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  • Des feux meurtriers ravagent la Grèce

    Feu de forêt sur l’île de Zakynthos en Grèce, 2007 (photo : Carl Osbourn)

    Plus de 80 morts, dont des enfants et des bébés, et plus de 150 blessés.  Des dizaines de personnes sans abri et une destruction incalculable des forêts et des terres forestières. C’est, jusqu’à présent, le résultat des grands incendies qui ont eu lieu à Attica. Le nombre de victimes peut augmenter car des corps sont encore découverts sur les plages – des gens qui ont essayé de se sauver en sautant dans la mer. Et on ne sait toujours pas combien de personnes qui se sont enfermées dans leurs maisons et qui n’ont pas pu s’échapper.
    En un après-midi, au moins trois grands incendies se sont déclarés à Attica, et quinze incendies, au total, dans tout le pays. Les dimensions de cette tragédie rappellent les incendies qui ont fait des dizaines de morts en 2007 et de nombreuses forêts brûlées dans le Péloponnèse et Parnitha.

    Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce)

    Ce nombre simultané d’incendies dans la région d’Attica, lorsqu’il y avait des températures très élevées et des vents forts, ainsi que les lieux et les moments où ces incendies ont commencé, amènent les gens à se demander ce qui a causé de tels dommages. L’une des zones touchées, Kineta, se trouve au pied des montagnes de Yerania, où il était prévu d’établir une mine de bauxite. La demande d’autorisation de la mine a été rejetée en 2017, en raison de la résistance des habitants de la région, et par les autorités pour la protection des forêts de Yerania. La destruction d’une grande partie de cette forêt avec les incendies profitera certainement à la compagnie minière.

    Le gouvernement parle déjà, directement ou indirectement, d’incendie criminel. Le Premier ministre Tsipras parle d’un “phénomène asymétrique”. Mais la question devrait vraiment être : Cette tragédie n’est-elle causée que par des personnes, pour quelque raison que ce soit, qui auraient allumé ces incendies ? Le gouvernement peut-il justifier l’ampleur des dommages en prétendant qu’il s’agit d’un “phénomène asymétrique” ? La vraie question devrait certainement être : que fait le gouvernement pour protéger le pays et ses forêts contre de telles menaces ?

    Indépendamment de ce qui sera prouvé plus tard, il y a une réalité indéniable : les déficiences et les coupes budgétaires subies par les pompiers et le Service forestier, tant au niveau des ressources humaines qu’au niveau des matériaux. Cela signifie que la lutte contre l’incendie se heurte à davantage de difficultés, voire à une situation impossible.

    En 2007, les pompiers ont protesté contre le fait que 29% des postes du service d’incendie n’étaient pas couverts. Ils ont également déclaré qu’une grande partie de leur équipement et de leur matériel d’extinction d’incendie étaient désuets et défectueux. Lors des derniers grands incendies, en 2007, les véhicules de lutte contre l’incendie ont été endommagés sur le chemin de l’extinction des incendies, les tuyaux d’eau étaient troués et il y avait un manque d’équipement de protection individuelle pour les pompiers.

    L’austérité

    Onze ans plus tard, et après plusieurs mémorandums d’austérité imposés par la Troïka, la situation est encore pire. Chaque année, le budget du service d’incendie fait l’objet de nouvelles compressions.

    Aussi catastrophique que soit cette situation, il convient de mentionner, cependant, un aspect beaucoup plus porteur d’espoir ; la grande solidarité et la volonté d’aider dont ont fait preuve des centaines de personnes ; les équipes de volontaires de la protection des forêts, qui n’ont rien reçu de l’État, qui ont été formées pour aider à éteindre les incendies aux côtés des pompiers et des gardes forestiers.
    Des appels ont été lancés sur les réseaux sociaux afin d’obtenir des ressources pour répondre aux besoins des personnes touchées par les incendies, et la réponse a été massive. Des médecins se sont portés volontaires pour soigner les blessés, et des vétérinaires et des défenseurs du bien-être des animaux s’occupent des animaux domestiques et sauvages.

    En partant de cette vague de solidarité, nous devons, petit à petit, retrouver notre force collective et entrer à nouveau dans la lutte pour mettre fin aux politiques qui ont conduit à cette tragédie ; transformer complètement un système qui place les profits des banques et des grandes entreprises au-dessus de nos vies et de l’environnement.

  • [DOSSIER] L’ascension et la chute de Syriza

    Photo: Wikipedia

    Le 5 juillet 2015, un référendum historique eut lieu en Grèce contre le mémorandum d’austérité de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), avec une majorité écrasante de 61,5% en faveur du « non » (OXI). Plus de deux ans plus tard – comme le rapporte ici ANDROS PAYIATOS, membre de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) – dirigée par un gouvernement Syriza, la société grecque est confrontée à la poursuite des mêmes politiques qui furent appliquées précédemment par les partis traditionnels de la classe dirigeante, le parti social-démocrate Pasok et le parti conservateur Nouvelle démocratie (ND). Que s’est-il passé ?

    Les attaques contre le niveau de vie et les droits du peuple grec se renforcent sous le gouvernement Syriza. Celui-ci essaie de cacher cela en parlant de « négociations difficiles » et de « faire tout son possible » contre les « Institutions », le nouveau nom de la troïka qu’est la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) ). Mais ce n’est que de la poudre aux yeux. Le dernier accord du 15 juin a libéré 8,5 milliards d’euros pour la Grèce (dont 8,2 milliards € seront utilisés immédiatement pour rembourser les prêts). Rien n’a été ajouté aux propositions des institutions faites lors de la réunion de l’Eurogroupe le 22 mai.

    Le Premier ministre de Syriza, Alexis Tsipras, n’utilisa ce moment que pour faire beaucoup de bruit, en interne, en proclamant qu’il n’y aurait pas de franchissement de ce qu’il appelle (très souvent) des “lignes rouges”. Le résultat est toujours le même : les institutions indiquent qu’elles ne reculeront pas ; menaçant que si le gouvernement grec ne calme pas ses ardeurs, il sera expulsé de la zone euro ; Les lignes rouges de Syriza s’amenuisent.

    Le dernier accord impose des fardeaux supplémentaires d’environ 5 milliards d’euros aux masses entre 2019 et 2022. De manière plus générale, de l’année prochaine jusqu’à la fin de 2022, la Grèce versera des intérêts de la dette à hauteur de 3,5% du PIB – avec l’engagement du gouvernement de dégager un « surplus primaire » annuel de 3,5% des recettes fiscales par rapport aux dépenses avant intérêts. Les prêts seront remboursés par de nouveaux prêts. À partir de 2022, les intérêts payés annuellement (excédents primaires) représenteront en moyenne de 2% du PIB. Et ce jusqu’en 2060. C’est le scénario le plus « optimiste ». Sur cette base, la dette souveraine représentera environ 60% du PIB en 2060. Cependant, toutes les institutions ne sont pas d’accord : le FMI affirme que ces excédents primaires sont irréalisables et que la dette sera incontrôlable.

    Jusqu’à ce que les créanciers soient payés, toute politique de tout gouvernement grec doit être approuvée par les institutions. Le gouvernement soi-disant de « gauche » de Syriza adhère à cette clause et impose une nouvelle vague d’austérité.

    Il a encore augmenté l’impôt sur le revenu pour toutes les couches de la population, même celles qui gagnent environ 400 € par mois – le seuil était d’environ 700 € sous le précédent gouvernement ND. Il a augmenté la fiscalité indirecte (de 20%) sur tout, y compris les produits les plus élémentaires comme le café grec et les traditionnels souvlakis. En moyenne, il a réduit les pensions de 9% supplémentaires. Il applique des mesures que la ND et le Pasok avaient ??jugées impossibles à réaliser, avec le plus grand programme de privatisation jamais réalisé. Le marché du travail reste une jungle où l’immense majorité des travailleurs du secteur privé travaillent des mois sans être payés et où l’exploitation atteint des conditions indescriptibles.

    Par conséquence, les sentiments qui dominent parmi les travailleurs sont une colère de masse et, en même temps, une démoralisation massive. L’idée que les politiciens sont des escrocs et des menteurs domine. Dans le passé, les partis traditionnels, ND et Pasok, qui ont gouverné le pays depuis 1981, étaient principalement visés. Aujourd’hui, cela s’applique également à Syriza. Il est passé d’un petit parti avec environ 3% de soutien électoral à une force de masse en remportant plus de 36% en janvier et septembre 2015. Cette croissance spectaculaire fut le résultat des énormes convulsions qui ont parcouru la société grecque qui, face aux attaques de Pasok et ND, s’est tournée vers le petit parti de gauche et l’a transformé en une force de masse, pour le voir ensuite se retourner contre les masses et continuer la même politique.

    Les raisons historiques

    L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 créa une situation objective entièrement nouvelle à l’échelle mondiale. Entre autres choses, un énorme vide à gauche se développa après l’effondrement des partis « communistes » staliniens et l’embourgeoisement des partis sociaux-démocrates qui embrassèrent pleinement les idées du « libre marché ». Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses sections nationales avaient prédit que cela donnerait lieu à des tentatives de créer de nouvelles formations de gauche, de nouveaux partis de travailleurs, afin de fournir une représentation politique à la classe des travailleurs et de jouer un rôle dans le développement de ses luttes.

    Le Parti communiste grec (KKE) connut des divisions majeures, sa section des Jeunesses communistes (KNE) quitta en masse. Une autre nouvelle formation était Synaspismos (SYN – signifiant « alliance » ou « collaboration »), créée par les petites forces de l’ancien parti eurocommuniste de Grèce s’unissant à une section du Parti communiste. Avec le Pasok se déplaçant rapidement vers la droite, la gauche fut confrontée à une contraction massive de ses forces. Le KKE descendait à 4 à 5% aux élections, mais conservait encore des racines au sein de la classe des travailleurs, en particulier chez les cols bleus du secteur privé. SYN luttait d’élection en l’élection pour obtenir le minimum de 3% des votes pour entrer au Parlement – pas toujours avec succès.

    Les choses commencèrent à changer vers la fin des années 1990. SYN était la seule formation de gauche semi-massive qui n’était pas sectaire et était capable d’intervenir dans les mouvements altermondialistes et anti-guerre au tournant de ce siècle. Ouvert à la collaboration et aux alliances, il commença à attirer un certain nombre d’autres forces plus petites. Ensemble, ils créèrent un espace de dialogue et d’action unie qui se développa pour former Syriza en 2004. Xekinima, la section grecque du (CIO), prit part à la procédure spatiale, mais refusa de rejoindre Syriza en 2004 car cette plateforme avait été formée à la hâte pour des raisons électorales et avec un programme réformiste de droite qui n’était en aucun cas radical.

    Syriza s’en est très mal sorti aux élections de 2004 et la direction de la droite de SYN décida de tuer le projet. Toutefois, il réapparût en 2007, toujours pour se présenter aux élections. La différence était qu’il y avait eu un changement de direction, avec Alekos Alavanos à la tête du parti qui lançait un processus de gauche. Syriza progressa, obtenant 5% aux élections. Ce fut le début de changements majeurs car la crise mondiale frappait la Grèce en 2009 et creusait le fossé à gauche. Le Pasok fut élu à l’automne 2009 avec une grande majorité, mais il devint l’année suivante l’agent de la troïka et mit en place le premier mémorandum. En juin 2012, la ND remporta les élections et commença à mettre en œuvre le deuxième mémorandum.

    Les attaques massives de ces partis traditionnels, combinées aux énormes luttes sociales qui balayèrent la Grèce, en particulier à partir de 2010-12, jetèrent les bases de la montée de Syriza pour combler l’énorme vide qui avait été créé. À partir du printemps 2010, les confédérations syndicales (GSEE dans le secteur privé et les services publics, et ADEDY dans les services publics) commencèrent à déclencher des grèves générales. Au total, environ 40 grèves générales furent lancées entre 2010 et la victoire de Syriza en 2015.

    Celles-ci étaient couplées avec des occupations et des grèves sectorielles quelques mois durant. À l’automne 2011, il restait peu de bâtiments d’administration qui n’était pas couverts de bannières disant « sous occupation ». En parallèle, de nombreux autres mouvements sociaux et locaux extrêmement importants prirent place, comme la lutte de la population de Keratea contre un site d’enfouissement des déchets ou contre les mines d’or de Skouries à Chalkidiki dans le nord de la Grèce, le mouvement de désobéissance civile contre les péages routier durant l’hiver 2010 et le mouvement Occupy de 2011.

    Bien que des signes de fatigue se soient manifesté au milieu de l’année 2012 après de sérieuses défaites, des luttes d’importance historique subsistent, comme les travailleurs de l’ERT (Télévision publique d’état) en 2013 et les travailleurs de VIOME qui continuaient de garder leur usine en marche : ERT et VIOME fournirent tous deux d’excellents exemples de la façon dont les travailleurs pouvaient gérer la production de manière démocratique sans avoir besoin d’un patron ou de directeurs nommés.

    Pourquoi Syriza?

    À cette époque, seule la gauche pouvait offrir un moyen de sortir de la crise – même si les mêmes conditions favorisèrent la montée de l’extrême droite, qui se développa sous la forme de l’Aube dorée néo-nazie. Mais pourquoi est-ce Syriza qui s’éleva et pas un autre parti ? Avant le début de la crise et dans sa période initiale, le parti de gauche qui suscitait le plus grand intérêt était le KKE. Le front de gauche anticapitaliste, Antarsya, stagnait autour des 1% dans les sondages. Syriza montrait des signes de soutien important, mais avec de grandes fluctuations, alors que le KKE était plus stable, passant de son traditionnel 7-8% à 10-12%.

    L’une des principales différences (pas la seule, bien sûr) entre les trois formations, résidait dans le fait que le KKE et Antarsya étaient sectaires. Ils rejetaient, au nom de « l’authenticité révolutionnaire », l’idée d’un front uni de toute la gauche et des forces du mouvement de masse alors que Syriza était très favorable à l’idée d’une action commune. Le KKE suivit un chemin extrêmement sectaire de de rejet de collaboration avec qui que ce soit – jusqu’à refuser de participer aux mêmes manifestations !

    La percée de Syriza survint lors des élections de 2012, en mai et en juin. En mai, Syriza gagna environ 17% des voix et le KKE 8,5%. Mais en juin, Syriza atteignit 27%, juste derrière la ND et ses 29,7%, alors que le KKE était tombé à 4,5%. Ce qui est important, c’est la façon dont la force relative des partis évoluait avant et au cours des élections. À partir de décembre 2011, les sondages donnaient des pourcentages similaires à Syriza et au KKE – environ 12%. Dans les premières étapes de la campagne électorale – en fait, jusqu’à trois semaines avant le vote du 6 mai 2012 – les deux partis flirtaient chacun avec les 12%.

    Puis, Tsipras lança un appel ouvert au KKE pour un gouvernement commun de gauche. Auparavant, il refusait de lancer ce slogan malgré la pression des sections de la gauche. Sections qui comprenaient Xekinima, qui collaborait étroitement avec Syriza, dont une partie de nos membres faisaient également partie, faisant campagne pour un gouvernement des partis de gauche sur base d’un programme socialiste. L’impact de l’appel était clair. La direction stalinienne du KKE rejeta immédiatement tout type de gouvernement de gauche commun avec Syriza par principe ! Ils déclarèrent même que si Syriza était en mesure de former un gouvernement minoritaire, le KKE ne lui donnerait pas un vote de confiance au Parlement. En d’autres termes, ils le feraient tomber.

    Ce débat à l’intérieur de la gauche fit automatiquement pencher la balance. Syriza gagna et le KKE perdit. Le vote total de gauche en mai 2012 (17% + 8%) était semblable à celui enregistré dans les sondages dans les semaines et les mois précédents (12% + 12%) – sauf que Syriza passa en tête. Cela montre l’importance de l’approche du front uni pour les larges masses, ce qui, malheureusement, est bien au-delà de ce que pouvait concevoir la direction du KKE et de la plupart des organisations de la gauche grecque. Il n’y a pas de chiffres officiels mais, d’après les informations fournies par des membres du KKE, environ un tiers des membres quittèrent délibérément ou furent rejetés parce qu’ils s’opposaient au refus de KKE de répondre positivement à l’appel de Syriza.

    La capitulation était-elle inévitable ?

    La capitulation de Syriza à la troïka n’était pas inévitable. C’était le résultat du manque de compréhension par la direction des processus réels de la perception naïve, sinon criminelle, qu’ils « changeraient la Grèce et l’ensemble de l’Europe », comme Tsipras s’en vantait. C’était le manque de compréhension de la nature de classe de l’Union Européenne et un manque total de confiance dans la classe des travailleurs et sa capacité à changer la société. Lorsque Tsipras se retrouva face à ce que signifiait vraiment de se heurter à la classe dirigeante, il tomba dans le désespoir et capitula, faute d’un manque complet de préparation.

    Toute l’approche était emprunte d’amateurisme. Immédiatement après la victoire électorale de Syriza en janvier 2015, des centaines de millions d’euros commencèrent à s’échapper quotidiennement du pays. Tsipras et son ministre de l’économie, Yanis Varoufakis, n’avaient pas pris les mesures de bases : imposer des contrôles pour arrêter les sorties de capitaux. Ils avaient eu l’exemple à Chypre, en 2013 – où la troïka elle-même avait appliqué un contrôle des capitaux – pourtant, ils n’osèrent pas agir.

    Ensuite, ils firent quelque chose d’encore plus scandaleux. Ils continuèrent à rembourser la dette bien que la troïka ait cessé de fournir de nouveau financement de la dette ! Ils drainèrent l’économie, confisquant chaque euro des mains d’institutions publiques tels que les universités, les hôpitaux et les gouvernements locaux – pour montrer à l’UE qu’ils étaient de « bons garçons ». Ensuite, la BCE intervint pour geler les liquidités des banques et donc les forcer à fermer. L’économie était à genoux.

    Tsipras eut un choix à faire : abandonner et accepter tous les termes des vainqueurs vindicatifs, ou changer de cap et passer à l’offensive. Les masses grecques lui envoyèrent le message lors du référendum historique de juillet 2015 : ripostez et nous serons de votre côté. Mais Tsipras avait déjà décidé. Il céderait à la troïka. Il avait effectivement appelé le référendum dans le but de le perdre. Le résultat le choqua profondément ; Il ne s’attendait pas à une si écrasante victoire. Varoufakis le confirma lors d’une interview récente, disant qu’il avait déclaré à Tsipras “de ne pas faire sortir le peuple” s’il avait déjà décidé de concéder face aux exigences de la troïka.

    Une alternative existe, développée en détail par des organisations de gauche comme Xekinima: imposer un contrôle des capitaux; refuser de payer la dette; nationaliser les banques; passer rapidement vers une monnaie nationale (drachme); utiliser les liquidités fournies par cette monnaie pour financer des travaux publics majeurs, afin d’arrêter la contraction continue de l’économie et de la remettre sur le chemin de la croissance; annuler les dettes des petites entreprises écrasées par la crise et accorder des prêts sous des conditions favorables afin qu’elles puissent se remettre en activité et relancer rapidement l’économie.

    Nationaliser les secteurs clés de l’économie ; planifier l’économie, y compris par un monopole d’État sur le commerce extérieur, dans le but d’acquérir une croissance soutenue qui ne sert pas les bénéfices d’une poignée de propriétaires de navires, d’industriels et de banquiers, mais qui est au service des 99%. Créer des comités spécifiques de planification dans tous les secteurs de l’industrie et de l’exploitation minière, et accorder une attention particulière à l’agriculture et au tourisme qui sont essentiels à l’économie et ont un énorme potentiel. Etablir une économie démocratique, par le contrôle et la gestion par les travailleurs dans tous les domaines et à tous les niveaux. Lancer un appel au soutien et à la solidarité des travailleurs du reste de l’Europe, en les appelant à lancer une lutte commune contre l’Union européenne des patrons et des multinationales. Pour une union volontaire, démocratique et socialiste des peuples d’Europe. En bref, une offensive anticapitaliste et anti-Union Européenne sur base d’un programme socialiste et d’une solidarité de classe internationale aurait dû être la réponse au chantage de la troïka.

    C’était complètement au-delà de ce que pouvait imaginer Tsipras et Co, y compris Varoufakis. Même s’il faut lui reconnaître de ne pas s’être incliné devant les maîtres de l’UE, il n’en demeure pas moins que les politiques économiques appliquées entre janvier et juillet 2015 furent catastrophiques et Varoufakis en est directement responsable. Il nourrissait, et nourrit malheureusement toujours, des illusions sur le fait qu’il pouvait convaincre l’UE de changer ses politiques et se réformer.

    Qu’en est-il du reste de la gauche ?

    La capitulation de la direction de Syriza est un aspect des problèmes rencontrés par les masses des travailleurs grecs. L’autre, dans un certain sens plus important, est l’incapacité des forces de gauche à profiter de la capitulation de Syriza pour fournir une alternative. C’est particulièrement le cas pour les deux principales formations de gauche, le KKE et Antarsya, parlent toutes les deux au nom de l’anticapitalisme et de la révolution socialiste. La plupart de la gauche grecque souffre d’un certain nombre de « péchés éternels » en raison de l’influence massive du stalinisme sur son histoire et son développement. Avec des conséquences tragiques car le KKE et Antarsya ont des forces suffisantes, une masse critique, pour servir de catalyseurs de changements majeurs et de retournement de situation.

    Premièrement, il y a peu de compréhension du programme de transition, de la nécessité d’avoir un lien, un pont, entre les luttes d’aujourd’hui et la transformation socialiste de demain afin que les deux tâches s’entremêlent en un ensemble dialectique. En conséquence, le KKE parle de la nécessité du socialisme, mais ne le présente que comme un but à atteindre dans un avenir lointain qui se produira d’une manière ou d’une autre si et quand le KKE obtient une force suffisante. Le KKE refuse donc de soutenir des revendications telles que la nationalisation ou même la sortie de l’UE, avec pour argument que cela est « dénué de sens sous le capitalisme ».

    Antarsya, ce n’est pas la même chose, il règne cependant toujours une grande confusion dans ses rangs. Certaines sections soutiennent un « programme de transition » mais l’interprètent comme un programme minimum, en le séparant de la question de la prise du pouvoir par les travailleurs et de la transformation socialiste. Antarsya est connue pour sa caractéristique générale de faire de « grands appels à la révolution » sans propositions concrètes sur la façon d’y parvenir.

    Deuxièmement, il n’y a pas de compréhension de la tactique de front uni, expliquée et appliquée par les bolcheviks sous Lénine et par Léon Trotsky dans les années 1930, qu’il résumait comme la possibilité de « marcher séparément mais de frapper ensemble » dans l’action. Le KKE et Antarsya n’ont jamais eu une approche de front uni vers les masses de Syriza. Bien qu’ils aient compris qu’à un certain stade, Tsipras et Co capituleraient aux exigences des capitalistes, ils croyaient que, comme par magie, les masses déçues se tourneraient tout simplement vers eux. Néanmoins, les masses autour de Syriza, ne se joignirent pas à des forces qui les traitèrent avec mépris dans la période précédente. Ils rentrèrent juste chez eux.

    Troisièmement, c’est l’ultimatisme. Aujourd’hui, le KKE agit comme une copie de l’internationale communiste durant la « troisième période » stalinienne. Il accuse ses adversaires d’être des agents de la classe dirigeante et même des collaborateurs du l’Aube dorée néo-nazie. Récemment, à Kefalonia (une île de la mer Ionienne), le KKE distribua un tract contre Xekinima après que nos sympathisants aient remporté des élections pour le syndicat local des professionnels et petits commerçants. Ils affirmèrent que « l’extrême gauche » (Xekinima) collaborait avec les grandes entreprises, le Pasok, la ND, Syriza et Aube Dorée (tous ensemble !) pour vaincre la faction syndicale soutenue par le KKE. Il ne nous reste que nos yeux pour pleurer.

    Enfin, il y a un refus de faire face à la réalité. Après le référendum de juillet 2015 et les élections de septembre, que Tsipras présenta hâtivement aux masses afin de leur faire réaliser ce que signifiait sa capitulation, Xekinima déclara ouvertement que ces événements représentaient une défaite majeure. Nous avons expliqué que cela allait sûrement avoir un impact sérieux sur les mouvements et la gauche en général, bien que cela aiderait une minorité de militants à arriver à des conclusions révolutionnaires.

    La majorité de la gauche, cependant, refusait d’accepter cela. Ils appelèrent à un mouvement de masse pour faire tomber le gouvernement, ce qui ne pouvait tout simplement pas se produire. Ensuite, dans une réponse particulièrement caractéristique du KKE, si les masses ne vinrent pas se battre « c’est parce qu’elles ne comprennent pas ». En d’autres termes, c’est la faute des masses. Une deuxième réponse consistait à amplifier les dimensions d’un mouvement, à rapporter des chiffres erronés sur le nombre de participants aux manifestations, etc. Inutile de dire que ces approches ne pouvaient que conduire la gauche dans une impasse.

    Si ces failles majeures expliquent pourquoi les masses refusèrent de se tourner vers le KKE et Antarsya après la capitulation de Tsipras, qu’en est-il de la gauche interne à Syriza ? La principale opposition, la plateforme de gauche, avait le soutien d’environ un tiers du parti. Elle se scinda en août 2015 et créa l’Unité Populaire (PU) pour se présenter aux élections anticipées de septembre. Au début, les sondages lui donnèrent environ 10% – un soutien de masse significatif – mais ces chiffres retombèrent progressivement jusqu’à moins de 3%. Aujourd’hui, ils tournent autour de 1 à 1,5% dans la plupart des sondages.

    La direction de l’Unité Populaire commit un certain nombre d’erreurs cruciales. Tout d’abord, leur campagne se concentrait sur le passage à une monnaie nationale – son « programme » était non seulement trop limité mais également incohérent. Il défendait l’idée de quitter la zone euro et de refuser de payer la dette, tout en restant dans l’UE ! Sans à supprimer parler du fait qu’on était loin d’un programme radical, anticapitaliste et socialiste, il représentait surtout une combinaison impossible de revendications.

    Le deuxième facteur majeur fut l’arrogance de la direction et son approche bureaucratique top-down. Des milliers d’activistes de gauche, principalement non alignés, s’approchaient de l’Unité Populaire au moment de sa formation, dans l’espoir qu’elle pourrait offrir une issue. Mais ils furent déçus et s’en détournèrent. Ils l’avaient déjà auparavant et n’avaient déjà pas aimé : une direction établie (locale et nationale) qui n’acceptait aucune remise en question ; un programme préétabli qui ne devait pas être discuté ; et une campagne pour élire des députés désignés et pas élus par la base ! Peu avant le jour de l’élection, les responsables de l’Unité Populaire réalisèrent que les choses ne se passaient pas bien et ils tentèrent un virage démocratique de dernière minute, mais il était trop tard.

    Perspectives et tâches

    Vers la fin des années 1990, il était possible de voir d’où viendrait l’initiative pour la création d’une nouvelle formation de gauche en Grèce (laquelle devint Syriza). Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. La phase de défaite que traverse la classe des travailleurs grecs est sérieuse. Cependant, elle n’est pas du tout comparable à la défaite de la guerre civile de 1945-1949 ou à la victoire de la junte militaire de 1967 à 1974. La classe des travailleurs avec ses traditions militantes et d’abnégation seront de retour sur le devant de la scène, il n’y a aucun doute là-dessus. Bien sûr, le calendrier, l’ampleur et les caractéristiques précises de ce retour ne peuvent être prédits à l’avance. Ce processus se déroulera parallèlement à la tentative de construire de nouvelles formations qui pourront représenter politiquement le mouvement des masses et assurer la direction de ses luttes.

    Les activistes de la classe des travailleurs sont confrontés à une double tâche. D’une part, tirer la conclusion politique principale qui découle de la capitulation de Syriza : qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste, qu’un programme socialiste révolutionnaire est le seul moyen de sortir de la crise. D’autre part, qu’il faut réunir, dans un large fleuve d’actions, de lutte et de résistance communes, tous les différents courants des mouvements grecs avec l’objectif supplémentaire de galvaniser ceux-ci au sein d’une nouvelle formation élargie avec des caractéristiques de front unique. Un large front uni est nécessaire pour rendre les luttes plus efficaces, tout comme un noyau de révolutionnaires est nécessaire pour lutter pour un programme socialiste au sein de la classe des travailleurs, des mouvements sociaux et de la société.

    Objectivement, il y a un terreau fertile à ces idées. Le problème est subjectif et est lié aux déficiences des forces principales de la gauche. Par conséquent, nous pouvons seulement nous battre pour ces idées et prendre des initiatives lorsqu’il est possible de montrer la voie à suivre. Xekinima fait campagne dans le mouvement de masse et la société pour ces propositions et, prend, en même temps, des initiatives qui nous indiquent le chemin à suivre. Des initiatives telles que des alliances locales de gauche, des « centres sociaux » locaux avec d’autres militants de gauche, des campagnes communes avec d’autres groupes, en particulier sur des questions qui touchent la classe des travailleurs, etc.

    Il y a une retraite dans le mouvement de masse et il y a de la démoralisation. Il y a très peu de luttes majeures, « centrales », mais beaucoup de petites et d’importantes. Parallèlement, de nombreux activistes ont soif d’idées. La phase d’accalmie actuelle prendra fin, tôt ou tard, et de nouveaux soulèvements sont à prévoir. Les forces du socialisme révolutionnaire s’appuient sur cette perspective.

  • [INTERVIEW] Victoire majeure des employés d’une entreprise athénienne de nettoyage de bus

    Athens bus cleaners strikers (1)

    Eleni Mitsou (Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) et Casimir Apostolis (membre du conseil d’OASA – Syndicat Athénien des Travailleurs pour l’Entreprise de Nettoyage des Bus) se sont entretenus avec Tanja Niemyer et Katia Hanke au sujet des luttes menées à Athènes par les travailleurs, de leur développement ainsi que de la victoire obtenue in fine. Aussi bien Eleni qu’Apostolis avaient combattu aux côtés des employés de la compagnie d’entretien des bus publics (OSY) à Athènes, et ce depuis janvier 2016, lorsque la lutte contre les pratiques mafieuses de l’entrepreneur de la compagnie de nettoyage a commencé. En juin, ils ont obtenu, au forceps, une première victoire contre l’entrepreneur. Un rapport sur les cinq premiers mois de leur lutte peut être consulté ici (en anglais).

    Quelques jours avant l’entrevue, les efforts des nettoyeurs ont été couronnés d’une autre victoire, d’autant plus importante dans la mesure où le ministère des Transports a satisfait à la requête centrale des travailleurs, à savoir limoger les entrepreneurs et s’engager avec les nettoyeurs eux-mêmes via des contrats directs. Cela a été présenté comme un projet de loi et les délibérations ont débuté le mercredi 4 août. Les partis, PASOK, Nouvelle Démocratie, Rivière, et l’Aube Dorée ont voté contre. Le KKE (parti communiste grec) et le Parti du Centre se sont quant à eux abstenus.

    L’interview a été réalisée sur l’île de Naxos au cours du camp d’été organisé par la Zone-YRE Antinazie, au sein de laquelle Xekinima joue un rôle essentiel. Un des points forts du camp d’été de cette année a été la discussion sur la grève des agents d’entretien des autobus athéniens.

    Eleni et Apostolis, nous sommes bien conscients qu’au mois de juin les nettoyeurs de l’OSY ont conquis une victoire importante, mais que leur lutte n’a jamais cessé. Que s’est-il concrètement passé ?

    En juin, les nettoyeurs de bus ont obtenu les salaires qui leur étaient dus depuis trois à cinq mois- le montant des salaires impayés variaient selon le dépôt pour lequel ils travaillaient. L’entrepreneur a renoncé à ce que les salaires lui soient versés en finissant par accepter que ces salaires soient distribués directement aux travailleurs par la compagnie publique d’autobus. C’était là une première dans le pays.

    Mais dès que cette victoire fut annoncée, nous avons découvert que la direction de la société publique d’autobus (OSY) avait l’intention de licencier l’entrepreneur de l’époque pour en embaucher un autre, avec des travailleurs plus “obéissants”.

    Cela signifiait que les nettoyeurs de bus qui se battaient pour leurs salaires et leurs droits depuis janvier allaient perdre leur emploi.

    Quelle a été la réaction des travailleurs?

    En réponse, les nettoyeurs ont commencé une campagne de masse, en distribuant des milliers de tracts à travers Athènes avec un étal quotidien sur la place Syntagma et aussi dans les quartiers de la classe ouvrière d’Athènes.

    En outre, Xekinima (CWI Grèce) a lancé une campagne de solidarité visant à distribuer des dizaines de milliers de tracts à travers tout le territoire grec. La campagne avait pour requête que la compagnie publique d’autobus emploie les nettoyeurs directement et cesse de sous-traiter avec des entreprises privées et donc, des entrepreneurs.

    Le directeur de l’entreprise publique d’autobus, qui a été nommé par le gouvernement SYRIZA, et le président de la compagnie de bus, lui-même un cadre de longue date chez SYRIZA, a refusé de soutenir la demande des travailleurs à être directement employés par la compagnie de bus.

    Entendez-vous que la direction de SYRIZA était déterminée à se débarrasser des travailleurs en lutte?

    Oui. Il fut choquant de voir avec quel mépris ils ont traité les travailleurs! Cependant, la campagne a réussi à recueillir beaucoup d’attention et à instiller une énorme pression auprès du patronat.

    Nous n’avons eu de cesse de mener des manifestations quotidiennes, sur des périodes assez longues, en dehors du siège de la compagnie d’autobus, du ministère des Transports et du siège de SYRIZA. Il y a eu une grosse couverture médiatique – dans les matinales des émissions de télévision, dans les journaux télévisés, à la radio et dans les journaux papier.

    Juin a été un mois très difficile pour les nettoyeurs de bus. Ils travaillaient de 21 heures à 3 heures du matin et dès 8 heures, ils étaient sur le terrain pour protester et défendre leurs droits. Par ailleurs, la plupart d’entre eux ont des obligations et des responsabilités familiales. Beaucoup d’entre eux devaient donc se contenter d’à peine quelques heures de sommeil toutes les nuits. Mais ils n’ont jamais baissé les armes, au lieu de cela, c’est de leur détermination inébranlable qu’ils ont fait montre.

    Quel a été le résultat de ce nouveau cycle de lutte?

    Quelques semaines plus tard, le ministre des Transports a promis d’introduire une loi qui assurerait l’emploi direct pour les nettoyeurs de bus par la compagnie publique. Cela nous a permis de «nous détendre» un peu, mais, bien sûr, nous étions sur nos gardes. Nous savions que les dirigeants de l’OSY nous attendaient au tournant.

    En réalité, les dirigeants de l’OSY ont effectivement tenté à deux reprises de changer d’entrepreneur. Ils voulaient clairement se débarrasser des travailleurs qui avaient montré une telle détermination à se battre pour leurs droits et, bien sûr, qui les avaient pointés du doigt et critiqués ouvertement. Mais la campagne n’a pas tardé à réagir.

    En en particulier, la campagne internationale lancée par le Comité pour une Internationale Ouvrière. La campagne de protestation menée de concours par des camarades du CIO ainsi que par des militants politiques et syndicaux a joué un rôle fondamental à l’échelle internationale pour contrecarrer les plans d’embauche d’un nouvel entrepreneur par l’OSY. Nous tenons à remercier tous les camarades et les militants de la classe ouvrière qui nous ont aidés dans cette lutte à l’échelle internationale.

    Un certain nombre d’autres personnes ont également apporté leur soutien aux employés de la société de nettoyage. Par exemple, Constantina Kouneva, membre du Parlement européen et autrefois agent de nettoyage dans le métro d’Athènes qui avait été attaquée à l’acide par des voyous envoyés par son patron en 2008 en raison de son activisme syndical. Et le ministre des Transports s’est aussi exprimé en faveur des agents de nettoyage.

    Quand la loi a-t-elle été votée et qu’implique-t-elle?

    Le 4 août, une nouvelle loi a été votée, celle-ci permet à la compagnie de bus d’embaucher directement les agents de nettoyage. La loi précise que les futurs employés doivent avoir déjà travaillé pour l’entrepreneur – ce qui est une référence claire aux agents de nettoyage partis en grève.

    La loi garantit un salaire proportionnel à celui d’un travailleur dans le secteur public ayant terminé l’école primaire (la Troïka a introduit une nouvelle échelle de proportionnalité des salaires dans le secteur public qui tient compte du niveau d’éducation du travailleur), qui est de 780 euros par mois pour 40 heures de travail par semaine (l’entrepreneur payait les employés de la société d’entretien à hauteur de 450 euros par mois pour 36 heures de travail hebdomadaire et n’a jamais augmenté les rémunérations comme la loi le prévoit pour le travail de nuit ou les dimanches). La loi est applicable jusqu’à la fin de l’année 2017 et il est prévu qu’elle soit renouvelée chaque année.

    Est-ce que cette loi se borne à couvrir uniquement les agents de nettoyage de l’OSY?

    Non, la loi se préoccupe des agents bien sûr mais aussi du personnel de sécurité (également employés par des entrepreneurs) dans tous les transports publics athéniens. En fait, tous les services relevant de la compétence du ministère des Transports bénéficient désormais d’une protection légale. Ainsi, à travers leur lutte, les agents de nettoyage des sociétés d’autobus à Athènes ont remporté une victoire pour les agents d’entretien et le personnel de sécurité dans de très nombreux autres lieux de travail.

    A l’occasion de leur lutte, les employés des services de nettoyage d’autobus ont soulevé indirectement la question de la sous-traitance qui est dès lors devenue une préoccupation de première ligne sur l’échiquier politique. Présentement, le gouvernement est en pourparlers sur une loi qui permettrait à l’ensemble du service public d’employer directement des agents d’entretien et du personnel de sécurité en évacuant graduellement le problème du prometteur, intermédiaire jugé non seulement inutile mais néfaste, comme vous l’aurez compris.

    Quelles leçons peut-on tirer?

    Tout cela est très positif, et le combat initié par un petit groupe de femmes travaillant dans un seul dépôt de bus (Elliniko) il y a sept mois a joué un rôle indiscutable dans le déclenchement de la lutte comme on l’a connue ici dans son aboutissement triomphant. Quand elles se sont, dans un premier temps, élevées pour défendre leurs droits, tout le monde pensait qu’elles seraient simplement licenciées. Mais de par leur lutte déterminée et le mouvement de solidarité que celle-ci a engendré, elles sont parvenues par ricochets à étendre la grève aux sept autres dépôts de bus, entraînant par-là un arrêt complet de l’entretien des bus athéniens et exposant au grand jour les méthodes de travail scandaleuses de cette mafia de sous-traitance, et ce jusque dans les journaux télévisés nationaux. Contre toute attente, elles ont obtenu un énorme succès.

    A un moment où la classe ouvrière grecque voyait les échecs sur le plan syndical s’accumuler inlassablement, la lutte des agents d’entretien d’autobus marque une forme de rupture dans la sinistrose sociale et se démarque comme une victoire glorieuse qui fera date.

    Quels sont les plans pour l’avenir?

    Les travailleurs du secteur de l’entretien d’autobus ont mis sur pied leur propre syndicat. L’idée est aujourd’hui d’amorcer une lutte commune afin d’obtenir des contrats permanents. À l’heure actuelle les contrats s’étendront jusque fin 2017. Le gouvernement SYRIZA n’emploie pas les agents de nettoyage et le personnel de sécurité comme le secteur public, en acceptant l’interdiction de l’emploi dans le service public imposée par la Troïka. Ceci, bien sûr, du point de vue de la classe ouvrière est inacceptable. Beaucoup d’agents de nettoyage ont travaillé dans le même dépôt, passant d’un entrepreneur à l’autre, pendant de nombreuses années. Dans la compagnie de bus publique, il y a des agents d’entretien qui s’attèlent à nettoyer des bus depuis 1991! Ces travailleurs devraient avoir des emplois stables et des contrats permanents dans le secteur public.

    La nouvelle loi adoptée sur les contrats directs est une étape très positive et importante pour ces travailleurs car elle offre la garantie d’un revenu stable, plus élevé aussi ; tout cela s’accompagne de meilleures conditions de travail puisque personne ne pourra désormais les gruger d’une partie de leur salaire en appliquant des méthodes dignes de la mafia. Ceci constitue un tremplin supplémentaire pour la lutte. Ils devront continuer à se battre avec leurs collègues pour obtenir des contrats permanents et des droits de travail inchangés dans le secteur public. Cette victoire fournit aux agents le temps et la possibilité de mieux s’organiser et de construire un véritable mouvement pour l’assurance de contrats permanents pour tous les agents de nettoyage.

  • [VIDEO] La dette grecque, une tragédie européenne

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    Voici la vidéo d’animation «La dette grecque, une tragédie européenne», fruit d’un intense travail de vulgarisation réalisé par la petite équipe des Productions du Pavé et celle du CADTM. Cette vidéo se propose de résumer le processus d’endettement de la Grèce qui l’a menée jusqu’à sa crise de la dette publique à partir de 2010. Elle permet aussi de dénoncer, avec de nombreux arguments à l’appui, la désinformation massive qui a été faite à ce sujet.

    Les informations contenues dans cette vidéo sont issues du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Elle permet à un public plus large d’aborder les conclusions du rapport. Cette vidéo est en français et n’est actuellement sous-titrée qu’en anglais et en grec, d’autres langues devraient très prochainement venir s’ajouter.

    La rédaction de socialisme.be vous invite à prendre connaissance de cette vidéo et à la diffuser autour de vous, de même qu’à lire sur ce site l’interview de Jeremie Cravatte (CADTM) au sujet de la commission d’audit de la dette publique grecque réalisée pour l’édition de juin 2015 de notre journal, Lutte Socialiste, alors qu’il revenait de Grèce.

    En dépit de la capitulation de Tsipras et de Syriza face à la logique austéritaire, il n’y a pas de ‘‘défaite finale’’ de la classe des travailleurs grecs en cette période historique. Le potentiel de la lutte de masse pour une alternative anticapitaliste et socialiste est toujours d’actualité. En Grèce, la classe des travailleurs a montré qu’elle peut retourner au combat encore et encore. Ceci a aussi été démontré par les développements autour du référendum de juillet 2015. Personne n’avait espéré ce résultat incroyable de 61,5% de ‘‘non’’.

    Le défi qui fait face à la gauche en Grèce est de reconstruire une nouvelle initiative de gauche révolutionnaire de masse sur base d’un clair programme de rupture avec l’austérité reposant sur l’implication active de la classe ouvrière et de la jeunesse dans la lutte contre la Troïka et pour une alternative socialiste. Cela signifie la création d’assemblées populaires et de comités d’action de base sur les lieux de travail et dans les communautés. Il faut également appeler les travailleurs et les jeunes à travers l’Europe à lutter contre l’austérité et pour une Europe socialiste. Un appel à la classe des travailleurs en Europe pour manifester sa solidarité par des actions de masse pourrait, en particulier dans les autres pays de la zone euro endettés comme l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, recevoir un écho immédiat et puissant. La seule véritable alternative à l’austérité et à l’Union européenne des patrons, c’est une confédération socialiste européenne sur une base volontaire et égale.

    Ce programme de rupture anticapitaliste et socialiste pourrait s’articuler comme suit, comme le défend Xekinima (organisation-soeur du PSL en Grèce).

    • Refus de payer la dette souveraine.
    • Nationalisation des banques sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.
    • Instauration d’un contrôle public sur le capital et sur le commerce extérieur.
    • Abrogation des mesures d’austérité et lancement d’un programme massif d’investissements pour assurer à chacun de bénéficier de soins de santé et d’un enseignement gratuits et de qualité, de logements accessibles,…
    • Nationalisation de toutes les entreprises qui ont fermé ou qui ont saboté l’économie pour les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs.
    • Nationalisation des secteurs-clés de l’économie pour les placer sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité, afin de démocratiser le processus de production ainsi que la distribution des biens.
    • La planification de l’économie afin de satisfaire les besoins de la population et non pas les bénéfices des capitalistes. La réorganisation socialiste de la société mettrait un terme aux crises économiques, à la pauvreté, au chômage et à l’émigration forcée.

     

  • Grèce: augmentation du soutien au Grexit; chute du soutien à SYRIZA

    daniel_grece_10L’opposition à la zone euro atteint des records à la suite du Brexit

    De nombreuses réserves peuvent être exprimées au sujet de l’exactitude des prévisions issues des sondages, en particulier concernant les partis politiques. Les deux derniers sondages publiés en Grèce, le premier de l’ALCO pour le journal ‘Parapolitika’ et l’autre pour l’Université de Macédoine, mettent cependant en évidence l’atmosphère présente dans la société grecque.

    Par Kyriakos Halaris (article traduit du site de Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    • SYRIZA subit une forte baisse de soutien: 86% des personnes interrogées ne sont pas satisfaites du gouvernement. Même 69% des électeurs de SYRIZA déclarent se déclarent insatisfaits. La confiance du peuple envers le gouvernement a atteint un plancher record.
    • Le parti Nouvelle Démocratie est nettement en avance dans les sondages après avoir consolidé le soutien de 86% de ses électeurs de septembre 2015

    Ces deux aspects illustrent que la chute de SYRIZA, moins d’un an après sa victoire électorale, semble irréversible. D’autant plus que ce n’est que depuis la semaine dernière (après que ces sondages aient été réalisés) que les retraités ont pu ressentir ce que la nouvelle «législation de sécurité sociale» signifie dans leurs poches et ce qui signifie réellement l’ampleur des coupes dans leurs pensions. Les politiques imposées par le «troisième mémorandum» commencent seulement à avoir un effet réel sur la société.

    Dans le même temps, la Nouvelle Démocratie (ND), le parti traditionnel de la bourgeoisie, se remet de sa crise interne de ces six derniers mois et se prépare pour une revanche électorale depuis que les politiques traditionnellement soutenues par la ND sont maintenant imposées par SYRIZA.

    Les fascistes d’Aube Dorée, en dépit de leur crise interne, de la persécution juridique de leur direction et de l’absence de toute initiative de leur part ces deux dernières années, réussissent tout de même à stabiliser leur soutien à 7-8%, ce qui leur donne la troisième position dans les tous récents sondages.

    Les partis de gauche (KKE, LAE, ANTARSYA et Pleysis (le parti de l’ancienne présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou) tournent autour de leurs faibles pourcentages normaux, le KKE (parti communiste grec) étant la seule force capable d’entrer au parlement. Cela leur rend très difficile (pour des raisons différentes pour chaque parti) d’être en mesure de vraiment jouer un rôle important, à un certain niveau, dans la prochaine période.

    Cependant l’aspect le plus important que ces sondages démontrent ne concerne pas le soutien électoral de ces partis. Tout le monde peut déduire cela de l’atmosphère, de toute façon.

    Le Brexit et le Grexit

    L’élément le plus important de ces sondages est le soutien qui penche en faveur du Brexit et du Grexit. Dans le sondage ALCO, 39,4% des personnes interrogées voteraient en faveur du Grexit, par opposition à 48,3%. Les autres ne “savent pas”.

    Dans le sondage de l’Université de Macédoine, 40,5% estiment que le Brexit est un développement positif pour la Grande-Bretagne, par opposition à 43%. En ce qui concerne la participation de la Grèce à la zone euro, 53,5% voteraient pour que la Grèce reste en son sein tandis que 37% préféreraient un retour à une monnaie nationale. Les autres ne “savent pas”.

    Ces tendances expriment des pourcentages toujours plus élevés contre l’UE et l’Euro! Ils sont importants pour deux raisons.

    Tout d’abord, aucun des grands partis ne soutient la sortie de la zone euro, à l’exception du KKE. Même après l’intégration de SYRIZA dans le bloc bourgeois, il est évident que la classe dirigeante ne peut pas convaincre la société des «avantages» de l’euro. Malgré le fait que tous les partis parlementaires, à l’exception du KKE, soutiennent un “Gremain” à tout prix, de grandes parties de la société vont dans le sens opposé.

    Ces tendances montrent ensuite l’énorme vide qui existe à gauche. Même si le soutien au Grexit devient beaucoup plus grand, même si environ la moitié de la population considère le Brexit comme un développement positif et même si les travailleurs grecs subissent les effets désastreux des politiques qui ont été mises en œuvre afin de rester dans la zone euro, la principaux partis de gauche restent faibles et dans un isolement relatif de la société.

    Le problème est subjectif: ce n’est pas en raison des circonstances objectives et de la société qui «ne comprend pas», contrairement à ce que ne se lassent pas de répéter certaines sections de la gauche et, en particulier le KKE. C’est fondamentalement dû aux «déficiences» de la gauche, aux politiques et tactiques erronées employées par les partis de gauche. Si la gauche ne surmonte pas ces lacunes et n’essaye pas de les comprendre, cela ne sera jamais résolu et le vide à gauche ne sera pas occupé.

  • La dette grecque, une tragédie européenne

    cadtm_video

    Il y a un an, exactement le 17 juin 2015, la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque rendait public son rapport préliminaire. Une vidéo d’animation, dont la sortie se fera le 5 juillet 2016 (date d’anniversaire du referendum grec !) se propose de vulgariser le contenu du rapport de la Commission.

    Voici ci-dessous un teaser de cette vidéo d’animation « La dette grecque. Une tragédie européenne », disponible en plusieurs langues (français, anglais, espagnol et italien), accompagné d’une interview publiée sur ce site en juin 2015 au sujet de la commission d’audit de la dette publique.

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    Interview de Jeremie Cravatte (CADTM), de retour de Grèce, sur la commission d’audit de la dette publique

    Le 4 avril 2015, Zoé Konstantopoulou, présidente du Parlement grec, a mis en place une Commission d’audit de la dette publique composée de 15 personnalités étrangères et de 15 grecques. Nous en avons discuté avec Jeremie Cravatte – permanent du Comité pour l’Annulation de la dette du tiers-monde (CADTM) et membre de la plateforme pour un Audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe) – à son retour de la deuxième session de travail de la Commission à Athènes. Il nous livre ses impressions.

    Par Nicolas Croes

    Quelle est la nature de cette initiative?

    Le mandat de cette commission consiste à identifier les caractères illégaux (dette contractée sans respecter le droit en vigueur), illégitimes (en violation de l’intérêt général et au bénéfice d’une minorité privilégiée), odieux (qui viole les droits fondamentaux de la population) et insoutenables (qui empêche de fournir les services de base à la population) de deux périodes d’endettement du pays, à savoir de 1990 à 2010 et de 2010 à 2015. Cette deuxième période est la plus urgente à analyser dans le cadre des négociations avec la Troïka. De plus, l’écrasante majorité de la dette publique actuelle provient de cette période et 80% de cette dette est aujourd’hui détenue par la Troïka.

    Les médias dominants et l’establishment politique et économique nous parlent d’une ‘‘crise de la dette’’. Cette appellation n’est-elle pas un vaste mensonge?

    En effet, cela cache le véritable problème. En Europe (et ailleurs) ce ne sont pas les dettes publiques, mais bien les dettes privées des entreprises, essentiellement financières (banques, assurances, fonds de pension) qui pose questions. Elles ont pris des risques au sein d’une économie capitaliste et leurs pertes se sont vues socialisées. Le cas de la Grèce est particulièrement emblématique à ce sujet.
    Toutes les opérations menées depuis 2010 par les autorités grecques et les institutions de la Troïka (Fonds Monétaire International, Banque centrale européenne, Commission européenne) ont consisté à dégager les banques privées allemandes, françaises, italiennes, belges, etc. de leurs risques et de transférer ces derniers sur le dos des populations grecque et européenne. Selon les estimations, entre 75% et 90% de l’ensemble des prêts fournis à la Grèce depuis 2010 ont directement atterri sur les comptes de ces banques. La restructuration de la dette de 2012 – présentée par les médias dominants comme un cadeau fait à la population grecque – a en réalité permis un transfert de la dette grecque des mains d’investisseurs privés aux mains d’institutions publiques (FMI, BCE, 14 États membres de la zone euro et Fonds européen de stabilité financière FESF).

    Les plans dits de ‘‘sauvetage’’ de la Grèce avaient pour seuls objectifs de sauver les plus grandes banques privées européennes, tout en servant de prétexte à l’application d’une politique de contre-réformes structurelles austéritaires (tout comme dans les pays dits du ‘‘tiers-monde’’ depuis les années 1980).

    Quels débats cette remise en question de la dette publique suscite-t-elle au sein de SYRIZA?

    Plus que de débats, il est malheureusement plutôt question d’un silence jusqu’à présent. Pourtant, lors de la séance d’inauguration de cette commission, tous les ministres du gouvernement, Tsipras et Varoufakis compris, étaient présents et ont annoncé soutenir le travail de la Commission. Mais force est de constater qu’ils n’en font pas grande publicité. La stratégie de négociation avec les créanciers a jusque maintenant montré que la direction de SYRIZA n’entend pas remettre en cause la légitimité et le paiement de la dette.

    Une suspension de paiement permettrait toutefois de renverser le rapport de force. De plus, l’audit est de nature à donner des arguments au gouvernement pour une telle confrontation. Cette situation n’est pas très étonnante, mais l’absence de réaction de la plate-forme de gauche au sein de SYRIZA soulève davantage d’interrogations. Pour le moment, cette plate-forme ne donne pas l’impression de se saisir activement de cet outil pour renforcer une ligne de rupture face à la domination des créanciers et de l’establishment capitaliste européen en général. Inévitablement, cette rupture face aux créanciers en amènera d’autres revendications: contrôle strict des mouvements de capitaux, socialisation du secteur des banques et des assurances, voire expropriation d’autres secteurs-clés de l’économie.

    Qu’elle le fasse ou non, c’est à la population grecque de se saisir de ce travail capable de déconstruire nombre de fausses idées sur les origines de la dette grecque et sur les solutions à y apporter. L’audit peut être un outil important dans le cadre de la mobilisation des masses grecques et internationales, qui reste l’élément décisif pour une réelle alternative au capitalisme.

  • Grèce. Une puissante grève générale riposte aux attaques contre les pensions

    GG_grece4fev02Jeudi dernier, le 4 février, une puissante grève générale a ébranlé la Grèce en opposition à la politique d’austérité du gouvernement dirigé par Syriza. Cette grève a été appelée par les fédérations syndicales du secteur privé (GSEE) et du secteur public (ADEDY) afin de résister à la réforme des retraites. Cette dernière attaque contre la classe des travailleurs est imposée par Syriza à la demande de l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). Nous publions ci-dessous la traduction de l’éditorial de Xekinima, journal qui développe les positions politiques du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce. Cet article se penche sur l’ampleur de la grève générale ainsi que sur les prochaines étapes qui sont nécessaires pour vaincre la dernière vague de mesures austéritaires.

    Editorial de Xekinima, bihebdomadaire de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Pour la première fois depuis les élections de janvier 2015 qui l’on porté au pouvoir, le gouvernement dirigé par Syriza, le parti d’Alexi Tsipras, voit l’éventail de mouvements sociaux qui agite la société grecque se retourner contre lui. La grève générale du 4 février fut un succès, sans toutefois atteindre l’échelle des grandes grèves générales de 2010-12. Il s’agit d’une claire illustration de la profonde colère de diverses couches de la société – les travailleurs, les agriculteurs, les chômeurs, les jeunes, etc. – attaquées par les mesures du nouveau Mémorandum de Syriza [des mesures d’austérité convenues avec la troïka – le Fonds Monétaire International, la Banque Centrale Européenne et l’Union Européenne, NDLR].

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    Le 4 février, un rassemblement de solidarité avec la grève générale grecque a eu lieu à Bruxelles, face à la représentation permanente de la Grèce auprès l’UE. Le PSL était présent.

    La plus importante caractéristique de cette grève générale, ce furent ces manifestations de masse qui ont déferlé dans les rues des villes régionales. Comparativement à la population totale, ces manifestations régionales ont été beaucoup plus grandes que celles des grandes villes que sont Athènes et Thessalonique. Dans certains cas, il s’agissait même des plus grandes manifestations depuis des décennies!

    La grève du 4 février ne doit pas marquer la fin de l’action de grève, comme cela se produit généralement après une grève réussie, alors que les directions syndicales abandonnent la lutte. Il doit s’agir du début d’une nouvelle mobilisation de masse.

    Si nous voulons éviter de subir une nouvelle défaite, toutes les couches de la société qui se mobilisent à l’heure actuelle doivent se coordonner et renforcer ainsi leur combat avec un plan d’action qui comprend:

    • Un appel urgent pour une nouvelle grève générale de 24 heures dans le courant de la semaine prochaine.
    • Un appel pour une grève générale de 48 heures convoquée dans les 20 jours.
    • Ces grèves doivent être combinées à la continuation des blocages organisés par les agriculteurs et des occupations d’entreprises dans les secteurs public et privé – à commencer par les lieux où les travailleurs sont licenciés, ne sont pas payés depuis des mois, voient leurs droits attaqués,…

    Un tel mouvement susciterait inévitablement l’enthousiasme de la jeunesse, cette dernière ayant été absente des mouvements de ces dernières années, et pourrait ainsi conduire à des occupations d’écoles et d’universités.

    Ces grèves et occupations doivent être bien organisées, des discussions doivent être menées sur les lieux de travail. Les travailleurs ont besoin de constater qu’un plan sérieux existe bel et bien, de même que la détermination de vaincre sur base d’une bonne perspective de lutte. Il est nécessaire d’élire démocratiquement des comités d’action de base qui se battront pour obtenir le succès des mobilisations.

    Qui doit prendre l’initiative?

    Toute la question est de savoir qui va prendre l’initiative d’appeler à ce genre de plan d’action et de coordination.

    L’atmosphère présente parmi les travailleurs, les agriculteurs et les pauvres de la société démontre que ces couches sont plus que prêtes pour un tel plan d’action coordonné. Mais les dirigeants n’ont pas l’intention de le défendre. Dans des conditions différentes, cet appel à la mobilisation de toute la société serait de la responsabilité de la direction de la GSEE (la fédération syndicale du secteur public). Mais il n’y a aucune chance que ces dirigeants syndicaux corrompus fassent quoi que ce soit pour planifier, coordonner et développer la lutte afin de balayer les politiques exigée par les créanciers et la troïka et mises en œuvre par les gouvernements grecs dirigés par le Pasok (social-démocratie), la Nouvelle-Démocratie (droite) et maintenant par Syriza.

    Le rôle des partis de gauche

    La responsabilité de rassembler et de coordonner ces mouvements repose sur les épaules de la gauche, ou du moins des sections de la gauche qui veulent systématiquement s’opposer aux politiques austéritaires et au système.

    La somme des forces comprises dans le KKE [le Parti communiste grec], dans LAE [Unité Populaire] et dans Antarsya [gauche anticapitaliste] regroupent autour des 10%, une base assez grande que pour jouer un rôle clé dans ce processus et pour pousser le mouvement social de l’avant. Mais l’état de la gauche aujourd’hui donne une décevante image de divisions. Le principal responsable de cela est le KKE, qui refuse toute coopération avec les autres forces, à quelque niveau que ce soit.

    Cette attitude représente un abandon complet du «marxisme-léninisme» que prétend représenter la direction du Parti communiste. Les traditions et l’histoire du mouvement révolutionnaire, du marxisme authentique, sont caractérisées par la coopération et la lutte commune au sein du mouvement de masse, où chaque parti ou organisation de gauche et chaque mouvement des travailleurs maintiennent leur complète indépendance et leurs spécificités idéologiques, politiques et organisationnelles.

    Unité Populaire et Antarsya: quelques pas positifs

    L’image est meilleure en regardant vers LAE [Unité Populaire] et Antarsya. Au cours de ces dernières semaines, un certain nombre de mesures positives ont été adoptées en faveur d’une action unitaire concernant le projet de loi sur la sécurité sociale entre LAE, Antarsya et d’autres organisations de la gauche, comme Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) et d’autres.
    Cette collaboration doit se développer, non seulement concernant les nouvelles attaques contre les retraites, mais aussi au sujet de chaque question centrale qui fait face au mouvement des travailleurs.

    Toutes les organisations participantes doivent être autorisées à garder leur indépendance idéologique, politique et organisationnelle complète. Si cette étape est correctement franchie, cela se traduira par l’ouverture de nouvelles perspectives très positives pour le mouvement de masse. Cela fournira des objectifs des perspectives politiques aux luttes qui se développent aujourd’hui et qui se développeront demain.

  • Bruxelles. Action de solidarité avec la grève générale grecque

    Hier midi, une action de solidarité avec la grève générale qui déroulait le même jour en Grèce a pris place à Bruxelles. Aujourd'hui, c'est Syriza qui applique la politique d'austérité dans le pays. Mais si la politique antisociale se poursuit, c'est également le cas de la résistance ! Le rassemblement a eu lieu devant la représentation permanente de la Grèce auprès l’UE, avec notamment la participation du PSL. Quelques photos de PPICS.

    Solidariteit met Griekse algemene staking // Foto's: PPICS

  • Rassemblement de solidarité avec la grève générale en Grèce

    grece_generaleCe jeudi 4 février à 13 heures devant la Représentation permanente de la Grèce auprès l’UE –

    Rue Jacques de Lalaing 19–21 (metro Maalbeek)

    Appel commun : Initiative de Solidarité Avec la Grèce qui Résiste, Attac Bruxelles 1, CGSP Wallone , CADTM, JOC Bruxelles, Unité Populaire Belgique, Antarsya Belgique, LCR/SAP, PSL/LSP, Parti communiste, Vonk/Révolution

    La lutte contre la Troïka continue !

    Après avoir capitulé, le gouvernement grec essaie d’imposer une énième réforme des retraites. Conçue par la Troïka, cette nouvelle attaque contre le système des pensions entrainera sa dégradation radicale.

    Les retraites ont déjà été diminuées de 30 à 50% suite aux onze décisions appliquées depuis 2010. Cette douzième réforme vise à ôter 1,8 milliard d’euros des poches des retraité.E.s –alors que 8 milliards par an pourraient être économisés en combattant réellement l’évasion fiscale et le travail non déclaré, ou encore en remettant en cause le paiement de la dette qui a englouti environ 24 milliards d’euros en 2015.

    Cette réforme va encore accroître l’appauvrissement des pensionné.E.s: 300.000 d’entre eux, parmi les plus démunis, dont une majorité de femmes, vont subir une réduction de 193 euros d’ici à 2019 et se retrouveront au-dessous du seuil officiel de pauvreté. Elle frappe aussi les indépendants (faux ou vrais) et les agriculteurs en augmentant de façon arbitraire leur contributions fixes mensuelles. Les ingénieurs, les avocats et les agriculteurs (dont la grande majorité a déjà d’énormes difficultés à joindre les deux bouts) devront abandonner leur métier car il leur sera impossible de payer ces contributions. Ils iront ainsi rejoindre les 1,5 million de chômeurs.

    Mais les citoyens grecs ne comptent pas capituler. Des grandes manifestations de travailleurs communaux, d’enseignants, d’avocats et d’ingénieurs ont eu lieu récemment. Les agriculteurs bloquent les autoroutes dans tout le pays en demandant le retrait immédiat de ce projet de loi. Dans ce contexte, la grève générale du 4 février est un moment important pour la coordination de toutes ces luttes.
    Il est essentiel que ce message acquière aussi une portée européenne contre la résignation. En Grèce comme en Belgique, avec le report et le durcissement du droit à la pension, les contre-réformes visant le démantèlement des systèmes de retraites appauvrissent les gens et contribuent à l’augmentation du chômage –au lieu de s’en prendre aux grandes fortunes et aux multinationales épargnées par le fisc. Il en va de même pour les opérations de privatisation et de désinvestissement des services publics, qu’il s’agisse du rail ou des ports maritimes. C’est la même politique que nous continuerons à combattre inlassablement, d’Athènes à Bruxelles, en suivant la voie de la résistance suivie par les classes populaires de Grèce.

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  • Grèce : Syriza mobilise… contre Syriza !

    griekenlandProtestations massives à l’occasion d’une grève générale contre l’austérité

    Le jeudi 12 novembre dernier a éclaté en Grèce la première grève générale depuis longtemps. Cette fois-ci, elle avait pour cible les politiques du gouvernement Syriza. Depuis janvier 2015, les différents dirigeants syndicaux, et surtout ceux de la GSEE (Confédération des syndicats du secteur privé), n’ont été visibles nulle part. Cela n’a toutefois pas empêché la GSEE de prendre position sur le référendum de l’été dernier [appelé par le gouvernement Syriza quant à l’opportunité d’accepter plus d’austérité de la part de la Troïka ou non] en demandant le retrait du référendum (!), tout en précisant, en même temps, que leur position était que la Grèce devait rester au sein de la zone euro. En d’autres termes, en appelant à voter «OUI».

    Par des correspondants de Xekinima (CIO-Grèce)

    Des directions syndicales en faillite

    Après que Syriza se soit transformé en un parti favorable au remboursement de la dette et après l’introduction du nouveau plan d’austérité, la GSEE, en droite ligne de leur «tradition», a appelé à une grève générale de 24 heures. Dans un précédent article publié sur notre site Xekinima, nous avons déjà analysé la responsabilité des directions syndicales qui appellent à des grèves juste pour le plaisir de les appeler, sans la moindre planification, sans propositions concrètes et sans perspective d’une escalade de l’action.

    Nous avons aussi expliqué que l’atmosphère présente parmi les travailleurs, après que le nouveau mémorandum ait été signé par le gouvernement Syriza, était inévitablement devenue plus maussade après l’espoir initialement suscité pour un changement politique réel. Les travailleurs ont été clairement déçus et cela s’est reflété dans le faible taux de participation aux mobilisations des différents secteurs (santé, collectivités locales, etc.).

    Nous avons d’autre part souligné que cette accalmie était prévisible et que cela ne signifiait en rien que le mouvement ne retrouverait pas à nouveau le chemin de la lutte de masse combative contre une austérité qui devient toujours quotidiennement plus sauvage.

    Des manifestations de masse

    Dans ce climat, le fait que la grève générale du 12 novembre ait été relativement grande constitue une indication très positive. A Athènes, près de 30.000 personnes ont participé aux manifestations (la fédération syndicale PAME disposant du plus grand cortège). A Thessalonique, plus de 6.000 personnes ont participé et la protestation dans la ville de Volos était l’une des plus réussie de ces quelques dernières années.

    Mais les manifestations, en dépit de leur assistance, n’étaient pas particulièrement dynamiques. D’une part, la classe des travailleurs comprend la nécessité de se mobiliser, mais, de l’autre, son appétit est retenu par l’absence d’un plan concernant la manière d’en finir avec les politiques d’austérité.

    Syriza contre Syriza

    La mobilisation n’était pas exempte de paradoxes, et non des moindres, puisque Syriza appelait à participer à la grève. En d’autres termes, le parti au gouvernement qui est responsable des politiques mises en œuvre a appelé les gens à participer à des manifestations contre ces dernières!
    Ce n’est pas la première fois que Syriza tente désespérément de faire croire aux gens qu’il fait partie du mouvement. Deux exemples indicatifs de ces tentatives sont la participation de Syriza (y compris de députés) à la manifestation contre la privatisation du port du Pirée (alors que Syriza a voté en sa faveur au parlement) ainsi que l’appel pour une manifestation contre le mur d’Evros, à la frontière entre la Grèce et la Turquie, tout en disant officiellement que ce dernier ne peut pas être démonté. Mais on ne peut avoir le buerre et l’argent du beurre. Le gouvernement et Syriza ont déjà pris leurs décisions, et elles vont à l’encontre des souhaits de la classe des travailleurs en continuant la même politique vicieusement antisociale.

    Syriza cherche-t-il à démontrer que le parti est toujours «sensibles aux questions sociales? Ou à éviter d’entrer en conflit avec ses électeurs ? A montrer qu’ils sont capables de gérer le nouveau mémorandum austéritaire d’une meilleure façon que les précédents gouvernements? Quel que soit leur objectif, l’impact des politiques menées par Syriza se déroule devant les yeux des gens, ce qui balaye toutes les illusions d’un ‘‘programme parallèle’’. La seule chose qu’ils ont atteint, jusqu’à présent, c’est d’assurer que l’avant-garde du mouvement social soit indignée contre la direction de Syriza pour non seulement les avoir trahis, mais aussi pour avoir ajouté l’insulte à l’injure.

    Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce) milite pour une rupture avec l’austérité et pour un programme socialiste. Cela inclut le refus de payer la dette; l’instauration d’un contrôle sur les flux de capitaux; l’instauration d’un monopole d’Etat sur le commerce extérieur; la nationalisation des banques et des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs; l’abolition des mesures d’austérité; et d’assurer de bons emplois à tous, avec un salaire décent, ainsi que des soins de santé et un enseignement de qualité et gratuit.

    La planification de l’économie en fonction de la satisfaction des besoins de la population et non pas des profits des capitalistes – la réorganisation socialiste de la société – mettrait un terme aux crises économiques, à la pauvreté, au chômage et à l’émigration forcée.

    Pour y parvenir, il est essentiel de construire une politique de classe indépendante à travers la Grèce, avec la participation active de la classe des travailleurs et de la jeunesse en lutte, contre la Troïka et pour une alternative socialiste. Il est aussi crucial de faire appel aux travailleurs et aux jeunes à travers l’Europe pour lutter ensemble contre l’austérité et pour une Europe socialiste.

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