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Tag: États-Unis
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USA : Des élections dans un contexte de crise sans précédent

Ce journal a été imprimé avant les élections présidentielles du 3 novembre. Les résultats complets pourront prendre encore un certain temps. Plusieurs scénarios sont ouverts : une victoire de Biden de manière suffisamment convaincante pour que Trump se limiter à protester sur Twitter et à encourager les milices d’extrême droite à agir dans la rue, un résultat contesté où Trump utilise toutes les procédures et manœuvres imaginables pour voler les élections, ou bien une victoire de Trump. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : la politique américaine est en crise profonde. La classe ouvrière a besoin de son propre instrument politique pour y faire face.
Une crise sans précédent
Il est impossible de comprendre l’état actuel de la politique américaine sans regarder l’état désastreux du capitalisme dans ce pays. Les États-Unis se sont plongés dans la deuxième vague de la pandémie alors que la première faisait toujours ses dégâts. Il y a plus de 7,5 millions de contaminations confirmées et 210.000 personnes décédées. Cela est principalement dû à l’aveuglement criminel de Trump : 200.000 personnes supplémentaires pourraient encore mourir avant la fin de la pandémie. Le tragique bilan serait alors proche de celui des pertes américaines pendant la Seconde Guerre mondiale.
La pandémie a accéléré le développement de la crise économique qui est devenue le plus grand effondrement économique depuis la Grande Dépression. Les niveaux de chômage officiels ne racontent pas toute l’histoire. Les données plus larges du Bureau of Labor Statistics montrent que le taux de chômage réel est de 12,8%. C’est beaucoup moins que les 22,8% d’avril, mais cela reste désastreux. Des millions de personnes ont reçu une allocation de 600 dollars par mois, mais elle a pris fin en juillet. De nombreuses personnes doivent s’endetter pour payer leur loyer. Si nous n’assistons pas encore à des expulsions massives, c’est tout simplement parce qu’elles sont temporairement interdites.
La récession est de plus en plus décrite comme une récession «en forme de K», ce qui signifie que les classes riches et moyennes supérieures s’en sortent encore mieux qu’avant, tandis que le reste de la situation de la population continue de s’appauvrir. Alors que les États-Unis sont censés être le pays le plus riche au monde, on estime qu’un tiers des enfants est confronté à l’insécurité alimentaire. Le Covid-19 et la crise économique ont affecté de manière disproportionnée la classe ouvrière noire et latino. Les femmes ont également été durement touchées par les licenciements, tandis que nombre d’entre elles ont été contraintes de quitter leur emploi pour rester à la maison et s’occuper de leurs enfants et des cours en ligne. Les jeunes voient leurs perspectives d’avenir s’effondrer. En juillet, un rapport du Centers for Disease Control des États-Unis a estimé qu’un jeune adulte sur quatre, âgé de 18 à 24 ans, avait envisagé de se suicider durant le mois précédent.
Tout cela a ajouté à la nature explosive du soulèvement contre le racisme à la suite du meurtre de George Floyd par la police, fin mai. Mais alors que la plus grande vague de manifestations de l’histoire américaine a eu un effet positif sur la conscience, l’absence de structure démocratique, de direction et de programme clair du mouvement a laissé à l’establishment pourri – qu’il soit républicain au niveau national et démocrate dans les grandes villes – une opportunité de ressaisir. À Minneapolis, où a commencé le soulèvement, le conseil municipal est rapidement revenu sur sa promesse de réforme radicale de la police. L’extrême droite a également commencé à s’affirmer avec la bénédiction de Trump.
A cela s’ajoutent les incendies de forêt qui se sont étendus de la Californie à l’État de Washington, soulignant à nouveau qu’en plus de la pandémie et de la dépression économique, nous sommes également confrontés à une catastrophe climatique. Cette crise, avec les deux autres, résulte du fonctionnement du système capitaliste malade.
Voilà quelle était la situation alors que élections présidentielles entraient dans leur phase finale. Une situation explosive.
Réagir avec un nouveau parti
Vaincre la politique dominée par les grandes entreprises implique de construire un nouveau parti complètement distinct et indépendant de la direction du Parti démocrate, un parti aux véritables structures démocratiques et disposant d’un programme axé sur les besoins de la classe ouvrière. L’idée du «moindre mal» a perdu de sa substance avec le discrédit du Parti démocrate et la faiblesse de Joe Biden. Si Biden l’emporte, ce sera une présidence très faible confrontée à la pire crise économique et sociale depuis les années 1930.
En 2016, nous avions appelé Bernie Sanders à transformer sa campagne pour former l’embryon d’un nouveau parti de gauche, mais il a complètement raté cette opportunité historique en 2016 et à nouveau cette année. Le Parti vert se présente aux élections présidentielles depuis les années 1990 avec des candidats comme Ralph Nader et Jill Stein. Ce parti s’est clairement positionné à la gauche des partis verts européens. Malgré des meetings de masse, notamment avec les campagnes de Nader, le Parti vert n’a pas réussi à devenir un facteur dans les luttes sociales. Pendant les mouvements de grève historiques de ces dernières années ou lors des manifestations de Black Lives Matter et même dans le mouvement pour le climat, le Parti Vert était largement absent. Une force purement électorale ne suffira pas à vaincre la classe des milliardaires. Mais son candidat actuel, Howie Hawkins, un socialiste autoproclamé ayant un passé de syndicaliste, est le plus crédible de tous ceux que le Parti vert a défendu. Nos camarades de Socialist Alternative appellent donc à voter pour Hawkins.
La raison fondamentale pour laquelle les mouvements sociaux de ces dernières années n’ont pas réussi à imposer un changement à grande échelle est l’absence d’organisations combatives de masse aux États-Unis. La création d’un nouveau parti politique de masse changerait cela. Il pourrait abriter en sons sein des mouvements tels que Black Lives Matter, le mouvement ouvrier et toute lutte sociale contre l’exploitation et l’oppression. Chaque vote en faveur de Howie Hawkins peut renforcer cette perspective.
Les gigantesques défis posés par la crise profonde du capitalisme américain ne seront pas résolus par les élections. Il faudra lutter à travers un mouvement social conséquent disposant d’une structure organisée et démocratique. Pour remporter des victoires substantielles, la lutte doit bénéficier de son expression politique indépendante.
Pour garantir des soins de santé accessibles à tous, nous nous heurterons au secteur privé de l’assurance et aux politiciens qui la défendent. Pour parvenir à un Green New Deal sérieux, nous devrons nationaliser les grandes entreprises énergétiques et reconstruire le secteur sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs. La classe des milliardaires ne contribuera financièrement de manière volontaire à la collectivité pour financer des logements abordables. Toutes nos revendications ont besoin d’un mouvement qui établisse un rapport de force et défende une société qui place les besoins de l’humanité avant le profit. Cela apporterait une contribution vitale à la construction d’un nouveau parti ouvrier.
Le rôle des socialistes révolutionnaires
Socialist Alternative démontre à Seattle qu’il est possible de remporter des élections avec un candidat socialiste. Mais aussi comment une lutte sérieusement construite peut mener à des victoires majeures, telles que l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure ou la Taxe Amazon sur les grandes entreprises. Socialist Alternative n’estime pas pouvoir construire à elle seule un nouveau parti des travailleurs de masse, mais son énergie, ses analyses et son argumentation politique peuvent aider à faire avancer le processus. Un nouveau parti exigera des forces beaucoup plus larges, mais de petits groupes socialistes peuvent jouer un rôle important.
Au XXe siècle, il y avaient des partis ouvriers de masse avec une base solide dans plusieurs pays. Des réformes sociales ont été arrachées en faveur de la classe ouvrière. Surtout en Europe occidentale, pendant le long boom économique d’après-guerre et avec la crainte de l’Union soviétique, les capitalistes ont fait des concessions majeures aux mouvements de masse et aux partis ouvriers. Ils l’ont fait pour empêcher la révolution et préserver le capitalisme. Les dirigeants des principaux partis réformistes ont approuvé cet arrangement. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation différente. Les nouveaux partis de gauche comme Syriza en Grèce sont testés beaucoup plus rapidement et tombent à la poubelle s’ils ne passent pas l’épreuve avec succès. Même pour des réformes limitées, ils se heurtent à une résistance capitaliste qui ne peut être brisée que par une lutte de masse et un programme de changement social.
Un nouveau parti de gauche aura besoin d’un programme socialiste clair et d’une direction marxiste. En tirant les leçons du mouvement ouvrier international et de son histoire, un mouvement marxiste fort peut montrer la voie dans les luttes qui se déroulent ici et maintenant.
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La question concerne des millions de personnes : comment stopper Trump ? Certainement pas avec Biden !
Stopper Trump et le Trumpisme se fait par la lutte socialeL’année de crise 2020 n’est pas encore terminée, mais elle pourrait devenir encore plus turbulente. Les manifestations “Black Lives Matter”, qui constituent la plus grande mobilisation sociale de l’histoire américaine, se poursuivent. On constate une hausse effrayante de la violence des milices d’extrême droite en coopération avec la police militarisée. Le changement climatique (notamment la virulence des ouragans) et les économies réalisées en matière de prévention des incendies provoquent des dégâts sans précédents. Les conséquences de la pandémie sont exacerbées par l’incompétence de Trump et un système de santé tout entier dévolu aux profits du secteur privé. Quel que soit le résultat des élections présidentielles, tous ces problèmes ne feront qu’empirer tant qu’aucun mouvement de masse ne sera pas forgé pour fondamentalement changer de société.
Un dossier de Bart Vandersteene
Les démocrates ne peuvent que perdre
Trump est détesté par des dizaines de millions d’électeurs. Mais il semble que nous nous dirigeons encore une fois vers une autre élection qui ne peut qu’être perdue par les Démocrates. L’avance de Biden dans les sondages en juillet est beaucoup plus faible aujourd’hui. Comme en 2016 avec Hillary Clinton, l’establishment démocrate, qui défend les intérêts des grandes entreprises, mène une campagne complaisante. La campagne de Biden ne fait pas de porte-à-porte, ne mobilise pas les jeunes électeurs pour qu’ils s’inscrivent, même dans les ‘swing states’ (États charnières), comme le Michigan. Pendant ce temps, la campagne de Trump frappe à la porte d’un million de foyers par semaine. Le duo Biden / Harris ne parvient pas à présenter un programme électoral qui inspire les travailleurs, les millions de chômeurs ou les jeunes. Pour vaincre Trump, une participation massive des électeurs sera nécessaire. Mais les Démocrates ne semblent pas en mesure de le faire.
Trump fait campagne autour de l’idée qu’il préconise une politique de “la loi et de l’’ordre”. Il affirme que le pays sous la direction des Démocrates est en train de glisser dans l’abîme. Il dépeint les grandes villes dirigées par les Démocrates comme des bastions de la violence et de la misère. Il décrit les Démocrates comme la “gauche radicale”. Il encourage la violence de droite contre les militants de Black Lives Matter (BLM).
En même temps, il tente de répondre aux critiques justifiées de la gauche en prenant lui-même des mesures sociales temporaires, telles que l’augmentation des allocations de chômage et un moratoire temporaire sur les expulsions. Cela doit donner l’impression que le président est du côté des plus faibles de la société. Le contraire est bien sûr vrai. Les plus riches n’ont jamais été aussi bien lotis que sous Trump. Le fossé entre riches et pauvres n’a fait que se creuser. Depuis le début de la pandémie, les 643 milliardaires se sont enrichis de 29% ! Au cours de la même période, 50 millions d’Américains ont perdu leur emploi.
Robert Reich, ancien ministre sous Bill Clinton, a déclaré que le capitalisme américain a complètement déraillé. L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, pourrait donner à tous les employés d’Amazon (et ils sont nombreux !) 105.000 dollars et toujours être aussi riche qu’avant la pandémie. Ces records pourraient bientôt être battus par l’industrie pharmaceutique qui recherche des méga profits sur les vaccins contre le coronavirus.
Le Parti démocrate a peur des mouvements sociaux
Aux États-Unis, les socialistes ont joué un rôle de pionnier dans la lutte contre la politique de droite, raciste et antisociale de Trump. La direction du Parti démocrate, en revanche, a offert une très faible “résistance”. À aucun moment, cette direction n’a tenté de mobiliser la colère présente dans un mouvement. Au lieu de cela, les dirigeants démocrates ont parlé de “Russiagate”, une question qui n’a pas incité les gens à agir. La raison est simple : les Démocrates ont peur des mouvements sociaux et d’une base active. Après tout, ils savent que les mobilisations de masse peuvent se retourner contre eux avec la même détermination.
Dans cette campagne électorale contre un Trump affaibli mais toujours dangereux, le Parti démocrate ne peut pas aller plus loin qu’un candidat qui se met dans l’embarras, lui et son parti. Alors que le monde est en feu, Joe Biden se montre le moins possible en public. Beaucoup y voient une “incompétence” du candidat et du parti. Il n’y a pas que ça. L’establishment du Parti démocrate est entièrement contrôlé par le monde des affaires. Au début de cette année, il a coordonné une campagne extraordinaire pour battre Bernie Sanders lors des primaires démocrates. Le problème avec les dirigeants du Parti démocrate n’est pas qu’ils sont incompétents, mais qu’ils sont essentiellement une institution capitaliste qui vise à maximiser les profits de la classe des milliardaires. Pour faire cela, ils doivent essayer d’empêcher les mouvements de travailleurs et d’opprimés de remporter des victoires. C’est là leur véritable programme.
Malgré la popularité croissante de la demande d’accès généralisé à une assurance maladie, ‘Medicare for All’, Biden et Harris s’y opposent avec véhémence. Il n’y a qu’une seule raison à cela. C’est parce que leur parti et leur campagne sont financés par des compagnies d’assurance et des entreprises pharmaceutiques.
Est-ce que Biden ramènera la “normalité” ?
Si Biden remporte les élections, ce ne sera pas grâce à l’enthousiasme qu’il suscite, mais plutôt en raison de la haine profonde ressentie envers Trump. Beaucoup de gens vont faire la fête en cas de défaite de Trump. Bien sûr, les socialistes seraient heureux si Trump disparaissait, mais sans illusions : nous savons que Joe Biden n’apportera pas de changement fondamental à la Maison Blanche.
Sous la direction du président Biden, les Démocrates devront gérer la plus grande crise que le pays ait connue depuis la guerre civile. La polarisation politique va se poursuivre. Les groupes d’extrême-droite et les forces franchement fascistes continueront à renforcer leur soutien parce que les Démocrates n’apporteront pas de changement substantiel. Trump a pu devenir président en 2016 sur base de l’échec de la politique traditionnelle. Les forces et organisations encore plus à droite que Trump peuvent connaître un essor sous une présidence Biden.
Pour lutter efficacement contre l’extrême droite, nous avons besoin d’un mouvement social et, en fin de compte, d’un nouveau parti qui se batte dans l’intérêt de la classe ouvrière. Dans la constellation actuelle du système bipartite, le système politique continue de se déplacer vers la droite. C’est l’une des raisons pour lesquelles Socialist Alternative, notre organisation-sœur aux États-Unis, rejette la logique du “moindre mal”.
Dans ces élections, un vote de protestation pour le candidat vert Howie Hawkins, malgré toutes les faiblesses du Parti Vert, peut être un pas en direction de la création d’un parti de gauche pour la classe ouvrière. En plus d’une tactique pour les élections, il est encore plus important de construire par en-bas un mouvement ouvrier militant, de lutter contre le racisme, le sexisme et l’homophobie, de lutter contre les expulsions imminentes, de protester contre le changement climatique,… En fin de compte, nous avons besoin d’une rébellion pure et simple contre toutes les injustices du capitalisme. Ce combat va mettre en existence les bases du type de parti dont nous avons besoin.Trump peut-il voler l’élection ? Comment la gauche doit-elle réagir ?
Le 12 septembre, dans un tweet, Donald Trump a exhorté ses électeurs à voter deux fois : par correspondance et en personne. Il tente également de discréditer le vote par correspondance en répandant des mensonges sur la perte de votes, en réalisant de nouvelles mesures d’austérité sur les services postaux et en menaçant de poursuites judiciaires contre le comptage des votes par correspondance avant le jour des élections. Les électeurs qui votent par correspondance votent en plus grand nombre pour les Démocrates. Il y a aussi la campagne habituelle pour limiter le nombre d’électeurs inscrits, réduire le nombre de bureaux de vote dans certains quartiers plus susceptibles de voter Démocrate,…
A cela s’ajoute la pandémie. Même sans les mesures d’austérité réalisées par Trump à l’US Postal, il n’y avait pas suffisamment d’infrastructures pour répondre à la demande accrue de vote par correspondance. Le vote par correspondance pourrait entraîner le chaos. On s’attend également à ce que de nombreux préposés aux bureaux de vote ne se présentent pas, ce qui entraînera leur fermeture. Toutes ces restrictions des droits démocratiques toucheront principalement les plus faibles, les plus pauvres et les personnes de couleur.
Dans un sondage de la NBC/WSJ, 26 % des électeurs de Biden ont déclaré qu’ils voteraient en personne le jour du scrutin, tandis que 66 % des partisans de Trump ont déclaré qu’ils voteraient de cette façon. Cela signifie que les résultats le soir des élections peuvent être extrêmement trompeurs. Trump peut avoir un résultat beaucoup plus fort le soir de l’élection que lorsque tous les votes ont été comptés.
Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de quitter la Maison Blanche, même s’il perd les élections. Il a semé le doute sur la légitimité des élections pendant des semaines. On spécule déjà beaucoup sur le fait que Trump pourrait se déclarer vainqueur à tort le soir de l’élection, alors qu’il est en tête, même si seulement une petite partie des voix a été comptée. Certains groupes progressistes se préparent à ce scénario avec des plans de protestations de masse et de désobéissance civile, ce qui est un bon pas en avant.
Si un “vol” électoral menace, Trump ne pourra être arrêté que lorsque des millions de travailleurs feront grève, soutenus par des manifestations de masse bien organisées dans chaque ville. Il est préférable que ces actions soient organisées indépendamment des dirigeants du Parti Démocrate. En 2000, la direction du Parti Démocrate a montré qu’elle préférait perdre plutôt que de construire un mouvement de masse pour défendre le résultat du vote. Bush junior a ainsi pu voler les élections de 2000.
Les syndicats devraient être en première ligne pour protéger ces manifestations contre d’éventuelles violences de la part des militants de droite. Face à une crise économique, un chômage de masse, une pandémie mondiale, des assassinats policiers racistes et des incendies de forêt sans précédent, un mouvement de masse devrait exiger bien plus que le simple départ de Trump de la Maison Blanche.
Des millions de personnes en grève et en manifestation contre le vol des élections renforceraient le pouvoir de la classe ouvrière organisée. Cela pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase dans la lutte contre le racisme et toutes les formes d’inégalité et de discrimination.
Bernie a loupé une occasion historique
Début 2020, il semblait que Bernie Sanders pouvait surmonter tous les obstacles pour remporter les primaires démocrates. En fin de compte, l’establishment a réussi à manipuler la campagne de telle sorte qu’un candidat qui leur était sûr, Joe Biden, s’en est sorti. Malheureusement, Bernie s’y est résigné. Comme en 2014, Bernie avait un puissant mouvement derrière lui pour mener une campagne indépendante, séparée des Démocrates et des Républicains, en novembre, dans laquelle il aurait pu vaincre à la fois Trump et Biden. S’il avait déjà fait ce choix en 2014, Trump n’aurait peut-être jamais été élu.
Même si Trump avait remporté une telle élection entre trois candidats (Sanders, Biden, Trump), la gauche aurait au moins disposé d’une force indépendante pour lutter contre la droite. Une telle campagne aurait posé les bases d’un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière et aurait donné un énorme coup de pouce à tout mouvement pour la justice sociale.
En raison de la capitulation de Sanders, un sentiment de déception et de défaitisme règne parmi une couche d’activistes. Heureusement, le mouvement historique BLM est entré en scène, ce qui a rapidement éliminé ce sentiment. Mais la question d’une représentation politique propore aux travailleurs n’est pas encore résolue.
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La nouvelle norme climatique : Le capitalisme tue la planète

Dans presque tous les systèmes de mesure des conditions météorologiques extrêmes, la Terre bat tous les records, des vagues de chaleur les plus chaudes aux pires incendies en passant par l’une des saisons d’ouragans les plus actives jamais enregistrées. C’est la nouvelle norme et, oui, c’est la réalité du changement climatique.
Par Rebecca Green, Socialist Alternative (USA)
Des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations depuis le COVID-19, une pandémie qui illustre les dangers d’une dégradation sans entrave de l’environnement. Sur toute la côte ouest, sous un ciel orange menaçant, les gens ont été contraints de rester à l’intérieur pour éviter la fumée toxique d’incendies historiques en pleine pandémie respiratoire. Les incendies et la fumée ont créé un sentiment dramatique de peur et d’effroi parmi une grande partie de la population, non seulement en Californie, mais aussi dans l’État de Washington et celui de l’Oregon. Alors que des millions de personnes, en particulier les jeunes, sont conscients de la nécessité de mener immédiatement une action spectaculaire, il existe également un sentiment écrasant d’impuissance face au temps qui nous manque.
Les deux principaux partis politiques des États-Unis s’opposent catégoriquement au changement radical nécessaire. La seule façon de sortir de cette crise est de le faire nous-mêmes et d’impliquer des millions de personnes dans un processus de planification démocratique de l’économie et dans la construction d’une société socialiste durable sur le plan environnemental.
Conditions météorologiques extrêmes non maîtrisées
Avec l’augmentation des températures mondiales, les climats secs deviennent encore plus secs, ce qui crée plus de combustible pour les incendies de champs et de forêts. Le temps plus chaud signifie également que dans les climats plus humides, l’air peut contenir plus d’humidité, ce qui signifie que les tempêtes tropicales et les ouragans sont plus menaçants en termes d’inondations. Même si nous devenions neutres en carbone à 100% demain, les conditions météorologiques extrêmes perdureraient. Si nous devons arrêter cette crise à sa source, nous devons également nous adapter à une nouvelle norme climatique.
Il s’agit notamment de revoir de fond en comble notre gestion des forêts et notre réaction aux incendies de forêt. Les feux de forêt sont naturels dans des endroits comme la Californie, mais une approche « si ça brûle, éteignez ça » depuis des décennies a évité que des débris qui alimentent aujourd’hui les méga-feux ne soient déblayés petit à petit. Si l’on ajoute à cela des décennies de sous-financement dans la lutte contre les incendies et le recours à la main-d’œuvre carcérale (en nombre insuffisant en raison de l’épidémie de COVID-19), on obtient que la Californie lance un appel désespéré aux autres États et même à l’Australie pour envoyer des pompiers. Nous avons besoin d’un refinancement de la lutte contre les incendies et la gestion des forêts, y compris pour permettre des incendies contrôlés.
Nous avons besoin de ressources adéquates pour répondre aux menaces climatiques, mais nous devons également reconsidérer les endroits où nous pouvons vivre et travailler. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font, dans 30 ans, un demi-million de foyers seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.
Et pourtant, depuis 2010, dans les États côtiers, ce sont les zones les plus inondables qui ont connu le plus grand taux de construction de logements, et le développement immobilier se poursuit également dans les zones touchées par les incendies sur la côte ouest.
Les promoteurs immobiliers ont constamment combattu les règles de construction exigeant des fenêtres résistantes au feu et aux chocs, par exemple, alors que c’est ce qui fait souvent la différence entre une maison endommagée ou une maison complètement rasée.
Pendant ce temps, le secteur des assurances tente de fuir ses responsabilités. L’année dernière, les autorités californiennes ont dû interdire aux assureurs d’annuler les polices d’assurance de 800.000 maisons. Des centaines de milliers de gens sont abandonnés par leurs compagnies d’assurance parce que l’assurance n’est tout simplement pas rentable lorsqu’une maison brûle ou est inondée.
Les gens n’ont pas besoin d’une assurance à but lucratif. Nous devons assurer que tout le monde dispose d’un logement abordable et de qualité, avec la garantie d’une aide en cas de catastrophe naturelle. Il faut systématiser les fenêtres et toits métalliques à l’épreuve du feu dans les zones exposées au feu, ainsi que les volets métalliques de haute qualité et les sangles anti-tempête. Le secteur de l’assurance est un piètre substitut aux services sociaux.
Nous avons besoin d’un programme d’emploi qui pourrait remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de haute qualité; de construction de logements abordables et durables ainsi que de rénovation des maisons pour qu’elles résistent aux conditions climatiques extrêmes ; le tout financé par une taxation des riches.
Pas le temps d’attendre
Le parti républicain et Donald Trump représentent des menaces évidentes pour l’environnement, mais la négligence criminelle du parti démocrate qui contrôle la Californie, l’Oregon et Washington est également une menace pour la vie. D’une main, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, impose que les voitures soient exemptes de combustibles fossiles d’ici 2035. De l’autre, il a approuvé 36 nouveaux permis de fracturation hydraulique depuis le début de l’épidémie de COVID-19. En juillet, il a réduit de 7,5% le salaire des pompiers. En mai, les réductions de son budget d’urgence en cas de pandémie ont fait que CalFire n’a ajouté que 167 pompiers à ses rangs, au lieu des 500 qu’ils avaient demandés, ce qui est bien en deçà de ce dont ils ont besoin. M. Newsom s’oppose également à l’augmentation des taxes sur les plus riches de l’État – alors d’où est censé venir l’argent destiné à la lutte contre les incendies ?
Joe Biden a un plan climatique de grande envergure par rapport à ceux des démocrates du passé, mais il est encore loin de ce qui est nécessaire, et il ne soutient toujours pas un Green New Deal. Pour gagner même ses modestes mesures, Biden et les démocrates devraient s’attaquer directement à l’industrie des combustibles fossiles, aux promoteurs immobiliers et aux grandes industries polluantes, ce qu’ils refusent systématiquement de faire.
Seulement 100 producteurs de combustibles fossiles sont responsables de 70% des émissions de ces deux dernières décennies – faut-il s’étonner qu’ils préconisent un changement de mode de vie individuel comme solution? Les milliardaires qui ont mis notre planète en péril sont au courant du changement climatique depuis des décennies, et ils savent que la situation s’aggrave. Tant que notre société sera gérée sur la base du profit, nous devrons lutter contre des intérêts financiers à chaque étape pour obtenir les changements les plus modestes. Et tant que les partis républicain et démocrate seront redevables à ces intérêts capitalistes, nous devrons les combattre.
Nous n’avons plus le temps de les laisser nous ralentir : pour éviter un effondrement climatique de grande ampleur, nous devons renverser complètement le système capitaliste. Les entreprises privées de services publics et de combustibles fossiles doivent être prises en charge de manière démocratique par le secteur public. Nous devons nous appuyer sur le mouvement des jeunes en faveur du climat qui a fait descendre des millions de personnes dans la rue pour lutter pour notre avenir. Pour gagner, nous aurons besoin d’un mouvement révolutionnaire de masse de la classe ouvrière, la classe qui peut mettre la société à l’arrêt et la relancer sur des bases totalement différentes et durables.
Nous exigeons :
– Taxez les milliardaires et les grandes entreprises pour financer entièrement la lutte contre les incendies, les services de gestion des forêts et un Green New Deal ! Nous pouvons remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de qualité qui nous préparent à faire face aux conditions climatiques extrêmes, en rénovant les maisons pour qu’elles résistent au pire et en construisant de nouveaux logements durables et abordables.
– Développer des pratiques de brûlage contrôlé dans le cadre de la gestion des forêts, en consultant les communautés indigènes qui utilisent cette pratique depuis des siècles;
– Les travailleurs devraient avoir le droit de refuser des travaux non essentiels dans les zones où la qualité de l’air est médiocre!
– Faire en sorte que les services publics privés et les grandes entreprises de combustibles fossiles deviennent des propriétés publiques et démocratiques. Ils devraient être immédiatement rééquipés pour les sources d’énergie renouvelables.
– Un nouveau parti politique qui rejette l’argent des combustibles fossiles, et qui crée des mouvements de lutte pour lutter pour un Green New Deal et une action climatique spectaculaire MAINTENANT!
– System change, not climate change : le système capitaliste continuera à exploiter la planète dans l’intérêt du profit. Il repose également sur l’exploitation de la classe ouvrière et des groupes particulièrement opprimés, qui souffrent de manière disproportionnée des effets du changement climatique. Pour sauver notre planète et débarrasser notre société du racisme, du sexisme, de l’homophobie et de toutes les formes d’oppression, nous devons lutter pour la transformation socialiste de la société afin qu’elle fonctionne de façon équitable et durable pour toutes et tous! -
Nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine : vers une économie mondiale bipolaire ?

Le conflit entre les deux plus grandes puissances impérialistes s’intensifie à une vitesse vertigineuse. En juillet, les États-Unis ont ordonné la fermeture du consulat chinois à Houston, qui a été suivie immédiatement par la fermeture du consulat américain à Chengdu.
Par Vincent Kolo, chinaworker.info
Le gouvernement américain a déclaré, de manière très hypocrite, que le consulat de Houston était une “plaque tournante de l’espionnage”, comme si cela aurait été le premier cas de ce type dans l’histoire du monde. À Chengdu, une foule de plusieurs milliers de personnes, gonflée à bloc par la propagande gouvernementale, s’est rassemblée pour assister à l’expulsion du personnel consulaire américain. Les deux gouvernements ont annoncé des mesures visant à mettre sur liste noire les entreprises du pays adverse et à expulser leurs journalistes, avec la menace de représailles plus graves en perspective.
Dans un discours développant les grandes lignes de l’agenda de guerre froide de Washington, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déclaré que le monde était confronté à un choix “entre la liberté et la tyrannie” et, dans une attaque à peine voilée contre l’Allemagne d’Angela Merkel, il a appelé les prétendues démocraties du monde à ne pas “plier le genou” devant le Parti communiste chinois (PCC). En Chine, le ton a changé de façon encore plus marquée, les réponses relativement prudentes de l’année dernière ayant fait place à une diplomatie de “guerrier-loup” (du nom d’un populaire film de guerre chinois).
La Chine a décrit Pompeo comme un “ennemi de l’humanité”, un point de vue avec lequel de nombreux Américains seraient probablement d’accord. Le ministre des affaires étrangères Wang Yi s’est plaint à son homologue russe que les États-Unis avaient “perdu leur esprit, leur morale et leur crédibilité”.
Dans un article paru dans le premier numéro du magasine Socialist World (magasine de Socialist Alternative aux USA) il y a un an, nous soutenions que la guerre commerciale de Trump avec la Chine n’était pas un “conflit ponctuel” et que nous étions en réalité au début d’une “lutte prolongée et de plus en plus âpre avec des effets mondiaux potentiellement graves sur le plan économique, politique voire même militaire”.
Depuis lors, le conflit s’est considérablement aggravé et le Covid-19 a une fois de plus joué le rôle de grand accélérateur. Comme le montrent les récentes secousses, même les marchés boursiers, gorgés de quantités sans précédent de crédits garantis par l’État, ont commencé à prendre conscience du fait que la guerre froide est désormais une réalité.
Le Covid-19 accélère le conflit
La pandémie a provoqué une rupture totale dans les relations déjà tendues entre les États-Unis et la Chine. Le régime chinois craint, à juste titre, que les États-Unis n’exploitent la pandémie pour mobiliser l’opinion mondiale contre la Chine.
Parfois, les attaques verbales du gouvernement américain ont envenimé la situation, avec l’utilisation répétée du terme “virus de Wuhan” et même du terme “Kung Flu” (« flu » signifiant « grippe » en anglais), ouvertement raciste. Les demandes de compensation économique de la part de la Chine pour la pandémie – une forme de “réparation de guerre” – ont trouvé un large écho, par exemple chez des gouvernements débiteurs en Afrique qui attendent désespérément que Pékin leur offre une remise concernant leur dette. La Chine est le plus grand créancier de l’Afrique, représentant un cinquième de la dette publique du continent.
“Le Covid-19 a une fois de plus joué le rôle de grand accélérateur. Comme le montrent les récentes secousses, même les marchés boursiers, gorgés de quantités sans précédent de crédits garantis par l’État, ont commencé à prendre conscience du fait que la guerre froide est désormais une réalité.”
Le régime répressif de Xi Jinping porte une énorme responsabilité dans la propagation du virus dans sa phase initiale. Les infections auraient pu être limitées de 95 % à Wuhan et dans la région environnante, selon une étude du Dr Sheng Jie Lai de l’université de Southampton, si Pékin avait agi trois semaines plus tôt pour imposer les mesures qui ont finalement été annoncées le 23 janvier. Le régime de Xi a tergiversé tandis que sa machine de censure impitoyable arrêtait et faisait taire les dénonciateurs médicaux.
Ces erreurs criminelles ont cependant été accompagnées par l’ignorance sidérante de l’administration de Trump, le président ayant tweeté à pas moins de quinze reprises sa pleine confiance dans la réponse du régime chinois à la pandémie. Le 24 janvier, par exemple, Trump a tweeté : “En particulier, au nom du peuple américain, je tiens à remercier le président Xi !”
La décision ultérieure de Trump de retirer les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé, en les accusant d’être une “marionnette de la Chine”, était une forme effrontée de guerre par procuration. L’OMS, une branche des Nations Unies, est une agence bureaucratique et principalement politique, plutôt que médicale. Néanmoins, en l’absence d’une véritable agence mondiale de la santé sous contrôle et gestion démocratiques, la campagne de Trump pour saboter l’OMS peut créer de graves perturbations dans la lutte contre le virus dans les pays pauvres qui, sous le joug de l’impérialisme, manquent même de l’infrastructure sanitaire la plus basique.
La lutte géopolitique entre l’impérialisme américain et chinois est une lutte sur plusieurs fronts pour l’hégémonie mondiale. La caractéristique principale de ce conflit est une guerre économique plutôt que militaire. Cela implique le recours croissant à des politiques économiques capitalistes et nationalistes d’État, en particulier pour la Chine, et l’arsenalisation du commerce, de la finance et de la technologie, en particulier pour les États-Unis.
Les affrontements militaires, en particulier sous la forme de guerres par procuration impliquant des tiers, constituent un danger accru dans cette situation. La première bataille mortelle en près de 60 ans entre les deuxième et troisième plus grandes armées du monde, la Chine et l’Inde, est un exemple de ces conflits par procuration. Les États-Unis ont poussé le gouvernement de Modi à fortifier sa frontière nord, offrant à l’Inde un soutien militaire accru et soutenant sa candidature au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre permanent. Les exportations militaires américaines vers l’Inde sont passées de zéro en 2008 à plus de 20 milliards de dollars en 2020.
Dans la mer de Chine méridionale, les États-Unis et la Chine ont considérablement intensifié leurs manœuvres navales alors que la lutte s’intensifie entre eux et six pays plus petits, avec des revendications opposée concernant certaines îles dans cette voie d’eau stratégique. En juillet, les États-Unis ont considérablement augmenté la tension avec une nouvelle politique déclarant “illégales” toutes les revendications territoriales de la Chine. Les États-Unis avaient auparavant feint la “neutralité” à l’égard de toutes les revendications rivales. Le revirement soudain du gouvernement des Philippines en juin, pour suspendre l’annulation d’un traité militaire clé avec les États-Unis, l’accord sur les forces en visite (VFA), en raison de “développements politiques et autres dans la région”, représente une victoire importante pour les États-Unis et un nouveau revers pour la diplomatie régionale de la Chine.
Le conflit actuel n’est pas une répétition de la précédente guerre froide, de 1945 à 1989, qui s’est déroulée entre deux systèmes socio-économiques différents. La Chine d’aujourd’hui, tout comme les États-Unis, est une économie capitaliste. L’ancienne dictature maoïste-stalinienne a muté en un État policier ultra-répressif, nationaliste et raciste (reposant sur la suprématie des Han). La Chine joue un rôle beaucoup plus important dans l’économie mondiale que l’URSS stalinienne ne l’a jamais fait. À son apogée, le commerce extérieur de l’URSS représentait quatre pour cent de son PIB et était principalement réalisé en dehors du monde capitaliste avec des pays “socialistes”.
En comparaison, le commerce extérieur de la Chine représente 36 % de son PIB. L’empreinte financière mondiale de la Chine est tout aussi importante, voire plus. Elle possède le troisième marché mondial des obligations et des titres et le deuxième plus grand stock d’investissements directs étrangers (1,8 trillion de dollars à la fin de 2017). Cela rend le conflit actuel plus complexe et potentiellement beaucoup plus dévastateur en termes économiques.
Selon Wang Jisi, président de l’Institut des études internationales et stratégiques de l’Université de Pékin, “les relations entre la Chine et les États-Unis sont peut-être encore pires aujourd’hui que les relations entre l’Union soviétique et les États-Unis parce que ces dernières étaient au moins “froides”… Ces deux superpuissances étaient séparées l’une de l’autre sur le plan politique, économique et social, et étaient en fait incapables d’influencer les affaires intérieures de l’autre”.
Deux superpuissances en crise
En plus de l’instabilité actuelle, les gouvernements des deux superpuissances sont en crise profonde. Par conséquent, comme nous l’avions prédit, la nouvelle guerre froide et la crise mondiale risquent davantage d’affaiblir et de déstabiliser les deux régimes que de produire un vainqueur incontestable. L’atout, qui est de plus en plus déconcertant, pourrait se diriger vers l’une des pires défaites électorales de tout président sortant. La mauvaise gestion calamiteuse de la pandémie du Covid-19 par son gouvernement a également porté un coup à la position et à l’autorité mondiales de l’impérialisme américain. Les commentateurs capitalistes déplorent un “vide” au niveau du leadership mondial, ce qui distingue nettement la situation actuelle de la crise de 2008-2009.
Cela a bien sûr été un facteur dans les calculs politiques du régime de Xi Jinping : profiter du désordre aux États-Unis pour émousser son programme anti-Chine. Mais en s’appuyant fortement sur le nationalisme, le militarisme et les menaces de coercition économique, la politique étrangère de Pékin a été largement contre-productive, au point qu’elle a même permis à l’impérialisme américain de surmonter son “problème Trump” et de rapprocher d’autres pays de son côté.
C’est le cas des déploiements militaires démonstratifs de Xi, des incursions dans l’espace aérien taïwanais aux revendications territoriales sur la frontière indienne et la mer de Chine méridionale. À Hong Kong, Xi a eu recours à l’équivalent juridique d’une frappe de missile, privant le territoire de son autonomie grâce à une loi de sécurité nationale draconienne et de grande portée. “Leur objectif est de gouverner Hong Kong par la peur à partir de maintenant”, a commenté Joshua Rosenzweig d’Amnesty International.
De nombreux autres conflits ont éclaté ces derniers mois, entraînant Pékin dans une collision avec le Japon, l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne, l’Indonésie et le Vietnam. Bien entendu, le gouvernement américain est impliqué dans tous ces conflits. Que la réponse de la Chine ait été si maladroite, comme si elle avait été délibérément conçue pour provoquer, et n’ait donc servi qu’à miner ses intérêts internationaux, semble incompréhensible si nous ne comprenons pas ce qui se passe à l’intérieur du pays.
La lutte de pouvoir en Chine
Pour le régime de Xi, qui est aux prises avec une crise sans doute encore plus grave que celle à laquelle est confrontée la classe dirigeante américaine, la lutte pour garder le contrôle de la société chinoise est toujours prioritaire.
Le premier semestre 2020 a vu le revenu par habitant de la Chine chuter de 1,3 %. Dans les zones urbaines, la baisse est encore plus marquée, à savoir 2 %. Rien de tel ne s’est produit en Chine depuis 40 ans. Selon des estimations non officielles, le taux de chômage réel est de 20 %, dans une société où moins de 10 % de la population active bénéficie d’une assurance chômage.
L’agence de recrutement Zhaopin a indiqué qu’un col blanc sur trois a été licencié à la suite de la pandémie et que 38 % des travailleurs de moins de 30 ans ont été contraints de subir des réductions de salaire. Il faut donc prendre avec une bonne pincée de sel les rapports faisant état d’une “reprise en pleine forme” en Chine. La politique étrangère de Pékin sert bien sûr les intérêts mondiaux croissants de la Chine, mais il y a ici une contradiction croissante.
La pression exercée sur le régime de Xi pour qu’il renforce sa position intérieure est prioritaire. Confronté à de sérieux défis intérieurs, Xi a relevé la barre avec une série de mesures de politique étrangère militaristes et nationalistes dures qui sont principalement destinées à la politique interne. L’objectif pour Xi est de renforcer son image de leader “fort” et “intransigeant”.
L’analyste chinois Jayadeva Ranade, un ancien fonctionnaire du secrétariat du cabinet indien, a défendu ce point de vue : Je ne doute pas que ce durcissement de la ligne [de politique étrangère] s’explique par la perception, au niveau national, que les deux objectifs du siècle, le rêve chinois, comme ils l’appellent : le rattrapage, voire le dépassement des États-Unis d’ici 2049, échappent à l’emprise des dirigeants. Les protestations continues à Hong Kong pendant un peu plus d’un an ont été un facteur, la manière dont Taiwan a critiqué la Chine en a été un second. Je pense donc qu’au sein du peuple chinois, la perception selon laquelle les dirigeants ne sont plus aussi efficaces, qu’ils ne disposent pas d’une bonne maîtrise de la situation, est l’un des véritables facteurs clés qui ont poussé Xi Jinping à adopter une politique beaucoup plus musclée”.
La reprise de la lutte pour le pouvoir au sein du régime est en partie alimentée par l’appréhension croissante de certaines parties de l’élite chinoise qui pensent que la doctrine du “guerrier-loup” de Xi est imprudente et qu’elle renforce en fait les efforts des États-Unis pour isoler la Chine. Les fraction anti-Xi préféreraient que l’on mette davantage l’accent sur la “réparation de l’économie” et que l’on réduise le profil militaire de la Chine.
En avril, le ministère chinois de la sécurité d’État a présenté un rapport secret expliquant que le sentiment anti-chinois au niveau international était à son plus haut niveau depuis 1989, après le massacre de la place Tiananmen. Ce rapport a été divulgué par un initié de Pékin à Reuters, signe certain de discorde entre les factions. Le rapport avertissait notamment que la Chine devrait se préparer à des confrontations armées avec les États-Unis dans le pire des cas.
En avril toujours, Xi a créé un autre comité de haut niveau, cette fois pour superviser la “stabilité politique”. Il est clair qu’il existe un sentiment de crise existentielle au sommet, Xi lui-même pesant ses options dans la lutte pour le pouvoir qui se déroule actuellement. La mission de ce nouveau comité, dirigé par l’un des bras droits de Xi, Guo Shengkun, membre du Politburo, est d’identifier les menaces et de protéger “la sécurité du système politique”.
Le coup d’État à Hong Kong
Il y a un conflit entre la politique de plus en plus dure de Xi et une stratégie plus pragmatique visant à atténuer les répercussions de la guerre froide avec les Etats-Unis. Ce coup d’État a fait monter les enjeux du conflit entre les États-Unis et la Chine et a ouvert une boîte de Pandore potentielle de ramifications politiques et économiques. L’une des conséquences est la destruction possible de la position de Hong Kong en tant que centre financier mondial, surtout si le découplage financier suit le découplage de la chaîne d’approvisionnement qui est déjà en cours.
Cela pourrait entraîner le désengagement des banques et sociétés américaines et autres banques occidentales de Hong Kong, remplacées par des institutions financières de Chine continentale, avec des marchés financiers et boursiers de Hong Kong complètement ”assimilés à la Chine continentale”. Dans ce cas, l’élite dirigeante chinoise perdrait ce qui a été un canal crucial pour accéder aux capitaux étrangers.
Un processus où les économies et les marchés financiers sont séparés par la force créerait une situation extrêmement perturbatrice et chaotique. Il pose le risque d’une crise systémique plus large. C’est pourquoi, malgré les appels de la droite au Congrès, l’administration américaine a renoncé à lancer une attaque contre le rattachement au dollar de Hong Kong, qui lie la monnaie de la ville au dollar américain depuis 1983. Théoriquement, les États-Unis ont le pouvoir de restreindre l’accès de Hong Kong aux dollars, en rendant l’ancrage au dollar impossible. Mais ce faisant, ils pourraient déclencher une crise financière et monétaire mondiale.
De plus en plus, Washington et Pékin s’efforcent d’assembler de nouveaux blocs diplomatiques et économiques pour geler l’autre : un “D10” (de dix États capitalistes “démocratiques” – Corée du Sud, Australie et Inde plus les pays du G7) a été proposé par l’administration Trump. Le Premier ministre chinois Li Keqiang a déclaré qu’il pourrait demander à rejoindre le CPTPP1 (L’Accord global et progressif de partenariat transpacifique), qui est le résidu du TPP (l’Accord trans-Pacifique) conçu par les Etats-Unis et abandonné par Trump dès son premier jour de mandat. La principale stratégie politique étrangère de la Chine pour contourner la campagne d’endiguement menée par les États-Unis reste l’initiative “Belt and Road” (BRI, les « Nouvelles routes de la soie »), à laquelle 130 gouvernements ont adhéré. Mais ce projet gigantesque est également en péril.
Toutes ces manœuvres diplomatiques renforcent la pression apparemment inarrêtable, exercée par les deux gouvernements, pour se dissocier l’un de l’autre. Cela marque la montée de la ” géo-économie ” qui remplace la mondialisation néolibérale comme principale tendance au sein de l’économie mondiale. Au cours de l’année 2020, les positions se sont durcies. Pour des secteurs clés de la classe dirigeante américaine, le détachement de la Chine a évolué vers un ” détachement rigide “, avec un changement réciproque du côté chinois. Autre nouveauté cette année : le nombre croissant de gouvernements en Europe et dans la région Asie-Pacifique qui adoptent l’éthique du détachement. “Un monde bipolaire commence à prendre forme”, note James Kynge dans le Financial Times, ajoutant que “l’Occident érige rapidement une grande muraille d’opposition” aux ambitions mondiales de la Chine.
Huawei
Un exemple clair est celui de Huawei, le géant technologique chinois dont les technologies 5G de pointe sont devenues la cible d’une campagne de mise à l’arrêt sans précédent menée par les États-Unis. Alors que cette campagne semblait être en difficulté l’année dernière, minée par la capacité de Trump à aliéner les régimes même les plus farouchement proaméricains, elle a acquis une nouvelle dynamique dans l’ombre du Covid-19 et de la poussée plus urgente du capitalisme occidental pour un front commun contre le capitalisme chinois. “La marée a tourné contre Huawei sur les marchés internationaux 5G”, a noté le South China Morning Post, citant le revirement 5G du gouvernement britannique en juillet comme un coup décisif pour la Chine et Huawei.
Le gouvernement français a suivi le mouvement peu après, annulant également une décision initiale d’achat à Huawei. En plus de Huawei, le ministère américain du commerce a mis sur liste noire plus de 70 entreprises technologiques chinoises.
La décision de la Grande-Bretagne d’exclure Huawei pourrait coûter 2,5 milliards de dollars et retarder de deux ans le déploiement de la 5G dans le pays. Mais les politiciens de droite et populistes sont de plus en plus immunisés contre les arguments relatifs au coût et à la compétitivité, la rhétorique anti-Chine semblant populaire parmi les électeurs dans le contexte de la pandémie. Lors d’un sondage réalisé en juillet en Grande-Bretagne, 83 % des personnes interrogées ont déclaré se méfier de la Chine. Aux États-Unis, un sondage de la firme Pew en juillet a montré que 73 % des personnes interrogées ont une “opinion défavorable” de la Chine, soit une hausse de 26 pour cent depuis 2018.
Il semble maintenant assez certain que les équipements 5G de Huawei seront interdits sur la plupart des marchés européens et nord-américains, ainsi qu’au Japon, en Australie et probablement en Inde. Même en Asie du Sud-Est, autrefois considérée comme une garantie pour Huawei, la position de l’entreprise est menacée. Singapour et le Vietnam ont déjà exclu Huawei au profit de ses rivaux européens. Le découplage entre les États-Unis et la Chine, et le processus plus large de la dé-mondialisation (un glissement vers le nationalisme économique), sont lourds de problèmes et de coûts énormes comme le montre le coup d’éclat de Huawei en Grande-Bretagne. Mais malgré cela, la tendance est claire.
Les interventions de l’État
Le recours croissant à des mesures d’intervention par l’Etat, indiquant une tendance au capitalisme étatique, par les principaux gouvernements capitalistes depuis le début de la crise de Covid-19 est une autre caractéristique de ce même processus. Les politiques et interventions capitalistes d’État ne sont pas possibles sans État. Par définition, il s’agit donc d’une politique nationale, qui est liée et entravée par les limites de l’État-nation. De telles politiques impliquent inévitablement un détournement du marché capitaliste mondial. Ce repli sur soi viole l’une des forces motrices du développement économique capitaliste : l’augmentation de la productivité basée sur la division mondiale du travail.
C’est une contradiction indéniable dans laquelle les besoins politiques de la classe capitaliste à une période donnée peuvent entrer en conflit avec les besoins économiques de leur système pour plus de profits. Trotsky a expliqué cette contradiction pendant la Grande Dépression des années 1930, également une période de repli vers les politiques de capitalisme d’État : « … le capitalisme d’Etat aspire à arracher l’économie à la division internationale du travail, à adapter les forces productives au lit de Procuste de l’Etat national, à réduire artificiellement l’économie dans certaines branches et à créer artificiellement d’autres branches à l’aide d’immenses faux frais. » [Trotsky, “La nature de classe de l’État soviétique”, 1933]
Dans les années 1930, ce processus a acquis sa plus claire expression dans les régimes fascistes, en particulier dans l’Allemagne d’Hitler. Si la dépression économique actuelle peut même dépasser la profondeur de son prédécesseur des années 1930, le passage à des politiques de capitalisme d’État n’a pas encore atteint une ampleur comparable. Mais nous sommes au début d’un changement de direction au niveau international, qui se manifeste le plus clairement dans les politiques économiques des deux grandes puissances impérialistes. Il reste à voir jusqu’où ce processus ira, mais ses effets sont déjà significatifs et indéniables.
Dans ses écrits sur le nationalisme économique dans les années 1930, Trotsky a également expliqué que la montée des politiques nationalistes et capitalistes d’État préparerait inévitablement un nouveau et violent “saut” de l’impérialisme, une perspective qui a été confirmée par la Seconde Guerre mondiale. Le conflit impérialiste actuel et l’équilibre mondial des forces sont différents aujourd’hui et la phase actuelle de la démondialisation capitaliste peut durer plus longtemps.
En Chine, avec la dictature de Xi Jinping qui a subi des pressions internes et externes, un “revirement” économique a été annoncé. Xi a relancé le slogan de Mao, Zili Gengsheng, ou “autonomie”, en soulignant la nécessité d’accélérer le développement par la Chine des technologies de nouvelle génération, notamment les puces électroniques qui alimentent son industrie technologique, et aussi d’accélérer la création d’un système de monnaie numérique (le yuan) comme l’un des moyens de contourner le contrôle de facto des États-Unis sur le système financier mondial.
Le rôle du dollar
Le rôle du dollar américain dans le système financier mondial s’est renforcé, paradoxalement, depuis la crise mondiale de 2008, malgré ses origines à Wall Street. Cela donne à l’impérialisme américain une arme puissante, qu’il a utilisée de plus en plus fréquemment pour punir ses rivaux géopolitiques par des sanctions financières. La Chine a maintenant rejoint la Russie, l’Iran et la Corée du Nord comme cible des sanctions américaines, bien que dans le cas de la Chine, l’administration Trump ait fait des allers / retours sur la mise en pratique de ces sanctions.
Depuis plus de dix ans, Pékin poursuit un programme d’”internationalisation du yuan” comme stratégie pour briser le monopole américain, mais cela n’a donné jusqu’à présent que de maigres résultats. L’année dernière, la part du yuan dans les transactions monétaires internationales n’était que de 4,3 %, contre 88 % pour le dollar américain, selon la Banque des règlements internationaux. Plus de 61 % de toutes les réserves bancaires étrangères sont libellées en dollars américains.
Le rôle limité du yuan est dû au régime chinois de contrôle des capitaux et des changes, dont il ne peut se passer sans risquer une fuite massive de capitaux et un krach bancaire. Le système financier mondial est animé par les “esprits animaux” de la spéculation parasitaire. La demande de dollars, qui sont librement échangeables, a augmenté à mesure que l’économie est devenue plus parasitaire. Les efforts de la Chine pour inciter davantage de pays et d’institutions financières à augmenter leurs avoirs en yuans (qui ne peuvent être échangés librement) sont donc tombés sur un sol stérile.
La position dominante du dollar, comme d’autres piliers de l’économie capitaliste mondiale actuelle, pourrait être renversée par les effets de la nouvelle crise. Les programmes de sauvetage sans précédent financés par la dette du gouvernement américain pour sauver le capitalisme (plus de 6 000 milliards de dollars depuis le début de l’année) pourraient finalement faire de la monnaie américaine le point d’ancrage du système financier mondial. Le recours croissant de l’impérialisme américain aux sanctions financières comme mesure de police géopolitique ne peut qu’accélérer ce processus.
Le programme de découplage mené par les États-Unis ne laisse au régime de Xi d’autre choix que d’essayer d’accélérer la croissance de son marché intérieur. Mais les tentatives pour développer la consommation intérieure de la Chine ont historiquement échoué, en raison de la destruction par le PCC du système de protection sociale rudimentaire de la période de l’économie planifiée. L’absence d’un filet de sécurité sociale oblige les Chinois à maintenir des niveaux d’épargne exceptionnellement élevés afin de prévoir des budgets pour les “urgences” comme une maladie grave ou le fait d’avoir des enfants.
Au cours de la dernière décennie, le niveau d’endettement des ménages chinois a également explosé, se rapprochant des niveaux des pays capitalistes avancés. Les ménages chinois ont ajouté 4,6 billions de dollars à leur dette au cours des cinq années allant de 2015 à 2019, alors que la dette des ménages américains a augmenté de 5,1 billions de dollars entre 2003 et 2008. La pandémie se conjugue désormais avec le surendettement pour peser lourdement sur la consommation chinoise.
La réorientation de la politique économique de la Chine ne signifie pas un retour à l’autarcie, pas plus que cela ne se posera dans d’autres pays. Mais la machine à exporter de la Chine sera confrontée à des obstacles croissants, en particulier sur les marchés occidentaux. La concurrence pour les marchés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud va s’intensifier.
L’économie nationale devient l’axe décisif du régime de Xi, parallèlement à une stratégie internationale visant à intégrer plus étroitement la Russie, l’Asie du Sud-Est, certaines parties de l’Afrique et l’Europe de l’Est, dans un bloc dirigé par la Chine, comme contrepoids à la stratégie de haute pression d’un autre bloc dirigé par les États-Unis. Pour Washington comme pour Pékin, la nouvelle vague de constitution de blocs est pleine de complications et de crises naissantes.
C’est ce que révèlent les problèmes du programme chinois du BRI (le programme Belt and Road) : un endettement croissant (16 % de tous les projets sont considérés comme en défaut de paiement), des gains économiques plus maigres que prévu, tandis que Pékin risque également d’être aspiré davantage dans les bourbiers géopolitiques qui imposent de nouvelles tensions à son économie. Les récents affrontements entre la Chine et l’Inde sont à bien des égards le corollaire des ambitions du BRI au Pakistan, avec des projets clés à proximité de la frontière contestée.
Les élections américaines de novembre pourraient offrir un répit et même une tentative d’apaisement du conflit entre les États-Unis et la Chine. Mais ce n’est pas le scénario le plus probable, que ce soit Trump ou Biden qui l’emporte. Bien que la politique de guerre froide de l’impérialisme américain ait été lancée sous la surveillance de Trump, celui-ci n’a pas été la figure centrale de ce processus, et ses propres choix politiques l’ont parfois rendu plutôt accessoire par rapport à la ligne stratégique principale de la classe dirigeante américaine.
C’est ce que montre sa décision de gracier le géant chinois de la technologie ZTE en mai 2019 en tant que “faveur” à Xi. Et de nouveau par sa décision en juin 2020, de reporter la mise en œuvre des sanctions contre les responsables du PCC dans le Xinjiang en échange de l’assurance donnée par la Chine de stimuler les importations de produits agricoles américains dans le cadre d’un accord destiné à accroître les chances de réélection de Trump.
Pékin pense que Trump peut être poussé à conclure des accords, à bon prix, alors qu’une administration Biden semble être encore plus belliciste et “idéologique”, et peut-être plus habile à mettre en œuvre son programme anti-chinois et à reconstruire les alliances endommagées avec les gouvernements traditionnels pro-américains. Cela explique la préférence du régime du PCC pour une victoire de Trump. Nous savons que c’est le cas non seulement grâce aux révélations de John Bolton, mais aussi grâce à certaines sources importantes du PCC.
Une victoire de Biden, qui est l’issue la plus probable, ne conduira probablement pas à une cessation du conflit. Une nouvelle escalade est plus probable. Une autre possibilité serait qu’une présidence Biden offre une “réinitialisation” des relations entre les États-Unis et la Chine afin d’ouvrir des négociations sur un large éventail de questions litigieuses. Certaines concessions pourraient être offertes par les États-Unis, telles que la levée des droits de douane de Trump, qui sont controversés même au sein de la classe capitaliste américaine.
Mais toute concession serait faite en échange d’un ensemble d’exigences américaines probablement encore plus strictes en matière de politique économique, de technologie, de règles d’investissement, mais aussi sur des questions géopolitiques sensibles, notamment le BRI, Hong Kong et la mer de Chine méridionale. Dans le cas de la Chine, céder aux pressions américaines dans la plupart de ces domaines serait presque impensable sous Xi Jinping, en raison de la perte d’autorité personnelle que cela impliquerait. Par conséquent, même si un processus de détente chancelant pouvait se développer, ses chances de mettre fin au conflit actuel sont faibles.
Le régime chinois n’a rien à voir avec le communisme, le socialisme ou la cause du travailleur. C’est la dictature d’une oligarchie capitaliste. Il est incapable de faire appel à la solidarité mondiale pour mobiliser l’opinion en son nom et s’appuie au contraire sur un nationalisme de droite empoisonné et sur une puissance militaire croissante. Les États-Unis et leurs alliés parmi les pays capitalistes avancés peuvent partiellement cacher leurs politiques impérialistes rapace derrière un masque “démocratique”, bien que celui-ci glisse de plus en plus à mesure que la crise capitaliste déclenche une vague après l’autre de répression étatique dans les “démocraties”. Les socialistes s’opposent aux impérialismes américain et chinois, qui mettent en danger l’avenir de la planète. Nous sommes pour la construction d’une solidarité entre les travailleurs et les opprimés, à l’Est et à l’Ouest, pour débarrasser le monde du capitalisme et de l’impérialisme.
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Élections présidentielles américaines : Trump en eaux troubles pendant que Biden se cache

2020 n’est pas l’année électorale que l’on attendait. Les élections présidentielles sont aujourd’hui totalement liées à la pandémie mondiale qui a tué près de 165.000 personnes aux États-Unis au moment où nous écrivons ces lignes et qui a complètement changé la vie de la plupart de la population. Dès le début, Trump n’a pas seulement échoué à relever le défi de mener le pays à travers une pandémie : il a activement aggravé les choses.
Par Erin Brightwell, Socialist Alternative (ASI – USA)
Nous avions besoin d’une réponse coordonnée similaire aux temps de guerre, reposant sur les meilleures données scientifiques disponibles. Au lieu de cela, nous avons connu de graves pénuries de fournitures et d’équipements, une coordination quasi inexistante des ressources entre États et avec le gouvernement fédéral tandis que d’énormes profits étaient réalisés et qu’une intense campagne de désinformation était menée par la Maison Blanche elle-même. Il ne fait aucun doute que l’administration Trump porte la responsabilité principale de la gestion catastrophique durant la pandémie. Cependant, l’état déplorable de sous-financement du système de santé publique et la consolidation de l’industrie hospitalière privée qui a laissé de plus en plus de communautés rurales et urbaines pauvres sans services adéquats est un projet porté depuis des décennies tant par les démocrates que par les républicains. Les perspectives de réélection de M. Trump étant très incertaines, ses instincts autoritaires se manifestent encore plus. Il s’en est pris au vote par correspondance et parle ouvertement de reporter les élections et de contester les résultats.
Joe Biden, architecte de l’incarcération de masse, politicien accompli soutenu par les entreprises et harceleur sexuel en série (dans le meilleur des cas), est en tête des sondages nationaux et dans la plupart des « swing États » (les Etats dont le vote change régulièrement). Cela semblait peu probable en février dernier, lorsque Bernie Sanders menait Biden avec une avance de 12 % dans les sondages nationaux. Cependant, Sanders a abandonné son programme et sa base à la suite des manœuvres féroces de l’establishment libéral pour convaincre les électeurs, surtout les plus âgés, que seul Biden pouvait battre Trump. Et ce, malgré le fait que les électeurs des primaires démocrates étaient bien plus d’accord avec Sanders sur des questions telles que l’assurance maladie pour tous. Malgré toutes ses faiblesses politiques et personnelles, qui sont énormes, Biden semble être de plus en plus bien positionné pour être le prochain occupant de la Maison Blanche. Mais les stratèges démocrates sont très nerveux à l’idée de voir le voir affronter Trump dans un débat puisque ses facultés mentales sont clairement en déclin.
Sans rassemblements, sans candidats saluant les foules en personne et sans conventions, cette saison électorale ne ressemblera à aucune autre. Normalement, ces possibilités limitées de faire campagne auraient constitué un grand désavantage pour le challenger du président sortant, puisqu’il ne disposerait pas de la même plateforme qu’un président toujours en exercice. Au lieu de cela, le refus de Trump de prendre le coronavirus au sérieux compromet sérieusement ses chances en novembre. La stratégie de la campagne de Biden, qui consiste à se cacher dans le sous-sol pour limiter les interviews et les apparitions du candidat, a été jusqu’à présent couronnée de succès. Compte tenu de ses gaffes verbales incessantes et de son incapacité apparente à garder ses mains pour lui, la pandémie n’aurait guère pu arriver à un meilleur moment pour l’establishment démocrate.
Si Biden, et sa vice-présidente Kamala Harris parviennent à gagner en novembre, cela ne signifierait pas la fin du trumpisme ou du populisme de droite aux États-Unis. Si une administration Biden refuse de prendre des mesures suffisamment audacieuses pour inverser la tendance à la paupérisation de larges pans de la population, et qu’aucune alternative politique de gauche n’est construite, un espace serait ouvert pour la croissance de l’extrême droite sur une échelle bien plus grande que tout ce qui a été vu aux États-Unis depuis très longtemps.
Cela montre l’urgence avec laquelle une alternative politique doit être construite. Une alternative qui puisse défier la montée d’une force d’extrême droite plus efficacement que ne pourrait le faire le parti démocrate, qui n’est pas très actif et qui est favorable aux grandes entreprises.
L’establishment démocrate : aucunement l’ami des travailleurs
Bien qu’il ne soit pas judicieux de déjà écarter Trump de la course – l’état de la politique américaine contiendra probablement beaucoup de rebondissements dans les mois à venir – les socialistes et les progressistes doivent réfléchir à ce à quoi ressemblerait une présidence Biden. Le pays est en pleine crise, sans véritable voie pour maîtriser le coronavirus. Des dizaines de millions de personnes sont confrontées au chômage, à l’expulsion de leur logement et à l’insécurité alimentaire. La classe ouvrière a subi une vague de radicalisation à la suite de la plus grande vague de protestations de l’histoire des États-Unis – le soulèvement autour du meurtre de George Floyd – et est, dans son ensemble, plus consciemment antiraciste qu’à aucun autre moment de l’histoire du pays.
D’importantes victoires ont été remportées par les socialistes démocratiques élus aux conseils municipaux et aux assemblées législatives des États. Les congressistes de gauche Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ilhan Omar sont de véritables stars. L’aile progressiste des démocrates à la Chambre des représentants obtiendra des gains plus importants en novembre, notamment à New York et à St. Louis, où la militante du mouvement Black Lives Matter Cori Bush a récemment remporté les primaires.
Malgré ces victoires, la gauche socialiste reste une force marginale dans les couloirs du pouvoir, non pas par manque de soutien potentiel à ses idées, mais par manque de coordination, de programme clair et de concentration sur la construction de mouvements.
Bien qu’elle joue un rôle important dans la sensibilisation de la société en général, la présence de ces élus socialistes – à quelques exceptions près – ne s’est pas traduite par des victoires politiques majeures et concrètes. Le plus grand obstacle de la gauche socialiste est qu’elle reste emprisonnée au sein du Parti démocrate, un parti totalement antidémocratique et pieds t poings liés aux besoins des grandes entreprises.
Cela contraste avec Kshama Sawant, membre du conseil de ville de Seattle et membre de Socialist Alternative. Elle a été élue et réélue deux fois en tant que socialiste indépendante et elle a contribué à diriger les mouvements vers des victoires titanesques. Seattle est devenue la première grande ville à adopter un salaire minimum de 15 dollars de l’heure et – plus récemment – à imposer une taxe de 240 millions de dollars par an sur Amazon et les grandes entreprises de Seattle pour financer des logements abordables en permanence.
Joe Biden a obéi à la classe capitaliste tout au long de sa longue carrière. Il n’est prêt à s’en prendre à aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs. Aux côtés de la grande majorité des démocrates établis à Washington, il continue de s’opposer à des mesures essentielles pour lutter contre la pandémie, comme l’instauration d’une assurance maladie pour tous. Quatre-vingt-sept pour cent des électeurs démocrates soutiennent l’initiative “Medicare for All”. Malgré cela, Joe Biden y est resté fermement opposé. Biden et l’establishment démocrate ne peuvent même pas prétendre soutenir des mesures progressistes. Cela illustre la totale futilité d’essayer de “transformer” le Parti démocrate en un instrument pour les travailleurs et les opprimés.
Lorsqu’on l’interroge sur les meurtres de policiers, Biden suggère que les policiers, plutôt que de tirer pour tuer, doivent tirer dans les jambes. Il prend sans vergogne l’argent des banques et des grandes entreprises et est le plus grand bénéficiaire des contributions de l’industrie pharmaceutique. Biden serait peut-être plus performant que Trump dans le traitement de la crise COVID-19, mais il faut remarquer que Trump a fixé la barre particulièrement bas.
Biden et l’establishment démocrate ne peuvent pas satisfaire à la fois leurs maîtres capitalistes et les aspirations de dizaines de millions de travailleurs en faveur de soins de santé gratuits et universels, d’un enseignement sûr et correctement financée, d’une stabilité économique et de justice raciale.
S’il veut obtenir une transformation profonde du maintien de l’ordre, le mouvement contre la violence policière raciste devra construire des organisations de lutte de masse. L’expérience de ces derniers mois montre que pour obtenir des concessions, même minimes, de la part des politiciens démocrates, il faut la pression d’un mouvement de masse. Remporter des réformes durables exigera une lutte soutenue centrée sur le pouvoir social de la classe ouvrière au-delà des couleurs de peau. Le parti démocrate au pouvoir a prouvé aux manifestants à coups de bombes lacrymogènes et de votes aux conseils municipaux qu’il ne soutenait pas les objectifs du mouvement. Le dernier exemple en date se trouve à Seattle où la proposition de Kshama Sawant de diminuer le budget de la police de 50% a été rejetée par les démocrates au conseil de ville par un vote de 7 contre 1.
De plus, le Parti démocrate a derrière lui une longue histoire de cooptation des mouvements sociaux : il a promu quelques individus à des postes de pouvoir en promettant un changement progressif tout en supervisant la démobilisation du mouvement. Pour éviter cela, nous aurons besoin d’un nouveau parti pour et par les travailleurs et les jeunes. Contrairement aux démocrates, ce serait un parti contrôlé démocratiquement à partir de la base, et dont les candidats seraient liés à la défense du programme du parti.
Le besoin d’une alternative
Il est tout à fait compréhensible que des millions de travailleurs estiment voter pour Biden comme un moindre mal en novembre, mais cela ne résoudra pas les problèmes plus profonds auxquels nous sommes confrontés. Les travailleurs et la jeunesse vont avoir à se battre encore et encore contre les institutions politiques des deux partis capitalistes dans la période à venir. Les socialistes et les militants de la classe ouvrière doivent préparer le terrain pour la construction d’un nouveau parti en clarifiant dès maintenant leur opposition à l’establishment démocrate pourri et en défendant que le plus de gens possible votent pour le plus fort des candidats indépendants de gauche, Howie Hawkins du Green Party (Parti Vert).
Le Green Party ne repose pas sur des mouvements ou la lutte des classes. Ce fut encore illustré tout récemment avec les grèves pour le climat. Ce parti ne souligne pas la nécessité de construire un parti de lutte de masse des travailleurs. Mais en l’absence d’une force plus importante menant une campagne présidentielle, les socialistes devraient soutenir la candidature de Howie Hawkins à la présidence. Howie Hawkins, est un travailleur de longue date d’UPS, il défend un programme favorable aux travailleurs qui comprend un système d’assurance maladie pour tous, un “New Deal vert éco-socialiste” et un solide programme d’urgence pour faire face à la pandémie.
La voie sans issue du moindre mal
Le soutien à Biden illustre que la gauche reste coincée dans une logique du “moindre mal” qui continuera à étouffer les véritables luttes progressistes et ouvrières. La crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, et l’incompétence de l’une ou l’autre des ailes de l’establishment politique pour y faire face, démontre toute l’urgence avec laquelle nous devons construire une nouvelle force politique.
Ce que les démocrates ont montré, c’est qu’il leur suffit, pour gagner le vote progressiste, de dénoncer verbalement les pires politiques réactionnaires des républicains. Ils n’ont même pas besoin de se battre contre elles. Malgré le travail de groupes comme les Justice Démocrats, Our Revolution et le Working Families Party, les électeurs progressistes n’ont pas construit de véritable force au sein du Parti démocrate. Ce n’est pas par manque d’efforts ou de détermination, mais en raison de la nature totalement antidémocratique et non réformable du Parti démocrate. Les travailleurs sont contraints d’accepter qu’il est grand temps d’abandonner les efforts de réforme au sein d’un parti dont les principaux donateurs sont des personnalités de la classe des milliardaires.
Il ne faut pas oublier la dernière administration démocrate. Pendant les deux premières années de la présidence Obama, les démocrates contrôlaient à la fois la Chambre et le Sénat. Ils auraient pu agir pour renflouer les familles de travailleurs, investir des milliards en faveur d’une transition vers l’énergie verte et commencer à s’attaquer aux inégalités structurelles. Mais alors que les travailleurs souffraient de ce qui était alors la pire crise économique depuis la Grande Dépression, Obama a rapidement pris des mesures pour renflouer Wall Street, les banques et l’industrie automobile. Obama a fait campagne sur le “système de soins de santé universel”, ce qui a été largement interprété comme signifiant que, au minimum, tout le monde bénéficierait d’une couverture très abordable. Au lieu de cela, l’option publique a été abandonnée et l’Affordable Care Act, bien qu’il constitue une amélioration pour certaines personnes, a permis de donner au secteur de l’assurance maladie des millions de nouveaux clients rentables en échange de la réduction de certains de ses pires abus. L’échec d’Obama à améliorer les conditions de vie des travailleurs a également contribué à créer un espace pour l’émergence du parti populiste de droite, le Tea Party.
Compter sur les politiciens soutenus par les entreprises pour repousser la droite a été un échec sous l’administration Obama et ce fut un échec encore plus dramatique en 2016. Bernie Sanders était le candidat qui avait le plus de chances de battre Trump, pas Hillary Clinton qui ne voulait pas soutenir des revendications très populaires comme l’assurance maladie pour tous. En 2020, la pandémie a changé la nature de la course à la présidence, mais elle n’a pas changé la nature pro-capitaliste de Joe Biden.
Que faire si Biden gagne ?
S’il l’emporte en novembre, Biden entrera en fonction en pleine dépression économique catastrophique. Trump a fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de se retirer discrètement s’il perdait. Il a adopté une approche ouvertement autoritaire au cours de ces derniers mois afin de détourner l’attention de son approche désastreuse face à la pandémie. Bien qu’il n’ait pas trouvé de soutien immédiat, même au sein de la classe dirigeante, pour des propositions telles que le report des élections de novembre, cette rhétorique lui est utile. Même s’il perd en novembre, il prépare le terrain pour continuer à consolider sa force de droite populiste.
Il est extrêmement positif que la plus grande organisation socialiste du pays, les Democratic Socialists of America (DSA), ait choisi de ne pas soutenir Biden et appelle – au moins formellement – à la formation d’un nouveau parti. Nous pensons que les DSA rendraient un énorme service à la gauche s’ils déclaraient leur intention de rompre totalement avec les démocrates en appelant à voter pour Hawkins, y compris avec des appels de la part d’élus des DSA tels qu’Alexandria Ocasio-Cortez. Plus important encore, les socialistes, y compris ceux organisés avec les DSA, devraient soulever la nécessité d’une politique indépendante du parti démocrate au sein des mouvements sociaux et du mouvement ouvrier et en menant des campagnes socialistes indépendantes.
Les travailleurs, en particulier les personnes de couleur, ont fait les frais de la pandémie. Ils subissent et subiront le plus fort de la vague d’expulsions de logement et de licenciements. Depuis des décennies, les démocrates ont prouvé à maintes reprises leur allégeance à l’élite capitaliste aux dépens des travailleurs et il est clair que Biden fera de même en tant que président.
Les socialistes devraient utiliser la campagne de Hawkins comme une occasion de rallier celles et ceux qui voient la nécessité d’une nouvelle force politique de gauche aux États-Unis et de poursuivre ensuite ce combat avec urgence sous une administration Biden. Il n’y a pas de temps à perdre dans la construction d’une force politique qui se battra pour les besoins des travailleurs.
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Seattle : une taxe historique imposée aux grandes entreprises comme Amazon. Réaction de Kshama Sawant

Kshama Sawant, élue au conseil de ville de Seattle en tant que membre de Socialist Alternative, a prononcé un discours à l’Hôtel de ville alors qu’il venait d’être décidé de taxer les grandes entreprises comme Amazon dans le but de dégager des fonds pour s’en prendre à la crise du logement. Cette taxe qui devrait rapporter 200 millions de dollars ponctionnés sur 3 % des plus grandes entreprises dont le siège est basé à Seattle. Cette mesure est l’une des batailles dans laquelle se sont engagés Kshama Sawant et Socialist Alternative.
Le vote d’aujourd’hui à Seattle en faveur de l’adoption de la Taxe Amazon est une victoire historique pour les travailleurs. Cette victoire a été âprement disputée et elle a été remportée de haute lutte par un mouvement qui ne refusait d’abandonner et qui a dû faire face à une série d’obstacles apparemment sans fin. Les démocrates pro-entreprises ont tenté de faire adopter une interdiction des taxes municipales sur les grandes entreprises au sein de l’assemblée législative de l’État. Il y a eu retards injustifiés au sein du conseil de ville tandis que la pandémie et le confinement ont empêché la collecte de signatures. La campagne a été systématiquement attaquée dans les médias dominants à Seattle et au niveau national.
Mais nous sommes en train de gagner grâce à la détermination des travailleurs et des socialistes à briser tous les obstacles et à trouver le chemin de la victoire. Félicitations à la campagne populaire Tax Amazon menée par la coalition dirigée par mon organisation, Socialist Alternative, et les organisations et syndicats progressistes.
Le vote d’aujourd’hui intervient huit mois après que les travailleurs aient battu Amazon aux élections, et deux ans après qu’Amazon et la Chambre de commerce aient intimidé le conseil de ville, la majorité du conseil ayant honteusement abrogé la Taxe Amazon en 2018. Aujourd’hui, Jeff Bezos et ses amis milliardaires aimeraient pouvoir faire marche arrière et récupérer la modeste taxe de 2018. Car cette nouvelle taxe sur les entreprises les plus riches de Seattle est quatre fois plus importante. Et chaque centime est nécessaire, et bien plus en fait, pour mettre fin à la gentrification raciste, aux loyers élevés et au sans-abrisme dans cette ville avec une expansion massive de logements publics abordables et d’emplois décents. Car il s’agit d’un projet de loi sur le logement et l’emploi.
Ce n’est pas un hasard si elle intervient au beau milieu de la rébellion historique de Black Lives Matter. La légitimité du statu quo a été complètement détruite par le mouvement de protestation, la pandémie et la crise croissante du capitalisme. À Seattle, la revendication de taxer Amazon a largement été reprise lors des manifestations où nous avons recueilli 20.000 signatures en 20 jours. Aujourd’hui, le total est de plus de 30.000.
La Taxe Amazon est peut-être la plus grande victoire progressiste à Seattle depuis que les socialistes et les syndicats ont ouvert la voie au salaire minimum de 15 dollars, qui est d’abord passé ici puis a été gagné dans les villes et les États du pays. Nous espérons qu’une fois de plus nous pourrons inspirer les travailleurs et la jeunesse au niveau national et mondial dans cette lutte cruciale contre la classe des milliardaires qui tente de forcer les travailleurs à payer pour la crise actuelle du capitalisme avec des coupes budgétaires massives. Notre cri de ralliement national doit être NON à l’austérité ! Taxez les grandes entreprises, pas les travailleurs ! La Taxe Amazon montre que les travailleurs n’ont pas besoin d’être uniquement sur la défensive, nous pouvons aussi passer à l’offensive et gagner gros.
Nous devons rejeter toutes les tentatives pathétiques des médias dominants qui, après des années d’attaque contre l’idée de taxer les grandes entreprises et ceux qui se battent pour elles, veulent maintenant désespérément travestir le récit de cette lutte. Soyons clairs : la Taxe Amazon n’a rien à voir avec le “savoir-faire” des politiciens de l’establishment. Elle a TOUT à voir avec l’auto-organisation des travailleurs.
Plus précisément, c’est la menace de l’initiative d’un vote populaire qui a fait pression sur l’establishment de la ville pour qu’il agisse. Tax Amazon a déposé cette mesure de vote après une série de “conférences d’action” démocratiques de base où des centaines de personnes ont été impliquées.
Nous n’avons pas gagné tout ce que nous voulions et je m’oppose fermement à toute tentative de réduire la portée de la mesure. Mais si je ne suis pas d’accord avec les autres membres du Conseil qui veulent amoindrir la législation, je tiens à reconnaître leur soutien et leurs votes en faveur de l’adoption de cette Taxe Amazon. Je tiens à remercier le membre du Conseil Mosqueda pour son travail. Je tiens à remercier le membre du Conseil Morales pour son soutien à la proposition de taxer Amazon que nous avons présentée ensemble en solidarité avec le mouvement.
Nous devons poursuivre sur notre lancée. Le mouvement visant à taxer Amazon et les grandes entreprises pour financer le logement et les services essentiels est nécessaire partout et nous devons le diffuser activement. Ici, à Seattle, nous devrons immédiatement mettre cette énergie à profit pour obtenir la libération de tous les manifestants arrêtés sans inculpation, et pour diminuer le budget de la police de Seattle d’au moins 50 %, pour arrêter les arrestations de sans abris et financer la construction de maisons notamment pour gagner au moins un millier de maisons dans le district central pour les familles de travailleurs noirs. La lutte pour la libération des Noirs impliquera également de faire campagne pour l’élection de conseils de surveillance communautaires ayant les pleins pouvoirs sur la police, y compris en matière d’embauche et de licenciement, de politiques et de procédures.
Nous avons été clairs quant à la véritable force qui tire les ficelles : Amazon. Beaucoup ont fait valoir que nous ne devrions pas “contrarier” les grandes entreprises et essayer plutôt de négocier un accord, mais nous savons que notre pouvoir vient du fait que les travailleurs s’organisent, et non d’une quelconque négociation avec l’élite. Pour ceux qui nous regardent de l’extérieur de Seattle : ne laissez personne vous dire, dans votre lutte pour taxer les grandes entreprises de votre ville, que vous semez la discorde, parce que c’est la lutte des classes qui permet d’obtenir des acquis.
Le marché privé du logement à but lucratif a totalement laissé tomber les travailleurs. Pas seulement ici et maintenant, mais partout et toujours. Parce que le capitalisme est totalement incapable de répondre aux besoins les plus fondamentaux des travailleurs.
Sur le plan international, la classe ouvrière doit faire entrer les 500 plus grandes entreprises dans un système de propriété publique démocratique, géré par les travailleurs, dans l’intérêt des besoins humains et de l’environnement, et non de l’avidité des milliardaires.
J’ai un message pour Jeff Bezos et sa classe.
Si vous tentez à nouveau d’abroger la Taxe Amazon, les travailleurs se mobiliseront par milliers pour vous vaincre. Et nous ne nous arrêterons pas là.
Parce que vous voyez, nous nous battons pour bien plus que cette taxe, nous préparons le terrain pour un autre type de société.
Et si vous, Jeff Bezos, voulez faire avancer ce processus en vous acharnant contre nous dans nos modestes revendications, alors qu’il en soit ainsi.
Car nous venons pour vous renverser vous et votre système pourri.
Nous venons pour démanteler ce système capitaliste profondément oppressif, raciste, sexiste, violent et en faillite totale, cet État policier.
Nous ne cesserons pas tant que nous ne l’aurons pas renversé et remplacé par un monde basé sur la solidarité, la démocratie véritable et l’égalité – un monde socialiste.
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Le 19 juin 2020 et la révolte contre l’oppression raciste aux USA

“Le pouvoir ne concède rien sans que cela lui soit exigé. Il ne l’a jamais fait, et ne le fera jamais.” – Frederick Douglass
Le 19 juin 2020 marque le 155ème anniversaire de l’entrée des troupes de l’Union à Galveston, Texas, pour annoncer que l’esclavage était terminé. Même si Abraham Lincoln a signé la Proclamation d’émancipation près de trois ans plus tôt, le 22 septembre 1862, le Texas était la partie la plus éloignée de la Confédération.
Par Eljeer Hawkins
Historiquement, le 19 juin, ou Jour de l’émancipation, est célébré pour les travailleurs et les jeunes noirs dans 47 États où il s’agit d’un jour férié d’État, mais pas d’un jour férié fédéral. Le 19 juin permet aux gens de se souvenir de l’histoire torturée de l’esclavage et de l’oppression systématique qui ont posé les bases du capitalisme américain.
Cette année, la journée du 19 juin prend plus de profondeur et de signification car elle se déroule au milieu de la révolte ouverte contre l’oppression raciste et la terreur policière. Cette révolte a commencé le 25 mai, après l’assassinat de George Floyd à Minneapolis, le dernier en date des innombrables jeunes et travailleurs noirs et bruns assassinés par des racistes.
Pendant ce temps, le président Trump, le raciste en chef, a choisi Tulsa, dans l’Oklahoma, pour relancer sa campagne électorale. En 1921, cette ville a été le lieu d’un horrible massacre commis contre la communauté noire, un massacre connu sous le nom de Black Wall Street, par une foule de racistes blancs en maraude, l’un des nombreux actes de violence des « justiciers blancs » dans tout le pays. Cette provocation ouverte de Trump vise à attiser les flammes de la haine et du racisme en encourageant encore plus le nationalisme blanc et en cherchant à diviser la classe ouvrière et les pauvres pour assurer le règne des riches. La réaction à cette initiative brutale de Trump l’a toutefois obligé à reporter le rassemblement.
Ce 19 juin sera commémoré dans tout le pays avec une nouvelle vigueur et une nouvelle détermination à démolir l’édifice de l’oppression raciste. La dévastation des communautés ouvrières, en particulier des communautés de couleur, pendant la pandémie de Covid-19 et le début d’une nouvelle grande dépression économique ont révélé la crise profonde dans laquelle est plongé le capitalisme. Il ne peut plus prétendre, à quelque niveau que ce soit, offrir la démocratie, la justice et la liberté à la majorité des travailleurs, des pauvres et des opprimés.
Le caractère multiracial dominant de la révolte contre la terreur policière est impressionnant, tant au niveau de la classe ouvrière que parmi la jeunesse. Nous avons vu un petit mais important segment du mouvement ouvrier, comprenant des travailleurs du transport, des facteurs, des travailleurs immigrés, des infirmières et des enseignants, exprimer leur rage face à l’oppression raciste et la terreur policière. Sur la côte ouest, l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU) a annoncé qu’elle bloquerait 29 ports en signe de solidarité le 19 juin. La construction de l’unité du mouvement ouvrier est essentielle pour développer une lutte décisive contre le pouvoir des entreprises, le nationalisme blanc et Trump.
Le 19 juin, Socialist Alternative participera à diverses manifestations dans tout le pays. Nous exhortons les travailleurs et les jeunes à se solidariser avec la révolte par des arrêts de travail bien coordonnés. Nous demandons que ces actions sur le lieu de travail durent 8 minutes et 46 secondes, soit la durée pendant laquelle Derek Chauvin, qui a assassiné George Floyd, s’est agenouillé sur son cou et son corps au point de le tuer alors qu’il disait : “Je ne peux pas respirer”. Déclarons que le 19 juin 2020 soit le début d’une lutte sans compromis contre ce système de racisme, de violence étatique, d’oppression et de cupidité. Comme Malcolm X l’a déclaré il y a plus de cinquante ans, “Je crois qu’il y aura finalement un affrontement entre les opprimés et ceux qui oppriment. Je crois qu’il y aura un affrontement entre ceux qui veulent la liberté, la justice et l’égalité pour tous et ceux qui veulent continuer les systèmes d’exploitation”. Un monde socialiste est possible !
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Etats-Unis. Les marxistes et l’Etat : Comment en finir avec le maintien de l’ordre raciste ?

Le rôle de la police et comment un réel changement peut être obtenu
La nature du maintien de l’ordre aux États-Unis est indissociable de l’histoire violente et raciste du capitalisme dans ce pays. Un fil conducteur existe des patrouilles d’esclaves aux lynchages policiers dans les communautés noires d’aujourd’hui, en passant par les chiens et les lances d’incendie de Bull Connor contre les manifestants noirs à Montgomery pendant le mouvement des droits civiques.
Par Tom Crean, Socialist Alternative, USA
Historiquement, la répression policière et étatique a également été déclenchée contre les travailleurs qui essayaient de s’organiser en syndicats, contre des organisateurs radicaux et contre toute lutte sérieuse qui menaçait les intérêts de la classe dirigeante. En 1932, le président Hoover a envoyé l’infanterie et des chars pour détruire le campement des vétérans blancs et noirs à Washington D.C., des anciens soldats qui réclamaient leurs primes de la Première Guerre mondiale promises depuis longtemps. Le 30 mai 1937, la police de Chicago a abattu 40 métallurgistes non armés qui étaient en grève devant les portes de l’entreprise Republic Steel. Dix personnes ont été tuées ce jour-là. En 2006, l’ICE (United States Immigration and Customs Enforcement, une agence de police douanière et de contrôle des frontières du département de la Sécurité intérieure des États-Unis) a organisé des rafles massives faisant penser à la Gestapo dans les usines de viande du Midwest, ce à quoi ont suivi des déportations massives de travailleurs immigrés. Cela visait à écraser le mouvement qui se développait alors en faveur des droits des immigrés, il s’agissait d’une réaction face à des travailleurs qui s’organisaient.
Le rôle de la policeComme l’expliquait Frederick Engels il y a plus de cent ans, l’émergence de l’appareil répressif de l’État, comprenant les armées, la police, les prisons, etc. reflète historiquement la division de la société en classes sociales ayant des intérêts antagonistes. L’État est constitué, selon les termes d’Engels, de “corps d’hommes armés”, qui maintient l’antagonisme de classe “dans les limites de l’ordre” mais défend en fin de compte les intérêts de la classe dominante. Dans notre société, il s’agit des capitalistes. La répression et la menace du recourt à la violence font partie intégrante de la protection des richesses et de la domination de la classe dominante dans une société aussi inégalitaire que la nôtre.
De l’esclavage à la ségrégation institutionnalisés d’aujourd’hui en passant par Jim Crow, le maintien de la division raciste est fondement du régime capitaliste aux États-Unis. Afin de former de puissants syndicats industriels comme les Travailleurs Unis de l’Automobile dans les années ’30 et ’40, les organisateurs syndicaux radicaux ont dû repousser le poison du racisme qui était encouragé par des patrons comme Ford. Sans adopter une position antiraciste sans équivoque, ils n’auraient jamais réussi à convaincre les travailleurs blancs et noirs de se battre ensemble et de remporter des victoires historiques profitant à l’ensemble de la classe ouvrière. Ce mouvement était si puissant qu’il aurait pu être le début d’une remise en cause du pouvoir capitaliste lui-même.
L’attitude agressive de la police dans les quartiers pauvres noirs et latinos aujourd’hui est destinée à maintenir les gens littéralement enfermés dans des logements et des écoles inférieurs aux normes et à les maintenir dans la ségrégation. Mais les politiciens racistes ont également cherché à présenter les personnes de couleur pauvres comme une menace pour la classe ouvrière blanche plus aisée et les communautés de la classe moyenne afin de disposer d’un plus large soutien pour ces politiques répressives.
Il n’est pas possible de créer une police totalement “non raciste” tant que le racisme et la ségrégation institutionnels restent intacts dans la société. La police ne peut pas non plus être “abolie” dans le cadre d’une société capitaliste. Tant que les capitalistes seront au pouvoir, ils devront trouver un moyen de protéger leurs intérêts et leurs biens. Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire avant de nous débarrasser du capitalisme lui-même.
Un réel changement
Les changements obtenus lors de la première phase du mouvement Black Lives Matter après 2013, notamment un entraînement plus poussé des agents de police et le port de caméras corporelles, se sont révélés totalement insuffisants. Le maintien de l’ordre peut toutefois être changé de manière significative et les incarcérations de masse peuvent être réduites. De tels gains ne peuvent cependant être obtenus que par un mouvement de masse du type de celui qui a éclaté après l’horrible meurtre de George Floyd. Pour obtenir de réelles conquêtes durables, le mouvement doit être se poursuivre, se concentrer sur la mobilisation du pouvoir social des travailleurs et défendre un programme social plus large.
Le mouvement actuel a démontré que la masse de la population rejette le racisme odieux et réactionnaire qui sévit dans les forces de police. Ce rejet du racisme est extrêmement positif. Ce qui est également exposé, c’est la protection dont bénéficie la police. Celle-ci dispose d’une immunité légale virtuelle pour presque tous les crimes. Il s’agit d’une caste qui n’est soumise à aucun contrôle démocratique. La classe dirigeante l’a envoyée en mission pour maintenir la population dans le rang, surtout la communauté noire, il est donc maintenant difficile pour l’establishment lui-même de les diriger.
Le mouvement de masse a mis en évidence de réelles divisions au sein de l’establishment politique quant à la manière de traiter le maintien de l’ordre. La position de Trump et des éléments les plus réactionnaires est d’accroître la répression de façon massive, mais cette approche s’est retrouvée isolée. Une autre aile de l’establishment – représentée par les maires Durkan à Seattle et de Blasio à New York – cherche à maintenir le statu quo mais se trouve actuellement en retrait sous la pression du mouvement. Une troisième aile cherche à contrôler le mouvement en reprenant la revendication de la diminution du budget de la police pour ensuite affaiblir la portée du mouvement. A Minneapolis, la majorité du conseil de ville est allée jusqu’à s’engager à “dissoudre” le service de police. Mais presque immédiatement, ses membres ont commencé à revenir sur cette position, en expliquant qu’ils ouvrent une période d’un an pour examiner des manières alternatives d’assurer le maintien de l’ordre. L’exercice vise à faire gagner du temps à l’establishment. C’est maintenant que nous avons besoin de changement !
Nous devons rendre plus concrète la revendication de diminution du budget de la police. Kshama Sawant, élue socialiste au Conseil de ville de Seattle, a appelé à réduire le budget de la police de 50 % et mène la lutte pour taxer Amazon (dont le siège social se situe à Seattle) afin de financer en permanence des logements sociaux, des services sociaux et de bons emplois. Nous devons exiger une fois pour toutes que la politique policière, y compris l’embauche et le licenciement, soit placée sous le contrôle de conseils civils démocratiquement élus. La police doit être immédiatement purgée de tous les flics ayant commis des actes racistes ou violents dans les quartiers. Comme dans de nombreux autres pays, la police ne doit pas être armée lors des patrouilles. Une force de police placée sous contrôle démocratique, même dans une certaine mesure, réduirait l’oppression de la classe ouvrière noire en particulier, mais elle profiterait en fait à la classe ouvrière dans son ensemble.
Les divisions dans la police
Nous devons également reconnaître que la police ne constitue pas une masse homogène. L’aile réactionnaire est très forte et domine la plupart des forces de police locales dans tout le pays. Mais s’il y a eu des actes de mise en scène concernant le “genou à terre” de la part de flics qui ont ensuite violemment attaqué des manifestants, il y a également eu des signes de sympathie véritable de la part de certains policiers ordinaires. Une lettre récente de 14 officiers de Minneapolis prétend parler au nom de centaines d’autres policiers en dénonçant Derek Chauvin et en soutenant le mouvement. Il s’agit d’une mesure limitée et positive, mais elle aurait été totalement inconcevable sans la pression du mouvement de masse.
Si des policiers ordinaires veulent véritablement d’une réforme et d’une relation différente avec les communautés dans lesquelles ils travaillent, alors il est temps pour eux de se soulever et de s’efforcer de repousser des gens comme Bob Kroll – le chef d’extrême droite du syndicat de la police de Minneapolis, un partisan déclaré de Trump. Nous croyons au droit de la police à constituer des syndicats afin qu’elle puisse résister à l’utilisation que la classe dominante veut en faire contre les travailleurs. Mais ce n’est clairement pas le rôle que ces syndicats jouent aujourd’hui.
La vérité est que les forces de police de nombreuses villes ont utilisé leur participation au mouvement syndical général pour se couvrir. Le mouvement ouvrier ne peut pas rester silencieux. Il doit défendre la classe ouvrière noire et les communautés d’immigrés maltraitées par la police. Il doit exiger que les syndicats de police rejettent les politiques racistes de maintien de l’ordre et acceptent de soutenir une purge des services de police afin d’expulser les personnes ayant des antécédents de violence et de racisme pour qu’elles restent ou rejoignent les structures syndicales.
Une société juste et sûre
Vivre dans une société où les gens n’auront pas à craindre la répression de l’État et le racisme, cela implique de se débarrasser du capitalisme. Comme cela a été souligné dans un précédent article concernant la rébellion de Minneapolis :
“Une des tâches centrales d’un gouvernement des travailleurs, où les grandes entreprises seront aux mains du public et où les travailleurs disposeront du contrôle démocratique de l’économie, est de combattre l’héritage raciste de l’esclavage, de l’impérialisme et des inégalités de toutes sortes pour créer les conditions d’une société réellement débarrassée du maintien de l’ordre raciste, de l’exploitation et de l’oppression. Cela implique que les communautés ouvriers organisent leur propre sécurité et leur propre protection.
“Le processus de démantèlement de la police, des prisons et de la répression étatique en général est entrelacé avec le processus de dépassement du capitalisme et d’établissement d’une société socialiste véritablement égalitaire et sans classes. Cela ne sera pas fait par le conseil de ville de Minneapolis, mais par l’organisation consciente de la classe ouvrière en un mouvement révolutionnaire”.
Socialist Alternative défend :
- Licenciement et poursuite en justice immédiate de tous les policiers qui ont commis des actes violents ou racistes.
- Retrait de la garde nationale de Minneapolis et d’ailleurs et abrogation des couvre-feux. La garde nationale n’a rien fait pour la justice sociale et a plutôt été utilisée pour attaquer les manifestations, terroriser les communautés ouvrières, blesser les journalistes qui couvrent les manifestations non violentes et protéger les banques et les commissariats de police.
- Arrêt de la militarisation de la police. Il doit être interdit à la police d’utiliser des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et du matériel militaire. Désarmement des policiers en patrouille.
- Placement de la police sous contrôle de commissions civiles démocratiquement élues. Celles-ci devraient avoir un réel pouvoir, notamment sur les politiques d’embauche et de licenciement, la révision des priorités budgétaires et le pouvoir d’assignation à comparaître. Tout cela devrait être fait ouvertement et publiquement.
- Diminution radicale des budgets de la police et réinvestissement de ces fonds dans des écoles et des logements abordables. Imposition massive des riches pour investir dans des emplois verts, des programmes sociaux, l’enseignement public et des logements sociaux abordables en permanence.
- Les syndicats de police sont dominés par des réactionnaires qui défendent les abus, ils ne devraient pas être défendus par le mouvement ouvrier. Les syndicats doivent se ranger résolument du côté des manifestants et s’opposer au racisme et à la violence policière. Ils doivent exiger que les syndicats de police rejettent les politiques racistes de maintien de l’ordre et acceptent de soutenir une purge de la police afin de rester dans les structures syndicales ou d’y adhérer.
- Les deux principaux partis politiques, les démocrates et les républicains, ont démontré leur loyauté envers le système capitaliste raciste et oppressif. Les maires et les conseils de ville et municipaux démocrates n’ont pas fait grand-chose pour arrêter les flics tueurs. Nous ne devons pas croire que l’un ou l’autre des grands partis puisse nous représenter. Nous devons construire un nouveau parti politique de la classe ouvrière, un parti multiracial, indépendant des grandes entreprises, construit à partir de nos luttes.
- L’ensemble du système est coupable ! Comme l’a déclaré Malcolm X : “Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme.” Pour obtenir un changement durable, la lutte contre le racisme de la police et l’establishment politique des entreprises doit être étendue à une lutte contre le système capitaliste lui-même et pour une alternative socialiste.
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[DOSSIER] Un mouvement de masse inédit contre le racisme balaie les États-Unis

Le 25 mai à 20h25, George Floyd a cessé de respirer. Quelques instants plus tard, son pouls s’est arrêté. Deux minutes plus tard, l’officier de police de Minneapolis Derek Chauvin a retiré son genou du cou de Floyd. Moins d’une heure plus tard, il a été déclaré mort.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative
- Jeudi 11 juin 2020 : Meeting online : L’héritage révolutionnaire de Malcolm X
Le jour de la mort de George Floyd, nous étions en confinement depuis plus de deux mois et demi. Des millions d’Américains ont perdu des êtres chers à cause du COVID-19, et ont été obligés dans de nombreux cas de faire leur deuil dans un isolement complet. Des dizaines de millions de personnes ont perdu leur emploi et beaucoup d’autres ont perdu des heures de travail ou une partie de leur salaire. Le loyer de juin approchait à grands pas et, une fois de plus, de nombreuses familles se demandaient si elles pouvaient payer leur loyer et acheter suffisamment de provisions.
Tout cela a affecté de manière disproportionnée la classe ouvrière noire. Les Noirs ont trois fois plus de chances d’attraper le COVID-19 que les Blancs. Des millions de travailleurs noirs ont été mis à pied ou licenciés et le taux de chômage des Noirs est le plus élevé de tous les groupes démographiques.
C’est dans ce contexte, celui d’un effondrement du système, que la mort de George Floyd a déclenché le plus vaste mouvement de protestation aux États-Unis depuis 50 ans.
#Justice4GeorgeFloyd
À partir de Minneapolis, la nuit où George Floyd a été assassiné, les manifestations de masse et les occupations ont déferlé sur les États-Unis. Cela marque une nouvelle phase, bien plus développée, du mouvement Black Lives Matter.
Il y a eu des manifestations dans tous les États du pays, avec plus de manifestations que lors des Women’s Marches de janvier 2017 qui en avaient totalisé plus de 650. Les manifestations ne se sont pas limitées aux grandes villes ni aux États du Nord, il y a ainsi eu plus de 100 manifestations dans tout le Sud des États-Unis. Le point culminant a été les manifestations de masse de ce samedi 6 juin, avec des centaines de milliers de personnes dans les rues de Washington DC et des centaines de milliers dans les villes du pays.
Ces protestations bourdonnent d’une rage énergique. Elles ont été menées principalement par des jeunes noirs, mais la foule est multiraciale. Des jeunes de toutes les couleurs de peau considèrent ce combat comme le leur. Des dizaines de milliers de jeunes, pour la plupart, sont sortis dans les villes avec une revendication simple et générale : la fin des meurtres de Noirs innocents par la police et la fin des brutalités policières racistes en général !
Contrairement au mouvement Black Lives Matter de 2014-2015, ce mouvement a pris le caractère d’une rébellion totale avec occupation dans une série de villes. A Minneapolis, les manifestants ont fait du lieu de la mort de George Floyd le siège du mouvement. Il y a maintenant un campement permanent de tout le quartier entourant le site du meurtre de George Floyd.
De même, à Brooklyn, les quartiers entourant le Barclay’s Center sont le lieu de résidence quasi permanent des manifestants. Presque comme lors d’un changement d’équipe en usine, les enfants et les familles défilent pendant la journée tandis que les adolescents et les jeunes adultes les remplacent la nuit.
Trump et “la Loi et l’Ordre”
La transformation de ces protestations en une rébellion plus large dans certaines villes peut être en partie attribuée à la réaction brutale de la police face aux premières manifestations. Celle-ci a utilisé à plusieurs reprises des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc, des matraques et – dans quelques cas – elle a carrément foncé dans la foule contre des manifestants pacifiques.
Kshama Sawant, élue au Conseil de la ville Seattle et membre de Socialist Alternative, a introduit une loi au sein du conseil pour interdire l’utilisation d’armes chimiques (gaz lacrymogène, gaz au poivre), de balles en caoutchouc, de canons à eau et d’armes soniques à la police. Cette revendication est depuis devenue semi-virale et elle montre le rôle important que peuvent jouer les élus socialistes.
Aussi brutale qu’ait été la répression policière, elle n’atteint pas celle que Trump voudrait faire pleuvoir sur les manifestants. Il a exhorté les gouverneurs des Etats à “dominer” les manifestants et a déclaré : “quand les pillages commencent, les tirs commencent”. Il a envoyé l’armée américaine à Washington DC et a menacé de déployer les troupes dans d’autres villes pour réprimer le mouvement. Il a donné l’ordre à la police et à la Garde nationale de gazer une manifestation pacifique devant la Maison Blanche afin de dégager un chemin pour sa séance de photos en tenant une bible à l’église St John.
Trump n’a pas trouvé de large soutien pour ses menaces autoritaires parmi le public américain ou même au sein de sa propre administration, les hauts responsables militaires s’opposant à l’utilisation de l’armée. Actuellement, 62% des Américains considèrent les protestations comme légitimes. Plus surprenant encore pour l’establishment, 54% des Américains estiment que l’incendie du poste de police du 3ème arrondissement de Minneapolis était légitime.
L’approche de Trump, ainsi que la réponse violente de la police aux manifestations, n’ont fait qu’enflammer la situation. Trump tente de se faire passer pour le “président de la loi et de l’ordre” avec sa réaction musclée. Il semble vouloir suivre les pas de Richard Nixon, qui a remporté ainsi les élections de 1968 et s’est présenté sur une plateforme similaire de “loi et d’ordre”. Mais le contexte est complètement différent. En 1968, Nixon était le challenger alors que Lyndon Johnson et les démocrates présidaient la débâcle au Vietnam et alors que des troubles massifs avaient lieu aux USA. Politiquement, l’approche de Trump a profité à Biden qui est maintenant fermement en tête des sondages nationaux.
Les Démocrates exposés
Au niveau national, le Parti démocrate a publié des déclarations de soutien au mouvement. Cependant, parallèlement, les maires et les gouverneurs démocrates de tout le pays imposent des couvre-feux et ont approuvé l’augmentation massive des budgets de la police alors qu’ils réduisaient ceux des services sociaux. Ils nient carrément la violence de leurs propres forces de police.
De manière scandaleuse, de nombreux maires et gouverneurs démocrates se sont fait l’écho du récit de Trump et du procureur général Barr selon lequel les confrontations avec la police et les pillages étaient le fait d’”agitateurs extérieurs”. Trump s’en est pris à des anarchistes, aux « Antifa », en disant même à un moment donné qu’il les déclarerait “organisation terroriste”. Les démocrates, en particulier à Minneapolis, ont répandu la peur et la désinformation à propos d’une vague de suprémacistes blancs venus perturber les manifestations. Presque aucun fait n’a été avancé pour étayer ces récits qui visaient à dévier l’attention de la violence policière et à justifier la répression.
Le New York Times a publié vendredi 5 juin un article cinglant détaillant l’échec dramatique du maire de New York Bill DeBlasio, élu en 2014 notamment sur base de la promesse de réformer la police, et du gouverneur de l’Etat Andrew Cuomo pour répondre aux besoins du moment. Ils ont écrit : “Quelles responsabilités urgentes ont tellement occupé ces deux fonctionnaires qu’ils n’ont pas le temps de s’assurer que la sécurité des New-Yorkais est protégée et que les droits des New-Yorkais sont respectés ? Comment est-il possible qu’après tant de rapports sur les fautes de la police, ils ne puissent toujours pas se donner la peine de la superviser ?”
Cela illustre les divisions en cours au sein même de l’establishment. Une partie d’entre elle commence à exercer des pressions en faveur de réformes plus sérieuses de la police. A New York, les autorités de Manhattan et de Brooklyn ont déclaré qu’elles ne poursuivraient pas les centaines de personnes arrêtées pour “rassemblement illégal” et “trouble de l’ordre public”.
À Seattle, l’ambiance est à l’apogée pour chasser du pouvoir la maire démocrate Jenny Durkan, qui n’a pas su gérer les policiers qui terrorisaient les manifestants. Kshama Sawant s’est joint à cet appel et a officiellement demandé la démission de Durkan.
Certains membres du conseil de Minneapolis ont fait des propositions audacieuses pour abolir la police. Il ne fait aucun doute qu’il y aura des réformes de la police en réaction à la pression du mouvement. Pourtant, dans un monde où huit milliardaires possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale et où 40 millions d’Américains sont actuellement au chômage, l’État s’appuiera toujours sur une forme de force répressive pour maintenir l’ordre. Les marxistes soutiennent qu’un monde sans police ne peut être construit que sur la base de la garantie d’emplois, de logements, de soins de santé, d’écoles et d’un contrôle démocratique des ressources de la société.
Malheureusement, tout au long de cette rébellion, Bernie Sanders a été largement absent. Ceci n’est qu’une confirmation supplémentaire des terribles conséquences de sa capitulation totale devant l’establishment du Parti démocrate. S’il était resté dans la course, il aurait pu contribuer à utiliser sa campagne pour faire pression en faveur d’un changement décisif.
Ce mouvement a sans aucun doute affaibli l’autorité du Parti démocrate, car on a vu des responsables clés attiser la peur et excuser une nouvelle escalade de violences policières. Mais une autre section du parti s’efforce de s’associer au mouvement.
Le renforcement de la campagne de Biden constitue une exception à la règle générale chez les démocrates. Mais cela est principalement dû à la répulsion générale à l’égard de l’autoritarisme dangereux de Trump. Biden n’est sorti quelque peu de son bunker il y a deux semaines pour s’attaquer à Trump.
Organiser la lutte
Ce mouvement a déjà obtenu le licenciement, l’arrestation et l’inculpation des quatre officiers impliqués dans le meurtre de George Floyd. C’est le fruit de la résistance des manifestants dans tout le pays, mais surtout à Minneapolis.
Nous devons poursuivre sur cette lancée et construire le mouvement avec un certain sentiment d’urgence. Voici les prochaines étapes que Socialist Alternative propose.Revendications : Nous avons besoin de revendications concrètes, tant au niveau national que local. Les appels à la diminution des budgets et à la restructuration des services de police dans tout le pays ont pris de l’ampleur, certaines villes comme Los Angeles ayant même adopté des mesures pour réduire le financement de la police. Les villes de tout le pays dépensent des sommes démesurées pour la police. Kshama Sawant, à Seattle, a demandé que le budget de la police de Seattle soit réduit de moitié. Socialist Alternative soutient la réorientation d’une part importante du budget de la police vers le logement, l’éducation et les soins de santé.
Nous avons également besoin que les forces de police soient purgées dans tout le pays. Tout agent ayant des antécédents de racisme, de sexisme ou de violence devrait être immédiatement licencié. Cette mesure devrait être mise en œuvre par des conseils de surveillance communautaires démocratiquement élus.
Nos revendications doivent refléter l’ampleur de la crise à laquelle les travailleurs sont confrontés. Si le point de départ de celles-ci est certainement spécifique à la lutte contre la brutalité policière raciste, nous ne devons pas nous y limiter. Le coût croissant des loyers, les salaires de misère et notre système de soin de santé totalement inadéquat ont tous un impact disproportionné sur les Noirs américains. Nous sommes en beau milieu d’une pandémie et au début d’une dépression économique mondiale et il faut y répondre.
Le mouvement syndical doit s’impliquer : La lutte contre le racisme exige la participation de toute la classe ouvrière. La devise du mouvement ouvrier est : “Une attaque contre l’un est une attaque contre nous tous”. Les syndicats doivent organiser de toute urgence leur participation aux manifestations. Cela peut prendre la forme de grèves de solidarité de neuf minutes pour marquer les neuf minutes durant lesquelles Derek Chauvin a eu son genou sur le cou de George Floyd. Cela peut aussi consister à organiser la défense des manifestations contre les violences policières, à transformer les locaux syndicaux en dépôts pour que les manifestants puissent s’y ravitailler (notamment en équipement de protection tels que des masques), et à former des contingents pour se joindre aux manifestations et aux actions quotidiennes. À Minneapolis, Socialist Alternative a appelé à la préparation d’une journée de grève générale locale en solidarité avec le mouvement ainsi que pour exiger la fin de l’occupation de la ville par la Garde nationale.
Structuration du mouvement : Le mouvement a besoin de structures démocratiques dans chaque ville afin d’y discuter des prochaines étapes de la lutte. Il devrait y avoir, pour commencer, des réunions quotidiennes en plein air où se rencontrer pour discuter des projets de la journée et aborder les divers problèmes qui se posent. Si le mouvement devait se poursuivre à ce rythme, ces réunions devraient être transformées en organes d’organisation officiels avec notamment des représentants des organisations participantes. Nous avons également besoin de forums en ligne sécurisés pour communiquer rapidement.
La défense du mouvement : Nous avons besoin d’une équipe de défense multiraciale désignée à chaque manifestation, capable de se protéger contre les éléments antisociaux et criminels qui cherchent à tirer profit de la situation. Il ne s’agit pas d’un souci moral de protéger la propriété privée, mais d’empêcher les gens d’employer des tactiques susceptibles de saper le soutien plus large dont bénéficie le mouvement.
“Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous”
Une partie importante du mouvement ouvrier a déjà marqué cette rébellion de son empreinte. Le syndicat des chauffeurs de bus de Minneapolis, dirigé par des marxistes, en est un brillant exemple : dès la première nuit de manifestation, il a refusé de transporter les manifestants arrêtés en prison. Cette rébellion s’est rapidement étendue à New York et à Washington D.C. (entre autres villes) où les travailleurs des transports en commun ont adopté une position similaire.
Le 11e jour des manifestations, les infirmières de tout le pays se sont agenouillées sur les pelouses de leurs hôpitaux en solidarité avec le mouvement Black Lives Matter. Les priorités rétrogrades de notre système ont été mises en avant par ces infirmières qui ont été forcées de travailler pendant une pandémie en portant des sacs poubelles comme vêtements de protection alors que, devant leur fenêtre, la police défilait dans les rues en coûteuses tenues anti-émeute.
À la fin de la première semaine de manifestations, les travailleurs des épiceries de Minneapolis ont commencé à organiser des débrayages et des arrêts de travail pour soutenir le mouvement. Le 5 juin, une employée de la distribution de Minneapolis et membre de Socialist Alternative a organisé toute son équipe pour qu’ils quittent leur poste. Ils se sont rendus aux portes de leur supermarché pour crier des slogans avec des pancartes pendant 8 minutes et 45 secondes avant de retourner au travail. De plus, des membres de Socialist Alternative qui travaillent au bureau de poste de Minneapolis ont organisé un rassemblement de solidarité avec 60 travailleurs postaux. Ils ont manifesté du bureau de poste brûlé jusqu’à l’occupation, en déclarant avec audace qu’un bâtiment peut toujours être reconstruit, mais qu’on ne peut pas reconstruire la vie d’une personne assassinée par la police.
Alors que les manifestations empruntent les principales rues et autoroutes du pays, certaines des plus fortes éruptions de joie des manifestants sont déclenchées par un simple acte de solidarité de la part d’autres travailleurs ordinaires. À New York, chaque fois qu’un chauffeur de bus, de taxi ou de livraison klaxonne pour soutenir les protestations, la foule hurle de joie.
Le potentiel de solidarité organisée de la part du mouvement ouvrier au sens large est immense. Cependant, les dirigeants actuels de la plupart des grands syndicats se sont avérés – une fois de plus – complètement défaillants. Lors d’une conférence de presse organisée par la fédération syndicale AFL-CIO, les dirigeants de certains des plus grands syndicats du pays n’avaient guère plus à dire que “le racisme est mauvais, veuillez voter comme il faut”. C’est tout à fait insatisfaisant. Les besoins du mouvement ne peuvent pas attendre jusqu’en novembre. Si les dirigeants syndicaux existants ne sont pas préparés à mobiliser pleinement leurs membres dans la lutte contre le racisme, alors nous avons besoin d’une nouvelle direction. Nous avons besoin que les éléments les plus combatifs et les plus déterminés du mouvement syndical s’organisent pour que les syndicats redeviennent de véritables organisations de lutte.
La nécessité d’une tactique efficace
Les manifestations dans certaines villes ont temporairement éclaté en émeutes, avec des voitures de police (et des commissariats entiers dans le cas de Minneapolis) incendiées. Une très petite minorité de manifestants ont adopté un comportement antisocial, comme le pillage. Dans certains cas, ces pillages sont plus clairement motivés par la pauvreté, avec des rapports faisant état de parents emportant avec eux de la nourriture et des couches. Mais dans d’autres cas, ce sont des personnes qui profitent de manière opportuniste du chaos.
La rage qui se cache derrière les émeutes n’est pas seulement compréhensible, elle est positive. Nous avons le droit d’être en colère. Il y a beaucoup de raisons pour l’être. Cependant, nous devons réfléchir de façon stratégique à la manière dont cette rage est canalisée. En l’absence de structures démocratiques permettant au mouvement de débattre de la voie à suivre, les gens emploieront toute une série de tactiques – certaines efficaces et d’autres non.
“C’est tout le système qui est coupable”
Dans tout le pays, les gens se précipitent actuellement dans les rues, enragés par le racisme rampant de notre société. Cependant, il est clair que la rage est bien plus profonde à des kilomètres à la ronde. Elle plane comme un nuage au-dessus des manifestations. Pour de nombreux manifestants qui demandent justice pour George Floyd, il est évident que tout notre système économique et politique est brisé.
Si les manifestations de Black Lives Matter en 2014-2015 ont donné le sentiment, notamment chez les jeunes Noirs, que tout le système leur était défavorable, ce sentiment n’a fait que s’amplifier à mesure que des millions de personnes s’enfonçaient davantage dans la pauvreté.
Le désir croissant d’un changement sérieux sur tous les fronts nécessaires ne peut être séparé des conditions plus générales auxquelles nous sommes confrontés. Les jeunes et les travailleurs de toutes couleurs de peau perdent des personnes qu’ils aiment à cause d’un virus qui aurait pu être contenu et voient leur dette augmenter, leurs salaires diminuer, leurs emplois disparaître. Ils se demandent : comment aller de l’avant ?
Il y a moyen d’y parvenir, mais nous devons nous battre pour cela. Nous devons nous battre ici et maintenant pour une refonte complète des services de police, pour des logements accessibles et de bons soins de santé, pour des programmes d’emploi, pour une éducation et des services sociaux entièrement financés.
Cependant, nous ne pouvons pas non plus considérer ces réformes comme un objectif final. Notre projet doit être de créer un mouvement multiracial de la classe ouvrière pour mettre fin au système capitaliste – le système qui constitue la base de notre société.
Nos institutions politiques – y compris la police – existent pour défendre les intérêts de la classe dominante capitaliste, et non ceux des travailleurs. Si nous voulons vraiment surmonter des siècles de racisme et toutes les autres formes d’oppression, nous avons besoin d’un système entièrement nouveau. Un système qui ne récompense pas la division, la concurrence féroce et la privatisation des ressources, mais qui récompense la solidarité authentique, la collaboration et la redistribution des richesses de la société, une société socialiste.
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“Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme.” Qui était Malcolm X ?

Malcolm X était l’un des représentants les plus connus et les plus militants du mouvement des droits civiques qui a secoué la société américaine dans les années 1960. Il est aujourd’hui un symbole de résistance, non seulement pour les jeunes Noirs, mais pour toutes les couches opprimées de la population. Malcolm X reste une figure imposante dans le panthéon des révolutionnaires du 20ème siècle, examinons les 11 derniers mois de sa vie et l’héritage qu’il a laissé derrière lui.
Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative
- Jeudi 11 juin 2020 : Meeting online : L’héritage révolutionnaire de Malcolm X
1964 – L’évolution d’un révolutionnaire
Le 8 mars 1964, Malcolm X décida d’annoncer qu’il quittait la Nation de l’Islam et prenait ses distances de son leader spirituel Elijah Muhamad afin de s’engager complètement dans la lutte pour les droits civiques et humains aux USA et à l’étranger. Malcolm fonda Muslim Mosque Inc. (Mosquée Musulmane S.A.) pour regrouper les membres de la Nation de l’Islam qui l’avaient suivi. En juin, il en développa le bras politique : l’Organisation de l’Unité Afro-Américaine (OUAA) basée est sur le modèle de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA – précédant l’Union africaine) née après les victoires des luttes anti-coloniales de libérations, dans le monde néocolonial.
La Nation de l’Islam dénonçait l’hypocrisie de la ‘‘démocratie’’ américaine, le capitalisme, la suprématie blanche et les conditions de vie épouvantables de la population noire depuis l’esclavage. Recrutant ses membres parmi la classe ouvrière, les pauvres, les détenus et les travailleurs précaires noirs, la Nation de l’Islam prêchait et pratiquait une combinaison de nationalisme culturel noir et d’idéaux pro-capitalistes comme le mouvement de Marcus Garvey (UNIA, d’où étaient issus beaucoup de ses membres), le plus large mouvement dirigé par des Noirs et auquel les parents de Malcolm X appartenaient. La Nation de l’Islam était une organisation pyramidale, aux décisions prisent à la direction et imposées à la base, qui comprenait également une branche paramilitaire (Les fruits de l’Islam). L’organisation prêchait que le peuple noir était le ‘peuple élu’ destiné à être libéré du malin, de la suprématie blanche et des lois ségrégationnistes. Elle mettait en avant qu’il existe une connexion mondiale entre les peuples basanés d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique-Latine.
La forme spécifique d’Islam afro-américain de la nation de l’Islam n’était pas reconnue par l’Islam sunnite. Sa politique vis-à-vis du mouvement des droits civiques était basée sur le non-engagement alors qu’il s’agissait du mouvement social le plus important de l’époque. Elijah Muhammad craignait que le gouvernement s’attaque à son organisation. Alors que des évènements bouleversants se produisaient partout dans le monde avec des révolutions, des contre-révolutions, des rébellions et le Mouvement des droits civiques aux USA, l’embrasement politique et spirituel de Malcolm pour un engagement plus complet dans la lutte était de plus en plus palpable. En tant que porte-parole national de la Nation de l’Islam, Malcolm politisait la théologie d’Elijah Muhammad au grand désarroi de ce dernier, ce qui provoqua la colère de la direction de l’organisation.
Après avoir quitté la Nation de l’Islam, Malcolm entreprit dès avril 1964 deux voyages internationaux qui se sont étendus à l’Afrique, à l’Europe et au Moyen-Orient. Ce voyage avait des objectifs à la fois politiques et religieux, Malcolm voulant compléter son pèlerinage à La Mecque et accepter formellement les enseignements de l’Islam sunnite. Il souhaitait devenir un point de référence aux USA pour l’Islam, théologiquement et d’un point de vue organisationnel. Les voyages de Malcolm à travers l’Afrique et le Moyen Orient ont eu un énorme impact sur sa manière de penser l’Islam et la révolution.
Lier la lutte de libération des noirs à l’anticolonialisme
Politiquement, Malcolm souhaitait amener sur le devant de la scène internationale la cause des 22 millions d’Afro-Américains qui subissaient la pauvreté, les violences policières, l’exclusion politique, etc. de la ségrégation américaine.
Malcolm a dû naviguer à travers un monde d’après-guerre qui connaissait révolutions et contre-révolutions. Les révolutions dans le monde colonial comme en Chine, en Algérie, au Vietnam ou à Cuba et le mouvement des pays non-alignés qui donna naissance à la conférence de Bandung en 1955 ont eu un puissant impact sur sa vision politique du monde. Les révolutions anticoloniales ponctuaient le déclin de la puissance coloniale européenne, l’émergence des USA comme superpuissance capitaliste prééminente et le renforcement de la social-démocratie ainsi que du Stalinisme en Europe de l’Est. Voilà la toile de fond de l’évolution des idées de Malcolm sur une période de 11 mois. Aux USA, le mouvement de libération des Noirs – avec la naissance en 1955 du Mouvement des droits civiques suite à la mort brutale d’Emmett Till et au refus de Rosa Parks de se lever d’un siège dans un bus de Montgomery – déclencha un puissant mouvement social contre cet esclavage d’un autre nom qu’était le système Jim Crow (un ensemble de lois ségrégationnistes).
La doctrine anti-communiste de 1947 du président Harry Truman, la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy et le libéralisme de la guerre froide à travers le bloc de l’Ouest ont eu un effet dévastateur sur le mouvement de libération noir radical, ses activistes de gauche et ses dirigeants radicaux. ‘‘Le soutien de beaucoup de libéraux afro-américains à la politique étrangère américaine pendant la guerre froide et à sa position sur le racisme et le colonialisme à l’étranger a nuit à la lutte anticoloniale et à la lutte des Noirs américains pour les droits civiques’’, comme le dit l’historienne américaine Penny Von Eschen.
Le mouvement des droits civiques
La montée d’un leadership réformiste, libéral et s’appuyant sur l’Église dans des organisations comme le NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) et le SCLC (Southern Christian Leadership Conference) ont conduit le Mouvement des droits civiques à devenir la force dominante dans la lutte pour la liberté, par sa tactique de désobéissance civile non violente et sa lutte pour des réformes politiques et sociales accordées par l’establishment politico-économique pendant la période de croissance d’après-guerre. Une certaine élite libérale et politique pensait que le capitalisme pouvait endiguer la pauvreté, le racisme et l’oppression endémiques. Mais ce sont les militants du Mouvement qui forcèrent l’administration du président Johnson à implémenter des programmes sociaux clés sous le nom de programme de la guerre contre la pauvreté ainsi qu’à signer le Civil Right Act (1964, qui déclare la ségrégation et les discriminations illégales) et le Voting Rights Act (1965, qui octroie de facto le droit de vote aux Noirs sans tests ni taxes).
Durant cette période, Malcolm a souligné les limites du libéralisme sous Johnson. Elles sont devenues évidentes après l’implication complète (économique et militaire) de l’impérialisme américain au Vietnam, et le rôle joué par le système bipartisan républicains/démocrates. La récupération des mouvements sociaux par le Parti Démocrate devenait flagrante. Malcom a dénoncé la suprématie blanche, l’hypocrisie de la démocratie américaine face aux explosions sociales qui secouaient de nombreuses villes du pays, la répression violente des militants (lynchages, intimidations et meurtres) et le cadre trop étroit du Mouvement des droits civiques.
Malcolm cherchait à placer la lutte américaine pour les droits civiques dans le cadre de la lutte internationale anticapitaliste et anti-impérialiste. Il souhaitait unir les plus opprimés et les jeunes du Tiers Monde et des USA dans le combat pour une libération totale de l’oppression et de l’exploitation quotidiennes. Sa campagne consistait à vouloir confondre les USA devant les Nations Unies en portant plainte pour crimes contre l’humanité à l’encontre des Afro-Américains. Les élites dirigeantes internationales, les forces gouvernementales américaines et les membres de la Nation de l’Islam voulaient la mort de Malcolm X à cause de sa capacité d’organisation (nationalement et internationalement) et de sa capacité à inspirer les masses en offrant une alternative au racisme et au capitalisme.
La pertinence de Malcolm X aujourd’hui
À la fin de sa vie, Malcolm a tiré une analyse plus profonde du capitalisme et de la suprématie blanche, en fournissant une marche à suivre pour les jeunes générations d’activistes et d’organisations des mouvements de libération noirs. Les conditions matérielles derrière l’émergence d’une figure telles que Malcolm X existent toujours aujourd’hui. La pauvreté abjecte, le racisme, le taux de chômage élevé, l’incarcération de masse, la violence policière, les licenciements, l’austérité, etc. sont les sous-produits d’un système capitaliste malade basé sur la soif de profits d’une poignée de dirigeants faisant partie de l’élite.