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  • Assainir 22 milliards d’euros d’ici 2015

    Parmi les négociateurs, l’unité règne pour dire qui va payer, mais pas sur la méthode

    Au moment de boucler ce journal, personne ne savait encore ce qui allait bien pouvoir figurer dans la note de Di Rupo. Un chiffre se dégageait toutefois, celui de 22 milliards d’euros à assainir pour 2015. La seule chose que Di Rupo a laissé entendre, c’est qu’il cherche à trouver un équilibre 50/50 entre augmentations des revenus et diminutions des dépenses. La N-VA et les libéraux (des deux côtés de la frontière linguistique) ont alors lancé l’offensive : pour eux, l’accent doit être mis sur l’effort dans les dépenses. Di Rupo se donne un air plus ‘‘social’’, sans avoir précisé où il allait chercher ces nouveaux revenus et quelles dépenses allaient passer à la trappe…

    Par Anja Deschoemacker, article tiré de l’édition de juillet-août de Lutte Socialiste

    Les différences de style dans le paysage politique belge sont bien connues. La N-VA, l’Open VLD et le MR veulent instrumentaliser la crise pour passer à la vitesse supérieure avec la politique néolibérale. Le modèle allemand, avec son augmentation gigantesque du secteur des bas salaires, les rend jaloux, tout comme les petits et moyens patrons de l’Unizo et du Voka. Ce n’est pas non plus une coïncidence si Bart De Wever a eu du succès lors de son passage au cercle patronal wallon le Cercle de Wallonie (le 30 novembre 2010).

    Les patrons wallons auront surtout apprécié cette partie : ‘‘Lorsque les Flamands (pour De Wever, les syndicats n’existent pas en Flandre, alors qu’ils comprennent plus de membres que tous les partis flamands mis ensemble !) disent que nous devons prendre l’exemple de l’Allemagne, où le travail intérimaire a été assoupli, les allocations de chômage réformées, des mesures prises afin de contrer la flambée des coûts du travail et où le gouvernement a introduit des réformes difficiles mais nécessaires, la majorité de la Wallonie se cabre une fois de plus et dénonce des bains de sang sociaux !’’

    Quelle douce musique aux oreilles des partis libéraux ! Les autres partis sont moins ouvertement sur cette ligne, mais c’est largement leur politique qui a introduit modération salariale, démantèlement de la sécurité sociale, privatisations et libéralisations des services publics.

    Au début de l’ère néolibérale, les partis bourgeois ont vite compris qu’une politique de confrontation directe avec les syndicats a souvent un effet contreproductif. La tactique du salami s’est donc imposée comme stratégie privilégiée, une tactique assurant graduellement – mais structurellement – le démantèlement et l’érosion de l’Etat-providence d’un côté et l’augmentation des profits des grandes entreprises de l’autre.

    N’entretenons aucune illusion ! Le PS lui aussi ne reviendra en aucune façon sur la baisse des contributions patronales à la sécurité sociale. A l’instar des autres partis, il souhaite qu’elles baissent encore, probablement plus particulièrement pour les bas salaires. Quant aux ‘‘revenus alternatifs’’ pour la sécurité sociale qui seront alors nécessaires, on ira les chercher chez ‘‘tout le monde’’, surtout dans les salaires nets des travailleurs.

    La presse flamande a attaqué Di Rupo lorsqu’il a défendu l’indexation et l’actuel âge de la retraite contre les recommandations européennes, mais Yves Leterme lui aussi a défendu l’index avec des termes identiques il y a quelques mois. Il ne faut cependant pas s’attendre à ce qu’ils reviennent sur l’index-santé (une manipulation de l’indexation qui assure que le pouvoir d’achat des salaires et des allocations diminue, même malgré l’indexation). A un certain moment, au contraire, le CD&V/CDH et le PS/SP.a accepteront une nouvelle ‘‘adaptation’’ de l’index.

    Ces deux principaux courants – ceux qui veulent immédiatement provoquer la casse sociale et à entrer en confrontation avec les syndicats ainsi que ceux qui prévoient des ‘‘sangsues’’ qui font leur boulot tous les jours, mais qui font moins de bruit au début – n’offrent pas de perspectives agréables.

    Préparons nous à lutter contre ces deux stratégies. Dans les syndicats, il est urgent de briser les liens que la direction continue à entretenir avec des partis qui n’ont à offrir aux travailleurs qu’une dégradation continue de leurs conditions de vie. Leurs partis frères en Grèce, en Espagne et au Portugal indiquent ce à quoi nous devons nous attendre lors d’une nouvelle phase de la crise financière ou économique, ce qui n’est pas à exclure pour la Belgique.

  • Grèce, Espagne, Grande-Bretagne… Nous ne payerons pas pour leur crise !

    "Menteurs et voleurs!", voilà l’accusation portée par les travailleurs et la jeunesse de Grèce contre ceux qui, au Parlement grec, ont voté pour de nouvelles mesures d’austérité drastiques. "Qu’ils dégagent" disent-ils. Les politiciens asservis au Grand Capital attendant de la classe ouvrière grecque qu’elle accepte ce programme d’austérité catastrophique qui propulsera la société des décennies en arrière.

    Déjà, 34% des ménages grecs vivent sous le seuil de pauvreté et 45% n’ont pas les moyens de s’alimenter correctement. Les salaires des travailleurs du secteur public ont été coupés de 30%. C’est dans ce contexte que L’Union Européenne et le Fond Monétaire International ont demandé un programme de privatisation massif, avant de pousser un nouveau paquet d’austérité de 28 milliards d’euros.

    En Espagne, un mouvement de colère massif, surtout parmi la jeunesse, lance les mêmes accu-sations contre leur classe politique complètement discréditée. Le chômage des jeunes est au-delà des 40%, l’austérité frappe dur et l’économie espagnole est au bord du précipice, avec au-dessus d’eux les vautours des marchés.

    Dans ces deux pays, tout comme le dissent les socialistes de lutte, les travailleurs et la jeunesse crient avec colère : "pourquoi devrions-nous payer une crise causée par les banques?". La grève générale de 48 heures en Grèce a précédé la grève de près de un million d’enseignants et de fonctionnaires en Grande-Bretagne contre les attaques sur les pensions. Des mouvements de protes-tations massifs s’imposent au devant de l’actualité.

    A travers l’Europe, les politiciens capitalistes manient la hache de l’austérité au nom du Grand Capital et des super-riches. Afin de garantir les profits et les privilèges de ces derniers, ils déciment nos conditions de vie.

    Si le système capitaliste reste en place, il ne réserve aucun avenir à la population. Ses priorités restent les profits, pour une petite élite, et tant pis pour les conséquences que cela a sur le reste de la population. Partout, les gouvernements expliquent : "Il n’y a aucune alternative".

    Et bien, les travailleurs grecs ont raisons – ces politiciens sont des menteurs ! C’est leur crise, pas la nôtre. C’est la crise du système capitaliste.

    Au niveau mondial, 0,15% de la population a une richesse combine de 42,7 mille milliards de dollars. Cette classe capitaliste a maintenant plus qu’avant le début de la crise économique mon-diale! Imaginons ce qui serait possible si cette richesse était employée aux bénéfices de tous, à tra-vers la planète.

    Prendre le secteur financier sous complète propriété publique, sous contrôle démocratique de la part de la classe des travailleurs, serait un bon début en cette direction. La discussion ne porterait alors pas sur la façon de diminuer les conditions de vie de la population, mais au contraire sur la manière de les augmenter.

    Les luttes à travers l’Europe et le monde vont grandir et gagner en force et en ampleur au cours de ces prochains mois. Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont illustré que lorsque la classe ouvrière décide qu’elle en a assez, les gouvernements peuvent être renversés. L’idée que c’est le capitalisme en tant que système qui est à renverser est en train de gagner de l’importance.

    La crise du capitalisme est globale, elle nécessite une réponse globale. Cette solution, c’est le socialisme international : la planification démocratique de l’utilisation des ressources et des riches-ses sous le contrôle de la classe des travailleurs. Les mouvements qui se développent à l’heure ac-tuelle constituent un terreau fertile pour le développement des idées socialistes, des idées qui nous permettront de construire un monde où la privation et l’angoisse du lendemain aura été relégué aux poubelles de l’histoire. Rejoignez le PSL et son organisation internationale, le Comité pour une in-ternationale Ouvrière, et aidez-nous à construire cet avenir réellement socialiste.

  • Les crimes de guerre du gouvernement srilankais et le tardif rapport des Nations-Unies

    Le rapport du groupe d’experts des Nations-Unies publié ce 25 avril après un délai considérable confirme l’analyse de Tamil Solidarity et d’autres organisations au sujet du massacre des Tamouls au Sri Lanka ces deux dernières années. Ce groupe d’experts avait été établi par le secrétaire général des Natons-Unies Ban Ki-Moon en juin 2010 afin de connaitre la situation au Sri Lanka.

    Écrit par TU Senan, pour Tamil Solidarity

    Le rapport confirme nos estimations selon lesquelles plus de 40 000 personnes ont été massacrées par l’armée srilankaise lors de la phase finale de la guerre qui s’est terminée en mai 2009. L’armée a constamment bombardé les hôpitaux, les écoles, les abris temporaires et les soi-disant “zones de cessez-le-feu”. L’ensemble des 400 000 réfugiés ont été ensuite déportés en masse vers des “camps de détention” sans aucune infrastructure. Toutes sortes de décès et abus scandaleux ont eu lieu au cours du transport et dans les camps. De nombreuses campagnes, y compris Tamil Solidarity et les médias tamouls, diffusent constamment de nouveaux rapports de ces horreurs.

    Toutefois, il ne faut pas avoir la moindre illusion dans le fait que ce rapport de l’ONU n’apporte le moindre changement dans les conditions des victimes au Sri Lanka. Le lendemain de sa publication, le journal britannique The Guardian rapportait que le secrétaire général de l’ONU «ne désire lancer une enquête internationale que si le gouvernement srilankais est d’accord, ou si un “forum international” tel que le Conseil de sécurité des Nations-Unies appelle à une telle enquête». Il est évident pour de nombreuses personnes que le gouvernement srilankais ne permettra pas la moindre enquête internationale. En fait, la publication de ce rapport tardif a elle-même été retardée par les protestations du gouvernement srilankais. Le ministre srilankais des Affaires extérieures, GL Peiris, a qualifié ce rapport d’“absurde” et “sans fondement”.

    Le président du Sri Lanka, Mahinda Rajapaksa, a appelé à une “démonstration de force” pour le Premier Mai, la journée internationale des travailleurs, pour «manifester contre l’injustice faite à notre pays» par ce rapport de l’ONU ! «Le Premier Mai ne devrait pas être confiné à exprimer la solidarité des travailleurs», disait Rajapaksa. Alors que le régime tente de récupérer à son compte la Fête du Travail pour ses propres intérêts chauvinistes, il accuse l’ONU d’être «récupérée par certains pays» ! Le gouvernement a aussi appelé tous les partis politiques du pays à exprimer leur opposition à ce rapport. Il cherche à détourner les critiques contre le gouvernement vers les “ennemis à l’étranger”. 

    En réponse à l’appel de Rajapaksa, le parti pseudo-marxiste qu’est le JVP (Janatha vimukthi peramuna – Front de libération populaire, un parti communautaire chauviniste pro-cingalais qui se prétend à tort “marxiste”) a attaqué les Nations-Unies pour leur ingérence dans les affaires internes du pays ! La véritable raison de l’opposition de ce parti au rapport de l’ONU provient du fait qu’il a soutenu le gouvernement pendant la guerre. Il a suivi le gouvernement dans chacun de ses pas tout au long de la guerre. Et il a été très rapide à appeler à ce que l’ex-général Sareth Fonseka, qui a dirigé la guerre, soit promu au rang de héros national.

    Le JVP tente parfois de donner une image “mixte”. Il donne l’impression de se battre contre les attaques sur les droits démocratiques, de se battre pour les droits des réfugiés tamouls et pour la liberté des médias. Il fait cela uniquement pour conserver un certain soutien parmi les étudiants et certains travailleurs, qu’il mobilise sur base de revendications économiques et sociales “radicales”. Mais en mélangeant ces revendications avec le nationalisme cingalais bouddhiste, il pousse ces couches encore un peu plus vers le régime Rajapaksa. Cette méthode erronnée a été démontrée de manière très claire par l’ampleur de leurs pertes électorales. Un appel doit être fait envers tous ces étudiants et travailleurs qui cherchent une direction, afin qu’ils rompent avec le JVP et qu’ils rejoignent une véritable riposte.

    Mais le JVP n’est pas le seul parti politique qui nie les affirmations des Nations-Unies. Certains membres du parti d’opposition capitaliste, l’UNP (Parti national uni), tels que P.E. Jayasuriya, déclarent encore que «Pas un civil tamoul innocent n’a été tué par l’armée durant la guerre, grâce à la bonne gestion du président Rajapaksa».

    L’ironie étant (si on peut parler d’ironie dans le contexte du Sri Lanka) que Jayasuriya est également un membre de l’association internationale des droits de l’Homme ! Le vice-président de l’UNP, Karu Jayasuriya, a aussi proclamé que le parti se rangera du côté des forces de sécurité, apportant encore plus de soutien au gouvernement quant à cette question.

    Le parti des moines bouddhistes fondamentalistes et racistes du JHU (Jathika hela urumaya – Parti du patrimoine national) fait “tout ce qu’il peut” pour soutenir le gouvernement. « Si Ban Ki-Moon et les Nations-Unies veulent mettre le président Rajapaksa sur la chaise électrique, il faudra alors qu’ils y mettent chacun de nous, les religieux en premier», disait le Vénérable Galagama Dhammaransi Thero, ajoutant que «Nous protégerons et bénirons toujours ce dirigeant courageux».

    Pendant ce temps, la Commission de réconciliation et des leçons apprises (LLRC) mise en place par le gouvernement a déclaré qu’elle ne commentera pas ce rapport ni ne prendra la moindre action le concernant. La LLRC est une fausse commission mise en place par le président, et elle agit conformément à ses attentes.

    Malgré la rhétorique anti-impérialiste utilisée par le gouvernement pour mobiliser le nationalisme cingalais, l’impérialisme occidental tout comme le régime srilankais sont bien conscients du caractère très limité des actions qui pourraient être entreprises à l’encontre du Sri Lanka.

    L’hypocrisie des Nations-Unies

    Malgré l’aveu du rapport lui-même selon lequel «au cours des dernières étapes de la guerre, les organes politiques des Nations-Unies ne sont pas parvenus à entreprendre la moindre action afin de prévenir la mort de civils», aucune “excuse” n’a été jusqu’ici faite par cette institution. À la place, l’ONU n’offre que l’inaction, encore et encore.

    De nombreux appels à l’action ont été émis durant la guerre début 2009, afin d’arrêter la guerre et d’empêcher le massacre en masse de la population tamoulophone. Samedi 31 janvier 2009, 100 000 personnes ont défilé à Londres en opposition à cette boucherie. Des centaines de milliers de Tamouls et d’autres sont descendus dans les rues partout dans le monde. Après la guerre, ces mouvements ont continué à émettre des revendications en faveur de véritables mesures humanitaires. Dans le silence et l’inaction de l’ONU et des autres gouvernements, une horreur et un massacre sans nom ont eu lieu. Et les abus et tueries se poursuivent aujourd’hui même. Ceci ne sera pas oublié.

    Avec ce rapport, les Nations-Unies tentent maintenant de se racheter quelque peu. Mais le fait reste que l’ONU n’a fait absolument aucune tentative pour empêcher la tuerie. Qui plus est, elle ne s’est même pas excusée pour avoir passé une résolution, à dix jours du début du massacre, qui consacrait l’innocence du gouvernement sri lankais. Cette résolution promulguée par le conseil des droits de l’Homme de l’ONU le 27 mai 2009 applaudissait la «conclusion des hostilités et la libération par leur gouvernement de dizaines de milliers de citoyens srilankais qui étaient tenus en ôtages contre leur volonté par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), de même que les efforts effectués par le gouvernement afin d’assurer la sécurité de tous les Sri Lankais et d’apporter une paix permanente aux pays».

    Cette résolution du 27 mai 2009 ne contient pas la moindre critique du gouvernement srilankais. Celle-ci va même encore plus loin politiquement : «Nous réaffirmons le respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance du Sri Lanka et pour son droit souverain à protéger ses citoyens et combattre le terrorisme».

    En fait, la seule condamnation du rapport a été faite à l’encontre des LTTE pour avoir lancé «des attaques contre la population civile» et «utilisé des civils en tant que boucliers humains». Le récent rapport d’experts n’a pas dénoncé ni d’ailleurs fait la moindre référence à cette résolution. Il ne fait que demander au conseil des droits de l’Homme de “reconsidérer leur position” ! L’hypocrisie des Nations-Unies, comme l’a fait remarquer le professeur Noam Chomsky, «a été si profonde qu’elle en était étouffante».

    On serait en droit d’espérer que ce rapport pourrait être considéré par tous les gouvernements et organes gouvernementaux comme une base minimale avant d’entamer toute relation avec le gouvernement srilankais, ou qu’il puisse servir de base à une enquête internationale quant aux crimes de guerre. Toutefois, nous ne constaterons sans doute aucune action de ce type.

    Bien que l’ONU donne l’illusion d’agir en tant qu’organisation indépendante, il serait naïf d’imaginer que l’ONU entreprenne la moindre action qui aille à l’encontre des intérêts de ses constituants majeurs : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Inde, la Chine et la Russie. Cet organe n’est pas indépendant d’aucune manière que ce soit. Il n’a pas non plus la moindre crédibilité dans le fait d’empêcher des massacres de se dérouler dans d’autres régions du monde. Les Nations-Unies n’ont pas empêché le massacre au Congo par exemple. Au Rwanda, les puissances mondiales ont observé sans broncher le génocide d’un million de gens en quelques mois.

    Les Nations-Unis se placent systématiquement du côté des impérialistes. Lorsqu’elles ne le font pas, leurs actions sont bloquées par les grandes puissances qui peuvent exercer un pouvoir de véto sur leurs activités. Les masses opprimées n’ont aucune voix qui représentent leurs intérêts lors des prises de décision par l’ONU.

    Le Conseil de sécurité de l’ONU est composé de pays tels que la Russie, la Chine et l’Inde, qui ont non seulement financé l’armée gouvernementale sri lankaise, mais continuent à la protéger. Après que le rapport ait été publié, le secrétaire d’État à la défense Gotabayah Rajapaksa a annoncé que le Sri Lanka «devra chercher la protection de la Russie et la Chine».

    Les actions de ces gouvernements sont une extension de la manière dont ils traitent leur propre population. Ils n’accordent absolument aucun intérêt aux droits de l’Homme. Le rôle brutal de l’Inde au Cachemire et dans d’autre partis du pays est bien connu. Aucun gouvernement indien n’a jamais prêté la moindre attention à la décision des Nations-Unies d’organiser un référendum au Cachemire quant à son indépendance. Il existe beaucoup de documentation quant au massacre d’ethnies entières et de militants en leur faveur par le gouvernement indien au nom de la fameuse “opération green hunt” (récente campagne anti-terroriste lancée par l’État indien contre les milices naxalites organisées notamment par le Parti communiste d’Inde (maoïste) dans le “couloir rouge” formé par dix provinces – constituant ensemble 40% de la superficie de l’Inde – de l’est du pays –– NDT).

    D’une même manière, le rôle du gouvernement russe en Tchétchénie et les maltraitances infligées par le gouvernement chinois à la population tibétaine et dans le reste de leurs pays sont tristement célèbres dans le monde entier. Ces États, qui méprisent les droits des masses de leur propre pays, n’ont pas le moindre scrupule à collaborer avec d’autres gouvernements qui commettent des crimes de guerre, tel que le régime Rajapaksa.

    Les Nations-Unies et les intérêts impérialistes

    Le gouvernement srilankais dépend de plus en plus du soutien de la Chine, de l’Inde, et des “États voyoux” tels que l’Arabie saoudite. Cet état de fait entre en conflit avec les intérêts de l’impérialisme occidental en Asie du sud. L’impérialisme occidental pourrait utiliser le rapport des Nations-Unies en tant que levier pour réétablir son influence dans la région.

    Cependant, il y a une limite que l’Occident n’est pas prête à dépasser. Nous ne devrions pas sur-estimer le fait que ceci le mènera à défendre les intérêts des masses opprimées, ni à exiger le droit à l’auto-détermination ou toute autre solution politique.

    Parmi la gauche traditionnelle en Inde, certains affirment que les rivalités inter-impérialistes peuvent être utilisées pour faire progresser les intérêts des opprimés. Cependant, sans une forte organisation indépendante des masses laborieuses et pauvres, une telle stratégie risque de faire tomber ceux qui désirent riposter dans le piège des impérialistes.

    Nous avons vu comment les impérialistes se “liguent” bien souvent contre les intérêts des masses opprimées, malgré leurs différences. Les États indien et pakistanais, par exemple, ont mené ensemble campagne contre toute critique pouvant menacer le gouvernement srilankais. Bien que le Sri Lanka ne possède pas l’énorme manne pétrolière de la Libye – une des principales raisons derrière l’intervention de l’impérialisme occidental dans ce pays – sa position stratégique, y compris sa valeur aux yeux des ambitions régionales chinoises, le rend important pour les puissances occidentales. Les mesures mises en œuvre par les impérialistes au Moyen-Orient après que la vague révolutionnaire ait commencé à s’y répandre constituent à cet égard une bonne leçon.

    La soi-disant “intervention humanitaire” en Libye n’est qu’une tentative de briser la vague révolutionnaire au Moyen-Orient, avec l’intention de regagner le contrôle sur les ressources naturelles. Kadhafi est pour eux un partenaire peu fiable, au contraire des régimes du Bahreïn et d’Arabie saoudite. Aucune action n’a été entreprise à l’encontre de ces régimes, malgré le fait que ces États ont utilisé la même violence meurtrière contre les manifestants pro-démocratie.

    Le secrétaire aux affaires étrangères britannique, William Hague, en défendant sa visite en Syrie malgré les tueries qui y sont organisées contre les masses révoltées, a insisté sur le fait que son gouvernement est sur le point de conclure un “deal” avec le gouvernement syrien et le président Bashar al-Assad. Assad est considéré comme un “réformateur” potentiel. Ceci est en complète contradiction avec les intérêts des masses syriennes, qui exigent le renversement du régime Assad.

    En outre, le rôle des puissances occidentales en Libye a été encore plus discrédité par leur rôle dans le massacre de millions de simples citoyens en Irak. Le rôle contradictoire des soi-disant “préoccupations humanitaires” dans la région démasque clairement les intérêts impérialistes des gouvernements occidentaux.

    L’idée selon laquelle les masses opprimées devraient d’une manière ou d’une autre accorder leur soutien à l’intervention de l’impérialisme occidental en Libye – censé empêcher le “massacre potentiel” – est absolument erronnée. Le régime égyptien, qui a lui aussi voté le soutien à la résolution de mai 2009 sur le Sri Lanka, a été balayé par le mouvement de masse historique du peuple égyptien. C’est un mouvement comme cela, avec une telle confiance en soi, qui pourrait mettre un terme définitif à des régimes tels que celui de Kadhafi.

    L’intervention impérialiste est une autre raison pour laquelle la révolution, qui est partie de Tunisie pour se propager à l’Égypte puis à Benghazi, n’a jusqu’ici pas eu le même impact à Tripoli. Kadhafi a été capable de mobiliser un certain soutien, non pas basé sur la loyauté tribale, mais aussi sur l’antagonisme anti-impérialiste des masses. La seule chose qui peut prévenir le massacre et sauver la révolution est l’action des masses unies à Tripoli, une fois qu’elles auront assez de confiance pour se dresser contre Kadhafi. La soi-disant intervention humanitaire de l’impérialisme est tout sauf ça. Qui plus est, elle a déjà causé énormément de morts.

    Le régime du Sri Lanka tente de même de se baser sur l’antagonisme anti-impérialiste qui vit parmi les masses. L’ex ambassadeur sri lankais aux Nations-Unies, Dayan Jayatilleka, a attaqué les puissances impérialistes occidentales lors de la onzième session spéciale à l’UNHCR en mai 2009, afin de s’attirer un soi-disant soutien “anti-impérialiste” : «Ces gens sont les mêmes qui ont certifié que l’Irak détenait des armes de destruction massive. Je ne leur ferais pas confiance pour acheter une voiture d’occasion, encore moins en ce qui concernerait de prétendus “crimes de guerre” !» Même ce fidèle laquais a été viré par le président un peu plus tard sous le prétexte d’avoir défendu la “régionalisation” dans un journal local. Le secrétaire à la défense Gotabhaya Rajapaksa a été encore plus loin dans son “analyse”, annonçant : «Ils sont jaloux, parce qu’eux n’ont pas été capables de vaincre le terrorisme comme nous l’avons fait». Un autre loyal serviteur du régime sri lankais, et prétendu expert mondial en terrorisme, le Professeur Rohan Gunaratna, fait remarquer que : «En Irak et en Afghanistan, où plus d’un million de civils ont été tués, il n’y a pas de comité d’experts qui conseillet au secrétaire général de l’ONU de mener une enquête sur les crimes de guerre».

    Le régime utilise l’hypocrisie des Nations-Unies et de l’impérialisme à son avantage, tout comme le régime Kadhafi en Libye. Nous aussi, nous nous opposons fermement aux non-respect des droits de l’Homme et à leur exploitation par les puissances occidentales, mais nous devons aussi étaler au grand jour l’hypocrisie qui se trouve derrière la pseudo-rhétorique “anti-impérialiste” du régime srilankais.

    Malgré sa rhétorique, le régime sri lankais est toujours aussi coopératif vis à vis des puissances impérialistes tant régionales qu’occidentales. Le débat autour des “droits de l’Homme” est en partie dû à la concurrence entre les puissances régionales, comme la Chine et l’Inde, et les puissances occidentales qui cherchent à établir des conditions favorables afin d’obtenir un avantage sur le plan économique. Le FMI et la Banque mondiale ont donné leur plein accord concernant les prêts au gouvernement srilankais, et ont érigé le Sri Lanka au rang de “paradis pour les investisseurs”. Le gouvernement srilankais mène en ce moment une politique brutale de privatisations, attaques sur les pensions et soi-disant réformes fiscales, telle que dictée par le FMI. La pseudo rhétorique anti-impérialiste du régime Rajapaksa et son exaltation du nationalisme cingalais ont également pour but de détourner l’attention des masses laborieuses et pauvres des attaques brutales menées par Rajapaksa sur leurs conditions de vie et sur les services.

    En outre, nous ne verrons pas l’annualtion des prêts du FMI ou de la Banque mondiale sur base d’un scandale de “crimes de guerre”. Même après la fuite du rapport du comité d’experts de l’ONU dans les médias, les congressistes américains ont continués à voter en faveur d’un “renforcement des liens entre le Sri Lanka et les États-Unis”. Le nouveau vice-président de la commission Sri Lanka du Congrès américain, Chris Van Hollen, qui est aussi un Démocrate, et qui défend les coupes budgétaires d’Obama, appelle l’ensemble de ses collègues à soutenir cet appel. En d’autres termes, l’impact de ce rapport pour le sauvetage des masses opprimées sera en réalité extrêmement minimal.

    Le secrétaire assistant américain Robert Blake, qui a visité le Sri Lanka après que le rapport de l’ONU ait été publié, a donné son soutien indéfectible au gouvernement. Il a félicité le “progrès positif” et a affirmé que la LLRC (Commission pour la réconciliation et les leçons apprises, qui est fort critiquée dans le rapport de l’ONU) joue un “rôle important”. Dans une déclaration publiée le 4 mai, M. Blake dit que «Lors de mes rencontres officielles aujourd’hui, j’ai assuré au gouvernement sri lankais du fait que les États-Unis s’engagent à un partenariat fort et à long terme avec le Sri Lanka, et que des rumeurs concernant notre soutien à un “changement de régime” n’ont pas le moindre fondement. J’ai exprimé notre soutien pour les efforts du gouvernement visant à relever le pays après cette guerre civile dévastatrice, et ai encouragé de nouveaux pas en direction de la réconciliation et d’un Sri Lanka paisible, démocratique et uni». Il y a une très brève mention du rapport des Nations-Unies, dans laquelle il affirme que ce rapport souligne l’importance d’une “solution politique capable de forger un Sri Lanka uni”, et l’importance du “dialogue avec les Nations-Unies” de la part du Sri Lanka ! Voilà bien le genre de comportement hypocrite auquel nous devons nous attendre de la part des puissances impérialistes !

    L’attaque sur la diaspora, et l’absence de solution politique

    Parmi les cinq raisons citées par le rapport de l’ONU en tant qu’“obstacles à la reconnaissance”, on retrouve le “rôle de la diaspora tamoule” : «Certains ont refusé d’admettre le rôle des LTTE dans le désastre humanitaire dans le Vanni (la région du Nord du Sri Lanka), ce qui crée un obstacle supplémentaire sur le chemin de la reconnaissance et de la paix durable».

    Il ne fait aucun doute que les Tamouls de la diaspora ont été les plus virulents à crier contre le massacre qui a lieu au Sri Lanka, tandis que les gouvernements de tous les autres pays ont préféré gardé le silence.

    Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour y clamer leur dégout. L’inaction de la part des organes gouvernementaux occidentaux et internationaux a radicalisé un grand nombre de gens, surtout parmi les jeunes.

    Il n’est pas exagéré de dire que les jeunes Tamouls de la diaspora sont plus politisés aujourd’hui que pendant les trente années qu’a duré la guerre civile. De nouvelles vagues de jeunes se sont impliquées dans des activités politiques. Cette politicisation a eu pour conséquence la création de toute une série d’organisations de jeunes.

    Tamil Solidarity désire rassembler le plus grand nombre possible de ces jeunes afin de mener une riposte de principe contre le régime chauviniste sri lankais, et appelle à une lutte unie avec l’ensemble des masses opprimées.

    Cette politicisation n’est certainement pas un résultat favorable ni pour l’impérialisme occidental, ni pour le régime srilankais. Ces gens préfèrent les “diplomates” qui restent contrôlables, ceux qui vont faire en sorte que la société reste passive dans leurs intérêts, non pas la jeunesse qui se rebelle de colère contre l’injustice. Pendant la guerre, les ministres et députés du gouvernement Labour au Royaume-Uni ont fait toutes sortes de promesses dans une tentative de racheter la jeunesse révoltée pour pouvoir la contrôler. Ils n’ont tenu aucune de leurs promesses.

    Les establishments sentent un “danger” dans la direction que pourrait prendre ce mouvement des jeunes de la diaspora. Les jeunes tirent la conclusion assez correcte du fait que l’attaque sur les Tamouls opprimés fait partie d’une lutte contre l’ensemle des masses opprimées. De plus en plus de jeunes participent de manière active à la politique locale de leurs pays respectifs contre les injustices, contre le racisme, contre les attaques sur les minorités, contre le chômage des jeunes, et contre les attaques sur les services publics.

    En outre, il y a aussi une insistance naissante pour plus de démocratie, la nécessité de travailler avec les syndicats, les organisations de gauche et d’autres mouvements qui mènent campagne pour les droits et contre l’oppression.

    L’establishment veut saper ce processus. Il souhaite pacifier et faire dérailler cette colère, car il comprend que cette rage est de plus en plus dirigée contre lui. Et il veut pousser ces jeunes vers la droite du spectre politique.

    Le fait d’accuser la diaspora de garder le silence sur les crimes supposés des LTTE est, à ce stade, une des manières par lesquelles ils veulent atteindre leurs buts. Ils cherchent à propager un total rejet des idées des LTTE par la diaspora, et s’attendent à sa coopération dans le cadre du “développement et de la réconciliation” pour un Sri Lanka uni.

    De solides groupes militants tels que Tamil Solidarity, tout en s’opposant fermement au régime srilankais, ont toujours remis en cause les méthodes utilisées par les LTTE. Nous avons attentivement expliqué les raisons pour lesquelles les LTTE ont été vaincus. Un des principaux échecs des Tigres a été leur absence d’un appel à l’ensemble des masses en lutte dans le sud du Sri Lanka, dans le Tamil Nadu (la province tamoule du sud de l’Inde, qui compte 70 millions d’habitants, y compris plusieurs grandes villes telles que Chennai (anc. Madras) – à titre de comparaison, le Sri Lanka compte 20 millions d’habitants, dont 2 millions de Tamouls –– NDT) et dans le monde.

    Nous avons aussi critiqué les LTTE en ce qui concerne les tueries internes, les attaques contre la population musulmane (il y a 1 million de musulmans au Sri Lanka –– NDT) , et l’exécution de civils au cours de la dernière phase de la guerre. La majorité de la couche active de la diaspora ne nie pas ces faits non plus.

    Cette analyse est importante, pas seulement pour critiquer les LTTE, mais pour pouvoir avancer dans la lutte. Cela représente une étape cruciale dans la définition d’une stratégie pour la prochaine étape de la lutte. C’est là une chose complètement différente de l’agenda des Nations-Unies qui se cache derrière son attaque sur les LTTE.

    L’idée que la diaspora désire d’une certaine manière promouvoir le terrorisme est entièrement fausse. Toutefois, confrontés à l’immense violence contre la population tamoulophone du Sri Lanka, la première réponse de la jeunesse tamoule ne sera pas dirigée contre la direction des LTTE, dont tous les membres ont été assassinés par le gouvernement du pays. Au lieu de ça, ils vont certainement concentrer leur colère sur le gouvernement criminel du Sri Lanka et sur l’establishment occidental qui garde toujours le silence.

    Dire à la diaspora que son premier rôle est de dénoncer les LTTE, revient à paver la voie pour la coopération des Tamouls avec l’État srilankais. Une telle collaboration pourrait ne pas se faire avec le gouvernement actuel qui est directement responsable du génocide, mais pourrait être organisée avec de futurs gouvernements srilankais avec lesquels l’Occident espérera pouvoir faire de bonnes affaires. En même temps, il est important pour les Tamouls de la diaspora de se distancier des erreurs faites par les LTTE, afin de ne laisser aucun espace à des organes droitiers tels que les Nations-Unies pour attaquer les campagnes de la diaspora.

    Il suffit d’une simple compréhension du rôle de l’impérialisme et de la manière de lui résister. Construire une organisation sérieuse et indépendante, qui se batte sans aucun compromis pour les droits de masses opprimées, est la clé pour mener la lutte plus en avant. Ceci devrait se faire sur base non seulement d’une opposition au gouvernement Rajapaksa et à ses laquais, mais aussi sur base d’une opposition à toute forme d’oppression. Une fine compréhension des diverses forces de classe en action dans la société est requise afin de bâtir un mouvement capable d’amener un changement fondamental.

    Ce mouvement peut être construit en regroupant les militants progressistes, les syndicalistes et les socialistes. Mais ce ne sera pas une tâche facile, car de sérieux obstacles doivent être surmontés avant que la confiance des masses puisse être gagnée. La trahison de l’ancienne organisations des masses opprimées autrefois si puissante, le Lanka Sama Samaja Party (LSSP – Parti srilankais pour l’égalité sociale, ex-membre de la Quatrième internationale, et ancien parti ouvrier de masse, qui dispose aujourd’hui d’un siège au parlement srilankais dans le cadre d’une coalition avec le parti de Rajapaksa –– NDT), est toujours fraiche dans la conscience des masses ouvrières du Sri Lanka.

    C’est la décision du LSSP de rejoindre le gouvernement de droite en 1964, puis de refuser le droit des minorités dans la constitution de 1972, qui a créé les conditions pour l’afaiblissement de la classe ouvrière et une hausse des tensions ethniques. La force de la classe ouvrière avait été constamment attaquée par les gouvernemens de droite qui se sont succédé. Aujourd’hui, l’épave de ce qui reste du LSSP se trouve maintenant au gouvernement, et joue le rôle de couvrir ses crimes de guerre.

    De même, la trahison des partis tamouls ne sera pas oubliée non plus. En l’absence d’une véritable organisation de masse indépendante des travailleurs et des pauvers, des partis tels que le JVP se sont embourbés de plus en plus, en mêlant marxisme et rhétorique anti-establishment, avec chauvinisme et nationalisme cingalais et bouddhiste.

    Sur une telle toile de fond, il pourrait sembler impossible de regagner la confiance des masses afin de construire un mouvement combatif. Cependant, la reconstruction d’un tel mouvement est la seule manière de mettre un terme à l’oppression, à l’exploitation et à la guerre. En outre, il existe de véritables forces dans le sud du pays qui se positionnent toujours fermement du côté des masses opprimées. Le Parti socialiste uni, par exemple, n’a jamais reculé dans sa lutte cohérente contre les divers et brutaux gouvernements srilankais. Il n’a jamais non plus hésité dans son soutien pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Pendant la guerre, les membres de l’USP ont risqué leurs vies et ont mené une campagne virulente afin de mettre un terme à la guerre, dont a notamment beaucoup parlé dans les médias du Tamil Nadu en Inde.

    Nous devons rassembler nos forces dans une telle organisation, et renforcer notre riposte. Nous devons aussi lancer un appel à l’ensemble des masses opprimées de l’Inde, et en particulier au Tamil Nadu, afin qu’elles nous rejoignent.

    Il serait stupide de placer le moindre espoir dans le gouvernement srilankais, ni dans toute autre puissance extérieure, pour nous fournir une solution. Les attaques contre les minorités au Sri Lanka n’ont jamais été aussi intenses, et le gouvernement actuel a complètement mis de côté tout effort envers une solution politique.

    Le président a notamment déclaré que : «Il n’y a pas de minorités dans ce pays». Ni les Nations-Unies, ni aucune puissance étatique ne propose non plus la moindre solution politique. Pour de telles puissances, le droit à l’auto-détermination est hors de question.

    Certains ont même émis l’idée comme quoi le fait de nous opposer à l’impérialisme pourrait nous faire perdre le soutien de la soi-disant “communauté internationale”, des gouvernements occidentaux. Mais, sur le long terme, les masses opprimées ne vont rien gagner du tout en s’alliant avec ces oppresseurs. Au contraire, elles ont beaucoup à perdre – le soutien de tous ceux qui se battent contre eux –, et ils ne faut pas leur faire confiance pour faire quoi que ce soit qui ne rentre pas dans le cadre des intérêts de leurs propres classes capitalistes.

    Par exemple, le peuple tamoul ne peut pas appeler le parti conservateur britannique (Tory) un allié, sur base d’un quelconque discours sur les droits de l’Homme fait par un de ses députés. Ceci représenterait une trahison aux yeux des millions de travailleurs au Royaume-Uni, de toutes origines, qui sont confrontés à un véritable bombardement d’attaques constantes sur les emplois, sur les services publics (comme la santé ou l’éducation) et sur les allocations de la part du gouvernement de coalition Tory/libéral-démocrate.

    En s’associant avec un tel parti anti-travailleurs, les Tamouls non seulement perdraient le soutien potentiel de ceux qui se battent contre ces coupes budgétaires, mais trahiraient également les masses tamoules en leur donnant un faux espoir dans ces politiciens.

    En fait, l’approche pro-monde des affaires des Tories est totalement opposée au moindre soutien à toute forme de riposte par les pauvres et par les travailleurs. Leur intérêt est purement avec les patrons et les hommes d’affaires qui cherchent à cacher le massacre qui s’est produit au Sri Lanka, et au lieu de cela, à promouvoir la création de zones de libre échange dans le Nord. Ces zones seront des sites d’exploitation intensive de la jeunesse tamoulophone. Rajapaksa a déjà promis une “main d’œuvre bon marché” en tant que moyen de “réhabilitation” des ex-Tigres ! La question des alliances est donc cruciale. Nous devons nous allier avec ceux qui se battent réellement contre l’inégalité et contre l’exploitation.

    Au milieu de la crise économique monidale et des pénuries alimentaires, la lutte contre les autres gouvernements qui appliquent des coupes similaires dans les emplois et dans les services publics s’est accrue en Europe et au-delà.

    À Londres, plus d’un demi-million de travailleurs ont défilé le 26 mars contre le gouvernement Con-Dem. Au Portugal et en Espagne, des centaines de milliers de gens ont manifesté pour les mêmes raisons. Des batailles de classe massives se déroulent en Grèce. Ces gouvernements, tout en attaquant les services publics, tentent aussi de fomenter le racisme et d’autres divisions dans ces pays. On voit la tentative de montrer du doigt les immigrants, sur base de la pression sur les services et les emplois limités, dans l’espoir d’en faire des boucs émissaires. Si le blâme pour les coupes budgétaires est dirigé à d’autres sections de la classe ouvrière et des pauvres, cela permet aux gouvernements de continuer leur politique au service des intérêts des riches et des grands patrons.

    Il y a un processus similaire au Sri Lanka, où le gouvernement a tenté de détourner l’attention et de diviser l’opposition par le biais du nationalisme cingalais, afin de pouvoir mettre en place sa politique brutale.

    Nous, les travailleurs, les minorités ethniques, les jeunes et les pauvres, portons le fardeau de ces attaques. En tant que minorités dans ces pays, les Tamouls sont aussi la cible du racisme et d’autres formes d’abus qui sont exacerbés par les partis de droite et les médias. Il nous faut répondre à ces attaques.

    Que chacun sache que où que nous soyons, nous nous dresserons contre l’oppression sous toutes ses formes, et riposterons. Cette riposte sera encore plus renforcée si nous nous faisons cause commune avec les luttes qui se déroulent en ce moment à travers toute l’Europe.

    Aucun droit ne peut être obtenu sans une lutte. Ainsi, le fait que les jeunes rejoignent les marches antiracistes et les manifestations de travailleurs au Royaume-Uni et en Belgique, est un développement significatif. Le fait que les Tamoulophones aient rejoint les action du Premier Mai à travers toute l’Europe est également un important pas en avant. Et c’est une telle solidarité et unité qui sème la panique dans le cœur des oppresseurs, au Sri Lanka comme ailleurs.

    S’unir pour riposter

    On peut comprendre que les Tamouls au Sri Lanka attendent contre tout espoir que le rapport de l’ONU puisse constituer un pas en avant dans le soutien à la lutte pour leurs droits.

    On peut comprendre que certains pauvres tamouls au Sri Lanka espèrent qu’une “force extérieure” leur vienne en aide. Mais il est inutile de créer des illusions dans le seul but de fournir un réconfort temporaire. Cependant, Tamil Solidarity exigera des Nations-Unies qu’elles prennent au moins quelques mesures afin que soient mises en vigueur les recommendations détaillées dans ce rapport. Si l’ONU s’avère incapable d’entreprendre la moindre action sérieuse contre le gouvernement srilankais, son hypocrisie n’en sera que plus dévoilée.

    Mais l’Alliance nationale tamoule (TNA) tente d’utiliser les attentes de la population tamoulophone pour se créer une base électorale. Elle fait cela en créant l’espoir que les Nations-Unies, voire l’Inde, peuvent apporter leur aide. Elle tente aussi de cacher le rôle crucial qu’a joué l’Inde dans la guerre. Il est important de rappeler que le gouvernement srilankais n’aurait pas pu gagner la guerre sans le soutien de l’Inde et de la Chine.

    Le fait que le gouvernement indien refuse de faire la moindre critique à l’encontre du régime srilankais actuel, même après avoir accepté le fait qu’un massacre de masse se soit déroulé pendant la guerre, ne devrait pas nous surprendre. Il serait criminel de la part de la TNA de créer des illusions en faveur des mêmes forces qui ont joué un rôle dans le massacre de masse des Tamouls, et qui persévèrent en ce moment dans leur politique d’exploitation des victimes.

    La TNA, tout en devenant de plus en plus “amicale” envers le régime meurtrier actuel, sous l’argument risible qu’elle n’a pas d’autre choix, refuse de chercher un allié parmi les forces qui continuent à se battre pour les droits de la population tamoulophone.

    La TNA est clairement en train de suivre la voie déjà empruntée par son prédécesseur, le Front uni de libération des Tamouls (TULF), qui avait pour habitude de baratiner les Tamouls dans ses zones d’implantation afin de gagner des votes, en même temps qu’il était main dans la main avec les oppresseurs au parlement. C’est là une des raisons qui ont fini par pousser la jeunesse tamoule à prendre les armes.

    Les jeunes et les militants du Sri Lanka doivent rompre avec ce genre de politique trompeuse. Ils doivent rejoindre les véritables combattants et militants dans leur pays. Il y a beaucoup à gagner pour les masses opprimées qui s’opposeront au gouvernement sur diverses plateformes, bien plus qu’en jouant le jeu des “négociations” qui ne mèneront à rien.

    Il y a des journalistes, des militants et de véritables gens de gauche dans le pays qui continuent à se battre pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Depuis la fin de la guerre, ils se sont vus contraints de dénoncer la loi d’urgence et l’Acte de prévention du terrorisme.

    Le gouvernement prétend avoir gagné la guerre contre le “terrorisme”, mais n’a pas abrogé ces lois draconiennes. Ces campagnes doivent être renforcées. Il faut aussi soutenir l’ensemble des forces qui se battent avec courage pour la liberté des médias et pour les droits démocratiques, et cela même au péril de leurs vies.

    Plus important encore, nous devons nous opposer à la création des zones de libre échange promises par le régime aux gouvernements indien, chinois et occidentaux. Ces zones ne seront pas les centres de soi-disant “réhabilitation” tels que le régime cherche à les faire passer. Elles seront au contraire des centres d’exploitation intensive, où les victimes de la guerre et les ex-membres des LTTE seront forcés de travailler pour le plus bas salaire possible.

    La reconstruction de syndicats puissants est urgemment requise en tant que meilleure opposition capable de s’opposer à ces conditions cruelles. De telles organisations ouvrières pourraient aussi remettre en question dans les faits les conditions inhumains et les bas salaires qui existent déjà à l’heure actuelle. La hausse rapide des prix de la nourriture, par exemple, constituera un autre “détonateur” pour un mouvement de masse contre le gouvernement, tout comme en Tunisie.

    Les “négociations” et la “coopération” avec les oppresseurs ne rapporteront jamais le moindre résultat aux pauvres et aux opprimés. Pour défendre nos droits et en gagner de nouveaux, la tâche urgente est de construire des partis indépendants des travailleurs et des pauvres, et des syndicats puissants et démocratiques.

  • Interview : Erik De Bruyn à propos de Rood

    Juste avant le 1er mai, SP.a Rood a annoncé qu’il continuait son existence sous le simple nom de ‘‘Rood’’ (Rouge), sans plus entretenir de lien avec le SP.a. Suite à la création de Rood en Flandre, nous avons discuté avec Erik De Bruyn concernant le comment et le pourquoi de ce mouvement.

    SP.a-Rood quitte le SP.a : Il nous faut une alternative à gauche des partis traditionnels

    Pourquoi est-ce que vous avez quitté le SP.a et pourquoi maintenant ?

    «Il y a plusieurs raisons. Le plus important est la situation politique en général. Le monde entier est sous l’emprise de la crise financière et économique depuis 2008. Le secteur bancaire a été sauvé par des transferts de pertes vers la collectivité. Les budgets s’enfoncent profondément dans le rouge depuis lors, notamment dans l’Union Européenne. Partout, la logique néolibérale reste dominante et, dans cette logique, la facture de la crise est présentée chez les travailleurs. 

    «En outre, il y a la crise interne du SP.a, qui est très profonde. Cette impasse est le résultat d’un opportunisme à court terme et d’un démantèlement idéologique du parti. Ces cinq dernières années, SP.a-Rood a fait tout ce qui était possible pour avoir un impact. Mais il n’y a eu aucun changement et il n’y a aucune perspective qu’un tel changement se produise. Alors nous n’avons plus de temps à perdre.»

    Comment est-ce que vous voyez ces cinq années de SP.a-Rood et la stratégie de pousser le parti vers la gauche ?

    «Ce n’était certainement pas un erreur d’essayer, c’était le trajet nécessaire pour arriver à Rood aujourd’hui. Nous n’aurions jamais pu quitter le SP.a de la même façon sans ce trajet. La tête haute et avec crédibilité, nous pouvons dire que nous avons tout essayé, de la participation aux élections internes et aux élections législatives au dépôt de centaines d’amendements,…»

    Dans quelle mesure est-ce que la base du parti a continué à disparaître les dernières années ?

    «Le parti a perdu 10.000 membres entre 2007 et 2010. Par coïncidence, c’est presque le même nombre de voix que ce que j’avais obtenu des membres du SP.a aux élections présidentielles du parti fin 2007. Cette érosion du nombre de membres est un phénomène présent dans tous les partis traditionnels. Le SP.a n’est pas une exception, au contraire.»

    Peut-être que la base n’est plus tellement importante pour le parti ?

    «En effet. Louis Tobback a réagi suite à mon départ en disant que, pour lui, De Bruyn ne vaut pas plus que sa cotisation annuelle de 12 euros. Cette déclaration n’est pas seulement arrogante mais aussi révélatrice. Le même vaut pour tous les membres du parti, ils ne valent pas plus que leurs cotisations annuelles pour la direction.»

    Quelles choses sont essentielles pour que Rood réussisse dans son projet ?

    «Nous devons d’abord veiller à garder la crédibilité de notre avant-projet, ce qui veut dire qu’il ne doit pas juste être un regroupement de la gauche. En plus, nous devons saisir l’esprit du temps. Nous devons donner des positions anticapitalistes sous une forme positive, nous devons construire le mouvement de la gauche en général, et fonctionner différemment des partis classiques. Dans le fonctionnement, nous devons avoir une forte interaction entre membres et représentants. Les nouvelles technologies de communications peuvent fournir beaucoup de possibilités.»

    «Mais, bien entendu, le programme que nous allons défendre, notre idéologie, reste le point crucial. Je veux aussi me référer au mouvement en Espagne. Un mouvement comme Rood, qui uni la vieille et la nouvelle culture politique, doit assurer qu’un tel mouvement ne s’éteint pas comme un pétard mouillé.»

    Comment est-ce nous pouvons convaincre la base de la FGTB de jouer un rôle actif dans la construction d’une nouvelle initiative politique ?

    «Je comprends très bien que la FGTB se trouve dans une situation difficile. Le SP.a est leur relais politique mais, en réalité, cela donne de plus en plus de problèmes. Le Pacte de Solidarité entre les Générations a été rédigé par des ministres du SP.a. Dans le dossier de l’Accord Interprofessionel, le SP.a n’était pas du même côté que la FGTB. Mais, de l’autre côté, le SP.a est le seul partenaire politique pour la FGTB en Flandre. En ce sens, je comprends le pragmatisme de la direction de la FGTB. A la base, la situation est différente, là nous recevons beaucoup de soutien pour notre initiative. Cela est en plus nécessaire si on veut arrêter le phénomène où des membres déçus de la FGTB votent pour des partis de droite.»

    Que pouvons-nous attendre de Rood dans les prochaines semaines et mois ?

    «Nous avons préparé une déclaration de principes et avons commencé la construction des sections locales. Le 19 mai, nous avons ainsi eu la création de la première section à Anvers avec 60 personnes présentes. Après l’été, nous allons publier un nouveau livre et accompagner la promotion de celui-ci en essayant de mettre sur pied de nouvelles sections partout en Flandre.

    «Fin juin, nous organisons une première action concrète. Le 30 juin, le dernier jour pour renvoyer les déclarations d’impôts, nous allons mener une action devant les bureaux des impôts. Nous allons publier plus d’infos sur notre site (www.linksrood.be). Fin 2011, il y aura aussi un congrès officiel pour lancer le mouvement. Nous avons beaucoup de boulot devant nous, et nous invitons donc tout le monde à collaborer à projet. »  

  • La politique d’austérité, ça ne marche pas

    L’illusion selon laquelle la Grèce, le Portugal, l’Irlande et d’autres pays embarqués dans les griffes des marchés financiers pourraient trouver une issue en assainissant commence à partir en fumée. De plus en plus de représentants de l’establishment plaident prudemment pour un rééchelonnement des dettes afin d’éviter le pire. Car les résultats des plans d’austérité sont décevants : au lieu d’approcher d’une solution, les problèmes se sont aggravés.

    Par Eric Byl

    Les politiciens et patrons belges ainsi que leurs “cellules de réflexion” sont d’accord : il faut de toute urgence un vrai gouvernement afin de prendre des mesures structurelles. Ce n’est pas que Leterme présente un mauvais rapport ; les assainissements réalisés par l’AIP sur le dos des travailleurs ou ceux consécutifs au fonctionnement avec des douzièmes provisoires ne sont pas négligeables.

    Mais, en comparaison de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce ou du Royaume Uni – où c’est à la hache qu’on coupe dans les services publics, les salaires et les allocations sociales – jusqu’à maintenant, nous nous en sortons à bon compte. Trop d’ailleurs, aux dires du patronat et de ses laquais. Notre pays échappe pour l’instant à la pression des agences de notation de crédit, au contraire de l’Etat grec qui est maintenant forcé de payer des intérêts de 15,1% pour ses emprunts sur dix ans. En mai 2010, quand le FMI et les Etats-membres de l’Union Européenne avaient permis un emprunt de 110 milliards d’euros, il ne s’agissait encore ‘‘que’’ de 8%. En Grèce, le déficit budgétaire est de 10,5% et la dette de l’Etat a grimpé jusqu’à 142,8% du PIB. Ce n’est pas étonnant. Le plan d’austérité draconien que l’UE et le FMI ont imposé à la population grecque a, l’an dernier, fait chuter l’économie de 4,5% après une contraction antérieure de 2,3%. Cette année encore, on s’attend à un rétrécissement de 3,5%.

    En Irlande aussi, les mesures d’austérité draconiennes conduisent à une croissance économique négative. Le déficit budgétaire est maintenant de 32,4%, après une croissance négative trois ans de suite. Le plan d’austérité que le FMI et l’UE imposent au Portugal en échange d’un emprunt de 78 milliards d’euros va dès cette année jeter l’économie portugaise dans une récession de deux ans. L’an dernier, le Royaume Uni pouvait encore, comme il ne fait pas partie de la zone euro, présenter des chiffres de croissance économique soutenus par une politique de taux d’intérêts extrêmement bas sur leur monnaie, mais le déficit budgétaire a augmenté jusqu’à 10,4%.

    Nous insistons : ce ne sont pas les travailleurs et leurs familles qui ont massivement investi dans les crédits toxiques, mais bien les banques et beaucoup d’entreprises privées. Cela vaut pour la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande,… Quand les banques ont dû être sauvées, elles n’ont jamais été forcées d’accepter le type de mesures aujourd’hui dictées aux pays plongés dans une spirale de dette à cause du sauvetage de leur secteur bancaire. Les paquets d’aide à ces pays n’ont rien à voir avec la solidarité. Ils ne servent qu’à mettre à couvert les banques allemandes, françaises et autres qui ont fortement investi dans les crédits des pays PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne). En même temps, les marchés ‘‘plus sains’’ au nord pompent le capital des marchés contractés des pays sous curatelle. C’est la raison principale qui explique l’actuelle croissance allemande.

    Les assainissements arrivent néanmoins à leurs limites. Qu’importe ce que peuvent dire les grands patrons européens : la publication dans Der Spiegel de la menace de la Grèce (évidemment niée par le gouvernement grec) de se retirer de la zone euro et de réintroduire le Drachme a suffi pour extorquer le rééchelonnement de la dette tant vilipendée. Ils n’aiment pas l’avouer, mais la volonté du FMI et de l’UE de considérer un ajournement du paiement de la dette grecque, ça revient à quoi d’autre qu’à un rééchelonnement? La rapacité ne connaissant toutefois pas de limites, la Grèce est en échange sensée mettre ses entreprises publiques en vente.

  • Pour la démocratie réelle – brisons la dictature des banquiers et des patrons !

    INITIATIVE INTERNATIONALE D’ACTIONS AUTOUR DU 19 JUIN

    LES JEUNES VEULENT DES CHANGEMENTS REVOLUTIONNAIRES

    Ce n’est pas la démocratie ! Partout sur la planète, les politiciens décident du futur de milliards de personnes dans l’intérêt des banquiers et des patrons. En faisant porter le poids des conséquences de leur crise sur les épaules de la populations, ils poussent des millions de personnes vers un avenir sans espoirs, fait de chômage de masse, de contrats pourris, de jobs mal payés, de services serrés, d’allocations réduites, d’éducation inaccessible, de montée en flèche des prix et de répression policière.

    Déclaration d’International Socialist Resistance (ISR) et des Etudiants de Gauche Actifs / Actief Linkse Studenten (EGA/ALS)

    Ce qu’ils appellent ‘‘démocratie’’, c’est la mainmise brutale de la “troïka” de la Banque Centrale Européenne, du Fond Monétaire International et de l’Union Européenne sur la Grèce, l’Irlande et le Portugal. C’est cela leur Europe, mais ce n’est pas la nôtre !

    NOUS LUTTONS POUR UNE DEMOCRATIE REELLE, EN EUROPE ET INTERNATIONALEMENT

    Le mouvement «démocratie réelle» exprime une aspiration profonde pour une société dans laquelle les gens ont un vrai contrôle sur leurs vies, et ne sont plus à la merci d’une poignée d’ultra-riches, de banquiers voleurs et de politiciens corrompus. Nous avons tous été inspirés par les luttes révolutionnaires en Égypte et en Tunisie, qui ont remis l’idée de révolution à l’ordre du jour. Maintenant la nouvelle vague d’espoir provoquée par le mouvement «démocratie réelle», qui a démarré en Espagne, se répercute, à des degrés divers, en Grèce, au Portugal, en Italie, en France, en Belgique, en Angleterre, en Pologne…

    Les assemblées sur les places à travers toute l’Espagne ont donné une image vivante des gens se rassemblant, discutant et prenant leurs propres décisions pour le futur. Les débats sur la place Syntagma à Athènes ont pris cela en main.

    Les assemblées dans les lieux de travail, les quartiers, les écoles et les unifs sont nécessaires pour continuer la lutte et construire un mouvement puissant et unifié des travailleurs, des jeunes et des pauvres, organisés démocratiquement par la base, avec une direction qui réponde de ses décisions devant la base et qui soit révocable. Cela pourrait être relié localement, régionalement et nationalement. Ainsi les délégués de ces assemblées pourraient se réunir – mais toujours sous le contrôle des assemblées et sujets à révocation.

    Ces assemblées peuvent être la base d’une lutte pour un changement réel dans l’intérêt des travailleurs, de la jeunesse, des chômeurs et des pensionnés. C’est ce genre de lutte qui pourrait remplacer les politiciens corrompus qui vivent entourés de privilèges, entièrement déconnectés des préoccupations de la majorité, par des représentants élus ne touchant pas plus que le salaire d’un ouvrier qualifié.

    Une réelle démocratie privilégierait les intérêts de la population plutôt que les profits des banquiers, des patrons et des riches, en utilisant les richesses de la société pour mettre fin à la pauvreté, au chômage et à la destruction des ressources naturelles, mises en danger par les désastres nucléaires ou encore par le changement climatique.

    FAIRE PARTIE DU MOUVEMENT

    Le mouvement espagnol a mobilisé pour une manifestation à Barcelone le 15 juin contre le vote des coupes budgétaires au Parlement catalan. L’assemblée de Madrid avait appelé à une manifestation dans toutes les villes européennes le 19 juin. Le mouvement grec avait de son côté mobilisé pour une grève générale le 15 juin et a demandé aux participants d’occuper ensuite les places.

    NOUS APPELONS A PARTICIPER ET A ORGANISER DES ACTIONS INTERNATIONALES DE SOLIDARITE

    Pour la démocratie réelle – pour la fin de la dictature des banquiers, des patrons et de leurs politiciens. Pour une économie planifiée démocratiquement, qui mette les biens de la société dans les mains des millions de travailleurs et pas des millionnaires.

    • Nous ne sommes pas des marchandises! Santé et éducation gratuite, des emplois décents et pour tous. Du fric pour les emplois et l’éducation pas pour les banquiers. Partage du temps de travail entre tous, sans perte de salaire !
    • Pas de coupes, de privatisations, de licenciements ! Faisons payer les grosses entreprises, les actionnaires et les banques pour la crise. Nationalisons ces institutions sous contrôle et gestion démocratique !
    • Dégageons de la Grèce du Portugal et de l’Irlande ceux qui veulent nous imposer l’austérité : l’UE, le FMI et la Banque centrale européenne ! Ce n’est pas notre dette, nous ne la payerons pas !
    • Solidarité internationale contre les coupes budgétaires, le racisme, le chômage et la pauvreté. Pour des actions internationales de grèves, vers des grèves générales partout en Europe.
    • Pour une Europe des travailleurs et des pauvres, pas des rapaces capitalistes!

    Les actions coordonnées autour du 19 juin peuvent constituer un pas vers une résistance de masse organisée à l’échelle européenne.

    REJOINS LA RESISTANCE INTERNATIONALE CONTRE LA PRECARITE ET L’AUSTERITE

    Etudiants de Gauche Actifs secondaire et supérieur fait partie d’ISR, une organisation internationale de jeunes par et pour les jeunes, afin d’organiser la lutte contre la pauvreté, le chômage, le racisme et la guerre. ISR rassemble des jeunes de nombreux pays à travers le monde. Rejoins Nous!

    internationalsocialistresistance.wordpress.com/ – www.gauche.be

    EN BELGIQUE AUSSI PRENDS LA RUE!

    • MANIFESTATION DES INDIGNES – 19 JUIN – BRUXELLES – 14H PLACE FLAGEY
    • RASSEMBLEMENT ET ASSEMBLEE POPULAIRE A L’APPEL DES COMITES D’ACTION EUROPE 22 JUIN – BRUXELLES – 18H ROND POINT SCHUMAN
  • Des trous dans la couche de l’eurozone

    Le 16 novembre passé, au terme d’une réunion d’urgence de la Commission Européenne, de la Banque Centrale et du FMI (Fonds Monétaire International), le président du Conseil Européen, Hermann Van Rompuy, déclarait que ‘‘l’union monétaire est confrontée à une crise pour sa survie’’. Pour renflouer les caisses de l’Irlande et de la Grèce menacées de faillite, il était jugé indispensable que les Etats européens qui résistaient mieux à la crise accordent des prêts à leurs partenaires plus faibles… et ils ne s’y prêtaient que de mauvaise grâce. Quelques mois plus tard, et malgré les milliards mobilisés au sein d’un fond européen de stabilisation financière bidouillé dans l’urgence, la crise ne s’éteint pas: la Grèce s’enfonce dans la crise.

    Par Simon (Liège), article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    L’agence de notation tristement célèbre Standard & Poor’s a abaissé la note de la Grèce de deux crans, la faisant passer dans la catégorie des ‘‘emprunteurs peu fiables’’. Le pays menace même de quitter la zone euro pour revenir à la drachme. Cette menace a peu de chance d’être mise à exécution, mais il est effectivement tentant pour un gouvernement grec aux abois d’y recourir. Une telle mesure aurait pour conséquence de dévaluer la monnaie grecque et, du même coup, de diminuer sa dette. Mais cela mettrait aussi en péril la zone euro elle-même. Il n’est pas garanti que la ‘‘crise pour la survie’’ de l’union monétaire trouve une issue favorable. Pour les travailleurs grecs et leurs familles, dans tous les cas, le choix se posera entre l’austérité au sein de la zone euro ou une inflation galopante provoquée par la sortie de l’eurozone. Une alternative comme on en fait peu!

    Notre courant politique a toujours maintenu la position que construire une Union Européenne dans le cadre du marché était une entreprise vouée tôt ou tard à l’échec. Les élites des différents Etats membres jouant en définitive le jeu européen pour leur propre compte, il était clair pour nous qu’au premier séisme économique de forte magnitude, chacun se retrancherait derrière ses propres frontières nationales. Cela nous avaient valu, à l’époque, les ricanements des économistes officiels et académiciens adeptes de l’Europe des régions aussi bien que le dédain des néo-marxistes pour lesquels nous étions incapables de comprendre l’émergence de la nouvelle bourgeoisie supranationale.

    On entend moins, ces temps-ci, ces brillants analystes. Mais il ne s’agit pas ici de polémiquer de façon abstraite, il s’agit de se rendre compte que les bourgeoisies des différents pays de la zone euro n’aideront la bourgeoisie grecque que tant que cela sert leurs propres intérêts. Cette aide, la plupart des économistes la jugent indispensable à la survie de l’économie grecque. ‘‘Une seule solution: la solidarité’’ déclarait l’économiste français Hakim El Karoui dans Le Monde du 10 mai. Mais avec l’approfondissement de la crise et les difficultés croissantes auxquelles les différents Etats seront confrontés, cette solidarité risque d’être difficile à trouver. Le même économiste rappelle aussi cette évidence: l’austérité appliquée à grande échelle en Europe ne peut qu’étouffer tout début de reprise puisqu’elle empêche une augmentation de la consommation des ménages. En Grèce certainement plus encore qu’ailleurs, toutes les mesures d’assainissement exigées par ses bailleurs de fonds n’ont fait que prolonger et accentuer la crise. L’économie grecque s’est contractée de 4,4% l’année passée et l’on s’attend à une nouvelle baisse de 3,5% cette année.

    La Grèce est sans doute l’exemple le plus frappant de l’ampleur de la crise, elle n’est pas pour autant un cas isolé: L’Irlande, le Portugal, l’Espagne sont confrontés aux mêmes problèmes, obligés de contracter auprès des Etats membre de la zone euro des prêts aux conditions léonines les contraignant à appliquer une austérité sauvage.

    Mais ces mesures ont évidemment un corollaire: les travailleurs des pays concernés ne sont pas prêts à subir sans réagir les conséquences d’une crise qu’ils n’ont pas provoquée. En Grèce se sont déroulées pas moins de neuf grèves générales. Au Portugal, on a assisté à plusieurs grèves sectorielles, manifestations nationales et à une grève générale. Toutes ces actions ont résonné du slogan ‘‘Nous ne payerons pas pour leur crise’’. En Espagne, la jeunesse précarisée depuis de longues années déjà refuse d’être la laissée-pour-compte d’une économie en faillite. Inspirée par l’exemple égyptien, elle occupe les places de 57 villes et villages et réclame un changement du système.

    Ces revendications sont centrales pour le mouvement ouvrier international: les protestations doivent être organisées sur base du refus absolu de payer les dettes de gouvernements aux ordres des grands actionnaires. Mais refuser de payer ne suffit pas: sur base du capitalisme, la banqueroute des Etats provoquerait une période de misère prolongée pour les travailleurs. La jeunesse espagnole a raison d’en appeler au changement de système: pour les socialistes, cela signifie enlever aux élites financières le contrôle des banques et des secteurs principaux des économies nationales et européennes. L’économie pourrait ainsi être orientée en fonction des besoins sociaux sous le contrôle de représentant élus des syndicats, des consommateurs et des localités. C’est la base du projet socialiste d’économie démocratiquement planifiée.

  • [INTERVIEW] Grèce : Unifions les luttes et renversons le gouvernement

    Depuis le mercredi 25 mai, les places d’Athènes et d’autres villes grecques ont été occupées par des manifestants. Peu de temps après a été réalisée cette interview d’Andros Payiatsos (Xekinima, CIO – Grèce).

    Peux-tu décrire le mouvement de la jeunesse ?

    Cette vague d’occupations est très clairement une réponse aux développements en Espagne, qui étaient à leur tour influencés par les mouvements de masse en Tunisie et en Égypte. Ceci montre la force de l’internationalisme qui existe.

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    L’occupation est également une réponse aux conditions auxquelles est confrontée la jeunesse. Le chômage en Grèce a atteint des niveaux historiques. Selon la fédération syndicale grecque, ce chiffre s’élève en réalité à 22%. Le chômage des jeunes vaut environ le double de cela. Le salaire de base pour les jeunes travailleurs qui ont leur premier emploi est de 520€ net par mois, c’est un salaire de misère.

    Ce mouvement est un développement assez puissant mais il n’est toujours pas clair de savoir dans quelle direction il va évoluer. Sur la place Syntagma où il a commencé mercredi 25 mai, on estime qu’il y avait 50.000 personnes, y compris un certain nombre de gens qui ne sont pas restés tout le temps, puisque l’occupation a duré de 6 heures du soir à 2 heures du matin. Les travailleurs et leurs familles ne peuvent pas rester tout le temps. Il y a eu des manifestations massives dans environ quinze villes grecques, comme Thessalonique, Patras, Volos, etc.

    Ce n’est pas seulement la jeunesse qui participe. Il y a aussi des pensionnés et des travailleurs ; tous essaient d’apporter leur pierre. Il semble que la base a été jetée pour la prolongation des occupations dans les deux villes principales.

    Il y a de très grandes assemblées, auxquelles participent une grande quantité de gens, bien qu’elles durent jusqu’à cinq heures. Des comités sont en train d’être mis sur pied pour prendre en charge les aspects techniques – la nourriture, l’eau, les connections wi-fi, etc. Et les premières tentes ont été dressées sur la place.

    En Espagne, on constate une certaine antipathie envers les syndicats et les partis politiques. Cet élément est-il aussi présent parmi la jeunesse grecque ?

    Tout comme en Espagne, il y a un très fort manque de volonté d’impliquer les syndicats ou les partis politiques. Mais nous pensons que cela n’est que temporaire. Nous croyons que, une fois que tout ceci évolue en un véritable mouvement, la nécessité de lui donner une dimension de masse pour le rendre efficace sera évidente. Et alors, la jeunesse sera forcée de faire appel à la classe ouvrière et aux syndicats. Cet appel sera essentiellement dirigé envers la base syndicale, parce que tout le monde déteste les dirigeants syndicaux, et aussi envers la base des partis de gauche, à cause de l’hostilité à l’encontre des partis de gauche.

    Les membres de Xekinima participent aux comités de coordination de l’occupation dans les deux villes cruciales que sont Athènes et Thessalonique. Une des revendications centrales que nous mettons en avant, dans les assemblées tout comme dans le matériel que nous produisons et diffusons, est que nous voulons la participation des travailleurs ; nous voulons que tous les gens qui sont en grève terminent leur grève sur la place et y restent. Si les travailleurs de l’électricité partent en grève de 48 heures, par exemple, après leur manifestation, nous aimerions qu’ils viennent sur la place pour à la fois fournir et recevoir un soutien et la solidarité.

    Nous sommes certains qu’une telle tactique recevrait une large réponse et je suis également certain que la majorité dans les assemblées soutiendra cette idée et les reprendra à son tour.

    Les gens doivent être très fâchés du fait que le gouvernement grec soit en train de discuter de nouvelles coupes budgétaires et privatisations, non ?

    Oui. Le gouvernement grec est en ce moment en train de discuter d’un deuxième accord avec la “Troïka” du FMI, de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne. Ceci signifie en fait qu’après un an de cette politique barbare qui détruit les vies de centaines de milliers de gens, si pas de millions d’entre eux, ils sont arrivés à la conclusion que cette politique ne marche pas.

    L’an dernier, il y a eu quatre vagues d’attaques. Le second accord signifie encore plus d’attaques. Les gens sont désespérés.

    La vitesse à laquelle se déroulent les événements en Grèce est époustouflante. Toutes sortes de mouvement sont apparus, mais à cause du fait qu’ils n’ont aucune direction capable de leur fournir un programme et une stratégie pour la lutte, ils ne se maintiennent pas.

    Et puis, il y a la réaction, sous la forme par exemple d’attaques fascistes comme on l’a vu il y a deux semaines. Ceci ne peut être compris que si l’on considère la société grecque comme une série de convulsions. Les gens sont extrêmement fâchés, mais en même temps extrêmement désespérés. Ils cherchent une issue.

    Quelle a été la réponse aux attaques fascistes ?

    Tout d’abord, je dois dire que ce qui s’est passé a été extrêmement choquant. Pendant près de quatre jours, des nazis – pas de simples populistes de droite – ont commencé à pourchasser tous les immigrés qu’ils voyaient dans les rues, à les frapper à coups de couteau et avec tout ce qui leur tombait sous la main. Ils sont entrés dans des boutiques tenues par des immigrés pour tout y démolir ; c’était un véritable pogrom. La police regardait sans rien faire. Tout Grec qui tentait de protester contre ce fait à la police était, dans les faits, livré aux fascistes pour se faire tabasser puis hospitaliser.

    Ça a vraiment choqué la gauche. Les partis de gauche de masse ont toujours sous-estimé le danger du fascisme. Xekinima a toujours mis en avant le fait que les conditions qui seront créées par la colère, le désespoir et la frustration peuvent mener à une hausse du racisem et du fascisme. Ce développement montre que c’est dès le début qu’il faut se battre contre les fascistes, lorsqu’ils ne sont encore que des petits groupes.

    Maintenant, le problème est qu’il n’y a encore eu aucune réponse sérieuse aux fascistes de la part des partis de gauche ou des syndicats. Malheureusement, malgré les propositions de Xekinima et cinq meetings bien remplis, les divers groupes de gauche refusent de se mettre d’accord sur une action unie. C’est ridicule, scandaleux même. Toutefois, la lutte contre les fascistes doit être menée.

    L’extrême-droite a tenté d’intervenir dans les occupations et de profiter de la confusion qui existe afin de promouvoir des slogans nationalistes. Mais elle a été victorieusement combattue et a dû battre en retraite. La jeunesse et les membres de Xekinima ont réagi et ont répondu aux arguments politiques des fascistes. Il semble qu’ils se soient éloigné de ce mouvement et se préparent maintenant à l’attaquer.

    Quelle issue propose Xekinima ?

    Il y a eu de nombreuses luttes importantes récemment. Les travailleurs des bus ont mené une action de grève pendant trois mois. Mais ils ont été vaincus, vendus par leur direction. Et puis, il y a eu la fantastique occupation de l’hôtel de ville d’Athènes par les intérimaires. Après quatre semaines, eux aussi ont été vendus. Tout ça ne fait qu’ajouter à la frustration.

    Nous avons vu le développement de mouvements, comme le non-payement des péages routiers, qui ont été caractéristiques des trois premiers mois de cette année. Mais ces mouvements aussi se sont éteints, parce qu’aucun des partis de gauche de masse ne leur a accordé le moindre effort.

    Et maintenant, nous avons ce mouvement d’occupation, qui est à nouveau un mouvement spontané de la base. Malheureusement, le KKE (le Parti communiste grec) s’y oppose. Synaspismos, l’autre principal parti de gauche, ne parvient pas à lui donner de direction.

    On a eu des grèves dans de nombreux différents secteurs. Et aussi neuf grèves générales jusqu’ici, la prochaine étant fixée pour le 21 juin. Il y a un mouvement de grève continu ; la jeunesse peut voir le pouvoir de la classe ouvrière.

    Mais en même temps, elle comprend que ce genre d’actions de grève n’est pas assez pour résoudre le problème. Il faut plus que ça. On appelle à une grève générale tous les deux ou trois mois. Mais ce qu’on demande aujourd’hui est une action de grève plus déterminée, qui puisse paralyser le gouvernement et essentiellement, comme nous le mettons en avant lors des assemblées d’occupation, faire tomber le gouvernement.

    Bien qu’il y ait beaucoup de confusion, les gens comprennent que le pays est dirigé par ce que tout le monde en Grèce appelle aujourd’hui “une bande de voleurs et de menteurs”. Le slogan “Dégagez” est partout. Huit personnes sur dix dans la rue sont d’accord avec ça.

    Mais il n’y a pas la même compréhension quant au fait que pour faire chuter un gouvernement, il faut une lutte organisée. Alors, avec Xekinima, nous expliquons que la politique de ce gouvernement, qui représente les multinationales et les banques, détruit tout – absolument tout, sans exagération. Nous disons que si nous voulons la fin de cette politique, nous devons renverser ce gouvernement.

    Un mouvement spontané tel que l’occupation des places n’est pas assez. Il faut l’organiser, le lier à la classe ouvrière ; il faut le lier aux grèves. Il faut le lier à la revendication de renverser le gouvernement et de s’opposer à tout gouvernement composé de Démocratie nouvelle, le parti capitaliste traditionnel. Et bien sûr, en même temps, nous soulevons aussi le reste de nos revendications politiques, y compris le refus de payer la dette et la nationalisation des banques, liées à l’argument selon lequel la seule issue pour les travailleurs et la jeunesse grecs est de rompre avec le capitalisme.

    Auparavant, nous avons appelé les partis de gauche à collaborer pour faire chuter le gouvernement. C’était lorsque les résultats combinés de la gauche étaient de 25-30% dans les sondages, et lorsque l’idée d’une prise du pouvoir par la gauche pouvait être perçue comme réaliste. Mais à présent, ce n’est pas seulement la jeunesse, mais aussi une grande partie de la classe ouvrière qui est très mécontente de la gauche.

    Dans de récents sondages, 45% des gens ont déclaré qu’ils ne voteraient pas lors des prochaines élections. Dans toute l’histoire de la Grèce, on n’a jamais entendu ça. Le taux d’abstention est normalement de 20-25%.

    Mais lorsque les gens demandent qui va remplacer le Pasok si on le fait dégager, nous répondons que nous autres, les jeunes, les travailleurs, les militants, peuvent remplacer les dirigeants actuels. Sur base de ce mouvement, sur base des comités de représentation de ce mouvement, également soutenus par de grosses sections de la base de la gauche (et même une partie de la direction), nous pouvons fournir la base et les structures pour un nouveau pouvoir qui pourra représenter les masses ouvrières et remplacer le Parlement des “voleurs”. Cette revendication est fort appréciée.


    Cette interview a été réalisée vendredi 27 mai, deux jours après que l’occupation ait démarré. Dimanche 29 mai, une des plus grandes mobilisations de masse qu’on ait jamais vu a eu lieu sur la place Syntagma. Il y avait en permanence entre 50 et 70 000 personnes présentes, mais le nombre total de gens qui ont visité la place est estimé par Xekinima à environ 200 000 !

    L’assemblée générale du vendredi 27 mai, qui était la troisième dans une série d’assemblées quotidiennes, à voté à la quasi unanimité de se lier aux vagues de grèves en développement et d’inviter tous les travailleurs en grève à venir sur la place, de prolonger l’occupation jusqu’à la chute du présent gouvernement, et de refuser de reconnaitre la dette souveraine comme étant la dette du peuple.

  • [INTERVIEW] Espagne : Quelle prochaine étape pour le M-15 ?

    Ce mardi soir, l’Assemblée populaire du camp qui occupe la Puerta Del Sol à Madrid a voté de lever le camp et de s’orienter vers les barrios, les quartiers, où se déroulent également des assemblées. Que signifie ce nouveau développement ? Nous en avons discuté avec un représentant du Comité pour une Internationale Ouvrière présent depuis le début du mouvement en Espagne.

    Socialisme.be : L’Assemblée a donc voté la levée de l’occupation pour ce dimanche 12 juin. Que cela signifie-t-il pour la suite du mouvement ?

    Effectivement, l’idée est de quitter l’occupation permanente à Puerta Del Sol, qui est l’épicentre du Mouvement du M 15 (pour 15 mai, jour où a commencé la révolte). Le 12 juin, c’est le jour qui suit l’entrée en fonction des nouveaux gouvernements locaux, journée qui connaîtra de nouvelles mobilisations car ces nouveaux gouvernements appliqueront la politique d’austérité. Mais le 12, c’est aussi un jour où se réuniront au soir les barrios, afin de décider de la suite du mouvement.

    Le message lancé est que l’occupation n’est pas abandonnée, ce n’est ni un retrait ni une défaite. Il s’agit potentiellement d’un nouveau stade de développement du mouvement. Les occupations n’existent pas pour elles-mêmes, elles illustrent l’indignation de la jeunesse contre les mesures d’austérité et la dictature des marchés. Cette indignation est d’ailleurs largement ressentie. Une occupante nous a ainsi dit que, alors qu’elle milite dans différents mouvement depuis des années, c’était la première fois que ses parents et sa famille comprenaient parfaitement ce qu’elle faisait, et la soutenaient.

    Socialismo Revolutionario, le Comité pour une Internationale Ouvrière en Espagne, a toujours défendu que les occupations ne doivent pas être un but en soi, mais un outil. Il est nécessaire de construire un mouvement de masse avec des relais dans les entreprises, les quartiers,… En bref, il faut réussir à unir toutes les victimes du système. Le M-15 est quelque chose de neuf dans la situation, qui pénètre aussi dans les entreprises où des syndicalistes utilisent cet élément pour poser la question de la démocratie syndicale.

    Socialisme.be : Ce n’est donc pas la fin ?

    Non. Le 15 juin, le Parlement régional de Catalogne va voter le paquet d’austérité. Nous avons déjà eu de grandes réponses de la part de la population mais les Indignés de la place Catalunya à Barcelone et ailleurs en Catalogne ont décidé de s’orienter vers ces protestations, de les rejoindre et de mobiliser.

    Ce jour-là, les travailleurs grecs connaitront leur 10e grève générale depuis la crise. Parallèlement, ISR (International Socialist Resistance, un mouvement international de jeunes lié au Comité pour une Internationale Ouvrière), appelle à une journée d’action internationale. Nous voyons les mouvements s’étendre de l’Espagne en Grèce,… C’est une expression du caractère international de la crise du capitalisme.

    Socialisme.be : Revenons sur l’Espagne, quelles sont les tâches à venir pour le mouvement ?

    Le mouvement a eu un gros impact en Espagne, mais doit se développer, avec des structures plus démocratiques et un programme militant. S’orienter plus consciemment vers les barrios est extrêmement positif. Mais il faut lier les barrios entre eux – aux niveaux local, régional et de l’Etat – à travers l’élection démocratique de représentants. Il serait aussi nécessaire de les étendre aux lieux de travail.

    Le pouvoir des jeunes doit être lié au pouvoir décisif de la classe ouvrière dans l’objectif de construire une grève générale par en-bas contre l’austérité capitaliste et pour une alternative. Une telle grève générale doit faire partie d’un plan d’action démocratiquement élaboré par les travailleurs, contrairement à la précédente journée du 29 septembre 2010.

    Socialisme.be : Tu parlais tout à l’heure d’une alternative. Que propose Socialismo Revolutionario et le CIO ?

    Le capitalisme ne représente aucune alternative, il sera toujours la dictature des marchés. Il ne pourra pas donner naissance en son sein à une réelle démocratie. Il faut une alternative anticapitaliste, ce dont sont bien conscient la plupart des jeunes impliqués dans le M-15. Le tout est de savoir laquelle. SR plaide pour une alternative basée sur le contrôle démocratique des moyens des secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, transport,…), c’est-à-dire leur expropriation pour qu’ils soient nationalisés sous le contrôle démocratique de la collectivité, des travailleurs et des jeunes. A partir de là, l’économie pourrait être orientée vers la satisfaction des besoins de la majorité grâce à une planification démocratique de la production.

    Socialisme.be : Mais il est difficile de parler de politique dans le M-15…

    Effectivement, un des aspects du mouvement parmi les plus forts est de rejeter les politiciens et les partis politiques. C’est compréhensible car aucune force politique n’a su représenter les intérêts des travailleurs et des jeunes. La gauche radicale a elle aussi failli, et son soutien électoral a d’ailleurs baissé. D’autre part, il y a eu de très nombreux scandales de privilèges et de corruption.

    Mais parler d’une alternative au capitalisme, c’est politique. Maintenant, il est crucial d’adopter des positions politiques. En réponse au front unique des partis capitalistes, les jeunes et les travailleurs doivent évoluer vers une alternative politique.

    Socialisme.be : Est-il plus facile d’aborder la politique dans les barrios, où sont présents des travailleurs, des personnes plus âgées,… ?

    Il faut bien comprendre que la désillusion et le dégoût envers les partis politiques ne touche pas que les jeunes. Mais il est vrai que des pans de la classe ouvrière organisée espagnole ont une tradition de participation au mouvement communiste. L’incorporation de cette expérience au mouvement des jeunes sera très positive pour discuter et adopter une alternative politique démocratique capable de renverser la dictature des marchés capitaliste pour construire une réelle démocratie. Selon nous, cela ne saurait être qu’une société socialiste démocratique, une démocratie basée sur les conseils démocratiques construits dans les entreprises, les quartiers, les écoles, les universités,… Mais actuellement, aucune force politique conséquente ne défend cela.

    Socialisme.be : Nous avons parlé des partis politiques, mais qu’en est-il des syndicats ?

    Les dirigeants syndicaux reçoivent presque le même rejet que les politiciens capitalistes. Nous sommes d’accord avec cette opposition aux dirigeants syndicaux, ils ont appliqué une politique de collaboration avec les patrons et le gouvernement sur la réforme de la législation du travail. Depuis lors, le chômage a augmenté de 400.000 personnes (il y a pour l’instant plus de 4,5 millions de travailleurs sans emploi en Espagne). Maintenant, ils veulent changer la loi sur les négociations collectives.

    Les dirigeants syndicaux n’ont aucune envie de se lancer dans une lutte généralisée contre l’austérité qu’ils ne pourraient pas contrôler. La grève générale du 29 septembre dernier, qui a vu plus de 10 millions de travailleurs entrer en grève, est une bonne illustration du potentiel de la classe ouvrière. Pour les directions syndicales, cette grève ne se situait pas dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’action, mais pour faire retomber la pression.

    Les travailleurs de la base doivent mener des actions militantes et faire pression sur les directions syndicales. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elles appellent à une nouvelle grève générale car la pression est actuellement très grande. Les travailleurs et les jeunes ne doivent pas dépendre des dirigeants syndicaux.

    La construction d’Assemblées démocratiques sur les lieux de travail et les barrios peuvent aider à construire une grève générale par en bas, de la base, pour que les dirigeants syndicaux n’aient plus d’autre choix que de suivre. Mais une seule grève ne sera pas suffisante. Il faut un plan d’action plus ambitieux. Il sera nécessaire dans ce processus de mettre dehors les dirigeants syndicaux actuels et de transformer les syndicats en réelles structures combatives et démocratiques.

    Quelques slogans dans la manifestations du M-15:

    • Ce qu’il faut maintenant, c’est une grève générale.
    • La lutte est dans la rue, pas dans le parlement.
    • La vraie violence, c’est de ne pas savoir finir son mois.
    • Cette crise, c’est pas la nôtre, c’est celle du capitalisme.
    • Cette réforme, on va l’arrêter.
    • Le centre du mal, c’est le patronat.
    • La voix du peuple n’est pas illégale.
    • Ils disent que c’est la démocratie, mais ça ne l’est pas. Ils disent que ce n’est pas la dictature, mais ça l’est.
    • Tout pouvoir aux assemblées de quartier
    • Tout ce qu’on nous promet, c’est un futur de merde et du travail précaire.
    • Ces contrats précaires : pour les députés.

    Vers la police :

    • Vos chefs sont dans leurs fauteuils.
    • La police aussi a des enfants.
    • Nous avons raison, et vous le savez.
    • Vous aussi, vous êtes le peuple.

      Barcelone, manifestation de la commission "grève générale" du camp place Catalunya à Barcelone

      "A bas la bureaucratie syndicale, grève générale maintenant"

      "Grève générale"

      "A bas la bureaucratie syndicale"

      Piquet devant les bâtiment du syndicat UGT à Barcelone


      Assemblée populaire place Catalunya à Barcelone

      "Maintenant, c’est la dictature économique"

      Madrid: rassemblement des travailleurs du téléphone affiliés au syndicat AST contre la réforme des conventions collectives

      "Pour défendre une bonne convention"

      Camp Puerta Del Sol à Madrid, carte des occupations à travers le monde

      "Non à la réforme des négociations collectives, réadmission des licenciés"

      "Non à la loi pro-patron exploiteur" – "Négociation? Imposition!"

      Mobilisation des occupants de la Puerta Del Sol contre la réforme des négociations collectives à Madrid

  • DEBAT sur la révolte du 15-M en Espagne

    DEBAT sur la révolte du 15-M en Espagne

    Environ 25 personnes étaient présentes ce lundi soir pour écouter le témoignage de Clara sur le mouvement en Espagne. Ce témoignage direct des manifestations, occupations de places, meetings, … qui relatait l’ambiance combative et anti-capitaliste du mouvement a été suivi d’un débat lors duquel de nombreuses interventions on fait référence aux différents mouvements qui ont, ou sont encore, en train d’agiter l’Europe et le reste du monde : Grèce, France, Maroc… tous des même exemples d’une seule et même lutte, la lutte contre un système en crise, le système capitaliste. La discussion s’est poursuivie au café autour d’un verre.

    Nous remarquons que, avec des mots différents, la lutte des jeunes et des travailleurs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord pour la Démocratie est en fait la même que celle des jeunes Espagnols pour une VRAIE démocratie, pas une "démocratie" au service des banques et des multinationales. Que la crise du chômage chez les Ibériques n’est pas très différente des chiffres explosifs en Belgique (35% chez les jeunes Bruxellois). Le système capitaliste est un système mondial, et avec le PSL, branche belge du CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière), nous voulons créer une organisation révolutionnaire mondiale pour combattre ce système ; construisez-la avec nous!

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