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Tag: États-Unis
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Malgré le sabotage de l’establishment, Sanders remporte le vote populaire en Iowa

Par Tom Crean and Keely Mullen, Socialist Alternative
Bien que nous n’ayons pas encore le résultat complet des caucus de l’Iowa, il est clair que Bernie Sanders a remporté le vote populaire. L’armée de Bernie se dirige maintenant vers le New Hampshire, le Nevada et la Caroline du Sud, où il pourrait gagner ou arriver en deuxième position. Cela le mettra en bonne position pour le Super Mardi du 3 mars, lorsque 14 États voteront en même temps et que la plus grande partie des délégués sera attribuée. Sanders est actuellement en tête des sondages dans le plus grand de tous, la Californie. Autre signe de l’élan dont profite Sanders, les sondages de sortie des urnes dans l’Iowa ont montré que 43 % des personnes de couleur ont voté en sa faveur.
Ce que ce moment révèle de façon frappante, c’est le défi que les travailleurs et les jeunes de ce pays doivent relever pour tenter d’obtenir un véritable changement : vaincre un système politique dysfonctionnel et truqué, dominé par les intérêts des grandes entreprises. Le caucus de l’Iowa a sombré dans le chaos et la farce alors qu’a échoué une application créée par des personnes entretenant des liens étroits avec l’establishment démocrate, y compris des proches de Clinton. Puis, pour aggraver la situation, le Comité national démocrate, un organe qui n’essaie même pas de cacher ses positions anti-Sanders, a pris en charge le processus de tabulation du vote mardi soir.
Ce moment d’incompétence et d’ingérence de l’establishment survient à la veille de l’acquittement de Trump dans le “procès” du processus de mise en accusation du Sénat. Comme nous l’avions prévenu dès le début, l’accent mis par les démocrates sur l’appel téléphonique de l’Ukraine et non sur les véritables crimes de Trump – contre les travailleurs, les pauvres, les migrants, les femmes et l’environnement – risquait de rater le but. C’est exactement ce qui s’est produit. Il n’a pas été condamné et sa popularité est au plus haut niveau depuis son entrée en fonction !
La direction du Parti démocrate est pathétique. Leur incompétence dans l’Iowa fait la une des journaux tandis que Trump se pavane avec son discours sur l’état de l’Union. Pendant ce temps, tout ce que la Démocrate Nancy Pelosi peut offrir à des millions d’Américains enragés, c’est du théâtre, en déchirant sa copie du discours du président.
Mais si les démocrates disent vouloir se débarrasser de Trump, leur véritable priorité est de stopper le mouvement autour de Sanders, le candidat qui a précisément le plus de chances de vaincre Trump ! Ils crient à l’”unité” et au “vote démocrate, peu importe qui” tout en sabotant Sanders et en préparant toutes sortes de sales coups au nom de leurs maîtres : la classe dirigeante qui craint par-dessus tout l’émergence d’une force politique reposant sur la classe ouvrière.
La panique de l’establishment
Le tout premier caucus des primaires de 2020 s’est tenu à Ottumwa, dans l’Iowa, où 14 des 15 participants au caucus ont voté pour Bernie. La grande majorité d’entre eux sont des migrants éthiopiens qui travaillent chez JBS Pork, une usine de porc où les bénévoles de Bernie se sont installés entre minuit et 2 heures du matin pour y discuter avec les travailleurs pendant le changement d’équipe. Chris Laursen, représentant syndical des travailleurs de JBS Pork, a déclaré : “C’est ce qui fait la particularité de la campagne de Bernie. Ce n’est pas une campagne, c’est un mouvement. Bernie dispose littéralement d’une armée”.
C’est précisément ce qui terrifie le Parti démocrate et l’a plongé dans le chaos. Leur crainte n’est pas seulement due au fait que Bernie Sanders défend l’assurance maladie pour tous, le contrôle universel des loyers ou un New Deal vert. Ce n’est même pas parce qu’il se dit “socialiste démocratique”. C’est précisément à cause des millions d’Américains issus de la classe ouvrière déterminés à lutter à ses côtés pour un changement radical. Ils ont peur du million de personnes qui s’est engagée comme volontaire pour sa campagne et des milliers de personnes qui sont venues de tout le pays dans l’Iowa pour construire le mouvement derrière Bernie.
En réponse à cela, les dirigeants du parti discutent de la modification des règles de la Convention nationale démocrate afin de réintroduire la prééminence des superdélégués. Les superdélégués sont des initiés et des élus autoproclamés du parti qui ont joué un rôle important pour faire pencher la balance vers Hillary Clinton en 2016. Ce sont des délégués “non engagés” qui peuvent voter à la Convention nationale du parti démocrate en faveur du candidat de leur choix. Historiquement, ils se sont presque toujours entièrement alignés derrière le choix de l’establishment. En 2018, les règles de la Convention ont été modifiées de sorte que les superdélégués ne peuvent plus voter au premier tour et que leur vote n’est déclenché que s’il n’y a pas de vainqueur incontestable. Les dirigeants du parti démocrate ont discuté ces dernières semaines de la suppression de cette règle et de la possibilité pour les superdélégués de voter à nouveau au premier tour. Don Fowler, un ancien président du Comité national démocrate, a lui-même admis que cela créerait “le combat le plus salutaire que vous ayez jamais vu à une convention démocrate”.
La direction et l’appareil du parti sont prêts à utiliser les mêmes sales tours qu’en 2016 et probablement bien pire pour refuser la nomination de Bernie. Leurs manœuvres en 2016, qui ont permis à la candidate pro-entreprises Hillary Clinton d’obtenir l’investiture, ont finalement ouvert la voie à la victoire de Trump et le danger d’une répétition en 2020 est clairement présent.
Biden fait flop…La direction du Parti démocrate a perdu le contrôle de la situation. Comme nous l’avons écrit depuis le début de la bataille des primaires démocrates, l’establishment n’a pas réussi à trouver un candidat de consensus pour se rallier comme il l’a fait avec Hillary Clinton en 2016. Joe Biden a réussi à mobiliser la nostalgie de l’époque d’Obama et sa politique de “pragmatisme” pour soutenir sa campagne et maintenir son statut de premier plan pendant des mois, mais ses résultats dans l’Iowa ont permis de lever le voile sur l’énigme à laquelle sont confrontées les élites du parti.
Joe Biden va arriver en quatrième position et pourrait même ne pas atteindre le seuil de 15 % requis pour obtenir de véritables délégués à la convention. L’argument colporté par les médias dominants selon lequel Biden est le candidat le plus susceptible d’être élu dans la course s’effondre.
Pendant ce temps, Pete Buttigieg est arrivé en deuxième position lors du vote populaire. Il a été qualifié du titre de “MaireTricheur” après avoir déclaré prématurément sa victoire mardi soir avec 0% des voix comptées. Malgré sa deuxième place, Buttigieg devra encore se battre pour devenir le favori de l’establishment. Il sera presque certainement confronté à une défaite écrasante dans de nombreuses primaires à venir, y compris en Caroline du Sud où il n’a pas réussi à gagner à lui les électeurs noirs, et ce problème ne fera probablement que s’aggraver au fur et à mesure du déroulement du processus des primaires.
Le fiasco de Biden et le manque de soutien de Buttigieg parmi une grande partie de la base électorale du Parti démocrate constituent un véritable défi pour l’establishment du parti qui cherche désespérément à se rallier autour d’un candidat capable de vaincre non pas Trump, mais Sanders.
Un Parti démocrate pas très démocratique…
Aujourd’hui, des millions de partisans de Bernie sont furieux contre ce qui est au mieux l’incompétence du Parti démocrate et au pire un sabotage pur et simple. Les événements totalement antidémocratiques qui ont entouré le caucus de l’Iowa démontrent le type de transactions opaques et louches auxquelles nous serons confrontés de la part de la direction du Parti démocrate.
Alors que le parti intensifie sa tentative d’empêcher Bernie de devenir candidat, nous devons construire un mouvement encore plus puissant derrière sa campagne. Nous devons nous préparer à organiser des mobilisations de masse pour bloquer leurs manœuvres antidémocratiques, dont nous sommes certains qu’elles seront plus nombreuses.
Il est clair que nous devons sortir de l’étau du Parti démocrate et construire un nouveau parti politique doté de véritables structures démocratiques. Bernie est extrêmement bien placé pour initier une telle chose. Le point de départ devrait être une conférence des partisans de Sanders, en cas de victoire ou de défaite, après la Convention nationale démocrate, pour commencer à discuter de la formation d’un nouveau parti.
Il est encore très difficile de savoir si Sanders va lui-même s’impliquer dans ce projet, car il a déjà déclaré qu’il soutiendrait le candidat démocrate, quel qu’il soit. Nous demandons à Sanders de ne pas s’aligner derrière les démocrates capitalistes et en démobilisant ainsi ses partisans, mais plutôt de donner une impulsion aux millions d’entre nous qui soutiennent sa campagne. S’il ne prend pas les mesures nécessaires pour se séparer du Parti démocrate malgré leur opposition féroce à notre mouvement, ceux d’entre nous qui soutiennent sa vision d’une révolution politique devront le faire eux-mêmes.
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Pete Buttigieg : un faux progressiste

Comme l’a expliqué le stratège démocrate Brad Bannon au magazine Fortune : “Des gens comme Zuckerberg recherchent un nouveau candidat modéré et favorable aux affaires parce qu’ils ne pensent pas que Biden atteindra la ligne d’arrivée. Avec Buttigieg, ils ont trouvé un jeune candidat prometteur et attrayant”.
Article de Ty Moore, Socialist Alternative (USA). Cet article a été rédigé en décembre dernier.
Deux mois avant le caucus de l’Iowa, Pete Buttigieg était en tête des sondages dans cet Etat, selon la moyenne des sondages réalisée par RealClearPolitics.com. Ses partisans espèrent qu’une victoire dans l’Iowa et le New Hampshire, où il suit de près Sanders, propulsera le maire de South Bend (Indiana) en tête en détruisant l’argument central de l’ancien vice-président Joe Biden, celui du candidat le plus “éligible”. Buttigieg pourrait ainsi être élevé au rang de meilleur espoir du capitalisme américain contre Sanders et Trump.
Buttigieg a dépassé Biden de plusieurs millions de dollars dans la collecte de fonds, grâce à de petits dons en ligne et surtout grâce à Wall Street et Silicon Valley. Big Tech (les géants du web) a donné cinq fois plus à Buttigieg qu’à Biden. Cependant, il est encore incertain qu’il puisse détrôner Biden en tant que candidat favori de l’establishment capitaliste ou qu’il puisse battre Sanders et Warren dans les primaires démocrates.
Un candidat prétendument anti-establishment
“Je n’ai jamais fait partie de l’establishment de Washington”, a déclaré Buttigieg, dans le but d’instrumentaliser à son bénéfice le soutien apporté par John Kerry à Joe Biden début décembre. Buttigieg cultive une image d’outsider pragmatique et progressiste au profil qui remplit bon nombre de cases. En tant que maire d’une petite ville du Midwest, âgé de 37 ans et ayant fait ses études à Harvard, ses partisans l’ont présenté comme un candidat capable d’inspirer des jeunes comme Bernie et de vaincre Trump parmi les travailleurs blancs du centre du pays.
En septembre dernier, alors que je faisais du porte-à-porte pour la réélection de Kshama Sawant dans le quartier historiquement noir du Central District de Seattle, j’ai discuté avec un jeune partisan de 16 ans. “Alors, qui soutenez-vous pour être président”, a-t-il demandé. “Bernie”, ai-je dit, en ajoutant : “Comme Kshama, il se bat pour des choses comme l’imposition des riches pour financer des logements abordables et un Green New Deal. Il comprend que nous devons créer des mouvements de masse de gens ordinaires pour obtenir un réel changement”.
“J’aime bien Kshama, mais je pense que Bernie est trop vieux”, m’a-t-il dit. “Je soutiens Buttigieg.” Sa mère, une femme noire d’âge moyen qui m’avait invité à une conversation sur les élections locales, était visiblement ennuyée par l’interjection de son fils. “Il ne faut pas juger les gens sur leur âge”, a-t-elle répliqué.
Sanders conserve une avance significative dans les sondages sur Buttigieg, tant chez les jeunes que chez les Afro-Américains. Pourtant, la confusion règne au sujet de Buttigieg et, plus largement, au sujet des causes profondes des problèmes sociaux. Nous sommes à un moment politique où le mème “OK Boomer” se superpose sur des sondages qui montrent que 70% des jeunes « millenials » voteraient pour un socialiste.
Les stratèges plus flexibles du capitalisme américain espèrent que ces contradictions pourront être exploitées pour puiser cyniquement dans les ressentiments générationnels et autres appels superficiels à l’identité, afin de construire une coalition électorale gagnante pour un candidat totalement pro-business tel que Buttigieg. Parallèlement, quand Buttigieg fera l’objet d’un examen plus approfondi, les raisons pour lesquelles il est devenu la coqueluche de l’élite capitaliste repousseront de plus en plus des millions de travailleurs, de jeunes et d’électeurs progressistes.
Des politiques centristes
Buttigieg a déjà été contraint de dévoiler aux médias d’où provenaient certains fonds, de révéler l’identité de ses gros donateurs et de publier les noms de ses clients lorsqu’il travaillait pour McKinsey, une société de conseil secrète entretenant des liens étroits avec l’État sécuritaire américain, les dictatures à l’étranger et les grandes entreprises.
Dès que cela a été connu, #WallStreetPete et #RefundPete ont commencé à être des tendances. Beaucoup de ses premiers petits donateurs ont réalisé que ses prétentions progressistes étaient fausses et ont demandé d’être remboursés. Comme l’a dit un titre de Politico, “La gauche pulvérise Buttigieg” pour son rôle chez McKinsey, lorsqu’il a aidé à mettre en place des mesures d’austérité et des licenciements à la Poste américaine et à la Blue Cross Blue Shield Association (une assurance-maladie).
Dans une élection où Sanders en particulier, mais aussi Elizabeth Warren, ont imposé le débat sur ce à quoi doit ressembler une véritable politique progressiste, Buttigieg s’est soigneusement positionné comme candidat centriste favorable aux affaires, éloigné de quelques degrés seulement de Biden.
Dans une publicité télévisée attaquant la proposition populaire de Sanders pour un enseignement supérieur universel et gratuit, Buttigieg a déclaré : “Je ne veux faire que des promesses que je peux tenir”. Ce discours clarifie qu’il entend limiter son action à des politiques qui restent acceptables pour l’establishment capitaliste qui domine toujours le Congrès et la plupart des institutions politiques américaines. Sans être aveugle à cette réalité, Sanders lie à juste titre la gratuité des études et l’annulation des prêts étudiants, parmi ses autres revendications, à la nécessité de construire des mouvements de masse vers une révolution politique.
La proposition alternative de Buttigieg est de soumettre les étudiants à un examen de leurs moyens pour ne rendre l’enseignement gratuit que pour les familles gagnant moins de 100.000 dollars. À première vue, cela semble être une solution à la crise de l’endettement pour la plupart des étudiants issus de la classe ouvrière. Mais les Etats-Unis ne manquent pas de tests de moyens pour les prestations sociales, et le constat qui s’impose est qu’il s’agit à chaque fois d’un parcours d’obstacles bureaucratiques conçus intentionnellement afin de refuser le plus grand nombre possible de prestations. Il suffit de demander aux enseignants, aux travailleurs sociaux et aux autres personnes à qui l’on a promis l’annulation des prêts étudiants pour avoir accepté un emploi dans la fonction publique pour s’en rendre compte : les obstacles cachés intégrés au programme ont signifié qu’en dix ans, environ 99 % des demandes ont été refusées. Au contraire de la gratuité de l’enseignement, le projet de Buttigieg laisse intact le caractère inabordable de l’éducation qui profite aux vautours de la dette étudiante qui sévissent à Wall Street.
Les mêmes problèmes affectent le plan de Buttigieg dénommé “Medicare for All Who Want It” (les soins de santé pour ceux qui le souhaitent), essentiellement similaire au plan de Biden. Il s’articule autour d’une assurance publique qui ferait concurrence aux assurances privées. En laissant intact le système médical à but lucratif, ce plan ne ferait pas grand-chose pour remédier aux coûts exorbitants responsables du fait que les Américains dépensent deux fois plus pour leurs soins médicaux que la plupart des pays à système à payeur unique. Pourtant, même pour gagner cette réforme très limitée, il faudrait affronter le puissant secteur de l’assurance, ce à quoi Buttigieg n’a pas montré beaucoup d’appétit.
Le débat sur l’éligibilité
Les partisans de Biden et les médias s’en prennent à l’éligibilité de Buttigieg en pointant du doigt ses terribles chiffres d’intentions de vote parmi les Afro-Américains. Ces attaques ont un fondement réel. La contestation n’a pas manqué contre la manière dont le maire Pete Buttigieg et son chef de police ont traité le cas de l’officier de police blanc qui a abattu Eric Logan, un homme noir de 54 ans, à South Bend (Indiana). Buttigieg n’a pas réagi face à une violence policière à caractère raciste qui sévit depuis des années.
Plus récemment, Buggigieg a été critiqué pour avoir maladroitement comparé son expérience d’homosexuel à l’oppression dont sont victimes les Noirs. Alors qu’une véritable solidarité entre la classe ouvrière et les communautés opprimées devrait être saluée, la tentative cynique de Buttigieg d’exploiter son identité personnelle est tombée à plat car il continue, dans le même temps, à défendre la politique néo-libérale responsable du racisme systémique, de la pauvreté et de la violence policière dont souffrent les communautés noires.
Comme l’a écrit Keeanga-Yamahtta Taylor dans une carte blanche parue dans le New York Times : “La direction du Parti démocrate prêche régulièrement que la modération et le pragmatisme peuvent plaire aux démocrates “centristes” ainsi qu’aux républicains sceptiques à l’égard de M. Trump. Il est remarquable que cette stratégie ait encore des jambes après son échec spectaculaire pour Hillary Clinton en 2016 (…) Offrir des versions édulcorées de ce qui a fait la réputation de M. Sanders ne motivera pas ceux qui ne votent pas habituellement ou les électeurs en colère qui reculent devant le cynisme des politiciens calculateurs” (12/10/19).
C’est pourquoi les partisans de Buttigieg se trompent lourdement lorsqu’ils affirment que son identité de jeune vétéran homosexuel du Midwest suffira à inspirer et à faire participer la base de gauche des démocrates à la défaite de Trump. La plupart des jeunes électeurs – y compris une majorité de jeunes noirs et de femmes de moins de 45 ans – soutiennent Sanders parce qu’ils comprennent qu’il sera beaucoup plus facile de gagner un véritable changement avec un “organisateur en chef” des luttes sociales à la Maison Blanche plutôt qu’un autre faussaire progressiste qui doit sa carrière aux grandes entreprises.
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Le socialisme populaire aux USA

En 2016, le sénateur grisonnant et jusque-là relativement inconnu Bernie Sanders est soudainement devenu l’homme politique le plus populaire du pays, sans toutefois parvenir à devenir le candidat du Parti démocrate à la présidence. L’échec ne provenait pas d’un manque de soutien pour ses idées et propositions : il a obtenu une victoire dans 22 états avec 12 millions de votes. Mais sa campagne a été combattue et sabotée avec acharnement par l’establishment démocrate et par les médias dominants. Le système des primaires offre de nombreuses possibilités à la direction du Parti démocrate pour atteindre le résultat souhaité et tout avait été mis en œuvre pour une victoire de Clinton. Ce qui s’est terminé de façon dramatique puisqu’elle était ouvertement perçue comme partie intégrante de l’establishment politique tellement détesté. Trump a parfaitement joué cette carte et a fait ce que personne n’imaginait : devenir président.
En dépit de tous les obstacles : Bernie peut-il accéder à la présidence cette année ? En tout cas, il est le meilleur candidat pour faire barrage au second mandat de Trump.
Bernie doit saisir le momentum
Quand Trump a tweeté ‘‘Sanders le fou est premier’’ [dans les candidats aux primaires démocrates] à la mi-janvier, Bernie a répondu : ‘‘Ça signifie que tu vas perdre’’. Les sondages donnent à Bernie une bonne chance de remporter les premières primaires démocrates dans les Etats de l’Iowa (3 février) et du New Hampshire (11 février). Viennent ensuite le Nevada (22 février) et la Caroline du Sud (29 février). Et puis il y aura le Super Mardi, le 3 mars, lors duquel il y aura des votes dans 15 États.
Il y a quatre ans, Bernie a appelé à juste titre à une révolution politique contre la classe des milliardaires. Aujourd’hui, il continue sur la même voie. Le système américain est en faillite et Bernie a des propositions intéressantes en faveur des intérêts de la grande majorité et non des capitalistes.
40% de la population américaine est incapable de faire face à une dépense inattendue de 400 $, 60% ne peut pas faire face à une dépense inattendue de 1.000$. Les trois Américains les plus riches au monde ont autant de richesses que les 50% les plus pauvres (165 millions de personnes). Entre 2015 et 2017, l’espérance de vie des Américains a diminué trois années de suite. La dernière fois, c’était entre 1915 et 1917, il y a exactement 100 ans, à l’époque en raison de la grippe espagnole et de la première guerre mondiale. Aujourd’hui, cette baisse spectaculaire de la santé des Américains est due au système d’assurance privé, à la baisse du niveau de vie, aux décès dus à la drogue et à l’alcool ainsi qu’au suicide. La vie des citoyens américains est un combat quotidien fait d’incertitudes.
La campagne de Bernie est un soulagement dans le débat public. Mais sa campagne comporte aussi deux contradictions importantes. Le parti pour lequel il veut être candidat à la présidence, bien qu’il ait l’audience électorale la plus progressiste, est minutieusement contrôlé par l’establishment capitaliste. Il doit créer un parti au sein de ce parti, pour ainsi dire, afin de ne pas être écrasé par cet establishment. Il est fort probable qu’il ne remporte pas la bataille malgré le fait qu’il obtiendra le plus de voix. En fin de compte, un nouveau parti de la classe ouvrière est nécessaire.
En outre, il plaide à juste titre en faveur des soins de santé pour tous, préconise l’abolition des dettes d’études et la gratuité de l’enseignement. Il veut que tout le monde ait un revenu vivable et donc un salaire minimum de 15$ de l’heure. Il veut un Green New Deal pour les travailleurs. Tout cela ne peut être réalisé qu’en mettant définitivement fin au contrôle de la classe des milliardaires sur l’économie et en construisant une société socialiste. Comment réaliser cela dans la pratique ? Bernie reste vague à ce sujet.Bernie fait rêver les Américains qu’un avenir différent est possible. Il appelle la classe ouvrière à s’organiser. Le slogan de sa campagne est ‘‘Pas moi. Nous’’. Il popularise des idées socialistes, une telle campagne doit être soutenue. Plusieurs millions de personnes regardent celle-ci comme un exemple de campagne militante, qui se revendique ouvertement du socialisme, qui parle à l’esprit des victimes du capitalisme. Cela peut être une base pour construire un parti socialiste de masse aux États-Unis pour renverser le capitalisme. Un tel projet susciterait l’enthousiasme dans le monde entier.
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L’Iran entre guerre et soulèvement
Ce mois de janvier, les États-Unis et l’Iran apparaissaient résolument engagés sur la voie d’une guerre totale faisant suite à des années de tensions croissantes. Cette possibilité semble repoussée pour l’instant. En Iran, les tensions internes au pays constituent un élément clé derrière ce revirement. Une lettre ouverte des étudiants de l’université Amirkabir (polytechnique) de Téhéran, qui manifestent d’ailleurs depuis des mois contre la politique du gouvernement iranien, illustre que le régime ne peut pas considérer le soutien de la population comme acquis et qu’une sérieuse politisation a pris place au cours de ces dernières années. Ils expliquent : ‘‘Les évènements des deux derniers mois démontrent l’incompétence du régime en Iran, un régime dont la seule réponse à la crise est d’utiliser la force. Il est de notre devoir de diriger tous nos efforts tant contre un gouvernement oppresseur qu’envers un pouvoir impérialiste.’’Par Julien (Bruxelles)
L’Iran face à la colère sociale
La république islamique d’Iran a été frappée d’une série d’embargos quasiment dès sa fondation en 1979. Les premières sanctions imposées par les USA datent de 1984 et de nombreuses autres ont suivi, y compris de la part de l’Union européenne, tout particulièrement quand l’Iran a annoncé la reprise de ses recherches sur le nucléaire en 2005. En 2016, à la suite de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, une bonne partie des sanctions ont été levées. Les exportations de pétrole avaient directement doublé et les investisseurs étrangers (Renault, Peugeot, Total,…) ont profité de l’aubaine.
Le régime espérait redorer son image vis-à-vis d’une population où couvait le mécontentement. En 2009, un soulèvement de masse avait dénoncé la fraude électorale de l’élection présidentielle et, depuis lors, les conditions de vie n’avaient fait que se dégrader. Entre la levée des sanctions et 2017, la croissance économique du pays fut de 11,5 % mais, en retirant les ventes de pétroles, cette croissance n’était que de 3,3 % et la rente pétrolière est accaparée par l’élite iranienne. Selon les données officielles, 30% des jeunes sont sans emploi. Tout comme une couche grandissante de leurs aînés, ils rejettent le régime autoritaire et corrompu des mollahs.
Quand le président Hassan Rohnani a présenté un budget d’austérité en décembre 2017, la colère latente des masses a explosé : un large mouvement de manifestations et de grèves contre la vie chère a balayé le pays. Chose inédite jusque-là, les slogans n’attaquaient plus seulement le gouvernement, mais aussi le ‘‘Guide suprême’’ l’ayatollah Ali Khamenei (dont le poste est plus élevé que celui de président de la république islamique). La réaction du régime fut une sanglante répression.
En 2018, Trump a annoncé avec fracas le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et la restauration des sanctions états-uniennes. En Iran, la situation économique s’est soudainement détériorée. En 2019, l’économie a chuté de 8,5 à 9,5 % selon les estimations. Lorsque le régime a annoncé une augmentation du prix du carburant en novembre 2019, une nouvelle explosion eut lieu, alors que de vastes mobilisations sociales avaient lieu dans les pays voisins que sont l’Irak et le Liban.
Ce soulèvement était marqué par de nombreuses grèves dans les usines, parmi les enseignants ou encore parmi les chauffeurs routiers et a impliqué des jeunes ainsi que des travailleurs de différentes communautés (perses, arabes, kurdes,…). A nouveau, les slogans ne ciblaient plus seulement la présidence et le gouvernement, mais aussi le ‘‘Guide suprême’’. Les manifestants dénonçaient également d’autre part le coût du soutien de l’Iran à diverses milices et forces politiques chiites en Irak, en Syrie et ailleurs dans la région.
Le déclin de l’impérialisme US
Il est vrai que l’Iran a pris plus de poids dans la région, en profitant notamment de l’affaiblissement de l’impérialisme américain. Aujourd’hui, l’Iran exerce une influence majeure, sinon dominante, dans un grand nombre de pays voisins, tels que l’Irak, le Liban, la Syrie, le Yémen et la bande de Gaza palestinienne. C’est l’influence croissante de l’Iran qui a poussé l’administration Trump à une offensive mal calculée en se retirant en mai 2018 de l’accord nucléaire iranien ainsi qu’en imposant des sanctions, en dépit de l’opposition de ses alliés européens.
Quand, en septembre dernier, les raffineries Aramco ont été bombardées en Arabie Saoudite (ce qui a mis hors service plus de 5% de la production mondiale de pétrole), les USA et l’Arabie Saoudite ont montré du doigt le mouvement Houthi au Yemen et, derrière lui, l’Iran qui le finance. Cette dynamique a finalement conduit à l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad par une attaque américaine le 3 janvier dernier. Peu après, Trump a menacé de détruire ‘‘rapidement et durement’’ 52 sites en Iran, dont des sites culturels et de frapper les Iraniens ‘‘plus fort qu’ils ne l’ont jamais été’’.
Ces dernières années, dans la région, les conflits se caractérisaient par un aspect de ‘‘guerre par procuration’’ dans lesquels les puissances impérialistes ne rentraient pas directement en conflit les unes avec les autres. Trump n’a peut-être pas initié de guerre officielle avec l’Iran mais en ordonnant l’assassinat de Soleilmani, il ouvre la voie à des conflits plus conséquents à l’avenir.
Les autorités iraniennes espéraient mettre à profit le risque d’une guerre avec les États-Unis pour ressouder la population autour d’elle. Cette dynamique a rapidement été enrayée par les mensonges du régime au sujet du crash du vol 752 Ukraine International Airlines, abattu par erreur par les Gardiens de la révolution ; ce qui a entraîné la mort de 176 passagers et membres d’équipage, majoritairement iraniens ou d’origine iranienne. Une nouvelle vague de manifestations a alors eu lieu, à partir de 4 universités de la capitale. Le lendemain, une veillée en mémoire des victimes du crash s’est transformée en manifestation anti-gouvernementale. Le régime iranien est bien conscient qu’avec une guerre, son règne ne sera pas seulement menacé de l’extérieur du pays.
Quelle issue ?
Aujourd’hui, 73% de la population iranienne habite en ville et la classe ouvrière iranienne bénéficie d’un impressionnant héritage de luttes. En 1979, elle fut l’artisan du renversement de la monarchie iranienne. Pendant un temps, il était possible que les travailleurs prennent le pouvoir. Ils contrôlaient les usines et les entreprises au moyen de comités de base démocratiques et désarmaient les forces contre-révolutionnaires. Hélas, ce mouvement ne disposait pas d’une stratégie audacieuse pour prendre le pouvoir. Face aux hésitations et en l’absence d’initiatives décisives de la part des travailleurs, l’ayatollah Khomeini, revenu d’exil, a tiré profit de son profil d’exilé politique pour mobiliser les masses et endiguer le processus révolutionnaire en cours. Dans les faits, il a volé la révolution aux travailleurs. Même s’il a dû accorder d’importantes concessions sociales (gratuité des médicaments et des transports, annulation des factures d’eau et électricité,…), l’Islam politique de droite imposé par Khomeini a par la suite fait assassiner ou emprisonner des milliers de syndicalistes et de dirigeants de gauche pour consolider sa position.
La classe ouvrière iranienne reste objectivement la clé de toute révolution réussie en Iran aujourd’hui. La tâche immédiate du mouvement est de s’élargir et de s’organiser au niveau local, régional et national autour d’un programme pour renverser le régime capitaliste religieux des Mollahs et prendre le contrôle de l’économie. Au cours des luttes de ces dernières années, des structures syndicales et des comités étudiants se sont développés. La dictature est consciente du danger et n’a pas hésité à couper internet lors des mobilisations de novembre pour empêcher l’organisation du mouvement. A terme, la seule issue pour les masses en Iran sera de convoquer une assemblée constituante révolutionnaire pour un Iran démocratique et socialiste qui garantirait les libertés individuelles et l’égalité des droits de toutes les minorités opprimées.
Un appel à la solidarité internationale lancé par les jeunes et les travailleurs en Iran est une tâche fondamentale pour en finir avec la misère capitaliste et les menaces de guerre. A destination des peuples en lutte dans la région qui connaissent une même haine de l’impérialisme et de la corruption des élites bien entendu, mais aussi envers les jeunes et les travailleurs aux États-Unis. Ce que craignent le plus les gouvernements au Moyen-Orient et ailleurs, c’est que la résistance se renforce et se développe par-delà les frontières.
Partout dans le monde, nous devons nous atteler aux premiers pas de la construction d’un large mouvement anti-guerre international, tout particulièrement aux USA. Là-bas, la campagne de Bernie Sanders bénéfice d’un écho et d’un soutien grandissant. Son opposition aux aventures militaires américaines a notamment suscité un grand enthousiasme parmi ses partisans et au-delà.
• Non à l’intervention impérialiste au Moyen-Orient, pour le retrait des troupes américaines, françaises, britanniques, russes et de tous les autres pays étrangers de la région et pour la non-intervention des gouvernements nationaux dans les affaires des voisins ;
• Soutien total aux mouvements de protestation en Irak, en Iran, au Liban et ailleurs dans leurs luttes contre la pauvreté, la corruption et la division communautaire ;
• Pour la construction d’un mouvement anti-guerre de masse aux USA et internationalement ;
• Pour l’unité des travailleurs et des jeunes de toute la région afin de faire tomber les gouvernements pro-capitalistes, qui reposent sur la division et le conflit ethniques et les encouragent, et leur rempla-cement par des gouvernements des travailleurs véritablement démocratiques avec un programme socialiste pour mettre fin à la pauvreté, à la corruption et au régime autoritaire – pour une Fédération socialiste démocratique du Moyen-Orient. -
Iran. Première action anti-guerre à Bruxelles
La menace d’une nouvelle escalade et d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient suscite craintes, mais aussi indignation et protestation. A Bruxelles, une première action a eu lieu devant l’ambassade américaine ce dimanche après-midi en presence de militants pacifistes, mais aussi d’organisations politiques comme le PSL ou le PTB. Parmi les participantes et participants se trouvaient également des personnes d’origine iranienne.
Ces dernières années, les interventions impérialistes au Moyen-Orient ont fait des ravages, entrainant des situations désespérées pour de larges pans de la population. Les impressionnantes mobilisations sociales contre la pauvreté, le chômage, la corruption et la division communautaire au cours de ces derniers mois au Liban, en Irak, en Iran et ailleurs en sont l’expression. Une escalade du conflit entre les Etats-Unis et l’Iran, que ce soit ou non par le biais de marionnettes, représentera un obstacle à cette protestation sociale en augmentant le désespoir et en compliquant tous les éléments d’espoir reposant sur l’action collective.
Lors de l’action, plusieurs intervenants ont principalement insisté sur la condamnation des interventions de l’impérialisme américain et sur l’appel à la paix. Le PSL était également présent avec un tract dénonçant les interventions impérialistes, soutenant les mouvements sociaux, appelant à un mouvement anti-guerre massif et plaidant pour l’unité des travailleurs et des jeunes dans la lutte contre le système capitaliste qui entraine pauvreté, division et guerre.
Cette action était un premier pas important. Malheureusement, nous craignons que d’autres actions anti-guerre soient nécessaires. Commençons à les préparer dès maintenant !
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Assassinat de Soleimani – Trump rapproche la région de la guerre

Soleimani, Photo: Wikipedia Le journal libanais pro-Hezbollah “Al-Akhbar” titrait ce vendredi : “Le martyre de Soleimani : c’est la guerre !” Ce n’est qu’une des premières réactions de colère suite à l’attaque de nuit par des drones américains sur le convoi quittant l’aéroport international de Bagdad qui a tué le général iranien Qassem Soleimani et au moins six autres personnes, dont plusieurs commandants de milice qui avaient participé à la bataille contre Daesh. L’onde de choc s’est rapidement propagée dans le monde entier – le prix du pétrole a bondi de 4 % et le marché boursier américain a subi des pressions, les spéculateurs cherchant des “refuges” pour leur argent. Les termes “troisième guerre mondiale” et “Franz Ferdinand” ont fait leur apparition sur Twitter.
Par Rob Jones
Nous ne sommes pas, bien sûr, au bord d’une troisième guerre mondiale à la suite de cette action brutale et sans doute illégale de Donald Trump. Mais sa décision d’autoriser cet assassinat a sans aucun doute rendu la situation dans la région beaucoup plus dangereuse. Elle pourrait rapidement dégénérer en un conflit beaucoup plus grave. C’est ce qu’indique l’avertissement envoyé par le gouvernement américain aux citoyens américains en Irak de quitter le pays immédiatement, sans tenter de s’approcher de l’ambassade américaine. L’Iran et ses alliés, comme le Hezbollah au Liban, chercheront à attaquer des cibles américaines et alliées des Etats-Unis, y compris peut-être Israël ou l’Arabie saoudite. L’Iran a également démontré plus tôt cette année qu’il est capable de bloquer le trafic pétrolier dans le détroit d’Ormuz et de paralyser la production de pétrole saoudien. Le déclenchement d’un conflit plus grave dans la région pourrait avoir des conséquences majeures pour l’économie mondiale déjà confrontée à un ralentissement important. Pour les Américains ordinaires et d’autres innocents dans le monde entier, la conséquence à long terme est, bien entendu, la menace de nouvelles attaques terroristes.
L’assassinat de Soleimani est la dernière étape d’une offensive des Etats-Unis contre l’Iran qui a commencé par le retrait de Trump de l’accord nucléaire négocié sous Obama et qui a été suivi de sanctions dévastatrices. Les sanctions en elles-mêmes constituent un acte de guerre et le régime iranien a cherché à riposter, notamment en abattant un drone militaire américain et en utilisant les forces qu’il contrôle en Irak pour attaquer des bases avec les forces américaines. Cela reflète également la nécessité pour l’impérialisme américain de faire preuve de “fermeté” à la suite de son retrait bâclé du nord-est de la Syrie et des diverses attaques du régime iranien et de ses alliés.
La manière dont Trump a pris la décision de lancer l’attaque illustre le caractère “voyou” de son règne. Non seulement il a ignoré le Congrès, qui est censé sanctionner de telles actions, mais les rapports laissent entendre qu’il a à peine consulté ses propres conseillers. En effet, plutôt que de faire l’annonce lui-même, il a laissé cet honneur au Pentagone et s’est contenté de tweeter une image du drapeau américain. Si les Démocrates américains soulignent à juste titre que M. Trump tente peut-être de passer outre le processus de destitution, ils feraient bien de se rappeler qu’en 1998, le président Clinton a lancé une frappe aérienne d’urgence contre l’Irak au moment même où sa propre procédure de destitution était en cours.
Nous nous opposons au “droit” autoproclamé de l’impérialisme américain d’assassiner ses opposants. Aucun socialiste ne versera de larmes pour Qassem Soleimani. Il dirigeait la fameuse et brutale “force Quds” – les unités militaires du régime iranien utilisées pour les interventions à l’étranger – “atouts indéniables” qui auraient joué un grand rôle dans les conflits en Irak, en Syrie, au Yémen, à Gaza, au Liban et en Afghanistan. On lui attribue le mérite d’avoir joué un rôle clé dans la galvanisation des forces contre Daesh. Il n’a pas fait figure d’ami de la population ordinaire, il a plutôt joué un grand rôle en soutenant des régimes réactionnaires de la région. Lorsque des étudiants ont participé à des manifestations de masse à Téhéran en 1999, Soleimani a envoyé une lettre au président Khatami pour l’avertir que s’il ne sévissait pas contre les étudiants, Soleimani le ferait lui-même et organiserait en même temps un coup d’État militaire pour renverser Khatami. Les participants aux récentes manifestations en Irak pensent généralement que Soleimani n’a pas seulement poussé le gouvernement de Bagdad à adopter une ligne dure, mais qu’il a également poussé des milices à attaquer les manifestants. Des centaines de personnes ont été tuées et beaucoup d’autres blessées.
Mais cela ne justifie absolument pas l’assassinat du général et de son entourage. Nous ne devons pas non plus tomber dans le piège de répéter ce que certains porte-parole de Trump ont dit, à savoir que Soleimani est responsable de tous les problèmes de la région. Toute la région est victime d’une lutte brutale entre les différentes puissances impérialistes, y compris les puissances impérialistes régionales, pour le pouvoir et le contrôle des ressources naturelles. Il n’y a aucun principe en jeu, si ce n’est la tentative d’exploiter les richesses de la région aux dépens de la population ordinaire. Les alliances opportunes à un moment ou dans un pays, par exemple dans la lutte contre Daesh, ne valent pas dans les pays voisins. La première ville irakienne à résister à Daesh en 2014, Amerli, a été défendue par ce que le Los Angeles Times a décrit comme “un partenariat inhabituel de soldats irakiens et kurdes, de milices chiites soutenues par l’Iran et d’avions de guerre américains”. Les Etats-Unis étaient alors très heureux de travailler avec Soleimani.
La justification de Trump pour l’attaque est maintenant que Soleimani “représentait une menace imminente pour la vie des Américains” et qu’il “complotait pour tuer des citoyens américains”. Ceci fait suite à la déclaration qu’il a faite au début de la semaine après que des membres de la milice chiite, largement considérés comme défendus par Soleimani, aient envahi et occupé le complexe de l’ambassade américaine à Bagdad, sans perte de vie. Trump a averti que “l’Iran sera tenu pleinement responsable des vies perdues ou des dommages subis dans l’une de nos installations. Ils paieront un très GRAND PRIX ! Ce n’est pas un avertissement, c’est une menace. Bonne année !”
L’occupation de l’ambassade constitue un avertissement clair des dangers et des conséquences de l’intervention des différentes forces impérialistes dans la région. Depuis début octobre, l’Irak est sous l’emprise de protestations héroïques contre le manque d’emplois et de services publics, contre la corruption et contre le sectarisme religieux inscrit dans le système gouvernemental resté en place depuis la fin officielle de l’occupation américaine.
Les manifestants ont tourné le dos aux forces américaines et ont montré au grand jour leur haine des milices soutenues par l’Iran, qui ont été impliquées dans l’attaque des manifestants pour soutenir le gouvernement actuel dirigé par l’Iran. Ni les États-Unis ni l’Iran ne veulent la chute du gouvernement irakien, car cela ouvrira la voie à une réelle influence des gens ordinaires sur la façon dont ils sont gouvernés. Ces derniers événements vont mettre en colère les milices chiites réactionnaires, qui vont sans aucun doute intensifier leurs campagnes violentes dans toute la région.
L’Iran a lui aussi connu récemment la croissance d’une opposition de masse, déclenchée par l’augmentation des prix du carburant dans le contexte d’une économie souffrant d’une corruption massive et de sanctions imposées par les États-Unis. Comme en Irak, le régime a agi avec brutalité, en accusant l’opposition d’être “contre-révolutionnaire et dirigée par des forces ennemie étrangère à l’Iran ” et en attisant les sentiments anti-américains.
L’assassinat de Soleimani, s’il constitue un coup dur pour le régime iranien, agira également en faveur de son renforcement alors qu’il est confronté à une opposition de masse qui représente son plus grand défi interne depuis la Révolution de 1979. Il a été rapidement remplacé par le général de brigade des gardiens de la révolution islamique Esamil Ghaani, qui non seulement poursuivra mais intensifiera sans aucun doute le travail sanglant de Soleimani dans tout le Moyen-Orient. L’assassinat est utilisé par le régime de Téhéran pour intensifier sa propagande anti-américaine. Cela rend plus difficile la poursuite du mouvement de protestation dans cette région. L’Iran a déjà vu une vague de protestations scandant “Mort à l’Amérique” et portant des portraits de Soleimani – selon l’agence de presse iranienne – qui touche déjà Téhéran, Arak, Bojnourd, Hamedan, Hormozgan, Sanandaj, Semnan, Shiraz et Yazd.
La réaction des autres puissances impérialistes fut une réaction d’inquiétude et de prudence. La Chine a appelé les États-Unis à respecter la souveraineté irakienne. Le président français Macron a immédiatement téléphoné au président russe Poutine, les deux pays exprimant la nécessité de faire preuve de prudence et d’éviter une escalade du conflit en Iran. Israël, bien sûr, soutient l’action américaine, mais a dû renforcer ses mesures de sécurité en réponse. L’inquiétude des autres puissances est alimentée non pas par les droits humains ou politiques de ceux qui vivent dans la région, mais par la crainte que cette action ne fasse basculer la région dans une escalade dramatique de conflit ainsi qu’en raison des implications potentielles que cela aurait sur l’économie mondiale. Les puissances européennes craignent qu’en conséquence, le gouvernement irakien, qui a condamné l’attaque, applique sa décision d’expulser les 5.000 soldats américains encore présents dans le pays. Elles craignent que cela n’affaiblisse la lutte contre Daesh. Comprenant clairement les dangers, le Pentagone a envoyé 3500 soldats supplémentaires, déjà en route vers le Koweït, pour être déployés en Irak, en Syrie ou ailleurs.
Un commentateur a décrit cette attaque comme une dérogation à la nature habituelle de “guerre par procuration” des conflits dans cette partie du monde, en ce sens qu’il s’agissait d’un coup direct d’une grande puissance impérialiste sur une autre, bien que régionale. Malgré les tentatives du Congrès et même de certaines sections de l’armée américaine de tenir Trump en échec, ainsi que la réticence d’autres puissances à soutenir ses actions agressives, il est certain qu’il y aura une intensification des conflits entre les différentes parties engagées, bien qu’à ce stade, une guerre ouverte entre puissances ne soit pas probable. Néanmoins, ces conflits se transformeront en une confrontation ouverte entre troupes des différentes puissances – et pas seulement entre les États-Unis et l’Iran. La Russie a maintenant ouvert une base militaire en Syrie, à proximité d’une zone censée être sous protection américaine, tandis que la Turquie envoie des forces en Libye pour contrecarrer les actions des mercenaires russes.
Il y a deux façons de procéder. Soit les différentes puissances et les seigneurs de guerre gardent le contrôle et la situation dégénère encore plus, laissant la région dans une pauvreté croissante et un conflit inter-communautaire et inter-impérialiste continu tandis que le monde entier sera soumis à des actions terroristes encore plus nombreuses.
Ou bien l’autre force qui a fait fléchir ses muscles dans la région ces derniers mois – la classe ouvrière – peut intervenir pour empêcher que cela ne se produise. Les récents événements en Irak, en Iran, au Liban et ailleurs ont démontré le potentiel que la classe ouvrière a si elle est unie et agit de manière décisive, en refusant de s’appuyer sur l’une des puissances impérialistes – que ce soit les Etats-Unis ou l’Iran – pour mettre en avant sa propre position, indépendante et internationaliste.
- Non à l’intervention impérialiste au Moyen-Orient, pour le retrait des troupes américaines, françaises, britanniques, russes et de tous les autres pays étrangers de la région et pour la non-intervention des gouvernements nationaux dans les affaires des voisins ;
- Soutien total aux mouvements de protestation en Irak, en Iran, au Liban et ailleurs dans leurs luttes contre la pauvreté, la corruption et la division communautaire ;
- Pour la construction d’un mouvement anti-guerre de masse aux USA et internationalement ;
- Pour l’unité des travailleurs et des jeunes de toute la région afin de faire tomber les gouvernements pro-capitalistes, qui reposent sur la division et le conflit ethniques et les encouragent, et leur remplacement par des gouvernements des travailleurs véritablement démocratiques avec un programme socialiste pour mettre fin à la pauvreté, à la corruption et au régime autoritaire – pour une Fédération socialiste démocratique du Moyen-Orient.
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Bernie Sanders met la lutte des classes et le socialisme à l’ordre du jour
Ces derniers mois, les médias dominants n’ont cessé de dire que Bernie Sanders était inéligible, notamment à l’aide de sondages manipulés. Le caractère radical de son message, son âge et son état de santé, le moindre argument qui pouvait être exploité a été utilisé pour convaincre l’opinion publique qu’il était inutile de voter pour lui aux primaires du Parti démocrate.Par Bart Vandersteene
Mais sa campagne est là. D’autant plus qu’Alexandria Ocasio Cortez, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, trois des membres les plus populaires du Congrès ont exprimé leur soutien en sa faveur. Sanders a déjà amassé 4 millions de dollars de donations, soit plus que n’importe quel candidat dans cette phase de la campagne. Des artistes populaires comme Ariane Grande, Cardi B et Killer Mike le soutiennent publiquement. Pourtant, les commentateurs continuent de dire qu’il est inéligible, tout simplement parce que ses propositions et ses idées sont inacceptables pour l’establishment.
Elizabeth Warren est présentée comme une variante presque aussi progressiste de Sanders mais plus acceptable. Warren a elle-même dissipé les doutes: elle s’est décrite comme une ‘‘capitaliste jusqu’à l’os’’. Mais même ses propositions pour un capitalisme plus responsable vont beaucoup trop loin pour une grande partie de l’élite. Une bataille où Sanders et Warren sont les candidats les plus importants représente un cauchemar pour l’establishment du Parti démocrate. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nouveaux candidats se présentent, comme Patrick Deval, de l’entourage d’Obama.
Sanders s’oriente plus vers la gauche
Sanders mène une campagne plus radicale qu’en 2016. Cela reflète la radicalisation de millions de jeunes et de travailleurs qui a pris place ces dernières années. Depuis 2016, il y a eu le début d’un mouvement massif de femmes lancé par #MeToo ; des protestations massives de jeunes contre la violence par armes à feu et, plus récemment, contre le changement climatique. Et bien sûr également la plus importante vague de grèves de ces dernières décennies. Après la révolte des enseignants, d’autres secteurs sont entrés en lutte, dont celui de l’automobile.
Dans de récents discours, dont celui qui a lancé sa campagne le 19 octobre, Sanders a parlé de la façon dont sa présidence marquerait le début d’un ‘‘gouvernement de classe ouvrière’’ et qu’en tant que président, il serait ‘‘l’organisateur en chef’’. Non seulement il dit qu’il veut taxer les riches, mais il dit aussi que ‘‘les milliardaires ne devraient pas exister’’. Il s’est rendu à des meetings combattifs de même qu’à des piquets de grève de travailleurs partout dans le pays et a encouragé ses partisans à faire de même.
Dans son programme, Sanders préconise un système universel de soins de santé et un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Il revendique également une augmentation des salaires des enseignants et l’annulation de toutes les dettes des étudiants. Pour s’attaquer à la menace existentielle du changement climatique, Sanders, suivant l’exemple de la congressiste Alexandria Octavio Cortez, appelle à un New Deal vert audacieux capable de transformer l’économie en la détournant des combustibles fossiles. Bernie et AOC défendent à juste titre des investissements publics massifs pour une transition verte de l’économie. Cela pourrait créer des millions d’emplois, mais le secteur de l’énergie devrait alors devenir une propriété publique, ce qu’ils ne disent pas explicitement.
Sanders a fait des propositions courageuses pour abroger les lois antisyndicales et renforcer ainsi radicalement la position des travailleurs qui s’organisent contre l’élite du monde des affaires, dont le droit des travailleurs du secteur public de s’organiser et de négocier collectivement. Le droit de grève devrait être accordé aux fonctionnaires fédéraux et les grèves de solidarité seraient à nouveau autorisées. Sanders souligne à juste titre que le seul moyen d’obtenir ces revendications et d’autres encore est de construire un mouvement de masse.
Dans une récente interview, on a demandé à Sanders pourquoi il aurait plus de chances de battre Trump que Joe Biden. Il a répondu : ‘‘Pour vaincre Trump, il faudra une participation massive des électeurs. Pour que cela se produise, de nombreux jeunes, les pauvres et la classe ouvrière, doivent vouloir participer au processus politique. C’est pourquoi vous devez parler des problèmes que les Américains ordinaires trouvent importants et les motiver à voter.’’
Cela soulève une question cruciale pour Sanders. Les démocrates de l’establishment sont incapables de convaincre les gens qu’ils apporteront des changements significatifs. En 2016, il s’est révélé impossible à Hillary Clinton de se débarrasser de l’étiquette ‘‘Wall Street’’ qui lui collait à la peau. Elle a surtout pu obtenir des voix sous l’argument qu’elle n’était pas Trump.
En 2008, Barack Obama avait suscité de grandes espérances après les huit années de politique de droite de George Bush et les guerres désastreuses en Afghanistan et en Irak. Après 2008, les démocrates ont contrôlé à la fois la Chambre des représentants et le Sénat. Obama a pris ses fonctions dès le début de la crise économique mondiale. Il est vite devenu évident qu’il faisait partie de l’establishment politique et qu’il se concentrait sur le sauvetage des banques alors que des millions d’Américains ordinaires perdaient leur emploi et leur maison. Les démocrates qui avaient le plein contrôle de Washington n’ont presque rien fait pour aider les travailleurs. Au contraire, le fossé entre riches et pauvres s’est encore creusé. Cette expérience a posé les bases de l’essor du Tea Party et, finalement, de Trump.
Si Sanders remporte l’investiture démocrate, une grande partie du parti sabotera sa campagne. La classe dirigeante préfère quatre années supplémentaires avec un personnage instable comme Trump plutôt que d’accepter Sanders comme président. Elle est confiante que Warren peut être persuadée d’affaiblir ses propositions avec suffisamment de pression. Une victoire de Sanders inspirerait la classe ouvrière à se battre à un niveau jamais vu depuis les années 1970.Les limites de Sanders
En tant que marxistes, nous remarquons également que la politique de Sanders comporte un certain nombre de limites. Il veut réformer le capitalisme et en éliminer les pires aspects. Mais si l’on veut vraiment une société qui sert la majorité de la population, il faut retirer le pouvoir à la classe dirigeante. Ce pouvoir s’exprime dans la propriété des moyens de production par les capitalistes. Le capitalisme sans maximisation du profit est impossible. Sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production, il sera impossible de réaliser le programme de Sanders.
Lorsque Sanders a annoncé sa première candidature à la présidence en 2015, il s’est demandé s’il devait la poser en tant qu’indépendant ou en tant que démocrate. Les primaires démocrates lui ont donné une énorme plate-forme publique mais, en même temps, ce choix avait de sérieuses limites. La campagne de Sanders a été sabotée et bloquée de manière antidémocratique par le Comité national démocrate. Une fois de plus, Sanders doit faire face à un black-out des médias et l’establishment ne négligera aucun sale tour pour l’empêcher de gagner.
La campagne de Sanders et ses idées sont activement contestées par la direction du Parti démocrate. Ce dernier reste fermement sous le contrôle des milieux d’affaires. C’est pourquoi il serait préférable pour Sanders et AOC de lancer un nouveau parti.Si Sanders et ses millions de volontaires réussissent à surmonter tous les obstacles au cours des primaires, il aura besoin d’une organisation massive de membres – un parti au sein du parti dans les faits – pour le protéger du sabotage de l’establishment démocrate.
Mais s’il perd l’investiture, peut-être par manipulation et tricherie, Sanders devrait convoquer une conférence nationale de ses partisans. Cette conférence pourrait discuter de la poursuite de la campagne en tant que candidat indépendant. Cela pourrait constituer le début d’un nouveau parti de la classe ouvrière, un parti où l’on n’est pas contraint de livrer une bataille interne impossible pour disposer d’un programme de gauche.Il peut sembler que toutes les forces de gauche sont noyées dans le Parti démocrate. Mais la popularité croissante de Sanders en 2016, suivie de celle d’AOC et d’autres ‘‘socialistes démocrates’’ en 2018, indique une évolution importante de l’opinion publique. Les électeurs démocrates sont de plus en plus critiques à l’égard de la direction du parti, ils détestent même des membres de l’establishment démocrate et sont ouverts au genre de révolution politique que préconise Sanders.
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Seattle. Kshama Sawant contre l’homme le plus riche du monde

En 2013, un événement politique majeur voyait le jour à Seattle. Cette année-là, Kshama Sawant remportait un siège au conseil de ville de Seattle avec près de 100.000 voix, des années avant que la campagne de Bernie Sanders durant les primaires démocrates pour les élections présidentielles américaines ait attiré l’attention du monde et bien avant qu’Alexandria Ocasio-Cortez ne soit élue au Congrès comme étant la plus jeune députée socialiste. C’était la première fois depuis des décennies qu’une socialiste était élue dans une grande ville américaine.
Par Bart Vandersteene
Ces dernières années, les lecteurs de Lutte Socialiste ont pu suivre les succès et réalisations de Kshama Sawant et de son organisation, Socialist Alternative. Elle est actuellement engagée dans une campagne cruciale qui lui permettrait de disposer d’un troisième mandat. Le défi est de taille. Cette pionnière socialiste affronte toutes les grandes entreprises dont le siège est à Seattle. Parmi tous ces adversaires figure l’homme le plus riche au monde : Jeff Bezos, le dirigeant d’Amazon.
Une élue qui fait la différence
Le journaliste et essayiste John Nichols a récemment écrit : ‘‘Actuelle-ment, un nouveau genre de politique connait un essor et promet une Amérique nouvelle. Cette période est passionnante et a permis de mettre en avant des femmes remarquables pour porter ce renouveau politique à Washington DC. Mais il est important de se souvenir que cette politique s’est fait connaitre pour la première fois à Seattle, en 2013, avec l’élection de Kshama Sawant au conseil de ville. Elle a fièrement gagné son siège en tant que socialiste. Elle a ainsi pu défendre une politique tournée vers la justice économique, la justice sociale et la justice raciale. Kshama Sawant est et restera une ‘‘étoile polaire qui brille de Seattle vers tous les Etats-Unis.’’
En 2013, la campagne électorale de Kshama Sawant était articulée autour de la revendication d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure. Sa victoire électorale a permis à Seattle d’être la première grande ville où cette revendication fut appliquée. D’autres villes ont ensuite embrayé. Par la suite, Seattle a été le berceau de nombreuses autres victoires jugées jusque-là impossibles. Cela a permis aux travailleurs d’acquérir davantage de confiance, d’obtenir une voix à l’hôtel de ville et de compter sur un précieux pouvoir organisationnel autour de cette position et de Socialist Alternative. Des lois ont été instaurées pour mieux protéger les locataires, le ‘‘Columbus Day’’ (fête de l’arrivée de Christophe Colomb sur le continent) a été supprimé au profit d’une ‘‘journée des peuples autochtones’’, la construction d’un vaste et coûteux bunker de police a été bloquée, des fonds supplémentaires ont été alloués aux logements sociaux,…Crise du logement et ennemis puissants
Les deux milliardaires les plus riches au monde vivent à Seattle : Jeff Bezos (Amazon) et Bill Gates (Microsoft). Ensemble, ils représentent un actif d’environ 240 milliards de dollars, ce qui représente une somme suffisante pour que chaque être humain de cette terre puisse disposer de nourriture, d’eau potable et de soins de santé de base.
Seattle compte de nombreux riches mais le nombre de sans-abris y explose. Il y en aurait près de 12.500 dans la ville ! La plupart des quartiers comprennent des camps de tentes. Cela s’explique par la hausse des loyers et l’expulsion de plus en plus de travailleurs. Aucune autre ville du pays ne connait une pareille frénésie de construction immobilière. Les promoteurs tentent de transformer la ville en terrain de jeu pour les riches.
Dans cette campagne électorale, Socialist Alternative défend deux revendications importantes : le gel des loyers et une meilleure taxation des riches pour financer les logements sociaux. Comme il fallait s’y attendre, les riches n’aiment pas beaucoup. C’est pourquoi le camp d’en face dirige cette campagne depuis le siège d’Amazon. L’objectif est d’acheter un conseil de ville qui leur soit acquis.
En 2017, les milliardaires ont remporté une victoire avec le retrait de la ‘‘taxe Amazon’’. Kshama Sawant et Socialist Alternative menaient depuis des mois campagne pour mettre pression sur les autres conseillers afin qu’ils instaurent une nouvelle taxe sur les grandes entreprises en vue d’investir dans les logements sociaux. Jeff Bezos a alors utilisé son pouvoir économique et son travail de lobbying pour y mettre fin. La ‘‘taxe Amazon’’ a finalement été abolie parce qu’une grande majorité des conseillers a cédé à la pression. Bezos a été aidé par la maire Jenny Durkan, élue en 2017 grâce à un fonds électoral (PAC) de 350.000 dollars auquel Amazon a largement contribué. La suppression de la ‘‘taxe Amazon’’ renforce l’establishment qui souhaite maintenant mettre fin à la présence d’une socialiste au sein du conseil de ville.
Le premier tour remporté
Le premier tour des élections locale de Seattle a eu lieu en août. Au total, 7 conseillers doivent être élus : un par circonscription. Kshama Sawant est conseillère de la troisième circonscription depuis six ans. Au premier tour, tout le monde pouvait se porter candidat. L’élection décisive opposant les deux candidats ayant obtenu le plus de votes aura lieu le 5 novembre.
Kshama Sawant a remporté le premier tour du troisième district de manière convaincante. Six candidats s’y affrontaient et elle a recueilli 37% des voix. Son plus gros adversaire, le candidat d’Amazon Egan Orion a atteint seulement 21%.
Le 5 novembre, au sein de chaque circonscription un candidat plus progressiste affrontera un candidat clairement ‘‘pro-establishment’’ soutenu par la Chambre de commerce, les grandes entreprises et l’establishment politique. Le journal The Hill de Washington DC a décrit l’importance nationale que revêtent les élections de Seattle en ces termes : ‘‘Comme avant-goût du choix dont disposent les électeurs démocrates pour désigner leur candidat à la présidence, il y a la lutte acharnée à Seattle entre une politique favorable au business et une politique de gauche radicale.’’ (28/7/19). Kshama Sawant a expliqué dans un article du journal britannique The Guardian intitulé ‘‘Est-ce qu’Amazon prend revanche sur une socialiste de Seattle ?’’ que : ‘‘cette élection sera un référendum portant sur une question fondamentale : qui dirigera Seattle ? Les grandes entreprises comme Amazon accompagnées des grandes sociétés immobilières ou les travailleurs ?’’ (5/8/19).Les grandes entreprises ont déjà amassé un trésor de guerre d’un million et demi de dollars dans leur fonds électoral, les PAC. Des centaines de milliers de dollars s’ajouteront dans les semaines et les mois à venir afin de pouvoir manipuler les résultats à leur avantage.
Calvin Priest, le coordinateur de la campagne de Sawant a déclaré : ‘‘Amazon craint que la réélection de Kshama relance une mobilisation permettant de les taxer’’ et également que ‘‘la lutte pour geler les loyers et l’expansion massive des logements abordables appartenant au gouvernement sont au cœur de notre programme électoral. Ce faisant, nous touchons aux intérêts des grands promoteurs et du secteur immobilier. La demande croissante d’un New Deal vert pour les travailleurs de Seattle est âprement combattue par Puget Sound Energy, le plus grand pollueur de la région. Les grandes entreprises veulent un conseil de ville qui résiste à nos demandes populaires.’’
Le soir des élections, Kshama Sawant a mis en évidence la motivation politique et la détermination sans faille avec lesquelles la campagne se poursuivra en novembre : ‘‘La maire Jenny Durkan affirme que l’on n’a pas besoin de socialistes à l’Hôtel de ville. Nous ripostons en construisant le mouvement socialiste avec fierté et détermination. Nous expliquons clairement aux travailleurs que le capitalisme est incapable de résoudre la crise à laquelle ils sont confrontés, que ce soit au niveau de la catastrophe climatique ou de la crise du logement. Nous devons nous organiser afin de construire les forces du socialisme. J’espère vous voir tous ensemble dans la rue durant la campagne des prochains mois ! Disons clairement à Jeff Bezos que nous ne permettrons pas que Seattle soit une ville sur mesure pour les grandes entreprises. Quand on se bat, on gagne !’’
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Seattle. Kshama Sawant affrontera le candidat d’Amazon

Par Ty Moore, Socialist AlternativeLes candidats des grandes entreprises passent le premier tour dans les sept districts du conseil municipal de Seattle
Les premiers résultats du premier tour des élections du conseil municipal de Seattle aiguiseront considérablement les divisions de classe dans cette ville. Sous la direction d’Amazon, les grandes entreprises de Seattle mènent une campagne féroce pour vaincre tous les candidats qui ne sont pas fermement alignés sur la défense de leurs intérêts. Grâce à une injection record de fonds des PAC pro-entreprises (Political Action Commitee, comités d’action politique chargés de recueillir des fonds pendant les campagnes électorales américaines, NdT), les candidats soutenus par les entreprises sont parvenus à passer le premier tour dans les sept districts du conseil. Ils devront affronter des candidats plus progressistes lors de l’élection générale de novembre.
Mais la Chambre de commerce de Seattle, l’oeil de Sauron, se concentre tout particulièrement sur le District 3 pour vaincre la candidate sortante Kshama Sawant, comme le dit l’hebdomadaire influent de Seattle, The Stranger. La Chambre a déjà dépensé 245.000 $ pour soutenir Egan Orion, qui s’est classé deuxième aux premier tour du 6 août et affrontera Kshama aux élections générales. Au total, les PAC pro-entreprise ont amassé un trésor de guerre totalisant 1,5 million de dollars. Et ce n’est pas fini.
La campagne électorale de Seattle fait la une des médias nationaux. The Hill a récemment commenté : “Une lutte apparemment insoluble entre progressistes favorables aux affaires [?] et extrême gauche a consumé la politique de Seattle” 7/28/19). The Guardian a ensuite publié un article intitulé “Amazon prend sa revanche sur une socialiste de Seattle…”, qui cite Kshama Sawant : “Cette course et toutes les élections de la ville cette année sont un référendum portant sur une question fondamentale : qui va diriger Seattle ? Les grandes entreprises comme Amazon et les sociétés immobilières ou les travailleurs ?” (8/5/19).
Au cours du premier tour du District 3, qui comportait 6 candidats, les premiers résultats ont permis à Kshama Sawant de battre le candidat de la Chambre de Commerce Egan Orion de 9 points avec 33% contre 24%. Les quatre autres candidats ont tous été en dessous des 15%. Seuls 60 % environ des votes ont été comptés le soir du scrutin en raison du système de vote par correspondance de l’État de Washington. Le résultat total de Kshama augmentera probablement de quelques points de pourcentage au cours des deux prochaines semaines, à mesure que les votes tardifs arriveront, essentiellement issus de la classe travailleurs et des jeunes.
Dans le contexte de toutes les forces déployées contre notre campagne, 200 personnes ont accueilli les résultats de Kshama Sawant au Langston Hughes Performing Arts Institute, comme l’a relaté la première page du Seattle Times ce jeudi matin. En même temps, il était clair pour tous qu’un combat très difficile nous attend. Les résultats du District 3 constituent un signal d’alarme pour les travailleurs et la gauche. Remporter plus de 50% pour Kshama en novembre et bloquer les candidats soutenus par Amazon dans les autres districts exigera une lutte acharnée contre l’establishment politique et économique de Seattle.
Dans son reportage sur notre soirée électorale, KUOW a commenté : Sawant, membre du Conseil, a déclaré à ses partisans que si le monde des affaires était unifié pendant le premier tour, les syndicats étaient quelque peu divisés… Nous devons travailler à l’unité des candidats de gauche autour d’une stratégie de lutte”, a-t-elle dit. “S’unir autour d’une lutte pour le contrôle des loyers et le logement social, s’unir autour d’un mouvement pour un New Deal vert, et s’unir contre les PAC pro-entreprise.”
Nous saluons les succès remporté par Shaun Scott, candidat des Democratic Socialists of America (DSA) dans le district 4, et Tammy Morales, candidate progressiste dans le district 2. Morales a remporté 45% des suffrages en dépit des attaques du maire Durkan et des grandes entreprises. Scott a obtenu la deuxième place au premier tour avec 19% des voix et fait face à une bataille difficile contre Alex Pederson, candidat soutenu par Amazon, qui a remporté 45% des voix.
Le premier tour est généralement biaisé avec un pourcentage plus élevé d’électeurs plus riches et plus âgés, ces élections n’ont pas fait exception. Les quartiers riches du District 3 ont connu les taux de participation les plus élevés, avec une participation électorale beaucoup plus faible à Capital Hill et dans le District central où les locataires, les personnes de couleur et les résidents à faible revenu prédominent.
Le faible taux de participation électorale parmi la classe ouvrière, les pauvres et les communautés opprimées est un problème persistant qui fait partie intégrante du système politique américain. C’est l’une des raisons pour lesquelles les élections ne sont pas le terrain le plus favorable pour la classe ouvrière et la politique socialiste. Bien que la participation électorale à l’élection générale du 5 novembre sera probablement plus élevée, avec un plus grand nombre de locataires et de ménages de la classe ouvrière à l’écoute de la campagne, un énorme effort sera nécessaire pour mobiliser davantage de gens de la classe ouvrière aux urnes pour remporter le suffrage de novembre.
Jeff Bezos “prend sa revanche”
Alimentée par l’industrie technologique en plein essor, Seattle est devenue au cours de la dernière décennie la ville qui a connu la croissance la plus rapide des Etats-Unis. Les loyers augmentent encore plus vite. Seattle est aujourd’hui le marché locatif le plus cher du pays en dehors de la Californie. Les communautés ouvrières sont déplacées et chassées de la ville. C’est particulièrement vrai dans le district 3 de Kshama, où les locataires sont majoritaires. Les Noirs représentaient 73% du District Central en 1970, mais sous l’effet de l’embourgeoisement, le nombre total de résidents noirs a diminué des deux tiers depuis lors et la part de la population noire devrait chuter au-dessous de 10% dans le District Central d’ici 2025.
Le développement rapide de Seattle et l’augmentation spectaculaire des coûts déchirent les communautés et ont conduit à la plus grande population de sans-abris par habitant du pays. Les nombreux campements de tentes sont un contraste saisissant avec les grues de construction et les nouveaux immeubles de luxe étincelants qui dominent le paysage de Seattle.
The Hill a expliqué plus en détail : « Une tentative de payer une réponse à la crise [du logement] par une taxe sur les grandes entreprises a échoué l’année dernière lorsque le conseil a changé de position face à la vive opposition des entreprises… » Kshama a aidé à mener la lutte pour arracher la taxe sur Amazon et les grandes entreprises. Elle a été l’une des deux seuls à dire “non” lorsque la maire Jenny Durkan a obtenu l’abrogation honteuse de la taxe. La maire Durkan n’était entré en fonction que six mois plus tôt, après qu’Amazon l’eut aidée à acheter les élections avec une contribution de 350.000 $ issue d’un PAC.
« Après la lutte contre la taxe, Amazon et d’autres grandes entreprises ont versé des centaines de milliers de dollars à un comité d’action politique dirigé par la Chambre de commerce de la ville, et un ancien membre du conseil municipal a formé son propre PAC visant à encourager des démocrates plus favorables aux affaires », continue The Hill pour conclure : « Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos… prend sa revanche».
La véritable motivation des grandes entreprises est, comme toujours, de protéger leurs profits. Après près de six ans au pouvoir, les grandes entreprises connaissent bien le bilan de Kshama en matière de création de mouvements réussis pour remporter des victoires majeures face à leur opposition, depuis l’instauration du salaire minimum horaire de 15 $ jusqu’à la loi historique sur les droits des locataires.
« Amazon craint que la réélection de Kshama n’insuffle un nouveau souffle à un mouvement pour les taxer », explique le directeur politique de la campagne, Calvin Priest. « La lutte pour le contrôle des loyers et l’expansion massive des logements abordables publics, qui est au centre de notre campagne, fait peur aux grands promoteurs et à l’industrie immobilière. Puget Sound Energy, le plus grand pollueur de la région, s’oppose farouchement aux appels croissants en faveur d’un New Deal vert pour Seattle. Les grandes entreprises veulent un conseil municipal qui s’opposera fermement à ces revendications populaires.”
Une atmosphère anti-titulaire
Au cours des dernières élections au conseil municipal de Seattle, les électeurs ont exprimé leur mécontentement à l’égard des candidats démocrates au conseil élus avec le soutien des entreprises et qui promettaient des changements progressistes. Cette colère contre les démocrates pro-entreprise a également alimenté les victoires de Kshama en 2013 et 2015. Cependant, malgré les victoires importantes que nous avons remportées, l’échec complet du conseil municipal actuel à s’occuper de la crise du logement et du sans-abrisme alimente une forte atmosphère anti-titulaire, contre les élus déjà en poste.
Les grandes entreprises et les groupes de droite ont pu profiter de l’humiliante retournement de veste des libéraux du conseil concernant la « taxe Amazon », mais cela a davantage discrédité ces derniers. En dépit des désaccords ouverts de Kshama avec les membres du conseil et son vote contre l’abrogation de la taxe, les médias pro-entreprises sont en partie parvenus à compromettre Kshama avec le statu quo et la “débâcle de la taxe”, comme ils le disent. « Les électeurs de Seattle ont clairement le choix cet automne entre une nouvelle direction ou plus de la même chose », a déclaré Marilyn Strickland, présidente de la Chambre de Commerce de Seattle, dans une déclaration faisant suite au premier tour.
En même temps, la pression intense exercée par Amazon et les grandes entreprises dans cette campagne a révélé au grand jour les différences politiques très réelles qui existent entre le libéralisme dominant de la plupart des membres du conseil municipal de Seattle et les socialistes qui s’appuient sur la construction de mouvements sociaux. Les politiciens libéraux et certains dirigeants syndicaux ont été en colère quand Kshama a refusé de leur offrir un vernis de gauche en les accompagnant dans leur capitulation concernant la taxe Amazon et d’autres votes. Ils se sont joints aux grandes entreprises pour s’opposer à la réélection de Kshama Sawant.
Parmi les électeurs les moins informés, ces attaques contre Kshama Sawant lancées par les soi-disant progressistes et les dirigeants syndicaux ont clairement eu un impact. Ces attaques sont considérées par beaucoup d’électeurs comme des divisions et des dysfonctionnements “à gauche”. Elles ont aidé les médias et les politiciens du monde des affaires à renforcer le sentiment anti-titulaire. La plupart des titulaires ont simplement décidé de ne pas se présenter aux élections. Aucun des trois autres titulaires n’a obtenu plus de 50 % des suffrages au premier tour, un phénomène rare dans l’histoire politique de Seattle.
Bien que le premier tour ait également révélé de profondes divisions entre les sections les plus libérales et celles plus pro-entreprises de l’establishment politique de Seattle, beaucoup sont susceptibles de s’unir avec Amazon et la Chambre de commerce pour soutenir Orion contre Sawant lors des élections générales. Le décor est planté pour l’élection du conseil municipal la plus chère et la plus âprement disputée de mémoire d’homme, donnant une expression politique tranchante aux divisions de classe de plus en plus claires qui façonnent Seattle.
Le débat à gauche
Une grande majorité des travailleurs et des progressistes ne veulent pas d’un conseil municipal dominé par les grandes entreprises. En même temps, un débat majeur divise le mouvement ouvrier de Seattle et les militants progressistes sur la façon de faire face à cette menace.
Les socialistes ont toujours soutenu que, sous le capitalisme, la course aux profits des entreprises aggrave inévitablement les inégalités et les divisions de classe. Lorsque les travailleurs exigent des salaires plus élevés ou que les locataires exigent des loyers plus bas, cela menace les marges de profit de la classe capitaliste. Tout au long de l’histoire, chaque pas en avant pour la justice sociale a été franchi lorsque les travailleurs et les communautés opprimées ont reconnu que le seul moyen d’améliorer leur vie était de lutter contre l’élite capitaliste.
Bien que cette compréhension ait animé l’approche de Socialist Alternative à la politique de Seattle, la plupart des politiciens libéraux ainsi que de nombreux dirigeants syndicaux sont totalement opposés à cette stratégie de combat. Au premier tour, l’aile la plus libérale de l’establishment de Seattle craignait à juste titre que l’alliance ouverte d’Orion avec les grandes entreprises ne repousse de nombreux électeurs du district 3 qui avaient un esprit progressiste. Les membres du Conseil Teresa Mosqueda et Lorena Gonzalez ont énergiquement soutenu Zachary DeWolf, candidat qui s’est présenté comme progressiste.
« DeWolf a également obtenu le soutien des dirigeants syndicaux les plus conservateurs menacés par le soutien de Kshama aux voix de l’opposition à leurs bases », a déclaré Ian Burns, organisateur de Labor for Sawant. « Entre autres désaccords, son vote contre le contrat illégal du syndicat de la police réduisant la responsabilité de la police les a énervés. » Kshama est déjà soutenue par 15 syndicats et maintenant, avec la menace de la Chambre d’étendre sa domination à l’Hôtel de ville en novembre, « nous nous attendons à ce que la pression de la base conduise à plus de syndicats à nous soutenir » explique Burns « malgré l’hésitation de certains dirigeants ouvriers à soutenir une candidate ouvertement socialiste ».
Expliquant la décision du Conseil du travail de soutenir Zachary DeWolf plutôt que Sawant, Monty Anderson, secrétaire exécutif du Conseil des métiers de la construction, a déclaré : « Vous êtes censés faciliter les affaires en ville, et nous pensons que [Kshama] fait le contraire. » Avant cela, Anderson et d’autres dirigeants syndicaux conservateurs se sont publiquement opposés à la taxe Amazon. Ils avaient joué un rôle non négligeable en aidant les grandes entreprises à obtenir l’abrogation de la taxe et en fournissant une couverture politique aux membres libéraux du conseil qui avaient capitulé face à la pression d’Amazon.
Comme on pouvait s’y attendre, ces tentatives de gagner la faveur des grandes entreprises n’ont pas été suivies de remerciements par ces derniers. L’un des PAC pro-entreprise a envoyé des lettres à toute la ville pour attaquer d’autres candidats soutenus par les travailleurs en les qualifiant de “diviseurs” et “d’extrémistes” tout en les assimilant à Kshama Sawant ! L’une de ces lettres a même été envoyées dans le District 3 contre Zachary DeWolf, en dépit des attaques de ce dernier et d’Anderson contre Kshama.
La stratégie de la plupart des politiciens libéraux et de nombreux dirigeants d’ONG et de syndicats pour trouver un terrain d’entente avec les grandes entreprises a toujours échoué. À moins que les travailleurs et la gauche n’apprennent cette dure leçon – à Seattle et à l’échelle nationale – nous ne serons pas en mesure de repousser les grandes entreprises et les forces de droite.
Unir la gauche et les travailleurs contre le capital
Amazon et la Chambre de commerce ont maintenant une liste claire de démocrates à leur solde dans toutes les courses électorales. Ils sont prêts à dépenser des millions de dollars dans un déluge d’annonces en ligne et de publipostages avec une stratégie médiatique coordonnée pour remodeler le débat politique à Seattle en leur faveur.
Les travailleurs et les candidats socialistes doivent s’unir, au moins autour d’une plate-forme commune, pour défier ensemble les grandes entreprises dans cette élection. Il ne suffit pas de s’opposer simplement à l’influence des entreprises, étant donné le mécontentement général à l’égard de l’échec du conseil municipal actuel à résoudre les problèmes brûlants de notre ville. Les grandes entreprises essaient d’exploiter l’humeur anti-titulaire en appelant cyniquement au “changement” et en blâmant l’aile soi-disant “activiste” du conseil pour l’impasse politique.
Une alliance de candidats de gauche réclamant un contrôle des loyers, la taxation des grandes entreprises pour financer des logements abordables et un New Deal vert pour Seattle – entre autres revendications – pourrait fournir une vision ouvrière et socialiste claire pour transformer Seattle dans l’intérêt de la majorité. Au lieu de cela, la plupart des candidats progressistes et soutenus par les travailleurs ont échoué en voulant esquiver un combat direct contre Amazon et les grandes entreprises. Ils espéraient qu’une approche moins combative que celle de Sawant les épargnerait des attaques des entreprises.
Malgré cela, au moment même où les PAC lançaient un déluge d’attaques contre Tammy Morales, la maire Jenny Durkan s’est adressée aux médias avec sa propre attaque à : « Ajouter une autre socialiste comme Tammy Morales causera plus de division dans notre ville ». Ce premier tour des élections a montré montre jusqu’où les grandes entreprises et l’establishment politique de Seattle sont prêts à aller pour vaincre leurs détracteurs. Les travailleurs et la classe moyenne, le mouvement ouvrier, les socialistes et les progressistes de Seattle perdront du terrain si nous ne nous réunissons pas autour d’un programme de lutte unifiant les travailleurs, les communautés, les migrants, les personnes LGBTQ, les pauvres et tous ceux qui sont confrontés aux attaques du grand capital.
Une puissante campagne de terrain
La tentative agressive et nue d’Amazon et des grandes entreprises d’intimider et d’acheter leur voie vers la domination politique a choqué la plupart des gens. Dans le District 3, cela a également contribué à inspirer la plus grande campagne de terrain de l’histoire moderne de Seattle.
« Plus de 4.000 donateurs individuels ont participé à la campagne de Kshama pour nous aider à riposter », a déclaré Eva Metz, directrice financière de la campagne de Sawant. « Nous sommes très fiers d’annoncer que c’est trois fois plus de donneurs que n’importe lequel de nos concurrents. Les médias pro-entreprises ont essayé de nous dénigrer en disant que nous sommes financés par de grosses sommes d’argent provenant de l’extérieur de l’État, mais nous avons 2363 donateurs de Seattle, 1602 du district 3. C’est à peu près le double du nombre de donateurs de Seattle et trois fois plus de donateurs du District que toute autre campagne. Nous avons un don médian de 20 $, ce qui nous a permis d’amasser près de 290.000 $ aux primaires, détruisant tous les records[sans compter l’argent de PAC] ».
Plus de 350 personnes se sont portées volontaires pour la campagne, rappant aux portes, accrochant des affiches, fabriquant des badges, occupés à la saisie de données, etc. « J’étais vraiment fier que mon syndicat ait soutenu Kshama et que beaucoup d’enseignants l’aient aidé » a expliqué Maley, qui est aussi ‘organisateur de la branche de Capital Hill pour Socialist Alternative, « l’épine dorsale de cette campagne était les membres de Socialist Alternative. Nous comprenons ce qui est en jeu pour les travailleurs et la classe moyenne, non seulement ici à Seattle, mais partout dans le monde, si nous laissons des milliardaires comme Jeff Bezos diriger les choses. Les membres se sont vraiment mobilisés et ont donné tout ce qu’ils avaient. »
Greyson Van Arsdale, organisateur de l’équipe de campagne de Sawant, a été sans relâche impliqué dans la campagne dans la rue. « Alors que d’autres candidats comptent principalement sur les publicités payées, les expéditions de courrier et les médias pro-entreprises pour communiquer leurs attaques contre nous, nous avons répondu à leur campagne négative par des dizaines de milliers de conversations au porte-à-porte : nous avons frappé à plus de 90.000 portes depuis le 1er juin ! »
Lors de la soirée électorale, Kshama a résumé ce qui motive politiquement la détermination infatigable de nombreux membres de Socialist Alternative : « La maire Jenny Durkan dit qu’on n’a pas besoin de plus de socialistes au conseil. Nous répondons en construisant fièrement et sans excuses le mouvement socialiste. Plus fondamentalement, expliquons aux gens que le capitalisme est incapable de résoudre les crises auxquelles sont confrontés les travailleurs, qu’il s’agisse de la catastrophe climatique ou de la crise du logement. Nous devons nous organiser pour construire les forces du socialisme. J’espère vous voir tous dans la rue avec nous dans les mois à venir. Disons non à Jeff Bezos ! Quand on se bat, on gagne !”
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Présidentielle Américaine 2020: Sanders, les mouvements de lutte et les socialistes

Par Émily P., Alternative Socialiste (CIO-Québec)
La classe ouvrière des États-Unis bouillonne. Avec les mesures d’austérité, les lois antiavortement et les attaques institutionnalisées contre les personnes migrantes, ni l’establishment traditionnel ni Donald Trump n’arrivent à canaliser la colère. Et les élections présidentielles américaines se dérouleront l’année prochaine.
Lors de la conférence nationale de la section canadienne d’Alternative socialiste, nous nous sommes entretenu·e·s avec un camarade de Socialist Alternative-USA (SA-USA) sur ce sujet. Ty Moore est membre du comité exécutif national et membre de la section de Seattle de SA.
AS. Quel est votre bilan de la campagne présidentielle de 2016, de l’enthousiasme pour Bernie Sanders et de l’élection de Donald Trump?
TM. Eh bien, à l’échelle globale, pays après pays, on voit une colère généralisée produite par le capitalisme. Par l’absence de qualité de vie, par l’inaptitude du système à répondre aux changements climatiques, à la crise des réfugié·e·s, au racisme et au sexisme. Cette colère n’a pas de porte-parole issu clairement de la classe des travailleurs et des travailleuses. Alors, on assiste à une réponse provenant de l’aile blanche de la droite populiste sur la question du racisme. Et ça explique, en partie, pourquoi Trump a gagné les élections.
Mais, d’un autre côté, on voit croître une aile de gauche populiste qui aspire à une représentation politique de la classe ouvrière. Je pense que c’est fondamentalement ce qu’a représenté la campagne de Sanders en 2016 et ce qu’elle représente pour 2020.
Il faut rappeler que Trump n’a pas été élu par un vote massif de la classe ouvrière. Il avait derrière lui une partie importante de la classe capitaliste – pas la majorité, mais une partie importante. Celle-ci l’a supporté en 2016 et continue à le supporter. Il a gagné un vote fort d’une partie de la classe moyenne. Une section de la classe ouvrière blanche, qui a vécu la désindustrialisation dans le Midwest, a voté pour Trump. Ces travailleurs et ces travailleuses n’arrivaient pas à voir dans Hilary Clinton une réponse à leurs problèmes. Voter pour Trump était donc un gros pied de nez à l’establishment. Et ces électeurs et électrices ne pensaient pas nécessairement que Trump allait gagner.
AS. Comment expliquez-vous le choix de Sanders de se présenter sous la bannière du Parti démocrate (PD)?
TM. Sanders représente une nouvelle force de gauche qui croit depuis la récession de 2007. Sa campagne donne une voix à la colère généralisée de la classe ouvrière à l’égard de Wall Street, des grosses compagnies et de la corruption politique. Mais Sanders, vous savez, se proclame socialiste. Ce qui est une bonne chose. Mais il est un socialiste réformiste et, au final, il a fait un choix pragmatique. Il n’est pas un démocrate. Il n’a jamais été enregistré sur la liste des démocrates. Il a fait campagne comme indépendant la plus grande partie de sa carrière politique.
Avant sa course en 2016, il a interrogé la base des mouvements de lutte à savoir s’il devait faire campagne sous la bannière démocrate ou de façon indépendante. Puis, il a fait le choix pragmatique de se tourner vers les démocrates. Selon lui, les forces à l’extérieur du PD n’étaient pas assez fortes à ce moment-là pour s’engager dans une course avec un 3e parti. Nous ne sommes pas d’accord avec lui.
Ce que sa campagne de 2016 et celle qui prend forme actuellement prouvent, c’est que la colère généralisée peut être mobilisée dans un 3e parti. Un parti pour la classe des travailleurs et des travailleuses. C’est possible d’avoir un parti basé sur des centaines de milliers de personnes. Mais Sanders n’a pas pris cette décision.
Nous allons lutter pour que chaque vote en faveur de Sanders sorte, même s’il est avec les démocrates. Mais nous lançons un avertissement au mouvement. Le PD n’est généralement pas si démocrate. Il va utiliser tous les trucs qu’il a dans son sac, toutes les magouilles douteuses, pour bloquer Sanders. Le PD est fondamentalement un parti des grosses entreprises contrôlé par les grandes corporations de Wall Street. Il ne laissera jamais Bernie gagner les élections primaires.
AS. Quelles sont les perspectives de cette campagne? Que Sanders gagne ou perde, qu’est-ce que SA-USA organise pour l’étape suivante?
TM. SA va s’investir dans la campagne de Sanders. Il y a des millions de jeunes, de travailleurs, de travailleuses, de syndicalistes, de femmes, d’activistes antiracistes et environnementalistes qui voient en Sanders le meilleur espoir et le plus grand potentiel pour gagner de réelles luttes. Celle pour une assurance maladie pour tout le monde (Medicare for all) ou encore celle pour un Nouveau plan vert (Green New Deal). Alors nous allons nous investir dans ces mouvements et dans la campagne de Sanders.
Sans nous cacher, nous allons mettre de l’avant notre programme socialiste indépendant au sein de ces campagnes. Nous disons que si Sanders est bloqué de façon non démocratique durant les primaires démocrates, il doit immédiatement changer de cap et créer un nouveau parti. Il ne devrait pas faire la même erreur qu’en 2016, lorsqu’il a perdu les élections. Son retrait a aussi eu pour effet de démobiliser le mouvement.
Par contre, s’il gagne les primaires démocrates – ce qui est aussi possible – la possibilité d’un gouvernement Sanders à gauche sera bien réelle. À cette étape, il sera important d’aller au-delà des limites d’un programme réformiste afin d’être réellement en mesure de couper avec le capitalisme. Cette étape sera cruciale. L’exemple de SYRIZA en Grèce a montré les limites du réformisme lorsqu’un gouvernement de gauche tente d’implanter un programme réformiste dans une période de crise du capitalisme. Malgré les promesses de Sanders, gagner des luttes comme le Medicare for all et le Green New Deal, lutter pour le plein emploi ou contre le racisme dans le système de justice ne sera pas possible sous le capitalisme.
Pour y arriver, nous avons besoin d’un programme socialiste. Nous devons gérer démocratiquement et sous contrôle public les grosses industries, les entreprises du secteur de l’énergie et les banques. Ce type de débat prend sérieusement forme dans la classe ouvrière. Nous accueillons cette ouverture avec enthousiasme. Les membres de SA-USA y prennent déjà part et continueront de faire partie des mouvements de lutte afin de construire un monde socialiste.
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Au Québec, Alternative socialiste milite au cœur de Québec solidaire (QS) afin de mener des campagnes mobilisatrices pour la classe ouvrière. Au même titre que nos camarades des États-Unis, nous devons expliquer que les réformes majeures proposées par QS – bien que souhaitables – ne sont pas soutenables dans le cadre du capitalisme. Nous travaillons à activer différentes structures de QS pour qu’elles s’enracinent parmi les travailleurs et les travailleuses afin de servir d’outil de lutte pour mener des campagnes massives.








