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  • Grèce : un potentiel révolutionnaire, mais un danger contre-révolutionnaire

    Ripostons contre la violence fasciste par la mobilisation des masses !

    Le 17 septembre, le rappeur et militant de gauche grec Pavlos Fyssas a été tué par des néonazis. L’un des auteurs est membre d’Aube Dorée, cette force d’extrême-droite qui n’a fait que progresser dans les sondages au cours de ces derniers mois et qui se caractérise par une extrême violence raciste et fasciste. Ce meurtre a provoqué une résistance antifasciste massive. Pour peu qu’elle cherche à se saisir du potentiel encore plus grand d’opposition à la politique d’austérité et au système capitaliste (le terreau du développement de l’extrême-droite), de gigantesques pas en avant pourraient alors être faits avec le mouvement des travailleurs. Sans cette approche, le danger néofasciste restera présent.

    Article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Un potentiel intact pour la lutte ouvrière

    Si on en doutait encore, à la mi-septembre, la grève des enseignants a illustré à quel point le potentiel reste grand pour la lutte organisée des travailleurs. Les syndicats avaient préparé une grève de cinq jours à partir du 16 septembre. Dès le premier jour, 90% des enseignants suivaient le mouvement et des manifestations ont eu lieu avec une présence de 30.000 personnes à Athènes et 10.000 à Thessalonique. Enseignants et étudiants ont été rejoints par le personnel d’autres services publics, assurant que l’ampleur des manifestations dépasse toutes les attentes.

    Durant le déroulement de cette grève, la Fédération des syndicats des services publics (ADEDY) avait appelé à une grève générale de 48 heures. Cet appel a lui aussi donné lieu à des manifestations de grande envergure, le 18 septembre. La direction syndicale aurait préféré ne rien faire, mais la pression de la base était trop forte, et a poussé à l’action.

    La fin de la crise n’est pas encore en vue, seuls pointent à l’horizon encore plus d’austérité et de chômage. La troïka (UE, BCE et FMI) préconise ainsi de réduire de moitié le personnel hospitalier actuel (80.000 travailleurs) en faisant passer le nombre d’hôpitaux du pays de 140 à 80. Et ce carnage social qui s’ajoute aux précédents n’est pas destiné à être le dernier. Les sommets syndicaux ne peuvent pas poursuivre indéfiniment leurs tentatives de freiner ou de stopper les actions, le combat à livrer est bien trop important et sans cesse plus nécessaire.

    Le danger de la violence fasciste

    La pression des actions du mouvement ouvrier a forcé les néonazis d’Aube Dorée à regarder ce qu’ils pouvaient faire pour consolider leur croissance, et ils savent très bien que chaque cas de violence suscite un intérêt massif. Les militants ont d’abord été préparés à passer à la violence, et ils n’hésitent également pas à la mettre en pratique.

    Cela explique pourquoi les groupes de partisans d’Aube Dorée sont de plus audacieux dans leur recours à la violence. Tout d’abord, environ 50 néonazis ont pris pour cible un groupe de 30 militants du KKE (le Parti communiste grec) qui distribuaient des tracts. Neuf membres du KKE se sont retrouvés à l’hôpital. Comme le KKE a toujours refusé de mener une campagne antifasciste sérieuse, il n’y a pas eu de riposte dans l’immédiat, ce qui n’a fait que renforcer la confiance des néonazis. Quelques jours plus tard, cette confiance a conduit au meurtre de Pavlos Fyssas, dans le quartier de Keratsini du Pirée, près d’Athènes. La direction du parti néonazi tente toutefois de se distancer des faits.

    Cette violence meurtrière a entraîné d’importantes manifestations antifascistes. Ces derniers mois, un certain nombre de comités antifascistes ont aussi été construits. Malheureusement, ils doivent la plupart du temps travailler sans le soutien ni la participation des principaux partis de gauche, le KKE et Syriza (coalition de la gauche radicale). Syriza a toutefois décidé de s’impliquer dans la résistance antifasciste, mais les mots d’ordre clairs destinés à traduire concrètement ces bonnes intentions se font toujours attendre.

    Une réponse du mouvement des travailleurs est nécessaire !

    Les manifestations antifascistes massives, l’important soutien aux grèves et aux manifestations syndicales ainsi que le soutien électoral actuel pour les forces de gauche sont autant d’expressions de l’énorme potentiel existant pour le mouvement des travailleurs. Il reste maintenant à clairement saisir ce potentiel pour mener une lutte efficace contre la dictature des marchés et la politique de la troïka orientée vers le renversement du gouvernement et du système capitaliste lui-même. C’est la seule manière d’en finir avec le danger fasciste.

    Une grève générale indéterminée est l’arme la plus puissante dont dispose le mouvement ouvrier. Mais cette arme ne doit pas être utilisée à la légère. Sans planification ni préparation adéquate sur les lieux de travail et dans les quartiers, cela peut même ralentir le développement de la lutte.

    Un plan d’action peut être élaboré avec une succession de grèves allant crescendo, destinée à construire la participation la plus large et massive possible. Ainsi, une grève générale illimitée jusqu’à la chute du gouvernement disposerait de bases fermes et pourrait poser la question d’une transformation socialiste de la société. Pour cela, il ne faut pas compter sur les sommets syndicaux actuels, mais sur l’organisation des travailleurs du rang.

  • Grèce : Après le congrès de Syriza

    Les batailles à venir au sein du parti promettent d’être aussi rudes que la lutte des classes dans le pays

    La direction de Syriza a accompli les principaux objectifs qu’elle s’était fixés pour le premier Congrès du parti à présent “unifié” en juillet dernier. Les organisations qui composent Syriza, la coalition de Gauche Radicale, vont maintenant être dissoutes – dans un ‘‘délai raisonnable’’, selon une mention du Congrès – le président du parti a été élu par le Congrès et ne sera donc affilié à aucune organisation, tout comme le comité national, élu tous les trois ans.

    Andros Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce)

    Mais ce que la direction n’a pas réussi à faire, c’est affaiblir l’aile gauche de Syriza. Au contraire, elle a resserré les liens entre ses différentes composantes et les a renforcés. Les conflits internes au sein de Syriza sont donc loin d’être terminés, ils sont entrés dans une nouvelle période de tension et de polarisation.

    Ce Congrès a été organisé pour décider du caractère organisationnel de Syriza, pas pour discuter de la situation politique en Grèce, du programme du parti, etc., dans une période où le parti se prépare à entrer au prochain gouvernement. Mais en réalité, derrière des décisions organisationnelles se trouvent des problèmes politiques. La direction du parti, dirigée par Alexis Tsipras, est déterminée à orienter Syriza vers une trajectoire plus ‘‘modérée’’, pour diriger le parti vers la ‘‘droite’’. Au cours de la période précédente, le parti a continuellement adapté sa politique sous les ordres de la direction, sous la pression constante de la classe dirigeante et des médias.

    Les dirigeants de l’aile droite du parti, comme Gianni Dragasakis et George Stathakis, ne cessent de marteler que Syriza ne prendra pas ‘‘d’action unilatérale’’ sur la dette sans négocier avec la Troïka, que la renationalisation des secteurs publics privatisés est ‘‘extrêmement difficile’’, que les exemptions de taxe pour les propriétaires de bateaux ne seront pas annulées, etc. Ces déclarations vont à contrecourant des décisions officielles des conférences et autres structures internes de Syriza, mais ont été tolérées par Alexis Tsipras.

    L’image du parti présentée par Alexis Tsipras a été, au minimum, contradictoire. En ce qui concerne les ‘‘mémorandums’’ d’austérité de la Troïka, le parti n’a cessé de jouer sur les mots : de ‘‘répudiation’’ à ‘‘renégociation’’, parfois un ‘‘moratoire’’, puis une ‘‘suspension’’. Tout ça a transformé la situation en vaste blague. Le slogan principal qui a propulsé Syriza lors des deux élections de 2012 (en mai et juin) était : ‘‘pour un gouvernement de gauche’’. Cela est devenu depuis lors un appel en faveur d’un gouvernement de salut social, ce qui a été publiquement interprété par l’aile droite de Syriza comme une alliance avec le parti des Grecs Indépendants, la Gauche Démocratique (qui faisait partie de Syriza jusqu’en juin et a constitué une scission de droite de la coalition), et même avec les sociaux-démocrates du Pasok et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie.

    Les questions politiques clé

    La source des désaccords vient donc des questions politiques clés de cette période : la dette sera-t-elle répudiée ou non ? Est-ce que les banques et les secteurs stratégiques seront nationalisés, ou bien le grand capital privé, local comme multinational, restera dominant dans l’économie ? Est-ce que Syriza est prêt à entrer en conflit frontal avec la zone euro ? Ces questions ne relèvent pas de détails idéologiques. Cela concerne les moyens pratiques par lesquels la société peut sortir du désastre dans laquelle elle est plongée. Au final, la question est : le moteur du développement de l’économie sera-t-il le secteur public ou le secteur privé ?

    Choisir le secteur public est une nécessité absolue et la seule voie de sortie. Ce qui nous a menés à la crise d’aujourd’hui n’est rien d’autre que le fonctionnement du secteur privé : mettre tout en œuvre dans l’intérêt du grand capital et, au nom de la ‘‘remotivation’’ du capital privé, soi-disant pour le pousser à investir, baisser les salaires et empirer les conditions de vie des travailleurs, en creusant la catastrophe sociale que nous traversons.

    Mais le secteur public ne peut être un moteur pour la croissance économique que sur base de la nationalisation des banques et des secteurs-clé de l’économie, sous le contrôle de la population et des travailleurs dans le but de lutter contre la corruption et les scandales. Le clash est inévitable avec la zone euro et l’Union européenne, et il faudra organiser la protection de l’économie contre un sabotage organisé par les capitalistes (par le contrôle des flux de capitaux et du commerce extérieur).

    Simultanément, il faut lier la lutte des travailleurs grecs à celle des travailleurs du reste de l’Europe. Ces luttes illustrent le besoin d’une économie et d’un modèle social alternatifs – le socialisme – que la majorité au sein de la direction de Syriza n’est pas prête à revendiquer. C’est pourquoi le parti préfère débattre de ‘‘problèmes organisationnels’’, en se présentant comme ‘‘les rassembleurs’’ et ‘‘les démocrates’’ face à ses opposants.

    Les organisations composante de Syriza étaient donc devenue un gros problème qui devait être balayé. Mais pourquoi constituaient-elles un problème ? C’est la formation ‘‘Syriza pluraliste’’ qui a été propulsée de 4% à 27% des suffrages : une formation politique fédérale, fruit de la coopération de différentes organisations politiques.

    En supprimant ses composantes, Syriza dissout les différentes organisations politiques et les soumet à la plus grande organisation du parti, Synaspismos (Coalition des Mouvements de Gauche et de l’Ecologie). Mais si Syriza n’avait pas été fondée comme une coalition en 2004, elle n’aurait jamais atteint sa position actuelle. C’est précisément l’idée et l’expérience d’une vaste coopération de nombreuses organisations politiques différentes qui ont attiré des milliers de militants de gauche, en particulier ceux qui n’appartenaient à aucune organisation à la base.

    Le radicalisme, une prise de tête pour la direction de Synaspismos

    La majorité de ces organisations se situaient à la gauche de Synaspismos. Tant que Synaspismos était une petite organisation, sa direction avait besoin du radicalisme des autres organisations, d’abord pour survivre et ensuite pour acquérir une dynamique. Mais maintenant que la direction de Synaspismos a commencé à se rapprocher du pouvoir, ce radicalisme est devenu un obstacle. Ils ont donc proposé de dissoudre les organisations pour en faire des ‘‘tendances’’ privées de leur indépendance ou de l’expression publique de leurs propres positions politiques. Simultanément, ils ont proposé que le président du parti soit élu par le Congrès et non pas par le comité national du parti.

    A travers l’histoire de la gauche en Grèce, les dirigeants de partis (secrétaires généraux ou présidents) ont été élus par leurs comités nationaux. La raison est simple : la comité national se réunit régulièrement et peut contrôler le président, et le remplacer s’il le juge nécessaire. Lorsque le président est élu par le Congrès, qui dans la constitution de chaque parti représente l’organe suprême qui siège au-delà du comité national et des diverses conférences, alors le seul organe qui peut contrôler le président est le Congrès.

    Dans la pratique, cela signifie que, pendant trois ans, la ligne politique de Syriza sera décidée, en fin de compte, par Alexis Tsipras et son équipe présidentielle. Les dizaines de milliers de membres de Syriza n’ont aucun contrôle sur leur président. Nous sommes face à une copie de la structure des partis bourgeois comme le Pasok et la Nouvelle Démocratie.

    Un congrès polarisé

    La gauche de Syriza, en particulier la Plateforme de Gauche, a tenté de politiser le conflit. Elle s’est opposée aux propositions organisationnelles de la direction et a aussi émis des amendements sur le texte politique de base du congrès. Parmi ceux-ci, un appel à la répudiation de la dette, la nationalisation des banques et des secteurs-clé de l’économie, un gouvernement préparé à une rupture avec la zone euro et l’Union européenne, et la lutte pour un gouvernement de gauche rejetant tous les partis traditionnels. Toutes ces propositions ont été rejetées, ce qui prouve que la direction refuse d’adopter une vraie politique radicale et entrant en conflit avec les intérêts du privé, de la classe dominante et de la Troïka.

    Les propositions de la gauche ont gagné le soutien d’environ un tiers des délégués, ce qui représente moins que les 45% obtenus par des amendements similaires lors de la conférence de Syriza de novembre 2012. Le caractère polarisé de ce Congrès, divisé entre ‘‘camps’’ biens délimités, en est en partie responsable. Mais Syriza a aussi attiré une nouvelle couche d’opportunistes, en majorité issus du Pasok et accompagnés de leurs ‘‘armées personnelles’’ de partisans qui, dans les débats limités antérieurs au Congrès – en moyenne, seuls deux meetings des organes locaux ont été organisés, qui se sont concentrés sur les questions organisationnelles – ne portaient aucun intérêt aux discussions politiques.

    Mais la tactique de la direction de polariser Syriza pour vaincre la gauche, et l’arrogance qu’elle a montré en anticipant sa victoire se sont retournées contre elle pour un nombre important de délégués. A la conférence de novembre 2012, la liste de la Plateforme de Gauche avait remporté 25% de soutien. Cette fois-ci, alors que la liste ‘‘unitaire’’ était soutenue par 2294 délégués (67,21%), la liste de la Plateforme de Gauche a remporté 1023 voix (30,15%), et 60 de ses membres ont été élus au comité national. L’augmentation n’est pas particulièrement marquée, mais l’important est que la majorité de la direction s’est rendue au Congrès avec pour but d’affaiblir, si pas d’exterminer, la Plateforme de Gauche. Cet objectif sera loin d’être facile à atteindre.

    Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce et parti-frère du PSL) soutient activement l’aile gauche de Syriza, malgré les désaccords que nous avons à de nombreux niveaux. La façon, par exemple, dont le Courant de Gauche, la force de base de la Plateforme de Gauche, a abordé la question de la sortie de l’euro risque d’entretenir l’illusion selon laquelle un changement de monnaie à lui seul pourrait mettre fin à la crise, ou encore que cela serait possible au sein d’un seul pays. De plus, un certain nombre de syndicalistes du Courant de Gauche sont à la traîne quant aux besoins du mouvement social, il n’est d’ailleurs pas rare que ses cadres coopèrent avec des bureaucrates du Pasok.

    Mais la gauche dans son entièreté, et pas seulement Syriza, est entrée dans un processus d’évolution. La mutation qui prend place dans les rangs de la gauche est sans précédent. En ce moment, une bataille est menée au sein de Syriza par des forces de gauches de tous horizons, qui tentent de stopper l’orientation droitière de la direction. Au cours de ces batailles, des conclusions sont tirées, la compréhension se développe, et de nouvelles alliances émergent. Ces processus sont aussi en cours (à une plus petite échelle) au sein d’Antarsya (Coalition de Gauche Anticapitaliste) et du Parti Communiste Grec (KKE), concentrés autour du thème de la coopération avec le reste de la gauche, bien que les directions des deux partis tentent de les réduire au silence à tous prix.

    La prochaine période ne sera pas marquée par l’unité ou la fraternité pour Syriza. Ce sera l’ouverture d’un processus d’unification des forces pour les batailles à venir. Ces batailles ne seront pas ‘‘civilisées’’, mais aussi rudes que la lutte des classes en développement en Grèce, qui se reflète dans Syriza. L’aile droite de Syriza et la direction autour d’Alexis Tsipras ont fait leur choix. Ils se sont retroussés les manches et ont été on ne peut plus clairs quant à leurs intentions. La gauche se doit de réagir. D’une certaine manière, les véritables conflits au sein de Syriza viennent tout juste de commencer.


    [Extrait d’un article plus complet publié sur le site web de Xekinima, traduit pour le mensuel Socialism Today par Amalia Loizidou]

  • Grèce : Arrestations et poursuites de membres d’Aube dorée, mais le danger reste présent

    Le dirigeant du parti néo-nazi grec Aube Dorée¸ Nikolaos Michaloliakos, a été arrêté ainsi que plusieurs députés. Ces arrestations font suite à l’assassinat du rappeur Pavlos Fyssas, les responsables étant liés à Aube Dorée. D’autre part, certaines figures de premier plan des forces de police, alliées d’Aube Dorée, ont été démises de leurs fonctions tandis que le gouvernement a annoncé qu’il allait examiner si ce parti pouvait être considéré comme une organisation criminelle, et donc être interdit. Que doivent en penser les antifascistes ?

    Déclaration de Blokbuster et Résistance Internationale, les campagnes antifascistes du PSL

    Jeudi soir, Michaloliakos brandissait encore la menace de la démission des 18 députés d’Aube Dorée, ce qui aurait causé la tenue d’élections anticipées dans certaines circonscriptions. Au vu de l’hostilité qui s’est développée contre le parti d’extrême-droite depuis l’assassinat de Fyssas, la concrétisation de cette manœuvre est encore bien incertaine. Aube Dorée pouvait encore relativement s’en sortir avec le passage à tabac des immigrés – il est toujours facile de s’en prendre aux plus faibles dans la société – mais, avec l’assassinat d’un artiste grec, ils ont franchit une ligne pour beaucoup de gens.

    Michaloliakos & Co vont naturellement dire haut et fort qu’Aube Dorée n’a rien à voir avec cet assassinat. Ainsi, le meurtrier s’est rendu compte que ses liens avec le parti néonazi constituaient un problème, et il a tenté de cacher son appartenance à Aube Dorée. Mais cette violence n’a de toute façon pu se développer et aller jusqu’à l’assassinat que suite aux campagnes d’Aube Dorée et au climat que cela a créé. Ces gros bras néonazis se sont sentis encouragés par le succès électoral remporté par le parti. Si la direction d’Aube Dorée semblait se rendre compte qu’une certaine prudence était de mise après ce succès, ce n’était plus possible de retenir les militants du parti qui voulaient en découdre et cherchaient à répandre le sang.

    Dans la foulée de l’assassinat de Fyssas, l’Etat a procédé à l’arrestation du dirigeant du parti Michaloliakos, de plusieurs députés et d’une dizaine d’autres dirigeants centraux du parti. L’opération de police a été soigneusement élaborée (ce qui n’est pas évident quand on voit le large soutien dont dispose le parti parmi la police) et suivie de près par le Premier ministre Samaras, des néo-démocrates conservateurs, au pouvoir en coalition avec les sociaux-démocrates du PASOK .

    La semaine dernière, de grandes actions contre la violence fasciste ont eu lieu en Grèce, avec par exemple 50.000 manifestants à Athènes. Ces nouvelles mobilisations antifascistes renforcent la dynamique de la résistance et de la lutte. Peut-être le gouvernement craignait-il que les choses aillent trop loin dans cette direction, et que c’est sur cette base qu’une action policière rigoureuse a été décidée. Pour les antifascistes, l’arrestation des provocateurs néonazis violents à la tête d’Aube Dorée peut constituer un soulagement. Mais cela ne diminue pas pour autant le terreau sur lequel peuvent se construire les forces d’extrême-droite.

    Il y a quelques années encore, Aube dorée ne représentait qu’une force marginale en Grèce, la principale force électorale d’extrême-droite était le LAOS. Mais ce dernier parti a collaboré à un gouvernement d’austérité, et a été lourdement sanctionné par la suite. Aube Dorée, de son côté, s’est profilé comme un parti ‘‘différent’’. Avec des opérations musclées et les déclarations dures du provocateur professionnel qu’est le président du parti Michaloliakos, il a été possible de gagner un soutien parmi un segment de l’électorat anti-establishment. Aube Dorée est entre temps devenu le troisième parti grec (après les conservateurs de la Nouvelle Démocratie et la coalition de la gauche radicale Syriza). A l’occasion des élections européennes de l’an prochain, il est possible qu’Aube Dorée fasse son entrée au Parlement européen.

    Nous ne pouvons pas laisser l’initiative de la lutte contre l’extrême-droite aux partis de l’establishment dont la politique d’austérité a conduit à l’aliénation sociale sur laquelle les néonazis s’appuient pour chercher une audience et un soutien. La répression policière peut avoir un effet temporaire, mais ce ne sera que très temporaire. L’interdiction des organisations néofascistes impliquées dans l’assassinat de Clement Meric en France n’a pas évité la création de nouvelles organisations. Il ne faut en outre pas sous-estimer le danger que l’establishment grec utilise cette opération comme un précédent contre toute forme de protestation sociale contre la politique d’austérité.

    Qu’une force ouvertement néonazie comme Aube Dorée puisse disposer d’un large soutien dans la société est l’expression d’une crise sociale très profonde. Pour stopper l’extrême-droite, nous devons être capables de répondre à cette crise sociale.

    L’interdiction n’arrêtera pas l’extrême-droite. Dans les sondages, le parti est retombé ces derniers jours jusqu’à 6,8%, ce qui représente encore un score similaire à celui obtenu lors des dernières élections (6,92% en juin 2012). L’aversion contre les partis établis et leur politique d’austérité n’a pas diminué. Dans la mesure où la gauche politique ne sait pas suffisamment organiser et canaliser ce sentiment vers un changement fondamental de société, la porte reste grande ouverte pour les forces d’extrême-droite.

    La gauche doit orienter le mouvement antifasciste vers la lutte des travailleurs qui se déroule au même moment. Par la création de comités de lutte démocratiques, il est possible de s’organiser dans les quartiers et les entreprises contre la violence fasciste, contre l’austérité et contre le capitalisme en général. Cela permettrait de plus de fournir une base pour développer au sein des syndicats le débat concernant la nécessité d’un syndicalisme de combat où l’activité syndicale ne se limite pas à des paroles radicales accompagnées d’actions essentiellement destinées à laisser échapper la vapeur de la base. Cela permettrait également de renforcer la gauche politique en instaurant une pression pour que la lutte soit résolument orientée contre le capitalisme, avec une alternative socialiste claire.

    Avec des mobilisations de masse du niveau des 50.000 manifestants antifascistes qui se sont tenues la semaine dernière, l’extrême-droite peut être stoppée. Ces mobilisations fournissent une base pour une résistance organisée et politique au travers de comités locaux capables d’immédiatement réagir contre les activités publiques des néonazis, tout en renforçant les initiatives destinée à aider au développement de la lutte contre la politique d’austérité. Ces mobilisations ne doivent pas s’arrêter après ces arrestations, elles doivent au contraire se poursuivre et gagner en ampleur !

  • Près de deux tiers des jeunes grecs au chômage!

    Le capitalisme, un système incapable d’offrir un bon emploi et un avenir à la jeunesse

    Le chômage massif des jeunes en Europe ne diminue pas. Même là où une certaine croissance économique existe, les rangs de chômeurs ne désemplissent pas, au contraire. L’économiste Carsten Brzeski, de la banque ING, prévient : ‘‘La situation risque d’exploser. Nous risquons d’avoir toute une génération perdue. Si la jeunesse européenne se soulève contre l’Europe, le chaos s’ensuivra.’’ Les chiffres sont dramatiques. Depuis le début de la crise, le taux de chômage des jeunes en Grèce a augmenté de 19,6% à 64,9% ! Mais si tout le monde reconnaît que le problème est grave et nécessite une solution, les choses en restent là.

    Par Thomas B (Gand)

    Les chiffres

    En mars de cette année, 7,5 millions de jeunes chômeurs se trouvaient dans l’Union Européenne (un taux de chômage de 23,5%), une situation particulièrement grave dans les pays du Sud : 59,1% en Grèce, 55,9% en Espagne, 38,4% en Italie, 38,3% au Portugal. Différents pays d’Europe de l’Est suivent de près (34,8% en Slovaquie, 24,8% en Lettonie ou 24,8% en Lituanie), tout comme l’Irlande avec ses 30,3%. Avec ses 22,4%, la Belgique s’approche plus de la queue du peloton que de la tête, où figurent l’Allemagne et l’Autriche (7,6%).

    Les jeunes sont les premiers à être jetés à la rue. Leurs contrats étant souvent précaires, il est plus commode de les licencier. Quant au peu d’emplois disponibles, ils n’ont pas assez d’expérience. Ces quatre dernières années, le chômage parmi des jeunes a augmenté trois fois plus vite que le reste. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (EUROFOUND) a estimé le coût de ces 7,5 millions de jeunes sans emploi à 150 milliards d’euros. C’est encore sans les conséquences sociales dues au chômage et au désespoir.

    L’exemple grec donne le ton : fin du mois de mai, il y avait 1.381.088 chômeurs par rapport à 357.009 sans-emplois au début de la crise (en 2008). Le taux de chômage a augmenté durant cette période de 7,3% à 27,6%. Le nombre de salariés a diminué de 4,6 à 3,6 millions. Le taux de chômage des jeunes a augmenté de 19,6% à 64,9% en cinq ans. L’an dernier il était de 55,1% et en mars l’UE parlait de 59,1%. Maintenant ce taux a atteint les 64,9% !

    L’UE n’offre aucune solution

    Les politiciens et leurs institutions ne sont pas avares de belles paroles et de promesses vides. L’UE estime cette situation inacceptable et affirme que les actes vont suivre avec les investissements du Fonds social Européen. L’UE ajoute encore que la lutte contre le chômage des jeunes doit être une priorité dans les budgets des pays membres.

    En décembre 2012 a été lancé le projet ‘‘Emploi des jeunes’’ avec l’objectif que chaque jeune de moins de 25 ans reçoive une proposition d’emploi ou de formation dans les quatre mois suivant leurs études. En février, un fonds a été créé pour stimuler le suivi des jeunes sans-emplois, avec des moyens à hauteur de 6 milliards d’euros (3 milliards du Fonds social européen et 3 milliards de l’UE). Cet argent doit être utilisé dans les régions où le taux de chômage est supérieur à 25%. En 2013, 20 Etats-membres de l’UE ont été réprimandés pour leur manque d’action pour l’activation des sans-emplois.

    L’UE ‘‘oublie’’ de mentionner le fait qu’elle impose au même moment une politique d’austérité drastique. Dans le cas de la Grèce, l’UE fait partie de la troïka (avec le FMI et la Banque Centrale Européenne) et est donc directement responsable de la montée du chômage ! Il est également facile de dire que les pays-membres doivent mettre plus d’attention sur la lutte contre le chômage alors que les recommandations de l’UE sont très strictes en termes de limitation des dépenses. Les actes posés par l’UE prouvent que la sauvegarde des profits du secteur privé prime largement sur le reste. De plus, l’UE mène actuellement campagne pour augmenter l’âge de la pension dans différents pays. Mais au plus nos aînés restent au boulot, au moins il y a de place pour les jeunes…

    Tout l’accent est mis sur l’idée d’une ‘‘politique d’activation’’. Mais avec 26,5 millions de chômeurs dans l’UE, il est clair que ce n’est pas une question de volonté mais une question de manque d’emplois. Il n’y a tout simplement pas assez de travail. Alors arrivent les stages et les contrats précaires. En Grande-Bretagne il y a même maintenant un système de contrats ‘‘zéro-heure’’ (voir l’encadré à ce sujet). Travailler gratuitement ou presque comme stagiaire n’est pas non plus une étape vers un emploi à contrat indéterminé, ce sont de dangereux précédents pour attaquer toutes les conditions de travail et les salaires. En période de crise de surproduction, il n’y a pas de solution au chômage dans le cadre de ce système.

    Répartir l’emploi !

    Alors que le chômage continue d’augmenter, il en va de même pour toutes les pénuries. Toute l’énergie de la jeunesse pourrait être utilisée pour faire face au manque d’infrastructure, au manque de personnel dans les services publics,…, mais les politiciens traditionnels et leur système préfèrent les laisser pourrir au chômage et dans le désespoir.

    Nous sommes en faveur de la répartition du travail disponible par la diminution du temps de travail, par exemple à 32 heures par semaine, sans perte de salaire, avec embauches compensatoires et diminution des cadences. Pourquoi certains travailleurs doivent-ils bosser jusqu’à tomber raide alors que d’autre sont obligés de ne rien faire ? En répartissant l’emploi disponible, tout le monde pourra s’y retrouver !

    Les capitalistes et leurs pantins politiques ne permettront pas l’application d’une telle politique. S’ils doivent payer plus de salaires pour plus de travailleurs, ils doivent diminuer leurs profits, alors que les grands actionnaires réclament plus, toujours plus, pour gonfler leurs comptes dans les paradis fiscaux. Répondre de manière tout à fait logique au problème du chômage nécessite de s’opposer au capitalisme et de lutter pour une autre société, une société socialiste. Pour y parvenir, nous devons nous organiser et, surtout, ne pas nous laisser diviser entre jeunes et moins jeunes.

  • Grèce : Des néo-nazis accusés du meurtre de sang froid de Pavlos Fyssas, militant de gauche et rappeur

    La gauche et le mouvement organisé des travailleurs ont besoin d’un puissant front antifasciste

    Dans la nuit du 18 septembre 2013, la commune de Keratsini (dans le Pirée, la deuxième plus grande ville de Grèce, qui abrite son plus grand port) s’est vue submergée par des dizaines de milliers d’antifascistes venus d’Athènes et de tout le Pirée. La ville, proche d’Athènes, est forte d’une grande histoire de luttes et de traditions de la classe ouvrière. Les antifascistes exprimaient leur colère à la suite du meurtre de sang froid de Pavlos Fyssas, rappeur et militant antifasciste.

    Andros Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce)

    Pavlos Fyssas était connu pour ses textes antifascistes engagés et ses idées de gauche. Il a été attaqué par des crapules d’Aube Dorée face à de nombreux témoins, y compris 4 policiers armés qui n’ont rien fait pour empêcher son assassinat.

    Un partisan d’Aube Dorée a été arrêté par la police le 18 septembre et a avoué le meurtre. Il a été arrêté sur le champ. Malgré ses blessures fatales, Pavlos a pu désigner son assassin à la police. De nombreux témoins oculaires étaient également présents, l’attaque ayant eu lieu sur une place du centre. Après avoir admis son meurtre, le suspect a déclaré être membre d’Aube Dorée. Il visitait leurs bureaux locaux ‘‘5 à 10 fois par mois’’. La police a fouillé la maison du suspect après le meurtre et a trouvé des écrits d’Aube Dorée et du matériel du parti. Les médias racontent que le suspect a téléphoné à sa femme pour lui dire de vider la maison de tout le matériel avant que la police arrive et de le transférer chez un membre de sa famille, dirigeant local d’Aube Dorée.

    Les médias grecs ont déclaré que le suspect était payé par Aube Dorée pour attaquer des immigrés sur commande et provoquer des conflits avec des militants de gauche. Une pratique commune dans le parti, qui paye des gens pour participer à ses descentes quand cela est jugé opportun.

    Pavlos Fyssas est le premier militant grec à être assassiné par des partisans d’Aube Dorée. Jusqu’à présent, ils concentraient leurs attaques sur les immigrés, dont ils ont déjà tué un certain nombre. Mais depuis l’année dernière, ils ont commencé à se concentrer davantage sur les militants de gauche et les antifascistes. Le 18 septembre, la gauche grecque et le mouvement antifasciste ont connu leur première victime mortelle.

    Pavlos Fyssas était rappeur et musicien, il écrivait et chantait des textes contre le fascisme. Il est né, a grandi et a vécu à Keratsini, un quartier ouvrier de la ville du Pirée. Il était en train de regarder un match de foot dans un café du centre-ville quand des voyous d’Aube Dorée l’ont reconnu. Ils l’ont pris pour cible à cause de ses textes, et ont envoyé des messages afin de mobiliser leur gang pour attendre Pavlos hors du café.

    Pavlos et ses amis, qui ont senti que l’atmosphère devenait dangereuse, ont décidé de quitter le café pour être accueillis par 30 à 40 gros bras. Pavlos a été poignardé en plein cœur. Les médecins ont qualifié le coup porté de ‘‘professionnel’’.

    Deux nuits auparavant, dans un autre quartier ouvrier du Pirée, Aube Dorée a attaqué un groupe de 30 membres du parti communiste (KKE) qui collaient des affiches. On estime qu’environ 50 d’entre eux les ont attaqués avec de battes de baseball cloutées, et 9 personnes ont été hospitalisées. Parmi eux, le leader du syndicat des métallurgistes, qui habite le quartier.

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    Soutenez les comités antifascistes grecs !

    Aujourd’hui, des dizaines de comités antifascistes existent déjà en Grèce. En dépit de leurs ressources extrêmement limitées, ils tentent d’organiser l’auto-défense contre la violence fasciste, de mettre en place divers projets sociaux destinés à atténuer les difficultés sociales extrêmes, d’organiser une lutte commune des travailleurs et de leurs familles (Grecs ou immigrés) contre la politique de casse sociale de la Troïka. Xekinima – l’organisation-sœur du Parti Socialiste de Lutte (PSL), des Etudiants de Gauche Actifs (EGA) et de leur campagne ”Résistance Internationale” – a mis tout son poids dans la construction de ces comités antifascistes.

    La crise du capitalisme ne se limite pas à un seul pays, et le développement de la situation politique et sociale en Grèce est crucial pour le reste de la classe des travailleurs en Europe et au-delà. Utilisons notre arme la plus puissante – la solidarité – pour renforcer ce combat. Ce soutien doit être concret afin de permettre l’édition de tracts, d’affiches, les locations de salles,…

    Contribuez à ce combat antifasciste en effectuant une donation sur le compte n° 001-2282409-75 de notre campagne antifasciste Résistance Internationale avec pour mention : ‘‘Grèce’’.

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    Ce n’était qu’une question de temps avant que des membres et des partisans d’Aube Dorée soient impliqués dans l’assassinat d’un militant de gauche. C’était aussi une question de temps avant qu’ils décident de lancer de telles attaques pour reprendre l’initiative après avoir essuyé quelques défaites dans la période passée.

    Après le succès d’Aube Dorée aux élections de mai et juin 2012, des comités antifascistes ont vu le jour, et à de nombreuses reprises des militants d’Aube Dorées ont été chassés des quartiers. Leurs manifestations ont été contrées et annulées par ces mêmes comités. A un autre moment, des immigrés sont repoussés les gros bras d’Aube Dorée. A Chania, en Crète, le chef des nazis locaux a été jeté à la mer par les antifascistes.

    Aube Dorée veut reprendre l’initiative

    La récente attaque contre les membres du parti communiste peut uniquement s’expliquer par une tentative de reprendre l’initiative. S’ils ont pu envoyer 9 membres du parti sur 30 à l’hôpital alors que le parti communiste est réputé comme l’une des forces les plus organisées de la gauche, forte de militants déterminés et dotés du sens du sacrifice, alors les fascistes seront considérés comme les nouveaux maîtres des rues.

    Le plus tragique, c’est que le parti communiste (KKE) ne mène pas de réelle campagne antifasciste, et l’attaque qu’ils ont essuyée n’a pas conduit à une campagne antifasciste sérieuse. Les fascistes ont donc atteint leur but : semer la peur et la démoralisation.

    La vérité, c’est qu’Aube Dorée peut seulement se permettre ce genre de démonstration de force car les partis de gauche sont en léthargie en ce qui concerne le problème du fascisme. Le KKE tout comme Syriza (la coalition de gauche radicale) sous-estiment le danger du fascisme, comme si l’expérience des années 1930 n’avait pas existé.

    Syriza a fait des pas en avant vers une meilleure compréhension du problème et a développé quelques campagnes antifascistes. Mais elles ne suffisent pas et, fondamentalement, ce sont les militants qui décident de prendre des mesures antifascistes, ce n’est pas grâce aux mots d’ordre clairs de la direction de Syriza.

    Il n’existe pas d’unité de gauche sur le problème du fascisme. Le KKE, mais aussi ANTARSYA (l’alliance de gauche anticapitaliste) refusent de s’allier avec les autres forces, particulièrement Syriza, pour lutter contre le fascisme. Ils ne comprennent pas qu’une campagne et un front antifasciste doivent se développer dans tout le spectre de la gauche et au sein de la classe ouvrière organisée. Il n’y pas non plus de mesures pratiques telles que des comités de défense, alors que les fascistes s’entraînent aux armes à feu sous la protection d’entreprises privées. Il ne pourra pas y avoir de réponse au fascisme à moins que la gauche décide de lutter non seulement contre la Troïka et le gouvernement grec, mais aussi contre le système capitaliste lui-même, qui est à la base de la réémergence de la menace fasciste. Une fois de plus, les partis de gauche sont hélas à des kilomètres de la réalité.

    Malgré ces faiblesses des partis de gauche ‘‘officiels’’ concernant ce problème, des milliers d’antifascistes organisent des campagnes et des comités dans les villes. Après le meurtre de Pavlos, leur lutte ne sera que plus déterminée. Il y a de bonnes raisons de croire que la mort de Pavlos réveillera nombre de ceux qui jusqu’alors n’avaient pas réalisé la situation critique vers laquelle se dirige la Grèce. Voilà la meilleure façon d’honorer la mémoire de Pavlos : lutter pour ce pour quoi il a lutté, une meilleure vie sous une alternative au capitalisme, une société socialiste.

    Pavlos a perdu la vie debout, en se battant. Il n’a pas plié une seconde devant les fascistes. Selon des témoins, ses derniers mots ont été ‘‘Vous voulez vous battre comme des hommes, battez-vous un contre un.’’ Mais les fascistes ne se battront pas un contre un. Ils n’en ont pas le courage, lâches comme ils sont.

    Pavlos Fyssas restera un combattant pour notre cause. Il sera sur nos bannières et dans nos slogans. Nous nous assurerons que sa mort n’aura pas été vaine !

  • [PHOTOS] Meeting électoral de Syriza à Athènes

    Ce 14 juin, entre 10.000 et 15.000 personnes ont assisté à Athènes à un meeting électoral de la coalition de la gauche radicale Syriza. La place sur laquelle se déroulait l’évènement était bien trop petite que pour accueillir la foule. Nos camarades grecs de Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, étaient également présents, de même que Paul Murphy, député européen du Socialist Party (CIO-Irlande).

    De Frederik, correspondant de socialisme.be à Athènes


    Ce 20 juin, 3 jours après la tenue des élections en Grèce, Nikos Chountis (eurodéputé de Syriza) sera présent à un meeting européen contre l’austérité, où il prendra la parole en présence de Paul Murphy (député européen du Socialist Party, Irlande), de Charlotte Balavoine (candidate du Front de Gauche aux législatives pour la circonscription du Bénélux), de Tony Mulhearn (Trade Union and Socialist Coalition, Angleterre), d’un représentant d’Izquierda Unida (Espagne), de Stephen Bouquin (Rood!) et d’Anja Deschoemacker (‘Gauches Communes’). PLUS D’INFOS


  • Elections grecques : Votez SYRIZA! Pour un gouvernement de gauche avec un programme socialiste !

    Pour les élections législatives de ce 17 juin, nous avons le choix entre les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et la coalition de la gauche radicale Syriza. Le choix auquel nous sommes confrontés est le suivant : la poursuite de la politique d’austérité et des mémorandums ou la fin de cette politique antisociale afin d’adopter un cours nouveau.

    Déclaration de Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les deux partis qui gouvernent le pays depuis des années, le PASOK social-démocrate et la ND conservatrice, ont provoqué une baisse générale des conditions de vie pour des millions de travailleurs, de jeunes et de retraités. Ces mêmes partis ont également posé les bases qui ont permis la croissance d’Aube Dorée, une bande d’assassins fascistes, qui se qualifient de ‘‘patriotes’’ tout en regardant avec nostalgie la période hitlérienne ou celle de la dictature militaire des colonels connue en Grèce de 1967à 1974. Ils ont pu entrer au Parlement pour la première fois.

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    A lire également

    MEETINGS : Pour une alternative à l’Europe d’austérité !

    Ce 20 juin, 3 jours après la tenue des élections en Grèce, Nikos Chountis (eurodéputé de Syriza) sera présent à un meeting européen contre l’austérité.

    Bruxelles – Mercredi 20 juin, 19h30

    Meeting organisé par Alternatives à Bruxelles & ‘‘Gauches Communes’’ avec :

    • Nikos Chountis, eurodéputé de Syriza, Grèce
    • Paul Murphy, député européen du Socialist Party, Irlande
    • Charlotte Balavoine, candidate du Front de Gauche aux législatives pour la circonscription du Bénélux
    • Tony Mulhearn, Trade Union and Socialist Coalition, Angleterre
    • Un représentant d’Izquierda Unida, Espagne
    • Stephen Bouquin, de Rood!
    • Anja Deschoemacker, ‘Gauches Communes’

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    Nous appelons les millions de victimes de la politique du PASOK et de la ND à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre un terme à cette politique. Aujourd’hui, cela signifie de voter pour Syriza.

    La gauche doit travailler ensemble

    Pour ces élections du 17 juin, les forces de gauche auraient dû travailler ensemble afin d’assurer que la politique grecque change de cap autant que possible. Le KKE (Parti communiste) et Antarsya (une alliance de gauche anticapitaliste) auraient dû répondre positivement à l’appel de Syriza visant à coopérer ensemble avec l’objectif de constituer un gouvernement de gauche.

    Ces deux formations ont basé leur refus sur le prétexte que le programme de Syriza est insuffisant, pas assez radical et à gauche. Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, partage en grande partie les critiques émises par le KKE, Antarsya et d’autres forces de gauche concernant le programme de Syriza. Ce n’est toutefois pas une raison suffisante pour motiver une absence de coopération. Ce refus renforce les possibilités qu’ont les partis pro-austérité et la troïka d’empêcher une victoire de la gauche aux élections.

    En dépit des désaccords, les autres forces de gauche auraient dû coopérer avec Syriza. Cela s’applique plus particulièrement à la plus grande d’entre elles, le KKE. Une collaboration aurait pu être utilisée pour mener une discussion ouverte sur le programme de Syriza ainsi que sur la politique que devrait appliquer un réel gouvernement de gauche. Un tel débat serait très utile pour la population, permettrait de préciser où il est possible d’obtenir des consensus et instituerait une pression vers la gauche sur Syriza. De plus, cela n’aurait pas menacé la position indépendante du KKE (ou d’Antarsya). Une collaboration commune entre différentes forces de gauche ne signifie pas d’avoir automatiquement une même idéologique ou une même identité politique et organisationnelle. Mais le KKE a refusé toute coopération, ce qui l’a d’ailleurs conduit à connaître un affaiblissement de la position du parti dans la société tout ainsi que des éléments de crise interne.

    Comment sortir l’économie de la dépression ?

    La discussion sur le programme que la gauche doit adopter est de la plus haute importance. En effet, la possibilité est réelle qu’un gouvernement de gauche arrive, soit directement après le 17 juin, soit par la suite si un nouveau gouvernement d’austérité peut être formé avec la ND et le PASOK.

    Beaucoup suivent avec grand intérêt cette discussion sur ce que doit être une politique réellement de gauche, et les faiblesses sont encore nombreuses à ce niveau. Syriza, qui constituerait la base pour un éventuel gouvernement de gauche, a de nombreuses limites, ambiguïtés et contradictions au sein de son programme.

    Xekinima soutient Syriza dans sa position de refus total des politiques d’austérité imposées par la troïka. Mais parallèlement, nous attirons l’attention sur le vide existant concernant le type de politique à mener, et nous mettons en avant nos propres propositions en vue de combler ce vide avec une politique alternative. A notre avis, les éléments centraux d’un programme de gauche doivent être :

    • Le non-paiement des dettes publiques. Ces dettes représentent 350 milliards d’euros, soit 160% du Produit Intérieur Brut. Le paiement de celles-ci constitue une insoutenable saignée pour l’économie grecque. Ces dettes sont le résultat des conditions de crédit contractées aux banques par leurs représentants politiques du PASOK et de la ND. Les travailleurs et leurs familles ne portent aucune responsabilité là-dedans. Le refus de payer ces dettes est une condition sine qua non pour disposer d’une marge de manœuvre économique.
    • Le système bancaire doit être placé dans les mains du public, de la collectivité. Les banques grecques ont spéculé avec l’épargne de la population et se sont elles-mêmes énormément enrichies. Maintenant, l’épargne des Grecs aux mains des banques est bien plus limitée. Seule une nationalisation complète du secteur bancaire peut offrir la garantie de protéger l’épargne de la population tout en accordant des crédits abordables pour que l’économie puisse se développer.
    • Il faut nationaliser les grandes entreprises stratégiques. Des années durant, les entreprises des secteurs de l’énergie, des communications, des transports, de la construction, et bien d’autres grandes entreprises ont été subventionnées par les fonds publics, avec notre argent. Maintenant, ces capitaux privés s’en vont. Quand la spéculation tourne mal, ce sont les travailleurs qui en payent le prix et sont foutus à la porte. Nous devons prendre possession de ces entreprises et en assurer le contrôle public, de sorte qu’elles constituent autant de leviers pour des investissements publics et pour une croissance économique. Les ressources ainsi disponibles pourraient être utilisées pour la collectivité, notamment dans le domaine de l’enseignement et des soins de santé.
    • Une nationalisation n’est pas suffisante en soi, elle doit être accompagnée d’un contrôle et d’une gestion opérée par les travailleurs et la société en général. Cela permet d’assurer que la collectivité mette un terme à la corruption, à la mauvaise gestion, à l’évasion fiscale et au gaspillage des cotisations à al sécurité sociale.

    Sur base de ces mesures, il sera possible de planifier l’économie afin que celle-ci puisse répondre aux besoins de la collectivité.

    D’autres mesures

    Outre les points généraux mentionnés ci-dessus, un gouvernement de gauche devrait également prendre les dispositions suivantes :

    • Augmenter le salaire minimum et immédiatement revenir sur l’abolition des négociations de conventions collectives de travail
    • Geler tous les licenciements et convertir les emplois temporaires et précaires en contrats à durée indéterminée.

    Sur la base de tous ces éléments, il est possible de procéder à des recrutements massifs et des investissements massifs là où les besoins sont les plus importants, notamment dans l’enseignement et les soins de santé. Il faudrait également investir dans les secteurs capables de renforcer l’économie : l’infrastructure, l’agriculture, le tourisme, les énergies renouvelables,…

    Un programme socialiste

    Ce programme n’est pas celui de Syriza. Mais en votant pour Syriza et en instaurant un gouvernement de gauche, les masses grecques auront la possibilité de stopper les attaques antisociales et d’entamer une discussion sur la politique socialiste nécessaire pour relancer l’économie. Il est maintenant très important de discuter de ce programme de gouvernement et des mesures que ce dernier devra prendre. Un gouvernement de gauche créera les conditions favorables à la lutte pour l’amélioration des conditions de vie de tous.

    Le mieux pour ce faire est un programme de type socialiste, une économie basée sur la collectivisation des secteurs-clés de l’économie, la seule façon de sortir l’économie de la dépression en défendant les intérêts de la population.

    Entrer en confrontation avec l’Union européenne en collaboration avec les travailleurs du sud de l’Europe et du reste du continent

    L’establishment européen menace la Grèce d’exclusion de la zone euro si elle ne respecte pas ses “obligations” envers les créanciers. Pour continuer d’appartenir à l’euro, ils veulent que la population grecque accepte un effondrement total de la société. La réponse doit être claire : c’est non!

    Alors qu’ils exercent un chantage avec cette exclusion de la zone euro, messieurs Venizelos (du PASOK) et Samaras (de la ND) ainsi que leurs amis de la troïka préparent une politique qui finira de toute manière par mettre la Grèce en dehors de la zone euro. Ce sont les derniers à être autorisés à utiliser cette menace ! Sur base de leur propre système capitaliste en faillite, la Grèce devra quitter l’euro et réintroduire sa propre monnaie. Cela s’accompagnera d’une dévaluation drastique de la monnaie et d’une inflation très élevée.

    Un gouvernement représentant les intérêts des travailleurs et de leurs familles basé sur un programme socialiste est capable de résister aux diktats de Bruxelles et d’empêcher qu’une sortie de l’euro étouffe complètement l’économie grecque.

    Cette question de la sortie de l’euro ne doit pas être traitée avec des slogans plats et superficiels tels que ‘‘sortie immédiate de l’UE’’, il faudra une transition. Bruxelles n’a pas la capacité de mettre dehors un pays en 24 heures. Il même possible pour un temps de garder l’euro pour le commerce extérieur à côté d’une monnaie nationale pour le commerce intérieur. Ce processus peut prendre des mois, des mois au cours desquels un programme socialiste de reconstruction de l’économie peut être appliqué, la véritable base pour une nouvelle croissance et stabilité de l’économie.

    Au cours de cette période, une autre bataille devra également être menée, celle de la lutte pour l’internationalisme, en travaillant avec la population du reste de l’Europe afin de combattre nos ennemis communs de l’Union Européenne, de la Banque Centrale Européenne et du Fonds Monétaire International, contre le capital et les multinationales. Notre objectif devra être la constitution d’une Europe des travailleurs et du socialisme. Aucun pays ne peut survivre comme une oasis socialiste entouré d’un monde capitaliste hostile. La Grèce sera un exemple et une source d’inspiration pour des millions de personnes à travers l’Europe. Cet effet ne doit pas être sous-estimé.

    Si cela ne conduit pas immédiatement à un mouvement général à l’échelle européenne, il est toutefois bien possible que les mouvements de résistance du sud de l’Europe et dans les pays massacrés par la crise (l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, l’Italie) conduisent à un changement vers une zone économique commune avec une monnaie commune.

    Des possibilités historiques

    La gauche a déjà eu des occasions historiques mais, malheureusement, celles-ci ont été perdues ou ont conduit à des tragédies. La cause sous-jacente de ces échecs a toujours été le refus ou la faiblesse de connecter la lutte quotidienne à un programme capable de briser le pouvoir du capital. Nous avons maintenant face à nous une nouvelle opportunité historique avec la percée de Syriza, et nous ne devons pas la perdre.

    Le mouvement des travailleurs grec doit continuer à se construire à travers ses grèves et ses occupations d’entreprises et de places, à travers les campagnes de non-paiement (notamment celles contre le péage sur les routes et celles contre le prix des transports en commun), à travers les actions de masses et aujourd’hui dans les urnes. Ainsi, nous pouvons infliger une défaite à la troïka. Nous pouvons travailler avec la population de toute l’Europe, en particulier celle du sud, et livrer un message de résistance et d’espoir pour une autre société.

  • Nous aussi nous sommes indignés

    Bas salaires, austérité, pénuries dans les services publics, pollution,…

    Pour avoir un avenir, nous devons organiser la résistance !

    Depuis plusieurs mois, le système capitaliste tremble sur ses bases, une tempête de révoltes et de révolutions s’est abattue sur le monde : des révoltes en Grèce aux révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en passant par le mouvement des Indignés espagnols. Chacun avec ses propres mots, ces mouvements dénoncent le capitalisme et ses larbins.

    Par Navid (Bruxelles)

    Le capitalisme est un système basé sur l’exploitation et l’inégalité. Il marque chaque parcelle de notre vie, de la naissance à la mort, avec le manque de places dans les crèches publiques, des classes surpeuplées dans les écoles, un manque d’enseignants, des études de plus en plus chères sans garantie d’avoir autre chose qu’un emploi précaire, voire pas d’emploi du tout, sans encore parler des retraites sans cesse repoussées plus loin ! La logique de profits (à court terme et pour une minorité) du système capitaliste attaque et détruit sur son passage chacun des acquis sociaux durement gagnés par les mouvements de masses. On serait indigné pour moins que ça ! Partout, la collectivité souffre de la soif de profit du privé. Après avoir sauvé les banques, les gouvernements veulent faire payer les dettes aux travailleurs et aux jeunes avec des plans d’austérité massifs (services publics au régime sec, diminutions de salaires, augmentation de taxes,…)

    En Espagne ou encore en Grèce, la colère s’est transformée en actions de masses, en occupations de places, en grèves, et même en grèves générales en Grèce ! Quant à nous, ce n’est pas parce que le gouvernement est en ‘‘affaires courantes’’ (ce qui ne le gène d’ailleurs pas pour envoyer des soldats en Libye ou pour imposer un Accord Interprofessionnel pourri…) que l’austérité n’arrivera pas : tous les partis traditionnels appliquent depuis la même politique antisociale depuis des années, au profit des banques, des actionnaires et des patrons ! Certains partis moins traditionnels (comme la N-VA ou le Vlaams Belang) surfent sur les vagues de mécontentement que provoquent ces partis pour se présenter comme des partis ‘‘anti-establishment’’ et faire valoir leurs idées réactionnaires en tentant de diviser la population selon leurs langues, leurs religions, leurs origines,… Mais quel que soit le futur gouvernement, tous les partis traditionnels nous ont promis une pluie acide d’austérité (autour de vingt milliards d’euros d’austérité)…

    Nous devons être prêts à riposter ! Notre force sera d’avoir pu prévoir les évènements : profitons du temps que nous avons devant nous pour nous organiser dès aujourd’hui dans nos écoles, nos universités, sur nos lieux de travail, dans nos quartiers,… Ce n’est pas à nous de payer la crise des banques et des actionnaires ! Nous devons nous battre contre ce système en liant les luttes des jeunes et des étudiants à celles des travailleurs, c’est-à-dire ceux qui peuvent bloquer l’économie et attaquer les capitalistes là où ça leur fait mal : dans leurs portefeuilles !

    Prenons exemple sur la résistance en Grèce et en Espagne. Le mécontentement est large et la résistance se développe à travers tout l’Europe. Pourquoi ne pas organiser une grève générale européenne et un plan d’action européen ? Cela signifierait clairement que nous refusons tant la politique d’austérité que les tentatives de nous diviser. Ensemble, nous sommes plus forts, et nous pouvons transformer le mécontentement en actions de masse combatives et démocratiquement discutées. C’est ce que défend le PSL, et nous vous invitons à nous rejoindre.

  • Grèce: L’eurodéputé Joe Higgins prend la parole lors d’un meeting crucial de Syriza à Athènes

    Lors d’un meeting très important de Syriza à Athènes le 14 mai dernier, Joe Higgins, eurodéputé du Socialist Party (CIO-Irlande), a pris la parole aux côtés d’Alexis Tsipras (président du groupe parlementaire de Syriza), de Manolis Glezos (Bloco de Esquerda / Bloc de Gauche, Portugal) et de Jean-Pierre Brar (Parti Communiste Français).

    Par Harris Sideris, Xekinima (CIO-Grèce), Athènes

    Le meeting a été un franc succès, avec la participation d’entre 2.000 et 2500 membres et sympathisants de Syriza (SyRizA, Synaspismós Rizospastikís Aristerás – Coalition de la Gauche Radicale), coalition à laquelle participe la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, Xekinima.

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    A lire aussi:

     

    • Proposition pour un mouvement de protestation européen du 21 au 26 juin
    • Manifestation de solidarité avec le peuple grec à Bruxelles
    • Message de solidarité du GUE/NGL
    • Joe Higgins “Unité des travailleurs et contre-attaque contre la dictature du marché”
    • Grèce: La lutte doit se poursuivre et s’intensifier!
    • Devant le Parlement Européen: Solidarité avec les travailleurs grecs!
    • L’austérité capitaliste doit être contrée par l’action des travailleurs
      [/box]Joe a fait un discours très puissant, qui a touché le cœur de quasi chaque personne présente, apportant un message de solidarité aux travailleurs grecs et soulevant la nécessité d’une lutte commune à travers l’Europe pour contrer les attaques des patrons.

      Joe a salué les luttes de la classe ouvrière grecque et de Syriza, clamant que : ‘‘Ils vous demandent de suivre l’exemple de l’Irlande. Mon conseil aux travailleurs de Grèce est : n’acceptez pas la politique de coupes et d’attaques imposées par le gouvernement irlandais aux travailleurs irlandais. Et mon conseil aux travailleurs irlandais de Dublin, qui m’ont élu au Parlement Européen, est ceci : suivez l’exemple de lutte et de résistance fourni par les travailleurs grecs!’’

      Concernant la crise de la dette, il a déclaré que: ‘‘Nous devons refuser de payer pour la crise causée par les patrons. Nous luttons aux côtés des travailleurs en Grèce. Nous disons non à la dictature du FMI et des marchés.’’

      Il a ensuite poursuivi par l’annonce de l’initiative d’eurodéputés de gauche en faveur d’une semaine d’action commune contre la nouvelle austérité à travers toute l’Europe, avec une mention particulière pour la solidarité dont a aujourd’hui besoin la classe ouvrière grecque. Cette initiative a été lancée par Joe Higgins lui-même, mais implique maintenant des eurodéputés de partis de gauche en Grèce, en Chypre, en France, au Portugal, au Danemark et en Suède. Il a expliqué que :

      ‘‘Nous appelons à une semaine d’action de solidarité du 21 au 26 juin, et nous appelons les partis de gauche, les organisations sociales et les syndicats à mobiliser pendant cette semaine, en solidarité avec la classe ouvrière en Grèce et avec tous les travailleurs européens qui sont confrontés aux mêmes problèmes.’’

      Il a également expliqué que: ‘‘La crise actuelle en Europe n’a pas été provoquée par la dette grecque, mais est le résultat de la crise à laquelle est confrontée le système capitaliste sur le plan mondial…’’

      Concernant les tâches des partis de gauche pour contrer la crise capitaliste, Joe a insisté sur le fait que : ‘‘Nous devons rompre avec la domination des marchés, renationaliser le système bancaire sous le contrôle des travailleurs et de la société, de sorte que nous puissions diriger les investissements vers les besoins de la société, assurer les pensions, créer des services publics et redonner un travail à des milliers de travailleurs.’’

      L’audience a croulé sous les applaudissements lorsque Joe a commenté le rôle des marchés concernant la dette: ‘‘Ce ne sont ni les travailleurs irlandais, ni les travailleurs grecs qui ont emprunté des milliards. Que les marchés aillent se faire voir, effaçons les dettes ! Ce sont après tout que des spéculateurs : ils ont joué, et ils ont perdu.’’

      La contribution dynamique de Joe a intrigué et suscité les éloges de nombreux camarades et sympathisants. Ce n’est pas un accident si Joe a été applaudi par le public à chaque fois qu’il terminait une phrase, démontrant dans la pratique la puissance et l’attraction des idées et des propositions du marxisme révolutionnaire, en particulier dans le contexte actuel de grave crise capitaliste.

  • La crise économique mondiale et les perspectives politiques pour l’Europe

    Commentaires et analyses du CIO

    Le texte ci-dessous est une proposition de thèse qui a été présentée à la réunion du Bureau Européen du CIO (Committee for a Workers’ International – Comité pour une Internationale ouvrière, l’internationale dont fait partie le PSL) qui s’est tenu dans la semaine du 27 mars.

    socialistworld.net

    Cela fait trente ans, mais bien plus encore depuis la chute du stalinisme en 1989, que le capitalisme néolibéral – dont le crédo a été résumé dans le «Consensus de Washignton» – s’est imposé comme idéologie pour l’ensemble du capitalisme mondial. De fait, les capitalistes et leurs idéologues, de même que la majorité des dirigeants syndicaux et «socialistes», se sont rangés à l’idée que le capitalisme débirdé était le meilleur système, le plus efficace possible pour la distribution des biens et des services à tous les peuples du monde. Toutefois, la dévastation causée par la crise économique en cours a complètement mis en pièces cet édifice idéologique qui paraissait pourtant si puissant. Les économistes et politiciens capitalistes se disputent pour savoir si leur système est soit déjà, soit au bord d’une «dépression» ou, à tout le moins, d’une «grande récession» (selon Dominique Strauss-Kahn, dirigeant du Fonds Monétaire International).

    Vitesse et ampleur de la crise

    Cette crise n’a pas encore révélé toute son ampleur, mais a déjà amené une destruction sans précédent de richesses et de ressources partout dans le monde.Selon le commentateur capitaliste britannique Hamish McRae, qui est l’éditorialiste économique du journal «The Independent» de Londres, le montant de tout ce qui a été détruit depuis le début de cette crise équivaut à un tiers du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il prévoit aussi qu’il faudra dix ans pour rebâtir tout ce qui a déjà été ainsi démoli.

    La Banque pour le Développement Asiatique (BDA) a été encore plus loin, faisant remarquer que «L’effondrement de la valeur des actifs mondiaux peut avoir atteint 50.000 milliards de dollars, ce qui équivaut à la valeur d’un an de production mondiale». Ceci est encore probablement une sous-estimation des dégâts infligés par la crise, puisqu’il semble que l’on n’y a pas pris en compte les dégâts infligés à l’économie «réelle». La Banque Mondiale a aussi déclaré que «avec le tarissement des sources de capitaux, les pays en développement sont confrontés à un trou financier de 270 à 700 milliards de dollars par an. Seul un quart des pays vulnérables ont été capables d’amortir l’impact de la récession mondiale.»

    La BDA estime les pertes totales en capital pour l’Asie, hors Japon, à 9625 milliards de dollars, soit 109% du PIB de la zone, alors que sur le plan mondial la moyenne de ces pertes équivaut à 80-85% du PIB. Pour l’Amérique Latine, l’estimation des pertes pour 2008 est de 2.119 milliards de dollars, soit 57% du PIB du continent. Le célèbre gourou capitaliste Schumpeter a un jour caractérisé le capitalisme selon les termes de «destruction créative». Il y a effectivement eu beaucoup de «destruction», comme le montrent les chiffres précédents, mais jusqu’ici très peu de «créativité» à l’horizon en ce qui concerne les masses des travailleurs et des pauvres à travers toute la planète. Et en plus de tout ça, l’Organisation Internationale du Travail a estimé à entre 30 et 50 millions pour l’année qui vient le nombre de travailleurs qui vont perdre leur emploi ou être plongés dans le tourbillon morose du «sous-emploi». De plus, le chiffre avancé en ce qui concerne l’augmentation du nombre de pauvres due à la crise est de 90 millions. Il ne faut donc guère s’étonner lorsque Martin Wolf du Financial Times écrit que le coût de la crise jusqu’à aujourd’hui est équivalent à celui d’une «guerre».

    Ces chiffres illustrent le caractère épique de la crise, qui a poussé la bourgeoisie et ses porte-paroles dans la panique la plus complète. Leur humeur est presque à la semi-démoralisation. C’est ce qu’on a vu dans une série d’articles du Financial Times, qui a de plus en plus pris sur lui un caractère de «bulletin international» pour le capitalisme mondial, plutôt que britannique.

    Ces articles définissaient des perspectives, aussi loin qu’ils en étaient capables, pour la bourgeoisie mondiale dans la période à venir. Leurs conclusions ? «Non seulement le système financier est infesté par des pertes d’une ampleur que nul n’avait prévu, mais les piliers de la foi sur lesquels reposait le nouveau capitalisme financier se sont maintenant quasi effondrés. A cause de cela, tout le monde, des Ministres des Finances aux responsable des Banques Centrales aux petits investisseurs ou pensionnés se retrouve sans aucun repère intellectuel, abasourdis et confus.»

    Le dirigeant de Meryll Lynch à Moscou a été encore plus loin : «Notre monde est brisé – et honnêtement, je ne sais pas ce qui va le remplacer. La boussole qui nous montrait la voie en tant qu’Américains a disparu… La dernière fois que j’ai vu quoi que ce soit qui ressemble à la situation actuelle, en terme de désorientation et de perte de repères, c’était parmi mes amis en Russie lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée.» L’effondrement de la Russie, la contre-révolution sociale qui a suivi 1989, fut la plus grande contradiction des forces productives en un pays de toute l’Histoire, surpassant même la crise de 1929 à 1933 aux Etats-Unis.

    Les stratèges du capital sont si désorientés qu’ils ont même été cherché un peu de consolation dans les oeuvres de Marx, et même parmi les écrits de «Lénine le maudit». La phrase de ce dernier, comme quoi le capitalisme pouvait toujours trouver une issue, fut citée d’un ton approbateur dans le Financial Times par un idéologue du capitalisme! Ce commentateur avait oublié d’ajouter que Lénine avait précisé que cette renaissance du capitalisme ne pouvait s’effectuer qu’au prix d’une souffrance immense pour la classe ouvrière, ne pouvait s’édifier que «sur les cadavres» de la classe ouvrière et de ses organisations, comme l’écrivit Trotsky.

    Il ne fait aucun doute que si la classe ouvrière ne cherche pas une porte de sortie vers la révolution socialiste, le capitalisme pourra toujours se réétablir, bien que sur base d’un équilibre instable. Mais comme Trotsky l’a fait remarquer au début des années 30, la situation objective – en termes d’ampleur et de vitesse de la crise – à travers le monde entier peut déjà être qualifiée, «avec un certain degré de justification», de prérévolutionnaire. Ceci est correct à condition de la définir comme étant une période recouvrant plusieurs années de «flux et reflux partiels» qui peuvent se dérouler entre une situation prérévolutionnaire et une situation directement révolutionnaire.

    En d’autres termes, comme le CIO l’a toujours défendu, cette crise va avoir un caractère étendu ; ce n’est pas juste une crise, mais une série de crises. Elle a déjà introduit une instabilité extrême des devises, un empilement massif de dettes d’Etat – un «vol générationnel», comme l’a décrit le candidat présidentiel républicain McCain – et d’énormes problèmes pour le capitalisme, qui ne pourront en dernier recours se résoudre que par une attaque directe sur le niveau de vie de la classe ouvrière.

    Toutefois, la période précédente du capitalisme néolibéral, qui s’est développée pendant trois décennies, détermine encore en premier lieu les processus à l’oeuvre non seulement sur les plans économiques et politiques, mais également dans la conscience de la classe ouvrière. Tout ce qui garantissait le succès du capitalisme se transforme maintenant en son contraire. La mondialisation a inauguré une période de «démondialisation».

    L’expansion massive du commerce mondial, avec la baisse des barrières douanières, et un certain degré de dépassement de l’Etat-nation lui-même a alimenté la croissance. Mais maintenant, avec une nouvelle donne économique, ceci s’est transformé en protectionnisme et en un effondrement incroyable du commerce mondial, sur base de la contraction de l’économie mondiale, estimée ou sous-estimé par le FMI à entre -0,5 er -2% cette année. Cet élément signifie à lui seul que cette crise est pire que tout ce que l’on a connu depuis les années 30. Ce n’est qu’après le contrecoup de la crise de 1973-75 que l’on a été capable de percevoir que cette crise-ci ne provenait pas d’une réelle chute de la production mondiale, mais d’un fort ralentissement du taux de croissance.

    Malgré toutes les plaidoieries du FMI et les engagements qui ont été pris lors du dernier sommet du G20 ou qui le seront pieusement lors du sommet d’avril de cette année, le protectionnisme est inévitable. Les dirigeants capitalistes « parlent global, mais pensent national », selon le commentaire d’un « expert » économique à propos du sommet du G20 à venir. Cette montée du protectionnisme pourrait ne pas être de la même impotance que le Décret Smooth-Hawley qui augmenta les tarifs douaniers aux Etats-Unis pour 20.000 objets, mais elle est déjà considérable. La Grande-Bretagne ouvrant le bal, tous les gouvernements européens se sont battus pour savoir qui ferait le plus gros plan de renflouement de ses propres banques, le plus gros plan de subsides aux secteurs de l’industrie en difficulté, comme l’industrie automobile. Ceci a déjà eu un effet catastrophique sur les pays les plus dépendants du commerce mondial – tels que le Japon, l’Allemagne, la Chine et les pays industrialisés d’Asie.

    Les plans de relance peuvent-ils fonctionner?

    Combien de temps cette crise pourra-t-elle durer, et le régime Obama pourra-t-il voler à la rescousse du capitalisme mondial grâce à ses plans de relance? Le capitalisme mondial et les plus sérieux de ses représentants, lorsqu’on parle de perspectives, avouent leur confusion, leur incertitude et leur manque de vision quant à ce qui pourrait se produire sur le front économique. Par conséquent, les éléments les plus conscients du mouvement ouvrier, les marxistes, ne peuvent donner de réponses définitives. La valeur des plans de relance des divers gouvernements capitalistes dans le monde a été estimée à 2% du PIB mondial. En Europe, pour l’instant, la valeur de ces plans équivaut à 0,85% du PIB européen, avec une réserve de 2,1% du PIB encore disponible sous forme de crédits étendus et autres garanties. Aux Etats-Unis, le plan de relance voté par le Congrès est d’une valeur de 787 milliards de dollars (5,6% du PIB américain), et le renflouement des hypothèques et les garanties prises pour Fannie Mae et Freddie Mac totalisent un surplus de 275 milliards de dollars. Toutes ces mesures contribueront à un déficit budgétaire estimé à 1,75 trillions de dollars (1.750 milliards de dollars), soit 12,3% du PIB américain ! Au Royaume-Uni, qui a opéré un des plus grands plans de relance – à part celui de la Chine – en termes de pourcentage comparé au PIB du pays, pour une valeur de 5% de son PIB – le dernier «plan d’allègement» de la Bank of England – , s’élèvera à 150 milliards de dollars. Ceci est un signe du désespoir du capitalisme, de leurs idéologues et de leurs partis, qui tentent tant bien que mal d’éviter ou d’amortir les effets du crash.

    Le système financier – et en premier lieu les banques – est ruiné partout sur tout le système capitaliste mondial. Il ne fait aucun doute que la première et plus visible expression de cet état a été de critiquer le «modèle anglo-saxon» du capitalisme, surtout aux USA et au Royaume-Uni. C’est dans ces pays que le processus de «financialisation» a été poussé à son paroxysme, et c’est dans ces pays que les conséquences les plus catastrophiques se font maintenant sentir. Les banques en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis – si pas dans le reste du monde – sont aujourd’hui techniquement insolvables. Elles ne sont en fait rien de plus que des «banques zombies». Ceci malgré le fait que, dans la plupart du secteur bancaire britannique, le contrôle majoritaire est exercé par l’Etat, tout comme c’est aussi en réalité le cas aux Etats-Unis. Et pourtant, Brown comme Obama résistent tous les deux à l’idée de mettre un terme à la «zombification» des banques, comme l’a appelé Paul Krugman, un économiste capitaliste keynésien. Et cela pour les raisons que nous avons esquissées ci-dessus. Une nationalisation complète représenterait une confession ouverte de la faillite de «l’entreprise privée». Mais pourtant, même les valets les plus droitiers du système, tels que James Baker, Secrétaire du Trésor sous George Bush père, et l’ex-gourou économique Alan Greenspan, se déclarent maintenant en faveur dune «nationalisation temporaire». Même les keynésiens considèrent la nationalisation comme une «mesure à court terme», c.-à-d. regrettable mais inévitable, nécessaire afin de renflouer le système, un peu comme le gouvernement suédois l’avait fait, à une bien plus petite échelle, au début des années ‘90. Ils sont tellement acharnés à convaincre le régime Obama adopter ces mesures, que des keynésiens comme Krugman ont décidé d’abandonner le terme de «nationalisation» pour employer celui de «préprivatisation», c’est-à-dire d’abord une prise en charge par l’Etat, avant de le remettre de nouveau entre les mains des mêmes criminels financiers qui avaient ruiné ces entreprises. Malgré toutes leurs hésitations, au fur et à mesure que la crise s’amplifie – avec 600.000 chômeurs par mois en plus pendant les trois derniers mois aux Etats-Unis, les pires chiffres depuis 1945 – la pression pour une prise en charge du système financier par l’Etat pourrait devenir irrésistible pour les capitalistes. En même temps, nous devons mettre l’accent sur la nécessité d’un contrôle et d’une gestion démocratiques et socialistes de ces étatisations, comme nous l’avons expliqué dans notre article sur le programme transitoire paru dans la revue Socialism Today et sur le site international du Comité pour une Internationale Ouvrière, le CIO (www.socialistworld.net).

    Les mesures d’Obama – de Brown et des autres gouvernements capitalistes – parviendront-elles à atteindre leur but, c’est-à-dire avant toutes choses amortir la chute du capitalisme mondial, afin de recréer la base pour un renouveau économique? La mise en oeuvre de la pompe étatique a été conçue afin d’éviter un piège déflatoire, ce que Keynes décrivait comme étant le «paradoxe de l’économie». Les taux d’intérêt sont proches de ou valent zéro, ce qui fait que les banques sont peu enclines à prêter, que les emprunteurs ne peuvent plus emprunter, et que les déposants sont peu enclins à déposer. Le problème du capitalisme en crise n’est pas tellement la question du crédit – bien qu’il y ait effectivement une «grève du crédit» opérée par les banques – mais un manque de « demande », comme l’ont fait remarquer de nombreux économistes pro-capitalistes. Qu’est-ce donc que cela, sinon une manifestation du phénomène de «surproduction» – ce qui était, comme Marx l’a bien expliqué, une absurdité lors des ères précapitalistes. Les classes dirigeantes d’Europe, d’Allemagne et du Japon ont tout d’abord attaqué le «modèle anglo-saxon» de financialisation, qui était selon eux responsable de la crise – se croyant eux-mêmes à l’abri de la récession. Mais en réalité, la crise de surproduction que nous connaissons actuellement était inévitable, avec ou sans crise financière. La combinaison mortelle de crise financière et de crise de «l’économie réelle» n’a servi qu’à renforcer, prolonger et approfondir la crise organique du capitalisme. Il est improbable que les mesures des gouvernements capitalistes entreprises afin de «stimuler» l’économie parviendront à accomplir leur objectif. Il n’est pas exclu, et il est même probable, qu’Obama sera capable d’amortir quelque peu la chute de l’économie américaine ; de même que Brown au Royaume-Uni. Nous devons cependant ajouter l’avertissement que la situation actuelle est unique de part son échelle, son ampleur et sa vitesse. Les mesures employées ou proposées sont elles aussi sans précédent, même en comparaison à la situation des années ‘30. Jamais au cours de l’histoire – pas même dans les années 30 – les capitalistes n’ont cherché de manière aussi désespérée qu’aujourd’hui à faire dévier la crise.

    Conséquences pour la Chine

    Comme nous l’avions expliqué à l’avance, la Chine n’est pas capable d’agir en tant que système de survie pour le capitalisme mondial. La relation entre les Etats-Unis et la Chine sur le plan économique ont été une variante de la «Destruction Mutuelle Assurée» entre le capitalisme et le stalinisme. La recette du cocktail qui consiste à payer les exportations chinoises aux Etats-Unis au moyen d’actifs dollarisés – pour un montant équivalent à 1.600 dollars pour chaque citoyen chinois – a permis de boucher le trou dans la balance commerciale américaine, et de garantir un marché pour les produits chinois. Mais aujourd’hui toutefois, si l’on en croit le journal londonien The Independant, la Chine serait «confrontée à sa pire crise financière depuis un siècle». En même temps, le FMI annonce que la croissance de l’économie chinoise sera bien inférieure aux 8% projetés par les autorités chinoises. Des milliers d’entreprises ont fait faillite, et le taux d’investissement direct est en chute, malgré «les garanties gouvernementales quant à l’annulation des barrières limitant le flux de liquidités étrangères» (International Herald Tribune). La quantité de capital américain déployé en Chine est tombée de moitié en janvier et février. Au même moment, la Chine utilise cette crise pour investir à l’étranger, rachetant des industries, en particulier en Afrique et dans d’autres parties du monde néocolonial.

    Confronté à la perte de débouché pour ses produits aux Etats-Unis comme ailleurs, le régime s’est tourné vers le développement du marché intérne. A cette fin a été proposé un plan de stimulation d’une valeur d’au moins 580 milliards de dollars, le «plus gros plan de stimulation fiscal que le monde ait jamais vu» (The Independant). Mais ceci ne vaut que sur papier ; personne n’est très clair sur la question de savoir en quelle proportion les mesures promises sont quelque chose de neuf, ou ne consistent qu’en un recyclage de «vieil argent». Néanmoins, il y a une certaine possibilité – peut-être plus de possibilité, à cause du rôle de l’Etat – de puiser dans les réserves financières et d’introduire un relativement gros programme d’investissement dans l’ifnrastructure. Même s’il ne «sauvera» pas le capitalisme mondial, ce plan pourrait effectivement parvenir à adoucir la récession en Chine. Cette éventualité est d’autant plus probable à cause du rôle que joue le secteur étatique, qui est toujours considérable. Sa place dans l’économie est bien plus importante que celle occupée par les secteurs d’Etat d’autres pays, même asiatiques, comparables par le fait que l’Etat y exerce toujours un certain contrôle économique, tels que la Corée du Sud, etc.

    La question de la part de l’économie qui demeure entre les mains de l’Etat ou qui se trouve au contraire dans le « privé » est toujours un sujet de discussion et de débat, y compris parmi les commentateurs bourgeois. Par exemple, dans un livre incisif basé «sur des extraits de données financières récemment découvertes», Ya Shin Wang, un des premiers critiques du «miracle économique» chinois, décrit comment, lors des dix dernières années, le pays est en réalité devenu «moins capitaliste et moins libre sur le plan économique». Il explique en effet que : «Au début des années ‘80, le gouvernement étranglait dans les faits les entrepreneurs privés qui commençaient à apparaître, et qui subissaient la concurrence à la fois des entreprises macro-étatiques, et des multinationales géantes». Ce sujet est toujours sujet de controverses en nos propres rangs, mais nous sommes d’accord sur le fait que l’Etat a commencé à s’affirmer – sous la pression immédiate de la crise, à la fois interne et externe, tandis que le secteur privé reste dormant. Le gouvernement et les élites privilégiées sur lesquelles il repose tentent d’éviter une explosion de colère populaire face à la hausse du chômage, du fossé immense entre riches et pauvres, etc. avec un mélange de «cooptation», surtout parmi la classe moyenne urbaine, et de répression. De telles méthodes n’ont que peu de chances de porter leurs fruits, et surtout pas sur les long et moyen terme. Mais nous devons suivre l’évolution de l’économie chinoise ainsi que la situation sociale et politique qui s’y développe, comme l’ont fait nos camarades.

    Colère de la classe salariée

    Le plongeon de l’économie américaine est tel que même Obama est en train de perdre sa position stratopshérique de départ dans les sondages d’opinion. Quelques mois à peine après avoir obtenu le pouvoir, sa popularité est moindre que celle de George W. Bush à la même période par rapport au moment où celui-ci était arrivé au pouvoir!

    Ceci est une illustration de l’extrême volatilité qui marque cette crise. Il est devenu difficile pour les capitalistes, et donc aussi pour nous, de prévoir avec précision le déroulement probable des événements et les effets sociaux et politiques de la crise. Dans de nombreux pays, malgré sa sévérité, la crise apparaît comme faisant partie d’une «fausse guerre». Lorsque les «bombardements» vont commencer, toutefois, à travers une hausse soudaine du chômage, alors ce sera une autre affaire. Les capitalistes ont consciemment cherché à émousser la résistance de la classe salariée en recourrant aux coupes salariales et au chômage économique, plutôt qu’à la fermeture brutale des usines, bureaux et industries. Il y a aussi le fait que la conscience des travailleurs est héritée de la période précédente : nombreux sont ceux qui croient que la crise actuelle et ses conséquences ne sont qu’un «mauvais moment», et que tout reprendra son cours normal bientôt. Toutefois, la crise a déjà provoqué des réactions «réflexes» de la part de la classe salariée, en particulier là où la classe capitaliste a cherché à attaquer des acquis passés, comme en Irlande, France et Italie et, à une plus petite échelle, dans d’autres pays européens comme la Belgique. C’est la tentative de saper les allocations de santé, surtout du côté des personnes âgées, qui a provoqué des manifestations de masse en Irlande à la fin de l’année passée, et qui a été suivie par une immense manifestation en février à Dublin, et la menace d’une grève générale en mars, bien que les dirigeants syndicaux fassent de leur mieux pour faire dérailler le mouvement. Nous avons été témoins du même phénomène en France, avec une grève colossale en janvier et le 19 mars, et plus de trois millions de manifestants. Sarkozy, qui fanfaronnait encore il y a peu sur le fait que la France semblait «immunisée» aux grèves, a recommencé à parler, dans les premiers mois de cette année, du danger d’un nouveau «1968». L’occupation par les étudiants de la Sorbonne pourrait constituer un avant-goût de ce qui va suivre, tout comme la grève générale en Guadeloupe et en Martinique et ses effets au Guyane française.

    Il y a aussi une hostilité de classe amère et généralisée vis-à-vis de ceux qui sont perçus comme étant les principaux responsables de la crise actuelle : les banqueirs et les financiers. Ceci a été énormément agravé par l’incroyable arrogance des banques et de compagnies d’assurance telles que AIG, qui a été renflouée par le gouvernement américain d’un montant de 170 milliards de dollars, et a maintenu sa décision de rétribuer ses actionnaires de 175 millions de dollars ! La levée de boucliers contre AIG et les banques a poussé Obama à accepter l’idée d’une taxe de 90% sur les «bonus de rétention» pour les banques qui reçoivent une aide étatique. Ceci a à son tour poussé les banques à dénoncer une «chasse aux sorcières McCarthyte» et l’odeur des échafauds et de la révolution française ! Tout cela, est un reflet de la polarisation de classe qui a déjà commencé à se développer, et un avant-goût d’un sentiment général d’opposition au système capitaliste dans son ensemble, et non plus seulement à une partie de celui-ci, et qui va prendre corps au cours de la prochaine période. Toute une couche de jeunes et de travailleurs sont déjà en train de tirer des conclusions socialistes et révolutionnaires, et se dirigent vers le CIO. Une autre couche observe le CIO et ses sections nationales, certains attendant de voir si nos pronostics sont fondés ou pas! Beaucoup d’entre eux peuvent et vont nous rejoindre sur base des événements et de notre travail.

    Effondrement des anciens pays staliniens

    C’est également ce qui va se passer dans les anciens Etats staliniens de Russie et d’Europe de l’Est. Par une ironie de l’histoire, l’implosion économique y est plus importante que quasi nulle part ailleurs, mais la conscience de masse y est toujours à la traîne, plus que nul part ailleurs. Le «capitalisme mafieux» a échoué, mais le «véritable capitalisme démocratique» doit encore être tenté, se disent de nombreuses personnes, et même des travailleurs. Ces illusions rose-bonbon vont être détruites par les événements tumultueux qui pointent à l’horizon, pas seulement dans cette région mais ailleurs. L’apparition de partis ouvriers de masse et de forces marxistes particulièrement puissantes en Europe occidentale, aux Etats-Unis, au Japon et dans le monde néocolonial va exercer une influence décisive au niveau de la vision des travailleurs, et paver la voie pour la croissance de nos forces dans la région.

    En même temps, il y a eu des explosions spontanées de colère dans les rues d’Europe de l’Est et de Russie. Nous avons vu des manifestations en Lettonie, à Vladivostok en Russie orientale et ailleurs, ce qui laisse présager un mouvement de masse encore plus grand étant donné l’aggravation catastrophique de la position des économies d’Europes de l’Est et de Russie elle-même. Plusieurs pays d’Europe de l’Est se trouvent « au bord du gouffre » : c’est le cas pour la Hongrie, la Roumanie, l’Ukraine et d’autres, ainsi que pour la Russie elle-même. Par exemple, on s’attend à ce que le chômage en Russie double cette année, passant de 6,3% à 12%. Ceci s’ajoute au fait qu’un demi-millions de Russes attendent des arriérés salariaux, et que l’économie connaît toujours une inflation à deux chiffres. L’effondrement du marché automobile en Europe et dans le monde va avoir un contrecoup extrêmement rude pour les pays d’Europe de l’Est et pour la Russie. La relocalisation dans la région d’usines par les multinationales de l’automobile suivait une logique de réduction des coûts salariaux, et donc d’augmentation des profits via l’exportation de voitures vers les pays d’Europe occidentale, le Japon et les Etats-Unis. Maintenant que le marché s’est effondré, il en sera de même pour des régions entières, qui dépendent de la production automobile. L’industrie domestique russe sera également affectée. Par exemple, 60% des habitants de la Volga sont impliqués dans la production de la Lada à l’usine Togliatti, alors que ses ventes se sont effondrées. La majorité de ces gens vont donc se retrouver au chômage. Selon un commentateur moscovite, la crise actuelle sera pire que celle de 1998, et « la situation est pire qu’au début des années 90 ». Et comme si ça ne suffisait pas, la liste des personnes les plus riches du magazine Forbes indique que le nombre de milliardaires russes est passé en un an de 87 à 32. Il ne faut donc guère s’étonner quand l’ancien président soviétique Gorbatchev – qui a lui-même servi de portier pour le retour du capitalisme en Russie – déclare que « le meilleur du socialisme et du capitalisme » est à venir. En fait, c’était là son slogan lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1985 et prônait un stalinisme « réformé ». L’Europe de l’Est et la Russie fourniront au cours de la prochaine période certains des pires exemples de l’absurdité capitaliste.

    Les répercussions de l’effondrement de toute une série de régimes d’Europe de l’Est, tel qu’en Hongrie, sont sérieuses, de même que les effets qui pourraient s’en faire sentir sur les banques de pays majeurs d’Europe occidentale. Par exemple, l’Autriche est menacée d’un effondrement similaire à celui qu’elle a connu en 1931 au cas où, comme cela est possible, les pays baltiques et d’Europe de l’Est devaient « boire la tasse » à cause de la crise. Les banques autrichiennes et suédoises reposent fortement sur des dettes massives, prêtant de l’argent dont elles ne disposent pas encore. Les banques autrichiennes et italiennes sont les plus exposées. Les prêts des banques autrichiennes aux pays d’Europe de l’Est sont à peu près équivalents à 70% du PIB autrichien. Ceci signifie que ni l’Italie, ni l’Autriche ne peuvent se peremttre de renflouer leurs propres banques, et recherchent désespérément un « plan de relance » européen qui puisse les renflouer. En fait, l’Europe est plus exposée à la « crise des subprimes » que même les Etats-Unis. La situatio nen Russie est identique. Les treize pays qui autrefois formaient l’Union Soviétique avaient accumulé ensemble une dette auprès de banques étrangères, en devises étrangères, d’une valeur dépassant le trillion de dollars (mille milliards de dollars). Une partie – minuscule – de ces emprunts ont été investis, mais la plupart, comme aux Etats-Unis, a servi directement à alimenter la consommation et le secteur immobilier. Le International Herald Tribune a exprimé ainsi l’inquiétude de la classe dirigeante européenne : « La crise de la dette en Europe de l’Est est bien plus qu’un problème économique. Le déchirement et le déclin du mode de vie causé par la crise y provoque des troubles sociaux. Les emprunteurs de subprimes américains qui ont vu leur maisons se faire ressaisir ne sont pas – du moins pas encore – en train de lancer des émeutes dans les rues. Mais les travailleurs d’Europe de l’Est bien. Les racines de la démocratie dans la région ne sont que peu profondes, et le spectre du nationalisme de droite constitue toujours une menace. »

    Ceci illustre comment l’intérgation du capitalisme – à un niveau jamais égalé, même en comparaison à la période d’avant la Première Guerre – signifie que la crise dans un secteur ou une région peut provoquer une réaction en chaîne qui se répercute dans les autres secteurs et régions. Nous avons vu cela dans les années 30, avec la faillite et la défaillance de la dette pour de nombreux pays en Europe et dans le monde néocolonial, surtout en Amérique latine, en conséquence de la dépression. Quelque chose de similaire se déroule de nos jours. Le PIB letton a dimuné de -4,6% l’an passé, et on estime qu’il chutera encore de -12% cette année ! Le chômage y dépasse maintenant 10%, ce qui laisse présager une période « d’instabilité » qui va « certainement créer une ouverture pour un dirigeant populiste » (Financial Times). Dans le langage codé de la bourgeoisie, ceci fait référence aux partis d’extrême-droite qui ont commencé à croître en Hongrie, en Lettonie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est. Avec l’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal, ce sont ces pays qui vont sans doute connaître le pire déclin dans la période à venir.

    Le capitalisme européen en crise

    On estime que l’économie irlandaise pourrait se contracter de -20% dans les prochaines années, ce qui produira des convulsions sociales et politiques d’une ampleur encore jamais vue même comparées au passé tumultueux de l’Irlande. De plus, l’euro, qui a agi au début de la crise comme un bouclier pour les pays économiquement exposés tels que l’Irlande, va maintenant jouer le rôle d’une grande camisole de force. Aucun plan de « réajustement » sur base d’une dévaluation de la monnaie n’est possible tant que l’Irlande demeure dans l’eurozone. Par exemple, on estime que le taux de change italien, lorsqu’on prend en compte l’inflation, est en réalité d’un tiers plus haut que ce qui serait requis au vu de la gravité de la situation à laquelle est confrontée son économie. Des données ahurissantes ont commencé à émerger, qui montrent l’implosion économique qui a traversé l’Italie dans la période récente. L’Italie est étouffée par une bureaucratie massive, avec des frais de « représentation politique » équivalent à ceux de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Espagne réunis ! Sous ce poids, et à cause de son manque de compétitivité avec ses plus proches voisins, l’économie italienne plonge de plus en plus loin sous la surface. Les dépenses pour l’éducation, qui ont dimuné chaque année depuis 1990, ne s’élèvent plus qu’à hauteur de 4,6% du PIB (au Danmark, on est à 8,4%). Seule la moitié de la population poursuit ses études après l’enseignement obligatoire, 20% de moins que la moyenne européenne. Le nombre de lits d’hôpital par habitant a dimuné d’un tiers sous la « nouvelle république », et vaut la moitié de ce nombre en France ou en Allemagne. L’encrassement colossal du système légal a eu pour conséquence que deux retraités septuagénaires qui demandaient un procès contre l’institut de sécurité sociale se sont vu répondre qu’ils pourraient avoir une audience en 2020 ! Le chômage, qui s’élevait à 12% dans les années 90, est « officiellement » tombé à 6%. Mais la plupart – la moitié en 2006 – de ces nouveaux emplois sont basés sur des contrats à court terme et sont extrêmement « précaires ».

    L’Italie, l’Espagne et les conséquences sur l’Eurozone

    Sur base du capitalisme, l’Italie, tout comme le Japon, n’est qu’une entreprise agonisante. Il n’y a pas si longtemps, lors de la « seconde république », l’Italie bénéficiait du deuxième plus grand PIB par habitant de tous les grands pays européens, mesuré en termes de pouvoir d’achat, ce qui la plaçait à cet égard juste derrière l’Allemagne – un niveau de vie en termes réels qui était plus élevé que celui de la France ou du Royaume-Uni. Aujourd’hui, ce niveau de vie est bien inférieur à la moyenne européenne (UE), qui a pourtant fortement baissé après l’adhésion à l’UE des pays d’Europe de l’Est, et l’Italie est « en train de se faire rattraper par la Grèce ». Une part de la responsabilité de cet état de fait repose bien entendu sur les épaules de la « gauche », surtout des ex-dirigeants du PC qui se sont retrouvés dans les DS (Démocrates à Gauche) et ensuite dans le PRC (Parti de la Refondation Communiste). Cette situation, toutefois, est en train de préparer des explosion de masse en Italie, et un renouveau de la tradition radicale et révolutionnaire du passé. Nos petites forces, opérant dans des conditions difficiles, avec un immense afaiblissement de la gauche, sont aujourd’hui bien placées pour jouer un rôle dans la renaissance du socialisme et du marxisme authentique en Italie.

    L’Espagne a vu une hausse colossale du chômage – 3,3 millions de travailleurs sans emploi. Le déficit budgétaire vaut au moins 6,5 du PIB, et l’économie va plonger de -3% cette année. La construction de logements – qui contribuait à 7,5% du PIB en 2006 – est presque à l’arrêt. Il ne faut donc pas s’étonner du commentaire d’un groupe de réflexion selon lequel « Ceci est le cadre parfait, en conjonction avec la crise financière, pour une dépression ». La réputation des principaux clubs de foot espagnols, renommés à travers l’Europe et le monde entier, a elle aussi été profondément affectée. Par exemple, David Villa, qui a marqué le premier goal espagnol lors d’une récente victoire contre l’Angleterre, est membre de l’équipe de Valencia. Son club croulant sous les dettes, son salaire a été postposé de manière « indéfinie » !

    Des manifestations de travailleurs ont éclaté ; les dirigeants syndicaux ont organisé des parades, mais aucune action décisive n’a encore été entreprise afin de mettre un terme à la spirale descendante. Un commentateur procapitaliste a déclaré dans le Financial Times que « L’économie espagnole ne va pas commencer à croître à 3% avant environ sept années. Les Espagnols vont perdre la moitié de leur richesse. C’est horrible. »

    A un moment, l’Espagne utilisait la moitié du ciment européen dans un boum de la construction massif et surprolongé. Ce boum s’est maintenant effondré au nez et à la barbe du capitalisme espagnol, laissant un million de maisons vides, et un chômage de 14%, qui menace de grimper à 20% dans la période à venir. Ces chiffres évoquent pour le futur proche le spectre d’une situation similaire, qui mena directement à la guerre civile espagnole. Marx décrivait l’effondrement de l’Espagne comme un « flétrissement long et sans gloire ». C’était lorsque l’Espagne faisait partie des nations les plus arriérées et reculées d’Europe. L’espagne « moderne » s’est développée à une vitesse pêle-mêle durant la phase de croissance, et menace d’un effondrement aussi rapide lors de la prochaine période. Le pays, comme c’est le cas pour certains autres pays d’Europe méridionale, est au bord de la catastrophe, et il est vital que le CWI cherche à aider le développement des forces révolutionnaires et marxistes authentiques qui vont émerger dans ce pays.

    L’Eurozone pourrait s’effondrer, à cause du désengagement de ses membres les plus pauvres et les plus assiégés. Mais l’initiative de la destruction de l’Eurozone pourrait provenir des « plus riches », comme l’Allemagne, qui est peu encline à renflouer les pays plus pauvres, et pourrait refuser de payer la facture du maintien de l’Eurozone. Le « point chaud » du marché immobilier européen qu’était l’Irlande s’est écroulé en quelques mois. Les répercussion politiques dans chaque pays varieront en fonction de l’histoire récente. En Irlande du Sud, le gouvernement de coalition Fianna Fáil-Verts peut chuter à tout moment. La résurgence des partis d’opposition, en particulier du Labour, indique un tournant important au niveau des consciences. Les forces socialistes et marxistes authentiques en Irlande du Sud, telles que le Socialist Party (CIO Irlande du Sud), sortiront renforcées de la prochaine période.

    L’extrême-droite et l’immigration

    Comme nous l’avons dit plus tôt, la droite,et en particulier l’extrême-droite, est elle aussi en marche. C’est le cas dans les pays d’Europe de l’Est qui incluent d’importantes minorités tziganes. Par exemple, Jobbik, un parti d’extrême-droite hongrois qui prend pour cible cette minorité, a remporté 8,5% des voix lors des élections communales de l’an dernier. L’hostilité vis-à-vis des « immigrés » et des autres minorités monte à travers toute la région, et en Europe dans son ensemble. Le danger du racisme et de l’extrême-droite est évident dans les pays plus développés aussi. En Espagne, les résidents et colporteurs de rue africains ont manifesté deux fois en février, à Madrid, contre le racisme et les descentes de police. On apprit ensuite par une fuite que la police avait reçu un « quota » hebdomadaire d’immigrés « clandestins » à arrêter. Dans le sud de l’Espagne, qui est une des régions les plus pauvres, comme en Andalousie, des milliers d’immigrés sans nourriture ni abri se sont déversés sur les villages au début de l’hiver, « chassant en vain des boulots dans la cueillette des olives, qui avaient déjà été pris par des chômeurs espagnols ». En conséquence, nous voyons déjà au moins le début de la formation de « bidonvilles », jusqu’ici une caractéristique des pays néocoloniaux, et que les Etats-Unis ont connus dans une certaine mesure dans les années 30. Même au Royaume-Uni, les travailleurs immigrés originaires d’Europe de l’Est, surtout de Pologne, et qui ont perdu leur emploi, ont maintenant commencé à habiter en marge des villes, formant des sortes de nouveaux bidonvilles. Le même désespoir face à la détérioration des conditions sociales a commencé à se manifester en Espagne. La faillite des petites entreprises a par exemple conduit le patron d’une société de construction ruinée par la crise à organiser cinq hold-ups dans des banques ! Un autre patron de la construction a menacé de s’immoler à moins que le Conseil municipal ne rembourse les emprunts qu’il lui devait. Un désespoir similaire pouvait être perçu dans d’autres pays où des accidents « terroristes » impliquaient parfois des travailleurs individuels ou en petit groupe. Par exemple, début mars, un travailleur turc s’est tiré une balle dans la tête devant le bureau du Premier Ministre turc, en guise de protestation contre l’aggravation de la situation économique.

    Les travailleurs français se mettent en action

    Un mouvement plus conscient de travailleurs devient véritablement évident, menaçant ou effectuant des occupations, en France, en Ecosse et en Irlande, et pourrait devenir la norme dans d’autres pays au fur et à mesure que la situation économique se détériore. The Economist décrivait ainsi la situation en France dans son édition du 19 mars :

    «Serge Foucher, chef de Sony en France, a été pris en otage le 12 mars par des ouvriers de son usine qui cherchait de meilleurs conditions de licenciement. Ils l’ont enfermé dans une salle de réunion et ont barricadé l’usine à l’aide d’énormes troncs d’arbres. Relâché le lendemain, M. Foucher semblait prendre les choses du bon côté : «Je suis heureux d’être libre et de voir à nouveau la lumière du jour», a-t-il confié.

    Les hommes d’affaires en France ne sont pas amusés. Ils remarquent que les autorités n’ont pas demandé à la police de libérer M. Foucher. Au lieu de ça, le vice-préfet local l’a accompagné lors des négociations suivantes avec les salariés, qui ont obtenu ce qu’ils désiraient : un meilleur contrat de licenciement. Tout ceci confirme le manque général de sympathie pour les affaires qui vit en France, se plaint un cadre.

    Prendre des cadres en otage est une tactique bien établie en France, un pays qui a toute une histoire de relations de travail conflictuelles. Mais cette tactique semble devenir de plus en plus courante. En janvier 2008, le dirigeant britannique d’une usine de crème glacée a été détenu toute une nuit après avoir annoncé un plan de licenciement de la moitié de ses salariés (à cette occasion, la police est intervenue). En février 2008, le directeur d’une usine de pièces détachées automobiles a été enfermé après que les salariés aient réalisé qu’il préparait une opération de délocalisation vers la Slovénie. Dix jours plus tard, les ouvriers d’une usine de pneus appartenant à Michelin ont enfermé deux cadres supérieurs pour protester contre le plan de fermeture de l’usine.»

    Le même journal craint que ces actions ne créent un précédent :«Il arrive aux salariés des autres pays d’enfermer leurs patrons, mais la France est la seule nation où cela se produit souvent. Cette pratique pourrait-elle se répandre ? « A cause de l’état de l’économie mondiale, je ne serais pas surpris si les patrons se voyaient plus fréquemment détenus par leur personnel », dit David Partner, expert en kidnapping et rançons à Miller Insurance, une compagnie d’assurances affiliée à Lloyd’s de Londres.

    Les occupations deviennent déjà plus courantes. En décembre, des ouvriers ont occupé une usine de vitres à Chicago pendant cinq jours afin de s’assurer de l’obtention de l’allocation de licenciement qui leur était due. En février, les ouvriers de Waterford Wedgwood, en Irlande, ont marché sur les bureaux de Deloitte, une firme de compatabilité, et ont refusé de partir jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réunion avec le chef de cette entreprise. Selon Gary Chaison, professeur des relations industrielles à la Clark University du Massachusetts, les travailleurs aux Etats-Unis vont sans doute devenir plus militants, à cause du sentiment d’injustice par rapport au salaire. «Je verrais bien des captures de cadres se produire dans quelques mois», a-t-il dit.»

    Le Premier Ministre « socialiste » espagnol, Zapatero, est parvenu à maintenirla plupart du soutien pour son parti lors des récentes élections régionales, malgré l’effarante situation économique. Ceci est en partie dû à la peur du Parti Populaire (PP), qui tire son origine de la période franquiste, et à l’espoir répandu parmi les masses que la crise ne sera que «temporaire». De plus, la structure familiale – tout comme dans d’autres pays d’Europe méridionale, comme en Grèce – agit plus en tant que filet de secours en période difficile que ce n’est le cas en Europe septentrionale. Ceci amortit dans une certaine mesure les pires effets de la crise économique, mais il y a une limite à cela. Une fois que le caractère durable de la crise aura été perçu par la majorité de la classe salariée, les traditions militantes de la classe salariée espagnole – qui semble en surface être restée dormante pendant toute la dernière période – seront ravivées. Dans la situation explosive qui s’ouvre devant nous, il est urgent que le marxisme authentique puisse trouver son chemin jusqu’aux meilleurs travailleurs et jeunes d’Espagne. On peut dire la même chose du Portugal.

    La Grèce : le «maillon faible»

    En ce moment, la Grèce est toujours le maillon faible du capitalisme européen. Le CIO en Grèce a clairement exprimé, dans des articles sur le site du CIO, quels sont les processus à l’oeuvre dans le pays, et qui inclut les grèves générales et l’humeur parmi les salariés et les jeunes. Malgré le creux dans le mouvement actuel – ce qui est invitable après une telle explosion d’énergie et sans aucun résultat immédiat et tangible tels que la chute forcée du gouvernement – la situation objective sous-jacente contient toujours d’importants éléments de situation prérévolutionnaire. Plus encore, le statu-quo actuel est hautement instable, et une explosion de convulsions sociales est entièrement possible. La Grèce, avec son déficit budgétaire de 14%, pourrait bien se voir mettre « hors-jeu » par les agences de cotation de la dette gouvernementale. Ceci pourrait à son tour provoquer une «faillite nationale», qui serait suivie par de nouvelles coupes brutales au niveau des acquis sociaux, des salaires et des conditions des salariés grecs. Ceci provoquera de nouveaux incendies sociaux.

    La crise en Irlande

    L’Irlande n’est pas très loin derrière la Grèce ; en effet, avec le temps, elle est confrontée à une situation potentiellement pire encore que la situation grecque, parce qu’elle est tombée de bien plus haut. Jouissant d’un des plus hauts niveaux de vie dans l’UE – le plus haut même, selon une estimation – la vitesse de la chute irlandaise est, d’une certaine manière, égale à celle de l’Islande, avec laquelle elle a déjà été comparée. Le taux de croissance annuelle de 9% du passé ne sera bientôt plus qu’un souvenir lointain, avec une contraction annoncée d el’économie à hauteur de -6,5% rien que pour cette année. Ceci a à son tour forcé le gouvernement du Fianna Fáil à lancer des attaques brutales sur le mode de vie, avec l’imposition récente par l’Etat d’une coupe salariale de -7,5% pour les employés du secteur public. Ceci a provoqué une manifestation massive en février, la plus grande en Irlande depuis trente ans. La pression est montée en faveur d’un appel à une nouvelle manifestation pour le 30 mars, mais la structure chapeautant les syndicats officiels, le Congrès Irlandais des Syndicats (Irish Congress of Trade Unions – ICTU), a décidé de n’y convier que les syndiqués qui n’avaient pas reçu leur paye conformément à la Convention salariale annuelle. Notre parti a demandé de manière correcte que tous les syndicalistes soient appelé à manifester le 30 mars, puisque c’est l’ensemble de la classe salariée qui est confrontée à la catastrophe, avec le chômage qui monte en flèche, jusqu’à probablement déjà un demi million. Une grève des travailleurs publics bassement payés, et l’occupation de la verrerie Waterford Glass, montrent le mécontentement croissant parmi la classe salariée irlandaise. Le socialisme authentique pourrait maintenant grandement se répandre, au milieu de cette situation potentiellement explosive, en particulier parmi la classe salariée.

    Même le Labour Party irlandais, pourtant pro-marché, et qui s’est trouvé sur la paille depuis des décennies, connaît maintenant un renouveau, au fur et à mesure que les masses laborieuses partent en quête d’une alternative au Fianna Fáil et au Fine Gael, maintenant discrédités. Les anciens partis ouvriers – ce qui inclut le Labour Party irlandais – n’offrent que peu d’espace pour l’entrée et la radicalisation des salariés. Mais là où certains de ces partis n’ont pas été récemment associés avec les gouvernements au pouvoir, il n’est pas exclu qu’ils puissent de nouveau profiter d’une croissance électorale, mais aussi d’un certainflux de nouveaux travailleurs et de jeunes gens cherchant à lutter. Les marxistes n’ont pas de dogme bien arrêté sur quoi que ce soit, et encore moins concernant les perspectives pour des partis qui prétendent se tenir du côté du mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le Labour Party irlandais puisse connaître une résurgence en termes de membres, ce que les marxistes chercheraient à influencer. Mais en même temps, la lutte industrielle est d’une importance cruciale sur le court terme, avec un scénario menaçant pour l’Irlande à l’horizon des quelques prochaines années, similaire à celles auxquelles à dû faire face la classe salariée irlandaise dans la période immédiatement avant la Première Guerre. Cette période a connu des batailles de classes caitales, qui ont culminé dans le Lockout de Dublin en 1913. Les grèves générales et partielles en Irlande en sont les annonciatrices. De la même manière, le plan électoral est vital, car le gouvernement irlandais du Fianna Fáil pourrait s’écrouler d’un coup sous le poids de ses propres contradictions et au milieu de la puanteur de corruption qui l’entoure. Au cours de la période dans laquelle nous entrons, un nouveauchapitre extrêmement important pourrait s’ouvrir pour le marxisme en Irlande.

    La grève générale en France

    De pareilles opportunités commencent à poindre au-dessus d’autres pays européens, parmi lesquels la France n’est pas des moindres. La grève générale de janvier 2009, suivie par la démonstration massive de puissance ouvrière en mars, avec jusqu’à trois millions de manifestants, a transformé la situation sociale et politique en France. Soixante-dix-huit pourcent des Français considèrent que la grève générale de mars était « justifiée ». Sur une affiche, on voyait «Les Français ont donné l’autorisation au mouvement syndical d’articuler leur opposition à Nicolas Sarkozy». Un grand homme d’affaires a averti que la France est confrontée à une «guerre de classes» qui pourrait saper les efforts de réformes de Sarkozy. Le chef de l’agence de sondages Publicis a déclaré : «Les gens sont vraiment fâchés». Il a aussi ajouté que le gouvernement «attisait le mécontentement». Au même moment, le Financial Times déclare que «Il est loin d’être clair si oui ou non, la tension sociale (manifestée dans les grèves et les occupations) va se cristalliser en un mouvement politique cohérent et capable de paralyser le gouvernement de M.Sarkozy». Le fait qu’ils aient une telle confiance en eux est entièrement dû à la corruption des dirigeants syndicaux qui sont prêts à laisser le mouvement se dissiper.

    Les patrons demandent des «sacrifices»

    A travers toute l’Europe, la politique que va suivre la bourgeoisie vis-à-vis de la classe salariée sera de « diviser pour mieux régner ». En Irlande, les médias bourgeois sont en train de mener une féroce campagne afin de tenter de liguer les travailleurs du privé contre les employés « privilégiés » du secteur public. Ces travailleurs « goulus » vivent aux dépens – d’autant qu’ils reçoivent apparemment de bien meilleurs pensions et salaires – des pauvres, des vieux et de tous ceux du secteur privé. Une campagne similaire a visé les employés communaux et les fonctionnaires en Grande-Bretagne, à un point tel qu’elle pourrait jouer un rôle particulièrement aigu lors de et après la prochaine campagne électorale. A l’avant-garde de cette campagne européenne, on retrouve la Banque Centrale Européenne : elle a appelé à « une reprise en main des salaires et des dépenses publiques ». Selon sa logique tortueuse, « les restrictions de payement aideront à prévenir le chômage qui affecte une grosse proportion de la population en âge de travailler… Les gouvernements devraient poursuivre une politique courageuse de restriction des dépenses, surtout dans le cas des salaires publics ». La réponse à cette politique distinctement « anti-keynésienne » a été donnée par les travailleurs allemands qui « sont partis en grève… cette semaine en réclamant une hausse de salaires – avec l’argument que de plus hauts salaires sont nécessaires pour renforcer l’économie européenne » (Financial Times). Les absurdités du capitalisme sont telles que ses représentants européens, alors que tout le monde est d’accord pour dire que nous sommes dans une situation de « chute de la demande », soutiennent des mesures « anti-demande ». Mais, bie nentendu, c’est la logique même du capitalisme, dont les points de départ et d’arrivée coïncident avec la nécessité de maximiser les profits et la part destinée à la classe dirigeante. Les profits se sont déjà contracté au cours de cette crise ; les dividendes – la quantité payée aux porteurs de coupons, qui vivent sur le dos des travailleurs – sont au plus bas depuis 1938. Il y a aussi une hausse de la « surcapacité » de l’industrie. Ceci est un autre indicateur de la crise généralisée du capitalisme.

    Au même moment, les travailleurs du public ne sont pas les seuls à qui on demande de faire un « sacrifice » ; des couches entières de travailleurs du privé, surtout dans l’industrie automobile, ont subi des coupes salariales de -10, -15, parfois -20%. Pour les ouvriers de Toyota au Royaume-Uni, qui viennent d’accepter une coupe salriale de -10%, ceci signifie une perte de revenu annuel de 2000£ ! Par conséquent, la possibilité de combiner la lutte des travailleurs du secteur public comme du privé n’a jamais été aussi grande, puisque ce sont toutes les sections de la classe salariée qui sont maintenant confrontées à la baisse de leur niveau de vie, à une érosion des acquis du passé, à un allongement de la semaine de travail dans les industries qui sont toujours viables, à des attaques sur les soins de santé et les pensions, etc. Ce processus affecte les pays les plus pauvres d’Europe aussi bien que ceux qui jusqu’il y a peu se trouvaient dans la catégorie des pays « riches ».

    L’Allemagne et l’Europe septentrionale

    L’Allemagne, moteur de l’Europe, plutôt que de se diriger vers les perspectives économiques ensoleillées établies par le gouvernement Merkel, est, comme nous l’avons mentionné plus tôt, confrontée à une autre implosion économique soudaine. Forcé d’introduire son propre « plan de relance » – après des mois de résistance obstinée –, le gouvernement Merkel parle toujours de sa crainte de voir s’accroître la dette publique et de créer un excédent de liquidités. Un « expert » économique déclarait que « Les banques centrales aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sont maintenant littéralement en train d’imprimer de l’argent. Ceci crée un potentiel inflatoire qui est difficile à arrêter ». Les capitalistes, dans leur ensemble, ont décidé qu’une petite pincée « d’inflation » est la seule manière de se sortir du piège de la déflation dans lequel se dirige le capitalisme mondial en ce moment. Avec le souvenir de l’hyperinflation sous la république de Weimar – surtout en 1923 – la classe dirigeante allemande craint de devoir avancer sur cette pente. Mais l’alternative à cela, sur base capitaliste, est une énorme hausse du chômage, comme ça commence à être le cas en Allemagne.

    Les autres puissances en Europe sont elles aussi happées par le tourbillon économique. En Belgique, les salariés subissent le chômage économique et de grosses coupes salariales. Les Pays-Bas vont suivre la même voie, de même que la Scandinavie. La Suède est confrontée pour la prochaine période à son plus grand défi social et économique, sans doute plus grand que celui des années 90. Le pays est en ce moment « à la mode » dans les cercles économique capitalistes, à cause de l’expérience du début des années 90. Cette solution est maintenant considérée comme un modèle pour la politique qui pourrait être menée dans la crise actuelle par les plus gros pays. Nouriel Robini, le « M. Apocalypse » du capitalisme mondial, a déclaré, de même que beaucoup d’autres économistes, que « Nous sommes maintenant tous Suédois ». La nationalisation au moins des entreprises en faillite, telles que les banques : voilà la route à suivre, dit-il. Pourtant, le capitalisme suédois n’a nationalisé nque deux banques lors de cette période : Nordbanken, qui était déjà contrôlée par l’Etat, et Götabanken. Qui plus est, comme l’a fait remarquer Paul Krugman, la nationalisation n’est pas juste un phénomène suédois, mais est « Aussi américaine que la tarte aux pommes ». En effet, on nationalise en ce moment deux banques par semaine aux Etats-Unis – mais avec moins de tapage médiatique. Qu’est-ce donc qui paraît si attractif dans le « modèle suédois » aux yeux de la classe dirigeante ? La nationalisation était temporaire – bien qu’elle ait duré plus longtemps que quelques mois (plusieurs années, en fait) – et le lien entre les banques nationalisées et le gouvernement, comme c’est le cas au Royaume-Uni aujourd’hui, est resté plutôt lointain. Toutefois, la crise suédoise, bien que sérieuse, s’est déroulée juste avant le début de la reprise économique dans les années 90.

    Effets de la crise pour l’Union Européenne

    Un tel scénario de conte de fées n’est plus disponible pour le capitalisme mondial, pas plus pour le capitalisme européen. La crise, loin « d’approcher le fond », peut aller encore plus loin et durer encore plus longtemps que même les plus « pessismistes » des commentateurs capitalistes osent imaginer. Philip Stevens, l’éditorialiste politique du Financial Times (Londres), a récemment déclaré que le Royaume-Uni « n’a pas d’argent ». C’est une exagération puisque, comme le gouvernement l’a bien montré, il peut déjà recourir à la planche à billets – bien que cela se fasse de nos jours de manière électronique – afin d’amorcer la pompe. Mais cela montre l’incertitude et la confusion sous-jacentes des principaux commentateurs du capitalisme. Les Etats-Unis ont suivi les traces de Brown, avec une considérable injection d’argent. Ceci ne peut pas résoudre la crise, mais peut former un matelas qui, combiné avec d’autres mesures, pourrait amortir l’impact. Mais l’empilement colossal de dettes d’Etat signifie une collision inévitable entre les classes dans le futur. Le déficit budgétaire combiné des quatre plus grands pays de l’Eurozone – l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne – va atteindre les 6,4% du PIB en 2010 et vaut 5,8% cette année, alors qu’il ne s’élevait qu’à 2% du PIB l’an dernier ! On prévoit que cette dette publique grimpe à 83% du PIB l’an prochain, à partir de 79% cette année et de 71% en 2008. Les capitalistes vont tenter de faire repartir cette tendance en sens inverse, soit via des hausses de taxes – déjà prévues par le gouvernement Brown pour le futur – ou via des attaques directes sur l’emploi, les allocations sociales, etc. L’UE va à son tour se retrouver déchirée par ces développements. Déjà, la crise a vu la vengeance de l’Etat-nation, dont les commentateurs capitalistes et des groupes de gauche tels que la Quatrième Internationale (LCR en France et Belgique) avaient prophétisé l’enterrement par « l’intégration européenne ». Comme des criminels enchaînés à un chariot, les capitalistes ont été forcé de collaborer, mais les 27 membres de l’UE ne vont pas hésiter à se donner des coups les uns aux autres afin de protéger leurs intérêts « nationaux ». Les mesures protectionnistes extrêmes entreprises par Sarkozy pour promouvoir l’industrie automobile en France sont sagement acceptées par la Commission Européenne, avec le minimum de ronchonnements. Une chute de l’Euro – une possibilité distincte, qui dépend d’à quel point la crise sera sévère et profonde – renforcerait ces divisions.

    Opportunités à gauche

    Dans notre lutte contre capitalisme européen, nous ne tombons pas pour autant dans le nationalisme étroit, mais y opposons une alternative ouvrière et socialiste. A cette fin, la participation de tout un nombre de sections du CWI lors des prochaines élections européennes est très importante. En Suède, en Belgique, en Irlande, et surtout au Royaume-Uni, nous avons des opportunités de présenter notre programme, même si ce n’est pas pour obtenir un vote significatif. Au Royaume-Uni cependant, l’alliance électorale avec le syndicat du rail, le RMT, et avec le Parti Communiste de Grande-Bretagne (Communist Party of Britain – CPB), malgré les faiblesses exposées dans un article paru la semaine passée sur notre site international (www.socialistworld.net), constitue néanmoins un important pas en avant. Déjà, dans les conférences de presse et dans ses commentaires, Bob Crow, Secrétaire Général du RMT, a souligné l’idée d’une « Europe des travailleurs », en opposition à l’Europe capitaliste. Il ne fait aucun doute que cette avancée très importante en direction d’une voix indépendante de la classe salariée – malgré les objections stridentes de la plupart des groupes d’ultra-gauche – a la possibilité de faire passer une opposition ouvrière à l’UE. C’est aussi un point de ralliement important contre le BNP, parti d’extrême-droite, qui pourrait bien remporter des sièges au Parlement européen. L’article de la semaine passée explique avec grande clarté les raisons pour lesquelles nous pensons – malgré bien des hésitations – que ceci est une grande avancée. Il n’y a aucune garantie de succès, surtout si on parle de la lutte électorale, qui est le plus bas niveau de lutte de classe ; mais malgré d’immenses obstacles, cette alliance électorale a la possibilité de toucher les meilleurs parmi les travailleurs et les jeunes. Qui plus est, cette initiative pourrait être à la base d’un nouveau parti des travailleurs de masse en Grande-Bretagne, apportant par là une solution à un problème aigu de la situation actuelle.

    Le développement de nouveaux partis des travailleurs de masse est toujours une question cruciale en Europe, comme elle l’est d’ailleurs sur le plan mondial. Il n’est pas nécessaire ici de nous étendre à nouveau en long et en large quant au pourquoi de cette analyse. L’apparition de Die Linke (La Gauche) en Allemagne, de Syriza en Grèce, et maintenant du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France, n’est pas du tout accidentelle. Le leader du NPA, Olivier Besancenot, est déjà considéré comme étant la figure politique la plus importante en France après Sarkozy. De plus, selon un sondage récent, Besancenot, décrit comme « le leader trotskyste d’extrême-gauche », est maintenant aussi « crédible » que le Président. Malgré les faiblesses du NPA, à la fois en termes de programme et en termes de structure, ce parti représente un important pas en avant, et est soutenu par le CWI en général, et par notre section française, en particulier. La question de savoir, toutefois, si oui ou non, le NPA pourra grandir en termes de nombre d’adhérents, attirer de nouvelles couches et s’implanter dans la classe salariée, n’est pas encore tranchée. Il doit encore passer le test des élections. Mais, étant donné la situation sociale explosive en France – même Ségolène Royal, l’ancienne candidate du Parti Socialiste, a déclaré récemment « N’oubliez pas la Révolution française » – et le manque d’une alternative électorale viable à gauche, le NPA pourrait remplir le vide à gauche et gagner un soutien significatif. Ceci, cependant, ne ganrantirait pas son succès. La question du programme, de l’intervention dans les luttes sociales et industrielles, est vitale si le NPA veut trouver un écho significatif et durable parmi les nouvelles couches qui cherchent certainement une alternative.

    La question du programme du parti est cruciale pour le NPA, surtout la question d’une alternative gouvernementale à Sarkozy. Parce qu’il n’y a pas de parti des travailleurs de masse en France, et puisque le NPA doit encore être testé, nous ne pouvons pas désigner spécifiquement les partis qui devraient former cette alternative gouvernementale. Lorsque le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français étaient encore des partis ouvriers-bourgeois, nous pouvions mettre en avant le slogan d’un gouvernement « socialiste-communiste ». Ceci n’est d’ailleurs qu’une variante de l’approche suivie par les Bolchéviks en 1917. Contre la coalition bourgeoise, les Bolchéviks proposaient « Tout le pouvoir aux soviets », alors que c’étaient les Menchéviks et les Social-Révolutionnaires qui détenaient la majorité au sein des soviets (conseils ouvriers). C’était un appel à un gouvernement Menchévik – Social-Révolutionnaire, excluant les partis bourgeois, et basés sur les soviets, avec les Bolchéviks dans une position « d’opposition loyale ». Dans la pratique, le gouvernement de coalition de Kérensky fut renversé par la révolution socialiste d’octobre 1917, lorsque les Bolchéviks prirent le pouvoir.

    La question d’une alternative gouvernementale prend un caractère différent aujourd’hui, avec une forme plus algébrique, à cause de l’absence de tels partis de travailleurs de masse. Mais la lutte contre le gouvernement Sarkozy, les salariés vont partir à la recherche d’un gouvernement à soutenir en opposition à Sarkozy. En plus de l’abolition de la présidence et du Sénat, et de demander une assemblée unicamérale, nous devons soulever la question d’un « gouvernement des travailleurs ». C’est la lutte qui déterminera quelles sont les forces qui occuperont une telle position. Ceci est une réponse que nous donnons aux travailleurs qui demanderont qui sera dans ce « gouvernement des travailleurs ».

    La formulation de revendications transitoires, de l’agitation et de la propagande prend une grande importance en cette période. Les marxistes vont chercher à intervenir dans de nouvelles luttes et, là où nous disposons de forces suffisantes, à apporter une direction aux luttes qui commencent à se développer. Au Royaume-Uni, nous avons lancé la campagne « Les Jeunes se battent pour l’Emploi ». Mais, sur le plan européen, d’autres mouvements de jeunes peuvent se développer, y compris sur base des grèves de lycéens. La gravité de la crise, qui affecte plus particulièrement la jeunesse, combinée avec les attaques sur l’éducation, qui vont en réalité restreindre les ouvertures vers la sphère de l’éducation supérieure qui existaient pour les générations précédentes, pose la question d’une contre-attaque par les lycéens. Ceci pourrait mener au développement de grèves lycéennes sur le mode des récentes grèves en Allemagne, et de celles qui se sont produites sous notre direction en 1985 et en Espagne en 1986.

    Les perspectives pour le CIO en Angleterre et Galles dans la prochaine période sont particulièrement pertinentes. Le capitalisme britannique est parmi les plus exposés à la crise, avec une situation quasi comparable à celle qui existe en Europe méridionale. Le gouvernement Brown ne tient plus qu’à un fil, et peut chuter d’un instant à l’autre. Les perspectives en ce qui concerne Brown sont sans nul doute qu’il tente de « bricoler » une « reprise » à court terme et qu’il espère que ceci pourra se lier aux mesures d’Obama afin de lui donner la possibilité de mener un quatrième gouvernement New Labour. Cependant, si jamais David Cameron et les Tories parvenaient au pouvoir, le scénario auquel serait confronté le Royaume-Uni serait similaire à celui qu’on voit maintenant se dérouler aujourd’hui en France sous le gouvernement Sarkozy. A cause de cela, l’idée d’un « gouvernement national », d’une coalition, s’est fait jour. Il ne peut être exclu que l’on aille vers un « parlement suspendu », sans aucun parti qui y remporte une claire majorité après les prochaines élections.

    A travers tout ceci, l’inadéquation des partis capitalistes sera de plus en plus évidente, et la probabilité de voir émerger un nouveau parti, de plus en plus grande. La participation du CIO dans Die Linke en Allemagne – malgré ses efforts futiles pour maintenir les camarades du CIO en-dehors –, dans Syriza en Grèce, et maintenant dans le NPA en France, justifie à la fois les perspectives du CIO quant à l’émergence de nouveaux partis des travailleurs de masse, mais inaugure aussi une période cruciale durant laquelle les idées marxistes seront mises à l’épreuve de nouveaux publics de travailleurs et de jeunes.

    Le capitalisme, y compris le capitalisme européen, est confronté à une crise de longue haleine, qui aura pour conséquence d’énormes explosions sociales, y compris la possibilité de grèves générales, de manifestations d emasse et d’occupations d’usines. Les événements vont développer encore plus loin la conscience de la classe salariée, surtout si celle-ci est combinée avec la croissance d’idées et d’organisations socialistes et marxistes, comme celles du CIO. Le CIO participera dans tous les mouvements authentiques de la classe salariée qui représentent une avancée, malgré des faiblesses de programme et d’organisation, y défendant notre programme et nos perspectives, en guise de préparation pour des forces marxistes de masse dans le futur.

    Le CIO est sorti renforcé idéologiquement et numériquement de la dernière période, surtout de celle des années 90 et de la première partie de cette décennie, et bien préparé à intervenir dans la nouvelle situation explosive. Sur cette base, nous pouvons faire progresser de manière notable les forces du marxisme authentique, appeler les nouvelles couches de la classe salariée qui se mettent en action à nous rejoindre, attirer les meilleurs militants de gauche au CIO. Le CIO peut jouer un rôle clé en rassemblant dans l’action les forces authentiques du marxisme en Europe, afin de fournir une réelle alternative pour les couches les plus développées de la classe salariée et de la jeunesse, en tant que premier pas vers la mise sur pied de partis marxistes de masse en Europe, en tant que membres d’une Internationale de masse.

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