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Tag: Film
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J’veux du soleil : Ruffin porte la voix des Gilets Jaunes

Si vous n’êtes jamais allés sur un rond-point occupé par les Gilets Jaunes ; si vous avez des à priori sur le mouvement et sa composition ; si vous croyez les propos de leurs détracteurs les identifiant comme racistes, homophobes, casseurs, fous furieux ; si vous vous demandez pourquoi et comment il se fait que le mouvement, bien qu’essoufflé, perdure encore aujourd’hui : allez voir ce film.
Par Laure, Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Le mouvement GJ en image
De villes en ronds-points, le député du groupe parlementaire de la France Insoumise François Ruffin et son cameraman sillonnent la France à la rencontre de ceux qui, depuis le 17 novembre, se sont relayés pour tenir ces ronds-points transformés en ‘‘villages de Gaulois réfractaires’’, ‘‘mini ZAD’’ (Zone à défendre),… Qu’importe leur dénomination, ces endroits ont été transformés avant tout en lieux de rencontre et d’organisation, de vie et d’échange, de résistance et de reconnaissance, entre frères de galère, sœurs de misère, exploités et petits exploitants dont le dénominateur commun est celui du ras-le-bol, du refus de cette survie imposée. De gens qui refusent, parfois pour la première fois, d’être les oubliés d’un système où la minorité se gave goulûment sur le dos des autres qui en bavent.
Portraits des invisibles qui subissent
Il ne faut pas s’attendre à un film qui permettrait de comprendre l’organisation de ces lieux de résistance, de la mise en place des Assemblées générales à l’organisation logistique ou stratégique des blocages. Il n’aborde pas non plus la gigantesque répression policière et judiciaire. Le film nous propose un recueil de portraits de GJ asphyxiés par la vie, sortant de la honte pour relever la tête et dire que ça suffit. Il nous présente une diversité de portraits émouvants d’une couche auparavant silencieuse de travailleurs précaires, chômeurs, retraités, mères célibataires et petits indépendants en galère qui se relayaient sur les carrefours occupés.
Les naufragés du capitalisme
Ces portraits donnent à voir à quel point la société piétine, exploite, presse jusqu’à la moelle, puis laisse pourrir tous ceux qui la composent et pourtant créent les richesses. Personne n’est épargné sauf la classe dominante. Elle laisse sur le banc la plupart d’entre nous, nous met en compétition, nous tue à petit feu.
Le film ne montre qu’une partie du tableau. Il faut y rajouter l’abandon des services publics, les postiers et cheminots qui luttent depuis de nombreux mois contre la privatisation des services; les profs et les lycéens en lutte contre les lois qui dégradent l’éducation. Le pays est traversé de luttes sociales et une certaine convergence a eu lieu autour du mouvement des Gilets Jaunes.
La solidarité pour tenir
Comme on l’entrevoit dans le film, la solidarité engendrée par les occupations quotidiennes et nocturnes des ronds-points est frappante : dons, démonstrations de solidarité, discussions,… Une puissante force collective et une volonté (et nécessité) de s’organiser ensemble se dégageaient des lieux d’occupation.
Lever la tête collectivement est une prise de conscience qui restera gravée dans les mémoires. Certains ont décidé de ne plus se laisser faire à l’usine non plus. C’est le cas notamment des ouvriers des entrepôts de Décathlon qui, grâce au mouvement, ont senti qu’il était temps que la peur change de camp et ont bloqué leur lieu de travail pour la première fois depuis 30 ans, afin d’exiger de meilleures conditions de travail et de salaire.
Réappropriation des richesses : une nécessité
Le film laisse ouvertes les pistes qui pourraient être tirées de ce mouvement d’envergure, notamment quant à la manière de poursuivre la lutte. La seule conclusion possible d’un tel mouvement, c’est la nécessité de l’appropriation des moyens de production et de décision par la collectivité. C’est la seule manière de faire vaciller ce système moribond qui nous plonge dans la violence sociale, puis policière et judiciaire dès qu’on le remet en cause. Le mouvement des Gilets Jaunes a montré de quoi nous sommes capables en termes d’organisation et de solidarité.
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‘‘Green Book’’ un rappel opportun du racisme aux États-Unis

On parle du film de Peter Farrelly comme d’un road trip, mais c’est beaucoup plus que ça. Même s’il aurait été possible d’en faire encore plus… Le film repose sur une histoire vraie, celle de Tony ‘‘Lip’’ Vallelonga (interprété par Viggo Mortensen), engagé comme chauffeur par le pianiste afro-américain Don Shirley (Mahershala Ali) pour le conduire en tournée dans le Sud des États-Unis au début des années 1960. Un blanc employé par un noir dans le Sud profond américain : qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
Par Clare Wilkins, Socialist Party, Angleterre et Pays de Galles
Le titre du film fait référence au ‘‘Negro Travellers Green Book’’, un guide annuel publié entre 1936 et 1966 qui indiquait les lieux où la population noire était acceptée à l’époque des lois ‘‘Jim Crow’’ et de la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis. La maison de disque de Shirley en a offert un exemplaire à Tony.
Don Shirley était un pianiste et compositeur de jazz. Sa mère, née en Jamaïque, lui a appris à jouer de l’épinette à l’âge de deux ans, ils avaient l’habitude de jouer ensemble à New York. Il fut le premier étudiant noir au Conservatoire de musique de Leningrad. Ses performances ont été saluées par les Américains blancs libéraux, y compris John et Robert Kennedy.
Don a décidé de faire une tournée dans le Sud, sans bien savoir comment s’exprimait la ségrégation pour les travailleurs noirs. Le film traite d’un certain nombre d’incidents autour du racisme et des lois Jim Crow, qui sont poignants, mais ne dominent pas le film. Leur voyage a dû en connaitre bien plus. Viggo Mortensen a précisé que l’objectif était du film était de souligner l’histoire du racisme en Amérique, mais que l’objectif était aussi de produire un film grand public.
Durant la tournée, Don n’a pas pu dormir dans certains hôtels ou se rendre dans certains restaurants. Tony est un chauffeur et tous les autres chauffeurs qu’il rencontre sont des noirs employés par la bourgeoisie blanche. Le film souligne les intérêts communs qu’il partage avec ces chauffeurs. Malgré le fait que Tony ait lui-même des stéréotypes racistes, le film souligne de manière juste qu’il est en fait plus proche de la population précaire noire de son quartier. Malheureusement, le film semble mettre l’accent sur le fait que c’est en connaissant quelqu’un, en développant une amitié, qu’on peut mettre fin aux préjugés.
Le film est un rappel opportun du racisme qui prévalait aux États-Unis avant les réalisations obtenues par le mouvement des droits civiques, il illustre tout le chemin parcouru grâce à cette lutte. Il en reste encore à parcourir. À l’époque du Trumpisme, certains ont dit que le Green Book devrait être relancé. Mais ce qu’il faut, ce n’est pas un guide pour vivre en toute sécurité en tant que noir dans une Amérique raciste, mais une lutte de classe visant à mettre un terme au racisme et au système capitaliste qui le perpétue.
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Critique de film : VICE

Dick Cheney : Faucon de guerre, politicien d’entreprise… Les profits avant les gens depuis 1969
Par Genevieve Morse, Socialist Alternative (USA)
VICE tente de montrer les véritables rouages internes de la Maison-Blanche sous l’administration de George W. Bush. Cette administration était l’une des plus secrètes, des plus trompeuses et des plus manipulatrices que les États-Unis aient jamais vues. Bien qu’il se concentre sur l’ancien vice-président Dick Cheney, le film parle de bien plus que d’un seul homme. Il est question de la brutalité d’une partie de l’élite politique américaine dans la sauvegarde et la lutte pour les profits sans fin des grandes entreprises au détriment de la vie des gens partout dans le monde. Contrairement à ce que peuvent en dire les critiques mitigées de ce film, tous ceux qui sont en colère contre l’état du monde aujourd’hui et le pouvoir que détient le président Trump devraient le regarder !
Au fur et à mesure que le film avance, le schéma devient très clair, surtout à la fin. On commence à se rendre compte que les escroqueries massives perpétrées par Cheney et d’autres à Washington pour déclencher les guerres en Irak et en Afghanistan, la prison de Guantanamo Bay, le Patriot Act – tout cela a contribué à ouvrir la voie à une nouvelle ère de la politique américaine qui nous amène à notre époque.
Aujourd’hui, Trump remplit son cabinet de milliardaires et déchire les réglementations environnementales et autres qui contrôlent les profits tout en prétendant défendre la classe ouvrière. Cheney a pratiquement écrit le livre sur la façon d’utiliser le gouvernement comme un instrument pour les sections les plus rapaces et les plus parasites de la classe dirigeante – compagnies pétrolières, entrepreneurs militaires et banques – sans aucun contrôle démocratique en préconisant une concentration toujours plus grande du pouvoir dans l’organe exécutif.
Cheney faisait partie d’un mouvement du Parti républicain dans les années 70 et 80 qui cherchait à réaffirmer la puissance militaire et économique des États-Unis à travers le monde à la suite du mouvement contre la guerre du Vietnam. La différence entre Cheney et les hommes politiques qui l’ont précédé était son allégeance aux sections les plus brutales et à courte vue du capital : les sociétés de combustibles fossiles, le complexe militaro-industriel et les grandes banques qui les soutenaient. Arnaquer les personnes qu’il prétendait protéger – des travailleurs américains ordinaires – n’était qu’une partie de l’accord. Sa montée au pouvoir est due à sa loyauté totale envers les grandes compagnies pétrolières et les entreprises de défense, qui souhaitaient s’assurer des profits toujours plus importants. Il l’a fait sans se soucier le moins du monde des conséquences, et des personnes qui en souffriraient.
Dans le film, les membres de l’administration Bush rappellent l’arrogance et le manque total d’empathie qui existe parmi l’élite capitaliste. Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Scooter Libby et Anthony Scalia, pour n’en nommer que quelques-uns, vont justifier et rationaliser leurs actions criminelles du moment que c’est “pour le bien de l’Amérique”. Selon Cheney, il ne s’agissait pas de savoir ce qui serait bon pour les travailleurs ou les pauvres, mais ce qui ferait le plus de profits pour les entreprises et les PDG américains. Cheney et sa cohorte n’ont jamais eu la moindre autre préoccupation.
Sous la présidence de Bush II, les néo-conservateurs étaient déterminés à restructurer le Moyen-Orient pour maintenir le contrôle des réserves pétrolières et réaffirmer la puissance américaine sur la scène mondiale. Lors d’une réunion du Cabinet, c’est Cheney, et non Bush, qui a ordonné à Colin Powell de mentir aux Nations Unies sur le fait que l’Irak avait un vaste réseau terroriste lié aux attaques du 11 septembre et un arsenal d’armes de destruction massive. Par contre, le film dépeint Powell comme s’il était opposé à la guerre. Mais il était contre le rythme effréné de l’invasion et non contre l’invasion elle-même, en craignant la réaction du public. L’administration Bush a clairement menti à la population américaine et au monde entier. Leurs décisions ont été prises sans la participation ou la connaissance même du peuple, sans aucune surveillance et en ne tenant aucun compte de l’impact des décisions sur les gens ordinaires. Mais c’est à cela que ressemble la concentration du pouvoir. C’est ainsi que Cheney a fonctionné et cherché à acquérir de plus en plus de pouvoir.
9/11 : Tragédie ou opportunité ?
Les attaques du 11 septembre 2001 ont envoyé des ondes de choc à travers les États-Unis. Dans le film, Cheney a été dépeint comme calme et serein alors que les tours s’effondraient. Le film explique qu’il a immédiatement vu l’opportunité d’une vie, là où tout le monde a vu une crise.
Alors que le processus de concentration du pouvoir au sein du pouvoir exécutif se poursuit depuis des décennies, Cheney et Bush ont saisi l’occasion que le 11 septembre a présentée pour adopter le Patriot Act, qui consistait à réduire considérablement les libertés civiles et déclencher une guerre du pétrole, le tout appuyé par les votes démocrates. Autrement, il leur aurait fallu des années pour défaire les règlements et les libertés civiles que les travailleurs et les travailleuses avaient gagnés par la lutte.
Selon MSN Money, la division KBR, Inc. de Halliburton a escroqué des agences gouvernementales à hauteur de 17,2 milliards de dollars en revenus liés à la guerre en Irak pour la seule période 2003-2006. Cet argent a servi à financer la construction et l’entretien de bases militaires, la réparation de champs de pétrole et divers projets de reconstruction d’infrastructures dans un pays ravagé par la guerre. Ce conflit d’intérêts était un élément régulier qui est apparu plusieurs fois dans le film. Interrogés par deux généraux au sujet de l’absence de contrats, Cheney et Rumsfeld ont tous deux répondu qu’ils n’étaient tout simplement pas inquiets. Pourquoi le seraient-ils ? Ce type de libre circulation des profits et l’absence d’intervention gouvernementale étaient exactement leur vision.Des milliers d’hommes et de femmes de la classe ouvrière qui sont allés à la guerre croyant protéger leur famille contre le mal du terrorisme. Au lieu de cela, ils ont été envoyés à la mort pour payer un autre yacht, une troisième maison ou quelques voitures neuves pour les dirigeants du secteur pétrolier. Des centaines de milliers d’Irakiens, hommes, femmes et enfants, sont morts. D’innombrables autres personnes ont été déplacées et des vies ont été ruinées. Le cycle n’a fait que se poursuivre et s’aggraver, car cela a conduit à la persistance de la violence sectaire et à la montée d’ISIS.
Les mensonges et les faux liens avec le terrorisme qui ont mené à la guerre en Irak se concrétisent maintenant, et c’est grâce à la politique étrangère des États-Unis. Comme je n’avais que 16 ans lorsque le 11 septembre s’est produit, j’avais oublié ou je n’avais jamais réalisé certains des détails et des problèmes soulevés par le film. Surtout pour les jeunes, VICE vaut la peine d’être vu car il donne un aperçu de la façon dont nous nous sommes retrouvés dans le pétrin politique dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui.
Où diable était le Parti démocrate ?
Ce qui n’a été que très peu abordé, c’est le rôle que le parti démocrate a joué dans l’arène politique pendant cette période. À un moment donné, lorsque le film a projeté une vidéo d’Obama, une personne dans le cinéma a applaudi alors qu’il régnait un mépris silencieux. La plupart des démocrates du Congrès, y compris Hilary Clinton (représentée dans le film), ont accepté de financer la guerre et les attaques contre les libertés civiles. En fin de compte, l’establishment démocrate sert également les intérêts des entreprises américaines, y compris leurs guerres sans fin.
Le Parti démocrate, bien qu’il ait parfois essayé de se présenter comme un parti anti-guerre, n’a servi qu’à démobiliser, discréditer et démanteler les mouvements anti-guerre. Alors que le président Obama terminait la guerre en Irak (avant d’en commencer une autre), à la fin de son gouvernement, “les États-Unis larguaient en moyenne 72 bombes par jour, soit l’équivalent de trois par heure”. Pendant les années Bush, le Parti démocrate s’est engagé à continuer à financer les efforts de guerre tout en n’offrant aucun moyen d’en sortir. Guantanamo Bay -la chambre de torture des États-Unis- est restée ouverte sous Obama même avec sa promesse de la fermer.
Il s’en est sorti indemne
VICE nous rappelle l’impact sauvage que Cheney et toute l’administration Bush ont eu sur notre système politique, sur les droits civils et sur le monde. De par sa nature, le capitalisme donne des médailles et de larges sommes d’argent aux politiciens comme lui.
L’inconvénient réel de VICE, c’est qu’il donne l’impression que la justice sociale ne l’emportera jamais, que les vieux blancs malfaisants vont toujours diriger le monde et que nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Un élément d’espoir qui aurait pu être mentionné dans le film fut la chute du pouvoir de Cheney et Rumsfeld due à la mission en Irak qui ne se déroulait pas comme prévu et à la pression massive exercée par le mouvement anti-guerre.
Cheney a récemment déclaré que Trump “avait l’air d’un libéral” (Cheney veut dire par là que Trump à l’air d’un « démocrate », ndT) après avoir critiqué l’invasion de l’Irak pendant sa campagne. Cheney est aujourd’hui un homme ‘bionique’ (en référence à sa transplantation du coeur, cela réfère aussi au fait qu’il n’est plus dans la ‘course’, ndT); mais ses idées et leurs conséquences peuvent et doivent être arrêtées.
En 2019, beaucoup plus de gens voient la nécessité de lutter non seulement contre Trump, mais aussi contre tous ceux qui lui ressemblent, ceux de sa classe, la classe capitaliste. Les travailleurs en ont assez de ceux qui, au pouvoir, font passer le profit avant le peuple. Si vous voulez savoir à quoi ressemble une véritable arme de destruction massive, allez voir VICE. Si vous voulez en savoir plus sur la façon de riposter, passez à l’étape suivante et rejoignez-nous !
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Girl : un film populaire qui peut améliorer la compréhension des transgenres
Le film ‘‘Girl’’ du réalisateur Lukas Dhont est projeté dans nos cinémas depuis le mois d’octobre. Au festival du film de Gand, le film a été accueilli par une standing ovation. Auparavant, le film avait remporté quatre prix lors de sa première mondiale à Cannes, dont le prix de la Caméra d’Or (meilleur premier film, toutes sections confondues). Le film raconte l’histoire de Lara, une jeune fille de quinze ans qui veut devenir ballerine, mais qui est née dans un corps de garçon.Par Mauro (Gand)
Le film en vaut vraiment la peine et peut contribuer, espérons-le, à une meilleure compréhension des personnes transgenres auprès d’un plus large public. Le film n’a pas pour vocation d’être activiste ni documentaire. Tous les obstacles auxquels les transgenres sont confrontés ne sont pas abordés. Mais l’histoire de Lara est réaliste et fait sympathiser le spectateur avec le cheminement que vivent Lara et sa famille. Le rythme du film fait écho à la lenteur avec laquelle se déroule la transition physique. Une lenteur qui peut parfois avoir des conséquences tragiques pour les transgenres.
Environ 40 % des personnes transgenres en Flandre ont tenté de se suicider l’an dernier. Un chiffre hallucinant. Les raisons sont multiples : le manque de soutien des proches, la violence transphobe, l’exclusion sociale, l’absence d’aide accessible,… Actuellement, les transgenres ont droit à un certain nombre d’entretiens gratuits avec des psychologues de l’équipe Genre, mais le temps d’attente pour un premier entretien est supérieur à un an. Les personnes qui appellent aujourd’hui ne recevront pas de rendez-vous, mais seront inscrites sur une liste d’attente. Cela illustre à quel point la convention transgenre adoptée par la ministre De Block cette année est inadéquate. Les adultes, les enfants et les jeunes n’ont pas droit à une assistance appropriée et accessible. L’élimination de ces listes d’attente est essentielle pour offrir un soutien adéquat aux transgenres et réduire les risques de suicide. Nous ne pouvons que saluer le film Girl pour l’attention médiatique qu’il attire sur le thème des transgenres. Malheureusement, les personnes qui font le pas de chercher de l’aide – souvent après de longues hésitations – ne la trouvent pas assez rapidement.
Les listes d’attente pour les personnes transgenres résultent de nombreuses années de manque d’investissement dans les soins de santé. Le nombre de transgenres qui demandent une assistance a augmenté de façon exponentielle au cours de ces dernières années, sans qu’il n’existe des ressources suffisantes. De plus, l’environnement des transgenres est très peu pris en compte : partenaires, famille, etc. Le Transgender Info Point est l’une des seules organisations vers laquelle l’entourage peut se tourner, mais il ne reçoit pas suffisamment de subsides pour répondre à la forte demande.
Le ‘‘choix’’ d’être soi-même signifie aujourd’hui que les transgenres risquent de sombrer dans la pauvreté. Les économies réalisées dans les services publics ont particulièrement affecté les transgenres tandis que les tensions sociales sont accrues. Les transgenres font l’objet de discrimination sur le marché locatif et sur celui de l’emploi. Pour prévenir ce phénomène, il faut investir dans les soins de santé, les logements sociaux et les allocations sociales. Ces revendications sont importantes pour répondre aux besoins des transgenres. Avec celles-ci, les syndicats peuvent unir les travailleurs, qu’ils soient cis ou trans. La société néolibérale ne peut pas être bienveillante pour les transgenres. Une lutte unifiée est le meilleur moyen de combattre la transphobie.
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BlacKkkKlansman : Pleins feux sur le racisme américain

BlacKkkKlansman de Spike Lee évoque la carrière du premier détective noir du Département de Police de Colorado Springs. Il montre une phase de la vie de Ron Stallworth, de son entrée dans la police en 1976, parle de ses expériences en tant que détective, en passant par l’infiltration du Ku Klux Klan – un groupe suprémaciste blanc d’extrême droite – avec l’aide de son collègue Flip Zimmerman. Le film est basé sur les mémoires de Stallworth sorties en 2014, mais il est important de mentionner qu’il s’agit ici d’une fiction.
Par Isai Priya
L’un des thèmes clés est le racisme institutionnel au sein de la police. Certaines scènes illustrent comment Stallworth a dû y faire face quotidiennement. Cependant, elles ne montrent en réalité le racisme que comme une action menée par des agents individuels, plutôt que par l’institution dans son ensemble. Cela pourrait suggérer que tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un plus grand nombre de bons policiers et de bonnes personnes, plus gentilles les unes envers les autres.
Ron Stallworth était un jeune homme noir qui s’est joint à la police parce qu’il voulait faire la différence. C’était un projet dont il était fier. Il s’identifiait comme un flic qui lutte contre le crime et pour la libération des Noirs. Malheureusement, un gentil policier avec de bons principes ne peut pas changer le racisme institutionnel inhérent au capitalisme.
Quels intérêts la police défend-elle ?
La police fait partie de l’Etat capitaliste qui, en fin de compte, défend les intérêts des capitalistes et des grandes entreprises pour maintenir le statu quo. Le film souligne en effet le fait que le KKK avait des alliés dans certaines sections de la police et des services de sécurité. Stallworth a finalement reçu l’ordre de clore l’enquête, de détruire les documents et de supprimer toutes les preuves.
Le racisme est une réalité quotidienne pour des millions de travailleurs et de jeunes. En 2017, 81% des Noirs aux Etats-Unis ont déclaré que le racisme était un problème important dans la société, contre 44% huit ans auparavant. Le racisme est également utilisé par l’Etat capitaliste pour diviser les communautés et faciliter l’exploitation et l’oppression des masses. Mais cela, BlacKkkKlansman ne le montre pas vraiment.A Seattle, Kshama Sawant, conseillère socialiste et membre d’Alternative Socialiste – notre section-soeur aux Etats-Unis – a été à l’avant-garde de la lutte contre le racisme et le harcèlement policier. Plus tôt cette année, deux policiers de Seattle qui, en 2016, avaient abattu Che Taylor, un Afro-Américain, ont intenté une poursuite judiciaire contre Kshama Sawant. Taylor a été tué après avoir suivi les instructions de la police, s’être agenouillé et avoir levé les mains en l’air.
En 2017, la police américaine a tué 1 147 personnes, dont 25 % étaient Noires, alors qu’ils ne représentent que 13 % de la population. Cette année, 646 personnes sont déjà mortes sous les balles policières. Le procès a été intenté non seulement pour faire taire Kshama, mais aussi pour la démettre de ses fonctions.
Grâce à ses campagnes victorieuses pour améliorer la vie des gens ordinaires, y compris en gagnant à Seattle un salaire minimum de 15 $ l’heure, Kshama est une militante bien connue qui se bat contre les discriminations qui proviennent du capitalisme. Les institutions de l’État, telles que la police et le système judiciaire, sont utilisées pour attaquer ceux qui défient l’establishment, notamment en réduisant au silence les socialistes, les activistes et les mouvements potentiels.
Infiltration dans la gauche
En tant que policier, le vrai Ron Stallworth a infiltré une organisation noire radicale pendant trois ans, avant son opération contre le KKK. Le film ne le montre cependant uniquement assister à un discours de Kwame Ture, né Stokely Carmichael, un défenseur des droits civiques et ancien leader des Black Panthers. Sous couverture, on le voit prendre part à un rassemblement du “Colorado College Black Students Union” où il rencontre l’activiste Patrice Dumas. Ils entament une relation de couple sans que Stallworth ne lui dise qu’il est dans la police.
Le discours de Ture est l’un des moments les plus politiques du film. Il est puissant et inspirant, appelant les jeunes Noirs à se joindre à la lutte contre le racisme. Il conclut le rallye avec le fameux “Black Power call” : “Tout le pouvoir au peuple !”.
L’infiltration d’organisations socialistes et de libération n’est pas une chose nouvelle. Un exposé sur le programme de contre-espionnage de 1956-1971 du FBI a révélé que son objectif était de discréditer et neutraliser les organisations “considérées comme subversives pour la stabilité politique américaine”. Il prévoyait différentes mesures comme provoquer la violence en manifestation afin que la police puisse arrêter ou attaquer les militants ou pire encore, les inciter à être tués. En Grande-Bretagne, l’infiltration de policiers espions dans la campagne anti-raciste qui a suivi le meurtre à caractère raciste de Stephen Lawrence en 1993, mais aussi dans la campagne des jeunes contre le racisme en Europe, ou chez des militants écologistes et de nombreux autres ont montré à quel point cette tactique était alors répandue. BlacKkkKlansman, volontairement ou non, ne se concentre pas sur les organisations de libération noire qui ont été infiltrées par Stallworth. C’est trompeur et cela le transforme, lui et d’autres flics, en héros.
Patrice Dumas, un personnage important du film, est une combattante passionnée du mouvement de libération des Noirs et secrétaire du syndicat des étudiants noirs. Le racisme, le sexisme et la violence policière auxquels elle et ses collègues militants sont confrontés illustrent les difficultés et les dangers d’être un militant noir dans les années 1970 aux États-Unis.
Lutte pour les droits civiques hier et aujourd’hui
Le formidable mouvement pour les droits civiques de la fin des années 1950, des années 1960 et du début des années 1970 a ébranlé les États-Unis jusque dans ses fondements mêmes. D’une façon ou d’une autre, cela a touché toutes les familles noires d’Amérique. Cela a permis d’obtenir des gains, notamment en boostant la confiance des Noirs dans la lutte pour leurs droits. Cela a imposé un changement juridique de la Constitution, la loi sur les droits civiques de 1968. En Grande-Bretagne, la “Race Relations Act” a également été adoptée en 1968. Pourtant, 50 ans plus tard, la lutte se poursuit.
Nous vivons dans une époque où le mouvement “Black Lives Matter”, la violence policière, le harcèlement et le racisme sont des questions brûlantes. En même temps, nous assistons également à un niveau de protestation plus élevé contre le racisme, le sexisme et la violence. Nous avons assisté à un débrayage massif d’étudiants contre la violence armée dans les écoles. Après la victoire de Kshama Sawant à Seattle, la campagne présidentielle de Bernie Sanders et un certain nombre de victoires de la gauche aux élections primaires du Parti démocratique, les idées socialistes font de plus en plus écho aux États-Unis. Les jeunes Noirs sont de plus en plus actifs dans la lutte contre le racisme et pour de meilleures conditions économiques.
L’inclusion par Spike Lee de scènes qui font passer la police pour nos alliés dans la lutte contre le racisme soulève la question du message qu’il essaie de transmettre ou qu’il a peut-être été poussé à inclure dans le film. Une scène en particulier montre Stallworth, Dumas et plusieurs policiers, y compris des hauts gradés, piégeant et arrêtant un flic raciste qui n’a pas peur de dire qu’il est acceptable de tirer sur des Noirs. En réalité cela ne s’est jamais passé.
Le contexte du moment : Trump, Duke, Charlottesville
Malgré ces problèmes, le film est divertissant et emballe l’histoire avec humour. Les scènes avec le leader du KKK, David Duke, ridiculisent ses arguments suprématistes blancs et sont à la fois choquantes et drôles. Lors d’un appel téléphonique, par exemple, Duke dit à Stallworth qu’il sait qu’il est blanc parce qu’il le dit. “Les nègres”, dit-il, “prononcent “sont” comme “sont-uh”, alors qu’il parle à une personne noire, bien entendu !
D’autres scènes font paraître les membres du Ku Klux Klan comme stupides, exposant leurs points de vue illogiques, racistes, sexistes et antisémites. De plus, Spike Lee inclut de multiples références à Donald Trump, reliant les événements des années 1970 à l’époque actuelle. Il y a des membres du Ku Klux Klan qui chantent “L’Amérique d’abord”, appelant à “reprendre le pays” et à le rendre “grand à nouveau”.
La fin du film est un coup de pied dans le ventre pour le public, montrant des images du rassemblement d’extrême droite de 2017 à Charlottesville, en Virginie.Il inclut le vrai David Duke qui parle et les attaques brutales contre les contre-manifestants. Il montre aussi Trump refusant de condamner les sympathisants de la suprématie blanche, affirmant plutôt qu’il y avait des “gens bien des deux côtés”. BlacKkkKlansman se termine par un mémorial à la mémoire d’Heather Heyer, tuée par une voiture qui a écrasé les manifestants antiracistes à Charlottesville.
Ces derniers clips mettent tout en contexte, les attaques violentes provoquant choc et colère. Cependant, il ne suffit pas de se mettre en colère. Le leader de la lutte pour les droits des Noirs, Malcolm X, a dit : “On ne peut pas avoir de capitalisme sans racisme”. Il est urgent aujourd’hui de construire un mouvement pour mettre fin aux deux.
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[FILM] En guerre !

Dès les premières images de ce film de Stéphane Brizé (qui avait déjà réalisé La Loi du Marché), le spectateur est directement plongé dans la tension de la fermeture de l’usine Perrin, la filiale d’une multinationale, produisant des éléments pour l’industrie automobile. Deux ans auparavant, les travailleurs ont font d’énormes sacrifices en échange de la promesse du maintien de l’emploi : abandon des primes, retour aux 40 heures (payées 35 !), blocage des salaires. La nouvelle de la fermeture et de la suppression de 1.100 emplois tombe donc comme une bombe dans la petite ville d’Agen, où on ne trouve désormais pas un seul emploi vacant à 50km à la ronde.
Par Guy Van Sinoy
Les salariés, hommes et femmes, vont se battre contre la fermeture en bloquant l’usine et les stocks. Mais la bataille est longue et les pièges tendus par la direction de la multinationale sont nombreux : faire la sourde oreille, gagner du temps, gagner la bataille en justice, semer la division parmi les travailleurs en proposant des primes de départ qui attirent tous ceux qui ne croient plus à la possibilité d’empêcher la fermeture.
Cette lutte, c’est celle menée au cours des 10 dernières années par des dizaines de milliers de salariés dans des centaines d’entreprises en Europe, filiales de multinationales. Plus près de chez nous il suffit d’évoquer les fermetures de VW, Ford, Renault ou Caterpillar, pour ne prendre que l’exemple de la métallurgie et sans compter les entreprises de distribution (Carrefour, Delhaize, Hema).
Le plus dur ce n’est pas l’arrogance et la froideur du directeur, c’est le doute et les revirements dans le camp des travailleurs qui se déchirent sur la voie à suivre. Et quand un manager dégage cyniquement les responsabilités de la multinationale en expliquant que c’est la conséquence inévitable de la loi du marché, on ne peut en conclure que pour mettre fin à la dictature du marché il faut renverser le capitalisme. Hélas ce n’est pas à la portée des 1.100 travailleurs en lutte chez Perrin, confrontés aux huissiers, aux juges et aux flics.. La suite à l’écran…
Ne manquez pas ce film d’une brûlante actualité où la lutte de classes est présente de bout en bout. Vincent Lindon, dans le rôle du délégué CGT est parfait.
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[FILM] L’Insoumis

Que vous soyez fan de Jean-Luc Mélenchon ou si, à l’opposé, vous ne pouvez pas voir en peinture ce personnage, courez vite voir le film de Gilles Perret, L’Insoumis. Courez car le film n’a pas une vocation commerciale et ne restera sans doute pas très longtemps à l’affiche. L’intérêt fondamental est le déroulé de la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles françaises d’avril 2017.
Au fil de la campagne on assiste à la croissance d’une immense vague d’espoir de changement suscité par la candidature du représentant de la France Insoumise. Au fil des meetings, les foules qui attendent dehors, faute d ‘avoir pu trouver de place à l’intérieur de salles bondées, se font de plus en plus en plus grosses. Témoignage s’il en est de la popularité de la campagne qui a ranimé l’espoir non seulement chez pas mal de déçus de l’ère Hollande mais aussi auprès de nombreux jeunes.
Les vacheries et nombreux croc-en-jambe des journalistes destinés à faire trébucher le candidat témoignent de l’inquiétude des milieux dirigeants alors que successivement les candidatures potentielles de Sarkozy, Juppé, Hollande, Valls tombent à l’eau.
Le réalisateur, Gilles Perret, qui a filmé la campagne caméra à l’épaule, a précédemment réalisé La Sociale (2016) sur la naissance de la sécurité sociale en France, et Les Jours Heureux (2013) sur le Conseil national de la Résistance.
L’Insoumis est actuellement au programme des salles suivantes : Aventure, Vendôme (Bruxelles), Churchill (Liège), Quai 10 (Charleroi), Cameo (Namur).
=> Rubrique de ce site consacrée à la France Insoumise et à Jean Luc Mélenchon
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Black Panther : Quand la lutte transforme la réalité et la fiction

Le succès du dernier film de la série Marvel/Disney est entre autre dû au fait qu’il s’agit de ‘Black Panther’, un super héros noir entouré de super héroïnes noires. Après les années Obama qui ont vu l’émergence du mouvement Black Lives Matter contre les brutalités policières racistes et l’ère Trump où l’alt-right tente de faire faire marche arrière au temps, ce film n’a pas manqué de soulever des questions très politiques.
Par Alain (Namur)
Bien plus qu’un film
Le héros Black Panther est apparu en 1966, une période où les mouvements de lutte pour les droits civiques contre la ségrégation raciale ou contre la guerre au Vietnam battaient leur plein. Lors de la création du mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine Black Panther Party for Self-defense (BPP), certains ont spéculé sur un lien entre le nom du BPP et le super héros. Ce qui est sûr, c’est que lorsque le BPP a commencé à étendre son influence et à radicaliser une partie de la communauté, le héros Black Panther est devenu Black Leopard. Ses créateurs ne voulaient pas entretenir d’amalgames avec le BPP et éviter tout ennui avec la répression politique du FBI.
On trouve une résonance politique dans beaucoup de productions Marvel. La culture en générale reflète ce qui se vit dans la société. Black Panther est un blockbuster américain conçu pour générer des bénéfices. Mais c’est aussi un objet culturel qui témoigne des luttes en cours et des questions politiques que celles-ci soulèvent.
Le royaume du Wakanda, une allégorie des grands royaumes africains d’antan
L’histoire repose sur le royaume imaginaire du Wakanda, au centre de l’Afrique, qui possède un avantage technologique sur le reste du monde : un métal, le vibranium. Le Wakanda est technologiquement le royaume le plus avancé de son temps. Cet élément est à mettre en parallèle avec toute la discussion qu’il y avait à l’époque, notamment autour de ‘‘Nations Nègres et culture’’ de C.A. Diop. Les milieux militants redécouvraient alors l’histoire de l’Afrique et de ses civilisations qui furent parfois des précurseurs de ce qu’est devenu l’Occident. Dans ‘‘L’histoire populaire des sciences’’, l’auteur C.D. Conner met en avant le fait qu’une partie de ce qu’on a appelé le ‘‘miracle grec’’ repose sur un emprunt aux sciences phéniciennes, égyptiennes et babyloniennes.
Le Noir, c’est beau
L’assassinat de Malcolm X, en février 1965, la marche de Selma les 7-9 et 17 mars 1965, les émeutes de Watts du 11 au 17 août 1965, l’émergence du BPP en 1966 et l’assassinat de Martin Luther King en 1968, le mouvement contre la guerre du Vietnam, les luttes étudiantes, la révolution coloniale et, de manière générale, la vague révolutionnaire qui embrasait le monde ont constitué ce contexte particulier qui a forcé la classe dominante à faire des concessions pour l’amélioration de nos conditions de vie et de salaire mais aussi pour accroitre la représentation des personnes discriminées. C’était l’époque de l’émergence du ‘‘black and proud’’, du ‘‘black is beautiful’’.
Dans le film, cette notion est particulièrement bien développée. La présence des noirs ne se limite pas aux seconds rôles, des hommes noirs y sont mis en valeur pour autre chose que leur force physique, des femmes noires y sont mises en valeur pour autre chose que leur apparence physique. Le meilleur exemple est celui des Dora Milaje, la garde prétorienne du roi. Originellement, ces femmes étaient les épouses rituelles du roi. Dans la version de 2018, cet aspect n’a pas été retenu pour leur donner une personnalité de dures à cuire, une approche traditionnellement réservée aux hommes. Ce développement résulte des luttes du mouvement des femmes aux USA et ailleurs avec les Million Women March de l’an dernier, mais aussi les mobilisations contre le harcèlement, les violences sexistes, le droit à l’avortement, la précarité,… Ces luttes transforment la réalité et la manière dont les femmes et leur rôle dans la société sont perçus.
Un film à multiples entrées
Un américain verra dans le questionnement du roi T’challa, qui veut protéger le mode de vie wakandais, une hésitation entre le néo-isolationnisme à la Trump ou l’impérialisme de Killmonger qui veut utiliser toute la technologie et les richesses du pays pour dominer le monde. Entre ces deux attitudes, il y a une troisième voie, celle de Nakia, qui veut, dans une espèce de capitalisme philanthrope, utiliser les richesses du Wakanda pour aider le monde. Un Africain pourra voir dans le film la contradiction entre les richesses de son sous-sol et la pauvreté de sa situation, là où un européen pourra y lire la question de l’accueil des réfugiés qui polarise le débat.
Le lien entre toutes ces questions c’est aussi l’incapacité du capitalisme à faire face aux problèmes de la grande majorité. Cet élément est malheureusement le grand absent du film.
Les limites de notre imagination
Dans le webmagazine Black Agenda Report, un commentateur faisait la réflexion suivante : ‘‘Les bandes dessinées et la science-fiction que nous apportent les médias capitalistes ne parviennent pas à imaginer ce que pourrait être un monde meilleur, ou même la lutte pour y parvenir’’.
C’est parce que la lutte a été menée avec acharnement par les masses que des films comme Black Panther sortent, mais ce film ne va pas régler les problèmes des afro-américains qui se sont approfondis pendant l’ère Obama. L’Afrique est la deuxième zone la plus inégalitaire d’après le rapport mondiale sur les inégalités. Un rapport de l’Institut Roi Baudouin de novembre dernier démontre que les Belges issus de l’immigration d’Afrique Centrale sont fortement discriminés au niveau de l’emploi, malgré leurs qualifications.
Il est nécessaire de tirer des leçons de la période de lutte pour les droits civiques afin de reconstruire un mouvement qui permettra à l’ensemble du mouvement ouvrier de mettre fin à l’exploitation capitaliste et aux discriminations. Fred Hampton du BPP déclarait : ‘‘Vous ne combattez pas le feu avec le feu. Vous combattez le feu avec de l’eau. Nous allons combattre le racisme avec la solidarité. Nous ne combattrons pas le capitalisme avec le capitalisme noir. Nous allons combattre le capitalisme avec le socialisme. Le socialisme est le peuple. Si vous avez peur du socialisme, vous avez peur de vous-même.’’
Après vous être détendu en visionnant le film, n’hésitez pas à vous abonner à lutte socialiste et à nous rejoindre pour discuter du modèle de socialisme démocratique que le PSL veut participer à construire !
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Les femmes d’Hollywood lancent ‘‘Time’s Up’’
Comment remporter la bataille contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ?
Fin décembre, 300 femmes hollywoodiennes ont lancé Time’s Up, une campagne contre le harcèlement sexuel. La campagne comprend un fonds qui a déjà permis d’amasser 13 millions de dollars (The Guardian, 2/01/18), pour apporter un soutien juridique aux victimes de harcèlement sexuel dans les relations de travail. Outre le fonds de défense, une lettre ouverte a été signée par plus de 1.000 femmes issues du cinéma, de la télévision et du théâtre où elles proposent d’être des porte-voix de cette lutte.Par Anja Deschoemacker
Time’s up : syndiquons-nous !
Il est évidemment positif que les femmes à faible revenu puissent demander une assistance financière pour avoir accès à la justice. Mais, certainement en ce qui concerne le harcèlement sur le lieu de travail, l’abus de pouvoir par les supérieurs hiérarchiques ou, par exemple, dans l’hôtellerie et la restauration ou encore dans le secteur des titres-services par les clients, faciliter l’accès aux tribunaux ne suffira pas. Ce n’est après tout pas ça qui vous rendra votre emploi…
Ce qu’il faut pour obtenir des résultats à court terme et donner aux femmes une position où il leur est possible de déposer une plainte et mettre fin au harcèlement sans être licenciées, ce sont des campagnes visant à impliquer les femmes dans les syndicats.
Ainsi, Nafissatou Diallo, qui en mai 2011 a porté plainte pour viol contre Dominique Strauss-Kahn (enterrant sa candidature pour la présidentielle), a certainement été une femme très forte qui s’est battue pour ses droits. Mais sans le soutien de ses collègues et surtout sans son organisation syndicale, elle aurait sans doute fait comme la grande majorité des travailleuses agressées : subir et essayer d’oublier le plus tôt possible parce qu’en fin de compte, le loyer doit être payé.
Les femmes sont-elles plus efficaces que les hommes dans la lutte contre le sexisme ?
Les femmes ministres et leurs collègues députées ont approuvé les mesures en matière de pensions qui vont mettre dans la pauvreté des dizaines de milliers de femmes, celles restreignant les allocations de chômage, alors que les cohabitantes n’ont déjà droit qu’à une demi-allocation. Elles sont en partie responsables des prix élevés du logement qui rend presque impossible pour les femmes faiblement rémunérées de quitter une relation insatisfaisante, du manque de services et de la grande flexibilité et pression du travail.
Le harcèlement sexuel à l’égard des femmes s’inscrit dans le contexte d’une situation et d’une position défavorisées des femmes. Là où une minorité de femmes a atteint divers niveaux de pouvoir (grâce aux luttes du passé), pour la majorité des femmes – pour la majorité de la population – ce n’est pas une perspective réaliste. Toutes les femmes ne peuvent pas répéter le scénario d’Oprah Winfrey qui a bénéficié d’opportunités qui n’existent que pour une infime minorité.
Tout le monde ne peut pas devenir une star de la télévision. Par contre, nous pouvons tous lutter pour que toutes les travailleuses et tous les travailleurs obtiennent un emploi décent, avec des contrats qui offrent la sécurité et des salaires qui permettent de construire une existence digne. Nous pouvons également lutter pour que le chômage soit combattu, et non les chômeurs, et pour l’arrêt des coupes budgétaires dans nos services publics. Ce sont des éléments qui peuvent donner aux grandes strates de femmes le pouvoir et la force de mettre fin au harcèlement sexuel.
Le temps montrera si les actrices hollywoodiennes de Time’s Up apporteront également leur soutien à cette lutte, mais dans le passé, la transition vers une vaste lutte ouvrière pour un meilleur niveau de vie et des conditions de travail meilleures a souvent signifié l’arrêt du soutien des féministes bourgeoises. Nous pouvons gagner ce combat sans leur soutien, mais pas sans la lutte unifiée de toutes les travailleuses et tous les travailleurs contre notre oppresseur commun.
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Le Jeune Karl Marx : Une œuvre de mémoire populaire et un appel à l’action

Photo : Camille Jurdant De Sergueï Eisenstein à Roberto Rossellini, quelques cinéastes ont été tentés de porter la figure du philosophe révolutionnaire allemand Karl Marx sur grand écran. Mais comment illustrer en images l’histoire de l’évolution d’une pensée ?
Par Sébastien (Liège)
Butant sur cette question, Eisenstein (1927) abandonna le projet d’adapter au cinéma Le Capital – l’ouvrage majeur de Marx – tandis que Rossellini (1974) n’eut l’idée d’un biopic sur le grand barbu qu’à la veille de sa mort. Or, si l’industrie hollywoodienne ne voit d’intérêt à parler du plus grand penseur du XIXe siècle qu’en vue de provoquer la ‘‘peur du rouge’’, les jeunes et les travailleurs d’aujourd’hui ont plus que jamais besoin de se réapproprier l’histoire des luttes de leur classe.
Avec Le Jeune Karl Marx (2017), le réalisateur haïtien Raoul Peck (Lumumba, I’m Not Your Negro), résolument du côté des opprimés, participe à ce devoir de mémoire en plein centenaire de la Révolution russe. Ce mardi 3 octobre, une équipe du PSL a assisté à la projection en avant-première, en présence du réalisateur, au cinéma Le Parc (Liège).
1843-1848 : Prémices d’une collaboration qui bouleversera le cours de l’Histoire des luttes.
Allemagne, 1842. Dans un silence de plomb, des paysans pauvres ramassent du bois mort dans une forêt. Peu à peu, un bruit assourdi par la terre, semblable au roulement des tambours, brise ce calme pesant. La cavalerie prussienne arrive. Au service des propriétaires terriens, elle va massacrer ces ‘‘voleurs’’. Légalement. Durant cette scène, en voix off, le jeune Karl énonce des passages de son article Débats sur la loi relative au vol de bois parut la même année. Une scène puissante qui ne nous quittera plus. C’est probablement son objectif dans un film dont la suite ne mettra pas en scène la main d’œuvre en lutte, mais bien les débats philosophiques et luttes internes des figures de sa direction révolutionnaire d’alors.
C’est donc dans ce contexte d’intense développement des antagonismes de classe que le jeune Karl Marx (interprété par un August Diehl qui réussit le pari de nous faire oublier l’image du sage et grisé personnage retenu par tous) fait la rencontre du tout aussi jeune Friedrich Engels (Stefan Konarske), fils révolté d’un riche industriel anglais. Accompagnés de leurs conjointes Jenny Marx (Vicky Krieps) et Mary Burns (Hannah Steele) – dont la mise en exergue des rôles nous a ravis – ils vont collaborer à l’élaboration de ce qui deviendra la pensée ‘‘marxiste’’. Le film se clôture en 1848 par la rédaction puis la publication du résumé populaire de cette pensée à destination de la classe ouvrière : Le Manifeste du parti communiste.
Il faut une théorie solide pour changer le monde, hier comme aujourd’hui.
À travers quelques personnages révolutionnaires contemporains de Marx tels que l’anarchiste Proudhon (Olivier Gourmet) ou l’agitateur social Wilhelm Weitling (Alexander Scheer), Raoul Peck illustre brillamment l’importance d’adopter une théorie révolutionnaire solide pour peser dans la lutte des classes opposant bourgeoisie et prolétariat. Concepts et slogans abstraits ne sont que verbiage du socialisme utopique, auquel Marx et Engels opposeront le socialisme scientifique, matérialiste. Quand la Ligue des Justes, initiée par Weitling, affirme que ‘‘tous les hommes sont frères’’, Engels somme la foule à s’interroger : bourgeois et patrons sont-ils vraiment semblables à l’ouvrier ? Ont-ils les mêmes intérêts ?
De nos jours, médias traditionnels, politiciens bourgeois et grands patrons n’ont de cesse de masquer les conséquences désastreuses du capitalisme. Ils tentent de brouiller l’existence d’une lutte toujours aussi acerbe et meurtrière entre deux classes aux intérêts antagonistes. Difficile pourtant d’éclipser les faits : ils sont aujourd’hui 8 milliardaires à posséder autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Dans ce contexte, Le Jeune Karl Marx est une invitation salvatrice à exposer l’actualité de cette pensée qui a inspiré les meilleurs révolutionnaires du siècle dernier. Enfin, ce film est surtout un appel à l’engagement contre un système capitaliste dont les conséquences dramatiques quotidiennes nous rappellent que la lutte des classes, loin d’être un concept poussiéreux, est une réalité qui s’intensifie de jour en jour.