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  • Mc Do – Première grève nationale contre le harcèlement sexuel

    Agressions sexuelles, harcèlements sur les lieux de travail : les attitudes sexistes sont courantes, c’est aussi le cas chez McDonald’s. Dans cette entreprise, comme souvent, les plaintes ne sont pas prises au sérieux par la direction ni par l’agence fédérale chargée de promouvoir l’égalité dans le monde du travail (EEOC). Au final, elles ne reçoivent aucune réponse des différentes instances officielles. Mais les travailleuses de McDo aux États-Unis ont pris les devants en organisant une grève, une première !

    Par Brune (Bruxelles)

    L’action s’est déroulée pendant l’heure du déjeuner, dans 10 villes simultanément, avec les employées femmes et hommes. C’est sans précédent dans ce secteur déjà très précaire où le salaire minimum ne dépasse généralement pas les 8$ de l’heure et où les droits syndicaux sont parfois inexistants.

    Le recours à la grève comme méthode de lutte met en avant le rôle économique central joué par les femmes dans l’entreprise. Elles ne sont ainsi plus invisibles et revendiquent des conditions de travail décentes et en sécurité pour l’ensemble du personnel.

    En Belgique aussi, les femmes sont surreprésentées dans les secteurs les plus précaires. Elles ne peuvent échapper à une situation de violence aussi ‘‘facilement’’ de peur de perdre leur emploi. Selon une enquête réalisée en 2016, 40 % des femmes de l’industrie de la restauration rapide aux États-Unis ont subi des agressions sexistes au travail.

    La grande majorité des femmes ne dispose pas de la même audience publique que les actrices de Hollywood pour lutter contre le harcèlement sexuel. Les travailleuses ont besoin d’un syndicat fort prêt à les soutenir lors du dépôt de plainte et pour lutter contre le harcèlement. Bien avant #MeToo, le soutien du syndicat a été déterminant pour que Nafissatou Diallo soit en mesure de dénoncer son agression par Dominique Strauss Kahn. Des campagnes de syndicalisation des femmes sont essentielles pour construire un mouvement fort et uni, surtout dans les secteurs précaires où elles sont majoritaires.

  • USA. Le féminisme socialiste et les nouveaux mouvements féministes

    Un nouveau mouvement des femmes est en train d’émerger aux États-Unis et à l’échelle internationale dans un contexte de menaces majeures par les discours réactionnaires qui pèsent sur les acquis durement gagnés par les femmes.

    Article de notre organisation-soeur, Socialist Alternative

    La victoire électorale de Donald Trump a poussé des millions de personnes dans la rue et a radicalisé une partie de la société sur la base de la lutte contre le sexisme. Au Brésil, les femmes jouent un rôle crucial dans le mouvement #EleNao contre Jair Bolsonaro, le méprisable misogyne qui est arrivé au pouvoir en cette période de crise économique, sociale et politique dévastatrice. Les droits démocratiques des femmes, des Brésiliens noirs, de la communauté LGBTQI+, des peuples indigènes et de l’ensemble des travailleurs sont sous pression avec le gouvernement Bolsonaro.

    La campagne #MeToo a mis le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles au cœur des discussions de la société, non seulement aux États-Unis mais également au niveau international. De plus, la Grande Récession, ainsi que les attaques de la droite, ont déclenché une série de luttes explosives ces dernières années. Celles-ci ont politisé de nombreuses jeunes femmes et de travailleuses, touchées de manière disproportionnée par la crise du capitalisme. Les jeunes femmes ont également joué, en 2016, un rôle clé dans la campagne de Bernie Sanders, qui a mis en évidence un véritable défi de dénoncer le pouvoir des entreprises qui bénéficient du sexisme et du racisme. Avant même que des millions de personnes n’aient protesté contre le « prédateur en chef », l’envie de lutter contre le sexisme avait atteint un point d’ébullition. Des « Slutwalk » à Carry That Weight, en passant par #YesAllWomen, les jeunes femmes ont clairement indiqué qu’elles étaient prêtes à lutter contre le sexisme et les abus. Des millions de femmes veulent non seulement lutter contre leurs propres Weinsteins et Kavanaughs mais aussi mettre fin au sexisme endémique qui imprègne toute notre vie. Alors que la droite continue de mener des attaques contre les femmes, les LGBTQI+, les personnes de couleur, les immigrants, les syndicats et tous les travailleurs, le nouveau mouvement des femmes est confronté à des questions décisives. Comment pouvons-nous combattre la droite ? Pour qui nous battons-nous ? Et comment bâtir un mouvement qui peut à la fois vaincre ces attaques immédiates et obtenir des gains réels pour les femmes ?

    #MeToo et la lutte contre Kavanaugh

    La nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême est devenue le symbole de la lutte générale contre le harcèlement et les agressions sexuelles, avec presque six Américains sur dix ayant suivi de près les travaux de la Commission judiciaire du Sénat. Depuis sa création, #MeToo a fait tomber une série d’hommes puissants qui ont été exposés comme misogynes et agresseurs. Mais cette fois, aidée par la faiblesse de l’approche démocrate, la campagne des républicains a réussi … La nomination de Kavanaugh représente une menace directe pour les droits reproductifs, les droits des LGBTQI+, les droits de vote, les protections environnementales et les droits des travailleurs en général. Avant que Christine Blasey Ford ne se présente courageusement, la direction démocrate avait fondamentalement accepté qu’il s’agissait d’un accord conclu et qu’elle ne ferait qu’exprimer son opposition. Bien qu’ils aient changé d’approche une fois que l’attention de la nation s’est concentrée sur les abus passés de Kavanaugh, ils ont quand même refusé de mener le genre de bataille qui aurait pu vaincre les Républicains.

    La direction démocrate aurait pu mobiliser des protestations et des actions directes pour diriger toute la force de l’indignation massive existante contre Kavanaugh, en se concentrant non seulement sur son comportement prédateur, mais en l’utilisant comme un moyen de se mobiliser contre tout l’agenda réactionnaire républicain. Mais c’est précisément ce qu’ils ne feront pas, car s’ils sont heureux d’utiliser la politique identitaire à des fins électorales, ils vivent dans la crainte de tout mouvement de masse réel dont les revendications iraient au-delà de ce qui est acceptable pour leurs donateurs corporatifs.

    Le contrecoup de la nomination de Kavanaugh montre le potentiel et la nécessité de développer le nouveau mouvement des femmes en une véritable force qui donne une expression concrète à des sentiments généraux existant pour la lutte contre le sexisme et pour la défense de nos droits. En outre, le résultat montre que le mouvement ne peut pas compter sur la volonté d’actions du Parti démocrate. Le mouvement, en commençant par s’attaquer au harcèlement sur le lieu de travail, doit aussi s’attaquer à toutes les questions qui touchent les femmes de la classe des travailleurs. Il doit se battre pour la santé pour tous, l’éducation pour tous, le logement pour tous et s’attaquer sans détour à toutes les attaques contre les travailleurs/travailleuses.

    Alors que des millions de personnes se sont présentées pour voter aux élections de mi-mandat de cette année et ont voté pour les démocrates afin de repousser Trump et le parti républicain, des millions d’autres voient également la nécessité d’une nouvelle force politique. En même temps, il existe un sentiment palpable dans la société pour mettre fin au sexisme, au racisme et à la profonde inégalité qui ravage nos communautés.

    Leçons tirées des luttes passées

    Pour mener notre lutte aujourd’hui, il est crucial que nous tirions des leçons des luttes héroïques des femmes du passé ainsi que de toutes les luttes contre l’oppression. Le mouvement des femmes des années 60 et 70 a coïncidé avec une ère de grands bouleversements sociaux, du mouvement des droits civiques au mouvement contre la guerre du Vietnam, ainsi qu’avec une énorme poussée des luttes des travailleurs. Les femmes, les personnes de couleur, les personnes LGBTQI+ et les travailleurs en général ont été encouragés à porter leur lutte contre l’oppression et l’inégalité à des niveaux supérieurs d’organisation et d’action.

    En même temps, les femmes sont entrées en grand nombre sur le marché du travail dans les années ’60 et ’70 et faisaient partie d’une transformation démographique de la classe ouvrière américaine qui comprenait également de nouvelles industries et catégories d’emplois -s’ouvrant aux travailleurs noirs et autres minorités raciales. Les femmes de la classe ouvrière se sont organisées et ont lutté pour l’égalité et le respect au travail ainsi que dans leur famille et leur communauté. Cela a fait du féminisme un véritable courant dans la classe ouvrière. Ce fut le moteur de l’évolution des attitudes à l’égard des femmes au niveau , l’un des gains les plus cruciaux de cette période.

    Malheureusement, les dirigeants des organisations de femmes n’ont pas réussi à tirer parti de l’élan du mouvement, en luttant sans relâche pour un programme en faveur de la classe ouvrière, qui aurait pu mobiliser des pans encore plus larges de la société. Des organisations comme NOW et NARAL ne visaient pas à affronter le capitalisme dans son ensemble et ont donc refusé de construire le type de mouvement nécessaire pour mettre fin au sexisme. Dans le but de paraître acceptable aux yeux du « courant dominant » de la société, la direction de NDT a même sciemment mis de côté les militants les plus radicaux. En conséquence, l’incapacité du mouvement à adopter un programme clair qui puisse répondre aux intérêts et aux besoins des femmes de la classe ouvrière et des femmes de couleur a limité son attrait, même si ses campagnes ont eu un impact positif sur l’opinion publique et ont permis d’importants gains.

    Beaucoup de tâches historiques des luttes des années ’60 et ’70 restent à accomplir, mais les leçons de cette époque sont essentielles pour le nouveau mouvement des femmes. Les limites des mouvements de défense des droits des femmes du passé montrent que la question de la classe sociale est décisive dans la lutte. Le féminisme libéral et les organisations qu’il dirige peuvent se battre pour des réformes radicales, mais défendront en fin de compte le système qui maintient les femmes, les personnes LGBTQI+, les personnes de couleur, les immigrants et toutes les personnes de la classe ouvrière sous divers niveaux d’oppression. Une tendance féministe socialiste dans le mouvement des femmes est cruciale pour ne pas permettre au leadership du féminisme libéral et pro-capitaliste de freiner des mouvements qui ont le potentiel de remettre véritablement en question le statu quo qui existe actuellement.

    Mesures de lutte contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail mixte

    #MeToo a déclenché une discussion sur la nécessité de mettre fin au harcèlement sexuel, en particulier sur nos lieux de travail. Et bien que la première année du moment #MeToo ait été principalement exprimée par le biais de discussions en ligne et interpersonnelles, et non par des manifestations de masse, elle contenait déjà le pouvoir de faire tomber des abuseurs très en vue. Pour des millions de femmes ordinaires, cela nous a donné l’assurance que nos propres agresseurs pourraient également être confrontés et qu’un monde dans lequel Weinsteins ne pourrait atteindre un tel niveau de succès est réellement possible.

    Au cours des derniers mois, les travailleurs de certaines des plus grandes entreprises mondiales ont montré la voie à suivre pour introduire #MeToo dans nos lieux de travail et la possibilité de bâtir des luttes de classe contre le sexisme. En septembre, les employés de McDonald’s ont mené la toute première grève nationale contre le harcèlement sexuel au travail dans dix villes des États-Unis, dont Chicago, San Francisco, Los Angeles et la Nouvelle-Orléans. En partie inspirés par cette grève, les travailleurs de Google ont organisé le 1er novembre une grève internationale contre le harcèlement sexuel, à laquelle 20 000 personnes ont participé.

    En fait, la résistance croissante des travailleurs aux États-Unis a été dirigée par des travailleuses, notamment des infirmières et des enseignantes. La révolte des enseignants du printemps dernier était aussi une révolte contre des années d’une campagne vicieuse et essentiellement sexiste qui visait à blâmer les enseignants pour les problèmes de la société. Les enseignants de Virginie-Occidentale, d’Arizona, d’Oklahoma et de Caroline du Nord se sont levés pour se défendre, défendre leurs élèves et leurs communautés.

    Une caractéristique de la grève des employés de Google a été le nombre d’hommes qui ont quitté le travail pour lutter contre le harcèlement sexuel. C’est le reflet d’un changement global de conscience, en particulier chez les jeunes. Les gens de tous les sexes, en nombre croissant, rejettent le sexisme et veulent se joindre à la lutte plus large contre les patrons. La grève des employés de Google a entraîné la fermeture, ou la fermeture partielle, de 40 bureaux dans le monde entier, ouvrant ainsi une nouvelle étape dans la lutte contre le harcèlement sexuel et représentant les premiers pas concrets vers l’auto-organisation des travailleurs du secteur des technologies.

    Fin octobre, les employés municipaux de Glasgow, en Écosse, ont mené la plus grande grève pour l’égalité salariale de l’histoire britannique. Les femmes représentaient 90 % des grévistes, qui ont atteint 10 000 travailleurs le premier jour et ont inspiré une participation massive dans leurs communautés. Des piquets de grève ont été érigés devant des centaines d’écoles et de bâtiments municipaux, ce qui a permis d’obtenir encore plus de soutien massif et de solidarité. Par la suite, les travailleurs de la propreté, majoritairement masculins, ont mené une action de grève de solidarité qui a complètement fermé les services de propreté à Glasgow. Le fait d’avoir une main-d’œuvre à prédominance masculine prête à se solidariser avec les travailleuses qui luttent pour l’égalité salariale a donné un coup de fouet à la grève et à son impact politique.

    Au carrefour d’un mouvement ouvrier et féministe en plein essor, ces travailleuses ont montré comment la lutte contre le harcèlement doit être menée sur le lieu de travail pour faire face au sexisme quotidien auquel nous sommes confrontés. Un mouvement de masse qui descend dans la rue et met en place une organisation efficace sur les lieux de travail. Les travailleurs ont un énorme pouvoir social potentiel s’ils prennent des mesures collectives, qui peut perturber le statu quo et remettre en question les patrons abusifs et les inégalités systémiques. En fin de compte, c’est tout le système d’exploitation et d’abus légalisés appelé capitalisme auquel il faut mettre fin.

    Les socialistes pensent que pour parvenir à la libération des femmes, nous devons construire une nouvelle société. Plus important encore, nous croyons que c’est possible. Chaque lutte réussie que nous organisons contre les attaques de la droite contre les femmes, les LGBTQ, les immigrants, les personnes de couleur et les syndicats et chaque réforme que nous pouvons gagner sous le capitalisme renforce la confiance pour que les travailleurs s’unissent et luttent pour notre libération et un monde socialiste égalitariste.

    Dans les villes des États-Unis, des membres de l’Alternative socialiste ont organisé des rassemblements contre la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême, y ont participé et y ont pris la parole. Nous y avons dénoncé la misogynie et la violence que Kavanaugh représentait ainsi que les menaces plus larges qu’il représentait pour tous les travailleurs par son programme de droite. Nous avons pris la parole lors de manifestations à New York, Boston, Pittsburgh, San Francisco, Cincinnati et plus encore. Vous trouverez ci-dessous des extraits de ces discours de jeunes femmes membres de Socialist Alternative.

    « Tout ce procès a été un témoignage de la façon dont notre système est brisé. Le problème ne réside pas dans les agresseurs individuels, bien qu’ils méritent d’être punis. Le problème, c’est le système fondé sur l’oppression qui permet aux hommes de s’en tirer avec des crimes odieux contre les femmes. Voter pour plus de femmes au Congrès ne changera pas le fait qu’une femme sur quatre a été victime d’agression sexuelle. Un plus grand nombre de femmes PDG ne changera pas le fait que de nombreuses mères célibataires occupent plusieurs emplois et n’ont toujours pas les moyens d’acheter les produits de première nécessité. Nous devons nous éloigner du féminisme des grandes entreprises qui cherche à élever quelques femmes et à supprimer la voix du reste des femmes. Nous devons construire un mouvement féministe socialiste qui lutte pour les droits des femmes de la classe ouvrière, des femmes de couleur, des femmes sans papiers, des femmes LGBTQI+ et des femmes handicapées. Nous devons lutter pour une société socialiste qui garantisse l’accueil universel des enfants, des soins de santé gratuits de qualité pour tous, un logement pour tous, l’accès à l’éducation et aux arts. Nous nous battons contre Kavanaugh aujourd’hui, mais demain nous commencerons la lutte pour un monde meilleur. Nous devons poursuivre le mouvement #MeToo afin de pouvoir construire un nouveau système, avec une nouvelle norme pour la façon dont nous traitons les femmes. » – Mari

    « Nous avons toujours la capacité de défendre les femmes et les gens de la classe ouvrière par la protestation, la grève et l’action directe. Dans un monde où un violeur peut siéger à la Cour suprême, nous devons suivre l’exemple des travailleurs de McDonald’s en grève et exiger maintenant une politique de tolérance zéro pour le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Dans un monde où le coût du logement à lui seul emprisonne des millions de femmes dans des relations de violence, il est temps de taxer les riches pour financer le logement abordable. Dans un monde où les élites blanches de l’Ivy League comme Kavanaugh grandissent en sachant que notre système de justice pénale raciste ne les touchera pas, nous devons suivre l’exemple des activistes de Black Lives Matter de Chicago et lutter pour un avenir où tous les gens seront tenus responsables de leur violence. Nous ne pouvons attendre sur aucune de ces questions. Les femmes ne devraient pas seulement avoir accès à l’avortement et à la contraception, mais aussi à des services publics de garde d’enfants gratuits et de qualité et à un congé de maternité adéquat pour gérer confortablement une famille et un emploi. Le féminisme socialiste signifie que les femmes gagnent non seulement un salaire égal à celui de leurs homologues masculins, mais aussi un véritable salaire minimum vital, de sorte qu’aucune femme n’est forcée de se prostituer pour survivre. La lutte contre Kavanaugh montre que nous avons le pouvoir de construire cet avenir pour les filles et les femmes de cette génération et de toutes celles à venir. » – Quinn

  • Etats-Unis. Les élections de mi-mandat affaiblissent les républicains

    Comment réellement vaincre la droite ?

    Les élections de mi-mandat aux États-Unis ont été marquées par une “vague bleue” (démocrate) limitée et par le rejet global de Trump de la part de l’électorat. Les républicains ont été soulagés que leurs pertes n’aient pas été pires alors que de nombreux travailleurs et jeunes progressistes ont été déçus que le résultat n’ait pas été plus décisif. Durant la campagne électorale, Trump a cherché à mobiliser sa base en jouant sur la peur des migrants et en utilisant ouvertement le racisme tandis que les démocrates se sont concentrés sur le “rejet de la haine” et la défense de l’Obamacare, tout en offrant bien peu de choses concrètes aux travailleurs et à leurs familles.

    En même temps, un certain nombre de candidats de gauche et progressistes, presque tous démocrates, reflétaient le désir intense de millions de personnes de repousser l’agenda de la droite en refusant l’argent des entreprises et en défendant des revendications audacieuses en faveur de la classe des travailleurs, comme l’assurance maladie pour tous, le contrôle des loyers, un salaire minimum de 15 dollars de l’heure et un enseignement supérieur libéré des frais de scolarité. Un certain nombre de socialistes autoproclamés ont gagné ces élections, dont Julia Salazar qui se rend au Sénat de l’État de New York et Alexandria Ocasio Cortez et Rashida Tlaib, qui se rendent toutes deux au Congrès. Tlaib est également l’une des deux musulmanes américaines élues au Congrès, une première historique.

    Alors que les démocrates contrôlent maintenant la Chambre des représentants, un régime vicieux et réactionnaire est toujours en place à Washington et nous ne pouvons pas tout simplement attendre l’élection présidentielle de 2020. Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse, centré sur la force sociale des travailleurs, qui prenne en charge de vaincre la droite et d’éjecter Trump. Dans les mois à venir, les dirigeants démocrates et les nouveaux candidats de gauche élus au Congrès et aux assemblées législatives des États fédérés seront soumis au test de la pratique face aux espoirs qu’ils suscitent et au combat contre Trump et la classe dirigeante.

    La polarisation s’approfondit

    Ces dernières semaines, Trump a fait grimper la xénophobie à un nouveau seuil horrible – même pour lui – dans l’objectif d’attiser la peur et ainsi pousser sa base à participer aux élections. Il avait utilisé le processus de nomination du juge Kavanaugh à la Cour suprême dans le même but il y a peu. Il a déclaré que la caravane de migrants d’Amérique centrale qui sillonne le Mexique était “une invasion”, peut-être créée par les démocrates ou financée par le milliardaire juif libéral George Soros, et comportant des membres de gangs et des terroristes du Moyen Orient ! Il a ensuite ordonné à des milliers de soldats de se rendre à la frontière pour y affronter une procession pacifique de quelques milliers de femmes, d’hommes et d’enfants désespérés fuyant le chaos social créé par les politiques néo-libérales promues par l’impérialisme américain.

    La direction démocrate, en revanche, a très consciemment choisi de concentrer son attention sur les districts suburbains et en particulier sur les femmes blanches “qui ont un diplôme universitaire” et avaient auparavant tendance à voter républicain. En ce qui concerne les soins de santé, les démocrates dominants ont mis l’accent sur la défense de la couverture obligatoire des personnes atteintes de “conditions préexistantes”, un élément progressiste de l’Obamacare. Mais cette approche n’a pas été combinée à une proposition audacieuse, à l’instar de Medicare for All, sur la manière de faire face à la crise massive des soins de santé et aux attaques continues des républicains. Les dirigeants démocrates n’ont pas non plus attaqué les réductions d’impôt des sociétés de Trump ni répondu à l’effondrement des emplois à salaire décent en défendant des revendications comme un important programme de travaux publics écologiques. Au lieu de cela, les démocrates ont utilisé la diversité sans précédent de leurs candidats comme argument de vente clé.

    Ces approches “centristes” des démocrates ont été plus ou moins efficaces, mais elles révèlent aussi la riposte très limitée de la direction du parti démocrate en réponse à l’assaut républicain et à la volonté de sa propre base électorale de faire échouer l’agenda de la droite. Comme pour illustrer à quel point cet establishment démocrate est déconnecté du réel, Nancy Pelosi – qui pourrait bien être à nouveau Présidente de cette Assemblée – a déclaré que les Démocrates adopteront une approche “bipartisane” et “chercheront un terrain d’entente là où nous le pouvons” avec les Républicains. Lors d’une réunion de donateurs et de “stratèges” du parti, elle a réaffirmé que la tentative de destitution de Trump n’était pas à l’ordre du jour. Cette faiblesse a sans aucun doute contribué à encourager Trump à congédier le procureur général Jeff Sessions, une mesure qui visait clairement à miner l’enquête Mueller (l’enquête sur l’ingérence de Moscou dans la campagne présidentielle américaine de 2016 et la possible collusion avec les équipes du candidat Trump, NdT) supervisée par le ministère de la Justice.

    Une vague bleue limitée

    La participation à ces élections de mi-mandat a été massive : 30 millions de voix de plus qu’à la dernière élection de mi-mandat, en 2014. Les Démocrates disposeront de 229 sièges à la nouvelle Chambre des représentants, soit un gain de 36 sièges, ce qui leur donne une majorité de 23 sièges. Depuis que l’élection est devenue à bien des égards un référendum sur Trump, ce changement en soi indique qu’une grande partie de la société rejette le message sexiste et raciste de ce dernier. Il est significatif de noter qu’au moins 100 femmes ont été élues à la Chambre, la grande majorité d’entre elles étant démocrates, pour la première fois de l’histoire des États-Unis (elles représentent près d’un quart de la Chambre).

    Les démocrates ont également obtenu des gains modestes au niveau d’États où les républicains tenaient le haut du pavé au cours de cette dernière décennie. Ils ont gagné sept nouveaux postes de gouverneur, y compris dans certains États clés du Midwest comme l’Illinois et le Michigan. Plusieurs réactionnaires particulièrement nocifs ont perdu les élections, parmi lesquels Chris Kobach au Kansas et le tristement célèbre républicain anti-syndicat Scott Walker au Wisconsin.

    D’autre part, les républicains ont élargi leur majorité au Sénat. Mais il ne faut pas oublier que le Sénat est beaucoup moins démocratique dans sa composition étant donné que chaque État a deux représentants, quelle que soit la taille de sa population.

    Malgré la victoire d’Alexandria Ocasio Cortez, socialiste démocratique très connue, et d’autres progressistes aux niveaux fédéral et des États, plusieurs résultats ont été extrêmement décevants pour de nombreux travailleurs et jeunes progressistes. Il s’agit notamment de la défaite d’Andrew Gillum dans la course au poste de gouverneur de Floride face au très raciste Ron de Santis, de même que celle de Beto O’Rourke au Sénat du Texas face à l’odieux Ted Cruz.

    Gillum et O’Rourke ont tous deux adopté une approche nettement plus audacieuse et plus progressiste que celle des dirigeants démocrates. Gillum aurait également été le premier gouverneur noir de Floride, un ancien État ‘‘Jim Crow’’ (en référence aux lois Jim Crow, des règlements racistes généralement promulgués dans les États du Sud entre 1876 et 1964, NdT). Dans la Géorgie voisine, Stacey Abrams, qui serait la première femme noire gouverneur d’État de l’histoire des États-Unis, conteste sa défaite. Elle a tout à fait raison d’exiger un nouveau dépouillement des voix en raison de diverses irrégularités commises lors des élections en Géorgie. Ces irrégularités sont à considérer dans le contexte plus large des efforts des Républicains dans tout le pays pour renforcer la répression des électeurs des États qu’ils contrôlent. Ces mesures visent en particulier à rendre le vote plus difficile pour les Afro-Américains.

    Les dirigeants démocrates déclarent bien entendu aujourd’hui que ce résultat justifie leur approche “modérée”. Comme l’a dit le New York Times, “les candidats qui ont obtenu la majorité à la Chambre des représentants venaient en grande partie du centre politique en promettant une amélioration progressive du système de santé plutôt qu’un changement social radical”. Le Times va encore plus loin en disant “la théorie – adoptée par des libéraux pleins d’espoir dans des États comme le Texas et la Floride – selon laquelle des dirigeants charismatiques et progressistes pourraient transformer des bastions républicains en champs de bataille politiques s’est avérée largement infructueuse”. C’est tout simplement ridicule. En fait, O’Rourke a obtenu un résultat remarquable dans un État où les démocrates n’ont remporté aucune élection à l’échelle de l’État en un quart de siècle ! En fait, ces élections illustrent que le glissement vers la gauche observé dans les grandes villes et parmi la jeunesse d’autres régions du pays s’est étendu vers le Sud.

    D’autres indications indiquent que les politiques de gauche audacieuses bénéficient d’un soutien grandissant dans de nombreuses régions du pays. Les électeurs américains étaient également appelés à se prononcer sur d’autres thèmes le jour des élections. Les électeurs de Floride ont ainsi rétabli le droit de vote de 1,4 million de résidents reconnus coupables d’un crime et ayant purgé leur peine. Mettre fin à cette mesure tout à fait antidémocratique profitera aux Afro-Américains. Comme le magazine Jacobin l’a souligné, trois États “rouges”, c’est-à-dire républicains (Idaho, Nebraska et Utah), ont voté pour étendre le domaine d’application du système de soin de santé Medicaid. D’autres victoires progressistes ont été remportées, comme l’adoption à San Francisco d’un impôt sur les sociétés pour aider les sans-abri, tandis que le Missouri et l’Arkansas ont augmenté leur salaire minimum. D’importantes défaites ont également eu lieu pour les travailleurs et la jeunesse en raison de l’implication massive des grandes entreprises et de campagnes de désinformation massives. En Californie, une initiative visant à étendre le contrôle des loyers a ainsi été repoussée. En Alabama et en Virginie-Occidentale, des mesures visant à restreindre le droit à l’avortement sont passées.

    La puissante démocrate conservatrice Claire McCaskill a perdu les élections un État qui vient de voter l’augmentation du salaire minimum et qui a récemment rejeté à une écrasante majorité la législation anti-travailleur dite du “droit au travail”. C’est une autre indication de l’échec de la stratégie centriste démocrate.

    Et maintenant ?

    Le résultat des élections de mi-mandat encouragera largement ceux qui veulent se battre contre Trump. Une victoire républicaine aurait manifestement été temporairement démoralisante. Toutefois, le fait que l’establishment démocrate ait immédiatement repoussé les espoirs suscités par ces résultats démontre de façon évidente que le débat sur la voie à suivre dans la lutte contre la droite va s’intensifier dans la période à venir, en particulier dans le contexte de la campagne présidentielle qui va commencer presque immédiatement.

    Etant donné le caractère de la campagne menée par Trump, nous devons être très clairs quant à ce à quoi nous sommes exactement confrontés. Il y a un débat croissant entre les libéraux de gauche et l’ensemble de la gauche sur la question de savoir si le régime Trump est un “fascisme rampant”. Cette crainte est exacerbée par d’autres événements internationaux, notamment l’élection du populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro au Brésil, qui se fait l’écho de thèmes fascistes.

    Il ne fait aucun doute que Trump, qui se dit maintenant “nationaliste”, normalise les conspirations d’extrême droite. L’aile trumpienne dominante du Parti républicain prend de plus en plus des aspects d’un parti d’extrême droite.

    Mais est-ce là du fascisme ou du “fascisme naissant” ? Historiquement, le fascisme s’est incarné dans des mouvements de masse composés en particulier de gens de la classe moyenne laissés sans ressources par la crise du capitalisme, des mouvements qui visaient à physiquement détruire les organisations de la classe ouvrière et de gauche. Les fascistes sont arrivés au pouvoir lorsque des couches de la classe dirigeante les ont considérés comme une alternative préférable à la menace réelle d’une révolution sociale qui aurait conduit à la perte de leurs biens et de leur pouvoir. Le contexte actuel aux États-Unis est évidemment très différent. Cependant, une crise sociale profonde est en cours et les institutions capitalistes voient chuter leur légitimité. Dans plusieurs pays européens, l’incapacité de la gauche historique et des partis des travailleurs à défendre la classe ouvrière face aux attaques néolibérales – devenant eux-mêmes des partis néolibéraux – a contribué à ouvrir la porte à la croissance des partis d’extrême droite.

    Les Démocrates n’ont jamais été un parti ouvrier ou un véritable parti de gauche. Mais un processus analogue est en développement avec leur abandon de leur base ouvrière historique et leur virage marqué vers la droite (le “centrisme”) dans les années 80 et 90. Il reste relativement peu de fascistes organisés. Les groupes fascistes ont subi un revers important après le meurtre de Heather Heyer à Charlottesville en 2017 et la réaction de masse qui a suivi. Cependant, on les encourage encore une fois à sortir de leurs trous. Ils représentent un danger réel mais jusqu’à présent limité. Le danger beaucoup plus grand et immédiat est l’émergence d’une force politique d’extrême droite de masse qui incite à la division raciale et repousse les tentatives visant à unir les travailleurs en défense de leurs intérêts communs.

    Des centaines de milliers de personnes comprennent de plus en plus que nous avons besoin d’une force politique déterminée à se battre pour les gens ordinaires aussi fortement que Trump est prêt à se battre pour les intérêts des milliardaires. Comme nous l’avons toujours soutenu, le projet de réforme du Parti démocrate qui a engagé un grand nombre de jeunes militants est compréhensible, mais presque automatiquement voué à l’échec. La campagne présidentielle de Bernie Sanders en 2016, au cours de laquelle il a recueilli plus de 200 millions de dollars de petites donations pour un programme en faveur de la classe ouvrière, a mis en évidence l’énorme potentiel pour la création d’un nouveau parti indépendant de gauche reposant sur les intérêts des travailleurs et des opprimés.

    Un tel parti doit être basé sur une lutte sociale de masse, la véritable manière de vaincre la droite et de gagner de sérieuses avancées sociales. Cette année a mis en évidence le potentiel de construction d’un véritable mouvement de masse avec les énormes mobilisations féministes, les débrayages étudiants contre la violence armée et le plus grand nombre de grèves depuis près de 20 ans. La révolte des enseignants, en particulier, qui s’est concentrée dans les états républicains, a montré le potentiel de la lutte des classes pour galvaniser des pans plus larges de la société. Les enseignants portaient des revendications audacieuses, y compris d’imposer les entreprises pour financer l’éducation et de revenir sur des décennies de coupes budgétaires, des exigences qui ont bénéficié d’un soutien massif, y compris parmi ceux qui avaient voté pour Trump.

    En 2019, nous assisterons presque certainement à une nouvelle vague de lutte – qui doit être combinée à la construction d’un défi politique de gauche contre l’establishment capitaliste.

  • Les travailleurs de Google en action contre le harcèlement sexuel

    MeToo est entré dans le monde de la technologie lorsque des centaines, voire des milliers d’employés de Google, dirigés par des femmes, ont organisé une grève historique ce 1er novembre à 11h10 du matin. Encouragés par un article du New York Times du 25 octobre soulignant que Google « avait systématiquement permis aux cadres supérieurs accusés d’harcèlement sexuel de quitter l’entreprise avec des indemnités de départ massives », les employés ont commencé à organiser une action pour faire savoir aux dirigeants que ce comportement ne serait pas toléré et pour exiger des changements structurels pour mettre fin à la discrimination et au harcèlement des travailleuses.

    Par un travailleur de Google, région de la Baie de San Francisco. Article publié le 4 novembre sur le site de nos camarades américains de Socialist Alternative

    La contre-attaque devient virale

    Les employés ont commencé à s’organiser le lundi 29 octobre après la publication de l’article du NY Times. En date du mercredi 31 octobre matin, 1.500 employés s’étaient joints à un groupe de discussion par courriels pour discuter des revendications et organiser la grève. Des tracts pour le débrayage ont été affichés dans différents bureaux partout aux Etats-Unis et même dans d’autres pays. Grâce à ces affiches, des collègues qui ne s’étaient jamais parlé auparavant ont commencé à discuter entre eux afin de la manière de se répartir le travail et d’obtenir plus d’affiches le plus rapidement possible. Les employés ont commencé à s’échanger des messages enthousiastes au sujet du développement du mouvement, à répandre la nouvelle et à s’encourager les uns les autres pour rejoindre la grève du jeudi.

    À partir du mercredi midi, c’était devenu le seul sujet de conversation.

    Les travailleurs ont commencé à modifier leurs photos de profil en soutien à la grève, à rédiger des messages automatiques à envoyer en réponse aux courriels reçus pendant la grève et à discuter de la façon de continuer à se battre pour les revendications après la grève. Un employé a modifié le fond d’écran par défaut de milliers de machines dans toute l’entreprise pour y inclure des messages sur la grève. Un autre l’a affiché sur la page principale de l’intranet de l’entreprise pour que tous et toutes puissent voir.

    Tout cela s’est fait sans « demander la permission » à la direction. Il est clair qu’il existe un état d’esprit sous-jacent de riposte des travailleurs qui souhaitent s’organiser indépendamment. Des leaders locaux se sont mobilisés pour organiser la grève dans 31 bureaux, partout dans le monde, et d’autres s’y joignent encore. Zurich, Toronto, Sydney, Londres, Dublin, Munich, Tokyo ne sont que quelques-uns des bureaux internationaux participants. Aux États-Unis, des débrayages auront lieu dans tout le pays – à New York, San Francisco, Chicago, Los Angeles, Seattle, Boulder, Pittsburgh et bien d’autres.

    Les revendications

    Les employés se sont réunis autour d’un ensemble d’exigences qui seront présentées aux dirigeants de Google. Ils revendiquent la fin de l’arbitrage forcé sur les plaintes, un processus transparent de signalement des cas d’harcèlement sexuel, le droit pour chaque employé de faire appel à une tierce partie de son choix lorsqu’il dépose une plainte de harcèlement et que la direction divulgue les données salariales triées par genre et par origine ethnique. Non seulement les employés de Google s’attaquent au harcèlement sexuel sur leur lieu de travail, mais ils visent aussi l’égalité salariale – à travail égal, salaire égal – et la fin de l’écart de rémunération par genre et origine.

    Cette grève internationale pour lutter contre le harcèlement sexuel au sein de l’entreprise de technologie la plus connue au monde souligne la croissance du mouvement mondial des femmes contre les abus sexuels que la campagne #MeToo a galvanisé. Les employés de Google suivent ceux de McDonald’s qui ont fait grève dans 10 villes américaines le 18 septembre dernier afin de forcer l’entreprise à s’attaquer sérieusement au harcèlement sexuel au travail.

    Nous assistons à certaines des premières étapes concrètes vers l’auto-organisation dans le milieu du travail chez les employés du secteur de la technologie. En jetant quelques miettes aux travailleurs, les milliardaires de la technologie espéreront mettre fin à cet incroyable mouvement. L’essentiel est que les travailleurs de Google restent organisés, unis autour de revendications communes. Ce mouvement a déjà commencé à élargir ses revendications et s’est efforcé dès le début d’unir les employés directs et les travailleurs ‘‘indépendants’’.

    La prochaine étape sera probablement vers des revendications économiques. Pour que les travailleurs de Google réussissent, ils devront former une organisation permanente, indépendante de la direction, pour façonner démocratiquement ce mouvement en développement, comme l’ont fait les générations précédentes de travailleurs lorsqu’ils ont syndiqué de nouvelles industries.

    • Soutien aux travailleurs de Google !
    • Mettons fin au harcèlement sexuel sur nos lieux de travail !
    • Pas de représailles contre les grévistes !
  • Élections de mi-mandat : entre punition pour Trump et recherche d’alternative

    Les élections de mi-mandat, qui renouvellent la Chambre des représentants et une partie du Sénat se tiennent ce 6 novembre. Ces élections prennent place dans un contexte chaotique pour les USA, marqué tant par la figure réactionnaire et incontrôlable du président Donald Trump que par une radicalisation politique croissante de la jeunesse et de pans entiers de la classe ouvrière américaine, le tout sur fond d’instabilité économique. Entre illusions vis-à-vis du Parti Démocrate et recherche d’alternative à la crise sociale et politique, quelles sont les perspectives pour la résistance sociale et la lutte des classes dans le ventre de la bête ?

    Par Clément (Liège), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Les mobilisations sociales se multiplient

    Les dernières années ont vu une multiplication des mobilisations de masse aux USA : depuis le mouvement Black Lives Matters contre les meurtres racistes commis par la police aux ‘‘Women’s March’’ au lendemain de l’élection de Trump, en passant par les mobilisations spontanées contre le décret anti-immigration, les impressionnantes mobilisations antifascistes qui ont suivi l’attentat de Charlottesville, etc.

    Ces dernières semaines, la nomination du républicain anti-avortement Brett Kavanaugh au poste de juge de la Cour suprême a déclenché une vague de protestation à travers les États-Unis après qu’il ait été accusé de viol par plusieurs victimes. Il siège désormais à vie à la plus haute cour de justice qui décide, sans appel possible, si les lois des États sont conformes à la Constitution.

    Les revendications socio-économiques sont également revenues à l’avant-plan, comme le salaire minimum à 15$/h. Après que les travailleurs de Seattle aient arraché une victoire en 2015, cette revendication a pris un caractère national et un total de 18 États ont été contraints d’augmenter leur salaire minimum. Tout récemment, la multinationale Amazon a, elle aussi, dû concéder un salaire de 15$/h à ses 350.000 employés et intérimaires !

    Ces nombreuses mobilisations et ces quelques victoires donnent également la confiance aux travailleurs de passer à l’action. Ainsi, l’année 2018 aura enregistré une augmentation importante du nombre de grèves, d’arrêts de travail et de dépôts de préavis de grève. Très souvent, ces grèves sont menées en dépit des bureaucraties syndicales qui freinent le mouvement.

    Un important coup d’envoi fut donné par les professeurs de l’État de Virginie qui ont fait grève début mars contre des mesures d’austérité en réclamant de meilleurs salaires ainsi qu’une assurance santé. Le mouvement a rapidement fait tache d’huile dans plusieurs États du Sud et du Sud-Ouest. Ces grèves sont parties de la base, en rejetant les compromis que les bureaucraties tentaient de faire avaler aux travailleurs (proposition d’une augmentation de salaire de 1%, 4% ont finalement été obtenus). Les enseignants ont aussi élargi leurs revendications à l’ensemble du secteur public pour développer la solidarité et élargir le mouvement, avec une victoire à la clef. Selon des sondages, 72% de la population ont soutenu ces grèves (et même 78 % lorsque les parents d’élèves étaient interrogés).

    Citons aussi United Parcel Service (UPS), l’entreprise privée qui compte le plus grand nombre de syndicalistes aux USA, là encore un préavis de grève pour de meilleurs salaires a été approuvé par 90 % des syndiqués. Il en va de même chez Arcelor, dans le secteur de la construction ou de l’hôtellerie, où des votes en faveur de la grève ont pris place dans différentes régions. Chez McDonald’s, les travailleuses et travailleurs sont récemment partis en grève contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.

    Le discours dominant affirme que l’économie domestique se porte bien, que la croissance est de retour et le chômage historiquement bas. Mais en réalité, les salaires stagnent et sont tellement bas que pour beaucoup, deux emplois sont indispensables pour pouvoir s’en sortir. À côté de cela, beaucoup de gens ‘‘au travail’’ n’ont que des contrats de famine de quelques heures par semaine. De plus, l’importante spéculation immobilière rend l’accès au logement de plus en plus inabordable. Bref, le discours optimiste dominant est en contradiction avec la réalité quotidienne des travailleurs, ce qui est de nature à les pousser à réclamer leur part du gâteau.

    2018 sera probablement l’année avec le plus grand nombre de grèves depuis l’an 2000. En parallèle, la confiance envers les syndicats a atteint son plus haut niveau depuis 20 ans (62% de perception positive) après des années de reculs et de luttes défensives.

    Mais de la même manière que pour gagner un combat, un boxeur doit utiliser son poing droit et son poing gauche; le mouvement ouvrier doit utiliser son poing syndical, mais aussi son poing politique.

    Les élections de mi-mandat

    Pour les travailleurs et les opprimés, ces élections de mi-mandat représentent une opportunité pour riposter contre Trump, pour repousser son agenda raciste, nationaliste et antisocial à l’arrière-plan.

    Les sondages concernant les élections de mi-mandat annoncent une ‘‘vague bleue’’ qui verrait le Parti Démocrate devenir majoritaire à la Chambre des représentants (la chambre fédérale) ainsi que dans de nombreux États. Une majorité démocrate au Sénat n’est pas tout à fait exclue, bien que ce scénario soit moins probable. Un récent sondage indique ainsi que, nationalement, le Parti Démocrate obtiendrait 44 % des voix, contre 36 pour le Parti Républicain.

    L’atmosphère sociale et les mobilisations de ces dernières années ont également un impact sur la campagne. Ainsi, à la suite de MeToo, un nombre record de candidates se présentent, soit 256 candidates pour les chambres et 16 candidates aux postes de gouverneurs. 500 enseignants se présentent aux primaires et l’État de New York enregistre déjà une participation record pour les primaires. En plus de cela, des candidats progressistes opposés à l’establishment politique ont récemment remporté une série de victoires. Ces candidats ne constituent toutefois pas un courant homogène : certains proviennent des Démocratic Socialist of America tandis que d’autres s’apparentent plutôt à des démocrates traditionnels qui auraient adopté un programme similaire à celui de Bernie Sanders.

    Ce dernier avait posé un sérieux défi à l’establishment du Parti Démocrate lors des primaires à présidentielle en avançant un programme de gauche réformiste, en se réclamant ouvertement du socialisme et en finançant sa campagne exclusivement au travers de dons de travailleurs et d’organisations du mouvement ouvrier. Si, au lieu de soutenir Hillary Clinton et le Parti Démocrate, il avait cherché à transformer sa plateforme ‘‘Our revolution’’ en une véritable organisation capable de lier la lutte dans les urnes à celle dans la rue, la situation aurait pu être fondamentalement différente aujourd’hui. Cela aurait approfondi le conflit qui existe entre les vieilles structures du Parti Démocrate et une base en cours de radicalisation, tout en clarifiant la nécessité d’un troisième parti, un parti des travailleurs aux USA.

    Socialist Alternative (notre organisation-sœur américaine) ne pense pas que ces candidats progressistes devraient se présenter dans le cadre du Parti Démocrate, cela entretient des illusions sur la possibilité de réformer ce dernier. Malgré ce désaccord, nous avons appelé à voter pour eux et nous sommes parfois impliqués dans leurs campagnes. Une victoire de nombreux candidats au programme clairement favorable à la classe des travailleurs représenterait une sérieuse défaite pour l’establishment.

    Leurs candidatures et leurs programmes sont également de nature à renforcer le mouvement social et les luttes qui se développent autour de revendications clefs, comme un accès pour tous aux soins de santé, un enseignement supérieur gratuit,… Le soutien pour le socialisme et les candidats ou organisations qui s’appuient sur le socialisme grandit, sans toutefois être toujours clair sur ce que cela signifie. Les marxistes doivent s’en servir pour défendre une rupture anticapitaliste socialiste.

    Mais pour saisir l’ensemble du potentiel et transformer ces programmes électoraux progressistes en véritables campagnes offensives et mobilisatrices, il faudra construire une force politique organisée, indépendante de l’establishment et capable d’arracher des victoires, qui pourra clarifier ce que le ‘‘socialisme’’ signifie auprès des centaines de milliers de personnes pour qui le terme est attractif.

  • BlacKkkKlansman : Pleins feux sur le racisme américain

    BlacKkkKlansman de Spike Lee évoque la carrière du premier détective noir du Département de Police de Colorado Springs. Il montre une phase de la vie de Ron Stallworth, de son entrée dans la police en 1976, parle de ses expériences en tant que détective, en passant par l’infiltration du Ku Klux Klan – un groupe suprémaciste blanc d’extrême droite – avec l’aide de son collègue Flip Zimmerman. Le film est basé sur les mémoires de Stallworth sorties en 2014, mais il est important de mentionner qu’il s’agit ici d’une fiction.

    Par Isai Priya

    L’un des thèmes clés est le racisme institutionnel au sein de la police. Certaines scènes illustrent comment Stallworth a dû y faire face quotidiennement. Cependant, elles ne montrent en réalité le racisme que comme une action menée par des agents individuels, plutôt que par l’institution dans son ensemble. Cela pourrait suggérer que tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un plus grand nombre de bons policiers et de bonnes personnes, plus gentilles les unes envers les autres.

    Ron Stallworth était un jeune homme noir qui s’est joint à la police parce qu’il voulait faire la différence. C’était un projet dont il était fier. Il s’identifiait comme un flic qui lutte contre le crime et pour la libération des Noirs. Malheureusement, un gentil policier avec de bons principes ne peut pas changer le racisme institutionnel inhérent au capitalisme.

    Quels intérêts la police défend-elle ?

    La police fait partie de l’Etat capitaliste qui, en fin de compte, défend les intérêts des capitalistes et des grandes entreprises pour maintenir le statu quo. Le film souligne en effet le fait que le KKK avait des alliés dans certaines sections de la police et des services de sécurité. Stallworth a finalement reçu l’ordre de clore l’enquête, de détruire les documents et de supprimer toutes les preuves.
    Le racisme est une réalité quotidienne pour des millions de travailleurs et de jeunes. En 2017, 81% des Noirs aux Etats-Unis ont déclaré que le racisme était un problème important dans la société, contre 44% huit ans auparavant. Le racisme est également utilisé par l’Etat capitaliste pour diviser les communautés et faciliter l’exploitation et l’oppression des masses. Mais cela, BlacKkkKlansman ne le montre pas vraiment.

    A Seattle, Kshama Sawant, conseillère socialiste et membre d’Alternative Socialiste – notre section-soeur aux Etats-Unis – a été à l’avant-garde de la lutte contre le racisme et le harcèlement policier. Plus tôt cette année, deux policiers de Seattle qui, en 2016, avaient abattu Che Taylor, un Afro-Américain, ont intenté une poursuite judiciaire contre Kshama Sawant. Taylor a été tué après avoir suivi les instructions de la police, s’être agenouillé et avoir levé les mains en l’air.

    En 2017, la police américaine a tué 1 147 personnes, dont 25 % étaient Noires, alors qu’ils ne représentent que 13 % de la population. Cette année, 646 personnes sont déjà mortes sous les balles policières. Le procès a été intenté non seulement pour faire taire Kshama, mais aussi pour la démettre de ses fonctions.

    Grâce à ses campagnes victorieuses pour améliorer la vie des gens ordinaires, y compris en gagnant à Seattle un salaire minimum de 15 $ l’heure, Kshama est une militante bien connue qui se bat contre les discriminations qui proviennent du capitalisme. Les institutions de l’État, telles que la police et le système judiciaire, sont utilisées pour attaquer ceux qui défient l’establishment, notamment en réduisant au silence les socialistes, les activistes et les mouvements potentiels.

    Infiltration dans la gauche

    En tant que policier, le vrai Ron Stallworth a infiltré une organisation noire radicale pendant trois ans, avant son opération contre le KKK. Le film ne le montre cependant uniquement assister à un discours de Kwame Ture, né Stokely Carmichael, un défenseur des droits civiques et ancien leader des Black Panthers. Sous couverture, on le voit prendre part à un rassemblement du “Colorado College Black Students Union” où il rencontre l’activiste Patrice Dumas. Ils entament une relation de couple sans que Stallworth ne lui dise qu’il est dans la police.

    Le discours de Ture est l’un des moments les plus politiques du film. Il est puissant et inspirant, appelant les jeunes Noirs à se joindre à la lutte contre le racisme. Il conclut le rallye avec le fameux “Black Power call” : “Tout le pouvoir au peuple !”.

    L’infiltration d’organisations socialistes et de libération n’est pas une chose nouvelle. Un exposé sur le programme de contre-espionnage de 1956-1971 du FBI a révélé que son objectif était de discréditer et neutraliser les organisations “considérées comme subversives pour la stabilité politique américaine”. Il prévoyait différentes mesures comme provoquer la violence en manifestation afin que la police puisse arrêter ou attaquer les militants ou pire encore, les inciter à être tués. En Grande-Bretagne, l’infiltration de policiers espions dans la campagne anti-raciste qui a suivi le meurtre à caractère raciste de Stephen Lawrence en 1993, mais aussi dans la campagne des jeunes contre le racisme en Europe, ou chez des militants écologistes et de nombreux autres ont montré à quel point cette tactique était alors répandue. BlacKkkKlansman, volontairement ou non, ne se concentre pas sur les organisations de libération noire qui ont été infiltrées par Stallworth. C’est trompeur et cela le transforme, lui et d’autres flics, en héros.

    Patrice Dumas, un personnage important du film, est une combattante passionnée du mouvement de libération des Noirs et secrétaire du syndicat des étudiants noirs. Le racisme, le sexisme et la violence policière auxquels elle et ses collègues militants sont confrontés illustrent les difficultés et les dangers d’être un militant noir dans les années 1970 aux États-Unis.

    Lutte pour les droits civiques hier et aujourd’hui

    Le formidable mouvement pour les droits civiques de la fin des années 1950, des années 1960 et du début des années 1970 a ébranlé les États-Unis jusque dans ses fondements mêmes. D’une façon ou d’une autre, cela a touché toutes les familles noires d’Amérique. Cela a permis d’obtenir des gains, notamment en boostant la confiance des Noirs dans la lutte pour leurs droits. Cela a imposé un changement juridique de la Constitution, la loi sur les droits civiques de 1968. En Grande-Bretagne, la “Race Relations Act” a également été adoptée en 1968. Pourtant, 50 ans plus tard, la lutte se poursuit.

    Nous vivons dans une époque où le mouvement “Black Lives Matter”, la violence policière, le harcèlement et le racisme sont des questions brûlantes. En même temps, nous assistons également à un niveau de protestation plus élevé contre le racisme, le sexisme et la violence. Nous avons assisté à un débrayage massif d’étudiants contre la violence armée dans les écoles. Après la victoire de Kshama Sawant à Seattle, la campagne présidentielle de Bernie Sanders et un certain nombre de victoires de la gauche aux élections primaires du Parti démocratique, les idées socialistes font de plus en plus écho aux États-Unis. Les jeunes Noirs sont de plus en plus actifs dans la lutte contre le racisme et pour de meilleures conditions économiques.

    L’inclusion par Spike Lee de scènes qui font passer la police pour nos alliés dans la lutte contre le racisme soulève la question du message qu’il essaie de transmettre ou qu’il a peut-être été poussé à inclure dans le film. Une scène en particulier montre Stallworth, Dumas et plusieurs policiers, y compris des hauts gradés, piégeant et arrêtant un flic raciste qui n’a pas peur de dire qu’il est acceptable de tirer sur des Noirs. En réalité cela ne s’est jamais passé.

    Le contexte du moment : Trump, Duke, Charlottesville

    Malgré ces problèmes, le film est divertissant et emballe l’histoire avec humour. Les scènes avec le leader du KKK, David Duke, ridiculisent ses arguments suprématistes blancs et sont à la fois choquantes et drôles. Lors d’un appel téléphonique, par exemple, Duke dit à Stallworth qu’il sait qu’il est blanc parce qu’il le dit. “Les nègres”, dit-il, “prononcent “sont” comme “sont-uh”, alors qu’il parle à une personne noire, bien entendu !

    D’autres scènes font paraître les membres du Ku Klux Klan comme stupides, exposant leurs points de vue illogiques, racistes, sexistes et antisémites. De plus, Spike Lee inclut de multiples références à Donald Trump, reliant les événements des années 1970 à l’époque actuelle. Il y a des membres du Ku Klux Klan qui chantent “L’Amérique d’abord”, appelant à “reprendre le pays” et à le rendre “grand à nouveau”.
    La fin du film est un coup de pied dans le ventre pour le public, montrant des images du rassemblement d’extrême droite de 2017 à Charlottesville, en Virginie.

    Il inclut le vrai David Duke qui parle et les attaques brutales contre les contre-manifestants. Il montre aussi Trump refusant de condamner les sympathisants de la suprématie blanche, affirmant plutôt qu’il y avait des “gens bien des deux côtés”. BlacKkkKlansman se termine par un mémorial à la mémoire d’Heather Heyer, tuée par une voiture qui a écrasé les manifestants antiracistes à Charlottesville.

    Ces derniers clips mettent tout en contexte, les attaques violentes provoquant choc et colère. Cependant, il ne suffit pas de se mettre en colère. Le leader de la lutte pour les droits des Noirs, Malcolm X, a dit : “On ne peut pas avoir de capitalisme sans racisme”. Il est urgent aujourd’hui de construire un mouvement pour mettre fin aux deux.

  • USA. Les leçons du mouvement de masse des femmes des années ’60 et ’70

    Un nouveau mouvement des femmes émerge en réponse à l’élection du misogyne Donald Trump, à commencer par les marches des femmes de 2017 et maintenant avec la campagne #MeToo. Le pouvoir potentiel du moment #MeToo a tellement effrayé la classe politique, les PDG, les investisseurs et actionnaires, -en bref les « 1% »- que des douzaines d’abuseurs célèbres ont été licenciés ou forcés de démissionner. C’est une victoire, mais les femmes ont beaucoup plus à gagner.
    Un véritable outil pour que les travailleurs et travailleuses puissent se défendre face à des patrons et des collègues abusifs, (que votre patron soit célèbre ou non) peut être gagné, mais il faudra un mouvement de masse qui prend la rue et perturbe le statu quo. Le dernier grand mouvement des femmes aux États-Unis au cours des années 1960 et 1970 a été une période de mobilisation soutenue autour des questions féminines qui a permis d’obtenir d’importantes réformes et de changer l’attitude de millions de personnes à l’égard du rôle des femmes dans la société. Elle a également montré les limites du féminisme libéral.

    Le mouvement des femmes des années 1960 et 1970 a émergé au cours d’une période de bouleversements sociaux massifs à l’échelle nationale et internationale. Aux États-Unis, la lutte déterminée des Afro-Américains dans le mouvement des droits civiques a eu un effet transformateur sur la conscience de millions de travailleurs et de jeunes. Le mouvement contre la guerre du Vietnam était d’une ampleur énorme, attirant environ 36 millions de personnes pour protester au cours de la seule année 1969. L’establishment était contesté de tous les côtés, et les femmes, les gens de couleur, les LGBTQI+ et les travailleurs étaient encouragés à porter leur lutte contre l’oppression et l’inégalité à des niveaux d’organisation et d’action plus élevés.

    La naissance de NOW

    L’Organisation nationale des femmes (NOW), fondée en 1966, a élaboré une stratégie et des tactiques pour assurer la pleine égalité juridique des femmes et des hommes. Bien que NOW ait souvent fait campagne pour des revendications qui profiteraient à toutes les femmes, les politiques de NOW étaient centrées sur les préoccupations des femmes instruites de la classe moyenne et étaient parfois en désaccord avec les intérêts des femmes de la classe ouvrière.

    NOW a réussi à obtenir des réformes grâce à une avalanche de poursuites judiciaires combinées à des protestations et à des actions de masse, en particulier en matière de discrimination à l’emploi. Elle a commencé par faire pression pour que l’on mette fin à la ségrégation des listes d’emplois dans les journaux, en combinant les efforts de lobbying avec des piquets de grève et des manifestations qui ont réussi à mettre fin à cette pratique en 1968. La Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi, l’organisme fédéral chargé d’appliquer les règles contre la discrimination dans l’emploi, n’a commencé à appliquer la loi qu’après qu’une campagne de NOW ait forcé le changement.

    Le 26 août 1970, la grève nationale des femmes a vu des dizaines de milliers de femmes faire grève dans tout le pays autour de trois revendications centrales : le droit à l’avortement, le droit à la garde d’enfants et l’égalité des chances en matière d’emploi et d’éducation. Le caractère des manifestations variait d’une ville à l’autre, mais c’est à cause de l’existence de NOW que la grève des femmes a été une action coordonnée à l’échelle nationale.

    Dans la ville de New York, cinquante mille femmes ont marché sur la 5e Avenue, et une bannière a été accrochée à la Statue de la Liberté, portant l’emblème « Women of the World Unite ! ». La grève d’un jour a été un énorme succès, et le nombre de membres de NOW a augmenté de 50 % au cours des mois suivants. À son apogée en 1974, NOW pouvait revendiquer 40 000 membres, ce qui reflète le fait que le Mouvement des femmes avait vraiment acquis un caractère de masse.

    Bien que NOW ait adopté un programme relativement radical, l’organisation n’a pas cherché à contester le système capitaliste, mais à obtenir une place équitable pour les femmes au sein même du système. Dans l’intérêt de paraître acceptable aux yeux du “courant dominant” de la société, les dirigeantes de NOW ont consciemment repoussé les radicaux. Cette tactique était clairement liée à une aile du Parti démocrate.

    Malgré certaines campagnes sur l’inégalité raciale, NOW avait de graves lacunes dans son approche à l’égard des femmes de couleur, et l’organisation était majoritairement blanche.

    Betty Friedan, la dirigeante de NOW, a qualifié de “menace lavande” la radicalisation des femmes lesbiennes ; le lesbianisme ne cadrait pas avec la politique de respectabilité de Friedan. Le refus de NOW d’adopter pleinement la diversité ethnique et de genre dans l’organisation et l’accent mis sur l’égalité juridique plutôt que sur un programme répondant aux besoins des travailleuses constituait une faiblesse importante pour l’ensemble du mouvement des femmes.

    La libération des femmes

    Pour beaucoup de jeunes femmes impliquées dans les mouvements anti-guerre et de défense des droits civils, le féminisme libéral incarné par NOW n’était pas suffisant. L’énorme radicalisation de cette période a incité les femmes à explorer le démantèlement complet des rôles des femmes dans les relations amoureuses, dans la famille, dans la société et dans les organisations de gauche. La naissance des groupes de libération des femmes peut être attribuée aux expériences des femmes militantes qui sont mises à l’écart politiquement, souvent sexuellement objectifiées au sein de certaines organisations de « gauche ».

    C’était particulièrement vrai pour « Students for a Democratic Society », qui n’a pas réussi à s’attaquer au chauvinisme généralisé dans ses rangs. Cela a conduit un certain nombre de femmes de la SDS à une discussion plus intense sur les racines profondes de l’oppression des femmes et sur la façon de la combattre. Ce type de débats a eu lieu parmi les femmes militantes de gauche à travers le pays, y compris dans les organisations noires et latines. À l’automne 1967, des femmes radicales ont commencées à former leur propre organisation, dédiée à la libération des femmes. En 1969, il y avait des groupes de libération des femmes dans plus de 40 villes.

    Les organisations de libération des femmes ont souvent commencé comme des groupes de conscientisation, où les femmes se réunissaient pour discuter de leur oppression commune et se sont développées en groupes activistes qui ont utilisé l’action directe pour faire campagne sur les droits reproductifs, le viol et l’objectivation des femmes. Les militantes ont renversé le tabou sur le fait de parler de la sexualité et de la santé reproductive des femmes, et les femmes lesbiennes ont été accueillies dans le mouvement.

    Bien que le mouvement de libération des femmes ait adopté une vision plus globale des expériences des femmes que le mouvement féministe dominant, il était également dominé par les femmes blanches de la classe moyenne. Les socialistes-féministes au sein du mouvement n’ont jamais fusionné en une force unifiée qui aurait eu un impact sur la direction générale de la libération des femmes. Les idées séparatistes selon lesquelles les femmes s’organisent et même vivent séparées des hommes était une tendance au sein du mouvement de libération des femmes, ce qui donnait aux médias le moyen de le dénigrer en le qualifiant de “haine de l’homme”. L’incapacité du mouvement à adopter un programme clair qui puisse répondre aux intérêts et aux besoins des femmes de la classe ouvrière et des femmes de couleur a limité son attrait, même si ses campagnes ont eu un impact positif sur l’opinion publique.

    Gagner le droit de choisir

    NOW a été la première organisation nationale à exiger l’abolition de toutes les lois restreignant l’avortement et a contribué à la création de l’Association nationale pour l’abrogation des lois sur l’avortement (NARAL), qui a mené la campagne principale en faveur du droit à l’avortement.

    NARAL a travaillé avec le mouvement de libération des femmes, qui connaissait alors une croissance rapide, pour organiser des événements provocateurs, tels que des conférences où les femmes témoignaient de leurs propres expériences d’avortement. Les débats contre les activistes anti-avortement étaient une autre tactique privilégiée de NARAL, et l’organisation a produit du matériel donnant des conseils sur la façon d’organiser et de gagner des débats, et comment obtenir une couverture médiatique maximale.

    Le « Chicago Women’s Liberation Union », un groupe socialiste-féministe dont les nombreux projets comprenaient le « Jane Collective », a organisé une action directe au congrès de l’American Medical Association, où des activistes ont infiltré l’événement et présenté une liste de revendications incluant l’avortement gratuit et légal. Le mouvement des femmes de New York a obtenu le droit à l’avortement après une lutte soutenue, y compris des actions directes en 1970. Des campagnes similaires ont éclaté dans tout le pays et 14 États ont libéralisé les lois sur l’avortement à des degrés divers avant l’affaire Roe vs. Wade.

    Dans l’État de Washington, un groupe de médecins préoccupés par la menace des avortements illégaux pour la santé des femmes a réussi à faire inscrire l’avortement comme revendication sur le bulletin de vote de l’État en 1970. Deux organisations féministes de Seattle ont reformulé la question comme une question de libération des femmes et ont créé un mouvement populaire pour se battre pour chaque vote. « Women’s Liberation Seattle” a produit et vendu 10 000 exemplaires d’une brochure intitulée “One in Four of Us Have Have Had or Will Have Have an Abortion”. Des rassemblements et des réunions ont eu lieu dans tout l’État et les militants ont distribué des tracts et frappé à la porte pour faire passer le mot. En fin de compte, l’initiative a été adoptée avec 56 % des voix en faveur du droit des femmes à l’avortement.

    La décision de la Cour suprême de 1973 légalisant l’avortement à l’échelle nationale, Roe vs. Wade, a été une victoire historique pour le mouvement des droits des femmes. Dans une série d’événements qui ressemble à la lutte plus récente pour l’égalité du mariage, une Cour suprême conservatrice a suivi le mouvement de masse et le changement d’attitude de la population à l’égard de l’avortement. La Cour, représentant les intérêts de la classe dirigeante, a été forcée par le mouvement à passer à l’action s’il voulait éviter une nouvelle radicalisation massive.

    Les femmes et le mouvement ouvrier

    Les femmes de la classe ouvrière, la plupart du temps hors des projecteurs du mouvement féministe organisé, ont tracé leur propre chemin vers la libération, et elles l’ont fait sur leur lieu de travail et dans leurs syndicats. Les femmes sont entrées en grand nombre sur le marché du travail dans les années 60 et 70, et faisaient partie d’une transformation démographique de la classe ouvrière américaine qui incluait également de nouvelles industries et catégories d’emploi s’ouvrant aux travailleurs noirs et autres minorités ethniques.

    Les femmes exerçant des professions traditionnellement féminines, comme les employées de maison, de bureau, d’hôpital et d’autres travailleuses du secteur des services se sont également engagées dans la lutte, utilisant l’action collective pour lutter contre les revendications économiques, y compris contre le sexisme rampant sur le lieu de travail, présent dans de nombreux emplois à prédominance féminine dans le secteur des services. Les femmes de la classe ouvrière se sont engagées dans une lutte féministe qui correspondait à leurs propres conditions, où les normes sexistes, racistes et paternalistes qui régissaient les relations de travail ont été remises en question dans un mouvement qui a contribué de façon importante au rejet croissant des attitudes sexistes traditionnelles sur le rôle des femmes.

    Par exemple, les conditions de travail des agents de bord dans les années 1960 étaient un cauchemar de l’objectivation féminine : pesée hebdomadaire avec des travailleuses qui risquaient d’être licenciées si elles dépassaient, âge maximum de travail de 32 ans et des campagnes publicitaires qui invitaient pratiquement les passagers à harceler sexuellement les travailleuses. Les agents de bords syndiquées se sont heurtées à un mur lorsqu’elles ont essayé d’obtenir de leurs dirigeants syndicaux masculins qu’ils prennent des mesures contre le sexisme au travail. Les employées de bureau étaient considérées comme des “épouses de bureau” mal payées qui devaient aller chercher du café et faire le déjeuner pour les patrons masculins. Les deux groupes de travailleuses ont créé de nouvelles organisations pour protester contre leur statut de seconde classe et souvent hypersexualisé sur le lieu de travail et tous deux ont fini par former de nouveaux syndicats.

    Les hôtesses de l’air ont construit « Stewardesses for Women’s Rights » (SFWR), qui a développé une vaste campagne de protestation, de recours juridiques et de publicité avec le soutien du mouvement féministe dominant. Les employées de bureau ont mis sur pied des organisations qui ont construit des manifestations et fait pression sur le gouvernement au sujet de la discrimination fondée sur le sexe en matière d’embauche, de rémunération et de promotion. Les agents de bord ont particulièrement bien réussi à utiliser les ralentissements, les arrêts maladie et les menaces de grève en conjonction avec SFWR pour mettre fin à plusieurs des politiques déshumanisantes les plus flagrantes.

    Les travailleuses domestiques, majoritairement noires, étaient confrontées à la double oppression du racisme et du sexisme au travail et fortement exploitées sans aucune protection légale du travail. Les organisations de travailleuses domestiques, comme le « Syndicat national des travailleuses domestiques », remplissaient souvent de nombreuses fonctions : faire campagne contre les bas salaires et les pratiques abusives, éduquer les travailleurs sur leurs droits, placer les travailleurs dans des emplois et régler les griefs avec les employeurs. Malgré les difficultés de syndicalisation des travailleuses très isolées, ces organisations ont contribué à obtenir certaines protections juridiques fédérales et des salaires plus élevés sur certains marchés régionaux.

    Le potentiel révolutionnaire des années 1970

    Le chevauchement des mouvements des femmes dans NOW, dans les groupes féministes radicaux et dans les lieux de travail a coïncidé avec une recrudescence dramatique et soutenue du militantisme de la classe ouvrière. En 1970, environ un sixième des 27 millions de travailleurs syndiqués sont partis en grève. Ces travailleurs se battaient pour obtenir plus qu’une augmentation des salaires et des avantages sociaux ; les enseignants, en grande majorité des femmes, ont fait grève pour améliorer les politiques en classe et étendre les droits à la négociation collective dans le secteur public. Les mineurs, les routiers et les travailleurs de l’automobile ont frappé en masse, tout en organisant simultanément des comités pour casser le contrôle des dirigeants de leurs syndicats et donner davantage de voix à la base. Les travailleurs de l’électricité, du téléphone et des chemins de fer ont mobilisé des centaines de milliers de personnes lors de grèves qui ont stoppé des pans entiers de l’industrie.

    La révolte ouvrière, combinée aux mouvements sociaux radicaux contre le racisme et le sexisme, et la révolte au sein de l’armée américaine au Vietnam créait une situation de plus en plus ingouvernable. Le scandale du Watergate et la mise en accusation subséquente de Richard Nixon ont montré le chaos qui enveloppait la classe dirigeante américaine.

    Tragiquement, cependant, le potentiel de transformation des années 1970 n’a pas été réalisé. Les travailleurs, les jeunes, les femmes, les personnes de couleur et les LGBTQI+ se révoltaient contre l’establishment, mais leurs dirigeants n’ont pas réussi à s’unir et à construire un nouveau parti politique représentant les intérêts des travailleurs et de tous les opprimés pour s’attaquer au système politique et économique dominé par le capitaliste.

    L’une des premières victimes de cet échec a été le veto largement incontesté de Nixon à l’égard d’une loi qui aurait créé une puériculture universelle en 1971. Malgré l’afflux de femmes sur le marché du travail, un mouvement de masse organisé de femmes et une recrudescence de la base dans les syndicats, aucun effort commun n’a été lancé pour combattre ce veto.

    A partir de 1975, des valeurs familiales émergentes de l’extrême-droite ont pris de l’ampleur, qualifiant de communistes et d’anti-américains les services de garde d’enfants, au fur et à mesure que se développait la réaction contre le mouvement des femmes. Le Parti démocrate a également commencé à se diriger vers la droite lorsque les capitalistes se sont dirigés vers des politiques néolibérales. L’élection de Ronald Reagan en 1980, et son licenciement des travailleurs en grève de la circulation aérienne un an plus tard, a marqué le début de plusieurs décennies de défaites pour les syndicats, dont le mouvement ouvrier ne s’est pas (encore) remis.

    Nécessité d’un leadership marxiste

    Les expériences des femmes confrontées aux attitudes régressives choquantes dans certaines sections de la « nouvelle gauche » reflétaient l’absence d’un courant marxiste authentique et significatif aux Etats-Unis, luttant pour des idées féministes socialistes.

    Au mieux, la première gauche radicale américaine était en première ligne dans la lutte pour les droits des femmes, en particulier dans l’organisation de travailleuses extrêmement exploitées. Les « ouvrières industrielles du monde » (I.W.W) et les activistes socialistes comme Elizabeth Gurley Flynn, par exemple, ont joué un rôle clé dans la fameuse grève du “pain et des roses” de 1912 par les ouvrières immigrées du textile à Lawrence, Massachusetts. C’est aussi le Parti socialiste qui a organisé la première marche de la Journée des femmes en 1909 à New York et qui a inspiré l’Internationale socialiste à l’adopter comme journée internationale d’action pour les femmes de la classe ouvrière l’année suivante.

    Les socialistes révolutionnaires, y compris Marx et Engels, voyaient l’oppression des femmes comme faisant partie intégrante de toute l’histoire de la société de classe. Ils ont conclu que, tout en luttant bec et ongles pour tous les gains possibles pour les femmes qui travaillent aujourd’hui, leur libération totale ne pouvait être gagnée qu’en mettant fin au règne des capitalistes.

    Armées d’un véritable programme marxiste, des dizaines de milliers de combattantes et combattants pour la libération des femmes, la libération des Noirs et le pouvoir ouvrier auraient pu s’unir aux États-Unis dans les années 70 pour construire un courant révolutionnaire puissant dans un large parti ouvrier de masse. Les tâches historiques du mouvement des femmes des années 1960 et 1970 restent à accomplir : les femmes continuent de se heurter à des obstacles en matière de droits reproductifs, d’emploi, de violence sexuelle, etc. Un nouveau mouvement des femmes est nécessaire à côté d’un mouvement ouvrier de masse qui, sur la base des leçons du passé, défie le système capitaliste lui-même dans une lutte décisive pour la libération des femmes.

  • USA. Entrevue avec Ginger Jentzen: «La candidate qui n’est pas à vendre»

    Ginger Jentzen est membre de Socialist Alternative et fut organisatrice pour la campagne “15NOW Minneapolis” qui a gagné le 15$/h en juillet 2017. Elle est arrivée 2e durant les élections pour l’Hôtel de Ville de Minneapolis en novembre 2017 avec 44,2% des voix. Entretien réalisé par Alternative Socialiste, section québécoise du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Quand as-tu rejoint Alternative socialiste ?

    J’ai rejoint durant le mouvement Occupy Wall Street à Minneapolis. Il y avait beaucoup de discussions dans le mouvement pour déterminer sa prochaine étape et Alternative socialiste y défendait la nécessité d’aller dans les communautés pour répondre aux préoccupations des travailleurs.

    Quand t’es-tu impliquée dans le mouvement pour le 15$/h ?

    J’ai eu la chance de participer au lancement de 15NOW à Seattle peu de temps après l’élection de Kshama Sawant, la première socialiste élue aux États-Unis depuis un siècle, et de participer à cette campagne. Ce fut super éducatif. Seattle est devenu la première grande ville à gagner le 15$/h. 1

    Comment la campagne pour le 15$/h a été menée à Minneapolis ?

    Nous avons commencé en faisant des tables dans les quartiers populaires pour construire une base sociale dans les communautés et aller chercher des appuis dans différents groupes.

    Un sondage avait démontré que 2/3 des répondant·e·s étaient en faveur du 15$/h maintenant. 15NOW Minneapolis est allé défendre cette idée au conseil municipal. Les conseiller·ère·s nous ont gentiment accueillis, mais sans s’y engager sérieusement.

    Nous avons donc décidé de lancer une pétition réclamant un référendum. Nous avons recueilli 3 fois le nombre minimal de signatures requis pour un total de plus de 20 000 signatures. Malgré le fait que nous avons respecté toutes les exigences légales, le conseil municipal n’a pas fait de référendum sur la question. Plusieurs centaines de travailleurs·euses ont donc occupé l’Hôtel de Ville de Minneapolis. Nous avons finalement réussi à mettre suffisamment de pression pour que la ville adopte le 15$/h en juillet 2017.

    C’est à ce moment que tu as eu l’idée de te présenter aux élections municipales ?

    La décision avait été prise quelques mois auparavant. C’était la deuxième fois que Socialist Alternative présentait un candidat à Minneapolis. Ty Moore était arrivé deuxième en 2013 avec 42,07%. Il fut l’un des premiers à mettre de l’avant l’idée du 15$/h dans la ville.

    Lors de ma campagne, nous avons mis de l’avant principalement le 15$/h et le logement abordable. La nécessité de résister à Trump et la question du logement sont devenues centrales pour notre mouvement.

    Notre stratégie électorale vise la construction d’un mouvement de masse. C’est ce qui nous différencie clairement des autres candidats où certains avaient un discours de gauche près de Bernie Sanders, mais qui ne faisaient rien à l’extérieur des élections. Nous avons également mis de l’avant la question du salaire ouvrier, exactement comme Sawant à Seattle, c’est-à-dire que je ne percevrais pas plus que le salaire moyen d’un·e travailleur.euse. Cette idée était très populaire. Nous avons également pris l’engagement de ne pas prendre d’argent des grandes compagnies comme le font les démocrates. Malgré tout, uniquement avec de petits dons des travailleurs·euses, notre campagne a ramassé plus d’argent que toutes les autres avec 175 000$ de dons.

    Nous avons gagné au premier tour, mais j’ai terminé deuxième au second tour avec 44,2%. Cette campagne a eu un important impact et plus d’un an plus tard les gens en parlent toujours. Le mouvement continue et Socialist Alternative à Minneapolis s’implique activement avec d’autres groupes dans une campagne pour le contrôle des loyers.

  • Etats-Unis. La vague démocrate socialiste

    La victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez à la primaire démocrate pour les élections américaines de la Chambre des représentants en juillet dernier a mis le socialisme démocratique sous les feux de la rampe. Ocasio-Cortez, membre des Democratic Socialists of America (DSA), a battu Joe Crowley, l’un des leaders de l’establishment démocrate à la Chambre, en remportant le vote avec le score étonnant de 57,5%. Son immense popularité à l’échelle nationale et son affiliation aux DSA a également stimulé l’intérêt pour le socialisme démocratique.

    L’écho suscité par Ocasio-Cortez auprès d’un large éventail de gens ordinaires à New York et dans tout le pays est motivé par l’engagement de sa campagne en faveur de revendications audacieuses – semblables à celles soulevées par Bernie Sanders en 2016 – y compris l’assurance-maladie pour tous, l’abolition de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement,agence fédérale de police aux frontières), l’enseignement supérieur gratuit et des logements abordables.

    La réalisation de ces revendications représenterait un grand pas en avant pour les travailleurs, mais cela exigera d’élire des représentants sans peur qui refusent l’argent des entreprises et sont la voix du mouvement de masse dans la rue. L’une des premières percées de l’actuel virage à gauche des grandes zones urbaines a eu lieu à Seattle. Dans cette ville, l’élection de Kshama Sawant, membre de Socialist Alternativeau, au conseil de la ville a ouvert la voie à la victoire de la campagne populaire ‘‘15 Now’’ en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, qui a arraché l’instauration du premier salaire minimum de 15 dollars de l’heure à l’échelle d’une ville dans le pays.

    La victoire d’Ocasio-Cortez et la formidable croissance d’un climat de protestation plus large dans la société démontrent le potentiel croissant pour le développement des mouvements de masse. Selon un sondage du Washington Post, un Américain sur cinq a participé à une manifestation ou à un rassemblement politique depuis 2016. Des millions de personnes ont déferlé dans les rues dans le cadre des marches des femmes, des récentes manifestations contre les politiques anti-migration de Trump, du mouvement de la jeunesse contre la violence armée ou encore en soutien des grèves des enseignants dans une série d’États cette année.

    Notre vision du socialisme démocratique

    Ocasio-Cortez souligne à juste titre que l’incroyable richesse de notre société devrait servir à satisfaire les besoins fondamentaux des gens, y compris les soins de santé, l’accès à de la nourriture de qualité et le logement. Une société socialiste démocratique fournirait un enseignement gratuit, une couverture de soins de santé universelle et des logements abordables pour répondre aux besoins de la grande majorité de la population.

    Mais une société socialiste irait beaucoup plus loin et prendrait des mesures décisives pour éliminer la pauvreté, la guerre, la ségrégation raciale et le sexisme structurel du capitalisme. Elle reconstruirait notre infrastructure sur base de l’énergie renouvelable. Pour y parvenir, les travailleurs ont besoin de disposer du contrôle total des leviers du pouvoir dans la société, ce qui nous permettrait de construire démocratiquement un monde meilleur pour tous. Au lieu de laisser les grandes entreprises régner sur toute la politique et l’économie, nous devons assurer que les banques et les grandes entreprises deviennent propriétés publiques.

    Dans plusieurs entrevues, M. Ocasio-Cortez a cité comme modèle des pays sociaux-démocrates comme la Norvège et la Suède. Cependant, bon nombre de réformes sociales obtenues dans ces pays, comme les soins de santé universels, ont été érodées et réduites à néant. Dans le monde entier, les intérêts des entreprises cherchent à rentabiliser les soins de santé en privatisant les systèmes de santé publique. La réalité est que le capitalisme a continué à dominer ces sociétés, même sous l’État-providence. Sous le capitalisme, toutes les conquêtes sociales sont temporaires et peuvent être retirées.

    Que nous faut-il pour vaincre ?

    Pour mobiliser suffisamment de forces afin d’ébranler les fondations de ce système pourri, nous devons construire une force politique représentant les intérêts des travailleurs, une force politique indépendante des intérêts des entreprises, liée à un mouvement de masse conséquent sur les lieux de travail, les campus universitaires et dans la rue. Dans les années 1960 et 1970, des mouvements sociaux explosifs ont remporté d’importantes victoires sous le régime réactionnaire de Nixon, y compris le droit à l’avortement, la protection des droits civiques et la fin de la guerre du Vietnam.
    L’incapacité de la gauche à rassembler ces luttes et à leur donner une expression politique claire au travers d’un nouveau parti de masse a ouvert la voie à l’affaiblissement progressif de ces mouvements et explique leur incapacité à plus décisivement défié l’establishment et le capitalisme lui-même. Nombre des victoires remportées à cette époque, y compris le droit à l’avortement, n’ont cessé d’être mises sous pression depuis lors.

    Ce qu’il nous faut aujourd’hui

    La riposte sociale actuellement en développement offre le même potentiel. Nos luttes doivent être canalisées vers la formation de nouvelles organisations de masse. La victoire d’Ocasio Cortez a renforcé la volonté d’utiliser le Parti démocrate comme véhicule pour développer le défi du socialisme. Mais plus ce défi se développe, plus il se heurtera au contrôle des entreprises au sein de ce parti. L’essentiel, à l’heure actuelle, est de mobiliser les forces les plus larges possibles pour lutter en faveur de la plate-forme d’Ocasio Cortez. La lutte ne fera que devenir plus intense à mesure que d’autres socialistes démocratiques autoproclamés gagneront des élections cet automne.

    Le pouvoir de gagner un monde meilleur pour tous repose entre les mains des millions de travailleurs et de jeunes qui ont déjà commencé à passer à l’action et qui ont le pouvoir de mettre une fois pour toutes fin à ce système oppressif et exploiteur.

  • Nomination du juge Kavanaugh aux USA : le droit à l’avortement gravement menacé

    Depuis la victoire de Trump aux élections présidentielles de 2016, les attaques sur les droits des femmes sont constantes ; surtout dans les états dits « républicains ». Mais des centaines de restrictions ont déjà été passées concernant les droits reproductifs par les gouvernements des différents États au cours des cinq dernières années. Dans de nombreux États, l’avortement est de plus en plus inaccessible, en particulier pour les femmes pauvres.

    Socialist Alternative

    La crise économique et sociale aux Etats-Unis ne fait que s’aggraver et cette attaque idéologique sur les femmes est la réflexion d’une grande instabilité. Cela a été notamment discuté lors de l’école d’été du CIO de cette année (une semaine de discussions intenses de membres des sections sœurs du PSL dans divers pays) ; lors de la commission sur le droit à l’avortement en Irlande et ailleurs.

    Le départ à la retraite du juge de la Cour suprême Anthony Kennedy donne à Trump et aux républicains une occasion en or d’atteindre un objectif de longue date : consolider le contrôle conservateur de la Cour, et si possible, en finir avec Roe V. Wade (décision rendue en 1973 par la Cour suprême des États-Unis sur l’accès à l’avortement).

    Pour être clair, Kennedy s’est toujours rangé du côté de la droite, y compris ces dernières semaines, en attaquant les droits des travailleurs, le droit de vote et même en restreignant les droits à l’avortement. Mais il a aussi été central dans la décision favorable sur le mariage égalitaire ; et il y avait des limites à ce qu’il pouvait faire pour s’attaquer aux droits des femmes. Le candidat de Trump, Brett Kavanaugh, a été choisi précisément parce qu’il est clair qu’il peut compter sur lui pour défendre encore plus systématiquement les intérêts des entreprises et s’attaquer aux droits des femmes, des LGBTQI+, des travailleurs, des immigrants et des Noirs.µ

    Si Kavanaugh est nommé à la Cour suprême, l’atteinte aux droits en matière de procréation s’intensifiera. Dans le cadre de l’alliance de Trump avec la droite chrétienne, il a l’intention de nommer des juges qui auraient pour but de renverser Roe v. Wade. Cette décision de la Cour suprême, qui a légalisé l’avortement dans les 50 États, a constitué un gain décisif du mouvement de masse des femmes des années 60 et 70.µ

    Un nouveau sondage Quinnipiac montre que 63% des Américains veulent garder Roe v. Wade alors que seulement 31% veulent le supprimer.µ

    Aujourd’hui, un nouveau mouvement des femmes est en train de naître aux États-Unis et dans le monde entier, qui cherche à éliminer tous les obstacles structurels à l’égalité des femmes. Aux États-Unis, nous avons vu les marches historiques des femmes en 2017 et 2018, déclenchées par la misogynie de Trump et la révolte #MeToo contre les agressions sexuelles et le harcèlement.

    L’expérience récente du mouvement victorieux pour abroger des lois anti-avortement en Irlande et en Argentine démontre le type de pression qu’il faut exercer sur l’establishment politique pour obtenir des gains réels. Cela montre aussi la nécessité d’un mouvement radical de femmes qui est politiquement indépendant de l’establishment et centré sur les intérêts des femmes de la classe des travailleurs.
    Alors que les républicains ont été le fer de lance des attaques, l’approche défensive des démocrates en matière de droits reproductifs n’a pas réussi à endiguer l’assaut qui dure depuis des décennies. La tâche de notre section sœur aux USA (Socialist Alternative) n’est pas seulement de défendre Roe V. Wade, mais aussi de regagner le terrain qui a été perdu et de lutter pour étendre les droits en matière de reproduction.

    À quoi ressemble la résistance ?

    Les dirigeants du Parti démocrate disent qu’ils résisteront à la nomination de Kavanaugh. Mais il n’est même pas clair que tous les sénateurs démocrates voteront contre lui. Les dirigeants démocrates ont très peur d’une lutte sociale sérieuse qui va à l’encontre des intérêts de leurs bailleurs de fonds. Mais c’est exactement ce qu’il faut pour lutter contre cette nomination et contre toute menace de renverser Roe V. Wade ou d’autres attaques réactionnaires de la Cour suprême.

    Malheureusement, les démocrates n’ont que peu d’expérience en matière de défense des personnes confrontées aux attaques brutales des républicains. Cette année encore, ils ont vendu les « Dreamers » qui risquent d’être expulsés si le programme DACA prend fin (Deferred Action for Childhood Arrivals est une sorte d’accompagnement administratif dont le but est de protéger les jeunes immigrants admissibles qui sont venus aux États-Unis lorsqu’ils étaient enfants contre l’expulsion et de leur fournir des permis de travail).

    Une blessure à l’un(e) est une blessure à tous et toutes ! Des mobilisations de masse de toutes les couches de la population (en réalité la grande majorité) qui sont dans la ligne de mire de cette cabale réactionnaire sont nécessaires ! La construction d’un mouvement de masse soutenu de tous les opprimés souligne la nécessité d’une nouvelle société basée sur la fin de la domination des entreprises, une société socialiste démocratique.

    Les revendications de Socialist Alternative :

    • Manifestations massives pour s’opposer à Kavanaugh et à la menace qui pèse sur Roe v. Wade ;
    • Défendre et étendre les droits reproductifs ;
    • L’assurance-maladie pour tous ;
    • Pour un salaire minimum fédéral de 15 $ ;
    • Taxer les riches pour construire des logements abordables et inverser les coupes dans l’éducation et les services sociaux ;
    • Inverser toutes les mesures antisyndicales ;
    • Construire un nouveau parti politique qui représente les intérêts des travailleurs et de tous les opprimés.
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