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  • La réponse politique de Gustave Dache à Louis Van Geyt, l’ancien président national du Parti Communiste Belge

    Comme je l’ai déjà écrit, je ne suis pas partisan d’entretenir, avec qui que ce soit, des querelles d’anciens combattants nostalgiques, même si mon livre sur ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61” a provoqué des réactions controversées de la part de tous ceux qui y sont politiquement mis en cause. Cette brève réponse me parait toutefois nécessaire. Ce qui est encore aujourd’hui le plus dérangeant pour les staliniens, c’est qu’ils ont été obligés de constater que d’autres militants ouvrier, comme, entre autres, des militants trotskistes, ont pu avoir un rôle modeste mais combien réellement actif, à la pointe du combat de classe, dans cette grève générale de 60-61. Le lecteur trouvera dans mon livre une analyse plus complète sur le rôle du PCB que dans cette brève réponse.

    Par Gustave Dache, auteur du livre ""La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61"

    L’initiative de la préparation du déclenchement et de l’extension interprofessionnelle de la grève générale de l’hiver 60-61 ne revient certainement pas exclusivement au PCB-KPB. Certes, le PCB, surtout ses militants de base, ont été des acteurs importants dans la préparation et le déclenchement de cette grève générale dans différents secteurs, surtout du privé, mais ils ne furent pas les seuls. Si on veut rester objectif, politiquement, il ne faut pas que la direction du PCB s’en attribue l’exclusivité, car il ne faut pas oublier et négliger que d’autres militants de base – tels que des socialistes, des sans-partis, des militants syndicaux de la FGTB et de la CSC, des trotskistes ou des membres de la Jeune Garde Socialiste – ont eux aussi été des acteurs importants dans la préparation et le déclenchement de la grève générale.

    D’ailleurs, il est tout aussi certain qu’une grève générale spontanée d’une ampleur historique ne sera jamais une œuvre individuelle, mais toujours une œuvre collective, provoquée d’abord par l’avant-garde radicalisée, toutes tendances de gauche confondues, s’appuyant sur la volonté de lutte de l’ensemble de la classe ouvrière. Mais aujourd’hui est-il encore nécessaire de rappeler, comme le disait Lénine, que: ”On ne peut vaincre avec l’avant-garde seule.” Il ne suffit pas pour vaincre et guider la classe ouvrière vers la victoire d’être uniquement des acteurs importants du déclenchement d’une grève générale spontanée, encore faut-il être un parti politique porteur d’un programme politique révolutionnaire de rechange, visant essentiellement au renversement du régime capitaliste et déterminé, au moment venu, d’agir en ce sens, sans la moindre réserve.

    Mais pour la direction du PCB, ce ne fut certainement jamais le cas. Je ne prendrai pour preuve que ce que l’ancien président national du PCB, Louis Van Geyt, nous rappelle dans la note de ”L’Étincelle” parue sur internet le 10 février 2011, reprenant la position politique que le PCB avait adoptée lors de la grève générale de l’hiver 60-61. Il a continuellement mis l’accent sur le caractère, ”constitutionnel et non insurrectionnel de la lutte” et en plus, tout comme André Renard, il s’est ”opposé principalement à la marche sur Bruxelles” ainsi qu’aux ”actions violentes comme aux Guillemins, au sabotage des pylônes électriques, etc.”, soi-disant pour ”riposter efficacement à l’aile dure autour du gouvernement.”

    Plus respectueux de la légalité bourgeoisie, il n’est pas possible de trouver. Pourtant, toutes ces actions de violence et ces nombreux actes de sabotage sont inhérents à toute grève générale, à toute lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Il y a de quoi se demander s’il s’agit bien du même parti communiste qui avait participé à la résistance contre l’occupation allemande durant la guerre 40-45 où, pendant cette période, de nombreux actes de sabotages ont été commis par les résistants de toutes tendances politiques. Par contre, d’un autre côté, certains syndicalistes de la base, membres du PCB et en contact direct avec la base dans les usines disaient autre chose. Ainsi, Robert Dussart, délégué syndical FGTB aux ACEC, affirmait, ce à quoi je souscris entièrement, que: ”Il faut préparer sérieusement une Marche sur Bruxelles (…) L’expérience de 1950 a prouvé qu’un tel mot d’ordre est efficace.” (La Gauche du 7 février 1961).

    La tactique politique et les objectifs de la direction nationale du PCB lors de la grève générale de 60-61 ne cadrait absolument pas avec les actions politiques attendues d’un véritable Parti Communiste révolutionnaire. Comme Lénine l’a d’ailleurs magistralement et indiscutablement défini, lorsqu’il disait: ”qu”il fallait préparer activement une situation révolutionnaire”, même en période de mouvement de grève moins général, avec toujours comme but essentiel de contraindre l’adversaire à céder. Cette citation de Lénine est d’ailleurs valable pour tout parti qui se réclame du marxisme.

    Lorsque la grève générale de 60-61 fut déclenchée, la tactique politique adoptée par la direction nationale du PCB correspondait à une politique s’inspirant du caractère du pacifisme, du légalisme, du réformisme, du suivisme face aux appareils syndicaux et d’un alignement sur la politique du grand frère de la social-démocratie réformiste du PSB qui préconisait dans son éditorial du Peuple du 7 janvier 1961, pour décourager les grévistes de réagir suite aux tués du 6 janvier à Liège: ”qu’ils calment leurs nerfs, qu’ils tiennent paisiblement le coup, pas de violence. Sang-froid et décision.” La direction nationale du PCB se limitait de plus à pratiquer une tactique politique réformiste axée sur une action exclusivement parlementaire, au détriment de toute action extra-parlementaire. Le PSB et le PCB n’envisagèrent qu’une opposition exclusivement parlementaire. D’ailleurs le PCB proposait pour toute action que : « des délégations de grévistes rendent visite au parlementaire de droite ». Les militants de la base du PCB, qui avaient participé à la résistance contre l’occupation nazie, avaient de bonnes raisons d’être profondément déçus et choqués par la tactique ainsi que l’orientation prises dans le conflit par la direction du PCB.

    Toutes les tendances et directions de la gauche traditionnelles, dont le PCB, ont chacune donné durant toute la grève des gages de loyauté à la bourgeoisie par leur tactique et leur politique conciliatrice, qui restaient dans un cadre strictement légaliste des institutions de la bourgeoisie. Ces directions ouvrières traditionnelles ont aussi démontré aux larges couches de grévistes qu’elles ne souhaitaient pas pousser les hostilités contre la bourgeoisie jusqu’à leur terme en développant une tactique et une politique d’action révolutionnaire conséquente conduisant à la lutte pour le pouvoir.

    En ce qui concerne l’objectif qui était poursuivi par la direction du PCB, parlons-en du ”constitutionnalisme” du PCB ainsi que du fédéralisme cher à André Renard. Que ce soit avec l’un ou l’autre, il n’y a que le nom qui change, le but est le même rester dans le cadre du capitalisme. Qu’il y a-t-il aujourd’hui de fondamentalement changé pour les travailleurs avec les réalisations politiques du fédéralisme ? Les travailleurs ne subissent-ils plus l’exploitation effrénée du régime capitaliste qui engendre la misère ?

    La grande différence, c’est qu’aujourd’hui, avec le fédéralisme, il y a en Belgique 15% de la population qui vit dans la pauvreté, 23% des retraités vivent sous le seuil de pauvreté. En dix ans, les pensionnés ont perdu près de 30% de leur pouvoir d’achat et 22% des femmes seules n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Il y a un chômage croissant, et en même temps un nombre croissant d’exclusions des indemnités de chômage. Et en plus de tout ce qui précède, ce sont les jeunes travailleurs intérimaires qui subissent de plein fouet l’instabilité de l’emploi suite aux variations de la conjoncture économique provoquées par les crises successives du régime capitaliste, avec toutes les conséquences qui brisent la solidarité entre les travailleurs. Intolérable, scandaleux, irresponsable de la part des directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier d’avoir accepté et de toléré des contrats de travail précaires, remettant ainsi en cause les conquêtes ouvrières si durement arrachées par les travailleurs dans les luttes du passé. Et toute cette politique avec le fédéralisme et un gouvernement en Wallonie à majorité socialiste, tout comme le souhaitaient André Renard et ses amis politiques socialistes. Pendant ce temps, les bénéfices des entreprises capitalistes sont constamment en augmentation. La crise, c’est pour les petites gens.

    Pour terminer cette brève réponse politique, je voudrais encore m’attarder sur le commentaire et le bravo de Josiane Vrand, ex-fonctionnaire employée au bureau du PCB, lorsqu’elle dit que : pour la mise au point de Louis Van Geyt. La façon dont certains ont réécrit l’histoire de la grève de 60-61 et se sont auto-glorifiés – souvent sans que le recadrage nécessaire ne soit opéré – en a choqué plus d’un.»

    L’initiative d’écrire un livre engagé politiquement, comme l’expression d’un parcours et d’un témoignage vécu, n’est pas nécessairement une garantie de faire l’unanimité politique. Chacun a sa propre perception politique d’un évènement, comme par exemple la grève générale historique de l’hiver 60-61. Tous n’en tirent pas les mêmes conclusions. Mais par contre, de mon côté, je reste effectivement persuadé que d’après les retours que j’ai été amené à entendre suite à la parution de mon livre, il apparait que celui-ci en a choqué plus d’un parmi les bureaucrates syndicaux et politiques, ainsi que parmi mes détracteurs politiques de tendance dite radicale. Le contraire m’aurait d’ailleurs inquiété.

    Mais d’un autre côté, je reste conforté dans mon analyse politique. Plusieurs anciens travailleurs et des syndicalistes qui ont participé à cette grève générale du siècle m’ont fait part, lors des meetings que j’ai été amené à faire, de leur approbation quant au contenu et aux conclusions politiques exposées dans mon livre qui, d’après certains, est une révélation puisque cette grève générale de 60-61 a été pour deux générations de militants ouvriers complètement occultées. Certains d’entre eux considèrent même que ce livre sera comme un outil de référence dans leur engagement politique et syndical sur le terrain de la lutte des classes.

    Il ne faut tout de même pas perdre de vue qu’entre ceux qui ont participé activement et se sont engagés sans réserve dans ce combat de classe et qui savent de quoi il s’agissait réellement et ceux qui à l’époque étaient encore au berceau, il n’y a pas photo. Si, aujourd’hui, certains de mes détracteurs politiques adoptent plus que d’autres un réflexe d’auto-défense par rapport à leur propre tendance politique, leur propre appareil de parti, c’est parce que les uns et les autres restent aujourd’hui comme hier largement mis en cause politiquement. C’est là la raison essentielle pour laquelle certains évitent d’aborder le fond du débat politique, s’attardant plutôt sur la forme du livre que sur son contenu politique. En politique, il est toujours risqué de se présenter en donneur de leçon, en virtuose de la modestie, car souvent ce n’est que l’expression d’un mépris politique sectaire envers les militants politiques d’autres tendances politiques que la sienne. Ce livre n’a d’ailleurs aucune prétention de glorification de qui et de quoi que ce soit.

    L’auteur a surtout voulu établir sans complaisance les responsabilités des directions traditionnelles du mouvement ouvrier ainsi que de la gauche socialiste et aussi exprimer une expérience syndicale et politique vécue sur le terrain de la lutte des classes, ce qui n’est pas en soi déshonorant. Cela afin de convaincre les jeunes militants ouvriers d’aujourd’hui d’avoir et de garder envers et contre tout le scepticisme régnant surtout chez la plupart des dirigeants politiques et syndicaux réformistes, une grande confiance dans les incommensurables capacités révolutionnaires que la classe ouvrière est toujours aujourd’hui comme hier capable de déployer.

    A la lecture de ce commentaire, il est évident que certains ex-fonctionnaire du PCB ont un certain culot politique pour oser parler aujourd’hui de recadrage et d’auto-glorification. En effet, malgré la rupture avec le sectarisme du XIe Congrès du PCB de Vilvorde en 1954, il est resté au PCB, des incorrigibles sectaires nostalgiques de l’époque stalinienne, toujours admirateurs en silence du ”Petit Père du Peuple”, Staline, que Trotsky avait dénoncé après la mort de Lénine comme ”le fossoyeur de la révolution d’Octobre 1917”, ce qui s’est avéré historiquement et incontestablement exact. Toutes les bureaucraties, tous les fonctionnaires, tous les courtisans serviles des appareils du PC stalinien du monde ont, pendant le régime néfaste du stalinisme, soutenu et approuvé par de longs et interminables bravos Staline, en lui portant une glorification sans borne. Ils ont tous contribué à conduire l’URSS à sa perte. Dans toutes les controverses entre staliniens et trotskistes, l’histoire a tranché. Le stalinisme a été définitivement condamné, et il ne se relèvera jamais.


    Pour accéder au texte auquel fait allusion Gustave Dache, veuillez cliquer ici.

  • L’ETINCELLE : Mise au point de Louis Van Geyt, ancien président du PCB.KPB

    Notre Camarade Gustave Dache est l’auteur d’un livre intitulé ; « La grève générale insurectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61 » Dans cet ouvrage, Gustave s’en prend beaucoup aux « Mandelistes (LCR) et aux Staliniens (PCB-KPB), ci-dessous , nous livrons à nos lecteurs le point de vue de Louis Van Geyt, ancien président du PCB-KPB.

    Louis Van Geyt, Ancien président du PCB-KPB.

    Pour lire la réponse de Gustave Dache à cet article, veuillez cliquer ici

    Le rôle du PCB, avant, pendant et après la Grande Grève.

    Louis Van Geyt (version ajustée et complétée par l’auteur, de la traduction brute par un(e) bénévole de l’article paru dans le Vlaams Marxistisch Tijdscrift – Revue marxiste flamande – n°21, été 2010).

    « Concentré » :

    1. Qui prit la responsabilité du déclenchement de l’action ? Le rôle de G. Debunne, R. Beelen, F. Lauwers, F.Vandenbranden R. Dussart, M. Baiwir …
    2. L’importance de la date de déclenchement (20.12.60) et du mode de l’action ;
    3. Le contraste entre le « sentiment » dominant d’échec, voire de défaite parmi les participants, et la signification réelle de la grève ; comme barrage contre le virage social à droite tenté par l’establishment, et comme tremplin de la poursuite – même ralentie – pendant les vingt années suivantes, du modèle social belge d’après guerre.

    Sources :

    Les souvenirs personnels de l’auteur, alors collaborateur direct de René Beelen, le numéro 2 du PCB-KPB depuis la rupture d’avec le sectarisme de son XI ème Congrès (Vilvorde – décembre 1954). Ceci, en prenant appui sur les archives du PCB-KPB, conservées et gérées par les ASBL Carcob et Dacob*.

    Développement synthétique du « concentré » :

    1) La grève « généralisée » a été déclenchée le 1er jour du débat plénier de la Chambre sur l’ainsi dite loi unique, non seulement malgré A. Cool et L. Major (les présidents « droitiers » de la CSC et de la FGTB d’alors), mais encore à l’encontre de A. Renard (chef de file de la « gauche wallonne » de la FGTB) qui voulait se limiter à un arrêt de travail de 24 heures en janvier ’61.

    Le point de départ de l’action se situait à la CGSP (avec G. Debunne, alors président général de cette Centrale, et F. Lauwers, secrétaire de la régionale d’Anvers du secteur Communaux de celle-ci) et l’initiative de l’extension interprofessionnelle revint au PCB-KPB (avec R. Beelen, secrétaire national de ce parti, R. Dussart, délégué syndical principal CMB aux ACEC de Charleroi, F. Vandenbranden, dirigeant du Comité d’action des dockers d’Anvers et M. Baiwir, chef de file de l’aile gauche de la délégation CMB de Cockerill, tous trois militants en vue du PCB-KPB).

    A. Renard ne rejoignit la lutte qu’après plusieurs jours de résistance contre elle, pour ensuite se porter à sa direction et infléchir, début ’61, son objectif premier – « abattre la loi unique » – en la plaçant sous le mot d’ordre « fédéralisme et réformes de structure » (ces dernières parfois affublées du label discutable d’ « anticapitalistes ») – mot d’ordre sous l’égide duquel allait être fondé le Mouvement Populaire Wallon.

    2) Le PCB-KPB, important acteur de la préparation et du déclenchement de la grève, par delà le secteur public, n’a pas seulement fortement contribué à l’ample et vigoureux déploiement de celle-ci. Il a en même temps, continûment mis l’accent sur le caractère « constitutionnel et non insurrectionnel » de la lutte. Ainsi, il s’est opposé, principalement par la voix de René Beelen, à une nouvelle marche sur Bruxelles, à des actions violentes comme aux Guillemins, au sabotage des pylônes électriques etc. Il a de la sorte riposté efficacement à la campagne « de l’autobus » de l’aile dure à l’intérieur et autour du gouvernement Eyskens – Lilar (avec entre autres Vanden Boeynants) – campagne selon, laquelle la grève, prétendument était de type « insurrectionnel ».Cette intervention du PCB-KPB fut pour une bonne part dans le fait que la grève allait déboucher sur les suites évoquées au point 3) ci-après.

    3) Parce que la grève avait sensiblement régressé lors du vote final par la Chambre d’une loi unique quelque peu « rabotée », la plupart des grévistes ont repris le travail avec le sentiment que la lutte s’était soldée par un échec, voire par une défaite.

    Or, dans les faits, celle-ci a débouché presque immédiatement sur la chute du gouvernement Eyskens Lilar, sur la dissolution de Chambres dominées par la droite, et sur la formation d’une majorité et d’un gouvernement « de centre gauche » (Lefèvre – Spaak). En somme, l’establishment s’était vu contraint de prendre ses distances d’avec la stratégie agressive de son aile dure.

    Il faut dire que dans la plupart des « bastions » de la FGTB-ABVV, la reprise même résignée du travail s’était déroulée « dans l’ordre », délégués syndicaux en tête, tandis que dans bien des secteurs du mouvement ouvrier chrétien (et particulièrement de l’ACV-CSC) surgit une sérieuse crise à la suite de la non participation du syndicalisme « vert » à l’action décidée des principaux secteurs de son homologue « rouge ».

    Et, tandis que A. Renard et ses compagnons allaient pratiquer la « stratégie de l’Aventin » (c à d se retirer jusqu’à nouvel ordre des instances dirigeantes de la FGTB) G. Debunne et consorts, accompagnés par le PCB-KPB, allaient s’appliquer bientôt à construire le Front commun syndical avec l’ACV-CSC, et à exercer continûment une pression directe sur le PSB (plus tard sur le PS et le SP) et indirectement sur le CVP-PSC.

    Cette stratégie de la « mouvance Debunne » – avec laquelle, fort heureusement, allaient de plus en plus souvent converger celle des successeurs de A. Renard (prématurément décédé) et de ses successeurs à la tête du Mouvement Populaire Wallon, et non moins celle du PCB-KPB, allait faire beaucoup pour qu’en Belgique purent être préservées et même encore poursuivies pendant quelque vingt ans, les avancées sociales de l’après guerre. Ce n’est, en effet, qu’au début des années ’80, par delà la période des « grèves sauvages » d’après ’68, et les combats souvent « rentables », contre la vague de fermetures d’entreprises des années ’70, que la tendance au progrès social à la belge a commencé à s’inverser, notamment par les sérieux « coups de canif » portés au système de l’indexation. Cela alors que dans la plupart des pays voisins le tournant régressif (Thatcher et consorts) allait intervenir bien plus tôt.

    Cette « spécificité » belge – à laquelle l’apport de la stratégie à la fois dynamisante et rassembleuse du PCB-KPB ne peut être sous estimé – ne fut du reste pas étrangère à la phase plutôt sociale de la « construction européenne » (jusques et y compris avec Delors).Mais sans doute ceci n’est-il que le début d’une histoire autre que celle à laquelle a été consacré le présent colloque.

    Bruxelles, janvier et octobre 2010, publié en février 2011

  • Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61

    Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site. Voici cette réponse de la LCR et dans les liens ci-dessous celle de Gustave dache.

    Par A. Henry, L. Perpette, G. Leclercq, G. Dobbeleer le Mardi, 30 Novembre 2010

    Comment Ernest Mandel a empêché la victoire de la révolution socialiste en 60-61» : tel devrait être le titre du livre que Gustave Dache, militant ouvrier et vétéran carolo de la grève du siècle, a intitulé « La grève générale révolutionnaire et insurrectionnelle de 60-61 ».(1) Dache y défend l’idée que la Belgique connut à cette période une situation ouvertement révolutionnaire au cours de laquelle la classe ouvrière fut à deux doigts de s’emparer du pouvoir politique par une insurrection. L’échec, selon Dache, est dû au fait que les travailleurs furent trahis par leurs directions traditionnelles ainsi que par la gauche renardiste au sein de la FGTB, qui dévia le combat vers le fédéralisme.

    Mais le livre constitue avant tout une dénonciation extrêmement violente d’Ernest Mandel et de ses partisans qui, à l’époque, pratiquaient « l’entrisme » dans la social-démocratie. Pour Dache, la révolution aurait triomphé si « le groupe Mandel » avait été révolutionnaire en pratique ; or, selon lui, il s’est avéré qu’il ne l’était qu’en théorie. Chapitre après chapitre, l’auteur martèle que « les mandélistes » ne sont en vérité et par essence que des « capitulards », des « liquidationnistes », des « réformistes », des « pseudo marxistes », de « faux trotskistes », des « suivistes » et des « opportunistes » visant pour la plupart à « faire carrière ». Ces accusations sont grotesques mais on connaît l’adage : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».

    Gustave Dache ayant trouvé le moyen de faire imprimer ce qu’il répète sans succès depuis 50 ans, nous sommes bien obligés de mettre un certain nombre de choses au point par écrit. Nous ne serons pas exhaustifs, cela nous entraînerait trop loin, tant l’ouvrage fourmille d’inexactitudes, de demi-vérités et de mensonges purs et simples (un chapitre entier est carrément repris d’un auteur lambertiste de l’époque, spécialiste du genre). Au-delà des querelles d’anciens combattants, notre souci est de donner une image correcte de ce que furent la grève du siècle et l’intervention de la section belge de la Quatrième Internationale dans cet événement. Car une conscience anticapitaliste se construit sur une interprétation juste des faits historiques, pas sur des mythes, des caricatures et des insultes.

    1. La Belgique connut-elle une situation révolutionnaire et insurrectionnelle au cours de l’hiver 60-61 ?

    Gustave Dache répond sans hésiter : « oui ». Nous ne partageons pas cette appréciation. Rappelons que, pour Lénine, une situation est révolutionnaire lorsque trois conditions sont remplies simultanément : 1°) ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant ; 2°) ceux d’en haut n’en sont plus capables ; 3°) les classes moyennes hésitent entre les deux camps. La deuxième condition n’a jamais été remplie en 60-61. La classe dominante resta unie et déterminée, elle ne perdit jamais le contrôle de la situation et fut loin d’épuiser toutes ses cartouches. La Belgique de 60-61 ne connut même pas une vacance temporaire du pouvoir, comme lors du Mai 68 français, quand De Gaulle disparut en Allemagne pour consulter ses généraux. Après cinq semaines, les travailleurs reprirent le travail sans avoir été battus, le gouvernement Eyskens tomba en avril, et le PSB, revenu au pouvoir, appliqua la « Loi Unique » par morceaux. Gustave Dache ne conteste pas cet enchaînement des faits. Or, celui-ci conduit à s’interroger aussi sur la première des trois conditions citées par Lénine.

    Il ne s’agit pas de minimiser la portée de 60-61 mais de prendre la juste mesure de l’événement. En effet, si la majorité des travailleurs était invaincue et avait vraiment perdu toute illusion sur la social-démocratie au cours de la grève, comment expliquer qu’elle ne soit pas repartie au combat quelques mois plus tard? La classe ouvrière aurait-elle été écrasée entre-temps ? Historiquement, les situations révolutionnaires qui n’ont pas débouché sur la prise du pouvoir par les travailleurs ont toujours et nécessairement abouti à la victoire de la contre-révolution, c’est à dire à l’écrasement du mouvement ouvrier organisé. Où Dache voit-il un tel écrasement dans la période qui a suivi la grève ? Quand et comment la situation révolutionnaire prétendument ouverte par la grève générale s’est-elle refermée ?

    Ici, une clarification s’impose. Dans sa préface au livre de G. Dache, Eric Byl, dirigeant du PSL, parle des « six grèves générales » qui auraient eu lieu en Grèce au cours des premiers mois de cette année… A cette aune, on comprend que 60-61 constitue pour lui une révolution ! Cependant, confondre une grève générale et un arrêt de travail généralisé de 24 heures constitue une erreur sérieuse. Le marxisme révolutionnaire parle de grève générale quand le fleuve ouvrier déborde les digues et inonde la société au point que plus personne ne sait quand et comment le faire rentrer dans son lit. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que toute grève générale ouvre une situation potentiellement révolutionnaire, donc potentiellement insurrectionnelle.

    De plus, entre une situation potentiellement révolutionnaire, une situation pré-révolutionnaire, une situation réellement révolutionnaire, et une situation où les conditions pour une victoire révolutionnaire sont réunies, il y a encore tout un chemin à parcourir. (2) L’expérience pratique doit amener la masse des travailleurs mobilisés à se détourner successivement des directions collaborationnistes, réformistes, réformistes de gauche ou « centristes » (3), permettant ainsi le développement d’un parti révolutionnaire qui commence à être reconnu comme une direction alternative crédible à l’échelle de masse. L’expérience historique enseigne que ce processus est intimement lié à l’auto-organisation des travailleurs. C’est pourquoi le niveau de développement des organes de pouvoir des travailleurs est un bon indicateur du caractère révolutionnaire ou prérévolutionnaire d’une situation donnée, quelle qu’elle soit.

    Or, que montre la grève générale de 60-61 à cet égard ? Dans plusieurs localités du Hainaut, des comités élus par les grévistes ont pris en charge le combat et même certains aspects de la vie quotidienne, tels que la circulation des véhicules, etc. Mais il s’agissait généralement de structures territoriales, formées dans les Maisons du Peuple, et pas de véritables comités de grève, élus en assemblée générale des travailleurs, au niveau des entreprises. Ces structures territoriales sont restées relativement isolées et n’ont pas commencé à se coordonner. Pourquoi sont-elles apparues dans le Hainaut ? Parce que l’appareil FGTB s’y opposait ouvertement à l’aile gauche renardiste. A Liège, où Renard assumait le mouvement, les comités étaient inexistants. Ils n’existaient pas non plus en Flandre, où les grévistes, confrontés au sabotage de la CSC, se regroupaient derrière la FGTB en tant que telle. « La Gauche » a appelé à former des comités de grève, elle a même avancé la perspective d’un congrès national de ces comités ; mais cette revendication restait très propagandiste, contrairement à ce qu’écrit Dache.

    Concrètement, la seule manifestation généralisée de pouvoir des travailleurs fut la désignation, par le syndicat, des travailleurs autorisés à entrer dans les entreprises pour l’entretien de l’outil. C’est important, mais cela ne suffit pas à caractériser la situation comme révolutionnaire. Ou alors il faudrait conclure qu’une révolution pourrait se dérouler sans que l’appareil syndical perde le contrôle des masses, ce qui est absurde.

    Dache prend systématiquement ses souhaits pour des réalités. Il ne tient pas compte du fait que la grève générale n’était certainement pas perçue comme « révolutionnaire » ni « insurrectionnelle » en Flandre. Il affirme que le saccage de la gare des Guillemins et les affrontements qui ont suivi, à Liège le 6 janvier, constituaient une « insurrection prolétarienne ». C’est confondre émeute et insurrection : une insurrection ne consiste pas à casser les vitres des gares mais à s’emparer des lieux du pouvoir politique et des points stratégiques, tels que les bâtiments officiels, les parlements, la radio et la TV, les centrales électriques, les nœuds de communication, les centrales téléphoniques, etc. Rien de tel ne s’est produit en 60-61. Les nombreux actes de sabotage mentionnés par Dache n’apportent pas non plus une preuve du caractère révolutionnaire de la situation. La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire. Telle est la vérité historique.

    2. Le « groupe Mandel » est-il resté à la remorque de Renard ?

    Dache dénonce André Renard, mais il est bien obligé d’admettre que celui-ci était vu et reconnu unanimement comme l’âme de la grève et comme son dirigeant incontesté. Partout, les grévistes réclamaient Renard, y compris et surtout dans les régions qui connurent des formes d’auto-organisation. Renard incarnait la gauche de la FGTB en lutte ouverte contre la droite social-démocrate, son autorité resta intacte jusqu’au bout et il garda le contrôle du mouvement même après l’avoir fait dévier vers l’objectif du fédéralisme.

    Ce n’était certainement pas un révolutionnaire, mais ce n’était pas non plus un réformiste, et encore moins un partisan de la cogestion du capitalisme ! Il était auréolé du prestige de la Résistance, apparaissait comme un partisan du socialisme par l’action et semblait porter le combat pour les réformes de structure adoptées lors des congrès de 54 et 56 de la FGTB. C’est dire qu’il y avait pour le moins fort peu d’espace politique à gauche de Renard en 60, et qu’il convenait d’agir intelligemment. Se couper radicalement de lui, comme Dache le prône, aurait signifié se couper radicalement de la grande masse des grévistes et de toute leur avant-garde. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Même après la grève, le prestige de Renard était tel que le Mouvement Populaire Wallon, qu’il avait fondé, compta plus de vingt mille adhérents. L’immense majorité des travailleurs radicalisés dans le combat contre la Loi Unique furent membres du MPW.

    Pour autant, il est complètement faux et grossier d’affirmer, comme le fait Dache, que la section belge de la Quatrième Internationale serait restée à la remorque de Renard. Les tensions furent très vives, au contraire. En février 1959, Mandel et Yerna (qui ne fut jamais trotskyste) rompirent avec Renard parce que celui-ci avait fait volte-face dans la solidarité avec la grève des mineurs du Borinage. Une certaine réconciliation intervint par la suite, avant la grève, mais elle resta superficielle. Les désaccords étaient nombreux. Contrairement à Renard, qui ne se prononça jamais sur ce point, « La Gauche » mena campagne pour que les réformes de structure soient clairement anticapitalistes. La surenchère de Dache à ce sujet est complètement déplacée. Il prétend que notre courant défendait des réformes néocapitalistes et en veut pour preuve que « La Gauche » ne mit pas en avant l’exigence du contrôle ouvrier. Mais il se contredit en citant sa propre intervention lors d’une assemblée de travailleurs du verre au cours de laquelle, de son propre aveu, il ne dit mot de ce contrôle ouvrier, si indispensable à ses yeux !

    Outre Mandel lui-même, plusieurs militants de notre courant se heurtèrent sérieusement à Renard. Ce fut notamment le cas d’Edmond Guidé, qui fit arrêter tout Cockerill à Liège dès le 20 décembre 1960 et que Renard, pour cette raison, démit sur-le-champ de son mandat syndical. Un autre membre notoire de notre organisation, Gilbert Leclercq, fut un des principaux animateurs du comité de grève de Leval, une des expériences les plus avancées en matière d’auto-organisation. Quant à la Jeune Garde Socialiste (le mouvement de jeunes du PSB à l’époque), le seul groupe qui trouve grâce aux yeux de Gustave Dache, les militant-e-s de la Quatrième Internationale y jouaient un rôle de premier plan. Surtout, « La Gauche » fut le seul courant politique à mener campagne pour la marche sur Bruxelles. On apprit par la suite, de bonne source, qu’il aurait suffi que les renardistes reprennent ce mot d’ordre pour qu’Eyskens abandonne la loi unique.

    La marche sur Bruxelles était vraiment la revendication centrale pour celles et ceux qui voulaient que le combat progresse dans un sens révolutionnaire. Mais Renard n’en voulait pas. Notre camarade Lucien Perpète fut dans le collimateur pour avoir scandé ce mot d’ordre lors d’un meeting à Yvoz-Ramet. S’il faut encore une preuve pour démontrer la rupture de « La Gauche » avec Renard, il suffit de mentionner qu’à partir du 24 décembre 1960, lorsque « La Gauche » appela à créer partout des comités de grève et à les coordonner, notre journal dut se faire imprimer à Bruxelles, car Renard interdit qu’il puisse encore être tiré sur les presses du quotidien « La Wallonie », contrôlé par la Centrale des Métallurgistes.

    Il est exact que certaines positions du journal « La Gauche » furent parfois floues, voire approximatives. Mais « La Gauche » était l’organe de la tendance de gauche au sein du PSB, pas de la section belge de la Quatrième Internationale. Bien qu’Ernest Mandel en fût le rédacteur en chef, elle n’exprimait pas toujours des positions marxistes-révolutionnaires, loin de là. On peut certes estimer que les trotskystes auraient dû mettre davantage l’accent sur leur apparition autonome en tant que section de l’Internationale. Mais « grise est la théorie, vert est l’arbre de la vie ». Nos camarades menaient de front le travail politique dans La Gauche, dans les JGS et la participation aux réseaux de soutien au Front de Libération Nationale pendant la guerre d’Algérie. Ils étaient si peu nombreux qu’ils durent se contenter de diffuser leurs positions via un supplément au mensuel de la section française, La Vérité des Travailleurs. Exemple de cette faiblesse: lorsque Georges Dobbeleer commença à travailler comme ouvrier à la FN en 1953, il était le seul militant trotskyste dans la région liégeoise…

    On peut estimer aussi que nos camarades auraient dû claquer la porte du PSB après l’entrée de celui-ci au gouvernement, au lieu d’attendre leur expulsion en 1964. C’est notre opinion et, que nous sachions, c’était, jusqu’à présent, celle de Gustave Dache. Nous nous demandons donc pourquoi il ne l’a pas exprimée dans son ouvrage… Serait-ce pour ne pas gêner ses amis du PSL, qui, eux, sont restés dans la social-démocratie jusqu’en 1993, soit plus de 30 ans après la grève générale de 60-61?

    3. Où s’arrête la critique, où commencent la calomnie et l’insulte ?

    Les points abordés jusqu’ici relèvent du débat politique. Ils peuvent donner lieu à des échanges très vifs, et même à des polémiques. C’est la tradition dans la gauche en général, entre marxistes en particulier. Gustave Dache est virulent dans sa critique de la politique du Parti Communiste, sans déraper pour autant dans l’invective ou la calomnie. Mais il réserve celles-ci à notre courant. Les « mandélistes » sont sa cible principale, sinon exclusive. Deux chapitres leur sont consacrés et le ton extrêmement violent qui est utilisé ne sied pas à un débat entre révolutionnaires. Dache ne nous qualifie pas de « traîtres » mais, de toute évidence, c’est le fond de sa pensée. Ces dernières années, les accusations de ce genre ont disparu des échanges entre organisations de la gauche radicale car le PTB qui y recourait a rangé ses outrances staliniennes au placard. Il est déplorable que le flambeau soit repris par un militant qui se réclame du trotskysme ! Dache fait inévitablement penser à un article de Trotsky concernant Georges Vereecken : « Des sectaires en général et des indécrottables en particulier ». Ce titre s’applique parfaitement à son cas.

    Non seulement le ton et le vocabulaire employés rendent le débat politique difficile (serait-ce le but : empêcher le débat ?), mais en plus Gustave Dache colporte un certain nombre de contre-vérités qui attentent à l’intégrité morale de militant-e-s révolutionnaires. Pour montrer à quel point les « entristes » ont mal tourné, il écrit par exemple que Georges Dobbeleer aurait « fait carrière » comme secrétaire syndical de la CGSP-Enseignement de Liège. Outre le fait qu’il n’est pas déshonorant d’être élu secrétaire syndical par ses camarades de travail, c’est une contre-vérité pure et simple : notre camarade a enseigné jusqu’à sa retraite, à 65 ans ! Est-ce cela « faire carrière » ?

    D’autres affirmations calomniatrices concernent des personnes qui n’ont plus la possibilité de se défendre. Arthur Henry, par exemple, est tombé après la grève dans un guet-apens tendu par le président de l’Union Verrière (un syndicat corporatiste qui existait encore à l’époque, et dont Henry proposait le ralliement pur et simple à la Centrale Générale). Par une manœuvre, le dirigeant de l’UV fit croire que notre camarade refusait d’intégrer au personnel de l’usine de Gilly, dont il était délégué, deux militants d’une autre entreprise de la région, qui étaient victimes de la répression patronale pour faits de grève. Gustave Dache, qui était à l’époque pour le maintien du syndicat corporatiste, prend la version du dirigeant de l’UV pour argent comptant… Il omet de signaler qu’Arthur Henry démissionna de son mandat en guise de protestation contre la cabale! Il omet aussi de préciser que cet incident fut à la base de la formation de la gauche syndicale regroupée autour du bulletin « La Nouvelle Défense », qui allait conduire au renversement des délégations droitières dans plusieurs entreprises verrières de la région…

    Notre dénonciateur de « mandélistes capitulards » donne tellement de leçons de marxisme, de mise en œuvre du programme de transition et de syndicalisme anticapitaliste, et il le fait avec tant de prétention, que nous sommes amenés à poser la question : qu’a-t-il gagné, lui, quelles victoires a-t-il remportées pour la classe ouvrière ? Qu’a-t-il construit sur la durée? Nous l’ignorons et aucun syndicaliste carolorégien n’a pu nous renseigner à ce sujet … Ce que nous savons, par contre, c’est que certains « capitulards mandélistes » eurent à leur actif des réalisations et des luttes exemplaires.

    Le « mandéliste » André Henry dirigea les luttes du secteur verrier dans les années 70, notamment la grève avec occupation, maintien de l’outil sous contrôle ouvrier, élection de comités de grève dans les treize entreprises de Glaverbel au Pays Noir, et centralisation des comités en un comité régional de grève, dont il fut le président. Ce fut l’expérience la plus avancée de mise en pratique du Programme de transition dans l’histoire de notre pays après la deuxième guerre mondiale. Notre camarade était à ce point encombrant que la direction de Glaverbel (Philippe Bodson) lui offrit dix millions de francs belges pour qu’il abandonne le combat, ce qu’il refusa.

    Louis Goire et Armand Dams, délégués de l’aciérie Thomas à Cockerill Liège, eurent à leur actif d’innombrables combats, notamment deux grèves internationalistes d’un quart d’heure pour protester contre les bombardements américains au Cambodge, durant la guerre du Vietnam. Ces délégués syndicaux furent d’ailleurs bureaucratiquement éliminés au début des années 70 par Robert Lambion, un ancien bras droit de Renard. Lucien Perpète joua un rôle très actif dans la première grève des employés de la sidérurgie liégeoise, en 1970-71. Gilbert Leclercq fut, dans sa région du Centre, le principal dirigeant de la grève nationale du secteur de la construction, en 1968. Pierre Legrève, qui échappa miraculeusement à la mort lors d’un attentat dirigé contre lui par l’extrême-droite colonialiste en raison du rôle central qu’il jouait dans le soutien au Front de Libération Nationale algérien, parviendra à renverser la bureaucratie syndicale social-démocrate dans la CGSP-Enseignement à Bruxelles et à y animer pendant deux décennies une équipe de militants syndicaux combatifs s’appuyant sur des assemblées syndicales démocratiques.

    Georges Dobbeleer , outre qu’il fut condamné à trois ans de prison par contumace par la bureaucratie polonaise, pour son travail de solidarité avec les militants ouvriers indépendants, fit adopter la revendication de l’école unique au congrès national de la CGSP enseignement en 1982. Après 1960, les militants de la Quatrième Internationale jouèrent un rôle de plus en plus important dans la JGS, qui mobilisa 6.000 personnes à La Louvière contre le militarisme et l’OTAN, les 14 et 15 octobre 1961, pour le 40e anniversaire du « fusil brisé ». Etc., etc. Dache réussit le tour de force d’évoquer les suites de la grève du siècle jusqu’au milieu des années septante sans dire un mot de ces contributions de nos camarades à la lutte des classes. Craindrait-il la comparaison ?

    André Henry, Lucien Perpette, Gilbert Leclercq, Georges Dobbeleer


    Notes:

    (1) Gustave Dache, « La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de 60-61 », ed. marxisme.be

    (2) « La pensée marxiste est dialectique: elle considère tous les phénomènes dans leur développement, dans leur passage d’un état à un autre. La pensée du petit bourgeois conservateur est métaphysique: ses conceptions sont immobiles et immuables, entre les phénomènes il y a des cloisonnements imperméables. L’opposition absolue entre une situation révolutionnaire et une situation non-révolutionnaire représente un exemple classique de pensée métaphysique, selon la formule: ce qui est, est – ce qui n’est pas, n’est pas, et tout le reste vient du Malin. Dans le processus de l’histoire, on rencontre des situations stables tout à fait non-révolutionnaires. On rencontre aussi des situations notoirement révolutionnaires. Il existe aussi des situations contre-révolutionnaires (il ne faut pas l’oublier !). Mais ce qui existe surtout à notre époque de capitalisme pourrissant ce sont des situations intermédiaires, transitoires : entre une situation non-révolutionnaire et une situation pré-révolutionnaire, entre une situation pré-révolutionnaire et une situation révolutionnaire ou… contre-révolutionnaire. C’est précisément ces états transitoires qui ont une importance décisive du point de vue de la stratégie politique. Que dirions-nous d’un artiste qui ne distinguerait que les deux couleurs extrêmes dans le spectre? Qu’il est daltonien ou à moitié aveugle et qu’il lui faut renoncer au pinceau. Que dire d’un homme politique qui ne serait capable de distinguer que deux états: "révolutionnaire" et "non-révolutionnaire" ? Que ce n’est pas un marxiste, mais un stalinien, qui peut faire un bon fonctionnaire, mais en aucun cas un chef prolétarien. »  Léon Trotsky, « Où va la France »

    (3) Les marxistes révolutionnaires qualifient de « centristes » les courants de gauche qui oscillent entre réforme et révolution.

  • La réponse politique de Gustave Dache au texte des quatre mandelistes de la LCR (2)

    Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site ("Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61" *). Voici la réponse de Gustave.

    Par Gustave Dache

    Les trois conditions de Lénine

    Ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant

    Ils affirment: ‘‘Pour Lénine, une situation est révolutionnaire lorsque trois conditions sont remplies simultanément.” Examinons si, lors de la grève générale de 60-61, ces trois conditions étaient remplies ou pas. Pour moi, cela ne fait aucun doute, elles l’étaient.

    La première condition est que ”ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant”. La façon dont les travailleurs du pays ont réagit dans des grèves précédant le conflit de 60-61 mais surtout leur réaction face au projet d’austérité du gouvernement est assez significative de cette volonté de ‘ne plus être gouvernés comme avant.” La façon dont ils ont réagi spontanément, sans mot d’ordre, est assez éloquente également. Mais il n’y avait pas que du côté des travailleurs qu’existait l’hostilité et le rejet envers ceux d’en haut.

    Cette hostilité et ce rejet s’exprimaient aussi du côté des classes moyennes. Même la grande presse avait pris ses distances en ne soutenant plus le gouvernement. Deux exemples l’expriment, parmi d’autres. Le Soir du 17 janvier disait ainsi que: ”On peut vraiment dire qu’il n’y aura pas un seul domaine de la vie nationale sur lequel les erreurs du gouvernement n’auront lourdement pesé.” L’audience de ceux d’en haut était, en plus d’être mise à mal depuis plusieurs années, complètement discréditée de part leur honteuse recherche du profit et de l’exploitation des masses et des richesses congolaises.

    La grande presse de droite, qui jusque là soutenait le gouvernement sans réserve, a commencé à le lâcher. C’est ainsi que ”L’écho de la Bourse”, le 16 janvier, a notamment écrit que: ”Nous exprimons principalement le souhait que le gouvernement, après s’être débarrassé de la pression de l’émeute, prenne le temps de la réflexion et renonce à accabler le pays de la loi inique.”

    Ceux d’en haut n’en sont plus capables

    La deuxième condition de Lénine est que : ”ceux d’en haut n’en sont plus capables” (de gouverner). Bien qu’en apparence ceux d’en haut ont tout fait pour apparaître unis, ce ne fut pas évident dans les faits. En effet, pendant les dix premiers jours de cette grève générale d’un déferlement et d’une puissance jamais égalée, le gouvernement de la droite réactionnaire de la grande bourgeoisie sont inquiets, ils ont des doutes, des hésitations, ils tâtent le terrain quant à la façon de réagir. Il sont impuissants face à cette grève générale qui paralyse toute l’économie, où l’objectif révolutionnaire était clairement défini, surtout les dix premiers jours d’un conflit de classe sans précédent.

    En plein désespoir, le gouvernement cherche une solution qui ne lui fasse pas perdre la face. C’est alors qu’il suspend les débats à la Chambre des représentants. Si, du côté des partis politiques de la droite au gouvernement, cette ”dérive révolutionnaire est dénoncée et condamnée”, il n’en demeure pas moins que si les uns voulaient composer et les autres réprimer la ”canaille communiste”, les uns et les autres étaient aux abois mais en même temps voulaient tous et à tout prix sauver l’essentiel: leur pouvoir.

    Dans les dix premiers jours, le gouvernement et ceux d’en haut qui le soutenaient étaient désemparés. Car la grève générale n’a pas seulement paralysé toute l’économie du pays, elle a eu en même temps pour conséquence que le gouvernement n’était plus en état de fonctionner normalement. Il était victime d’une paralysie momentanée. Lorsqu’il a constaté que les directions traditionnelles donnaient des gages de loyauté, qu’elles ne souhaitaient pas pousser les hostilités jusqu’à leur terme, et alors seulement, le gouvernement a repris de l’assurance et a réagi avec vigueur en donnant des consignes à la gendarmerie pour faire remettre les grévistes au travail et en finir avec ce conflit de classe.

    Pendant la trêve des débats parlementaires, le gouvernement comptait aussi sur elles pour voir le conflit s’enliser et les grévistes se lasser. Mais il n’en fut rien, au contraire. Les différents ministres sont tour à tour intervenus à la télévision afin de décourager les travailleurs de continuer la lutte n’ont eu aucun effet sur le moral des grévistes. Au contraire, la lutte a repris avec plus de vigueur et la situation est devenue encore plus explosive et plus incontrôlable que les jours précédents.

    La suspension des débats à la Chambre des représentants et la mise en congé du Parlement du 22 décembre 1960 au 3 janvier 1961, pendant une longue période de douze jours, est déjà en soi synonyme d’une carence temporaire du pouvoir de la bourgeoisie. C’est la principale institution de l’Etat bourgeois, là où elle exerce sa domination puisqu’elle y est largement majoritaire. Cet événement est d’autant plus significatif qu’ils voulaient faire voter la Loi Unique rapidement avant le 31 décembre 1960. En se débarrassant de l’une des plus hautes institutions de l’Etat, la bourgeoisie était contrainte à se passer du moyen de faire voter la Loi Unique. D’autre part, dans ces circonstances de grève générale, le Parlement constituait une entrave légale à la domination complète de la bourgeoisie dans un conflit classe contre classe qui se déroulait dans la rue. La bourgeoisie connaissait parfaitement l’objectif révolutionnaire de la grève générale. Les dirigeants des organisations ouvrières étaient eux aussi parfaitement conscients de la trame de fond et des sentiments révolutionnaires qui existaient au sein de la classe ouvrière du pays.

    Cette situation a donc ouvert pendant douze jours une carence temporaire du pouvoir en Belgique, aussi significative que celle qu’a connu la France en Mai ’68 lorsque De Gaule s’est rendu à Baden Baden en Allemagne pour s’assurer le soutien de ses généraux face à la menace révolutionnaire présente en France en mai 68, tout comme en Belgique en 60-61. Elle prit une forme similaire, mais chacune ont gardé leur spécificité.

    D’autre part, le 9 janvier 1961, à 4h30, le gouvernement s’était réuni en vue de prendre des mesures d’urgence pour prévenir toute action insurrectionnelle spontanée. Les rapports reçus dans la nuit par les différents services de police signalaient une impressionnante série d’actes de sabotage, surtout en Wallonie, et qui ont fait craindre au gouvernement que l’insurrection ouvrière ne soit entrée dans une phase active. Dès 6h du matin, une vague d’arrestations a eu lieu, avec 200 arrestations dans les régions rouges.

    Mais si, en 60-61, la bourgeoisie belge fut loin d’avoir épuisé toutes ses cartouches, la classe ouvrière non plus n’avait pas épuisé toutes les siennes, ni toutes ses ressources. Son potentiel de combativité révolutionnaire était resté intact. Les forces de la classe ouvrière non seulement ne furent pas épuisées, mais s’étaient même renforcées par l’expérience acquise par les grévistes lors des nombreux affrontements de classe.

    Si je reprends souvent des citations de Trotsky, c’est par ce qu’elles ont supporté l’épreuve du temps et des évènements et qu’elles gardent leur actualité, toujours aujourd’hui, du moins pour ceux qui veulent obtenir une transformation socialiste de la société. Voyons ce qu’il disait concernant la carence du pouvoir du gouvernement : ”L’importance fondamentale de la grève générale, indépendamment des succès partiels qu’elle peut donner, mais aussi ne pas donner, est dans le fait qu’elle pose d’une façon révolutionnaire la question du pouvoir. Arrêter les usines, les transports, en général tous les moyens de liaison, les stations électriques, etc., le prolétariat paralyse par cela même non seulement la production, mais aussi le gouvernement, le pouvoir étatique reste suspendu en l’air. (Léon Trotsky, Où va la France, souligné par G. Dache)

    Les classes moyennes hésitent entre les deux camps

    En ce qui concerne la troisième condition ”les classes moyennes hésitent entre les deux camps”; la grève générale a eu une immense audience sur la population. Le constat le plus remarquable et le plus significatif en ces journées de lutte, c’est la façon dont les couches les plus politisées des classes moyennes se sont non seulement solidarisées, mais ont apporté leur soutien au mouvement de grève générale. Les petits commerçants, les artisans, les cafetiers, les boulangers, les petits rentiers, etc., toutes ces catégories se sont montrées disciplinées et respectueuses des consignes données par les comités de grève, aux réunions desquelles il est parfois arrivé que l’un de leurs représentants participe.

    La petite-bourgeoisie avait fort bien compris que le projet d’austérité du gouvernement la touchait également et qu’elle n’avait d’autre solution que de s’associer à la classe ouvrière pour le combattre. Nombreux sont ceux de la petite-bourgeoisie qui ont compris qu’il leur fallait pour survivre se ranger du côté de la classe ouvrière en lutte contre leur ennemi commun: le Grand Capital. La classe ouvrière est la seule classe sociale capable de résister au projet d’austérité capitaliste. L’appui de ces couches était très important pour le succès final du mouvement.

    La classe dominante sentit se dérober sous ses pieds l’appui des couches intermédiaires de la petite bourgeoisie, qui généralement lui sont acquise. Cette situation d’alliance de la petite-bourgeosie avec le prolétariat a été occultée par les appareils réformistes de la FGTB et du PSB. Ils ont dissimulé la véritable nature de classe de cette alliance. Il y a d’ailleurs eu des exemples concrets de celle-ci, comme lorsque les commerçants de La Louvière ont tenu à marquer leur solidarité avec les grévistes en prenant contact avec eux pour les aider. Des sommes d’argent et des vivres ont été apportés aux grévistes pour les soutenir dans leur lutte contre la grande bourgeoisie.

    Il n’y a d’ailleurs pas que les couches de la petite bourgeoisie qui se sont senties solidaires, comme lorsque Le Peuple signale que les soldats et les gendarmes supplétifs avaient de la sympathie pour la grève générale. Des soldats avaient fait savoir aux grévistes qu’ils n’avaient pas de balles, et certains gendarmes supplétifs avaient prêté leurs bons offices pour établir les liaisons entre les piquets de grève. Il faut rappeler que lors de la grève générale de 1950, il y avait déjà eu un début de désintégration de l’armée. Jean Louvet se souvient aussi que des grévistes s’adressaient à des soldats leur disant: ”tu ne vas quand même pas tirer sur ton père.” Les soldats répondaient : ”Non monsieur.”

    Les quatre auteurs de la lettre de la LCR me font inévitablement penser à Trotsky quand il dit que: ”A l’école de Lénine, il faut apprendre la méthode d’action et non pas changer le léninisme en citation et en recette bonne pour tous les cas de la vie.” (Où va la France) Cette citation s’applique parfaitement à leur cas.

    La question des occupations

    Concernant l’occupation des établissements publics et des points stratégiques, certes, ce ne fut pas un phénomène généralisé à toute la Belgique. D’une part, il n’y a jamais eu de mot d’ordre d’occupation et, d’autre part, l’essentiel de la lutte classe contre classe se situait dans la rue. Il est toutefois à noter que, spontanément, la régie de l’électricité de Gand a été occupée pendant dix jours. En plus, Le Soir du 28 décembre 60 signale que: ”A Soignies, absolument toutes les industries sont paralysées. Les grévistes qui sont environ 1200 à 1300 contrôlent la situation. Ils occupent tous les établissements publics, écoles, poste, gare, usine, tout est fermé.” Dire comme le font mes quatre détracteurs que: ”rien de tel ne s’est produit en 60-61”, c’est encore une fois minimiser la juste réalité des faits. C’est aussi nier toutes les initiatives spontanées des grévistes d’occupation d’établissements et d’usines. A La Louvière, c’est le comité de grève qui a pris le pouvoir et a contrôlé absolument toute la situation. Le comité de grève dirigeait la grève de main de fer et fonctionnait comme un soviet, même les policiers communaux n’agissaient pas sans le consulter.

    Si un mot d’ordre d’occupation avait été lancé par les directions ouvrières, il est certain que l’occupation des entreprises et des points stratégiques aurait été largement réalisée. Il est évident que, ici et là, il y aurait eu des difficultés mais qui aurait pu empêcher les 10.000 grévistes des ACEC, les milliers de sidérurgistes, les milliers de verriers, d’occuper leurs usines ? Qui aurait pu empêcher les manifestations de 30 ou 40.000 grévistes de prendre d’assaut les points stratégiques, la radio, la TV, les centrales électriques, les gares, etc. ? Si les grévistes ont été capables de risquer leurs vies en commettant les nombreux actes de sabotages, il ne fait aucun doute pour les plus conscients qu’ils auraient été capables d’occuper les usines et les points stratégiques.

    Les illusions envers la social-démocratie

    Les quatre auteurs de la LCR posent la question suivante : ”si la majorité des travailleurs était invaincue et avait vraiment perdu toute illusion sur la social-démocratie au cours de la grève, comment expliquer qu’elle ne soit pas repartie au combat quelques mois plus tard?” On peut souvent entendre ce genre de phrase, si hautaine et méprisante, dans la bouche des réformistes, des communistes de salon et des sceptiques en tous genres. Mais on constate qu’aujourd’hui que les quatre mandelistes de la LCR ont repris le flambeau en se posant la question: ”comment expliquer qu’elle ne soit pas repartie au combat.” Poser cette question, c’est de la démagogie caractérisée envers les grévistes qui, durant cinq semaines, ont fait leur devoir de classe.

    Il ne faut pas idéaliser la classe ouvrière. C’est des partis politiques que doivent provenir les mots d’ordre de mobilisation de combat, ce sont eux qui doivent fixer les objectifs révolutionnaires. Même si ceux-ci ne furent pas atteints, il est certain que les travailleurs du pays sont restés invaincus. Mais les directions ouvrières traditionnelles n’ont pas envisagé de lancer une campagne révolutionnaire hardie dans la perspective de la conquête du pouvoir. En ce qui concerne ces directions, il n’y a rien d’étonnant. Ce qui a été le plus surprenant, c’est que ceux qui pourtant se profilaient comme le symbole de la gauche révolutionnaire n’ont pas non plus, au moment décisif de la lutte, eu le courage politique de développer en toute indépendance des appareils une agitation qui devait s’organiser autour des slogans et des moyens d’organiser vraiment la lutte pour le pouvoir.

    Aujourd’hui, rejeter ce manque de courage politique sur le dos des grévistes parce qu’ils ne sont pas repartis en grève, c’est le signe d’un grand mépris politique envers les travailleurs.

    C’est bien parce que les grévistes avaient perdu toute illusion sur la social-démocratie en général qu’ils ne pouvaient pas recommencer la même expérience avec la même direction capitularde. Ils n’avaient d’ailleurs pas le choix, car la classe ouvrière tolère la direction capitularde jusqu’au moment même où apparaît concrètement dans la lutte une nouvelle direction de rechange politiquement courageuse d’agir comme révolutionnaire. Mais au lieu d’une apparition, les grévistes ont eu droit à une éclipse.

    Un autre indice qui n’est pas moins révélateur des illusions perdues du réformisme, c’est l’adhésion de nombreux grévistes au MPW fondé par la suite par André Renard, le Mouvement Populaire Wallon. Nombreux étaient les travailleurs qui cherchaient une alternative au réformisme. Hélas, ils n’ont pas trouvé de réponse à leurs attentes dans le MPW et, rapidement, ce dernier a perdu toute force d’attraction. Les espoirs qu’il avait suscités se sont avérés vains.

    La pression de la base pour le décumul des mandats politiques et syndicaux est un autre indice que les grévistes voulaient prendre leur distance vis-à-vis de la prédominance de la direction du PSB sur la FGTB, raison pour laquelle ils voulaient se détacher également de la direction de la FGTB. Le MPW a été une expression de cela.

    Dans la grève générale de 60-61 ont jailli spontanément des mots d’ordre de la base qui tendaient à poser directement dans la lutte la question du pouvoir. Mais, une nouvelle fois, une vérité historique a été vérifiée: au plus loin que l’on puisse remonter dans le domaine de la lutte des classe, aussi puissante qu’elle soit dans ses méthodes et ses objectifs révolutionnaires, le combat spontané des masses ne peut à lui seul arracher le pouvoir pour la victoire du socialisme. Ce qui a cruellement manqué dans cette grève générale, c’est une direction de combat capable de prendre courageusement ses responsabilités révolutionnaires aux moments décisifs de la lutte. Mais la construction d’un parti marxiste révolutionnaire est seule capable de mener la classe ouvrière à la victoire de la révolution socialiste. Ce processus de construction est inséparablement et impérativement lié au processus de destruction des appareils réformistes sociaux-démocrates de gauche comme de droite, historiquement contre-révolutionnaires. Cette tâche reste devant nous, aujourd’hui comme hier. Et ce n’est certainement pas en restant soumis et à la remorque de ces appareils qu’il est possible de se débarrasser des entraves que constituent tous ces appareils. Ce n’est pas non plus en quittant le champ de bataille, où tout restait possible, qu’on peut y parvenir efficacement.

    ”Un monde révolutionnaire”

    On peu considérer qu’il est important de participer à un Congrès Mondial de la Quatrième Internationale, dont la tâche est en principe de discuter et de définir théoriquement l’orientation d’une politique révolutionnaire pour changer de société. Changer de société, c’était bien ce qui était à l’ordre du jour en 60-61 pendant la tenue même de ce Congrès. Je ne vais pas m’attarder ici sur la résolution de politique générale de ce 6e Congrès de la Quatrième Internationale, cela m’entraînerait beaucoup trop loin. Mais il est à mon avis encore plus important et absolument indispensable, lorsque se déroule un conflit de classe d’une ampleur exceptionnelle dans son propre pays, de rester pratiquement à son poste de combat avec les travailleurs en lutte dans une grève générale comme celle de 60-61.

    Hélas, pour Ernest Mandel, Georges Dobbeleer et Pierre Wouwermans, ce ne fut visiblement pas le cas. Pendant 10 jours, du 26 décembre 60 au 4 janvier 61, ils ont préféré se rendre en Allemagne à ce Congrès de la Quatrième Internationale (voir à ce sujet le livre de Georges Dobbeleer ”Sur les traces de la révolution”, p.193)

    Ce n’est certainement pas en quittant son poste de combat auprès des travailleurs en lutte, qui pourtant démontraient le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, qu’il est possible d’agir pratiquement comme marxiste révolutionnaire pour la victoire de la lutte pour la révolution socialiste. Mais il est vrai que, pour la tendance mandeliste, il n’y avait pas en 60-61 de ”grève générale” et ”la situation n’a jamais été révolutionnaire”. Ainsi, pour Ernest Mandel et sa tendance, la grève générale n’était pas une ”lutte révolutionnaire”, elle n’était d’ailleurs même pas ”générale”. Mais par contre, dans la brochure ”Force et faiblesse d’un grand combat”, Ernest Mandel écrit notamment que ”une bataille comme la grève belge de 1960-61 (…) reste possible partout (…) il n’y a pas un seul pays qui, dans le monde révolutionnaire d’aujourd’hui, ne puisse en l’espace de quelques années, être amené au bord de la révolution” (p.29)

    Donc, le monde était révolutionnaire, mais pas la grève générale de 60-61. Cette contradiction politique est l’expression de la confusion de la pensée par rapport aux marxistes révolutionnaires. Ce désordre apparent de la pensée a, en réalité, un sens politique précis, celui de semer la confusion afin de se disculper, de se dédouaner. Il est surprenant de la part de ceux qui se réclament du programme de transition de la Quatrième Internationale d’en arriver à ce genre de conclusion manquant totalement de réalisme politique. Bon nombre de militants de gauche, qui ne se réclament pourtant pas du marxisme, en étaient arrivés à mieux percevoir les vraies réalités révolutionnaires sous-jacentes de la grève générales révolutionnaire de 60-61.

    Mais le désordre apparent de la pensée des mandelistes se manifeste en réalité dans une perception politique minimaliste des évènements. Chez certains mandelistes comme André Henry, ce scepticisme qui se traduit par un manque de confiance envers le potentiel de combativité des travailleurs va encore plus loin, comme lorsqu’il balaye du revers de la main la combativité de ses camarades de travail dans la grève générale. Dans La Gauche (2010, n°50, p.12), il dit que ”les camarades en verrerie avaient une peur bleue des grèves.” C’est vraiment dire le contraire de la vérité, surtout pour ceux qui comme moi ont travaillé pendant quinze ans en verrerie. Si les travailleurs du verre avaient vraiment eu ”une peur bleue des grèves”, comment expliquer leur départ spontané en grève le 20 décembre au matin, n’écoutant que leur instinct de classe, contre l’avis des délégués principaux de Glaverbel-Gilly, de Barnum, et de Splintex-Gilly qui, eux, attendaient avec une peur bleue le mot d’ordre de la centrale FGTB?

    J’aimerais aussi que l’on m’explique comment un piquet de grève volant constitué uniquement de travailleurs du verre a été capable de faire débrayer pas moins de 5 entreprises verrières. Ce genre d’initiative spontanée des travailleurs du verre correspond-elle à une ”peur bleue des grèves” ou à une grande combativité ? C’est au lecteur d’en juger. Contrairement à ce que dit également André Henry, la verrerie Gobbe n’a pas démarré le 23 décembre 1960, mais le 20 décembre 60, au matin, dès le début de la grève générale, entraînant d’ailleurs dans son sillage tout le secteur verrier. Et idem pour les ACEC, ils ne sont pas partis en grève le 21 décembre 60, mais le 20 décembre, au matin, et entraînant à leur tour toutes les industries du métal de Charleroi.

    7 heures d’insurrection à Liège

    Il n’était pas nécessaire d’être un militant politique érudit pour apprécier correctement la signification révolutionnaire de la grève générale, pour voir qu’elle faisait du renversement du régime capitaliste son objectif principal, directement accessible. L’expression de cette volonté profonde s’est entre autres traduite dans le saccage de la gare des Guillemins à Liège, qui représentait un symbole de l’Etat Bourgeois, la fierté d’un édifice public nouvellement restauré.

    Aux yeux des grévistes, en s’attaquant à cette gare, ils avaient, faute de mieux, le sentiment de s’attaquer à l’Etat bourgeois. Peut-on sérieusement réduire les faits d’armes de la classe ouvrière aux simples ”bris de vitre” ? Je ne le pense pas. Le 6 janvier à Liège fut un véritable champ de bataille. Durant 7 heures, on a connu une véritable insurrection ouvrière. Pourtant, les quatre mandelistes de la LCR nient le caractère insurrectionnel de l’explosion de colère du 6 janvier, il le réduise à de simples bris de vitres. Pourtant dans Tribune Socialiste (organe du Parti Socialiste Unifié français, le parti de Mandes France à l’époque) du 14 janvier 1961, sous la signature d’Ernest Mandel, on pouvait lire – mais uniquement en France – que ”La bourgeoisie craint que l’explosion de colère qui a produit 7 heures d’insurrection à Liège, se généralise à toute la Wallonie. Car la bourgeoisie connait la profonde radicalisation, l’importante prise de conscience que la grève a déjà provoqué au sein de la classe ouvrière.”

    A la lecture du texte de mes détracteurs, on peut conclure sans risque de se tromper qu’ils n’ont certainement pas perçu le sens politique profond de la grève générale. De ce fait, ils ne peuvent comprendre que l’explosion de colère qui, comme l’a d’ailleurs écrit Ernest Mandel, ”a produit 7 heures d’insurrection à Liège”. Ce qui a entraîné de nombreux blessés et la mort de trois grévistes. Ces affrontements violents étaient l’expression d’une situation insurrectionnelle et révolutionnaire.

    Comme le disait Trotsky: ”Qui ne voit pas que la lutte de classe mène inévitablement à un conflit armé est aveugle.” (Où va la France) Il disait aussi que ”toute l’histoire du mouvement ouvrier témoigne que toute grève générale, quels que soient les mots d’ordre sous lesquels elle est apparue, a une tendance interne à se transformer en conflit révolutionnaire déclaré, en lutte directe pour le pouvoir” Toutes les théories des scientifiques, des sceptiques, des défaitistes, des fatalistes reposent sur l’idée que la classe ouvrière n’aurait plus de propension révolutionnaire, qu’elle ne serait plus capable de se battre avec la même énergie que par le passé sous prétexte qu’elle a toujours des illusions sur le réformisme, que nous sommes dans une société de consommation, qu’il y a actuellement un taux d’endettement élevé, etc.

    ”La nonchalance théorique se venge toujours cruellement dans la politique révolutionnaire”

    Dans ce contexte, la voie du réalisme révolutionnaire qui s’exprime aujourd’hui notamment dans un livre, à une époque de liquidation des valeurs du marxisme, résonne pour certains comme du ‘sectarisme indécrottable” alors que les différentes analyses politiques d’évènements importants ont toujours provoqué la controverse et une opiniâtre lutte idéologique. Une situation révolutionnaire ne tombe pas du ciel. Elle se forme avec la participation active des révolutionnaires présents sur le terrain de la lutte en cours. Comme le disait également Trotsky ”la nonchalance théorique se venge toujours cruellement dans la politique révolutionnaire” (Où va la France)

    Certains pourraient peut-être se demander pourquoi tant de critiques envers Mandel et sa tendance. La raison est qu’à l’époque des évènements de 60-61, il était le principal représentant patenté du mouvement trotskiste belge et membre du Secrétariat International de la Quatrième Internationale. Ses fonctions impliquaient des responsabilités encore plus importantes envers la lutte que la classe ouvrière menait en 60-61 pour le renversement de la bourgeoisie représentée par le gouvernement de Gaston Eyskens. Cela implique des critiques politiques sans complaisances, car il est absolument indispensable pour tout militant révolutionnaire d’assimiler correctement les leçons de la grève générale de 60-61 afin d’être mieux armés pour les luttes futures et aussi de contribuer dans la mesure de ses possibilités au réarmement du mouvement trotskiste belge, mais sur les bases fondamentales du programme de fondation de la Quatrième Internationale, élaborée par Trotsky lui-même. Dans toutes les luttes que la classe ouvrière mène contre la bourgeoisie, ”il n’y aucune crise qui d’elle-même puisse être ”mortelle” pour le capitalisme (…) le passage de la société bourgeoisie à la société socialiste présuppose l’activité d’êtres vivants.” (Où va la France)

    Les critiques politiques ne devraient pourtant pas étonner lorsque l’on sait qu’Ernest Mandel pouvait écrire pour la France le contraire de ce qu’il écrivait pour la Belgique sur la grève générale de 60-61. Il pouvait très facilement évoluer politiquement du marxisme le plus conséquent vers des thèses des plus déconcertantes, vers un opportunisme toléré par les appareils de la social-démocratie réformiste. Comme je l’ai écrit récemment dans mon livre, les liquidateurs du trotskisme en Belgique sont passés maîtres dans l’art de la rédaction de textes ambigus qui entremêlent deux lignes politiques contradictoires, l’une s’inspirant du marxisme et révolutionnaire, l’autre de complète capitulation par rapport à celui-ci. Cela a eu pour conséquence logique une tactique d’adaptation et de suivisme des plus lamentables de l’appareil syndical du renardisme. Cette dialectique de l’ambigüité est l’un des traits saillants du mandelisme.

    Les mandelistes interprètent le marxisme révolutionnaire à leur manière, comme cela leur convient le mieux, en rejetant leur manque de conviction marxiste révolutionnaire sur le dos de ceux qui soi disant n’avaient pas suivi le mouvement de grève générale. Mais en plus, les quatre mandelistes de la LCR ont aussi aujourd’hui une nette tendance à prêter aux autres militants qui ne sont pas de leur tendance, sans preuve tangible, des intentions politiques qu’ils peuvent ensuite tenter d’interpréter de façon complètement grotesques à leur avantage.

    Ils colportent ainsi un certain nombre de contre-vérités qui attendent à l’intégrité de militants politiques révolutionnaires en disant que ”Gustave Dache qui était à l’époque pour le maintien du syndicat corporatiste” alors que notre ”groupe d’ouvriers trotskistes de la verrerie” a toujours lutté avec virulence (avec trop même pour certains) contre l’appareil syndical réactionnaire et corporatiste des verreries. En plus, nous avons eu plusieurs contacts avec Rogier Dethy qui était à l’époque délégué principal à la caisserie ”La Paix” à Lodelinssart afin d’oeuvrer ensemble pour le raliement du syndicat des magasiniers verriers à la Centrale Générale FGTB. Il reste aujourd’hui des écrits et des témoins de cette lutte. Mais on connaît tous l’adage: ”mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose”.

    Les liquidateurs du trotskisme ont encore aujourd’hui la prétention de se considérer comme les représentants et les héritiers testamentaires de la Quatrième Internationale, alors qu’ils ne sont que des imposteurs. Le mandelisme est aux antipodes de la ligne politique définie par les fondateurs de la Quatrième Internationale. Je pourrais encore continuer cette réplique, mais il est évident que le lecteur se sera aperçu que les divergences politiques irréconciliables sur la grève générale de l’hiver 60-61, qui a d’ailleurs provoqué la rupture des vétérans trotskistes de Charleroi avec Ernest Mandel et sa tendance, n’ont pas disparu. Au contraire, ces divergences sont toujours bien présentes aujourd’hui.

    Dans ce cadre, si pour certains, ”le ton et le vocabulaire employés rendent le débat politique difficile”, pour moi, il n’est pas question d’empêcher le débat politique. D’ailleurs, n’ayant pas peur de la vérité politique, et pour couper court à tout équivoque, je propose la tenue d’un débat polémique publique et contradictoire, pourquoi pas dans la capitale, sur la grève générale de 60-61 entre Georges Dobbeleer qui me parait le plus compétent, mais cela peut être n’importe qui, sous l’égide conjointe de la LCR et du PSL.

    Le passé n’est pas réparable, mais je pense que l’on doit tous apprendre et en tirer les leçons même si, pour certains, elles sont dures à admettre car je considère qu’une organisation politique qui a perdu les capacités d’apprendre de ces propres erreurs est irrémédiablement condamnée.

    Le texte de mes quatre détracteurs mandelistes de la LCR n’a pas du tout affaibli mon analyse et mes critiques politiques de La Gauche, de Mandel et de sa tendance. Au contraire, leur texte a provoqué un renforcement de mes convictions politiques, surtout vis-à-vis de tous ces incorrigibles sceptiques qui considèrent que lors de la grève générale de l’hiver 60-61, la situation n’a jamais été révolutionnaire.

    Personne ne peut prétendre détenir le monopole de la vérité. Mais ceux qui croient encore que les grévistes ont fait grève uniquement contre le Loi Unique se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Pour tous ces sceptiques indécrottables, qui n’ont toujours pas compris que la logique interne de la grève générale pose de façon révolutionnaire la question du pouvoir, ils ne doivent pas se hasarder à dire que la grève du siècle: ”a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire”. Comme le disait Trotsky: ”les bavardages de toutes sortes selon lesquels les conditions historiques ne seraient pas encore ”mûres” pour le socialisme, ne sont que le produit de l’ignorance ou d’une tromperie consciente. Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres, elles ont même commencé à pourrir.”


    * Pour voir l’intégralité du texte de la LCR, cliquer ici

  • La réponse politique de Gustave Dache au texte des quatre mandelistes de la LCR

    Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site ("Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61" *). Voici la réponse de Gustave.

    Je n’avais jusqu’ici pas eu la possibilité de trouver le temps nécessaire à la rédaction de cette réponse politique, étant donné les nombreuses conférences sur la grève générale de 60-61 que j’ai été amené à faire dans plusieurs endroits du pays et le suivi attentif que j’ai porté à la situation politique en Belgique, et notamment aux récentes luttes contre l’Accord interprofessionnel. Mais mieux vaut un peu tard que jamais. En politique, il n’y a jamais prescription.

    Par Gustave Dache, auteur du livre ""La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61"

    Je ne suis pas partisan d’entretenir, avec qui que ce soit, des querelles d’anciens combattants nostalgiques. Mais je ne pouvais rester politiquement indifférent au texte publié sur internet par quatre de mes détracteurs mandelistes de la LCR. J’ai donc voulu répondre, sans pour autant être exhaustif car cela m’aurait entraîné beaucoup trop loin.

    J’invite par contre ceux qui trouveraient mes réponses trop laconiques ou pas suffisamment complètes à prendre la peine de lire mon livre qui, lui, est beaucoup plus complet concernant mes analyses et critiques sur le sujet en question. Au-delà des querelles, ce qui me paraît politiquement le plus important, c’est de faire une analyse politique objective de la grève du siècle et d’en tirer les leçons afin de saisir toutes les possibilités et la portée révolutionnaire que cette grève générale historique a engendré. Mais il ne faut pas non plus négliger d’également rappeler les responsabilités écrasantes des partis politiques et des syndicats.

    Une analyse politique de la lutte de classe révolutionnaire, comme celle de l’hiver 60-61, suscite souvent la controverse, car la perception politique des un et des autres n’est pas nécessairement la même. Mais dans la pratique, cette perception doit déterminer une orientation qui a toujours une signification politique précise.

    ”Prendre la juste mesure de l’évènement”

    Les quatre auteurs de la réponse de la LCR ont une perception de la grève générale de 60-61 particulièrement restrictive. Sous le prétexte de ‘‘prendre la juste mesure de l’évènement’’, ils ont une fâcheuse tendance à systématiquement minimiser le sens réel et profond de la lutte de classe engagée ainsi que sa portée objectivement révolutionnaire, pour des raisons qui restent aussi évidentes aujourd’hui qu’hier. Ils n’ont pas senti le souffle brûlant de la révolte de la classe ouvrière, descendue dans la rue pour changer la société. C’est pourquoi l’on trouve chez Ernest Mandel et sa tendance autant d’acharnement à essayer de démontrer que la grève du siècle – qui restera dans la mémoire des grévistes comme la grève du million – n’était pas pour eux une grève générale aux implications révolutionnaires.

    En février 1961 déjà, dans la brochure ‘‘La grève belge de 1960-61’’, dont Ernest Mandel est l’un des principaux auteurs, on peut constater que la page 15 est entièrement consacrée à démontrer que la grève n’était pas générale, à cause du soi-disant fait que les travailleurs flamands n’avaient pas suivi le mouvement de grève. D’après Mandel et sa tendance, les travailleurs qui avaient fait grève n’auraient été ‘‘au total (…) quelque 400.000 travailleurs’’. Voilà ce qui explique que le journal La Gauche et Mandel sont restés muets sur la lutte pour le pouvoir engagée par les travailleurs dans cette grève générale sans précédent dans toute l’histoire du mouvement ouvrier belge, lutte pour le pouvoir découlant de toute grève générale qui paralyse toute l’économie d’un pays.

    Dans cette Belgique de décembre 60 – janvier 61, la lutte des grévistes pour le renversement de la bourgeoisie et pour le pouvoir ouvrier était implicitement présente. La situation ouverte par la grève générale elle-même était un fait concret de la lutte de classe révolutionnaire. Elle était d’ailleurs perçue comme telle par les commentateurs de la presse belge et par les commentateurs étrangers les plus avertis. Mais Ernest Mandel lui aussi était parfaitement conscient du contenu révolutionnaire de la grève générale et du problème du pouvoir qu’elle posait. Seulement, il n’était pas moins conscient de l’impossibilité de concilier la politique marxiste révolutionnaire à la base de la fondation de la Quatrième Internationale et celle du centrisme d’André Renard, avec lequel il ne voulait rompre à aucun prix. Le prix payé en restant à la botte de ce dernier a été l’abandon de la politique du trotskisme et du marxisme révolutionnaire de la IVe Internationale.

    Voilà pourquoi on trouve autant d’acharnement à nier l’évidence de la réalité de la grève générale, acharnement qui n’était en fin de compte que l’expression d’une capitulation face aux actes que la situation révolutionnaire exigeait de prendre et qui furent escamotés.

    Si aujourd’hui certains mandelistes reconnaissent timidement, du bout des lèvres et 50 ans après (mieux vaut tard que jamais) que la grève était une grève générale, si aujourd’hui ils l’admettent enfin, c’est parce que cela n’implique plus de devoir prendre directement les responsabilités révolutionnaires qui s’imposaient à l’époque.

    Prudence et soumission face à l’appareil renardiste

    Mon livre sur ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61” démontre avec pertinence que cette grève générale était entrée dans une situation nettement révolutionnaire, insurrectionnelle dans ses actes et révolutionnaire dans ses objectifs. Cette publication a provoqué chez certains mandelistes de la LCR des réactions pour le moins controversées. Le contraire aurait été étonnant puisque, il y a presque 50 ans, en juillet 1962, prenait place une rupture politique, rupture entre la tendance Mandel et la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi, accompagnés de plusieurs jeunes militants trotskistes.

    Les divergences politiques qui avaient provoqué la rupture étaient irrémédiables et partaient de plusieurs points essentiels. Il était entre autres question de la tactique de prudence excessive et de soumission de La Gauche et de la tendance Mandel face à l’appareil renardiste. D’ailleurs, pour André Renard, le programme des réformes de structures préconisées par la FGTB adopté en 1954 et 1956, signifiait de passer du stade du capitalisme libéral à celui du capitalisme dirigiste, consistant à rendre l’économie capitaliste plus performante. Les dirigeants réformistes de la FGTB n’avaient pour seul but avec ce programme que de moderniser l’économie capitaliste. Ils ne voulaient en aucun cas remettre en cause les fondements même du régime capitaliste.

    Ce n’est pas que les militants révolutionnaires qui prirent, avant la grève générale, l’initiative de propager et de soutenir les réformes de structures, croyaient réellement en leur efficacité. Mais celles-ci pouvaient être un stimulant, un moyen transitoire pour provoquer la mobilisation des grandes masses ouvrières dans la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. C’est ce qui s’est d’ailleurs en partie produit.

    Il était encore question du fait que certains dans le courant trotskiste étaient trop intégrés dans le PSB, par l’intermédiaire d’un entrisme sans perspectives révolutionnaires conséquentes. En effet, la tactique entriste pratiquée dans les organisations réformistes par Ernest Mandel et sa tendance a consisté en une prudence politique excessive, sous prétexte de ne pas affronter ouvertement les dirigeants des appareils bureaucratiques au risque, d’après eux, de se couper des masses. Mais à ce moment, parmi les masses, il y avait une tendance importante, surtout parmi l’avant-garde, à vouloir rompre avec la social-démocratie. Si cette volonté n’a pas été concrétisée, c’est par manque d’un relai et d’une direction politiques bien déterminés à rompre avec la social-démocratie capitularde.

    Cette pratique de prudence politique démesurée appliquée par Mandel et sa tendance comportait des risques d’abandon idéologique et d’intégration dans les structures des appareils réformistes. C’est ce qui c’est avéré fatal pour cette tendance. Pourtant, la tactique entriste – comme toute forme de lutte – devait se dérouler sous le drapeau déployé du marxisme révolutionnaire. Cette tactique ne pouvait se concevoir que pour accélérer le processus de maturité en vue de la rupture avec le réformisme afin de regrouper dans les plus brefs délais les forces révolutionnaires. C’est pourtant aussi ce que la Quatrième Internationale, à sa fondation (en 1938), avait clairement indiqué. Pour appartenir à cette organisation révolutionnaire, il fallait mener concrètement une lutte politique ouverte et systématique, dénonçant sans complaisance et sans délai la capitulation des directions staliniennes et réformistes de gauche comme de droite.

    Autre critique, le refus de dénoncer l’introduction intempestive du fédéralisme par André Renard en plein conflit de classe. Le fédéralisme n’était en aucun cas l’objectif de la grève. L’introduction du fédéralisme n’était pour ses partisans qu’une échappatoire, une sorte de sortie de secours, face aux objectifs radicalement anticapitalistes et révolutionnaires engagés par la classe ouvrière du pays et auxquels voulait échapper l’appareil renardiste.

    Enfin, il était aussi question du refus systématique de Mandel et de sa tendance de rompre avec le PSB en plein conflit, et même juste au lendemain, au moment où les grandes masses de grévistes avaient fait leur propre expérience dans la lutte de la capitulation et de la trahison de la direction social-démocrate réformiste du PSB et de la FGTB.

    La rupture politique de la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi avec Mandel et sa tendance ne s’était pas produite à la légère. La plupart de ces vétérans étaient membres de la IVe Internationale depuis de nombreuses années. Il n’a d’ailleurs jamais été question pour ces vétérans de renoncer à la lutte révolutionnaire et encore moins de rompre avec le Programme de Transition adopté par la Quatrième Internationale à sa fondation, ni avec son fondateur Léon Trotsky.

    Compagnons de lutte de Léon Lesoil, lui-même ami de Trotsky qu’il rencontra en 1935 à Anvers pour regrouper les forces révolutionnaires, ces vétérans avaient une longue expérience des luttes révolutionnaires sur le terrain, puisque certains parmi eux avaient été très actifs durant les grèves générales de 1932, de 1936, de 1950 et de 1960-61. Quelques uns avaient aussi été animateurs de la grève des mineurs qui eut lieu sous l’occupation allemande en juin 1942 et la plupart avaient participé à la résistance.

    La dualité de pouvoir

    Aux yeux de certains sceptiques, cela peut paraître téméraire mais, effectivement, je reste intimement convaincu que la Belgique de 60-61 a connu une situation politique objectivement révolutionnaire au cours de laquelle toutes les conditions étaient réunies pour le renversement de la bourgeoisie et pour s’emparer du pouvoir.

    D’ailleurs, dans plusieurs endroits du pays, une dualité de pouvoir existait déjà. Mais à ce sujet, relisons ce que disait alors correctement, et sans équivoque possible, La Gauche, le 11 mars 1961 : ‘‘Bien plus que toutes ‘‘violence’’, que tout bris de vitre, que toute émeute, c’est ce pouvoir nouveau embryonnaire qui a fait trembler de rage la bourgeoisie, qui la frappée de frayeur.’’ Le nouveau pouvoir embryonnaire des comités de grève – avec les piquets de grève mobiles, le moteur essentiel de la grève générale – veillait au maintien de la paralysie totale de toute l’économie du pays et également de toute la circulation. C’est ce nouveau pouvoir embryonnaire qui a vraiment frappé de frayeur la bourgeoisie et qui a, en fait, ouvert une situation objectivement révolutionnaire.

    Mais certains militants trotskistes de la tendance d’Ernest Mandel qui étaient actifs dans ces comités de grève ont constaté eux-mêmes que les orientations et décisions politiques de la grève générale échappaient au contrôle et à la volonté des grévistes dans ces comités de grève, pourtant le moteur essentiel de la grève générale. Les décisions politiques étaient l’exclusivité du Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB. C’était pourtant ce pouvoir embryonnaire des comités de grève qui avait effrayé aussi bien la bourgeoisie que les appareils bureaucratiques des partis et syndicats ouvriers.

    Pour contrer l’exclusivité politique des réformistes du C.C.R.W., la tendance trotskiste de Charleroi proposait la tenue d’un Congrès national des comités de grève comme organe souverain des grévistes dans la grève générale et de l’action révolutionnaire des masses. Pour proposer ce mot d’ordre et faire de l’agitation systématique en ce sens, il suffisait de penser et d’agir en marxiste-révolutionnaire et pas en liquidateurs du trotskisme.

    Là aussi, Mandel et ceux de sa tendance dans les comités de grève ont choisi de sauvegarder leurs liens avec les appareils réformistes. Comme seule réponse à cette domination du CCRW, ils ont simplement choisi de proposer la tenue d’un ”Congrès extraordinaire de la FGTB.” Faire cette proposition dans La Gauche (le 24 décembre 1960), c’était en fait proposer que les décisions politiques sur la grève générale restent sous le contrôle de la clique bureaucratique su CCRW de la FGTB.

    Cette proposition politique de Mandel et de sa tendance n’était autre que l’expression clairement établie de la liquidation du Programme de Transition défini lors de la fondation de la Quatrième Internationale. En politique marxiste-révolutionnaire, il ne suffit pas de constater que les décisions politiques échappaient au contrôle des grévistes, il fallait réagir en conséquence pour que les décisions politiques sur l’orientation de la grève générale reviennent de droit aux grévistes. C’est ce qui n’a pas été fait par ceux-là mêmes qui se profilent comme révolutionnaires.

    Dans ces circonstances, si la classe ouvrière n’est pas parvenue à atteindre son objectif révolutionnaire, l’échec est incontestablement dû au fait qu’elle a été une nouvelle fois abandonnée. Elle s’est retrouvée sans direction capable de mener le combat de classe en cours jusqu’à son terme.

    En effet, la classe ouvrière radicalisée, engagée dans ce combat à mort, a été une nouvelle fois trahie par les directions traditionnelles du mouvement ouvrier, y compris par la gauche syndicale renardiste de la FGTB si appréciée par Ernest Mandel et sa tendance. Encore aujourd’hui, certains mandelistes restent convaincus qu’André Renard a, lors de la grève générale de 60-61, bien servi les intérêts de la classe ouvrière du pays. Cela confirme la plate soumission de Mandel et sa tendance au renardisme. Il faut pourtant se rendre compte que, durant cinq semaines de grève générale totale, des milliers et des milliers de grévistes sont descendus dans la rue pour exprimer avec ténacité leur volonté de monter à l’assaut du régime capitaliste dans la capitale. C’était d’ailleurs la signification profonde de la revendication d’une Marche sur Bruxelles, réclamée par les grévistes du pays.

    Une situation révolutionnaire

    Léon Trotsky disait notamment : ‘‘La grève générale a une tendance interne à se transformer en conflit révolutionnaire déclaré, en lutte directe pour le pouvoir’’ (Où va la France). Il est pourtant à constater que tous ceux qui se disent trotskistes ne sont visiblement pas d’accord avec cette position politique définie par Trotsky. Pourtant, qu’on le veuille ou non, qu’on soit d’accord ou non, que l’on en ait conscience ou non, qu’on veuille le nier ou non, la réalité est que la Belgique a connu en hier 60-61 une situation objectivement révolutionnaire qui posait directement, comme toute grève générale qui paralysie l’économie d’un pays, la question du pouvoir. Par contre, les quatre mandelistes de la LCR disent : ‘‘Nous ne partageons pas cette appréciation’’. Voici ce qu’ils disent précisément ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire’’.

    Aujourd’hui, après l’avoir nié pendant longtemps, les mandelistes ont découvert qu’effectivement il y avait bien eu une grève générale en Belgique et qu’elle était même, pour certains d’entre eux, pré-révolutionnaire. Les années passant, comparativement à la brochure ‘‘Forces et faiblesse d’un grand combat’’, il y a là un progrès théorique. Avec encore quelques dizaines d’années de patience, ils découvriront peut-être que cette grève générale de l’hiver 60-61 appartient comme toute grande grève générale à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’.

    D’un autre côté, ils reconnaissent aussi que ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière.’’ Jusqu’ici, rien à redire, cette appréciation politique est correcte. Mais ensuite, là où ça se gâte, c’est quand ils affirment dans la même phrase que ‘‘la situation n’a jamais été révolutionnaire’’. Examinons en profondeur cette position politique.

    Si c’était réellement le cas, comme le prétendent obstinément les quatre de la LCR, alors une importante question doit impérativement se poser à tous les véritables marxistes-révolutionnaires de bonne foi : dans ces circonstances politiques, quel genre d’action radicale devrait être entreprise par les révolutionnaires pour transformer effectivement ce ‘‘potentiel révolutionnaire’’ en ‘‘situation révolutionnaire’’ ? Rester obstinément soumis, comme l’ont fait Mandel et sa tendance, à la discipline des appareils réformistes du PSB et de la FGTB ? Ces mêmes appareils qui pratique depuis toujours et en toutes circonstances la collaboration de classe et l’intégration continue au régime capitaliste ? Certainement pas. En restant docilement à la remorque de la tendance de gauche néo-réformiste, au centrisme du renardisme ? Certainement pas.

    Les marxistes-révolutionnaires se réclamant de la IVe Internationale dignes de ce nom devaient-ils mener oui ou non une agitation politique conséquente en s’appuyant sur la volonté de lutte des masses en mouvement dans le but d’amener de larges couches à prendre conscience de la nécessité de remettre en question le fondement même de l’État bourgeois ? Cela n’est possible qu’en étant libéré de toute entrave tactique de la discipline bureaucratique des appareils réformistes de gauche et de droite, dans le but d’accentuer et d’approfondir la lutte potentiellement révolutionnaire en cours, pour la faire évoluer, en acceptant toutefois qu’elle ne l’était pas, en situation révolutionnaire. Même au risque d’exclusion du PSB en plein conflit, cette mission était impérativement à accomplir courageusement. Certainement que oui.

    L’agitation des marxistes-révolutionnaires devait se développer autour de voies et de moyens propres à organiser la lutte des grévistes contre l’État bourgeois. Les grévistes des secteurs décisifs de l’économie du pays étaient engagés dans une action qui mettait en question l’existence même du régime capitaliste. Dans ces circonstances, la priorité est toujours de donner aux grévistes l’armement politique dont ils avaient besoin dans cette lutte pour le pouvoir. Cette tactique d’agitation révolutionnaire, dans un conflit classe contre classe et généralisé comme celui de 60-61, aucun marxiste digne de ce nom ne peut s’y soustraire. Malheureusement, cela n’a pas été fait par ceux qui pourtant se prétendaient le symbole de la gauche révolutionnaire.

    Lors d’une grève générale, dire prétentieusement que la ‘‘situation n’a jamais été révolutionnaire’’ comme le font encore aujourd’hui certains mandelistes de la LCR, c’est en soi révélateur d’un manque de confiance dans la capacité révolutionnaire des masses. Ce qui en découle inévitablement, c’est une incompréhension de la théorie et de la pratique du marxisme. C’est ce qui engendre toute une série de contradictions politiques et d’appréciations politiques incorrectes.

    Il faudrait tout d’abord savoir quel sens et quelle nature politique profonde les mandelistes accordent-ils réellement à une grève générale telle que celle de l’hiver 60-61, reconnue par tous comme étant historique. Ensuite, avant de contester à tord, il faudrait tout d’abord qu’ils se mettent d’accord entre eux. Parce que, dans la réalité, ce n’est certainement pas le cas.

    Je vais partir ici de citations et d’affirmations politiques correctes, qui seront peut-être plus facilement acceptées par mes quatre détracteurs de la LCR puisqu’elles sont issues de leur maître à penser politique, qui n’est autre qu’Ernest Mandel, auquel ils se réfèrent si souvent. Ne disait-il pas, dans ses moments de lucidité politique, à propos de la grève générale de 60-61 qu’elle était : ‘‘profondément anticapitaliste et objectivement révolutionnaire’’ (Force et faiblesse d’un grand combat, p.23) ?

    Hélas, Mandel le disait en 1962, après le conflit. Mieux vaut tard que jamais. Mais de toute façon, le marxisme ne saurait se contenter d’affirmation politique correcte après coup. Cette affirmation, à laquelle on peut souscrire sans réserve, avait des implications politiques concrètes à prendre dans la lutte de classe au moment où celle-ci se déroulait. C’est suivant leur attitude face à ces implications, prises ou pas, que l’on doit objectivement juger ces auteurs. Mais, hélas, dans le cas de Mandel et de sa tendance, de fut pour le moins décevant.

    Inutile de dire que la plupart des militants trotskistes de Charleroi partageaient entièrement et sans réserve l’analyse portant sur le caractère ‘‘objectivement révolutionnaire’’ de la grève générale de 60-61. Dans ces circonstances politiques objectivement révolutionnaires, il ne doit plus faire aucun doute pour un révolutionnaire que la grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire était indiscutablement susceptible de remettre en cause le régime capitaliste. Dans ces conditions, il était objectivement nécessaire d’agir politiquement dans le sens de la lutte pour le pouvoir.

    François Vercamen, du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale et mandeliste lui-aussi, va également beaucoup plus loin dans son analyse sur les grèves générales que mes quatre détracteurs lorsqu’il classe la grève générale de 60-61 dans la catégorie des grèves générales semi-révolutionnaires : ‘‘(…) les grèves générales belges (1950-1960/61), la grève générale en Grèce (1965), Mai ’68 en France et Italie (1969-73-75), la révolution au Portugal (1974-75). Ces luttes semi-révolutionnaires sont d’une ampleur et d’une force inégalée.’’ (François Vercamen, Ernest Mandel et la Capacité Révolutionnaire de la Classe Ouvrière, http://www.ernestmandel.org/fr/surlavie/txt/ernest_mandel_et_la_capacite_revolutionnaire.htm) Ce n’est pas encore là une analyse politique qui reflète la situation objectivement révolutionnaire de la grève générale belge de 60-61, mais c’est déjà un énorme pas en avant vis-à-vis de mes quatre détracteurs. Mais tous en restent à une analyse politique qui se situe en dessous de la réalité objectivement révolutionnaire.

    Cette analyse est donc un énorme pas en avant vis-à-vis de la position politique de mes quatre détracteurs mandelistes de la LCR qui n’ont toujours pas compris qu’une grève générale porte en elle l’essence d’une situation révolutionnaire. Pour ces détracteurs de la LCR, il est toujours nécessaire de rappeler constamment, comme le disait couramment Trotsky, que : ‘‘la grève générale, comme le sait tout marxiste, est un des moyens de lutte les plus révolutionnaires.’’ (Où va la France) D’ailleurs, pour les véritables marxistes révolutionnaires, il y a très longtemps qu’il n’est plus question de savoir que la grève générale ‘‘est un des moyens de lutte des plus révolutionnaires’’ puisque cette question a déjà depuis longtemps été tranchée par Rosa Luxembourg, que Lénine surnomma la ‘‘représentante du marxisme la plus authentique’’ lorsqu’elle disait en parlant de la grève générale que : ‘‘En réalité, ce n’est pas la grève en masse qui produit la révolution, c’est la révolution qui produit la grève en masse’’ (Grève de masse, parti et syndicat) Raison de plus pour considérer que, comme c’est la révolution qui produit la grève générale, dans ces circonstances politiques tout à fait particulières, il est d’une évidence tout à fait incontestable que lorsqu’il y a effectivement une grève générale comme en 60-61 en Belgique, la situation est objectivement révolutionnaire.

    D’ailleurs, tout au long de sa vie, Lénine montra avec une détermination inébranlable ‘‘qu’il fallait préparer activement une situation révolutionnaire’’ même en période de mouvement de grève moins généralisé, avec toujours comme objectif essentiel de contraindre l’adversaire à céder. Mais aujourd’hui comme hier, si les pseudos-marxistes belges continuent à réfuter ces vérités définies par des figures incontestablement reconnues historiquement, c’est certainement parce qu’ils n’ont lu ni Lénine, ni Trotsky, ni Rosa Luxembourg à la bonne page.

    Par contre, ce que notre tendance trotskiste de Charleroi a constaté, c’est qu’Ernest Mandel est incontestablement resté pendant ‘‘ces heures décisives’’ de 60-61 un militant discipliné du Parti Socialiste Belge. D’ailleurs, les dirigeants réformistes du PSB ont pu tolérer pendant la grève générale son gauchisme verbal qui resta malgré une ‘‘situation objectivement révolutionnaire’’ dans les limites du cadre de simple pression sur le parlementarisme, sans déborder sur des objectifs révolutionnaires.

    L’exemple de la ‘‘Marche sur Bruxelles’’ est édifiant à cet égard. Selon La Gauche et Mandel, ce n’était pas une mobilisation générale de la classe ouvrière en vue d’un affrontement révolutionnaire dans la capitale, mais plutôt une manière de faire pression sur le parlement : la classe ouvrière ‘‘y pèserait de tout son poids sur le Parlement’’ ou encore ‘‘Notre proposition n’a rien d’insurrectionnel. Elle est parfaitement légale.’’ Et en effet ô combien légale et peu insurrectionnelle. Dans ces circonstances d’une légalité on ne peut plus parfaite, il n’était pas du tout possible d’œuvrer pour la révolution socialiste.

    L’histoire de la lutte de classe internationale nous enseigne que lorsqu’une situation est objectivement révolutionnaire, elle exige de l’audace politique de la part de ceux qui jusque là se définissaient comme révolutionnaires. Laisser échapper une crise révolutionnaire sans tout tenter pour la faire aboutir est déjà une capitulation des intérêts de la révolution. Le combat spontané des masses, si puissant soit-il, ne peut à lui seul arracher la victoire du socialisme.

    Comme le disait également Trotsky : ‘‘La grève générale n’est possible que dans les conditions d’une extrême tension politique et c’est pourquoi elle est toujours l’expression indiscutable du caractère révolutionnaire de la situation’’ (Où va la France) Cette citation exprimée en mars 1935 reflète très exactement la situation révolutionnaire qui existait en Belgique en hiver 60-61.

    Pourtant, pour les quatre mandelistes de la LCR, la grève générale de 60-61 n’appartient pas à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’. Et, par conséquent, elle n’était pas davantage une ‘‘situation révolutionnaire’’. Si, par lutte révolutionnaire, on entend un soulèvement armé, c’est absurde. Au début d’une grève générale révolutionnaire, les travailleurs en grève ne sont généralement pas armés. Mais quand certains en viennent précisément à s’armer au cours des épisodes successifs de la lutte de classe pour le pouvoir, c’est alors un indice sérieux de la volonté révolutionnaire des grévistes, qui ne peut tromper que ceux qui ne veulent rien voir, rien entendre, rien comprendre et surtout ne rien entreprendre de sérieux qui puisse aboutir à la victoire de la lutte révolutionnaire engagée. Voici quelques exemples. Plusieurs acteurs de la grève générale ont pu voir des grévistes armés dans l’émission de la RTBF du 14 décembre 2010 ‘‘Ce jour-là’’. Jean Louvet, militant de la CGSP à l’époque, se souvient qu’il a vu des gens armés : ‘‘J’ai vu des armes sorties de la résistance’’. Il n’y a d’ailleurs pas que les grévistes à les avoir vues. D’après le rapport d’état-major de la gendarmerie, fourni au Ministre de l’Intérieur, au sujet des faits survenus lors de la période de grève du 20 décembre 1960 au 20 janvier 1961 : ‘‘les piquets de grève ont été particulièrement actifs et parfois même brutaux (…) Certains des membres qui les composaient étaient armés’’. (Annales Parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2)

    En pleine grève générale, avec des arrestations arbitraires presque tous les jours dans le pays (environ 3.000 arrestations de grévistes ont eu lieu durant la grève), être appréhendé porteur d’armes à feu, c’était prendre des risques aux conséquences très graves. Bien des grévistes étaient partagés entre leur volonté révolutionnaire et les risques qu’ils encouraient. Plusieurs n’hésitèrent pourtant pas à prendre ces risques énormes, pour la victoire de la grève. Voici quelques exemples relevés par la gendarmerie, parmi de nombreux autres.

    • ”A Ath – Coup de feu. Le sous-chef de gare de Ath a essuyé un coup de feu tiré du viaduc de Ath. Il venait de son domicile et était accompagné de gendarmes.”
    • ”A Liège, 2 arrestations par la BSR pour bris de vitres, jet de billes sur toit vitré et port de pistolet.”
    • ”A Polleur, un coup de feu a été tiré contre un autobus de la ligne Verviers-Malmédy.”
    • ”A Sombreffe une arrestation, transport de fusil de chasse par gréviste dans V.W.”
    • ”A Trembleur, des coups de feu contre un car transportant quelques ouvriers de charbonnage.”
    • ”La brigade d’Herstal a saisi deux pistolets.”
    • ”Une arrestation à Piéton, pour port d’arme prohibé.”
    • ”A Fléron, coup de feu dans les vitraux d’un café.”
    • ”A Marienbourg, menaces à l’aide d’armes.”
    • ”A Chatelet, un des deux individus transportant des bouteilles d’essence était porteur d’un pistolet 22 long avec balles, dont la tête avait été limée et fendue.”
    • ”Au puit 6, à Anderlues, huit individus ont tenté sous la menace de leurs armes de s’approprier des explosifs.”

    Tous ces exemples sont issus des Annales parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2.

    Si, après cette brève énumération de grévistes porteurs d’armes à feu – et qui ont parfois fait feu – certains mandelistes considèrent toujours que la ”situation n’a jamais été révolutionnaire”, alors c’est peine perdue de pouvoir les convaincre de quoi que ce soit.

    Tous ces coups de feu tirés, ces arrestations de grévistes en possession d’armes à feu en plus des quelque 100 actes de sabotage par jour, les grévistes n’hésitant pas à risquer leur vie pour les commettre, tout cela ne peut que démontrer l’extraordinaire volonté et la détermination des grévistes d’aller jusqu’au bout de la situation effectivement révolutionnaire qui existait. Tous ces actes ont été l’expression de tout le potentiel d’une situation insurrectionnelle et révolutionnaire de la grève générale.

    Durant cette mobilisation spontanée et gigantesque, sans précédent dans l’histoire ouvrière belge, toutes les digues des directions traditionnelles furent complètement débordées. Toute l’économie du pays était complètement paralysée par la grève générale. C’est dans ce contexte que le secrétaire général de la FGTB nationale et député socialiste d’Anvers, Louis Major, a déclaré sous forme d’excuses à la Chambre le 21 décembre 1960 que: ”Nous avons essayé, Monsieur le Premier Ministre, par tous les moyens, même avec l’aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.” (Annales parlementaires, 1960, p. 20) Cool, le président de la CSC, dira quant à lui : ”Je ne tiens plus mes troupes en main. En dépit de mes consignes (…) je ne réponds pas de ce qui pourrait arriver.”

    Ces déclaration expriment l’impuissance des dirigeants syndicaux nationaux de pouvoir arrêter le débordement des appareils, débordement ouvrier qui inonda la société toute entière. Mais malgré tout ce qui précède, les quatre mandelistes de la LCR ne sont toujours pas de cet avis. Voici ce qu’ils en disent:

    ”Le marxisme révolutionnaire parle de grève générale quand le fleuve ouvrier déborde les digues et inonde la société au point que plus personne ne sait quand et comment le faire rentrer dans son lit. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que toute grève générale ouvre une situation potentiellement révolutionnaire, donc potentiellement insurrectionnelle.”

    Mais, justement, c’est ce qui s’est réellement passé dans les faits. Même un réformiste de droite comme Louis Major a publiquement avoué au Parlement, deux jours seulement après le déclenchement de la grève générale, que: ”Personne ne peut plus aujourd’hui arrêter le mouvement” (Annales parlementaires 22/12/60, p.7) Le journal Le Peuple s’indigne que ”le PSC ait osé qualifier les grèves d’insurrectionnelles.” La presse socialiste de Charleroi du 23 décembre 60 parle de M. Eyskens en disant: ”Il est le chef d’un parti qui n’a pas hésité à provoquer une atmosphère de guerre civile.”

    Le Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB, présidé par André Renard et composé des dirigeants réformistes de la FGTB, qui était l’expression réformiste de l’appareil syndical de la FGTB dans sa fonction de collaboration de classe avec le patronat et qu’on ne peut en aucun cas cataloguer comme révolutionnaire, avait pourtant souligné avec satisfaction que le mouvement a ”renoué magnifiquement avec les plus nobles traditions révolutionnaires du mouvement socialiste des années glorieuses de la fin du siècle dernier.” Ce comité composé de réformistes avait-il une perception plus exacte de la situation de la grève générale que les pseudo-révolutionnaires mandelistes qui n’ont toujours pas senti le souffle brûlant de la lutte révolutionnaire qui se déroulait sous leurs yeux en 60-61?


    * L’intégralité du texte de la LCR, se trouve à la fin de la seconde partie de cette réponse (voir ci-dessus)

  • Contre la casse sociale – Arrêtons cet AIP : Pas de bluff, mais une lutte organisée

    Jamais auparavant les représentants élus des travailleurs n’avaient aussi massivement rejeté un accord interprofessionnel. La FGTB continue son calendrier d’action, même après “la proposition de médiation”. La CGSLB participera à la journée d’action du 4 mars et, de son côté, la CNE organise une concentration de ces militants ce 28 février à Bruxelles.

    Tract du PSL

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    Sur base des premiers résultats officiels, les annalistes estiment à 17,14 milliards d’euros le profit global des entreprises comprises dans le Bel 20 pour l’année 2010, soit une croissance de 37,4% en comparaison de 2009.Une bonne partie de cela sera consacrée aux dividendes et aux bonus. Même dans l’année de crise 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 se sont accordés un salaire brut moyen de 2,27 millions d’euros (une augmentation de 23% comparé à 2008).

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    Pour les deux années à venir, l’AIP prévoit une marge salariale d’à peine 0,3% en plus de l’index santé (3,9%), ce qui est en dessous des attentes concernant l’inflation. Et cela alors que les entreprises refont de gros bénéfices (voir cadre). Il n’est donc pas étonnant que la base syndicale ait rejeté massivement l’AIP. Sur notre site socialisme.be, nous nous référons au blog internet d’un militant de la LBC. Celui-ci a calculé qu’en réalité, la base de la CSC a rejeté l’accord à 55,4%. C’est probablement la raison pour laquelle Cortebeeck a voulu adoucir la pilule en adaptant l’AIP avec ”l’aide” de Leterme. C’était trop peu et trop tard.

    Dans ce nouveau projet, la marge salariale est reprise. L’étude sur l’indexation disparait, mais la Banque Nationale lance une attaque en règle. La proposition de médiation comprend une augmentation de 10 € des salaires minimaux, mais même cela ne doit rien coûter aux patrons. C’est la sécurité sociale qui doit payer avec des baisses de charges. Pour assurer la liaison au bien-être des allocations, le gouvernement refuse le “cadeau” offert par les partenaires sociaux. Ils n’auraient pas besoin de 200 des 500 millions d’euros budgétés par le gouvernement. Il faudrait expliquer cela à ceux qui doivent vivre d’une allocation de retraite, de chômage ou d’invalidité.

    L’allongement du préavis des ouvriers est accéléré, 15% au lieu de 10% à partir de l’année prochaine. Mais le passage selon lequel ce serait augmenté à 20% à partir de 2016 à disparu. La réduction du préavis des employés dits inférieurs (-30.535 €) est écartée. La diminution de 6% pour les employés dits supérieurs pour 2014 est maintenue, mais celle de 10% pour 2016 est également écartée. Le préavis des travailleurs avec un salaire inférieur à 61.071 euros sera exonéré d’impôts sur les deux premières semaines. De nouveau une mesure qui ne coûte rien au patron.

    Ne pas bluffer, mais s’organiser!

    Il a fallu attendre longtemps les positions du sommet syndical. Consulter la base, ne parlons pas encore de la laisser décider démocratiquement, exige du temps. C’est un inconvénient que les patrons et le gouvernement ne connaissent pas. Face à la lenteur du sommet, il y a la vitesse avec laquelle on s’attend à la réaction de la base. Elle doit s’apprêter en quelques jours à réagir sur un accord négocié secrètement pendant des mois avec rarement des tracts d’information ou de mobilisation disponibles à temps. Jusqu’à la dernière minute, la base ne sait pas s’il s’agit de grève ou de mobilisation de militants. Même pour le 4 mars, les intentions du sommet syndical ne sont pas encore claires. Est-ce que nous allons installer des piquets filtrants pour convaincre ceux qui doutent où allons nous bloquer le tout ?

    Au lieu de faire de grandes annonces, la direction syndicale doit lancer à temps des mots d’ordres clairs et assurer que les moyens nécessaires sont là pour les délégués d’entreprises, sinon ce sera n’importe quoi, comme la semaine passée. La majorité des travailleurs s’est prononcée contre l’AIP. La seule manière de casser cette majorité, c’est de nous diviser: ouvriers contre employés, francophones contre Flamands, jeunes contre plus âgés. Nous n’avons pas besoin d’encore nous faire diviser entre syndicalistes. Un bon plan d’action, une implication maximale de la base et une attitude ouverte vers ceux qui se sentent délaissés par leur direction syndicale peuvent faire basculer les relations de forces en faveur des travailleurs.

    Cet AIP n’est pas le but ultime des patrons et des politiciens. S’ils réussissent à le faire passer, il faut s’attendre à une attaque frontale contre l’index, nos pensions et tout ce qui rend la vie et le travail supportable pour les travailleurs et leurs familles.

    Le Parti Socialiste de Lutte défend:

    • Des négociations libres dans les secteurs et les entreprises
    • L’élimination de la discrimination entre ouvriers et employés, sans miner le statut des employés
    • La protection de l’index
    • Le maintien de tous les systèmes de prépensions

    Le PSL défend la lutte commune des travailleurs Wallons, Flamands et Bruxellois:

    • Contre toute forme d’allongement de la durée de travail, pour la semaine des 32 heures, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
    • Des contrats décents pour tous à des salaires convenables, pour un salaire minimal de 1500 euros net, pour la liaison au bien-être de toutes les allocations.
    • Stop aux cadeaux fiscaux au patronat, pour l’abolition des intérêts notionnels et du secret bancaire, pour la nationalisation sous contrôle des travailleurs des secteurs clés de l’économie.
    • Pour une société socialiste où la production se fait en fonction des besoins de tous et pas en fonction des profits de quelques privilégiés.

    FGTB et CSC: cassez les liens avec le PS et le CD&V

    Avec une bonne campagne d’information et de mobilisation, les syndicats sont capables de mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs. Hélas, au Parlement, cela ne se remarquera pas. Les syndicats libéraux venaient à peine de rejeter l’accord que les partis libéraux annonçaient vouloir intégralement le faire appliquer. Au Parlement, les chrétiens-démocrates se moquent des positions de la CSC et des mutualités chrétiennes. Tant le PS que le SP.a se sont réjouis de l’accord “équilibré”. Bien qu’une majorité de syndicalistes ait rejeté l’AIP, cette position passe à peine dans les médias. A la base syndicale, cela conduit à des frustrations et au découragement. En Flandre surtout, et depuis des années, nombreux sont ceux qui se sont détournés des partenaires politiques privilégiés et votent pour le populiste du moment. Il est grand temps que les dirigeants syndicaux rompent les liens entretenus avec le PS et le SP.a pour la FGTB et avec le CD&V pour la CSC, et qu’ils construisent leur propre représentation politique, avec tous ceux qui s’opposent à la casse sociale.

    Jeunes en lutte pour l’emploi

    Les jeunes surtout sont dans le collimateur de la politique de casse sociale. La sécurité d’emploi et un salaire convenable ne sont que de rêves pour beaucoup. L’AIP veut encore élargir cette discrimination. Celui qui est déjà au boulot garderait son statut actuel, des nouveaux travailleurs subiraient le nouveau statut miné. Dans quelques régions, le PSL est impliqué avec les jeunes des syndicats et la JOC dans une campagne contre l’insécurité d’emploi et la série interminable de statuts précaires imposés aux jeunes.

    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ‘’Socialisme 2011’’ cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

  • Grève à B-Post dimanche soir, rapport de Bruxelles X

    A la suite de la journée de grève nationale de ce vendredi 11 février, les travailleurs de B-post ont repris les actions de blocage dans les grands centres de tri au nord comme au sud du pays ce dimanche soir. Des militants du PSL étaient présents au piquet du dépôt de Bruxelles X dimanche et lundi soir.

    Par Nico M (Bruxelles)

    • Model 9 Tract pour et par des facteurs combatifs.

    Cette action prend place dans la continuité de la journée de grève nationale du vendredi 11 février. Et clairement sur place, le sentiment était qu’après cette journée de grève, le mouvement devait continuer, la lutte doit se construire plutôt que de s’arrêter là et de retourner tous au boulot en attendant les négociations.

    Au piquet, les travailleurs reviennent sur le constat qu’à B-post, les conditions de travail n’ont fait que se détériorer et que les annonces de restructurations de la direction s’inscrivent dans cette dynamique de déconstruction d’un service au profit d’une minorité d’actionnaires assoiffés de dividendes. Le constat est clair au piquet : la priorité est mise sur ces dividendes, la qualité du service diminue sans cesse, les conditions de travail deviennent impossible… et on veut encore nous faire avaler d’autres assainissements ?

    Les restructurations à B-post s’inscrivent dans l’agenda de libéralisation du service postale censé être effectif en… 2011. Quand allons-nous tirer les conclusions qui s’imposent : la libéralisation des services publics n’amènent qu’une dégradation du service et des conditions de travail avec, dans certains cas, des conséquences dramatiques. Les chemins de fer britanniques connaissent des accidents à répétitions suite aux économies faites sur la sécurité. En France, la vague de suicides chez France Telecom est due à la pression d’un management demandant toujours plus de rendement, etc.

    Face aux attaques de la direction, les travailleurs au piquet demandent une réponse combative de la part des syndicats. ‘‘Une journée de grève ne servira à rien, il faut un plan pour bloquer durablement l’entreprise et nous faire entendre’’. La volonté de lutter pour leurs conditions de travail n’est pas à mettre en question parmi les travailleurs de B-post, et ils l’ont une nouvelle fois montré. Sur le piquet, des postiers du Brabant Wallon notamment sont venus soutenir le blocage. ‘‘A Gand aussi ce soir ils bloquent’’ nous confirme un délégué de la CSC.

    Les médias ont mis en avant ces actions dans l’optique de la réunion de mardi matin entre syndicats et direction. Or sur le piquet les travailleurs expliquent : ‘‘La direction va proposer des aménagements minimes, mais les contrats D1 (ceux qui concernent les nouveaux statuts des postiers ‘auxiliaires’, NDLA) existent depuis plus d’un an maintenant. La conclusion n’est pas de négocier des aménagements mais de stopper cette course à la flexibilité dont les pires conséquences sont payées par les travailleurs et le service à la population. La surcharge de travail est déjà énorme, conséquence des multiples suppressions d’emplois les dernières années. Ils veulent nous faire travailler à temps plein pour un peu plus de 1000€ par mois, sous le statut d’ouvrier !’’

    C’est la volonté de maintenir la pression qui s’exprime sur le piquet. Bien que dimanche le sentiment que le travail va reprendre lundi dans la journée est présent, les discussions prennent place pour voir à reprendre le blocage lundi en soirée. Et ce lundi vers 22h le blocage reprend à Bruxelles X. Les nouvelles sur le piquet ce soir là arrivent : il semble que seul le centre bruxellois est à l’arrêt. Mais la volonté de ne pas s’arrêter à la réunion entre partenaires sociaux de mardi est présente. Des discussions prennent place sur les possibilités et la méthode pour élargir et ne pas se rester isolés. Certains militants syndicaux parlent de la possibilité de motiver d’autres postiers du Brabant Wallon à venir sur le site de Bruxelles X pour jeudi soir.

    De ces actions, les syndicats doivent organiser un plan d’action combatif, discuté avec les délégations dans les bureaux et les dépôts. Cette colère doit pouvoir se concrétiser dans une lutte organisée par les travailleurs pour faire reculer la direction. ‘‘Grève au finish’’ lance un travailleur dimanche soir. Ce qu’on entend sur le piquet, c’est le développement de différentes idées concrètes pour organiser cette lutte ; une tournante au niveau national pour organiser collectivement le blocage par équipes qui se relaieraient par exemple.

    Nous soutenons ces actions car nous sommes contre la destruction des acquis sociaux du personnel, de même que nous sommes pour une prestation de service de qualité. Nous défendons dans cette optique un service public de qualité en dehors des mains des actionnaires et des bourses. Il faut tenir des assemblées du personnel partout où c’est possible, dans chaque dépôt ou bureaux pour convaincre l’ensemble des travailleurs du recul social qu’engendrent tous les plans de la direction. De ces assemblées, un plan d’action national doit en sortir pour ne pas lutter bureaux par bureaux et se laisser diviser par la direction.

    Partir en action ensemble est nécessaire pour stopper la politique d’austérité, seule la lutte paie !


    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

    => Plus d’infos

    => Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

  • Charleroi : ‘‘AIP pourri ! Travailleurs, insoumis !’’

    Hier, à l’appel de la régionale de la FGTB de Charleroi, des milliers de travailleurs ont manifesté contre le projet d’Accord interprofessionnel qu’ont négocié les partenaires sociaux. Avec les militants FGTB se trouvaient également des militants du syndicat libéral et du syndicat social-chrétien.

    Par Nico

    La délégation des Jeunes FGTB a particulièrement impressionné ce vendredi. Derrière une grande banderole ‘‘Tout est à nous’’, les quelques dizaines de jeunes ont scandé avec beaucoup de combativité ‘‘Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont ils l’ont volé, partage des richesses, partage du temps de travail ou alors ça va pêter, ça va pêter !’’, ‘‘AIP pourris travailleurs, insoumis !’’ ou encore ‘‘Les vieux dans la galère, les jeunes dans la misère, de cette société là, on n’en veut pas !’’ Nous avons pu y retrouver des militants du comité des Jeunes en lutte pour l’emploi-Hainaut, mais aussi des TSE de Verviers venus en solidarité et dont la participation à l’animation a pu être fortement apréciée.

    A l’arrière et à l’avant, les autres délégations reprenaient les slogans et les chants, venant même parfois chercher les animateurs jeunes-FGTB pour lancer les slogans. L’un d’entre eux a été chaudement accueilli : ‘‘Tous ensemble, tous ensemble, grève générale !’’, repris avec plus d’entrain encore devant les caméras des journalistes.

    Parmi les jeunes présents dans le bloc, on trouvait notamment une quinzaine d’étudiants de la Haute Ecole Condorcet. Laeticia, militante Jeunes FGTB, nous explique : ‘‘Cela fait déjà un moment que je leur parle de manifestations, de grèves,… Ils n’avaient jamais suivi. Cette fois-ci, une quinzaine d’étudiants sont venus et m’ont dit après la manifestation que c’était la première fois pour eux, mais certainement pas la dernière’’

    A d’autres endroits aussi, de nouvelles têtes avaient rejoint le mouvement. ‘‘Au service chômage de la FGTB, au niveau administratif, ça ne bouge pas trop de façon générale’’ nous explique Prisca, ‘‘Mais là, on a argumenté une semaine durant sur l’AIP, pourquoi il fallait vraiment se mobiliser. Au final, on est 10 sur 15 dans la manif.’’ Ici et là, des travailleurs déplorent n’avoir toutefois reçu les informations que bien trop tard pour pouvoir sérieusement mobiliser. Pour eux, bien plus de monde aurait pu être présent. L’organisation a fait défaut, pas la volonté de se battre. L’idée d’une lutte offensive en direction d’une grève générale de 24h le 4 mars prochain, bien préparée et pour laquelle on mobilise sérieusement, est très largement acceptée. Dans de très nombreuses discussions, on parle du refus du syndicalisme de concertation et de la nécessité d’un syndicalisme de lutte, de combat, où la construction active et combative d’un rapport de forces favorable aux travailleurs est l’élément central.

    ‘‘Quand une entreprise veut délocaliser, les organisations syndicales se contentent de parler de l’obtention d’un ‘‘meilleur volet social’’ Il faut refuser cette logique, c’est un coup de poignard dans le dos’’ dénonce Victor, ancien permanent FGTB. ‘‘Des propositions alternatives doivent venir sur la table, comme de nationaliser. Ce sont les actionnaires et les spéculateurs qui décident, ce n’est pas normal, ce ne sont pas eux qui créent la richesse. Il faut faire participer les gens à l’économie, c’est-à-dire qu’ils prennent part aux décisions économiques. Ça, ça veut dire de retirer l’économie des mains du privé.’’ Faisant un parallèle avec la situation syndicale, il se rappelle un ancienne affiche de la FGTB : ‘‘Elle disait : ‘Syndiqué, sois syndicaliste !’ C’est ça qu’on doit remettre en avant. On doit rendre la parole aux militants, c’est la seule manière de casser la logique du syndicalisme de négociation’’

    Le sentiment de ras-le-bol était très clairement présent, la combativité et la volonté d’aller de l’avant dans la lutte aussi. Un peu partout, on voit quelques militants de la CSC (principalement de la CNE, la centrale des employés de la CSC) qui ont suivi leurs camarades et s’opposent au ‘OUI’ de la CSC à l’AIP. La veille, 200 militants de la CNE s’étaient rendus devant le cabinet de la ministre de l’emploi pour maintenir la pression sur le gouvernement désormais en charge du dossier de l’AIP, depuis son rejet par la FGTB et la CGSLB.

    La journée nationale d’action du 4 mars ne peut pas se limiter à une action symbolique ou à une simple promenade sans lendemain, sans mots d’ordre clair concernant la suite. Au contraire, si les patrons et les politiciens continuent à négliger le message cela doit devenir une grève générale de 24 heures bien préparée autour des revendications suivantes:

    • Des négociations libres dans les secteurs et les entreprises
    • Élimination de la discrimination entre ouvriers et employés sans miner le statut des employés
    • Pas touche à l’index
    • Maintien de tous les systèmes de prépensions

    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

    => Plus d’infos

    => Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

  • Tous ensemble contre la casse sociale!

    Non à un Accord Interprofessionnel imposé

    Même le quotidien flamand d’affaires De Tijd a dû concéder qu’une majorité de travailleurs a rejeté le projet d’accord interprofessionnel. Mais cela ne déroute pas les patrons et les politiciens. Si la façade démocratique ne conduit pas au résultat recherché, le gouvernement sortant n’a qu’à s’en occuper. Nous savons à quoi nous pouvons nous attendre: construire un rapport de forces avec un plan d’action ou bien avaler l’AIP que nous venons de rejeter de façon largement majoritaire.

    Tract du PSL. PDF

    La pression n’avait pourtant pas été ménagée. Les partenaires sociaux allaient ainsi montrer aux politiciens comment conclure un accord. C’était malin : en refusant d’accepter n’importe quoi, nous deviendrions alors co-responsables de la crise politique. A la CSC, les 3.000 permanents ont même tous reçus une lettre où l’on prétendait que seuls des irresponsables rejetteraient cet accord, puisque l’alternative – pas d’accord – serait ‘pire’. Malgré cela, le sommet de la CSC a eu besoin des votes en bloc de quelques centrales de fonctionnaires et d’ouvriers pour obtenir une majorité, la plus faible de son histoire, en faveur d’un AIP.

    A en croire les organisations patronales, elles aussi ont eu beaucoup de difficultés à convaincre leur base mais, finalement tous l’ont approuvé. Du côté des travailleurs par contre, jamais un AIP n’a été aussi massivement rejeté. Pour la première fois de son histoire, le syndicat libéral a rejeté un accord. En disant que le rejet du projet d’accord par la base de la FGTB minerait la position de Rudy De Leeuw, les patrons espéraient nous tendre un piège. En réalité, c’est surtout la position de Luc Cortebeeck qui a été affaiblie. Il a mis la CNE et la LBC dans une position impossible.

    Les patrons, qui représentent 37.000 entreprises selon la FEB, n’ont pas l’intention d’accepter la décision démocratique. Ils appellent le gouvernement à intégralement imposer l’accord. Ils se sentent soutenus par Merkel, Sarkozy, la Commission Européenne, la Banque Centrale Européenne et les “marchés financiers”. Bien que les entreprises fassent à nouveau des profits importants, ils n’ont pas l’intention de les partager. Avant d’imposer l’accord, le CD&V veut tester si le PS est prêt à aller contre la majorité de la FGTB. Apparemment, les patrons ne se font plus de soucis concernant l’attitude que le SP.a va prendre. Dans ce cas-ci, le VLD et la NVA sont d’ailleurs soudainement prêts à venir à l’aide du gouvernement en affaires courantes. Les patrons ont donc tout un arsenal de moyens pour imposer leur volonté.

    La direction syndicale est sortie des négociations sans accord acceptable, mais aussi sans avoir construit une quelconque relation de force afin de pouvoir le rejeter. Les prochaines semaines et mois, nous pourrons la restaurer en rejoignant la résistance contre la casse sociale qui s’est développée ailleurs en Europe. Nos adversaires vont évidemment essayer de nous diviser: Flamands contre francophones, CSC contre FGTB, ouvriers contre employés et jeunes avec des nouveaux contrats contre plus âgés. Et pourtant, les possibilités d’actions communes ont rarement été plus favorables qu’aujourd’hui. Tant en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles, une large majorité de travailleurs, y compris des ouvriers, s’est prononcée contre l’accord. La CNE et la LBC réfléchissent sur des actions. Dans d’autres centrales de la CSC, nombreux sont ceux qui se sentent délaissés par le sommet.

    En annonçant des actions régionales, la direction de la FGTB indique avoir compris le message. Nous devons assurer que ce soit un grand succès par une politique participative de la base et une implication maximale des collègues des autres syndicats. La journée nationale d’action du 4 mars ne peut pas se limiter à une action symbolique ou à une simple promenade sans lendemain, sans mots d’ordre clair concernant la suite. Au contraire, si les patrons et les politiciens continuent à négliger le message cela doit devenir une grève générale de 24 heures bien préparée autour des revendications suivantes:

    • Des négociations libres dans les secteurs et les entreprises
    • Élimination de la discrimination entre ouvriers et employés sans miner le statut des employés
    • Pas touche à l’index
    • Maintien de tous les systèmes de prépensions

    FGTB et CSC: cassez les liens avec le PS et la CD&V

    Aucune institution, parti ou mouvement dans notre pays ne possède une force de mobilisation comparable à celle des syndicats. Avec une bonne campagne d’information et de mobilisation, les syndicats sont capables de mettre dans la rue des centaines de milliers de travailleurs. Hélas, au Parlement, cela ne se remarquera pas. Les syndicats libéraux venaient à peine de rejeter l’accord que les partis libéraux annonçaient vouloir intégralement le faire appliquer par le Parlement. Au Parlement, les chrétiens-démocrates se moquent des positions de la CSC et des mutualités chrétiennes. Tant le PS que le SP.a se sont dits réjouis de l’accord “équilibré”. Il semble que les politiciens vivent dans un autre monde. Bien qu’une majorité de syndicalistes ait rejeté l’AIP, cette position passe à peine dans les médias. A la base syndicale, cela conduit à des frustrations et au découragement. En Flandre surtout, et depuis des années, nombreux sont ceux qui se sont détournés des partenaires politiques privilégiés et votent pour le populiste du moment. Il est hautement temps que les dirigeants syndicaux rompent les liens entretenus avec le PS et le SP.a pour la FGTB et avec le CD&V pour la CSC, et qu’ils construisent leur propre représentation politique, avec tous ceux qui s’opposent à la casse sociale.


    Jeunes en lutte pour l’emploi

    Les jeunes surtout sont dans le collimateur de la politique de casse sociale. La sécurité d’emploi et un salaire convenable ne sont que de rêves pour beaucoup. L’AIP veut encore élargir cette discrimination. Celui qui est déjà au boulot garderait son statut actuel, des nouveaux travailleurs subiraient le nouveau statut miné. Dans quelques régions, le PSL est impliqué avec les jeunes des syndicats et la JOC dans une campagne contre l’insécurité d’emploi et la série interminable de statuts précaires imposés aux jeunes.


    Socialisme 2011

    Chaque année, le Parti Socialiste de Lutte organise un weekend public de débats et de formation, ”Socialisme 2011” cette année. Nous y accueillerons environ 300 participants. Durant trois meetings en plénière, deux sessions et 16 commissions, la lutte syndicale ne sera jamais très éloignée. De plus, ce sera l’occasion de rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. A l’ordre du jour, il y aura entre autre une discussion sur les grèves générales avec Gustave Dache, auteur d’un livre sur ’60-’61 ; un meeting international avec des syndicalistes de France, d’Irlande et de Grande-Bretagne ; des témoignages de syndicalistes venant de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre sur la façon dont ils réagissent face à la question communautaire ; et une commission concernant les syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems, secrétaire licencié du SETCa BHV industrie.

  • Socialisme 2011 – Le menu pour les syndicalistes combatifs

    Les syndicalistes combatifs ne resteront pas sur leur faim à Socialisme 2011! La lutte syndicale est loin d’être oubliée dans ce programme de trois meetings en plénière, deux discussions en panel et 16 commissions. Le weekend Socialisme 2011 est l’occasion par excellence pour rencontrer d’autres syndicalistes combatifs. Nous voulons ci-dessous attirer l’attention sur 4 moments à ne pas manquer pour les syndicalistes de lutte.

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    Samedi 12 mars 15h30

    L’expérience et les leçons des grèves générales en Belgique – avec introduction de Gustave Dache

    A l’occasion du 50e anniversaire de la grève générale de 1960/61, le PSL a publié le livre écrit par Gustave Dache. Le timing avait bien été choisi: dans différents pays européens, la grève générale était à nouveau à l’agenda. Dans son livre, Gustave a fait un rapport du déroulement de la grève, jour après jour, et a aussi décrit l’attitude des diverses force en présence, tant des partisans que des opposants à la grève. Gustave était à ce moment là en toute première ligne, mais il avait aussi connu la grève générale de 1950 en tant que tout jeune ouvrier, lors de la Question Royale. Au cours d’une des commissions de Socialisme 2011, il partagera son expérience et reviendra sur les leçons à tirer des grandes grèves du 20e siècle.


    Meeting de soirée le samedi 12 mars à 19h

    L’Europe en crise et la lutte contre l’austérité

    Voilà qui constituera un des des points culminant de Socialisme 2011. Jacques Chastaing, organisateur du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) français à Mulhouse (et actif depuis déjà des années, notamment durant la fameuse lutte de l’usine LIP à Besançon dans les années ’70), parlera du mouvement contre la réforme des pensions de Sarkozy. Quelques 17 millions de personnes ont pris part à ce mouvement et Sarkozy a dû remanier son gouvernement. Matt Waine, conseiller communal du Socialist Party à Dublin, abordera la façon dont la crise de la dette a fait chuter la coalition des conservateurs et des verts au pouvoir. En Irlande, la gauche radicale a rassemblé ses forces au sein de l’United Left Alliance qui, selon les sondages, pourrait obtenir trois ou quatre sièges lors des élections parlementaires du 25 février prochain. En Grande-Bretagne, après un long sommeil, le mouvement ouvrier est de nouveau entré en action. Les grèves des jeunes ont mis le feu aux poudres mais, avec le ‘National Shop Stewards Network’, la base syndicale a aussi son propre instrument pour jouer un rôle. Nous avons demandé la présence d’un orateur du NSSN, mais nous ne savons pas encore qui viendra. Le meeting sera clôturé par Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL et responsable de notre travail syndical.


    Commission le dimanche 13 mars à 10h30

    Les perspectives pour les luttes en Belgique et l’attitude à adopter face à la question nationale

    Des syndicalistes régulièrement confrontés à la question communautaire viendront témoigner de la façon dont ils se comportent en réaction. Levi Sollie est délégué à Bayer pour la Centrale Générale de la FGTB. Karim Brikci est délégué CGSP à l’hôpital public Brugmann à Bruxelles, où tant le personnel que les patients sont francophones, néerlandophones, ou ont une autre langue maternelle. Yves Cappelle est délégué SETCa à Steria Benelux, et membre de la section bilingue du SETCa-BBTK à Bruxelles-Hal-Vilvorde. Wouter Gysen est délégué CGSP à la SNCB, où l’unité des deux côtés de la frontière linguistique est une condition cruciale pour pouvoir contrer les attaques de la direction contre le statut et les conditions de travail. Anja Deschoemacker est membre du Bureau Exécutif du PSL et auteur de l’ouvrage: ‘La question nationale en Belgique – une réponse des travailleurs est nécessaire!’


    Dimanche 13 mars 13h

    Pour des syndicats combatifs et démocratiques, avec Martin Willems (ancien secrétaire SETCa-BHV industrie)

    La section régionale a été placée sous tutelle statutaire par le SETCa fédéral. Cinq secrétaires ont été licenciés sur-le-champ. 2000 militants et 14.000 membres du SETCa secteur industrie à BHV, dans 400 sociétés, ont été laissé à leur sort d’un jour à l’autre. Certains étaient impliqués dans des dossiers de restructuration difficiles. Les militants ont appris cette nouvelle par les médias, ce qui rend l’affaire d’autant plus douloureuse. Depuis lors, tant le bureau exécutif fédéral que régional refuse de débattre de l’affaire. Récemment, une Assemblée générale du secteur Services a toutefois décidé rouvrir l’affaire, contre l’avis du secrétaire fédéral et des secrétaires remplaçants qui étaient présents. Lors d’une commission spécialement prévue à Socialisme 2012, Martin Willems, l’un des cinq secrétaires, commentera ce déroulement et parlera de la nécessité de syndicats combatifs et démocratiques.

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