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Tag: Iran
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Iran. Les exécutions ne mèneront pas à la stabilité du régime
Les 6, 7 et 8 décembre derniers, un appel à la grève générale a été lancé sur les réseaux sociaux en Iran. Cet appel a été bien suivi dans une cinquantaine de villes du pays, essentiellement par des petits commerces et des bazars de taille moyenne. Malgré la répression, les Iranien.ne.s poursuivent la lutte pour leur liberté. Selon des documents internes du régime, ils et elles sont 84 % dans la population à soutenir les manifestations et à y voir une solution au marasme social dans lequel le régime des mollahs les a plongés. Face à cette détermination, ce dernier a décidé de franchir une étape avec l’exécution le 8 décembre de Mohsen Shekari, un manifestant de 23 ans arrêté à la fin du mois de septembre. D’autres mises à mort ont ensuite suivi.
Par Maxime (Liège)
Depuis que la contestation populaire s’est étendue à tout le pays, le régime des mollahs s’est attelé non seulement à réprimer la lutte sociale dans la rue, où plusieurs centaines de personnes ont été tuées, mais aussi toute solidarité y compris dans les cours de justice.
« Globalement, il faut être inscrit au tribunal révolutionnaire pour pouvoir être désigné comme avocat. Un certain nombre d’entre eux voulaient défendre les contestataires et se sont inscrits au début des manifestations : ils ont tous été arrêtés », explique Chowra Makaremi, anthropologue au CNRS. « Ils ont grossi la masse des plus de 19 000 disparus ou détenus », indique-t-elle pour l’émission 28 minutes d’Arte. Les avocats commis d’office restants sont à la solde du régime et charge leur « client » pour en assurer la condamnation. Les tribunaux sont ainsi réduits à un théâtre grotesque dont on connaît d’avance le dénouement.
Redynamiser la lutte par l’extension de la grève
Comparé au début du mouvement, il y a moins de manifestations. C’est normal après plus de quatre mois. Mais les mobilisations se poursuivent tout de même, tout particulièrement dans le Baloutchistan et le Kurdistan iranien. Au Kurdistan, la population était déjà organisée quasi clandestinement sur la question des femmes, de l’écologie, de la langue kurde,…
Les grèves ont jusqu’ici essentiellement concerné les écoles et universités du pays, avec quelques pas encore trop timides vers des entreprises. Il est tout particulièrement crucial que le combat intègre le personnel du très important secteur pétrochimique (propriété d’État officiellement ou officieusement en étant propriété de la milice pro-régime des Gardiens de la révolution), industrie-clé pour la survie du régime. Quelques raffineries et usines ont déjà suivi le mouvement dans le sud du pays.
En Iran, l’espoir est bien vivant et on le transmet clandestinement via les réseaux sociaux ou encore par des organisations qui se font discrètes face à la répression: des comités de quartiers organisent et invitent à la manifestation, des médecins et des membres du personnel soignant s’organisent clandestinement pour soigner les manifestants, des syndicalistes appellent à la grève…
«Le régime cherche à supprimer le mouvement de protestation par la violence, les arrestations massives et les exécutions. Cette répression a déjà fonctionné par le passé, mais c’est une solution à court terme, car les problèmes de fond ne vont pas disparaître simplement avec la dispersion des manifestants», a analysé Alex Vatanka (Middle East Institute, basé à Washington) pour le journal L’Orient-Le Jour. Le régime est ébranlé, mais il pourra s’accrocher au pouvoir tant qu’il n’y aura pas de force alternative visible capable de prendre le pouvoir et d’exproprier les principaux leviers de l’économie des mains des élites dirigeantes. L’organisation de comité de lutte ouvriers et étudiants organisés démocratiquement est clé pour riposter contre la répression et commencer à prendre le pouvoir localement – dans les villes et les quartiers, sur les lieux de travail et dans les écoles – et assurer qu’un futur changement de régime ne soit pas récupéré par l’impérialisme, américain par exemple.
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Leçons du passé : le désastre de l’approche de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI)
Au cours des développements à venir en Iran, les travailleurs et les jeunes regarderont en arrière pour tirer des leçons de l’histoire des partis et organisations qui se sont opposés au régime islamique. Dans le cas des Moudjahiddines, et malgré l’héroïsme incontestable de ses adhérents, il s’agit d’une histoire faite d’erreurs.
Par Bob Sullivan
L’OMPI (ou Mujaheddin-e-Khalq, MeK) est l’une des organisations les plus visibles sur les événements actuels de solidarité avec le mouvement en Iran, notamment dans certains pays d’Europe, soit en lui-même, soit par le biais de ses organisations de façade comme le Conseil national de la résistance. Il est donc important que les militants aient une certaine connaissance de l’histoire et de l’orientation de l’OMPI. Alors qu’il comportait de nombreux adeptes en Iran, l’OMPI a, pour diverses raisons, dégénéré en un groupe sectaire dépendant de l’impérialisme occidental et disposant d’une base insignifiante dans le pays.
Origines dans les années 1960
Les origines des Moudjahiddines du Peuple remontent au mécontentement croissant de la classe ouvrière et des jeunes à l’égard du régime de Mohammad Reza Pahlavi dans les années 1960 et 1970. Le Shah (le roi) était le principal point d’appui des États-Unis au Moyen-Orient, et l’Iran était son gendarme. Soutenu et armé par l’Occident, le régime du Shah a combiner extravagance démesurée, corruption et répression impitoyable. À la fin des années 1960, les idées de gauche commençaient à circuler à nouveau plus largement, et certains militants commençaient à prendre les armes contre le régime.
En 1971, les Fedayins du Peuple, qui se considéraient laïques et marxistes, ont lancé une campagne de guérilla. Bien que les fedayins aient abandonné la stratégie de guérilla plus tard dans cette décennie, et que cette stratégie ait offert peu de gains concrets à la classe ouvrière, l’idée de défier physiquement le régime était attractive pour une partie de la jeunesse. Les fedayins se considéraient comme des communistes frustrés par les compromis et l’approche réformiste du Tudeh (“le parti des masses”), c’est-à-dire le parti « communiste » traditionnel aligné sur Moscou.
Cette frustration était tout à fait justifiée, mais elle s’est malheureusement exprimée politiquement par l’adoption de tactiques de guérilla inspirées par Fidel Castro et Che Guevara. Ces méthodes signifiaient en réalité un abandon de la construction dans les communautés et les organisations de la classe ouvrière en faveur de méthodes liées au terrorisme individuel. Cela représentait un manque de confiance dans la classe ouvrière, et était voué à l’échec dans un pays comme l’Iran, une réalité acceptée par les fedayins à la fin des années 1970.
Les moudjahiddines ont également émergé du milieu radicalisé des années soixante, le même milieu qui a produit Ali Shariati (un intellectuel qui a tenté de fusionner les idées islamiques et socialistes), bien que Shariati lui-même n’ait jamais été membre des moudjahiddines. Un groupe s’est réuni autour d’une idéologie de l’Islam révolutionnaire confuse et vague. Au cœur de l’organisation des premiers moudjahiddines se trouvait la division entre laïcs et islamistes. L’organisation a néanmoins commencé à construire un réseau de membres et de partisans, notamment dans les universités. À ses débuts, elle avait également établi de bonnes relations avec des religieux de premier plan hostiles au Shah, comme le futur président Rafsandjani.
Les tactique de guérilla
Suivant l’exemple des fedayins, les moudjahidines se sont engagés dès le début des années 1970 dans une série d’actions de guérilla très médiatisées, dont l’assassinat de militaires et de membres du personnel de sécurité américain stationnés en Iran. Il sont toutefois subi une série de revers de la part de l’État qui se sont traduits par des emprisonnements et des exécutions.
En 1975, une nouvelle direction a organisé une brutale et sanglante purge interne en visant tout particulièrement ceux qui s’identifiaient comme islamistes plutôt que marxistes. La violence de la purge a été justifiée par le prétexte de la dureté du régime du Shah, elle a été jusqu’à l’exécution de membres considérés peu fiables. L’événement a également marqué une rupture permanente avec des figures telles que le futur chef suprême Khomeiny, qui a dénoncé l’OMPI comme une organisation qui tuait les bons musulmans.
La seule figure dirigeante importante qui s’identifiait à l’islam plutôt qu’à une version du socialisme et qui a survécu à la purge était Massoud Radjavi. Dans la lutte interne pour le pouvoir qui a suivi, de nombreux membres de base ayant une approche plus islamiste ont soutenu Radjavi contre le reste de la direction. L’organisation a dû se servir des tendances islamistes de Radjavi pour se présenter comme de loyaux musulmans. Ces purges ont marqué un point tournant décisif vers une culture arbitraire et autoritaire, tendance qui s’est par ailleurs accentuée au cours des années suivantes.
Avec l’effondrement de la monarchie en janvier et février 1979, aux premiers jours de la révolution, des groupes tels que les moudjahiddines et les fedayins ont connu un développement exponentiel, en dépit du fait que leur absence d’alternative marxiste claire et révolutionnaire a toujours signifié qu’ils couraient derrière les partisans de Khomeiny sans jamais déterminer la nature des événements. Le régime islamique naissant a alors commencé à s’approprier le langage de la gauche, en particulier l’anti-impérialisme, afin de consolider son soutien. En novembre 1979, Khomeiny et le nouveau régime ont pesé de tout leur poids dans la prise de l’ambassade américaine et la saisie du personnel qui y travaillait. Le régime a utilisé ces événements pour se parer des habits d’un anti-impérialisme populaire. En réalité, il s’agissait d’un coup d’éclat aventuriste, mais tant les moudjahiddines que les fedayins se sont sentis obligés de le soutenir, sans jamais expliquer quelle était la stratégie derrière cette attaque ni la manière dont la classe ouvrière pouvait tirer bénéfice de la situation.
Le point culminant de 1980
Toutefois, malgré leurs déficiences, lors de l’élection du maire de Téhéran au début de l’année 1980, le candidat des moudjahiddines a obtenu 200.000 voix, soit environ 10 %. C’était le point culminant du soutien aux moudjahiddines. En réalité, ils manquaient d’un programme et d’une stratégie. Au lieu de s’appuyer sur les communautés de la classe ouvrière, par exemple en soutenant les shoras (les conseils ouvriers qui s’étaient développés durant la lutte contre le Shah) et en développant un programme clair reposant sur la classe ouvrière et opposé au régime, les moudjahiddines ont adopté une approche de collaboration de classe, en se rangeant du côté du président libéral Bani Sadr (premier président de la République islamique), qui était avant tout un fidèle représentant de la classe dominante iranienne.
En septembre 1980, avec le bombardement de Bushehr par le dictateur irakien Saddam Hussein et le déclenchement de la guerre Iran-Irak, l’atmosphère politique en Iran a commencé à devenir de plus en plus difficile. Toutes les grèves ont ainsi été interdites. Mais une détérioration décisive s’est produite en juin 1981 lorsque des milices associées au régime islamique ont attaqué une manifestation à Téhéran sur la question des droits civils, organisée par le vieux Front national libéral et soutenue par la gauche. Des dizaines de personnes ont été tuées et blessées. Immédiatement après, le régime a exécuté un total de quinze opposants de premier plan, dont des moudjahiddines et des fedayins. Cet épisode a marqué une étape décisive et brutale vers la dictature.
Une semaine plus tard seulement, le président Bani Sadr et le chef des moudjahiddines Radjavi ont tous deux fui l’Iran. Entre-temps, en Iran, les moudjahiddines ont lancé une véritable guérilla au cours de l’été 1981. Ils ont bombardé une réunion du Parti républicain islamique, le parti de Khomeiny, et tué plus de cent membres de la hiérarchie religieuse, dont l’ayatollah Beheshti, et de nombreux députés. Ils ont ensuite assassiné le président et le premier ministre du pays. Par la suite a suivi une campagne d’assassinat de religieux de premier plan associés au régime. En 1982, ils ont tué nombre de personnes liées au régime, y compris des religieux de rang inférieur préalablement enlevés et torturés. La stratégie et les tactiques des moudjahiddines leur ont aliéné de plus en plus même ceux qui les avaient initialement soutenus. De son côté, le régime a systématiquement pu remplacer tous ceux qui avaient été assassinés.
Se reposer sur les États-Unis et l’OTAN, pas sur la classe ouvrière
Pire encore, ces méthodes ont justifié l’intensification de la répression du régime, avec l’accord d’une grande partie de la société, d’autant plus que l’Iran était désormais impliqué dans une guerre brutale avec l’Irak, guerre encouragée et préparée par Washington et l’OTAN. Les méthodes des moudjahiddines ont fourni un prétexte parfait pour accroître la surveillance, la répression, la torture et l’exécution de celles et ceux qui s’opposaient au régime. Et les cibles n’étaient pas seulement les moudjahiddines, mais aussi les militants de gauche qui s’opposaient à Khomeiny au sens large. Parmi eux figuraient la minorité des fedayins (qui s’étaient scindés en deux en 1980 sur la question du soutien au régime) et d’autres groupes anti-régime, bien qu’aucun d’entre eux n’ait soutenu ou ne se soit engagé dans la stratégie et les tactiques de guérilla urbaine employées par les moudjahiddines. En 1983, Khomeiny s’est également retourné sans pitié contre les partis autrefois de gauche qui lui avaient apporté leur soutien, notamment le Tudeh et l’aile majoritaire des fedayins.
Les dirigeants des moudjahiddines n’ont jamais revendiqué ou nié publiquement la responsabilité de telle ou telle tactique, bien que Radjavi ait affirmé que la stratégie globale était très réussie, avec ses trois phases : d’abord détruire l’avenir du régime, ensuite détruire le corps du régime, et enfin permettre la révolution sociale. L’optimisme de Radjavi allait une fois de plus à l’encontre de la réalité. Cependant, Radjavi lui-même a procédé à une purge interne de masse en 1982, ce qui lui a permis de continuer à agir de manière incontestée et sans rendre de comptes à qui que ce soit au sein de l’organisation.
Les moudjahiddines cultivaient depuis longtemps des relations amicales avec Yasser Arafat et l’aile Fatah de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ; les fedayins étaient quant à eux alignés sur les positions du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Grâce à leurs liens avec le Fatah, les chefs des moudjahiddines se sont entretenus en 1981 avec des membres du cercle restreint de Saddam Hussein, comme Tariq Aziz. Cela a conduit à l’établissement de camps de moudjahidines à la frontière iranienne, ainsi qu’à l’armement et à l’entraînement des forces rassemblées dans ces camps. De plus en plus, la motivation de Radjavi était exclusivement liée au renversement du régime islamique, même si cela impliquait de contribuer efficacement à l’effort de guerre contre l’Iran.
Aventure mortelle dans la guerre Iran-Irak
En 1988, les moudjahiddines se sont inquiétés de ce que les propositions de l’ONU en faveur d’un traité entre les deux pays pouvaient conduire à la fin du conflit, un scénario redouté et non prévu par les moudjahiddines qui était de nature à menacer l’existence de leurs camps à la frontière. C’est dans cette perspective que s’est concrétisée l’entreprise malheureuse de lancer une attaque militaire à grande échelle contre l’Iran. De jeunes moudjahiddines, hommes et femmes, se sont rassemblés à la frontière et une force de 5000 personnes est partie sous le slogan « De Mehran à Téhéran » (Mehran est une ville proche de la frontière irakienne). On a dit aux volontaires que la libération de Téhéran aurait lieu dans les 48 heures, que les masses iraniennes se lèveraient pour accueillir leurs libérateurs et que la victoire était assurée.
Malheureusement, rien de tout cela ne s’est avéré et la ligne de soldats volontaires n’a réussi à capturer que quelques petites villes avant d’être anéantie par une attaque aérienne. On ne sait pas exactement combien de personnes ont été tuées, probablement dans les environs de 3000. Il n’y a pas eu de soulèvement de sympathie en Iran, toute l’aventure a été considérée avec indifférence ou hostilité à l’intérieur du pays. Outre les pertes humaines, les moudjahiddines ont également subi une perte calamiteuse de prestige dont ils ne se sont jamais remis. Pourtant, il n’y a jamais eu d’aveu d’échec, ni d’explication sur la façon dont un tel désastre a pu se produire.
L’une des conséquences tragiques de cette débâcle est qu’elle a servi de prétexte à l’assassinat de dizaines de milliers de prisonniers politiques en 1988, principalement, mais pas exclusivement, des membres des moudjahiddines. L’actuel président iranien, Ebrahim Raïssi, était l’une des figures clés de ce massacre. Un tel résultat a permis au régime de réaliser en quelques jours ce qui, autrement, aurait pris des années. Pendant ce temps, les dirigeants des moudjahiddines sont devenus de plus en plus dépendants du soutien de leurs nouveaux amis à Washington. Il s’agissait d’un revirement complet par rapport à leur position des années 1970, mais il était enraciné dans la même perspective réformiste : préférer faire des affaires avec les « grands acteurs » plutôt que de placer sa confiance dans la classe ouvrière.
Depuis 1988, Radjavi, qui a mystérieusement disparu de la circulation en 2003, a été remplacé à la tête de l’organisation par son ancienne épouse Maryam Radjavi. L’organisation a survécu à la chute de Saddam Hussein et a négocié un transfert en Albanie grâce à ses liens avec la CIA. Elle entretient également des liens étroits avec le Mossad, les services secrets israéliens. Il est toutefois possible que son étoile commence à pâlir, Washington ayant tendance à reporter son affection et ses financements sur des royalistes.
Tirer les leçons de cet exemple pour l’avenir
Au cours des développements futurs en Iran, les travailleurs et les jeunes regarderont en arrière pour tirer des leçons de l’histoire des partis et organisations qui se sont opposés au régime islamique. Le programme confus et leurs perspectives erronées des moudjahidines, ainsi que leurs méthodes terroristes sans issue, n’ont en dernière instance que servi à renforcer le régime islamique au cours des 40 dernières années au lieu de le menacer à contribuer renversement.
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Iran : Les enseignants en lutte montrent la voie à suivre

Le régime iranien est dans une position instable et craint une nouvelle vague de protestations généralisées. C’est pourquoi la répression s’est faite plus intense ces derniers mois.
Par Nina Mo, SLP (section autrichienne d’ASI)
Le 23 décembre fut une journée nationale d’action du personnel enseignant iranien. Des dizaines de milliers d’enseignants et de retraités – les travailleuses en première ligne – ont manifesté dans plus de 100 villes du pays réclamant des salaires plus élevés, un enseignement gratuit et de qualité, etc. Ils et elles dénoncent les salaires de misère, les salaires impayés, l’absence de toute assurance médicale, la répression et les faibles pensions. Les salaires des enseignants iraniens sont pour la plupart inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui constitue un énorme problème au vu de la croissance de l’inflation. De nombreux enseignants se voient obligés d’exercer un deuxième voire un troisième emploi.
Ces manifestations et ces grèves montrent la voie à suivre pour le mouvement ouvrier en Iran, notamment grâce à leur forte organisation. Le « Conseil de coordination de la confédération syndicale des enseignants iraniens » a appelé toutes et tous les enseignants à manifester et à défendre leurs revendications dans tout le pays.
Une mobilisation qui ne faiblit pas
Cette mobilisation se poursuit depuis des mois et des années déjà. Elle est née de l’action d’associations et de syndicats d’enseignants indépendants et combatifs. La journée d’action du 23 décembre entendait réagir à une nouvelle loi du régime visant à restreindre les grèves et les manifestations. Elle était également dirigée contre une augmentation salariale ridicule qui ne suffira pas à couvrir les besoins des enseignants ainsi que contre les nouvelles coupes budgétaires dans l’enseignement.
Des grèves nationales avaient eu lieu les 11 et 12 décembre. Le lendemain, elles se sont transformées en grands rassemblements auxquels ont participé non seulement des enseignants mais aussi des retraités. Plus de 200 villes d’Iran ont été touchées par ces manifestations. Rien qu’à Ispahan, plus de 10.000 enseignants ont participé à un rassemblement dont le principal slogan visait la répression : « Les enseignants emprisonnés doivent être libérés ». En raison de la situation économique (qui se reflète notamment dans les prix des denrées de base) et des conditions de vie catastrophiques, les enseignants se trouvent dans une situation extrêmement difficile.
Après des mois de mobilisation, le parlement a finalement approuvé le 15 décembre le projet de loi sur le système de classement des enseignants. Il a laissé entendre que les revendications des enseignants avaient été satisfaites et qu’il n’y avait plus lieu de protester. Mais les enseignants ont annoncé leur intention de poursuivre leurs protestations. Ils revendiquent que leur salaire atteigne 80% du salaire des enseignants de l’enseignement supérieur et la libération immédiate des enseignants et des syndicalistes emprisonnés. D’autre part, les enseignants retraités exigent que leurs pensions soient adaptées à l’inflation. Toutes ces revendications sont ignorées par le régime.
Le nouveau projet de loi vise à légèrement augmenter les salaires des enseignants, qui sont restés à des niveaux extrêmement bas depuis dix ans. En raison de l’inflation actuelle, ce nouveau salaire resterait inférieur au seuil de pauvreté. Le budget de l’enseignement est incapable d’augmenter les salaires. Dans le budget 2021-22, le budget des « affaires civiles » (qui comporte notamment celui de l’enseignement) est inférieur à 3,5 milliards de dollars, alors que le budget des forces de défense dépasse les 5 milliards de dollars ! Mohammad Habibi, le porte-parole du Conseil de coordination a déclaré après l’approbation de ce projet de loi au parlement : « La totalité de ce qui a été approuvé au parlement ne peut en aucun cas être approuvé par les enseignants ».
Une répression brutale
Lors de la dernière grande série de manifestations et de grèves, à la mi-décembre, les forces de sécurité ont attaqué les enseignants dans un certain nombre de villes et arrêté quelques militants de premier plan. Au total, plus de 200 enseignants et syndicalistes ont été arrêtés. Le régime se trouve dans une situation instable, il craint une nouvelle vague de protestations généralisées et a donc décidé de renforcer la répression.
Les manifestants ont scandé que la réponse du régime était « une honte », tandis que les autorités ont battu et détenu temporairement plusieurs représentants des enseignants devant le bâtiment du parlement, dont Rasoul Badaghi, du syndicat des enseignants, et en ont menacé d’autres. Toutefois, par crainte que cette arrestation ne jette de l’huile sur le feu, les autorités ont été contraintes de le libérer quelques jours plus tard.
Les manifestations du 23 décembre ont eu lieu alors que les forces de sécurité avaient envoyé des SMS aux enseignants pour les avertir des conséquences d’une action ! À Téhéran, le régime a tenté de disperser les enseignants à la sortie des stations de métro, mais ces derniers se sont ensuite tout de même rassemblés. À Shiraz, des milliers d’enseignants ont résisté à la forte présence des forces de sécurité. A Téhéran, divers rapports font état d’attaques contre les enseignants masculins place Baharestan, mais les enseignantes se sont assises au milieu de la place pendant environ une heure en dépit des attaques des agents de sécurité.
Organisation et direction
La grande force du mouvement des enseignants réside dans son unité, son organisation et sa direction. Les récentes grèves et manifestations furent les mieux organisées depuis des années. Contrairement à d’autres luttes très spontanées, le Conseil de coordination a fait campagne durant des semaines pour mobiliser et organiser les travailleurs, même parmi les syndicats dirigés par le régime. Il cherche à organiser les enseignants de base et les syndicalistes radicaux, en les unifiant sous des revendications communes pour un enseignement de qualité dans l’intérêt des enseignants et des étudiants.
Avec leur approche combative, les dirigeants de l’association des enseignants font preuve de la volonté nécessaire pour arracher des victoires. Le Conseil de coordination a souligné dans une récente résolution qu’il « ne cessera pas de lutter jusqu’à ce que les revendications soient pleinement satisfaites et poursuivra le processus de protestation avec la plus grande intensité. »
Les enseignants en Iran ont toujours fait partie des travailleurs les plus combatifs et les plus politisés du pays. Ils montrent la voie à suivre dans la lutte contre le régime. Il est nécessaire que leur direction exprime cette atmosphère radicale dans leur programme. Le Conseil de coordination prétend qu’il n’est pas politique, mais il est absolument clair que la lutte des enseignants est une menace politique pour le régime !
Comme l’a écrit le syndicat indépendant des travailleurs de Haft Tappeh dans sa déclaration de solidarité : « Nous ne devons pas nous faire d’illusions sur la constitution, la loi sur le travail, ni envers les membres du parlement et des institutions gouvernementales. Nous devons démanteler tout cela avec nos organisations indépendantes, avec l’aide et le soutien de la collectivité. »
Le mouvement des enseignants et surtout sa direction doivent penser à des stratégies pour s’adresser à l’ensemble de la classe ouvrière afin qu’elle soutienne leur lutte. Par exemple, la présence active des étudiants dans certaines villes et l’accent mis sur l’unité des étudiants et des enseignants sont cruciaux pour étendre la lutte. Cette unité est nécessaire pour obtenir un enseignement de qualité organisé et contrôlé démocratiquement, indépendant des institutions religieuses et du régime. Pour vaincre, les enseignants doivent avoir un contrôle total sur la stratégie, la tactique et le programme du mouvement. Les syndicats doivent être construits de manière démocratique et repousser toute tentative du régime de les infiltrer ou d’infiltrer leur direction.
Les grèves générales : prochaine étape pour construire une lutte politique contre le régime
Les luttes des enseignants s’inscrivent dans un contexte plus large. Ces derniers mois et ces dernières années, de nombreuses luttes et actions de grève ont eu lieu sur les lieux de travail, des mineurs aux travailleurs du pétrole, en passant par les travailleurs des bus et des transports, etc. Les agriculteurs, les travailleurs et les pauvres ont également manifesté dans plusieurs villes contre la pénurie d’eau et les conséquences de la crise climatique.
Toutes ces luttes doivent être liées entre elles afin de construire un puissant mouvement de lutte contre le régime et le système capitaliste. Elles démontrent quel est le pouvoir réel de la classe ouvrière pour prendre en charge elle-même la production économique et construire une nouvelle société. Cette force doit être utilisée dans les étapes suivantes, crescendo, pour construire une réelle menace pour le régime : une grève générale de tous les différents secteurs qui combine revendications économiques et politiques. Il est clair que le régime corrompu et criminel est opposé aux intérêts des travailleurs et des agriculteurs. Ce n’est que dans l’opposition au régime que les revendications des enseignants, des agriculteurs, des travailleurs du pétrole et des jeunes peuvent être satisfaites.
Il est extrêmement important et positif que plus de 43 syndicats indépendants aient exprimé leur solidarité avec la lutte des enseignants. Ce type de solidarité de la classe travailleuse a pu être constaté à maintes reprises au cours des dernières années. La prochaine étape importante serait de rassembler toutes ces différentes associations et syndicats ainsi que les travailleurs de base par le biais d’un comité national démocratique des différents comités de grève et syndicats, non seulement pour coordonner les actions mais aussi pour construire un nouveau parti indépendant de la classe ouvrière avec une direction audacieuse autour d’un programme socialiste visant à exiger des salaires et des retraites décents, la renationalisation des grandes entreprises sous le contrôle des travailleurs et la chute du régime.
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Accord sino-iranien – La «nouvelle guerre froide» remodèle les relations internationales

Au ministère des Affaires étrangères d’Iran, après la signature de l’accord de coopération de 25 ans entre la Chine et l’Iran, mars 2021. Photo : Fars News Agency, sous licence Creative Commons Paternité 4.0 International. Un accord de « partenariat stratégique » a été signé entre la Chine et l’Iran fin mars. Il marque une nouvelle étape dans les tensions croissantes entre les impérialismes chinois et états-unien.
Par Nina Mo, Sozialistische LinksPartei (Parti de gauche socialiste, section autrichienne d’ASI)
L’accord récemment signé entre l’Iran et la Chine pour une durée de 25 ans augmente encore les tensions impérialistes entre les États-Unis et la Chine, tout en les révélant au grand jour. Il témoigne de l’influence croissante qu’exerce la Chine au Moyen-Orient, tout en démontrant le déclin l’impérialisme états-unien, en particulier dans cette région. Bien que l’on ignore encore le contenu exact de l’accord final, ses premières moutures prévoyaient que la Chine investisse jusqu’à 400 milliards de dollars dans l’économie iranienne au cours des 25 prochaines années en échange d’une réduction sur ses achats de pétrole iranien. La majeure partie de ces investissements se feront dans le secteur gazier et pétrolier.
L’Iran aurait également promis d’importantes concessions économiques à la Chine, allant jusqu’à lui laisser des monopoles, notamment dans le secteur des technologies, ainsi que dans la mise en œuvre de la stratégie de sécurité de la Chine pour l’initiative « Nouvelle route de la soie ». Avec le renfort de la coopération militaire, l’Iran devrait devenir un important débouché pour les armes chinoises au Moyen-Orient.
Il est difficile de prédire les effets réels de cet accord sur l’économie iranienne elle-même, d’autant plus que les données concrètes n’ont toujours pas été entièrement révélées. Mais cet afflux important de capitaux chinois pose la question de savoir si les entreprises publiques iraniennes s’ouvriront à la privatisation ou si, en général, la présence de capitaux chinois pourrait repousser la part de marché détenue par les entreprises « nationales ». Cela pourrait entraîner encore plus de luttes de classe autour d’enjeux tels que la privatisation, les conditions de travail, etc., ainsi qu’une hausse des conflits au sein du régime lui-même. Le fait que certaines personnalités membres des factions ultra-orthodoxes du régime, liées au corps des Gardiens de la révolution islamique (qui contrôle, par exemple, une grande partie du secteur de l’énergie), se soient opposées à cet accord en est un indice parmi d’autres. Bien sûr, cet accord n’en est encore qu’à un stade précoce, et il reste à voir comment sa mise en œuvre se déroulera.
Incidences politiques et politiques nationales
Certains analystes bourgeois ont tendance à exagérer l’ampleur réelle de l’accord ; en effet, son effet principal et immédiat ne concerne pas tant ses aspects économiques que les stratégies politiques de ses deux parties dans le contexte de la crise du capitalisme mondial et des revirements dans les relations internationales.
Contrairement à ce qu’affirment certaines personnes, cet accord n’apportera pas une nouvelle croissance économique et des investissements économiques permettant de reconstruire massivement l’Iran et d’y créer un grand nombre d’emplois. Étant de plus en plus isolé sur le plan international, et faisant face à une pression grandissante de la part des États-Unis (l’élection de Joe Biden n’ayant en rien contribué à la réduire), le régime iranien considère le partenariat politique avec la Chine comme un contrepoids nécessaire. En outre, avec la forte diminution des exportations de pétrole au cours des dernières années, le régime fait également face à un déficit budgétaire record, ce qui renforcera l’inflation (les premiers effets s’en ressentent déjà).
Vu l’intensification des luttes ouvrières à propos de questions politiques et économiques ces dernières années, le renversement du régime islamique est une menace sérieuse et réelle. Pour le régie, sa propre survie est une de ses préoccupations les plus vitales. Le régime tente de jouer sur la division entre les puissances mondiales pour sortir de sa stagnation économique et éviter une grave crise politique et sociale. Le pays est miné par la pauvreté, la faim et de graves problèmes économiques. La crise de la COVID a été extrêmement mal gérée par le régime ; d’après les autorités, plus de 60 000 personnes sont mortes de la COVID-19 dans le pays. Des évaluations indépendantes suggèrent que les chiffres réels seraient environ quatre fois plus élevés.
Éviter les faux amis : la nécessité d’une riposte propre à la classe ouvrière
Non seulement cet accord a accru les tensions au sein de la classe dirigeante iranienne (les forces ultra-islamistes utilisent leur opposition à l’accord pour renforcer leur propagande nationaliste), il a aussi déclenché une vaste controverse au sein des forces opposées au régime, en Iran comme en-dehors. Une campagne intitulée « Non à la République islamique » (#No2IR), qui s’oppose à l’accord tout en appelant au boycott des élections cette année, a récemment pris de l’ampleur. Il est dominé par des célébrités et des monarchistes tels que Reza Pahlavi, l’ancien prince héritier iranien, l’une des figures les plus en vue de la campagne. Le but de ces forces réactionnaires et monarchistes, en s’opposant à l’accord, n’est pas de défendre les intérêts des travailleurs, des travailleuses et des pauvres, mais d’agir dans leurs propres intérêts et dans les intérêts de l’Occident et de l’impérialisme états-unien. Ils affirment par exemple que le régime iranien a « vendu aux enchères les ressources naturelles et la richesse nationale de l’Iran à la Chine ».
Ce type de propagande nationaliste est particulièrement dangereux, car il se fait l’écho de préoccupations justifiées au sein de la classe ouvrière concernant les interventions économiques étrangères. Après la signature de l’accord, des manifestations ont été organisées par des travailleurs et travailleuses dans diverses villes iraniennes, ainsi que dans d’autres pays par la communauté iranienne en exil, sous des slogans tels que « Ne vendons pas l’Iran ». Ces manifestations ont une perspective nationaliste, et bien qu’elles n’aient pas d’impact majeur pour le moment, elles représentent tant l’opposition à toute politique et mesure prise par le gouvernement qu’une opposition à toute forme d’intervention étrangère. Mais à mesure que la propagande des forces pro-impérialistes s’intensifie, avec des campagnes telles que #No2IR, elles contiennent aussi le danger d’accroitre les illusions envers l’impérialisme occidental ; ce facteur ne doit pas être sous-estimé.
Il est très clair que la nature de cet accord est de consolider les intérêts des classes dirigeantes et des régimes chinois et iranien afin de stabiliser leur régime. En tant que géant économique, la Chine, tout comme les autres puissances impérialistes, cherche à se développer en exploitant une main-d’œuvre bon marché et en s’assurant un accès aux marchés des matières premières et de l’énergie. Il ne faut pas se faire d’illusions : l’attitude des entreprises et du capital chinois n’est en rien différente de celle des entreprises et du capital occidentaux en Iran. Toutes les entreprises occidentales et orientales qui opèrent dans des pays comme l’Iran le font en exploitant les travailleurs et travailleuses et en leur imposant de rudes conditions de travail. Il n’y a aucune véritable différence entre capitaux chinois, états-uniens, russes ou européens ; il n’y pas non plus une combinaison idéale de capitaux « nationaux » et « étrangers » en Iran.
Le mouvement ouvrier d’Iran devrait éviter de tomber dans le piège de considérer l’impérialisme chinois ou états-unien comme offrant une véritable libération pour la classe ouvrière et pour les pauvres. À la place, il doit s’opposer à l’influence néfaste des forces monarchistes, nationalistes et bourgeoises, qui tentent d’utiliser cet accord pour concrétiser leur propre programme. Pour renverser le régime iranien, la classe ouvrière doit adopter un point de vue indépendant de toutes ces forces, pour s’opposer au régime ainsi qu’au système capitaliste lui-même.
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[DOSSIER] Dix ans après la chute du dictateur Ben Ali, balayé par la révolution

Manifestation Avenue Bourguiba au centre-ville de Tunis, 14 janvier 2011. Photo : wikipedia Il y a dix ans, à partir de la fin 2010, une puissante vague révolutionnaire a secoué l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Des manifestations localisées partant des régions les plus pauvres et marginalisées de la Tunisie se sont rapidement transformées en une insurrection nationale, la répression policière meurtrière ne faisant qu’alimenter davantage la colère contre un régime honni et corrompu.
Par Cédric Gérôme, Alternative Socialiste Internationale
Cette colère aboutit, dans la deuxième semaine de janvier 2011, à une déferlante de grèves de masse dans plusieurs régions successives qui précipitèrent la chute du dictateur tunisien Ben Ali, le 14 janvier, et sa fuite en Arabie Saoudite.
La contagion révolutionnaire

A l’occasion du 10e anniversaire de la chute du dictateur Ben Ali, les éditions Marxisme.be publient un nouvel ouvrage qui revient sur ces événements tumultueux riches en leçons pour les luttes actuelles. Parmi les plus importantes d’entre elles : la compréhension de la puissance du mouvement de masse. Rapidement, cette victoire arrachée par la lutte de masses libéra la confiance de millions de pauvres, de travailleurs et d’opprimés dans l’ensemble de la région. Des millions de personnes qui n’étaient plus prêtes à accepter de continuer à vivre dans la misère, le chômage et le despotisme tandis qu’une infime élite corrompue s’enrichissait allègrement aux dépens de tout le reste de la société.
Dans l’actuel contexte d’augmentation incessante des prix des produits alimentaires, il est bon de se souvenir qu’un catalyseur important de cette gigantesque explosion populaire fut la hause des prix des produits de base, en particulier du pain. La vie quotidienne devenait sans cesse plus insoutenable pour des couches grandissantes de la population.
Après la Tunisie, c’est l’Egypte qui s’est à son tour soulevée. Et bientôt des soulèvements et mouvements de protestation d’ampleurs diverses se répandirent en Libye, en Syrie, au Yémen, à Bahreïn, en Arabie saoudite, au Maroc, en Jordanie, au Liban, dans les territoires palestiniens, en Iraq et ailleurs. Partout s’écroulait le mur de la peur, les masses faisant preuve d’une bravoure héroïque face à la répression des milices, face aux balles des snipers et de la police. Un même slogan se répétait et résonnait partout « Echa’b yuriid isqat en-nidham » : « Le peuple veut la chute du système ».
Au-delà des frontières, les masses prirent conscience tout à la fois de la similitude de leurs conditions et de leur puissance collective pour lutter et transformer ces conditions. Ce processus révolutionnaire éveilla les espoirs et les attentes de millions de personnes dans toute la région, mais aussi l’admiration et l’inspiration de bien d’autres aux quatre coins de la planète.
Il fit aussi trembler les classes dirigeantes, les régimes tyranniques et les forces impérialistes qui avaient soutenus ces régimes pendant longtemps, un soutien récompensé en termes de profits généreux pour les multinationales et les banques occidentales. Ceux et celles qui croient à la fable selon laquelle la politique étrangère de la future administration américaine de Joe Bien sera focalisée sur les droits humains devraient se demander par exemple pourquoi toute l’administration démocrate d’Obama – dont Biden était le vice-président à l’époque – défendit la dictature égyptienne de Hosni Mubarak jusqu’à la dernière minute. Joe Biden lui-même déclara que Mubarak n’était pas un dictateur et qu’il ne devait pas démissionner face aux protestations croissantes contre son règne. Ce règne de près de 30 années, les masses égyptiennes lui avaient mis un terme moins d’un mois après cette déclaration embarrassante.
L’impossible rendu possible
Partout il semblait soudainement qu’après des décennies de dictatures, de déclin humiliant, de guerres et de pillage néocolonial, de terrorisme et de pauvreté, un changement radical était enfin à portée de la main. L’idée tenace d’un Moyen-Orient embourbé dans les conflits sectaires fut totalement retournée sur sa tête. Dans un pays après l’autre, des scènes de solidarité entre différentes communautés religieuses furent observées, les masses comprenant la nécessité de s’unir dans la lutte contre leurs oppresseurs.
En Egypte par exemple, les chrétiens coptes protégeaient les musulmans qui priaient sur la place Tahrir, et vice versa. Brisant les traditions conservatrices et patriarcales, les femmes s’investissaient dans tous les aspects de cette lutte historique. De manière générale, la révolution semblait rendre possible tout ce qui avait été impensable et impossible la veille. Au travers de ce combat frontal contre l’oppression et l’exploitation, les prémisses d’une société nouvelle semblait émerger des actions, des occupations, des manifestations et des grèves de masse.
C’est sans aucun doute en Tunisie et en Egypte que le processus révolutionnaire fut dans en premier temps, poussé le plus loin. Cela était dû à l’intervention à une échelle de masse de la classe des travailleurs dans l’action à partir de son outil de lutte privilégié : la paralysie de l’économie par la grève, qui fit trembler la bourgeoisie et força cette dernière à lâcher du lest plus rapidement et plus facilement qu’ailleurs pour préserver son système.
Dans ces deux pays, des comités populaires et révolutionnaires virent le jour dans une multitude de quartiers et de localités, défiant l’appareil d’Etat de la dictature, se substituant à la police pour organiser la sécurité, et tentant de réorganiser toute une série de tâches quotidiennes selon la volonté des masses en mouvement. Dans beaucoup d’entreprises et lieux de travail, des managers corrompus furent dégagés par des travailleurs en colère.
L’alternative et le programme : des questions cruciales
Pourtant, bien que les classes dirigeantes furent initialement prises par surprise, elles se ressaisirent vite et organisèrent la riposte. Les victoires des premières semaines ne pouvaient pas dissimuler pour longtemps le fait que le système lui-même n’avait pas été délogé. Le pouvoir politique demeurait en définitive aux mains des classes possédantes. Le manque d’une alternative a commencé à peser lourdement, bien qu’à différents degrés selon la situation existante dans chaque pays.
Karl Marx expliquait que les humains créent leur histoire non sur base de conditions qu’ils déterminent à l’avance, mais sur la base de conditions héritées du passé. Ces conditions impliquaient un peu partout une présence et influence très faible de la gauche organisée et l’absence d’outils politiques propres au mouvement ouvrier et révolutionnaire. Les masses avaient une conscience claire et déterminée de ce qu’elles ne voulaient plus, mais pas une idée claire de ce avec quoi remplacer ce qu’elles ne voulaient plus.
De plus, chaque pays était entré dans la danse avec ses propres caractéristiques, sa propre histoire, et sa constellation de forces politiques spécifiques. De fortes traditions tribales en Libye. Des appareils d’Etats érigés sur la base du sectarisme en Syrie et en Irak. Une pénétration importante de l’armée dans l’économie et la politique en Egypte. Tous ces éléments, bien que poussés sur la défensive au début des mouvements, rejaillirent avec d’autant plus de force que le mouvement révolutionnaire n’avait pas d’alternative ni de programme bien défini à opposer aux forces de la contre-révolution.
La fin du processus révolutionnaire ?
De plus, les puissances impérialistes, voyant leurs intérêts menacés par cette vague révolutionnaire, ne restèrent évidemment pas sans broncher. Les bombardements de l’OTAN en Libye répondaient à une volonté de l’impérialisme occidental de « reprendre la main » sur le processus en cours et restaurer son prestige meurtri. A leur tour, les dictateurs libyens et syriens, Mouammar Kadhafi et Bashar al Assad, instrumentalisèrent la peur de l’intervention impérialiste pour se préserver un soutien et diviser le mouvement de révolte. Pour la même raison, tous deux jouèrent aussi sur les divisions communautaires, tribales, régionales et religieuses facilitées par la faiblesse du mouvement ouvrier organisé dans leurs pays respectif. En Syrie, en Libye mais aussi au Yémen, les révolutions se sont mutées en guerres civiles prolongées, alimentées par les interventions extérieures.
Après une seconde et puissante révolte contre le règne des Frères Musulmans qui avaient remporté les premières élections à la suite de la chute de Mubarak, la révolution égyptienne a succombé à la contre-révolution, la résistance étant petit à petit étouffée par la répression militaire sauvage suite au coup d’Etat militaire de Abdel Fattah el-Sissi à l’été 2013.
La même année, Daesh – aussi connu sous le nom du soi-disant « Etat Islamique » – s’est emparé de pans entiers de territoire en Irak et en Syrie se nourrissant de la désillusion ambiante et des revers de la révolte syrienne. Un règne de terreur et de violence extrême fut instauré sur les zones sous son contrôle.
Dans un tel contexte, beaucoup succombèrent à l’époque à l’idée selon laquelle le processus révolutionnaire dans la région était terminé. Dans un article publié en décembre 2016 intitulé « La tragédie syrienne signale la fin des révolutions arabes », le journaliste britannique Robert Fisk, pourtant fin connaisseur de la région, écrivait par exemple : « Tout comme l’invasion catastrophique anglo-américaine de l’Irak a mis fin à l’épopée occidentale des aventures militaires au Moyen-Orient, la tragédie syrienne garantit qu’il n’y aura plus de révolutions arabes. »
Notre internationale, bien que consciente dès le début des limites du processus, ne l’avait jamais enterré aussi facilement pour autant. Nous avions gardé une confiance dans la capacité des masses à se relever et à se relancer dans de nouveaux assauts contre l’ordre ancien ou contre de soi-disant « nouveaux » régimes ne faisant que répéter les politiques du passé.
À l’époque de la vague révolutionnaire en 2010-2011, nous expliquions que les mouvements de masse ne pourraient pas durer indéfiniment et qu’ils se heurteraient à de sérieuses complications ainsi qu’à des défaites en raison du manque de partis et de directions pour les représenter. Mais nous soulignions également que les contre-révolutions, vu leur incapacité à se reconstruire une base sociale solide dans un contexte de crise généralisée du système capitaliste, et reproduisant tous les ingrédients qui avaient mené à l’explosion révolutionnaire initiale, ne pourraient reprendre la main durablement. Les processus révolutionnaires allaient inévitablement rejaillir, avec des révoltes encore plus profondes des masses laborieuses et des pauvres de la région.
Une nouvelle vague révolutionnaire
Et c’est ce qui se produisit à partir de décembre 2018, lorsqu’une autre chaîne de soulèvements et de révolutions explosa, à commencer par le Soudan. En février 2019, la population algérienne dévala dans les rues à son tour après que le président Abdelaziz Bouteflika ait annoncé son intention de briguer un cinquième mandat. Bouteflika fut forcé par l’armée d’abandonner le pouvoir suite à un mouvement spontané de grève quasi généralisée s’étalant sur plusieurs jours. Et le tyran soudanais Omar al Bashir connut le même sort une semaine plus tard.
Bien qu’ayant sa dynamique propre, cette nouvelle vague révolutionnaire s’appuyait sur certaines leçons dégagées de l’expérience de la première. Parmi celles-ci, la compréhension plus approfondie que pour une lutte réussie, aucun répit ne pouvait être offert une fois que la tête des régimes était tombée et qu’il fallait au contraire redoubler d’efforts pour déraciner les structures et les institutions sur lesquelles elle repose.
Au Soudan, un conseil militaire composé de généraux dont les mains étaient pleines de sang des crimes, des tortures et des guerres de la dictature d’Al Bashir arracha le pouvoir. A la place de Bouteflika, un président sans aucune légitimité populaire fut installé par les militaires. Mais dans les deux cas, les manifestations ne s’arrêtèrent pas, que du contraire.
Un slogan populaire scandé lors du sit-in à Khartoum, au Soudan, était «Soit la victoire, soit l’Égypte». Le slogan «l’Algérie est in-sisi-able» fut aussi exprimé dans les rues algériennes. Ces exemples démontraient que l’expérience du coup d’État militaire égyptien avait pénétré la conscience populaire à l’échelle régionale et que les masses avaient tiré des enseignements de l’échec de la révolution égyptienne.
Ils démontrent également les instincts internationalistes qui ont animé ces mouvements révolutionnaires depuis leur début, les masses considérant la lutte dans chaque pays, en quelque sorte, comme leur lutte également. Ce n’est donc pas une coïncidence si la même année, à partir d’octobre 2019, les peuples d’Irak et du Liban se soulevèrent eux aussi.
Les conditions en Irak et au Liban sont extrêmement différentes, mais en réalité extrêmement similaires. Le sort des populations de ces deux pays s’est retrouvé aux mains d’un consortium de dirigeants et de seigneurs de guerre sectaires, riches et corrompus qui, en apparence, sont en désaccord les uns avec les autres mais, en réalité, sont prêts à s’unir dès que le système garantissant leurs intérêts mutuels est menacé.
Les deux soulèvements ont identifié que la source de leurs malheurs n’est pas une religion ou l’autre, une stratégie éprouvée depuis longtemps pour maintenir divisés les travailleurs et les classes populaires. Leur ennemi est en fait les classes dirigeantes dans leur intégralité, le réseau de relations clientélistes qui les soutient, les milieux économiques affairistes qui profitent de leur emprise sur le pouvoir pour s’enrichir.
En Iran aussi, on a vu une succession de mouvements de masses, surtout à partir de la fin 2017 / début 2018, avec un nouveau pic en novembre 2019, tandis que la base sociale du régime pourri des Mollahs s’effrite presque de jour en jour. Le rôle impérialiste régional de l’Iran, les sanctions ainsi que les tensions et menaces militaires planant sur ce pays ont tendance à éclipser dans la couverture médiatique la résistance ouvrière authentique qui s’y développe, une résistance qui rencontre généralement la répression la plus brutale.
À l’instar de ce qui se passe ailleurs, la rage des masses iraniennes est animée non seulement par la soif de libertés démocratiques mais aussi – et peut-être même surtout – par la détérioration incessante des conditions matérielles d’existence, les inégalités grotesques et la suppression des subventions d’État sur les produits de première nécessité. Il est à noter par ailleurs que c’est exactement ce même type de politiques que les institutions financières internationales continuent de préconiser pour la région.
La solidarité internationale
Malgré les divisions nationales et religieuses entretenues par les cliques au pouvoir, l’inspiration mutuelle des mouvements en Irak, au Liban et en Iran étaient absolument évidentes. Les manifestants iraniens, par exemple, descendaient dans la rue en scandant « l’ennemi est à la maison », montrant par là non seulement leur solidarité avec les soulèvements au Liban et en Irak mais aussi leur opposition aux interventions militaires du régime iranien dans ces pays. En octobre 2019, les occupants de la place Tahrir à Bagdad envoyèrent un message de solidarité aux manifestants iraniens, insistant sur le fait que leur problème se trouvait uniquement au niveau du régime iranien, lequel soutient des politiciens et criminels corrompus en Irak, et qu’ils espéraient pouvoir construire des relations fortes et durables avec le peuple iranien qui lui aussi, mérite un gouvernement juste.
La réverbération et l’influence mutuelle de ces luttes en a été une caractéristique essentielle, basée sur la réalisation de leur inséparabilité, dans le cadre d’un système planétaire reproduisant les mêmes logiques partout. La solidarité internationale ne s’est d’ailleurs pas limitée à cette région. En 2011 déjà, des millions de travailleurs et de jeunes du monde entier suivaient les événements révolutionnaires en temps réel.
L’impact international de ces mouvements s’est manifesté quelques semaines après la chute de Mubarak lorsqu’un mouvement de masse éclata dans le Wisconsin, aux États-Unis, contre des attaques anti-syndicales. Les banderoles et pancartes faisaient explicitement référence aux luttes en Tunisie et en Égypte. La même année, le mouvement Occupy Wall Street et celui des «Indignés» éclata en Espagne, en Grèce et dans d’autres pays.En 2019, des révoltes de masse ont éclaté depuis le Chili jusqu’à Hong Kong, et des grèves et marches pour le climat ont démontré la volonté de millions de jeunes et de moins jeunes de se battre pour en finir avec la catastrophe écologique que ce système occasionne. Cette année, les manifestations de Black Lives Matter contre le racisme et la violence policière se sont répandues comme une traînée de poudre à l’échelle internationale. Tout cela fait preuve d’une plus large reconnaissance que la souffrance d’un peuple dans un coin de la terre est la souffrance de tous, un sentiment qui s’est renforcé au vu de la triple catastrophe économique, climatique et sanitaire à laquelle nous sommes tous et toutes confrontés.
Bien que durant l’année 2020, beaucoup de ces luttes ont été initialement durement frappées par la pandémie, la deuxième partie de l’année a illustré le fait qu’elles sont bien loin d’être terminées, que du contraire. Même en Syrie, des protestations appelant ouvertement au renversement d’Assad ont éclaté en juin dernier. L’été dernier, l’Iran a été traversée par une vague de grèves sans précèdent depuis la révolution de 1979, et encore en octobre, le pays a enregistré un total de 341 manifestations dans 83 villes, avec une moyenne de 11 protestations par jour. En septembre, l’Égypte fut témoin de six jours consécutifs de manifestations dans plus de 40 villes et villages, c’était la première fois que des manifestations appelant au départ de Sissi avaient lieu dans plus d’une province égyptienne à la fois.
Un processus de longue durée
Il est donc clair que quel que soit le degré de violence qu’elles déchaînent, les classes dirigeantes ne peuvent jamais complètement éteindre la flamme de la révolte et de la résistance. Les deux vagues révolutionnaires ont été séparées par près d’une décennie, mais il faut les considérer comme faisant partie d’un processus révolutionnaire continu dans toute la région. Un processus qui, avec l’incapacité du capitalisme et des classes dirigeantes à résoudre les contradictions politiques, économiques et sociales qui ont donné naissance à ces mouvements, est appelé à se poursuivre d’une manière ou d’une autre.
Même en Tunisie, dont la transition démocratique est souvent présentée comme une « success story », la réalité est bien différente du mythe. Les difficultés économiques sont pires que sous le régime de Ben Ali. Un sondage d’opinion publié en novembre 2020 par le ‘Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux’ (FTDES), en dit long sur ce qu’en pensent les pauvres, jeunes et travailleurs en Tunisie même. 83,6% des jeunes disent considérer la société tunisienne inéquitable, 71,3% la jugent “pas fondée sur de bonnes bases”, 69,7% estiment que l’État ne répond pas aux besoins de base et 81,6% pensent que l’État privilégie les riches. Récemment, des mouvements de protestation et de grèves simultanés se sont étendus à plusieurs gouvernorats du pays. Une grève générale a encore frappé la région de Kairouan en décembre pour demander des emplois et une amélioration immédiate des services de santé et de l’infrastructure.
Organiser la colère
Ceci dit, tout en saluant la poursuite nécessaire de ces luttes, nous ne pouvons pas nous arrêter à ce constat. À la lumière des drames, des contre-révolutions et des bains de sang qui se sont déroulés dans la région au cours de la dernière décennie, l’idée que les passions populaires et la lutte spontanée vont suffire à elles seules à éradiquer l’ordre ancien et à en finir avec le système d’exploitation et d’oppression actuel, est inadéquate.
Tous ces mouvements ont montré que face à un ennemi puissant et organisé – une classe dominante consciente de ses intérêts – le changement révolutionnaire ne peut être laissé à la simple chance et spontanéité. Si la spontanéité révolutionnaire peut dans un premier temps représenter un atout pour surprendre et déstabiliser le camp adverse, cet avantage se transforme en désavantage, en facteur déstabilisant pour la révolution, s’il n’est pas dépassé.
Ce que toutes les luttes qui ont éclaté dans la région ont montré au cours des dix dernières années, c’est que si elles ne sont pas armées d’un programme ainsi que d’organisations pour le mettre en œuvre, elles finiront par aboutir à des reculs, par se dissiper, ou pire, par être manipulées et récupérées pour servir l’agenda de forces réactionnaires. Un parti, un programme et une direction politique sont nécessaires pour organiser les masses laborieuses, la jeunesse et tous les opprimés, faire avancer leurs luttes et les mener jusqu’au renversement du capitalisme.
Malheureusement, plutôt que de se saisir de ces luttes révolutionnaires historiques pour s’enraciner parmi les travailleurs et les jeunes, plutôt que de se tourner pleinement vers le mouvement de masse et de chercher à s’en faire l’expression politique sur la base d’une opposition résolue à ce système, la gauche s’est bien souvent tirée des balles dans le pied en cherchant toutes sortes d’arrangements et de compromissions avec les représentants de ce système.
Au Soudan, l’Association syndicale des professionnels soudanais (SPA), qui a joué un rôle de premier plan dans les mobilisations contre le régime d’al Bashir, a formé une coalition avec diverses forces d’opposition connue sous le nom de « Forces pour la liberté et le changement », laquelle a conclu en août 2019, sur le dos de la population, un partage de pouvoir avec les généraux contre-révolutionnaires.
En Syrie, des pans entiers de la gauche internationale se sont fourvoyés dans une fausse dichotomie. Certains se sont appuyés sur des définitions archaïques de l’anti-impérialisme pour justifier l’injustifiable en applaudissant les massacres et les bombes d’Assad et de ses soutiens. D’autres ont glorifié les bandes armées et les militants jihadistes au nom du soutien à la révolution contre le régime, ou encore exigeaient que les forces impérialistes occidentales s’impliquent davantage dans la guerre.
En Tunisie et en Egypte, les partis les plus influents de la gauche locale ont porté leur soutien à des forces de l’ancien régime au nom de la lutte contre les islamistes et les frères musulmans, pavant la voie à leur propre destruction …
Il est donc nécessaire de tirer les leçons de ces erreurs pour les batailles à venir, en particulier la nécessité de garantir l’indépendance politique du mouvement ouvrier et révolutionnaire face aux forces et partis capitalistes, et d’encourager à chaque étape la lutte par des moyens qui lui sont propres.
Il n’y a pas de raccourci possible : bien que chaque petite victoire est importante, aucun progrès durable n’est possible tant que la société reste dirigée par la loi du profit et que l’économie est contrôlée par une minorité dont les intérêts et la position dépendent de l’appauvrissement et l’oppression de la majorité.
C’est pourquoi organiser les masses à l’échelle internationale pour unifier toutes les luttes en une seule lutte globale pour renverser le système capitaliste, et construire une alternative socialiste démocratique, est la meilleure manière d’honorer et poursuivre le combat, les efforts et les sacrifices entamés par les masses laborieuses et les exploités de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient il y a dix ans. Solidarité !
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Iran : Victoire des travailleurs de Haft Tappeh !

A bas les propriétaires d’usines corrompus et leurs alliés du régime iranien !
Message de solidarité d’Alternative Socialiste Internationale aux collègues et camarades de la sucrerie de Haft Tappeh
Aux collègues et camarades de l’usine sucrière de Haft Tappeh,
Alternative Socialiste Internationale (ASI) exprime sa solidarité avec votre lutte héroïque contre les propriétaires d’usines corrompus et le régime répressif iranien qui est leur allié. Nous soutenons votre lutte permanente contre toute forme de privatisation et de licenciement ainsi que pour le paiement des salaires impayés, le renouvellement de votre assurance sociale, etc.
Le fait que vous ayez pu forcer un jury à se réunir sur la question du limogeage des propriétaires privés actuels illustre l’énorme pression que vous avez pu exercer. À la suite des protestations, les fonctionnaires et le pouvoir judiciaire ont été contraints de reculer et l’affaire a été confiée à un jury. Mais il est clair que l’on ne peut leur faire confiance, ni à lui, ni au régime meurtrier et à son appareil qui a utilisé toute sa puissance pour réprimer votre lutte et vos revendications.
Votre lutte est devenue un exemple international de la détermination et du courage de la classe ouvrière. En dépit d’une répression massive et de nombreuses difficultés, vous avez poursuivi les grèves et les actions de protestations et augmenté la pression sur la classe dirigeante et le régime. Toutes les promesses faites par les forces du régime ont été rompues. Vous savez que vous ne pouvez compter que sur votre propre force et sur la solidarité de la classe ouvrière dans tout le pays et à l’échelle internationale.
Vous avez prouvé au cours des dernières années que le contrôle et l’administration des travailleurs sont non seulement nécessaires, mais absolument possibles. Le slogan “Pain, travail, liberté, administration du Conseil” montre la voie à suivre : l’urgence de chasser les patrons et de placer l’usine – et toute l’économie – sous le contrôle des travailleurs. C’est la seule façon d’assurer des emplois sûrs, de bons salaires, la sécurité et la fin de toute forme d’oppression. C’est pourquoi votre lutte est directement liée à la lutte politique contre l’ensemble du régime et de son système.
Nous avons suivi votre lutte ainsi que les nombreux soulèvements de la classe ouvrière et des pauvres iraniens contre le régime islamique au cours de ces dernières années avec inspiration et une profonde solidarité. Nous sommes convaincus que seule la classe ouvrière – sous la conduite de laquelle avancent toutes les couches pauvres et opprimées de la société – est capable de renverser ce régime par des actions de masse et des grèves générales.
Un puissant mouvement ouvrier aura le potentiel révolutionnaire de renverser les élites criminelles et de construire un Iran socialiste, reposant sur la liberté et sur une économie et une société démocratiquement planifiées. La classe ouvrière iranienne a fait preuve d’une grande détermination et d’une grande puissance dans le passé, vous poursuivez ces grandes traditions. Le besoin d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière est aujourd’hui plus urgent que jamais.
La crise économique, aggravée par le COVID-19, a révélé au niveau international le visage brutal du capitalisme. Il est clair que ce système n’est pas en mesure d’assurer la santé, la sécurité ou une quelconque perspective pour la classe ouvrière et la jeunesse. Le régime iranien – responsable des morts, des difficultés économiques, du chômage et de la misère – était déjà ébranlé par le pouvoir des masses avant cette crise. Sa stabilité est construite sur le sable. Vive la résistance de la classe ouvrière ! A bas le dictateur et le régime islamique !
Il ne peut y avoir de confiance dans aucune force impérialiste. Nous nous opposons à toutes les sanctions contre l’Iran et à toute tentative d’intervention impérialiste des classes dominantes. La solidarité internationale de la classe ouvrière est absolument essentielle. C’est pourquoi les sections nationales (dont le PSL/LSP en Belgique) et les camarades d’ASI dans le monde entier diffuseront ce message de solidarité et l’exemple de votre lutte dans leurs syndicats, les organisations de gauche et les collaborations dans lesquelles nous sommes impliqués. La classe ouvrière internationale et le mouvement syndical doivent organiser la solidarité afin de soutenir votre lutte, nous les appelons à le faire.
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Vague de grève en Iran : Solidarité avec les luttes ouvrières !

Depuis le début du mois d’août, des grèves importantes ont eu lieu dans plus de 50 entreprises à travers le pays, en particulier dans le Sud riche en pétrole. Des entreprises pétrolières, gazières et pétrochimiques ont été touchées alors qu’elles représentent un secteur clé de l’économie iranienne.Par Nina Mo, SLP, section autrichienne d’ASI
Après l’apparition du COVID-19 en Iran, il a semblé un certain temps que la contestation faiblissait, Mais elle a refait surface en dépit de la répression brutale. La lutte est passée des confrontations de rue aux lieux de travail, ce qui constitue une nouvelle étape importante pour le développement d’un nouveau mouvement de travailleurs indépendants en Iran.
Les conditions de vie de la classe ouvrière deviennent de plus en plus précaires et insupportables, ce qui est le contexte derrière ces nouveaux mouvements de grève. Avec la nouvelle crise, dans de nombreuses entreprises, les salaires ne sont tout simplement pas payés depuis des mois. Il existe un nombre choquant d’entreprises dans lesquelles le niveau moyen des salaires ne représente qu’un tiers du seuil de pauvreté officiel. La semaine dernière, quatre travailleurs sont morts dans un accident minier dans la province de Kerman. Les travailleurs n’avaient pas reçu l’équipement de protection nécessaire. Ce type d’accident est fréquent dans le pays.
L’un des éléments déclencheurs de la vague de grève dans l’industrie a été la mort d’un travailleur contractuel début août dans une usine pétrochimique, ce qui a provoqué des protestations contre les conditions de travail dans tout le secteur. Les conditions de travail sont souvent catastrophiques et très dangereuses, la majorité des travailleurs dans de nombreuses industries sont employés sous contrat temporaire. Cette lutte a également touché des travailleurs de l’un des plus grands gisements de gaz naturel au monde, un projet dans lequel diverses multinationales sont également impliquées.
Ces luttes sont souvent caractérisées par une très forte détermination. Dans une raffinerie d’Ispahan, des colonnes de forces de sécurité ont bloqué les portes pour empêcher les travailleurs en grève de sortir manifester, mais elles ont été littéralement débordées par les travailleurs. L’émergence de la classe ouvrière sur la scène de la lutte est un élément clé pour les mois et années à venir. Cela aggravera la crise du régime, d’autant plus que les revendications économiques dominantes sont souvent directement liées aux revendications politiques, les employeurs étant souvent directement liés au régime au travers du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).
En outre, ces dernières semaines et ces derniers mois, il y a eu des grèves de mineurs, des manifestations de retraités, des grèves de cheminots, de chauffeurs de bus, d’enseignants et de nombreux autres, tous prêts à risquer l’emprisonnement et la torture.
La grève de Haft Tappeh continue – maintenant plus de 90 jours
La grève des travailleurs de Haft Tappeh, qui dure depuis la mi-juin, est un exemple pour les travailleurs de tout le pays qui veulent passer à l’action. Il s’agit de la plus longue grève de leur histoire. Leurs revendications comprennent le paiement immédiat des salaires impayés, le licenciement du propriétaire corrompu et la nationalisation de l’entreprise. Ils demandent également la réintégration des travailleurs licenciés et l’extension de leur assurance maladie. Seuls certains des travailleurs de Haft Tapeh ont reçu un salaire cette année. Les affirmations de l’employeur corrompu et des autorités selon lesquelles ils ne connaissaient pas les revendications des travailleurs de Haft Tappeh les ont contraints à poursuivre leur grève sous la forme de manifestations quotidiennes. La situation des travailleurs de Haft Tapeh est représentative de la détérioration permanente de la situation de millions de travailleurs iraniens.
Les travailleurs de Haft Tappeh ont été constamment intimidés par l’administration et le système judiciaire, certains des grévistes et des syndicalistes de premier plan ont été arrêtés à maintes reprises. En même temps, le régime, poussé par la peur, a récemment tenté d’apaiser les travailleurs en envoyant une délégation parlementaire à l’usine et a invité le syndicat indépendant à une réunion avec une commission parlementaire. Lors de sa visite à Haft Tappeh, la délégation a été confrontée au discours d’un syndicaliste qui a directement attaqué le régime pour cela et pour l’emprisonnement des grévistes.
Si les travailleurs franchissent l’étape suivante et, comme annoncé, occupent à nouveau l’usine, cela signifierait une nouvelle étape d’escalade et conduirait à une dure confrontation avec le régime. Cela signifierait également la nécessité d’une solidarité massive entre les travailleurs en Iran et au niveau international.
Et ensuite ?
Dans cette situation désespérée, le régime a cherché le salut dans un accord avec la Chine. Dans le cadre d’un accord de “partenariat stratégique”, la Chine devait investir 400 milliards de dollars en Iran au cours des 25 prochaines années et obtenir un “accès privilégié” au marché iranien. En retour, l’accord prévoyait que la Chine recevrait de l’Iran du pétrole bon marché. La coopération militaire entre les deux pays devait également être approfondie. Mais il y a une résistance massive à cela, même au sein des factions de la bourgeoisie iranienne, ce qui illustre que les divisions prennent de l’ampleur au sein de la classe dirigeante.
Récemment encore, les protestations en ligne contre les exécutions, la répression et la torture ont augmenté. Les manifestants emprisonnés des manifestations de 2019/2020 risquent d’être exécutés. Alors que la répression augmente, la colère augmente aussi. Le président du Syndicat libre des travailleurs iraniens, Jafar Azimzadeh, est l’un des travailleurs persécutés et arrêtés, comme d’autres syndicalistes. Après qu’il ait entamé une grève de la faim à la mi-août, les travailleurs en grève ont multiplié les protestations et les pressions pour sa libération.
Les récentes grèves et protestations ont été mieux coordonnées qu’auparavant. Selon une déclaration commune de la mi-août de 50 organisations indépendantes de travailleurs, associations d’enseignants, associations d’étudiants, publications et associations de retraités, qui soutiennent les grèves et les protestations des travailleurs de Haft Tappeh, Hepco et des industries pétrolière, gazière et pétrochimique :
“Nous, les signataires de cette déclaration, déclarons que dans la crise économique actuelle de ce pays, il est très naturel et attendu que de plus en plus de travailleurs et de groupes opprimés se joignent à ces grèves ; la crise qui fait perdre patience à tous les gens provient des privatisations, de la déréglementation des prix, de la dégradation des conditions de vie des travailleurs, les poussant au bord de la mort (et pas seulement de la pauvreté), du non-paiement même des salaires de misère, etc. Il est clair que pour que ces grèves se développent et aboutissent à leurs revendications dans ces circonstances critiques, les travailleurs en grève doivent être capables de s’organiser et de s’unir plus que tout autre chose, et de poursuivre la question sérieuse et à haut risque de la formation d’organisations autonomes basées sur la volonté et la capacité des travailleurs”.
Mais il est clair que la plupart des lieux de travail n’ont pas la force militante des travailleurs de Haft Tappeh et de la communauté qui les soutient. C’est pourquoi la création et la coordination de comités de grève dans tout le pays sont nécessaires. Cela pourrait également être la première étape de la création d’un nouveau parti révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière. La tâche principale de la prochaine période sera d’organiser d’autres grèves et une grève générale afin d’arracher des droits fondamentaux pour les travailleurs, la nationalisation de l’industrie et de toute l’économie sous le contrôle des travailleurs et aussi de construire un mouvement puissant afin de renverser le régime.
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Iran : La crise économique et politique s’intensifie

La déclaration récente de l’ancien commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), Alireza Alavi-Tabar, selon laquelle “si la situation actuelle se poursuit, le peuple se soulèvera et le gouvernement sera confronté à une révolution ou à un effondrement, ce que nous devons dissuader à tout prix”, montre à quel point l’élite dirigeante iranienne craint la poursuite des luttes des travailleuses et travailleurs.Par Nina Mo, SLP (section autrichienne d’ASI)
Les effets néfastes du COVID-19 ont entraîné une aggravation de la crise économique et politique en Iran. Alors que les divisions au sein du régime s’intensifient, la classe ouvrière et les pauvres souffrent de la crise sanitaire, de la répression et de la croissance du chômage et de la pauvreté. Bien que les protestations d’une partie des masses aient été paralysées dans une certaine mesure par la crise du coronavirus, d’autres secteurs de la classe ouvrière ont poursuivi leurs luttes et leurs grèves au cours de ces derniers mois.
La crise du COVID-19 continueComme beaucoup d’autres pays, l’Iran est confronté à une nouvelle vague d’infections du COVID-19. En juillet, le nombre d’infections et de décès a atteint un nouveau sommet. Après avoir menti pendant des mois sur l’impact du virus et avoir réagi beaucoup trop tard, le régime a rouvert les magasins et les marchés en avril et, depuis lors, le confinement a pratiquement pris fin, sans qu’aucune mesure ne soit adoptée pour assurer la sécurité de la population. Le gouvernement a conditionné la réouverture à des “protocoles sanitaires”, mais les mauvaises conditions de vie et de travail ainsi que le manque d’accès aux équipements de sécurité ont provoqué une augmentation des infections.
Malgré cette situation, il y a eu encore plus de coupes budgétaires et de licenciements dans le secteur de la santé et dans les hôpitaux. Au moins 500 travailleurs de la santé dans la province de Mashhad, 600 à Gilan et à l’hôpital Atieh de Téhéran, ainsi que 500 infirmières ont été licenciés au cours des derniers mois. La crise économique frappe très durement le secteur de la santé et le secteur social. Le nombre d’infirmières infectées – et qui meurent – par manque d’équipements de sécurité est toujours en augmentation. La plupart des travailleuses et travailleurs de la santé sont sous-payés et ont des contrats temporaires. Cette crise des soins de santé entraînera encore plus de décès et une propagation incontrôlable du virus.
L’impact de la crise économique
La chute rapide des prix du pétrole, combinée à la baisse massive générale des revenus pétroliers, a eu un impact important sur l’économie iranienne. Celle-ci se trouvait déjà dans une situation critique. La monnaie, le Rial, a perdu 50 % de sa valeur, ce qui a entraîné de nouvelles hausses de prix pour quasiment tous les biens. Actuellement, un petit achat au supermarché peut coûter plus d’un million de Rials, soit l’équivalent de 24 dollars américains. De nombreux employés, retraités et même propriétaires de petites entreprises vivent sous le seuil de pauvreté absolue.
Au moins deux millions de travailleurs de secteurs tels que la construction, les services, le tourisme, le commerce de détail, etc. devraient perdre leur emploi, des centaines de milliers sont déjà au chômage. Le centre de recherche du parlement iranien a lui-même estimé que 12 à 27% des travailleuses et travailleurs perdront leur emploi de manière temporaire ou permanente. Beaucoup parmi elles et eux ne recevront pas d’allocations de chômage.
Parmi les raisons de la dernière vague de protestations contre le régime, de la fin 2017 aux révoltes de novembre 2019, figurent les difficultés économiques telles que l’augmentation des prix, les salaires impayés, etc. Le régime craint donc une nouvelle explosion de colère. Il est frappant que l’ancien commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), Alireza Alavi-Tabar, ait récemment déclaré que “si la situation actuelle se poursuit, les gens se soulèveront et le gouvernement sera confronté à une révolution ou à un effondrement, ce que nous devons dissuader à tout prix”.
Les partisans de la ligne dure du régime tentent de tirer profit de cette situation, accusant Rouhani de “trahison contre le peuple”. Rouhani et son camp politique sont dans une crise profonde, ils gèrent mal la crise du COVID-19. Les forces ultra-conservatrices pourraient gagner un certain soutien lors des élections parlementaires de février, mais c’est l’ensemble du régime qui est confronté à une crise de légitimité.
Cela s’est déjà exprimé par la répression étatique brutale lors de la dernière vague de protestation, qui a tué au moins 1.500 manifestants, et que le régime poursuit encore. Ces dernières semaines, des manifestants ont été condamnés à mort par la Cour suprême. Les travailleuses et travailleurs, les féministes, les syndicalistes et les autres activistes sont de plus en plus souvent arrêtés et torturés. Le régime veut faire une démonstration de force en illustrant qu’il a vaincu les manifestations de 2017-2019 en recourant à de telles arrestations et exécutions. Nombre des travailleuses et travailleurs et activistes sont désormais connus, symbolisant la jeune génération ouvrière qui a commencé à se révolter contre le régime. Il faut organiser la solidarité internationale contre ces arrestations et ces condamnations à mort !
Les luttes ouvrières
Les salaires impayés, les licenciements et le manque d’équipements de sécurité pendant la pandémie sont les principales raisons pour lesquelles les travailleurs ont continué à se battre et à faire grève malgré le confinement. Quelques semaines après le premier choc provoqué par l’apparition du virus, les luttes ouvrières qui avaient déjà éclaté ces dernières années se sont poursuivies et même intensifiées.
Selon certains rapports, plus de 200 manifestations différentes ont eu lieu dans 74 villes au cours des dernières semaines et derniers mois avec des luttes dans les services postaux, le secteur pétrolier ou encore l’enseignement. Dans certaines villes, le personnel de la santé a organisé des rassemblements pour protester contre les salaires impayés et l’absence de mesures de sécurité. Les chauffeurs de bus ont protesté contre des mois de salaires impayés afin d’exiger leur paiement ainsi que des aides et l’assurance chômage. Les retraités ont organisé plusieurs manifestations en juin pour réclamer leurs pensions impayées et des augmentations, car la plupart des retraités iraniens vivent sous le seuil de pauvreté. 3.500 mineurs se sont mis en grève pour obtenir des augmentations de salaires et s’opposer à la privatisation de leur société. Depuis le 14 juin, les célèbres ouvriers de la sucrerie Haft Tappeh ont de nouveau fait grève, soutenus par des associations de travailleurs dans tout le pays. Le fait qu’ils continuent, entre autres revendications, à se battre ouvertement pour la destitution de leur patron et pour exiger le contrôle de l’usine par les travailleurs montre que cette lutte peut ouvrir une voie radicale pour toute la classe ouvrière en Iran.
La tâche clé de la période à venir sera de connecter ces différentes luttes en s’appuyant sur les révoltes de novembre 2019, en organisant des grèves générales, en construisant une organisation de masse de la classe ouvrière et en constituant un puissant mouvement pour faire tomber le régime corrompu.
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Non aux exécutions politiques en Iran ! Appel urgent à la solidarité internationale.

Action de solidarité menée par la section liégeoise du PSL. Le mercredi 24 juin, nous avons appris la condamnation à mort de trois jeunes manifestants Iraniens, Amir-Hossein Moradi, Saeed Tamjidi et Mohammad Rajabi sur base de charges mensongères. Ces condamnations à mort visent à effrayer et à paralyser les manifestants et les militants pour les droits des travailleurs et la démocratie. Il y a un besoin urgent de solidarité internationale pour empêcher ces exécutions.
En novembre 2019, des protestations de masse ont secoué l’Iran avec des millions de manifestants à travers tout le pays. Le point de départ des manifestations était une protestation contre la hausse du prix de la vie et plus spécifiquement une hausse de 300% du prix de l’essence, mais elles ont rapidement pris la forme d’une contestation généralisée du régime. Ce soulèvement était marqué par de nombreuses grèves dans les usines, parmi les enseignants ou encore parmi les chauffeurs routiers et a impliqué des jeunes ainsi que des travailleurs de différentes communautés (perses, arabes, kurdes,…).
La réponse du régime fut une répression brutale avec environ 1500 morts et des milliers d’arrestations arbitraires. Aujourd’hui, des mois après la fin des manifestations, les arrestations se poursuivent. C’est ainsi qu’Amir-Hossein Moradi a été arrêté sur base d’images de vidéosurveillance, puis battu, torturé, et forcé à de fausses confessions. Ses deux amis Saeed Tamjidi et Mohamad Rajabi ont cherché refuge en Turquie, mais l’État turc a choisi de littéralement les livrer au régime Iranien. Tous les trois ont été accusés d’être membre d’une organisation terroriste et ont été condamnés à être fouettés puis exécutés.
Les libertés politiques sont quasiment inexistantes en Iran. Les syndicats sont interdits, la peine de mort pour crimes politiques est largement appliquée et les arrestations arbitraires sont monnaie courante. Cette répression est utilisée pour intimider le mouvement et garantir un semblant de stabilité au régime face à la grande colère qui est présente dans la classe travailleuse iranienne.
La solidarité internationale avec la jeunesse et les travailleurs d’Iran est vitale pour arrêter ces exécutions. Nous vous appelons à signer la lettre de protestation en bas de cet article et à l’envoyer à l’ambassade d’Iran dans votre pays. Si un consulat ou une ambassade Iranienne existe dans votre ville, considérez la possibilité d’organiser une action de protestation.
Non à l’exécution de Amir-Hossein Moradi, Saeed Tamjidi et Mohammad Rajabi !
Liberté pour tous les prisonniers politiques !
A bas la dictature Islamique en Iran ! Pour un Iran libre et socialiste, basé sur la démocratie des travailleurs !

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Exemple de lettre de protestation à envoyer à l’ambassade d’Iran
Avenue F.D. Roosevelt 15
1050 BRUXELLES
Ambassadeur Gholamhossein DEHGHANI
+32 2 627 03 51
+32 2 627 03 50
+32 2 762 55 49
secretariat@iranembassy.beNon aux exécutions de manifestants en Iran !
Le mercredi 24 juin, l’Iran Human Right News Agency (HRANA – Agence de presse iranienne pour les droits humains) a rapporté que la Cour suprême d’Iran a entériné la condamnation à mort de trois jeunes manifestants arrêtés par les forces de sécurité durant les manifestations de Novembre 2019.
La confirmation de ces condamnations à mort n’a pas été annoncée officiellement, bien qu’elle ait été communiquée et confirmée par l’avocat d’un des étudiants emprisonnés.
Amir-Hossein Moradi, Saeed Tamjidi et Mohammad Rajabi ont tous été condamnés à la prison, au fouet et à la peine de mort par le tribunal révolutionnaire islamique (un tribunal politique compétent pour la sécurité nationale, les délits politiques et les « crimes contre la décence publique ») en février. Après un appel, la cour suprême a validé la décision du tribunal révolutionnaire islamique.
Le 15 novembre, le gouvernement iranien avait annoncé une augmentation de 300% du prix de l’essence, ce qui fut l’élément déclencheur de manifestations de masse dans 29 des 31 provinces d’Iran. La protestation a fait face à de violentes attaques de la police et du bras paramilitaire des gardiens de la révolution (basiji) ce qui a amené à des centaines de morts et de blessés, et à des milliers d’arrestations, qui se poursuivent encore des mois après la fin de manifestations.
Les forces de sécurité ont identifié et arrêté Amir—Hossein Moradi à partir de vidéos de surveillance pendant les manifestations de Novembre 2019. Il a été battu durant son arrestation et ses interrogatoires, et a été maintenu à l’isolement pendant un mois entier. Il a également été torturé et contraint d’apparaître à la télévision d’État pour « confesser » qu’il avait mis le feu à des banques et à des stations essence, et qu’il avait endommagé des biens publics. Cela même avant d’avoir été jugé et condamné par un tribunal ! Moradi et les autres accusés dans cette affaire se sont vu retirer le droit à avoir accès à un avocat durant la phase d’investigation.
Les deux autres, Mohammad Rajabi et Saeed Tamjidi, ont fui en Turquie après l’arrestation de leur ami Moradi mais ont été arrêtés en Turquie et, malgré qu’ils aient produits d’amples preuves du fait qu’ils étaient en danger pour avoir participé aux manifestations, les forces de sécurité Turques les ont extradé en Iran où ils ont immédiatement arrêtés.
Les trois accusés, tous dans la vingtaine, ont été accusés d’être de membre de l’organisation Mujahedin-e Khalq (« les moudjahidines du peuple »), qui est considérée comme une organisation terroriste par le régime iranien. Ils ont tous nié ces accusations.Nous exigeons l’annulation des exécutions des trois manifestants !
Nous exigeons la libération de tous les manifestants, syndicalistes et prisonniers politiques !
À bas la dictature islamique en Iran ! -
Le régime iranien perd le contrôle du COVID-19

L’Iran est l’un des pays les plus touchés par COVID-19, le taux de mortalité y est extrêmement élevé, y compris chez les jeunes. Les tests étant restreints, les chiffres réels pourraient être cinq fois plus élevés. Deux raisons principales expliquent cette explosion catastrophique : la mauvaise volonté et l’incapacité du régime à faire face à la pandémie, et les effets des sanctions imposées par les États-Unis.
Par Nina Mo, SLP (section autrichienne d’Alternative Socialiste Internationale)
De nombreux correspondants occidentaux expliquent la propagation du Coronavirus en Iran par le manque de confiance dans le régime, et donc par le fait que les gens ne suivent pas les mesures qu’il propose. Certains rapports décrivent la profonde religiosité de la société et la réticence à mettre fin aux rituels et aux rassemblements religieux. Les deux sont en partie vrais, mais la réalité est plus complexe. Bien sûr, la classe ouvrière iranienne sait que COVID-19 existe et qu’il tue des gens ordinaires tous les jours, mais en raison du manque d’approvisionnement, en particulier dans les zones rurales, ils sont désespérés de savoir quoi faire.
Pendant plusieurs semaines, le régime a menti sur l’apparition du Coronavirus. Les scientifiques supposent maintenant que le virus s’est propagé tout au long du mois de janvier. Mais à l’époque, le régime s’inquiétait davantage de la tenue de grands événements tels que les élections parlementaires et festivités de la célébration de la révolution islamique, sachant qu’au cours des mois précédents, la colère contre le régime s’était intensifiée et que des manifestations avaient secoué le pays. En outre, les relations politiques et économiques du régime avec la Chine sont de plus en plus importantes. Mahan Air par exemple, associé au Gardiens de la Révolution Islamique (GRI), a continué à transporter des étudiants religieux entre la Chine et Qom. Une fois qu’ils ne pouvaient plus cacher l’existence du virus, le régime a répandu des théories de conspiration prétendant que le virus était une arme biologique contrôlée par les États-Unis.
Ce n’est qu’après que des ministres du gouvernement aient été testés positifs que le régime a décidé de fermer les écoles et les universités, une mesure qui est arrivée bien trop tard. Le régime a publié des déclarations enjoignant aux gens de rester chez eux et d’éviter de voyager. Mais pour la majorité de la classe ouvrière qui doit continuer à travailler pour payer son loyer et acheter de la nourriture, cela était pratiquement impossible.
Aujourd’hui, les autorités perdent de plus en plus de contrôle. Elles ont même libéré des dizaines de milliers de prisonniers, car elles savent que les conditions d’hygiène dans les prisons sont si désastreuses qu’une épidémie de COVID-19 en tuerait des milliers. L’incapacité du régime à faire face à la situation et le fait que les gens ordinaires ont été laissés à eux-mêmes ont conduit à de dangereuses spéculations sur les façons supposément efficaces de se protéger. Par exemple, une rumeur s’est répandue à la mi-mars selon laquelle l’alcool pourrait empêcher la COVID-19. Depuis lors, plus de trois douzaines de personnes sont mortes en consommant du méthanol manipulé, qui était vendu sur le marché noir.
Sanctions et crise économique
Dans le contexte de COVID-19, la crise économique en Iran s’intensifie. Les revenus pétroliers continuent de baisser et l’isolement international s’accentue. La pauvreté et le chômage vont augmenter de façon spectaculaire dans les semaines et les mois à venir.
L’administration Trump a déclaré le 19 mars que les États-Unis poursuivront leur politique de pression maximale sur l’Iran. Depuis des années, les sanctions ont rendu l’importation de produits médicaux de plus en plus difficile. Les importations humanitaires – y compris les médicaments – ont diminué ces dernières années. Bien que les entreprises iraniennes représentent environ 70 % des besoins pharmaceutiques du pays, les difficultés causées par les restrictions sur les transactions financières internationales ont entraîné une pénurie dramatique de certains médicaments spécialisés, et maintenant, d’équipements pour lutter contre le COVID-19. À l’heure actuelle, non seulement les kits de test sont rares, mais les produits médicaux en général sont difficiles à obtenir et les prix ont explosé. Il y a un besoin dramatique de millions de masques et de gants de protection. Selon certains rapports, le COVID-19 a tué une vingtaine de professionnels de la santé en moins de 20 jours après la révélation des premiers cas.
Ce sont les pauvres qui doivent le plus souffrir de l’épidémie de COVID-19. Beaucoup de familles doivent partager de petits appartements avec leurs parents et grands-parents, les communautés pauvres sont densément peuplées. La fermeture des petits marchés locaux entraînera la pauvreté et le sans-abrisme car les gens ne peuvent pas se permettre de fermer leurs petites entreprises. Outre les pénuries, les gens ordinaires ne peuvent pas se permettre de se procurer de vrais médicaments. La crise économique, combinée aux sanctions, a affecté le coût des produits fabriqués localement, ainsi que celui des biens importés. En général, le coût des soins de santé pour les familles a augmenté de plus de 20 % au cours de l’année dernière.
Répression et pouvoir militaire
Le régime utilise cette situation pour accroître la répression et le pouvoir militaire. Les journalistes qui ont fait des reportages sur la situation dans les hôpitaux et sur le nombre croissant d’infections ont été arrêtés et punis. Le système de santé est principalement contrôlé par l’armée. Le 13 mars, un comité de lutte contre le COVID-19 a été formé par le régime, composé de l’armée, des GRI, de la police et des services secrets. Ils ont désormais le pouvoir d’”enregistrer” tout le monde via Internet, le téléphone ou même par des visites à domicile. L’accès à toutes les données personnelles signifie que l’armée et les GRI ont vu leur pouvoir augmenter dangereusement. En outre, il est probable que les milices iraniennes ont déjà diffusé COVID-19 en Syrie et en Irak.
Dans la lutte contre le Coronavirus, la classe ouvrière iranienne ne peut pas compter sur le régime et son armée. Il est clair que la mauvaise gestion de cette crise par le régime a déjà coûté des milliers de vies.
La solidarité de la classe ouvrière
La crise du Coronavirus a intensifié la méfiance et la colère des travailleurs. Ils ne voient plus d’autre possibilité que de s’organiser. Partout dans le pays, des groupes d’aide volontaire ont vu le jour : les gens désinfectent les rues de leur propre initiative, distribuent de la nourriture aux familles pauvres ou malades et offrent leurs services aux nettoyeurs des hôpitaux et au personnel des morgues. Les travailleurs collectent de l’argent entre eux afin d’acheter du désinfectant pour les mains, des gants et des masques pour les employés municipaux, qui nettoient les rues, et pour ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter. Ce type de solidarité de la classe ouvrière doit être combiné avec une résistance féroce contre le régime, comme celle que nous avons vue ces derniers mois de 2019.
Les sanctions doivent prendre fin immédiatement, et ce régime corrompu et criminel doit être renversé par la classe ouvrière afin de fournir des soins de santé adéquats et une lutte organisée contre le Coronavirus et ses effets.