote aux femmes. Mais, pour le reste, ce gouvernement n’était pas du tout prêt à augmenter le niveau de vie des masses. Le Tsar était parti mais les grands propriétaires fonciers et les capitalistes continuaient d’exploiter les masses et d’accaparer les richesses. A coté de ce Gouvernement Provisoire, une autre force s’est construite, les Conseils (soviets) de délégués élus des travailleurs, paysans et soldats. Ces Soviets sont entrés en concurrence avec le Gouvernement Provisoire sur la question centrale : qui va diriger le pays. En outre, le gouvernement refusait également de mettre fin à la guerre, une revendication qui gagnait toujours plus de soutien parmi les masses, en raison aussi de la campagne menée sans répit par les bolcheviks.

    Ce double pouvoir – d’un coté le Gouvernement Provisoire et de l’autre les soviets – ne pouvait pas durer longtemps. Lors de la Révolution d’Octobre, les Soviets, réunissant les représentants élus des masses laborieuses, ont répondu à l’appel des bolcheviks et ont pris le pouvoir en main. Ces événements ont fixé la date de la Journée Internationale des Femmes en Russie et en Europe au 8 mars. L’Internationale Communiste (ou Troisième Internationale), mise sur pied à l’initiative de Lénine et Trotsky, les principaux dirigeants de la Révolution Russe, a fait en 1922 de cette journée un jour férié communiste.

    La dégénérescence du mouvement communiste révolutionnaire coïncide avec celle de la Journée Internationale des Femmes

    L’Etat ouvrier, arrivé au pouvoir par la Révolution d’Octobre, a donné aux femmes travailleuses des acquis dont les femmes en Occident ne pouvaient alors que rêver. A coté de l’égalité devant la loi, non seulement il leur a offert le droit au travail et des régimes de travail spéciaux (diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit, congé de maternité,…) qui tenaient compte de la fonction sociale des mères en plus du travail hors de la maison, mais il a aussi été le premier à prendre réellement ses responsabilités envers les masses populaires sur le plan du logement et des services de base. Les richesses produites par la population laborieuse ont été pour la première fois réellement utilisées pour servir les intérêts des masses, par le biais d’une économie planifiée qui avait au cœur de ses préoccupations les besoins des masses et qui, dans une première période, était aussi élaborée de manière démocratique à travers les soviets, les conseils des travailleurs, paysans et soldats.

    Mais le jeune Etat ouvrier a fait beaucoup plus encore. L’oppression des femmes est en effet un problème plus profond qu’une simple question de revenu et de salaire. Le droit à l’avortement, la possibilité de divorcer plus facilement, l’abolition des « droits » que les hommes avaient sur les femmes dans le mariage,… tout cela a fait partie des acquis des femmes travailleuses russes – des acquis que les femmes occidentales ont du attendre longtemps encore. Afin de stimuler et d’aider les femmes à sortir de leur foyer et à s’engager dans la société, un travail de formation sur une grande échelle a aussi été entamé, au moyen de campagnes d’alphabétisation dans la campagne et du travail de formation pour élever le niveau culturel. Des femmes socialistes ont parcouru cet immense pays pour expliquer aux femmes les droits dont elles disposaient.

    Mais la Révolution Russe ne pouvait pas rester debout et évoluer vers une société socialiste dans l’isolement total dans lequel se trouvait le pays après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe, et tout particulièrement en Allemagne, des défaites qui se sont succédées surtout à cause de la trahison des partis socialistes de la Deuxième Internationale. La société russe se heurtait à un manque de développement technique, à une arriération culturelle dans les vastes régions rurales,… et était en plus entraînée dans une guerre sans fin, les puissances capitalistes de l’extérieur faisant tout pour aider l’ancienne élite dirigeante russe à reprendre le pouvoir, en bloquant les relations commerciales mais aussi en envoyant des troupes (les armées de 21 pays ont ainsi foncé à travers le territoire de la Russie). La continuation d’une situation de guerre imposée à la société russe a conduit à des famines dans différentes parties du pays.

    Le soutien – ouvert et concret – donné par tous les partis russes, excepté les bolcheviks, à la contre-révolution a conduit à une situation dans laquelle de plus en plus de partis ont été mis hors-la-loi. Cette période de « communisme de guerre » reste toujours vue, même aujourd’hui, par une série de partis communistes comme un « modèle » alors qu’elle n’était qu’une adaptation concrète et nécessaire à la guerre qui était imposé au jeune Etat ouvrier. Beaucoup de penseurs bourgeois mettent cela en avant pour montrer combien le « communisme » est « antidémocratique » – bien que dans les pays capitalistes la démocratie ait été également suspendue en temps de guerre et parfois d’une manière encore plus profonde qu’en Russie.

    Mais l’échec des révolutions en Europe occidentale et les difficultés économiques internes dans un pays détruit par la guerre ont fait qu’en Russie, une bureaucratie a pu concentrer dans ses mains toujours plus de pouvoir. Cette bureaucratie, sous la direction de Staline, a progressivement étranglé toute opposition et a remplacé le fonctionnement démocratique de l’économie planifiée par son propre pouvoir tout-puissant. Cette prise de pouvoir s’est marquée aussi à travers l’adaptation graduelle du programme du Parti Communiste russe envers les femmes, qui a glissé de plus en plus vers la glorification de la maternité et de la famille nucléaire dans laquelle la mère préoccupée du bien-être de la famille occupait la place centrale.

    Parallèlement, l’Internationale Communiste est devenue partout dans le monde un instrument de cette bureaucratie russe, donnant chaque jour davantage la priorité aux intérêts de la politique extérieure de l’URSS sur les intérêts de la classe ouvrière dans le reste du monde. C’est ainsi qu’a commencé une longue chaîne de trahisons, débutant avec la première Révolution Chinoise dans les années ’20 (au cours de laquelle le Parti Communiste a été forcé à aider le Kouo-Min-Tang, le parti bourgeois nationaliste au pouvoir), se poursuivant avec la guerre civile espagnole en 1936-39 (au cours de laquelle le Parti Communiste a notamment utilisé son influence pour retirer leurs armes aux femmes ouvrières et les cantonner au rôle de cuisinières et d’infirmières dans l’armée), dans laquelle les intérêts des travailleurs et paysans espagnols ont reçu une importance bien moindre que les accords que Staline avait conclus avec des différents pays capitalistes, ce qui a mené à la victoire de Franco ou encore avec la Révolution Iranienne de 1979, au cours de laquelle le Parti Communiste a refusé de jouer un rôle indépendant et de diriger lui-même la lutte, a apporté son soutien à Khomeiny et a abandonné les femmes iraniennes totalement à leur sort. Dans ce cadre, la Journée Internationale des Femmes a changé de nature dans les pays staliniens pour devenir une sorte de fête des mères ou de Saint-Valentin, un jour où les femmes reçoivent des fleurs.

    Relance de la lutte des femmes dans les années ‘60

    Dans le reste du monde, la Journée Internationale des Femmes a été de plus en plus oubliée pour n’être reprise qu’à la fin des années ’60 par le nouveau mouvement féministe, ce qu’on a appelé la « deuxième vague » (après une « première vague » pour le droit de vote). C’est également la période dans laquelle d’autres mouvements d’émancipation, comme le mouvement des homosexuels, a connu une forte poussée.

    Les années ’60 ont vu un grand afflux de femmes sur le marché de travail. Vu le chômage très bas, les femmes ont été stimulées à aller revendiquer leur place au travail. La nouvelle vague féministe s’est donc développée sur la base de ces conditions économiques favorables. En Belgique, la montée de ce mouvement a été annoncée par la grève des ouvrières de la FN d’Herstal sur la revendication « à travail égal, salaire égal » qui a duré 12 semaines.

    Cette nouvelle vague féministe, qui a coïncidé avec le développement d’autres mouvements d’émancipation comme celui des homosexuels, avait comme objectifs d’obtenir l’indépendance économique, de rompre avec la répartition classique des rôles entre hommes et femmes, d’arracher la libération sexuelle, de casser le « plafond de verre » qui tenait les femmes loin des hautes fonctions, y compris dans la politique. Dans beaucoup de pays, cette lutte a obtenu des acquis importants, entre autres sur les questions de la contraception et de l’avortement, de l’assouplissement des lois sur le divorce,… illustrés par des slogans comme le très connu « maître de mon ventre » ou « le personnel est politique ».

    En termes légaux, la revendication “à travail égal, salaire égal” a été obtenue, tout comme l’interdiction des discriminations professionnelles, mais sur ce plan on doit aujourd’hui bien constater que les salaires réels des femmes sont toujours en moyenne 25% plus bas que ceux des hommes.

    La Journée Internationale des Femmes doit être remise à l’ordre du jour

    Malgré les énormes acquis – accès à l’enseignement et au marché du travail, légalisation de l’avortement, facilitation des procédures de divorce, égalité devant la loi,… – obtenus par les femmes dans les pays capitalistes développés, les problèmes ne sont pas fondamentalement résolus. Au contraire, au cours des 20 à 30 dernières années de politique antisociale et néolibérale, un grand nombre d’acquis ont été rabotés. Les femmes sont touchées de façon très dure : les chômeurs qui ont perdu leur allocation de chômage à cause du fameux article 143 (devenu 80) limitant la durée des allocations pour les chômeurs cohabitants sont en grande majorité des femmes, les allocations de chômage partiel des travailleurs à temps partiel non-volontaire ont été graduellement abolies, le démantèlement de services comme ceux des hôpitaux (notamment avec la réduction du temps de séjour) a pesé surtout sur elle,…

    Beaucoup de femmes travaillent en dehors de la maison aujourd’hui et très peu de filles et de jeunes femmes se voient comme futures femmes au foyer. Mais la société ne voit toujours pas les tâches ménagères et de soins – que ce soit pour les enfants, pour le mari et, à cause du coût élevé des maisons de repos combiné au faible montant des pensions, toujours plus aussi pour les parents âgés – comme des tâches sociales pour lesquelles il faut créer des services publics. Dès lors, tout le poids repose dès lors sur le dos des femmes qui subissent une double journée de travail. Cette double journée, dans la situation d’un marché de travail de plus en plus flexible, fait que beaucoup de femmes ne gagnent pas assez pour être indépendantes sur le plan financier. De bas salaires, le temps partiel, des périodes de non-présence sur le marché de travail,… font qu’arrivées à un certain âge, les femmes sont aussi en moyenne bien plus pauvres parce que leurs pensions sont plus faibles, et parfois beaucoup plus faibles.

    Ce manque d’indépendance financière fait que les femmes sont vulnérables face à la violence. Même si elles veulent échapper à une relation violente, elles rencontrent plein d’obstacles sur leur route. Comment, avec les bas salaires que beaucoup de femmes subissent à cause du temps partiel, avec les titres-services et autres « petits boulots », avec l’insécurité d’un contrat temporaire ou intérim,… trouver un nouveau logement et des revenus suffisants pour vivre, en particulier s’il y a des enfants ?

    La violence contre les femmes est inhérente au capitalisme : elle fleurit sur la division et les préjugés entretenus envers les groupes spécifiques afin de diviser et de paralyser la majorité de la population qui est exploitée et opprimée par la bourgeoisie. Les femmes sont souvent confrontées au harcèlement sexuel dans l’espace public, dans les écoles et les lieux de travail, mais aussi avec la violence physique et sexuelle dans leurs familles. Les préjugés envers les femmes font aussi qu’elles doivent souvent travailler bien plus dur pour être vues comme égales aux hommes. Le sexisme installe des limitations très réelles dans la vie des femmes. Malgré les énormes pas en avant qui ont été faits et la plus grande liberté que les femmes ont aujourd’hui pour déterminer leur vie, cette violence dure toujours : la principale cause de mort et de handicap permanent pour les femmes entre 16 et 44 ans en Europe est la violence du partenaire.

    De nouvelles formes d’oppression sont aussi apparues, ou plus exactement de vieilles formes sous une nouvelle apparence. La croissance de l’internet a été utilisé par la mafia du sexe pour assurer un élargissement jamais vu de l’industrie de sexe – le porno est un des plus grands secteurs sur internet. On voit aussi un glissement vers du porno de plus en plus dur, vers la pornographie enfantine. Le porno est présent partout aujourd’hui et diverses études ont montré que cela impose une pression sérieuse sur les jeunes femmes, en particulier sur le plan de leurs « prestations » sexuelles. Elles ont montré que, dans 97% du matériel pornographique, les relations entre les sexes reposent sur l’obéissance et la soumission des femmes. La plus grande partie du matériel porno déborde de clichés du genre « si les femmes disent non, elles veulent dire oui.

    Pour beaucoup de jeunes femmes qui sont attirées dans cette industrie du porno – faire des photos est quand même une façon « innocente » et facile de se faire un peu d’argent – ces premiers pas s’avèrent être un marchepied pour la prostitution. Bien qu’on entende aujourd’hui dire de plus en plus souvent que c’est un « choix » que les femmes font, il est quand même remarquable que même ces femmes qui pensent que c’était leur « choix » doivent à terme utiliser des drogues pour pouvoir continuer à faire ce « travail ». Toutes les prostituées sont confrontées régulièrement à la violence. Bien que différentes organisations, y compris des organisations soi-disant progressistes, veulent présenter aujourd’hui la prostitution comme « un boulot comme un autre », ce n’est pas du tout le cas. Pour la grande majorité des prostituées, il ne s’agit pas d’un « choix », mais d’une pure nécessité économique. Une grande partie du marché de la prostitution est en outre occupée par ce qu’on ne peut pas appeler autrement que des esclaves sexuelles, importées par des réseaux de traite d’êtres humains. Ce n’est pas étonnant que cette industrie du sexe ait profité à fond de la désintégration des Etats staliniens en Europe de l’Est et en Russie et qu’un grand nombre de femmes submergent le marché de prostitution, forcées de façon directe ou indirecte par les trafiquants de chair humaine.

    Malgré le fait qu’une plus grande proportion de femmes que d’hommes se trouvent dans une situation de pauvreté, leur surconcentration dans les emplois mal payés, temporaires et à temps partiel, la violence, le harcèlement et les préjugés,… une grande partie des politiciens et politiciennes prétendent pourtant que les femmes ne sont plus opprimées ni discriminées. En réalité, la situation s’est détériorée au cours des dernières décennies pour les femmes qui travaillent ou qui dépendent d’une allocation. La dépendance économique fait que toute une série de droits dont les femmes disposent légalement ne peuvent pas être appliqués dans la réalité.

    C’est pour cela que le MAS mène campagne en mars. Une campagne sur le thème du pouvoir d’achat et son impact sur de larges couches de femmes qui disposent de revenus moyens plus bas que ceux des hommes. Une campagne qui met aussi en lumière la solidarité internationale avec une manifestation en solidarité avec le mouvement des femmes iraniennes, contre le régime en Iran mais aussi contre l’intervention impérialiste des Etats-Unis au Moyen-Orient.

  • La démission de Castro ouvre un nouveau chapitre

    Quelles sont les perspectives pour la révolution ?

    La démission formelle de Fidel Castro du poste de Président de Cuba ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de Cuba et de sa révolution. Depuis le début de sa maladie en 2006 (un problème intestinal) d’intenses discussions ont été menées sur le rôle de Castro, lui-même lié au futur de Cuba. Sa démission indique qu’il ne se remettra probablement pas de sa maladie et que le gouvernement Cubain prépare la population cubaine à sa mort, peut être même bientôt.

    Peter Taaffe, Socialist Party ( CIO Angleterre et Pays de Galles)

    Quand cela arrivera, de nombreuses manifestations de masse, surtout en Amérique Latine, seront organisées. Malgré quelques erreurs et défauts de Fidel Castro, il est reconnu par les masses opprimées dans le monde comme une figure monumentale qui s’est battu avec ténacité contre leurs oppresseurs capitalistes et impérialistes.

    Cependant, les cercles capitalistes (de Bush aux exilés cubain à Miami qui salivent déjà à l’idée de profits plantureux après le « retour » de leur propriété) spéculent peu cette fois-ci, contrairement à 2006, sur l’écroulement imminent du régime de l’île. A l’époque, c’est Bush qui exprimait les prédictions de l’impérialisme américain : des émeutes dans les rues cubaines, un rapide « changement de régime » , non seulement du gouvernement cubain mais aussi de son système social – l’économie planifiée.

    Inversement, des millions d’ouvriers et les pauvres du monde entier espéraient le contraire ; que Cuba et les acquis sociaux de la révolution perdureraient même dans le cas d’un décès de Castro par sa maladie. Il est certain que sa présence considérable sera encore ressentie, mais sa démission traduit son incapacité à exercer le pouvoir comme il l’a fait précédemment et c’est probablement son frère Raul qui le reprendra.

    Depuis 1959 la révolution Cubaine est confrontée à un embargo sauvage imposé par l’impérialisme US, et on compte 600 tentatives d’assassinat à l’encontre de Fidel Castro. Cependant, Cuba a, au travers de son économie planifiée, a pu donner un aperçu des formidables possibilités de l’espèce humaine quand la mainmise des propriétaires terriens et des capitalistes est éliminée. Des figures héroïques comme Che Guevara et Fidel Castro exercent une profonde influence sur de nombreux jeunes et travailleurs dans le monde entier.

    La bonne réputation de Cuba sur sa gestion des problèmes sociaux tels que le logement, l’éducation, et particulièrement la santé a beaucoup progressée recemmnent. Le film incroyable de Michael Moore « Sicko » met bien en valeur le contraste entre le système de santé US, brutal et orienté vers une maximisation des profits et le système de santé gratuit cubain. Des citoyens américains ordinaires se retrouvant sans logement suite à des problèmes de santé (dont une personne ayant développé un cancer) ainsi qu’une travailleuse ayant participé aux secours lors du 11 septembre n’ont pu bénéficier de soins de santés à un prix abordable par le système de santé privé, honteux et orienté vers les entreprises que connaît les Etats-Unis. Ils ont cependant été secourus et soigné gratuitement quand Moore les a amenés à Cuba.

    En outre, huit étudiants américains ont été diplômés l’année passée après six années d’études gratuites. Un de ces diplômés déclara que « les soins de santés ne sont pas considérés comme un commerce à Cuba ». C’est exactement pour cela que par le passé les Etats-Unis et leurs Etats complice en Amérique latine ont tout fait pour essayer de détruire le modèle d’économie planifiée ayant émergé de la révolution cubaine. Et cela a provoqué une réaction massive de soutien à Cuba des populations d’Amérique latine, particulièrement dans la dernière décennie vu le néo-libéralisme sur le continent. Elles comparent les réalisations cubaines à la triste expansion record de la grande propriété terrienne et du capitalisme dans la région, tout comme en Afrique et en Asie.

    Les réalisations de la révolution

    Dans un livre révélateur récemment publié, (« Fidel Castro – ma vie ») pour lequel Castro a collobaré avec l’écrivain Ignacio Ramonet, il rapporte les impressionnantes réalisations de la révolution. Et commente : « Nous avons maintenant plus de 70000 médecins et 25000 jeunes étudiants en médecine… Nos voisins du nord [les USA] ne peuvent envoyer que des hélicoptères et non pas des médecins, ils n’en ont pas assez pour résoudre les problèmes du monde. L’Europe, cette « championne des droits de l’Homme » ne peut rien y faire non plus. Ils ne peuvent même pas envoyer 100 médecins en Afrique où plus de 30 millions de personnes sont infectées par le Sida… Je pense que nous aurons dans dix ans 100 000 médecins et que nous pourrions en avoir formé 100 000 de plus d’autres pays. Nous sommes les plus grands pourvoyeurs de médecins [dans le monde] et je pense que nous pouvons maintenant former dix fois plus de médecins que les Etats-Unis, ce pays qui nous a privé d’un bon nombre de nos médecins et qui a fait tout ce qui était possible pour priver Cuba de médecins. Ceci est notre réponse à cette politique. »

    Entre 1959 et aujourd’hui, l’espérance de vie à Cuba a augmenté de 19 ans. Suite à la contre révolution en Russie au début des années 90 elle est retombée pour les hommes à 56 ans ! Peut-il y avoir un plus grand contraste entre les objectifs de la révolution sociale et la barbarie de la contre-révolution capitaliste ? Et ceci a été mené à bien au moment fort d’une crise économique massive au début des années 90 suite au retrait de l’aide, particulièrement la fourniture de pétrole, d’abords par l’ancien président russe Boris Eltsine puis poursuivie par Vladimir Poutine, comme Castro l’explique dans son livre.

    Alors que les réalisations historiques (éducation gratuite et soins de santé performant) sont préservées à Cuba, un programme d’austérité brutal a cependant été infligé à la masse de la population. Le régime a été obligé de faire des concessions « au marché » et donc au capitalisme. A travers la « dollarisation », une économie parallèle s’est développée et a amené certains privilèges pour ceux travaillant dans le tourisme (payé en dollars) et les secteurs impliquant certains partenariats économiques internationaux.

    Malheureusement, ceux qui restent défenseurs de l’économie planifiée, comme les médecins, les enseignants, etc., sont toujours payé en peso cubain et souffrent énormément. Selon le célèbre auteur de gauche Richard Gott, même le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur a été formellement aboli en 1992. Mais Cuba reste essentiellement une économie planifiée, avec des entreprises étrangères requerrant des autorisation du ministère du commerce pour effectuer leurs opérations. La décentralisation c’est opéré avec des centaines d’entreprises pouvant importer et exporter librement. Castro a cependant déclaré « que rien d’utile ne sera privatisé à Cuba et peut donc être maintenue comme une propriété de la nation des collectivité de travailleurs ».

    Il n’est pas exact actuellement de dire que la bureaucratie et les inégalités n’existent pas à Cuba. Fidel Castro l’a déclaré par le passé ainsi que dans son dernier livre. Il n’est pas la copie conforme de Staline comme l’on essayé de faire croire ses opposants capitalistes. Aucun culte de la personnalité financé par l’Etat n’existe à Cuba, et on ne voit aucun portait, statue ou image de Castro tant qu’il est vivant. De plus, alors qu’il admet ouvertement avoir commis des erreurs et zigzagué d’une politique à l’autre en causant significativement du tort lors des 49 dernières années, rien de tout cela n’est comparable aux crimes monstrueux du stalinisme : collectivisation forcées, grandes purges, etc.

    Politiques changeantes

    Ce livre révèle aussi un comportement parfois erratique de Fidel Castro. Il a par exemple proposé au dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev lors de la crise des missiles en 1962 une « première attaque » nucléaire soviétique contre les Etats-Unis. Khrouchtchev répondit à Castro : « Vous me proposez de mener une « première attaque » contre le territoire ennemi. Ceci ne sera pas une simple attaque mais le début d’une guerre thermonucléaire. » [p281]

    Castro s’en prend parfois à Staline : « Il a été responsable, de mon point de vue, pour l’invasion en 1941 de l’URSS par la puissante machine de guerre Hitlérienne, sans même que les forces soviétiques ai entendu un appel de mobilisation… Tout le monde connaît ses abus de pouvoir, la répression, et sa personnalité, le culte de la personnalité. ». Mais il affirme aussi que Staline « a l’immense mérite d’avoir industrialisé le pays, déplacé les industries militaires en Sibérie ; des facteurs décisifs dans la grande bataille mondiale contre la nazisme. ».

    Il affirme que Staline c’est « lui-même désarmé », mais en réalité a démantelé les défenses de l’union soviétique alors que les Nazis se préparaient à attaquer. Mais Staline n’était pas le concepteur originel du « plan quinquennal » ainsi que de son idée d’industrialisation. C’est Trotsky et l’opposition de gauche qui a formulé ces idées en premier. Staline les a empruntés et appliquées bureaucratiquement à grands frais inutiles pour l’Union Soviétique et sa population. Et Castro nie ostensiblement – à tort comme l’a indiqué Célia Hart – que Che Guevara a pu avoir des « sympathies trotskystes ». Castro affirme qu’il « ne l’a jamais entendu parler de Trotsky… Il était léniniste et, sur certains point reconnaissait des mérite en Staline ». Che Guevara, il est vrai, n’était pas un trotskiste conscient et convaincu. Mais lors de sa dernière période à Cuba il est devenu critique par rapport à la bureaucratie, et particulièrement dans les pays dis « socialistes » qu’il avait visité. De plus il avait un livre de Trotsky dans son sac de voyage quand il a été assassiné en Bolivie en 1967.

    Castro révèle dans ces commentaires, au mieux, une compréhension inégale du Stalinisme, d’un point de vue « sociologique » et politique. L’erreur des collectivisations forcées, les procès monstrueux, les purges, l’anéantissement des derniers restes de l’héroïque parti bolchevique n’étaient pas juste le résultat de la personnalité de Staline ou des « erreurs » mais bien les conséquences du caractère bureaucratique de la machine qu’il a mis en place. Staline dirigea une contre-révolution politique bureaucratique qui craignait le mouvement indépendant de la classe ouvrière et les idées de démocratie ouvrière, comme l’analysa brillamment Trotsky. Fidel Castro et Che Guevara se distancient de Trotsky et de sa critique du Stalinisme car le régime cubain est, en fin de compte, lui aussi dirigé par une élite bureaucratique détachée des masses populaires.

    Cuba et sa révolution est différente en de nombreux points avec la révolution russe, et Castro n’est pas Staline. Cependant, malgré son énorme popularité à ses débuts, ses faiblesses étaient traduites par le manque de contrôle et de gestion démocratique ainsi que par l’absence de conscience de classe claire parmi la classe ouvrière et les pauvres. Castro affirme lui-même qu’une « conscience socialiste » n’était pas présente au début. En outre, il n’y a tout au long du livre pas de perception claire du rôle de la classe ouvrière – comme expliqué par Marx- dans le rôle de moteur de la révolution socialiste, ni de son rôle de contrôle, avec les paysans pauvre, de l’Etat ouvrier né de la révolution.

    Il parle de 1968 mais reste silencieux sur le mouvement ouvrier en France cette année là, la plus grande grève générale de l’histoire. Il ignore aussi honteusement les massacres d’étudiants la même année au Mexique. A ce moment, à cause des liens diplomatiques avec le Mexique (le seul Etat d’Amérique latine a avoir reconnu Cuba à l’époque) Castro n’a pas dis un mot à propos des actions meurtrière du gouvernement mexicain.

    Quel est le caractère de l’Etat cubain ?

    La conséquence de tout cela est que l’Etat dominé par Fidel Castro et Che Guevara, tous deux énormément populaire pour avoir guidé et installé la révolution aux portes du monstre US, n’est pas contrôlé par des conseils ouvriers et paysans, comme c’était le cas en Russie en 1917. Ceci classe historiquement l’Etat cubain et le type de société qui émergea par la suite.

    Ceci se reflète dans la pensée de Castro à propos du caractère de l’Etat qu’il préside. Questionné par l’auteur Volker Skierka, Castro affirme directement : « Je ne pense pas qu’il faut avoir plus qu’un parti… Comment notre pays aurai t’il pu tenir debout en étant coupé en dix pièces ?… Je pense que l’exploitation de l’homme par l’homme doit cesser avant qu’on puisse avoir une réelle démocratie. »

    Cependant, sans réelle démocratie ouvrière, la transition vers le socialisme est impossible. La fin du monopole du parti unique, des élections libres et transparentes pour des conseils ouvriers avec le droit à tous de se présenter (incluant les trotskystes), un contrôle strict des revenus et le droit de révoquer les élus est le minimum d’exigences pour un Etat ouvrier démocratique. Sans réel contrôle et sans gestion de l’Etat et de la société, une machine bureaucratique va inévitablement se mettre en place et remettre en cause l’existence de l’économie planifiée. Ceci peut être une réalité dans une économie fort avancée et développée, pas comme Cuba qui n’a qu’un PIB représentant 0,3 % du PIB des Etats-Unis.

    Il est vrai qu’au début des années 90, faisant face à une situation économique en détérioration, un débat ouvert sur la constitution est apparu à Cuba, et des amendements constitutionnels (incluant une forme d’élections directes) furent proposé à l’assemblée nationale. Cette démarche était cependant toujours réalisée sur la base d’un candidat par siège au parlement. C’était une forme de « démocratie » permettant aux électeurs de choisir un candidat d’une liste, mais juste d’un seul parti. Aux récentes élections de janvier 2008, il y avait 614 candidats pour 614 sièges ! Parallèlement, les membres du comité central du parti communiste, le politburo et le conseil d’Etat, étaient soumis au veto, si nécessaires, de Fidel Castro.

    Dans « Ma vie », Fidel Castro semble contrer l’idée d’avoir un tel pouvoir quand il commente l’exécution du chef de l’armée Arnoldo Ochoa pour trafic de drogue présumé. Il affirme : « C’était une décision unanime du conseil d’Etat, qui avait 31 membres… Le conseil d’Etat est devenu un juge… La chose la plus importante est que vous avez à lutter pour vous assurer que chaque décision est prise par consensus entre tous les membres. » Le fait qu’une décision consensuelle a pu être prise au conseil d’Etat dans une situation aussi importante et hautement controversée en dis long sur cette institution et sur le pouvoir détenu par Castro.

    Dans l’introduction de son livre, même Ramonet déclare que Castro « prend toutes les décisions, petites et grandes. Malgré le fait qu’il consulte avec beaucoup de respect et de professionnalisme les autorités politiques concernées du parti et du gouvernement pendant le processus de décision, c’est Fidel qui a le dernier mot. ». Castro réfute cette accusation : « Beaucoup de monde me considère comme un voisin, me parle. ». En fin de compte, le pouvoir est détenu dans tout Etat par des dirigeants et des partis. Mais chaque direction et chaque parti devrait, spécialement dans un Etat ouvrier sain, être strictement contrôlé par les masses de la base.

    Dans un Etat ouvrier sain, tel qu’il existait en Russie entre 1917 et 1923, ce pouvoir était détenu par les soviets (assemblée) avec un contrôle strict des différences salariales, un droit de révocation des élus,etc. Ceci n’existe malheureusement pas encore à Cuba. C’est pourquoi le dilemme posé en Union Soviétique est également posé à Cuba, mais à une échelle plus réduite et sans l’héritage monstrueux du Stalinisme. Léon Trotsky a posé la question il y a 70 ans en parlant de l’Union Soviétique : « La bureaucratie va t’elle dévorer l’Etat ouvrier, ou la classe ouvrière va-t-elle nettoyer la bureaucratie ?… Les ouvriers ont moins peur, en jetant dehors la bureaucratie, d’ouvrir la voie de la restauration capitaliste. »

    Mécontentement grandissant

    Pour de grandes parties de la population cubaine, ceci résume probablement l’état d’esprit actuel. Le mécontentement s’étend, et particulièrement parmi la nouvelle génération. En effet 73% de la population est née après le triomphe de la révolution en 1959. L’aliénation de la nouvelle génération risque d’amener une « révolution sans héritiers ». Le remplacement de Fidel Castro par son frère Raul ne résoudra pas le problème sous-jacent. Il est associé à l’armée cubaine comme ministre de la défense.

    Au début des années 90, Raul était confronté à une forte austérité et eu l’idée d’utiliser l’armée dans quelques « expériences sur l’économie de marché ». Des officiers étaient envoyés étudier la gestion hôtelière en Espagne et la comptabilité en Europe. Raul a visité la Chine plusieurs fois afin d’étudier les politiques économiques de Pékin. Hans Modrow, le dernier premier ministre de la RDA, est actuellement en visite à Cuba pour partager des expériences sur la transition de son pays vers le capitalisme. Raul a aussi réduit la taille de l’armée et a poussé à une série d’innovations : des marchés de fermiers, le travail indépendant des plombiers, coiffeurs et autre entrepreneurs peu importants. C’est au travers de telles mesures que le capitalisme a déjà été réintroduit à Cuba, mais pas encore dans une position permettant la destruction des principaux aspects de l’économie planifiée.

    Il y a sans aucun doute des divisions au sein même de l’élite bureaucratique qui contrôle Cuba. Une partie voudrai « s’ouvrir » au capitalisme dans une forme « démocratique ». Leur difficulté est la loi Helms-Burton américaine. Même ces bureaucrates qui souhaiteraient le démantèlement de l’économie planifiée sont confronté à la perspective du retour à Cuba des réfugiés de Miami protégé par l’impérialisme US : « Pour mettre aux enchères les entreprises publiques, et vendre au plus offrant » (The wall street journal). Tout comme en Allemagne de l’est après la chute du mur, ces brutes demanderont vigoureusement le retour de « leur propriété », y compris des maisons occupées par des ouvriers et des paysans aujourd’hui. De plus, ils n’hésiteront pas à recourir à des bains de sang à l’encontre toute personne associée au régime de Castro.

    Plusieurs événements, et particulièrement les élections présidentielles américaines, pourraient avoir un effet profond sur Cuba. Barack Obama a déjà indiqué qu’il adopterai une ligne moins dure par rapport aux ennemis traditionnels des Etats-Unis : Cuba, Iran etc. B. Obama ou même Hillary Clinton – malgré ses récentes déclarations belliqueuses à l’encontre du régime cubain – pourrait agir pour démanteler partiellement ou totalement l’embargo. En Floride, la récession économique américaine apparaît avec des rangées entières de propriété vides. Même la nouvelle génération de réfugiées de Miami a atténué son opposition à la fin de l’embargo, pourtant longtemps implacable.

    Il y a déjà une pression considérable d’agriculteurs, du secteur touristique, sans parler de McDonald’s, afin de baisser les barrières pour prendre de bonnes parties bien profitable de Cuba. 100 membres du congrès américain demandent la levée de l’embargo. Et c’est bien cela qui est le plus grand danger pour les restes de l’économie de marché à Cuba. Des millions de touristes américains envahissant Cuba, même avec des dollars dévalués dans leurs poches, risque de donner un sérieux coup, peut-être mortel aux éléments restant de l’économie planifiée. Comme l’a expliqué Léon Trotsky, le réel danger pour un Etat ouvrier isolé n’est pas vraiment une invasion militaire mais « des biens bon marché dans les bagages de l’impérialisme ». Cette « invasion » de Cuba prendrai de nos jours vraisemblablement la forme du tourisme et des investissements capitalistes si le régime « s’ouvrait » dans le futur, sous Raul ou tout autre dirigeant. Mais ceci est une perspective peu probable, tant que Fidel sera en vie. Un réel danger de restauration capitaliste est cependant toujours existant.

    Le pétrole vénézuélien est vital pour Cuba. Mais que se passera t’il en cas d’explosion des cours du pétrole, ce qui est probable avec le début de la récession économique mondiale ? Le Venezuela sera profondément affecté, et par conséquent Cuba aussi.

    Il y a , et cela ne fait aucun doute, une autre frange de la direction et de la bureaucratie cubaine qui fera tout pour maintenir l’économie planifiée. Les marxistes, comme Trotsky l’a préconisé, devraient dans cette phase critique former un bloc avec cette frange de la direction et de la bureaucratie cubaine et chercher à mobiliser une résistance cubaine de masse contre toute menace de retour au capitalisme.

    Démocratie ouvrière

    Ceux qui, comme le membre du parlement britannique George Galloway, affirment que c’est l’embargo capitaliste sur Cuba qui est un important facteur de manque de démocratie sur l’île ont raison. Toutes les révolutions – même la guerre civile aux Etats-Unis – confrontées à une contre-révolution armée ont refusés de donner la liberté d’agir à ses opposants sous prétexte de « démocratie ». Mais nous ne soutenons pas à Cuba la liberté pour la contre-révolution de s’organiser afin de renverser la révolution. Vu les avantages de l’économie planifiée, et particulièrement si celle-ci s’organiserai dans le cadre d’une confédération socialiste démocratique rassemblant le Venezuela, la Bolivie et éventuellement l’Equateur, les contre révolutionnaire désirant revenir à la barbarie de la propriété terrienne et du capitalisme tel qu’il existe sur le continent Latino Américain auraient peu de marge de manœuvre.

    Cependant, si la question de l’interdiction de partis politiques de droite désirant un retour au capitalisme peut être un sujet un débat, ce ne devrai pas être le cas de la question de la démocratie ouvrière. Tout ceux qui soutiennent l’économie planifiée, y compris les trotskystes et autres, devraient pouvoir agir à Cuba. Ceci devrai faire partie du maintien et de l’extension de l’économie planifiée. Sans démocratie ouvrière, Cuba pourrait se retrouver des décennies en arrière et avec cela les espoirs de révolution socialiste en Amérique latine et dans le monde sérieusement mis à mal. Le maintien de cette révolution ne devraient pas être mis dans les mains d’un seul homme, aussi loyal et courageux soit t’il, ni dans les mains d’un groupe d’hommes et de femmes, mais dans les mains d’une classe ouvrière cubaine engagée et politiquement consciente, et liée aux masses d’Amérique latine et d’ailleurs.

    Ceci ne peut être accompli par le haut, comme l’ont montré les erreurs de Hugo Chavez au Venezuela. Les décisions doivent être prise tout de suite pour organiser une campagne de masse à Cuba afin de préparer le terrain à une vraie démocratie ouvrière. La crise mondiale du capitalisme globalisé et la révolte contre le néo-libéralisme en Amérique latine renforcent la perspective de défendre et de consolider les acquis de la révolution cubaine. Mais il ne faut pas perdre de temps dans lutte pour la démocratie ouvrière et le socialisme à Cuba, au Venezuela, en Bolivie et ailleurs.

  • Oppression des femmes en Iran: la lutte est nécessaire !

    Les lois portant sur l’infériorité de la femme en Iran illustrent à quel point la situation pour les femmes en Iran est des plus violentes sous le régime barbare des forces réactionnaires religieuses. Ainsi, une femme appartient à son père, puis à son conjoint dès qu’elle est mariée.

    Laure, EGA-ULB

    Ceux-ci ont le droit de vie ou de mort sur elle, ils peuvent la tuer par exemple s’ils estiment qu’elle a déshonoré la famille. Elle doit obtenir leur approbation si elle veut travailler, voyager,… La lapidation pour infidélité et les crimes d’honneur sont autorisés et choses courantes en Iran. Certaines femmes ont tout de même accès à des postes dirigeants, mais ce n’est que pour mieux cacher l’oppression qu’elles subissent, taire les révoltes et calmer la colère. Afin de mieux comprendre la situation et tracer des perspectives un retour historique est nécessaire.

    En 1979 a eut lieu la révolution contre la dictature du Shah. Les femmes ont d’ailleurs joué un rôle important pour faire renverser le régime. A l’époque, le parti communiste avait une grande autorité parmi les travailleurs et possédait un grand potentiel pour mener à bien la révolution. Mais malgré les aspirations socialistes de grand nombre de travailleurs et de femmes, la direction du PC n’a pas saisi ce potentiel. Leur stratégie était, à l’instar des théories staliniennes, « Tous contre le Shah, les ennemis de nos ennemis sont nos amis ! ». Ainsi, ils s’allièrent avec tous ceux qui prétendaient combattre le régime, quel que soit ce qu’ils comptaient mettre à la place. De cette façon, ils contribuèrent à la mise en place du régime fondamentaliste islamique dirigé par Khomeini. Deux semaines après qu’il ait accédé au pouvoir, ce dernier proclama l’obligation du port du voile. Le lendemain (le 8 mars 1979), deux millions de femmes (voilées ou non) étaient dans la rue pour s’opposer à l’imposition et défendre leur droit d’en décider. Leur lutte a obligé Khomeini de reculer temporairement. Du moment que le mouvement des femmes s’est affaibli, le régime réactionnaire a pu imposer l’obligation du port du voile.

    Aujourd’hui, la situation est celle que l’on sait, pourtant cela n’empêche pas le courage des femmes iraniennes de lutter contre leur oppression. Elles constituent une force importante et représente notamment 60% des étudiants. Ce n’est donc pas un hasard si elles n’ont pas le droit de s’organiser sur leur lieu de travail. Le régime islamique utilise l’oppression des femmes comme outil pour opprimer l’ensemble de la classe ouvrière et pour la diviser. Mais la lutte des femmes contre leur oppression doit être élargie en lutte contre le régime réactionnaire et contre l’oppression qu’il fait subir à l’ensemble des travailleurs, les jeunes, les homosexuels, les minorités religieuses, etc. Ce n’est pas certainement l’impérialisme américain ou l’instauration d’une société capitaliste qui permettra aux femmes d’être réellement libérées. En Europe, sur le plan légal la lutte des femmes a obtenu l’égalité mais sur le plan économique une inégalité de fait entre les hommes et les femmes persiste. Elles n’assurent pas non plus le bien être aux travailleurs, ni quelconque égalité entre eux et leurs patrons. La lutte pour l’émancipation des femmes en Iran, tout comme la lutte pour l’émancipation de l’ensemble de la classe ouvrière ne pourra aboutir que lors de l’avènement d’une société socialiste. L’expérience de la révolution de 1979 a démontré que cette lutte ne pourra être menée que dans une unité de classe (non dans l’alliance avec des personnes dont les intérêts sont divergeants) dont les protagonistes auront pour seul objectif l’avènement d’une telle société. Une société dans laquelle l’économie sera démocratiquement planifiée par et pour la population et non en fonction des profits et des privilèges d’une poignée, comme c’est le cas aujourd’hui, en Iran ou ici.

  • Le Bourgmestre d’Ixelles autorise la manifestation pour les droits des femmes du 8 mars

    Hier après-midi, les organisateurs de la manifestation (Karzar, MAS/LSP, Femmes-CAP, 8mars.com) ont été invités au cabinet du bourgmestre d’Ixelles Decourty pour un entretien. Nous avons pu y entendre qu’un « malentendu » s’est développé et qu’il n’a jamais été dans ses intentions d’interdire cette manifestation. Il a même affirmé être en accord avec l’attitude que nous adoptons envers le régime actuel iranien et envers les droits des femmes.

    Ce n’est pourtant pas ce qui nous a été déclaré par la police zonale dans nos négociations portant sur le trajet de la manifestation (jeudi dernier) où on nous a clairement fait entendre à plusieurs reprises que le territoire d’Ixelles – le chemin le plus court vers l’ambassade d’Iran du point de vue de la manifestation – était exclu pour des raisons de trafic. Nous n’avions aucune raison de douter de la parole de la police sur ce point.

    La discussion s’est passée dans une bonne atmosphère et nous sommes contents que la manifestation puisse se dérouler de façon normale. Avec cette manifestation, nous voulons apporter un soutien au mouvement des femmes en Iran et en même temps défendre nos revendications autour du pouvoir d’achat en Belgique, dont la baisse touche plus durement les couches aux revenus les plus bas dans lesquelles les femmes sont surreprésentées. Ces protestations nécessaires ne peuvent être mises de côté pour des raisons de trafic et ne peuvent être prises en otage par différentes structures de pouvoir qui ont visiblement des problèmes dans leur communication entre elles.

    Qu’importe : le droit à la libre expression a gagné. Rendez-vous tous ce 8 mars, à 14h, devant l’ambassade des Etats-Unis !

    • Azar Behrouz, plateforme de femmes iraniennes Karzar
    • Anja Deschoemacker, commission femmes du Mouvement pour une Alternative Socialiste, MAS-LSP
    • Laure Miege, travail femmes des Etudiants de Gauche Actifs
    • Nadine Mertens, membre du Comité exécutif du Setca Bruxelles-Hal-Vilvorde
    • Ivy Meert, femmes du Comité pour une Autre politique (CAP)
  • Le bourgmestre d’Ixelles interdit la manifestation des femmes iraniennes le 8 mars !

    Les femmes iraniennes, réfugiées des quatre coins d’Europe, manifestent le 8 mars pour faire entendre leur colère envers le régime réactionnaire iranien. En Iran, les femmes n’ont pas de droits. Ainsi elles ne peuvent quitter la maison sans l’autorisation de leur mari. Etre vue avec un autre homme ou ne pas porter le voile est suffisant pour être punie à coups de fouet. Il n’y a pas d’égalité devant la loi ; au contraire, l’inégalité en constitue le fondement.

    La plate-forme de femmes iraniennes qui veut manifester cette année à Bruxelles, avec d’autres organisations (entre autre des femmes belges, mais aussi kurdes et turques) le fait depuis des années déjà. C’est la première fois qu’elle se heurte à une interdiction dans une ville européenne. Ixelles sera donc inscrite dans l’histoire comme l’unique ville de l’occident "démocratique" où il est interdit aux femmes de manifester lors de la journée internationale de la femme ! Le bourgmestre d’Ixelles, W. Decourty (PS), est donc apparemment en accord avec le régime iranien sur le fait que la résistance des femmes est inacceptable, et qu’il faut réduire celles-ci au silence. Quoiqu’il en soit, il agit en tant qu’allié du régime réactionnaire en Iran.

    M. Decourty évoque comme raison pour l’interdiction de manifester sur son territoire la "perturbation du trafic". La perturbation du trafic ! Toute manifestation implique une plus ou moins grande perturbation du trafic – que reste t-il de notre droit constitutionnel à exprimer notre opinion (inexistant en Iran) si un bourgmestre peut invoquer une telle raison pour interdire une manifestation ? Cela nous procure aussi des inquiétudes sur le soutien qu’obtiendraient les femmes à Ixelles de la part de leur conseil communal si elles voulaient combattre l’oppression…

    Nous avons obtenu l’autorisation de Thielemans, le bourgmestre de Bruxelles-Ville, mais pour la dernière partie de la manifestation – jusqu’à l’ambassade iranienne – notre droit est refusé par son confrère du même parti à Ixelles. Cette décision ne sera pas seulement regardée en Belgique. En Iran même, l’élite dirigeante s’en frottera les mains de plaisir: même un pays démocratique tel que la Belgique refuse aux femmes iraniennes d’exprimer leur opinion !

    La manifestation du 8 mars est annoncée à 14 heures ; le point de départ se trouve à l’ambassade américaine où des femmes prendront la parole contre l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Ces occupations n’ont apporté aux femmes aucune amélioration, bien au contraire. Via le quartier européen, où nous voulons protester contre la politique asociale de l’UE, nous voulons nous diriger vers l’ambassade iranienne, point final de la manifestation.

    Mais c’était sans compter sur le bourgmestre d’Ixelles ! Même la proposition -peu probable et déjà totalement inacceptable- des services de police de faire une partie de la manifestation en métro (!) nous est refusée par W. Decourty. Une action de protestation aura lieu ce jeudi 28 février à 17h30 devant la maison communale d’Ixelles. Une conférence de presse prendra place au même moment dans le café L’amour Fou (Place Fernand Coq)…

    Nous sommes résolus à exprimer notre opinion, même si cela implique que nous devions emprunter le trottoir pour marcher jusqu’à l’ambassade iranienne. Nous invitons la presse à notre manifestation, qui sera unique par la partie partiellement souterraine de l’itinéraire qui nous est imposé. Aidez-nous à faire connaître cette situation scandaleuse à un plus large public !

    • Azar Behrouz, plateforme de femmes iraniennes Karzar
    • Anja Deschoemacker, commission femmes du Mouvement pour une Alternative Socialiste, MAS-LSP
    • Laure Miege, travail femmes des Etudiants de Gauche Actifs
    • Nadine Mertens, membre du Comité exécutif du Setca Bruxelles-Hal-Vilvorde
    • Ivy Meert, femmes du Comité pour une Autre politique (CAP)

    A: Mr. Decourty, bourgmestre d’Ixelles

    STOP à l’interdiction de manifester! Les femmes iraniennes doivent avoir le droit de manifester jusqu’à l’ambassade d’Iran!

    Cher M. Decourty,

    Nous avons entendu avec indignation qu’en qualité de Bourgmestre d’Ixelles, vous avez interdit aux femmes iraniennes de manifester jusqu’à l’ambassade d’Iran. Et cela pour la journée internationale des femmes – un jour qui a notamment été mis en place par les précurseurs de votre parti. C’est vos prédécesseurs, clairement plus socialistes que vous, qui ont créé ce jour de protestation international pour les droits des femmes !

    Mais les femmes iraniennes qui n’ont pas le droit de manifester dans leur pays d’origine, ni le droit de sortir de la maison sans la permission du père ou du mari, se voient refusées leur droit de faire entendre leurs voix par vous !

    Je vous demande de revoir cette décision et de ne pas donner au régime iranien l’argument que les droits des femmes sont refusés même dans un pays européen. En effet, le régime réactionnaire en Iran débordera de joie en apprenant votre décision anticonstitutionnelle et totalement antidémocratique. Au lieu de montrer au mouvement des femmes en Iran qu’elles ont le soutien de la communauté internationale pour leur lutte, vous leur donnez un signal totalement contraire.

    Je signe en ayant un espoir amoindri de votre raison et de votre sens démocratique,

  • L’impérialisme américain : affaibli et impopulaire, mais quelle est l’alternative ?

    L’impérialisme américain s’embourbe dans les problèmes. La guerre contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak a provoqué plus d’instabilité et de terrorisme. D’autres alliés, comme le Pakistan, sont également touchés par ces convulsions. Aux USA, le moteur économique commence à capoter et on parle de récession. Ce dossier se propose de brosser l’état des lieux de l’impérialisme américain.

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Vers une récession dure? Quelques citations

    “Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation. Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue. L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis sociaux-démocrates et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les acquis de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou la Révolution des Oeillets au Portugal et les diverses révolutions dans les anciennes colonies pour en mesurer l’impact.” (“Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique” Alternative Socialiste no 126, novembre 2007, à relire sur les sites socialisme.be ou marxisme.org)

    “Les USA n’ont connu que deux récessions ces 25 dernières années qui étaient l’une et l’autre une récession brève et douce. Il y a lieu de penser que la prochaine crise, lorsqu’elle viendra, sera plus grave.” (Wall Street Journal)

    “Le marché immobilier américain a connu la crise la plus grave depuis les années septante, avec des baisses de prix de 8% en moyenne depuis le pic de 2005, mais de 40% dans les régions les plus touchées. Le marché part de l’idée que la baisse pourrait continuer jusqu’à 30%. Cela augure de la direction que l’économie américaine pourrait prendre. Avec un taux de chômage record depuis deux ans (5% en décembre) et qui pourrait atteindre les 7% selon certaines estimations, le consommateur américain (qui a longtemps été considéré comme le moteur de la croissance mondiale) pourrait jeter le gant. La consommation des ménages a chuté de 0,4% en décembre. Les ‘experts’ en discutent encore, mais six Américains sur dix jugent que le pays est déjà en récession.” (The Economist du 12 janvier 2008)
    [/box]

    La guerre contre le terrorisme n’est pas une grande réussite. Dès le début de la guerre en Irak en 2003, nous avons publié une brochure écrite par Peter Delsing qui expliquait les tenants et les aboutissants de cette “guerre pour le pétrole”. Cinq ans après, nous avons interrogé Peter sur la situation actuelle de la guerre.

    Trente mille soldats supplémentaires ont été envoyés sur place, l’impérialisme américain a-t-il réussi à stabiliser l’Irak après cette augmentation des troupes? Quelle est la situation en Irak même?

    “L’invasion en 2003 faisait partie des projets de l’aile néoconservatrice des Républicains. Ces projets existaient depuis longtemps et visaient au remodelage du Moyen-Orient. Les attentats du 11/09 ont fourni le prétexte rêvé à leur mise en oeuvre. Cette guerre devait permettre à Bush et Cie de rétablir leur emprise sur cette région vitale et pétrolifère et aussi de soutenir leur allié local : Israël. Les régimes en Irak et en Iran étaient une cause permanente d’exaspération pour les Etats-Unis. Bush n’aurait jamais envahi l’Irak s’il n’y avait pas eu de pétrole sous son sol. Mais Bush s’est fourvoyé sur la possibilité d’y établir un régime à sa botte.”

    “Le gouvernement de Maliki en Irak est assis sur un cimetière social. Chaque jour, des centaines d’adultes et d’enfants meurent des conséquences de l’occupation : le terrorisme, la violence, la misère, le grand banditisme, etc. En réalité, une guerre civile intercommunautaire y fait rage, entre chiites et sunnites ou entre Arabes et Kurdes. L’eau potable, l’électricité et même l’essence font défaut. L’augmentation des troupes a eu pour effet de militariser quasi complètement la ville de Bagdad et n’a fait que déplacer la violence ailleurs. Par exemple, les attentats terroristes se sont récemment multipliés au Kurdistan.

    “Ces divisions communautaires que les Américains ont institutionnalisées ne peuvent mener qu’à des conflits de plus en plus aïgus pour la répartition des maigres ressources encore disponibles. La seule alternative viable serait une lutte commune des masses laborieuses et pauvres pour assurer leur propre sécurité et la défense des besoins de base. Cette lutte devrait être liée au respect du droit à l’autodétermination des différentes composantes de l’Irak et enfin à la lutte pour la transformation socialiste de la société.”

    Quels sont les effets de cette politique impérialiste sur le reste du Moyen-Orient?

    “Parlons d’abord de l’autre aventure impérialiste, celle d’Afghanistan. Un politicien britannique a récemment déclaré qu’on sous-estimait la position délicate du gouvernement de Karzaï. Fin janvier, les USA ont déplacé 2.200 marines vers l’Afghanistan, car la menace d’une offensive des Talibans se précisait dans le sud du pays. Lors du Forum Economique Mondial à Davos, Karzaï a même mis en garde contre “un embrasement du terrorisme” dans la région. Une telle instabilité – que renforcerait encore un possible effondrement de la société au Pakistan – montre bien l’impossibilité de développer ces pays dans le cadre du capitalisme et de l’impérialisme. Les conditions sociales y sont déjà telles qu’une récession mondiale pourrait donner le coup de grâce à plusieurs régimes instables.”

    “Au Moyen-Orient, comme dans les pays du Golfe, il existe une élite riche qui nage littéralement dans les profits pétroliers. De l’autre côté, il y a une population souvent jeune, mais désorientée par la décadence capitaliste. La politique de Bush et de ses marionnettes locales a joué en faveur du fondamentalisme islamique, au Liban avec l’ascension du Hezbollah, à Gaza avec celle du Hamas. La soi-disant initiative de paix de Bush à Annapolis, en novembre de l’année passée, a donné plus de moyens au Fatah en Cisjordanie. Mais Israël continue à y construire des logements pour les colons.”

    “En janvier, Bush a aussi fait une tournée dans sept pays arabes. Pour contrecarrer l’influence de l’Iran, il a vendu à l’Arabie Saoudite des bombes à guidage pour une valeur de 123 millions de dollars. Il en a aussi livré gratuitement 10.000 à Israël. D’autres contrats sont prévus pour une valeur totale de 20 milliards de dollars. La région devient une poudrière et l’exemple pakistanais n’a pas servi de leçon.”

    Quels seront les effets d’une récession aux USA sur la position de l’impérialisme?

    “Le prix du baril de pétrole a chuté légèrement depuis son pic de 10 dollars, mais il oscille toujours à un niveau élevé, entre 85 et 90 dollars. La crise financière actuelle – qui se traduira bientôt par des licenciements de masse, par des fermetures d’entreprises et par de nouvelles attaques sur les salaires et la sécurité sociale – se caractérise par l’éclatement des bulles artificielles qui maintenaient à flot le capitalisme en crise.

    “Dans les années 80, dans le sillage de Reagan et de Thatcher, les gouvernements ont relancer les profits en sapant le pouvoir d’achat des salariés et des allocataires sociaux. Ils ont cependant préféré recourir provisoirement à l’emprunt public plutôt que de lancer une offensive encore plus dure contre la classe ouvrière. Dans le cas de Reagan, il s’agissait d’investir dans l’appareil militaire.”

    “Au cours des dix dernières années, et surtout depuis la récession en 2001 aux USA, les dirigeants capitalistes ont essayé de différer une crise encore plus profonde en laissant enfler une bulle de crédits à bon marché. C’était le seul moyen pour que la population continue à consommer malgré des revenus qui ne progressaient plus ou même baissaient. C’est ainsi que les salariés se sont mis à dépenser leurs revenus futurs.”

    “La bulle du marché immobilier est en train d’éclater aux USA. A l’heure actuelle, les prix n’y ont diminué “que” de 8%. Mais avec quelles conséquences ! Cela a cependant suffi pour que la Bourse américaine recule sérieusement, entraînant derrière elle toutes les Bourses à travers le monde. En Inde, la bourse a chuté de 11% en une journée. Les analystes n’en estiment pas moins que la chute des prix pourrait atteindre les 30%. La bulle d’autres formes de crédits aux USA pourrait produire des effets comparables.

    “La bulle du ‘dollar fort’ est déjà en train d’éclater depuis un moment. Si elle devait éclater pour de bon, les exportations européennes auraient du mal à se maintenir et l’économie mondiale pourrait encaisser des chocs plus importants encore. “En outre, on ignore encore l’ampleur de la diffusion des ‘créances douteuses’ qui ont été converties en paquets d’actions. Un géant bancaire américain comme Citigroup a fait ses plus grosses pertes depuis 196 ans ! Un sentiment d’inquiétude, et même de panique, commence à s’installer parmi les dirigeants capitalistes. Il suffit de voir l’intervention énergique de la Federal Reserve (Banque Centrale Américaine) qui a réduit d’un coup ses taux de 0,75%. Les Américains sont endettés jusqu’au cou, mais Bernanke (le président de la FED) les incite à continuer dans cette voie.

    “Les remèdes des rebouteux néolibéraux fonctionnent de moins en moins. La classe ouvrière américaine sera appelée à jouer un rôle important dans la construction de nouveaux partis pour les pauvres, les salariés et leurs familles, dans le feu de la lutte pour une autre société, une société socialiste.”

  • Le débat chinois. La contre-révolution capitaliste chinoise

    Dans notre série d’articles "Le Débat Chinois", entamée dans le numéro d’avril 2007 de Socialism Today (magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise de notre Internationale), nous publions ici un article de Vincent Kolo, qui offre son point de vue sur la nature de l’Etat chinois, sujet actuellement en débat dans notre internationale.

    Vincent Kolo

    La contre-révolution capitaliste chinoise

    Les marxistes, comme tout le monde d’ailleurs, débattent beaucoup au sujet de la Chine, un pays qui est devenu crucial dans les développements économiques et politiques au niveau mondial. Un aspect important de cette discussion est la manière dont nous considérons l’Etat chinois. Tout Etat (la police, l’armée, la justice et, dans le cas de la Chine, le Parti « Communiste » au pouvoir) est, comme l’a expliqué Lénine, « une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre » (1). Mais dans le cas de la Chine, quelle est la classe dominée, et quelle est la classe dominante ?

    Cette discussion peut être énormément bénéfique dans l’approfondissement de notre compréhension des processus en Chine et des perspectives pour la période à venir. Notre point de départ est la contre-révolution sociale brutale des dernières deux décennies, qui a vu l’ancienne bureaucratie maoïste-stalinienne, à l’instar de ses alter-egos de l’Union Soviétique et d’Europe de l’Est, abandonner la planification centrale et passer à une position capitaliste. Si on nous demandait quelle classe en Chine a bénéficié de ce processus, nous répondrions sans hésiter que c’est la bourgeoisie, à la fois la bourgeoisie chinoise et la bourgeoisie mondiale. En 1949, la révolution chinoise a signifié un bouleversement dans le rapport de forces des différentes classes à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la contre-révolution a complètement renversé ce rapport de force. Il n’y a absolument rien de progressiste dans l’Etat chinois actuel.

    La Chine d’aujourd’hui est synonyme d’ateliers de misère géants, et de la plus brutale exploitation du travail par le capitalisme domestique et mondial. La majorité de la « nouvelle » classe ouvrière industrielle, pour la plupart composée d’immigrés ruraux qui sont chez nous l’équivalent des immigrés « sans-papiers » d’Europe et d’Amérique, travaillent douze heures ou plus chaque jour, pour un salaire de misère, dans des usines non-sécurisées, sous un régime quasi-militaire, plein de règles et d’amendes. Cet édifice de super-exploitation est bâti autour de l’Etat répressif unipartiste du PCC (Parti « Communiste » Chinois), qui réprime violemment toute grève et toute tentative de construire des syndicats indépendants.

    Les propriétaires des usines et des mines, lesquels sont impliqués dans des « accidents » de travail effarants et en dépit de toute réglementation (136 000 morts au travail en 2004), sont protégés par les dirigeants du PCC et par la police. Après la mort de 123 mineurs l’an passé dans une mine de charbon de la province de Guangdong (Canton), il a été découvert que la moitié des actionnaires étaient des dirigeants du parti. Un officier de police avait des actions dans cette mine pour une valeur d’environ 30 millions de yuan (€2,8 millions).

    C’est là le portrait d’un capitalisme mafieux, aussi brutal et irresponsable que celui de Russie et d’autres régions de l’ancienne Union Soviétique. Les hauts échelons de l’Etat chinois, y compris le gouvernement central de Beijing (Pékin), sont maintenant complètement intégrés dans le système capitaliste mondial – grâce à la politique d’ouverture que le président Hu Jintao décrit comme étant « la pierre angulaire » du développement économique de la Chine. La conséquence est que la Chine a été retournée sens dessus-dessous, d’une des sociétés les plus égalitaires du monde à une des plus inégales – dont le gouffre entre riches et pauvres est plus grand que ceux des Etats-Unis, de l’Inde ou encore de la Russie. Ce programme « complètement capitaliste » est crucial dans toute discussion portant sur la nature de classe de l’Etat et du régime du PCC.

    « Néolibéralisme radical »

    « La Chine a mis en œuvre une politique néolibérale parmi les plus radicales au monde », explique Dale Wen, un auteur chinois, dont le rapport, « China copes with Globalisation » (2), fournit un des meilleurs résumés du soi-disant « processus de réformes ». Wen compare la politique des 20 dernières années aux programmes du FMI et de la Banque Mondiale dans le monde néocolonial, faisant remarquer que « la principale différence est que le gouvernement chinois applique ces mesures de plein gré ».

    Sous la pression des masses qui avaient été enthousiasmées par la révolution de 1949, l’Etat maoïste a fourni d’immenses améliorations sociales sur les plans de l’éducation, de la santé, du logement et de la réduction de la pauvreté. Cette politique était rendue possible par le fait que les bases économiques de cet Etat reposaient sur la propriété nationalisée et la planification centralisée, malgré leur confinement aux limites étroites d’un bureaucratisme national. La plupart de ces acquis sociaux ont été démantelés par la contre-révolution capitaliste. Tout ce qui reste pour les masses chinoises, sont les résidus du stalinisme – terreur policière et absence des plus élémentaires des droits démocratiques – combinés aux pires aspects du capitalisme – exploitation extrême et absence de tout réseau de sécurité sociale.

    Les faits suivants illustrent les effets dévastateurs de la politique du PCC :

    • Education: les fonds privés comptent maintenant pour 44% des coûts éducationnels totaux en Chine, la plus grande proportion au niveau mondial, excepté pour le Chili. Il n’existe plus aucune éducation gratuite. Les droits d’entrée normaux pour les écoles secondaires dans la plupart des villes s’élèvent à 200€ par an – l’équivalent de deux mois de salaire pour un salarié moyen. A Shanghai, le ménage moyen dépense 25% de son revenu en frais d’école (comparé à 10% aux Etats-Unis). Il y a plus d’un demi-million de professeurs sous-qualifiés, et des milliers d’écoles bas-de-gamme, non reconnues, qui rassemblent les 20 millions d’enfants d’immigrés privés d’accès aux écoles d’Etat. Le taux d’analphabétisation monte de plus en plus, dû à la décroche scolaire, en particulier dans les zones rurales et chez les filles.
    • Santé: le système des soins de santé chinois faisait à une époque rêver toute l’Asie. Aujourd’hui, le pourcentage de fonds privés dans les soins de santé est plus grand en Chine qu’aux Etats-Unis. A la campagne, un tiers des cliniques et des hôpitaux sont au bord de la faillite, et un autre tiers sont déjà fermés. Quatre cent millions de Chinois, un chiffre équivalent à la population totale de l’Union Européenne, ne peut plus se payer de docteur.
    • Un processus similaire s’est déroulé dans les logements et les transports.

    Le rôle de la Chine dans le monde

    Alors que l’économie mondiale est plus interconnectée que jamais, on ne peut se contenter d’approcher la question du caractère de classe de l’Etat et du régime chinois sur le seul plan national. La Chine est plus intégrée dans l’ordre capitaliste mondial que la Russie et les autres Etats staliniens. Les capitalistes étrangers contrôlent aujourd’hui un quart de la production industrielle chinoise (3). Le modèle économique du PCC est basé sur "un niveau d’ouverture inhabituellement élevé à l’économie mondiale – le commerce international compte pour 75% du PIB", selon Susan L Shirk (dans son livre "Fragile Superpower" (4)). Ce taux est équivalent au double de celui de l’Inde, et au triple de ceux du Japon, de la Russie ou des Etats-Unis.

    Le régime du PCC actuel est un instrument de la mondialisation du néolibéralisme. En aucun cas on ne peut dire que ce processus est ambigu : au contraire, il crève les yeux. Les entreprises chinoises, dont la plupart appartiennent à l’Etat, sont détestées à travers de larges couches en Afrique, en raison de leurs pratiques anti-syndicales, corrompues, illégales et polluantes. Les banques chinoises se sont révélées être aussi parasitaires que n’importe quelle autre banque dans le monde capitaliste – déversant par exemple des milliards de dollars dans les "dérivés" des subprimes américains. En Iraq et dans les autres pays débiteurs, les représentants chinois présentent des contrats avec exactement les mêmes conditions que celles exigées par les autres puissances capitalistes : privatisations, dérégulations et autres politiques néolibérales. Cette politique étrangère n’est bien entendu qu’une extension de la politique intérieure – il n’y a pas ici de grande muraille.

    La contre-révolution agraire

    On estime à 70 millions le nombre de paysans qui ont perdu leur terrain lors des vingt dernières années, expropriés pour faire de la place à la construction d’usines, de routes, et de projets de prestige tels que hôtels et terrains de golf. La plupart de ces expropriations étaient illégales, se jouant des tentatives du gouvernement central de contrôler ce processus.

    On retrouve plus d’une douzaine de magnats de l’immobilier sur la dernière liste du magazine Forbes des 40 plus grands milliardaires chinois. En tête de liste, se trouve Yáng Huíyàn, une dame âgée de 26 ans, à la tête d’un empire immobilier de Guăngdong, et dont la fortune personnelle en 2007 s’élevait à $16,2 milliards, cadeau de son père. En comparaison, une proportion stupéfiante de 42% de la population rurale a subi un déclin absolu de son revenu sur la période 2000-2002.

    Dans les années 1950’s, le régime de Mao avait nationalisé la terre, et cette mesure n’a pas été officiellement annulée, bien qu’une série de "réformes" partielles aient privatisé l’utilisation de la terre, tout en laissant à l’Etat la propriété du sol. Mais, comme l’a expliqué Lénine, la nationalisation de la terre ne constitue pas en elle-même un rempart contre le capitalisme : "Une telle réforme est-elle possible dans le cadre du capitalisme ? Elle n’est pas seulement possible, mais représente la forme la plus pure, la plus cohérente, la plus idéalement parfaite du capitalisme… selon la théorie de Marx, la nationalisation du sol signifie une élimination maximale des monopoles moyen-âgeux et des relations médiévales dans l’agriculture, une liberté maximale dans le rachat et la vente de terres, et une aisance maximale pour l’agriculture à s’adapter au marché" (Démocratie et narodnikisme en Chine, 15 juillet 1912).

    Un Etat en perte de vitesse

    En conséquence des "réformes" néolibérales et de la croissance capitaliste anarchique, le pouvoir économique de l’Etat s’est sérieusement dégradé. Elle est longue, la liste des sphères de l’économie sur lesquels le régime de Bĕijing a perdu tout contrôle : secteurs de la construction et de l’immobilier urbain, crédit et investissement, sécurité médicale et alimentaire, protection environnementale, marché du travail, la plupart de l’industrie manufacturière et, comme nous l’avons vu plus haut, l’attribution des terres agricoles.

    Chaque année, la Heritage Foundation, un cercle de réflexion capitaliste, produit un Index de la Liberté Economique, dans lequel la Chine dépasse régulièrement, et de loin, la Russie et les autres ex-Etats staliniens. Sous la catégorie "Liberté provenant du gouvernement", par exemple, basé sur un aperçu des dépenses gouvernementales et des privatisations, la Chine était jugée à 88,6% "libre" tandis que la Russie avait un score de 71,6%, et l’Ukraine seulement 61,9%. En Chine, la totalité des dépenses gouvernementales en 2006 équivalait 20,8% du PIB, un taux bien inférieur à celuide la Russie (33,6%), de l’Ukraine (39,4%), et à peine un tiers de celui de la Suède (56,7%).

    En Russie comme en Ukraine, les entreprises appartenant à l’Etat et la propriété gouvernementale de la propriété contribuent pour une part significativement plus élevée des revenus gouvernementaux, respectivement 6,1% et 5,6%, que par rapport à leur contribution au budget de l’Etat chinois, 3,1% (chiffres de 2006). Dans le contexte de l’Asie Orientale, avec sa tradition de "capitalisme d’Etat", la faiblesse de ce chiffre est encore plus flagrante. Les gouvernements malaisien et taiwanais tirent pour leur part 11,5% et 14,4% de leur revenu du secteur d’Etat respectivement.

    La taille du secteur d’Etat en lui-même n’est pas décisif pour la détermination de la nature de classe d’une société – quelle classe possède le pouvoir économique ? Dans son analyse du stalinisme, "La Révolution trahie", Léon Trotsky avait prédit qu’une contre-révolution bourgeoise en Union Soviétique serait forcée de conserver un important secteur d’Etat. En Chine, ceci est encore plus le cas, étant donné la tradition confucianiste d’intervention économique de la part du gouvernement, une influence répandue à travers toute l’Asie Orientale. Il existe aujourd’hui des pays qui ont un bien plus grand degré d’étatisation de l’économie que la Chine – l’Iran, par exemple, où l’Etat contrôle 80% de l’économie.

    Privatisation et restructuration

    Selon le Bureau National des Statistiques de septembre 2007, les entreprises étrangères et privées comptent maintenant pour 53% de la production industrielle de la Chine, une hausse de 41% depuis 2002. Les entreprises d’Etat y jouent toujours un rôle important, et prédominent dans la liste des plus grandes entreprises. Mais les seuls secteurs de l’industrie dans lesquels les entreprises d’Etat occupent une position dominante sont les mines, l’énergie et les services. Un rapport de l’OCDE de décembre 2005 révélait que les dans les 23 plus importants secteurs industriels, des textiles aux télécommunications via l’acier et les automobiles, le privé emploie les deux-tiers de la main d’œuvre et produit les deux-tiers de laa valeur ajoutée.

    Aujourd’hui, « les trois-quarts des employés urbains sont en-dehors du secteur d’Etat » (Shirk, "Fragile Superpower"). Ceci est le résultat du rythme frénétique des privatisations et restructurations du secteur d’Etat au cours de la dernière décennie, accélérée par les préceptes de l’OMC. Comme l’a dit Zhou Tianyong, professeur de l’Ecole du Parti du Comité Central du PCC, « le nombre d’employés des entreprises d’Etat et des coopératives est tombé de 130 millions de personnes dans les années 90’s, à 30 millions aujourd’hui » ("China Daily", 8 octobre 2007).

    En termes du nombre d’employés affectés, il ne fait aucun doute que ceci est le plus grand programme de privatisation jamais mis en vigueur dans aucun pays de tous les temps. Etant donné que l’agriculture avait déjà été privatisée dans les années ‘80, la vaste majorité des Chinois – plus de 90% – sont maintenant engagés dans le secteur privé.

    Aujourd’hui, le secteur d’Etat est un levier pour le développement de l’économie capitaliste, fournissant un cadre d’industries essentielles, telles que l’énergie et les communications, auxquelles on doit ajouter les investissements ciblés dans certains secteurs de haute technologie suivant les modèles japonais et coréens. Il serait incorrect de parler de secteurs "capitalistes" et "non-capitalistes", comme si le secteur d’Etat opérait sur une base alternative, non capitaliste.

    Les entreprises d’Etat chinoises ont été transformées, vague après vague de "réformes" corporatistes, de fusions et de licenciements, de rachats d’actions par les cadres, de recrutement de managers éduqués à l’Occident, de listings publics, de joint venture avec du capital étranger, et de différents niveaux de privatisation. Même lorsqu’un entreprise appartient totalement à l’Etat (ce qui est aujourd’hui devenu une rareté), elle père pour faire du profit, de la même manière qu’une entreprise privée. Parlant des attaques du gouvernement Thatcher sur les industries nationalisées en Grande-Bretagne, un journaliste du Financial Times a écrit que « la transformation de British Airways et de British Steel dans les années 80’s n’était pas le résultat d’une privatisation – c’est au contraire la transformation qui a précédé la privatisation et qui l’a rendue possible » (John Kay, 26 septembre 2007).

    C’est exactement cela qu’il s’est passé en Chine – mais sur une toute autre échelle. Les secteurs industriels et commerciaux consistent en unités complètement autonomes et, dans la plupart des cas, semi-privatisés. Ceci représente une forme de « capitalisme étatique » semblable à Gazprom, le conglomérat de l’énergie étatique qui produit à lui seul 8% du PIB russe.

    Investissements dirigés par l’Etat

    Il est vrai que l’essentiel des investissements en Chine proviennent du secteur d’Etat. Mais ceci est également le cas en Russie. En Chine, cependant, la plupart des décisions d’investissement sont prises sur le plan local, et très souvent en contradiction avec la politique du gouvernement central. Une grande proportion des dépenses d’infrastructure des gouvernements locaux va à des projets de prestige, destinés à attirer des « investisseurs » privés – hôtels de luxe, centres de conférences, nouveaux aéroports « internationaux », parcours de golf et centre commerciaux à moitié déserts.

    Ceci représente un gaspillage dément de fonds publics – commandé par un capitalisme débridé – et est le prélude à un crash économique similaire à celui qui a frappé l’Asie du Sud-Est il y a dix ans. Aucun gouvernement socialiste, ni même réformiste à l’ancienne, ne considérerait la question de l’investissement public d’une manière aussi criminelle. Mais aujourd’hui, chaque municipalité et région chinoise veut son lien direct avec le marché mondial, à une époque où la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger est proche de "l’extermination". Le besoin le plus pressant est de développer le marché interne chinois, mais cela ne peut être réalisé que par la rehausse du niveau de vie de la population, et la reconstruction des services publics de base tels que la santé, l’éducation et des logements décents – des secteurs dans lesquels les dirigeants locaux du PCC refusent catégoriquement d’investir.

    Le secteur bancaire chinois appartient en majorité à l’Etat. Mais cela également n’est pas un cas isolé, surtout en Asie. Les quatre plus grosses banques d’Etat chinoises (les "Big Four"") comptent pour 71% de tous les prêts bancaires, et 62% des dépôts. En comparaison, la plus grande banque d’Etat russe accapare 60% des dépôts des ménages et 40% des prêts. En Inde, les banques d’Etat reprennent 75% de toutes les opérations bancaires commerciales (Bank of International Settlements).

    Ce serait une erreur de juger les "réformes" néolibérales (privatisations partielles, fusions avec des entreprises étrangères) dans le secteur bancaire et les autres secteurs comme étant superficielles – les changements sont bien trop réels et extrêmement préjudiciables aux intérêts des salariés ordinaires, en Chine comme à l’étranger. Une part de plus en plus grande de la gigantesque réserve d’épargne chinoise – à peu près 1800 milliards de dollars – est en train d’être rognée par la spéculation partout dans le monde, enrichissant les hedge funds et les autres parasites financiers, plutôt que d’être utilisée à la reconstruction des services public agonisants.

    Réforme ou révolution ?

    L’Etat chinois – comme les gouvernements d’Allemagne et de Grande-Bretagne récemment – peut et va intervenir à la rescousse de ses banques en faillite ou d’autres entreprises stratégiques, et ceci pourrait inclure des renationalisations. La renationalisation sur une base capitaliste, toutefois, ne représente pas un retour à la planification. Seul un mouvement révolutionnaire massif des travailleurs surexploités et des paysans peut démolir ce qui sont maintenant des fondations économiques capitalistes puissantes en Chine, étroitement liées au capitalisme mondial. Un tel mouvement ne voudra pas revenir au maoïsme-stalinisme, mais s’efforcera d’atteindre une authentique planification socialiste démocratique, basée sur le potentiel colossal du prolétariat chinois, qui compte maintenant 250 millions de personnes.

    Le processus de contre-révolution en Chine a été complexe et parfois extrêmement contradictoire, mais néanmoins, la victoire de la contre-révolution bourgeoise, bien que sous une forme particulière "confucéenne", est aujourd’hui extrêmement claire. Une révolution politique – "anti-bureaucratique" – n’est plus suffisante pour amener la classe salariée au pouvoir. De la même manière, il n’est pas non plus correct de dire qu’une nouvelle révolution combinera les tâches d’une révolution politique et d’une révolution sociale – ceci est vrai pour chaque révolution sociale, lesquelles induisent une modification des bases économiques et donc, par nécessité, de la superstructure politique, l’Etat. Un changement qualitatif a eu lieu, par lequel un renversement de la contre-révolution capitaliste chinoise n’est plus possible autrement que par une nouvelle révolution sociale prolétarienne, qui devra renverser l’Etat actuel et exproprier ses principaux bénéficiaires, les capitalistes chinois et étrangers. Ce point est extrêmement important lorsque nous parvenons à la question des perspectives et d’un programme pour la Chine.

    Qu’est-ce que la bureaucratie ?

    En tant que marxistes, nous ne basons pas notre caractérisation du régime chinois sur la simple utilisation occasionnelle de symboles et de phraséologie "communistes" (ou plutôt, staliniens). Ce vernis extérieur est un facteur entièrement secondaire, de la même manière qu’il existe des partis "socialistes" ou "communistes" en Europe et ailleurs, qui organisent une manifestation le jour du Premier Mai et chantent "l’Internationale, tout en menant une politique entièrement capitaliste. Le caractère de classe de n’importe quel organisme, parti ou régime est déterminé par la classe dont il sert les intérêts – sa base sociale.

    Le régime maoïste, par la ruse, les manœuvres et la répression, a été un obstacle à toute tentative de la classe salariée de s’organiser en mouvement indépendant. Mais en même temps, afin de maintenir ses propres privilèges et son pouvoir, il a défendu la propriété d’Etat et les acquis sociaux de la révolution. C’est cela qui a donné au régime son caractère contradictoire – une combinaison d’éléments réactionnaires et progressistes. Cela n’est aujourd’hui plus le cas. S’étant vendu corps et âme au capitalisme, l’Etat chinois a perdu son caractère ambivalent et contradictoire.

    Trotsky a décrit la bureaucratie stalinienne comme étant une tumeur, un cancer sur le corps de l’Etat ouvrier. Il a expliqué que "une tumeur peut grandir jusqu’à une taille prodigieuse, et même étouffer l’organisme duquel elle vit, mais elle ne peut jamais vivre indépendamment de cet organisme" ("La nature de classe de l’Etat soviétique", 1933).

    La "tumeur" de la bureaucratie chinoise ne peut acquérir une vie indépendante, étant donné sa relation aux moyens de production, et n’est certainement pas en elle-même le reposoir des mesures socialement progressistes issues de la révolution de 1949. C’est même plutôt l’inverse qui est vrai. Sous le stalinisme et le maoïsme, ces acquis existaient dans la conscience et dans la pression de masse des travailleurs et des paysans, malgré le rôle de désorganisateur et de confusion joué par la bureaucratie. Trotsky a aussi expliqué que « la présence de la bureaucratie, avec toutes les différences de ses formes et de son poids spécifique, caractérise TOUT régime de classe. Sa force est un reflet. La bureaucratie, indissolublement liée à la classe économiquement dominante, est nourrie par les racines sociales de celle-ci, se maintient et tombe avec elle » (ibid., italiques par Vincent Kolo).

    Mais aujourd’hui, quelle est en Chine la classe économiquement dominante ? Avec le démantèlement de l’économie planifiée, ce ne peut plus être la classe salariée. Une partie de l’ancienne bureaucratie maoïste s’est reconvertie par le « processus de réformes » en une nouvelle classe de propriétaires.

    La connexion entre capital privé et étatique n’est pas rigide, mais fluide, reflétant une large gamme d’arrangements intermédiaires, en partie privés, en partie publics. La classe capitaliste est dépendante de l’Etat actuel pour ses contrats, ses emprunts, ses faveurs et, surtout, pour être protégée de la classe salariée. Parmi les 20 000 plus riches hommes d’affaires chinois, 90% sont membres du PCC ou comptent des membres du parti dans leur famille.

    Pas de ‘big bang’ ?

    Le régime du PCC et la bureaucratie dans son ensemble n’ont jamais constitué, en elles-mêmes, un rempart à la contre-révolution capitaliste – c’est là la clé de la compréhension de tout ce qui s’est passé. Comme en Russie et dans les autres ex-Etats staliniens, c’est la résistance de la classe salariée qui était le seul vrai obstacle à la contre-révolution capitaliste. Cette résistance – qui, à certains moments, a acquis des proportions de masse – fut néanmoins vaincue en Chine par toute une combinaison de facteurs. La violence excessive et terrifiante qui fut utilisée pour écraser le mouvement révolutionnaire naissant de 1989 fut un facteur critique. La rapidité de la croissance économique (d’à peu près 10% par an tout au long de la dernière décennie) a aussi fourni au régime une certaine "soupape de sécurité".

    Pour Trotsky, la menace de la restauration capitaliste ne reposait pas sur le fait que le parti stalinien soit ou non renversé. Cela n’était pour lui qu’une des perspectives : « mais la restauration bourgeoise, en parlant de manière générale, n’est concevable que sous la forme d’un revirement brutal et décisif (avec ou sans intervention), ou sous la forme de plusieurs réajustements successifs… »

    « Donc, aussi longtemps que la révolution européenne n’a pas triomphé, les possibilités d’une restauration bourgeoise dans notre pays ne peut pas être reniée. Laquelle de ces deux voies est la plus probable dans nos circonstances : celle d’un revirement contre-révolutionnaire abrupt, ou celle d’une série de glissements, avec un peu de chamboulement à chaque étape, et une dérive thermidorienne pour étape la plus imminente ? Cette question ne peut être tranchée, je pense, que d’une manière extrêmement conditionnelle » ("Le Défi de l’Opposition de gauche", 1926-27, italiques par Vincent Kolo).

    Cette "voie de réajustement successifs" est une excellente description de ce qui s’est passé en Chine. Le capitalisme a été restauré, bien que selon un mode chinois particulier. Cette restauration est le fruit de ce qui fut d’abord un réflexe empirique de la part du régime stalinien à la fin des années 70’s, cherchant à trouver une issue à la crise politique et économique, avec des éléments de guerre civile, qu’il avait hérité de Mao. Dans ses premiers stades, ceci était une tentative d’exploiter certains mécanismes de marché au sein d’une économie étatique stalinienne. Mais de tels processus possèdent une logique qui leur est propre, d’autant plus que la révolution socialiste mondiale se faisait attendre, et étant donné la crise et l’effondrement du stalinisme partout dans le monde, et l’accélération féroce de la mondialisation néolibérale.

    Au contraire de l’Union Soviétique, il n’y a pas eu en Chine de "big-bang", d’implosion de l’Etat unipartite, et le PCC est resté au pouvoir. Mais les classe capitaliste émergente, surtout dans la Fédération du Russie, considérait le démantèlement de l’Etat stalinien comme un pré requis au succès de sa contre-révolution. Dans le cas de la Chine, par contre, avec toute son histoire de guerres féodales et de fragmentation, et la menace immédiate de manifestations de masse, exorcisée par le massacre de 1989, la position de la classe capitaliste émergente était différente. Ici, ce fut la continuation du règne du PCC qui était la base la plus avantageuse pour développer le capitalisme – afin de maintenir "l’ordre" et le pays entier.

    Qui donc aujourd’hui demande un changement de régime en Chine ? Certainement pas les capitalistes, qui comprennent que, par la répression de la gigantesque classe salariée chinoise, le régime actuel est le meilleur qu’ils pourraient sérieusement espérer. Même la bourgeoisie "démocratique" – et elle est en minorité – ne recherche pas la chute du régime du PCC, mais plutôt sa "réforme". Ceci donne la plus claire des réponses qui puisse être données à la question de quels intérêts de classe sert l’Etat chinois aujourd’hui.


    1. Lénine, "De l’Etat", 1919, NDT.
    2. Qu’on peut traduire par "La Chine s’en sort bien avec la mondialisation", NDT.
    3. OCDE, 2005.
    4. Ce qu’on pourrait traduire par "Une frêle superpuissance", NDT.

    Pour en savoir plus :

    Extrait de l’édition de décembre 2007-janvier 2008 de Socialisme Today, le magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise du CWI

  • Les femmes ont intérêt à lutter pour le socialisme

    Des femmes belges et iraniennes organisent ensemble une manifestation autour des droits des femmes pour le 8 mars. Mais la journée internationale des femmes n’est pas seulement une journée de lutte pour les droits égaux, c’est aussi une journée de lutte pour une autre société.

    La situation à laquelle sont confrontées les femmes en Iran est plus que problématique : elles souffrent de l’oppression barbare causée par un régime religieux réactionnaire.

    Quelques exemples révélateurs :

    • A Tabriz, la capitale de la province de l’Azerbaïdjan iranien, une femme a été pendue pour non-respect de la loi islamique. Son cadavre a été laissé pendu à la potence pendant plusieurs jours pour que « l’exemple » puisse bien être vu… Les femmes sont battues et arrêtées par milliers parce qu’elles ne respectent pas le code vestimentaire islamique.
    • Zahra, une jeune Iranienne, a été arrêtée, violée et assassinée. Mais elle n’est qu’un exemple de ces milliers de femmes violées dans les prisons islamiques.
    • Au fur et à mesure que les actions contre l’inégalité subie par les femmes ont pris de l’ampleur, la répression et la violence contre elles ont augmenté, comme pour ces dix militantes enfermées et accusées de “comportement illégal”. Ces pratiques sont aujourd’hui “normales” dans la société iranienne.

    Nous nous opposons à l’enfer rencontré par les femmes en Iran : les lapidations continuent, de même que les pendaisons, le port obligatoire du voile et le viol par les “gardiens de la révolution”.

    Une intervention de l’impérialisme est-elle une solution ?

    L’impérialisme américain n’offre cependant aucune alternative. Les USA ont accepté l’application de la Charia en Irak et la guerre et l’occupation ont augmenté la pauvreté et la violence par rapport à la dictature de Saddam. Le régime saou-dien peut aussi beaucoup compter sur le soutien des USA, mais là sévit une discrimination contre les femmes qui leur interdit même de conduire une voiture.

    L’intervention américaine en Afghanistan et en Irak n’a pas amélioré la position des femmes. Les crimes d’honneur restent monnaie courante, par exemple dans le territoire kurde de l’Irak. Des milliers d’Irakiens ont fui vers la Syrie, où beaucoup de femmes sont forcées de se prostituer dans des clubs de nuit ou ailleurs. En Afghanistan, d’innombrables rapports font état de femmes violées, y compris dans les prisons où la police a été formée par les troupes occidentales.

    La violence contre les femmes augmente à travers le monde. Au Congo, des dizaines de milliers de femmes ont été violées ces dernières années. Au Pakistan, les crimes d’honneur se poursuivent malgré leur interdiction. En Russie ou en Thaïlande, la pauvreté et la politique antisociale entretiennent la croissance de l’industrie du sexe. Les femmes sont vendues en tant qu’esclaves.

    Le 8 mars, nous voulons faire comprendre que nous faisons un autre choix. Nous sommes pour la suppression de toutes les lois barbares et des pratiques à l’encontre des femmes en Iran. Nous revendiquons l’application des droits démocratiques comme celui de porter oui ou non le voile, le contrôle de notre corps, le droit de se séparer et d’obtenir la garde des enfants après une séparation, le droit de choisir nos partenaires, etc. Nous voulons la liberté et l’émancipation des femmes contre chaque forme d’oppression. Cela ne peut se faire qu’en combattant le régime islamique iranien.

    L’égalité légale est nécessaire, mais pas suffisante

    En Belgique, comme dans le reste de l’Occident, le mouvement des femmes et le mouvement ouvrier ont conquis beaucoup de droits égaux pour les femmes, du moins sur le plan légal. Cela n’a été possible que sur base de lutte, l’élite au pouvoir n’a jamais fait de cadeaux. Mais les droits des femmes ne doivent pas seulement être arrachés uniquement sur papier.

    La majorité des femmes connaissent de bas salaires et sont financièrement dépendantes de leur partenaire. Elles doivent aussi s’occuper du ménage en plus de leur emploi. On peut encore ajouter la violence domestique et les viols. Certains disent que l’égalité hommes-femmes est acquise mais la violence conjugale reste la première cause de décès pour les femmes entre 16 et 44 ans !

    La politique néolibérale avec ses attaques contre la sécurité sociale et les services publics touche plus durement les femmes. À cause de cela, il est par exemple constamment plus difficile d’avoir accès à une crèche à prix abordable. En conséquence, la femme et sa famille doivent combler le manque.

    La manifestation le 8 mars revendique la fin de toute discrimination. Nous exigeons des emplois bien payés pour tout le monde afin que les femmes puissent jouer un rôle indépendant. Nous nous opposons à la violence et à la discrimination et luttons par conséquent pour une société où les besoins de la majorité des femmes et de leurs enfants priment sur les bénéfices.

    Trotski avait déjà affirmé que la libération des femmes et le socialisme signifient la même chose : la libération des femmes entraîne la construction d’une société socialiste basée sur le principe de “chacun(e) selon ses possibilités à chacun(e) selon ses besoins”. Les socialistes ne sont donc pas pour l’uniformité qu’on leur reproche sur base de l’expérience de la sanglante caricature du socialisme qu’a été le stalinisme, mais bien pour l’égalité dans la diversité sur laquelle est basée chaque coopération réelle entre les personnes.

  • Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”

    Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.

    Revue par Per-Ake Westerlund.

    Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.

    Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».

    Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.

    A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.

    Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.

    Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.

    La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.

    Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.

    Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.

    La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.

    Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.

    Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.

    George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.

    Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.

    Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.

    Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.

    Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.

    Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.

    Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».

    Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.

  • Des étudiants arrêtés torturés en Iran

    Nous publions ici un rapport effectué sur base d’un tract diffusé par des étudiants en Iran. Ce rapport livre des informations sur la situation de dizaines d’étudiants arrêtés au début du mois de décembre. Ces étudiants subissent les formes les plus dures de tortures. Il est plus que nécessaire de protester contre ces sévices et d’exiger la libération immédiate des étudiants.

    Les étudiants de gauche iraniens sont très préoccupés par la situation de plus de 30 étudiants actuellement en prison après des actions menées début décembre. Aucun contact n’est possible avec les étudiants dans la prison qui est contrôlée par les services spéciaux de sécurité. La partie de la prison où ils sont détenus n’est même pas accessible pour le personnel ordinaire de la prison. Loin des témoins, les prisonniers subissent les supplices et tortures physiques, psychologiques et même sexuelles les plus dures pour les forcer à livrer de faux aveux.

    Les prisonniers sont forcés de répondre aux questions écrites ou orales des inspecteurs tout en étant assis sur des chaises en bois ou en métal en faisant face au mur. Ce genre d’interrogatoire dure des heures et des heures sans interruption. Si les prisonniers ne sont pas prêts à coopérer ou refusent d’admettre les accusations, alors commence un processus plus dur. Les inspecteurs insultent ainsi tous les membres de la famille, en étant particulièrement insultant pour les femmes. Ils mélangent les insultes aux menaces et frappent le dos, le cou et les épaules du prisonnier. Peu à peu arrive la période sombre de la torture. Ceux qui sont appelés par les inspecteurs les « briseurs de volonté » entrent en scène. Ils prennent le prisonnier à la cave, dans la salle pour le chauffage central ou dans l’arrière-cour. Les « briseurs de volonté » crient, insultent et menaces sans arrêt. Ils ordonnent au prisonnier de s’asseoir puis de se tenir debout et il ou elle doit choisir entre obéir ou être battu. Pendant ce processus, les « briseurs de volonté » continuent de parler de la maladie des parents du prisonnier, de la mère qui a eu une crise cardiaque en entendant parler de son enfant, etc. Au moment où le prisonnier entame un mouvement pour se reposer ou se tenir, ils commenceraient à le battre. Peu à peu, le prisonnier se sent fatigué et commence à devenir insensible des pieds. Ils ordonnent alors au prisonnier de rester sur une jambe. Ne pas obéir signifie recevoir des coups dans l’estomac ou des claques au visage. Ceci augmente la faiblesse de sorte qu’il est plus difficile de se tenir sur un pied. Les « briseurs de volonté » commencent ensuite à battre les pieds du prisonnier. Chaque coup force les genoux à se plier et à rompre l’équilibre. Alors ils commencent à battre l’arrière du cou. Les coups contre la colonne vertébrale causent un obscurcissement de la vision. Durant tout ce processus, le prisonnier doit fréquemment sombrer, mais les « briseurs de volonté » jettent de l’eau froide au-dessus du visage et dans le cou et attrapent le prisonnier par la taille pour le maintenir plus vigilant.

    Ils ramènent le prisonnier dans de telles conditions à la prison en voulant de lui qu’il remplisse 100 pages des papiers marqués du « tribunal de la révolution », en précisant que si les papiers ne sont pas remplis le jour suivant, la torture serait alors répétée. Après autant de pression, le prisonnier doit encore choisir entre ne pas dormir ou être encore torturé.

    En cas de refus de se plier à la volonté des inspecteurs ou des « briseurs de volonté », ils reviennent ensuite avec l’ordre Islamique de punition spécial du juge. Selon cet ordre, ils peuvent attacher les bras et les jambes à un lit en bois et battre le prisonnier avec une ceinture ou un fouet.

    Si l’équipe d’enquête n’a pas de certitude au sujet de la durée d’emprisonnement, ils ne rencontreront aucun risque pour peu qu’ils ne laissent aucune trace de torture sur le corps. Dans ce cas, ils emploient la torture blanche. Il existe ainsi des prisons individuelles de couleur blanche ou rouge dans lesquelles est maintenu le prisonnier durant quelques semaines sans que rien ne lui soit demandé. Il n’y a qu’une petite fenêtre de 20cm de longs et de 10 cm de large au bas de la porte pour pousser la nourriture à l’intérieur, le prisonnier ne peut ainsi même pas voir le garde. En raison de la couleur des murs, le prisonnier perd l’équilibre et est victime de tensions nerveuses graves. Si elle continue pendant longtemps, cette méthode de torture indolore rend le prisonnier complètement fou, il perd sa subjectivité et devient alors prêt à coopérer avec les autorités.

    Un autre genre de torture particulièrement utilisé contre les jeunes prisonniers est l’abus sexuel. Ils attachent les mains du prisonnier derrière le corps, couvrent ses yeux et le mettent contre le mur avec autour de lui trois ou quatre tortionnaires qui commencent par des menaces sexuelles et des attouchements à différentes parties du corps du prisonnier… Ce dernier devient si nerveux que qu’il est prêt à tout pour coopérer ou devient fou.

    Maintenir éveillé le prisonnier est une autre manière de torturer. Ils mettent le prisonnier dans une prison individuelle éclairée par des projecteurs très puissants distants de seulement 3 mètres et baignée constamment dans les bruits d’alarmes ou de la musique. Ainsi ils déchirent les nerfs des prisonniers et même lorsqu’ils perdent connaissance, ils les immergent dans de l’eau pour les tenir éveillés. Ce processus continue durant de 3 à 7 jours.

    Les descriptions ci-dessus sont seulement une part de ce qui se produit dans les prisons. Les « amoureux de la liberté et étudiants égalitaires » qui sont déjà dans les prisons du régime de la république Islamique d’Iran sont sous la menace des telles pratiques inhumaines et barbares. Ce danger est beaucoup plus grand pour les prisonniers qui ne pourraient pas avoir de contact avec leurs familles.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop