Tag: Elections 2019

  • Préformation : PS et N-VA discutent, mais ne négocient pas

    Le gouvernement Michel/De Wever a été sanctionné dans les urnes en raison de sa politique profondément antisociale.

    Cinq mois après les élections, et bientôt un an après la chute du gouvernement fédéral, un gouvernement fédéral n’est toujours pas constitué. Demotte (PS) et Bourgeois (N-VA) sont peut-être officiellement des ‘‘préformateurs’’ et non des informateurs, il n’y a cependant pas de véritables négociations entre PS et N-VA. ‘‘On n’a pas évolué vers une phase de négociation. (…). Avec les informateurs on a des réunions informelles, où les partis exposent chacun leurs idées, ni plus ni moins’’, a expliqué Paul Magnette, récemment élu président du PS.

    Editorial de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Un certain nombre de journalistes et de politologues flamands appellent à la constitution d’une coalition violette-jaune (les libéraux rejoignant les sociaux-démocrates et la N-VA) car ‘‘la seule autre option avec une majorité fédérale (l’arc-en-ciel) n’a pas de majorité en Flandre’’. Sans succès jusqu’ici… Et chaque fois que l’on croit entrevoir une ouverture dans une remarque d’un membre du PS, la direction du parti ferme immanquablement la porte. La nécessité de disposer d’une majorité en Flandre n’impressionne pas beaucoup en Wallonie et à Bruxelles puisque la coalition suédoise ne représentait même pas un quart des voix francophones.

    Certains seraient enclins à voir de ‘‘petits jeux politiques’’ derrière tout cela, mais, en réalité, un gouvernement violet-jaune pourrait être mortel pour les deux principales formations en son sein, tant pour le PS que pour la N-VA.
    Bien entendu, le PS n’est – malheureusement – même pas à moitié aussi à gauche qu’il le prétend. Le parti applique fidèlement le programme de la bourgeoisie depuis la fin des années ‘80. Toutefois, rejoindre un gouvernement au caractère aussi ouvertement thatchérien que le précédent serait par contre un pont trop loin, surtout maintenant que le PS est concurrencé sur sa gauche.

    De plus, espérer qu’après avoir abandonné son confédéralisme, la N-VA fasse de même avec son discours et son programme de provocation socio-économique pour donner au PS le masque social dont il a besoin est tout aussi peu probable. C’est pourquoi, après la déclaration de Theo Francken fin septembre – ‘‘un gouvernement avec le PS n’est pas impossible’’ – nous avons également entendu un autre son de cloche chez le député anversois N-VA Peter De Roover : ‘‘si j’avais des actions violettes-jaunes, je les vendrais’’.

    Pas d’argents ni d’instrument politique pour un ‘‘compromis à la belge’’

    On lit encore des références au ‘‘compromis à la belge’’, essentiellement dans la presse flamande, mais celles-ci font fi de l’histoire et sont idéalistes. Le compromis à la belge qui trouvait toujours une solution pragmatique pour les différentes contradictions – entre travail et capital, Flamands et Wallons, catholiques et laïques – puise son existence dans une période et un contexte spécifiques, en particulier celui de l’après-guerre. Cette période est définitivement révolue.

    L’énorme croissance économique de cette période-là fut un premier élément rendant possible ce ‘‘compromis à la belge’’. Le capitalisme pouvait alors combiner profits juteux et augmentation des conditions de vie pour les travailleurs. La classe ouvrière devait toujours lutter pour obliger les capitalistes à améliorer les salaires et la protection sociale, mais en plus de son organisation et de sa volonté d’action à la base, elle avait encore une autre carte en mains : l’existence du ‘‘péril rouge’’ derrière le mur de Berlin. Ces deux éléments sont aujourd’hui derrière nous depuis plusieurs décennies.

    Tout d’abord, le compromis à la belge nécessitait, en réalité, d’énormes ressources dans tous les domaines : pour qu’une politique sociale puisse satisfaire la classe ouvrière, pour la coexistence de deux réseaux d’enseignement et de santé subventionnés par l’État, pour le partage du pouvoir au niveau national où chaque investissement en Flandre devait être compensé par un investissement en Wallonie et vice versa.

    Ces moyens ne sont plus disponibles depuis un certain temps déjà. Pendant une période, le compromis a encore pu survivre en tant ‘‘qu’équilibre des pertes’’. De win-win, nous sommes passés à une situation de loose-loose, à une histoire faite de démantèlements équilibrés. Les négociations pour un Accord interprofessionnel (AIP) sont ainsi passées de négociations où les secteurs les plus forts tiraient les plus faibles vers le haut, à des négociations où les possibilités des secteurs les plus faibles devenaient la limite à ne pas dépasser pour les secteurs forts. Les réformes de l’État ne répartissent plus les moyens entre les unités régionales, mais bien les efforts d’austérité. Lors du démantèlement progressif de l’enseignement et des soins de santé, les différents réseaux ont été touchés en mesure égale.

    Ensuite, la deuxième condition pour le développement du fameux compromis à la belge était l’existence de partis capables de l’incarner. En général, il s’agissait de tous les partis traditionnels, mais surtout de la démocratie chrétienne et de la social-démocratie, et tout particulièrement le CVP et le PS, les partis dominants dans leur zone linguistique respective, disposant par ailleurs de liens étroits avec les syndicats et les réseaux philosophiques. Aux dernières élections, le CD&V et le SP.a ont recueilli un peu plus de 25% des suffrages flamands. Le dernier sondage a encore fait chuter ce pourcentage en dessous des 20%. En Wallonie, la situation est légèrement moins critique : le PS et le CDH obtiennent encore ensemble 37% des voix, réduits à 31,5% dans le dernier sondage. Pour les quatre partis mentionnés ci-dessus, il s’agit des pires résultats obtenus depuis la Seconde Guerre mondiale. Même si on ajoute le troisième parti traditionnel – les libéraux – on n’obtient pas la moitié des voix ni en Flandre ni au niveau fédéral.

    Quelles options pour un gouvernement fédéral ?

    La violette-jaune ne peut pas être complètement exclue an cas de pression extérieure suffisante : avec une crise économique, des banques à sauver, des coûts sociaux qui augmentent rapidement,… Mais si le gouvernement suédois se querellait sans cesse, un tel gouvernement violet-jaune verrait vite ses différentes composantes en venir aux mains.

    Un gouvernement arc-en-ciel pourrait plus facilement inventer une histoire à dormir debout pour faire avaler une poursuite de l’austérité, mais au prix du renforcement des partis nationalistes flamands. Dans ce cas, la bourgeoisie peut espérer que la N-VA se renforcerait à nouveau contre le Vlaams Belang à partir des bancs de l’opposition fédérale.

    Si aucune de ces options ne s’avère possible, un gouvernement d’urgence avec un programme limité ne peut être exclu en cas d’urgence majeure. Ce qui est bel et bien exclu, c’est le retour à une politique stable de compromis !

  • Gouvernement fédéral : s’entendre sur l’austérité ne leur épargne pas le casse-tête

    Il y a de grandes chances que l’année 2019 entre dans l’histoire comme une autre année où la Belgique n’avait pas de gouvernement fédéral en ordre de marche. Le très impopulaire gouvernement suédois est tombé fin 2018, après quoi l’équipe de Charles Michel a continué en affaires courantes sans la N-VA. Depuis lors, Charles Michel, Didier Reynders et Kris Peeters se sont enfuis à l’Europe. La formation d’un nouveau gouvernement fédéral n’est pas évidente dans ce contexte de discrédit des institutions politiques et avec en perspective une nouvelle récession économique. Les gouvernements régionaux seront eux-aussi soumis à des pressions croissantes.

    Par Geert Cool

    10 milliards à économiser

    Même avec un regard optimiste sur les perspectives économiques, le déficit budgétaire s’élèvera à 7,12 milliards d’euros cette année et à 10,33 milliards l’année prochaine. Le Bureau fédéral du Plan a abaissé les prévisions de croissance pour cette année à 1,1% et prévoit que seulement 37.000 emplois seront créés en 2020, soit près de la moitié des années précédentes. Après des années d’austérité, il est donc question de persévérer. La politique du gouvernement Michel n’a pas abouti aux résultats escomptés. Comment s’étonner que la confiance envers la politique soit en berne ?

    Les élections ont sévèrement frappé les partis du gouvernement Michel. La N-VA a tenté de camoufler sa politique antisociale derrière un discours anti-migrants, ce qui a pavé la voie au Vlaams Belang. Quatre mois après les élections, les autres partis traditionnels flamands sont tellement dans les cordes que la N-VA parvient à faire oublier que c’est elle qui a perdu le plus. Le premier sondage post-élection a été désastreux pour le parti, qui a chuté à 22,7% et a dû céder la place au Vlaams Belang.

    Si l’extrême droite parvient à marquer des points, c’est essentiellement en raison de l’absence d’une alternative suffisamment crédible. Les partis traditionnels sont aux commandes. Heureusement, il y a eu la percée du PTB, parti désormais représenté dans tous les parlements du pays. Le PTB peut utiliser cette percée pour organiser et renforcer les luttes dans la rue et sur les lieux de travail. Il faut éviter de revivre la situation de cet été, où la N-VA et le VB ont eu le monopole du débat public du côté flamand au point que le quotidien De Standaard a parlé du ‘‘silence de la gauche’’ et de ‘‘l’été de la droite’’.

    A quelle austérité s’attendre ?

    Avant les élections, le PSL a proposé de construire un rapport de force pour rompre avec le carcan budgétaire qui nous étrangle. Le meilleur moyen d’y parvenir est de mener des campagnes sérieuses autour de revendications offensives (les 14 euros de salaire minimum horaire, les 1.500 euros par mois de pension minimum, les 30 heures de travail par semaine sans perte de salaire et avec un embauche compensatoire, un programme massif d’investissements publics dans les infrastructures et les services publics,…).

    Et les accords wallon et bruxellois alors ? A en croire le PS, ils comprennent des propositions progressistes, quand bien même sont-elles prudentes et pas toujours clairement budgétées, comme la gratuité des transports en commun pour les plus de 65 ans et les moins de 25 ans à la STIB et progressivement au TEC, les 70.000 repas scolaires gratuits et les 12.000 nouveaux logements sociaux. Il est question d’investir dans la mobilité et le logement abordable. Si ces mesures sont efficaces, elles seront les bienvenues. Mais c’est encore insuffisant pour inverser l’impact de l’austérité et mettre fin à la pauvreté, à la pénurie de logements et à d’autres problèmes sociaux. A Bruxelles, les revendications du personnel des pouvoirs locaux et régionaux n’ont pas été satisfaites (voir par ailleurs en page 5) en dépit des promesses électorales. Au niveau de la Région wallonne et de la Communauté Wallonie-Bruxelles, Thierry Bodson (FGTB wallonne) fait valoir que les accords de coalition ne reflètent pas la voix des électeurs.

    Comment financer tout cela ? Certainement pas en allant chercher l’argent là où il est. Les libéraux ne veulent rien entendre. Les grands projets d’infrastructure devraient être exclus du budget pour bénéficier d’une marge supplémentaire en augmentant la dette. Entre 2014 et 2018, la dette des différentes régions est passée de 50 milliards d’euros à 60,4 milliards d’euros. L’Europe sera invitée à accepter la situation. Si elle refuse, l’argument est tout trouvé pour ne rien faire : la faute à l’Europe ! Pour certaines mesures symboliques, le financement pourrait être supporté par d’autres usagers, en augmentant les tarifs des transports en commun pour permettre la gratuité à certaines couches par exemple. De nombreuses ambiguïtés existent pour permettre d’éviter la mise en œuvre de mesures sociales très timides, mais tout de même très attendues. Parallèlement, les politiques d’austérité dans d’autres domaines ne manqueront pas d’être appliquées.

    Flandre : à droite toute ?

    Du côté flamand, la N-VA donne le ton. Il n’y aura pas de mesure sociale. Dans l’édition de septembre de Lutte Socialiste, nous avions écrit que la protection sociale allait être progressivement supprimée pour les migrants, mais que les choses n’en resteraient pas là. L’encre de notre journal était à peine sèche qu’était reprise la vielle proposition d’un service communautaire pour les chômeurs. Du travail forcé au lieu du travail salarié, en clair. Ce que nous connaissons déjà du projet du gouvernement flamand donne une idée claire de la direction adoptée : accès plus difficile à la protection sociale et absence totale d’investissement dans la sécurité sociale et les services publics. La pression des bons sondages pour le VB pousse les propositions de la N-VA encore plus à droite, même si le VB a obtenu cette position en se présentant hypocritement comme un adversaire de la politique antisociale.

    On peut se demander dans quelle mesure le CD&V, très affaibli, vendra la chose aux affiliés de la CSC. Les chrétiens-démocrates ont été sanctionnés pour leur politique antisociale, contre laquelle la base de la CSC a massivement manifesté. Une fois les élections passées, l’état-major du CD&V s’en est pris aux dirigeants de la CSC qui avaient (pourtant très prudemment) critiqué le parti. Il devient extrêmement compliqué aux dirigeants de la CSC d’expliquer pourquoi encore entretenir des liens avec le CD&V. Dans les sondages, le CD&V n’en finit pas de sombrer et semble suivre la voie du CDH.

    Qui va appliquer l’austérité, et avec qui ?

    Les informateurs Reynders (MR) et Vande Lanotte (SP.a) attendent que les gouvernements régionaux constituent un gouvernement fédéral. Jusqu’à présent, ils n’ont éliminé de l’équation que la gauche radicale et l’extrême droite. Le CDH a décidé de lui-même d’opter pour l’opposition, tandis qu’Ecolo refuse de négocier avec la N-VA et que Groen ne veut pas rejoindre un gouvernement sans Ecolo. Il reste donc quatre partis flamands et deux partis francophones, avec un parti flamand de plus qui pourrait abandonner. Ce n’est cependant pas en jouant à la chaise musicale en retirant une chaise à l’occasion que l’on parviendra à une équipe stable de survivants.

    La possibilité d’un gouvernement sans la N-VA demeure, mais elle est difficile à concrétiser car il n’y aurait pas de majorité du côté flamand. Un gouvernement avec la N-VA et le PS est difficile à vendre pour ces deux partis qui cachent systématiquement leurs propres échecs derrière leur hostilité l’un envers l’autre. La formation des gouvernements régionaux présentent des nuances, mais il est évident que tous ces partis acceptent la logique d’austérité : à la population de se serrer la ceinture pour donner un ‘‘répit’’ supplémentaire aux entreprises. Les plus grandes différences ne concernent que l’enthousiasme et le cadre dans lequel s’inscrit cette acceptation des limites du néolibéralisme. Le discrédit du monde politique accroît l’instabilité et rend le casse-tête encore plus difficile pour le gouvernement fédéral.

    Le mouvement ouvrier doit imprimer sa marque sur les événements

    Pour la classe dominante, la chose est évidente : qu’importe la composition du gouvernement, la majorité de la population devra trinquer. Résistons ! Après les élections, le mouvement ouvrier a à peine fait entendre sa voix dans le débat, très certainement du côté flamand où les syndicats et la gauche n’ont pas du tout été mentionnés. En conséquence, le débat public portait presque exclusivement sur l’identité flamande, le rejet des migrants et l’extrême droite.

    Nous ne pouvons pas blâmer uniquement les médias traditionnels : le mouvement ouvrier a la possibilité de prendre ses propres initiatives par des campagnes et des actions. Il suffit de voir comment, à l’automne 2014, les revendications sociales ont été au centre du débat grâce au plan d’action des syndicats allant crescendo. Il existe un potentiel de campagnes autour d’un salaire minimum plus élevé (Fight for €14), d’augmentations salariales (comme le personnel local bruxellois), de ressources plus importantes (comme dans le secteur des soins) ou d’une pension minimum (comme la pétition lancée par le PTB). Ces campagnes doivent être menées avec la participation la plus large possible dans la rue et sur les lieux de travail afin de convaincre nos collègues, notre famille et nos proches.

    Des campagnes combatives et bien constructives peuvent rendre les conversations sur le terrain moins dominées par le racisme et elles peuvent montrer clairement que le VB prétend être social, mais qu’il utilise seulement ce masque pour répandre davantage de divisions. Nous devrons nous battre pour faire respecter nos revendications. Dans le contexte d’une nouvelle récession, nous ne recevrons certainement rien en cadeau. Le PSL joue un rôle actif dans les mouvements de lutte, en défendant la nécessité d’un changement de société : une alternative socialiste contre les inégalités et les problèmes sociaux et écologiques inhérents au capitalisme.

  • Encore cinq ans de gouvernement de droite en Flandre

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Avant les élections, il semblait évident que le gouvernement de droite N-VA / CD&V / Open VLD subsisterait. Le gouvernement flamand disposait d’une très large majorité, même avec le retrait des libéraux. Le 26 mai s’est toutefois révélé décevant pour la majorité sortante. Ensemble, ces trois partis ont perdu 13%. La N-VA a perdu 7% et le CD&V 5% tandis que l’extrême droite est devenue le deuxième parti en progressant de 12%. Cela rendait tout de suite moins évidente la simple reconduction du gouvernement flamand.

    Par Geert Cool

    Pendant un peu plus de deux mois, la porte est restée ouverte aux négociations avec le Vlaams Belang. Dans les faits, la N-VA prépare le terrain pour la formation de coalitions avec l’extrême droite après les prochaines élections communales, en 2024. Les partis traditionnels ont à peine réagi aux ‘‘fausses négociations’’ avec le VB, probablement pour ne pas perdre les faveurs de De Wever. Le SP.a a espéré jusqu’au dernier moment un dénouement suivant le modèle d’Anvers (où la coalition locale regroupe la N-VA, le SP.a et l’Open VLD). Groen également avait fait part de sa volonté de participer au gouvernement. Malgré la claque électorale reçue par la N-VA en mai, De Wever s’est positionné comme LE grand maître du jeu. Et les partis traditionnels l’ont laissé faire. Durant l’été, la pause dans les négociations qu’il s’est octroyée lui aurait permis, selon des sources émanant de la N-VA, de faire en sorte que son parti s’accorde sur le fait de ne pas s’allier avec l’extrême droite.

    Sur le fond, la note de négociation de De Wever indique clairement qu’en dépit de sa sanction électorale, la N-VA compte bien poursuivre sur sa lancée de droite dure pendant cinq ans encore. Selon elle, le ‘‘signal de l’électeur’’ a été compris. La N-VA fait mine de considérer que ce ‘‘signal’’ est unilatéralement synonyme de rejet des migrants. Elle reste muette sur les revendications sociales derrière lesquelles le VB s’est caché durant la campagne électorale. Une fois les élections passées, ces revendications ont été reléguées au grenier, les militants du VB étaient trop occupés à intimider les activistes pour le climat sur les festivals ou à se disputer avec les militants de la N-VA pour savoir qui est le plus nationaliste.

    Dans sa note de gouvernement, De Wever a repris une partie du programme du VB, y compris des mesures du fameux programme en 70 points sur l’immigration du Vlaams Blok, qui a valu à l’ancêtre du Vlaams Belang une condamnation pour racisme en 2004. Alors que figurent de vagues promesses en faveur d’une ‘‘société chaleureuse’’ qui viendrait à bout des listes d’attente pour personnes handicapées et où les centres de soins seraient abordables, les attaques contre les migrants n’ont rien de vague. L’accès à la couverture sociale leur sera rendu plus difficile : heureusement pour eux que la sécurité sociale n’est pas régionalisée ! Il leur faudra également payer pour un programme d’intégration.

    En mai, la politique antisociale des gouvernements de droite du pays a été sanctionnée, mais De Wever ne veut pas entendre parler d’un changement de cap. Tout ce qui se rapproche d’un droit social dans sa note est immédiatement accompagné de devoirs dans l’objectif d’individualiser la problématique. Le nationalisme romantique flamand célèbre des terres aux prairies qui ondoient comme un grand océan vert. Mais les mères célibataires peinent à y garder la tête hors de l’eau dans leurs petits logements à peine salubre aux loyers impayables. Si cela dépendait que de De Wever, l’accès aux logements sociaux serait rendu plus difficile pour tout le monde, pas que pour les migrants ! Et le statut de fonctionnaire disparaîtrait totalement. Pour nous faire avaler cette pilule antisociale, la N-VA veut que les médias publics ‘‘renforcent la représentativité du paysage idéologique flamand’’. Décodage : davantage de pro-N-VA et de pro-VB à la télévision et licenciement de toute voix critique !

    Si De Wever et Jambon réussissent à mettre en place un deuxième gouvernement flamand de droite, cela affectera non seulement les migrants, mais aussi tous les plus vulnérables dans la société. Cette catégorie sociale ne cesse de s’agrandir sous le poids de longues années de casse sociale. Et une nouvelle crise économique se profile. Il faudra résister à ce gouvernement et sa politique. Tirons les leçons de la résistance syndicale contre les gouvernements de droite précédents, à partir de 2014, afin que, cette fois-ci, nous puissions poursuivre la lutte et imposer nos priorités.

  • La Belgique menacée d’être ingouvernable – ils n’ont tout simplement pas de solution !

    ‘‘Michel et De Wever, ça pèse lourd sur l’estomac ! Une production CD&V’’ – CGSP – Jeunes. Photo : Mediactivista

    La fragmentation politique et la disparition de la base sociale des partis qui gèrent le capitalisme belge depuis plus d’un demi-siècle ne sont pas des phénomènes propres à la Belgique.

    Edito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste, par Els Deschoemacker

    En Italie, des négociations sont actuellement en cours pour empêcher de nouvelles élections à la suite de la chute de la coalition prétendument anti-establishment de la Lega de Salvini et du Mouvement des cinq étoiles. La solution provisoire est un gouvernement d’urgence ou technocratique non-élu. C’est une manière de gagner du temps, mais il est illusoire de penser que cela mettrait un terme à la crise politique. L’objectif d’un tel gouvernement est de présenter un budget de réduction de la dette publique correspondant aux normes néolibérales et européennes qui érodent davantage les droits et revenus de la majorité des Italiens. Un budget d’austérité en somme. Cela ne peut que préparer une nouvelle victoire pour la Lega raciste.

    Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. En Grande-Bretagne, l’incapacité des partis politiques à répondre aux aspirations et aux besoins réels de la population, qui sont à la base des résultats du référendum sur le Brexit de 2016, a paralysé le parlement. Dans l’Etat espagnol, nous sommes sur la bonne voie pour les quatrièmes élections en quatre ans, et l’Allemagne ‘‘stable’’ est, elle aussi, au beau milieu d’une tempête politique. Les gouvernements minoritaires deviennent de plus en plus la norme et démontrent la nature fondamentalement antidémocratique du capitalisme d’aujourd’hui.

    La crise sociale conduit à la crise politique

    En Belgique également, la crise politique prend de l’ampleur. Le phénomène n’est pas neuf. En Flandre, les premiers chocs politiques ont eu lieu au début des années 1990. Les contre-réformes antisociales ont érodé la base sociale des partis traditionnels du pays au point qu’il est devenu très difficile de gouverner le pays, tout particulièrement au niveau fédéral.

    Aux élections municipales d’oct-obre dernier et aux élections de mai, les électeurs se sont prononcés contre la politique antisociale de la coalition suédoise. Mais le signal de l’électeur contre la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population est ignoré. Il suffit de regarder la formation des gouvernements régionaux et les programmes discutés. En Flandre, la coalition suédoise se poursuit et met encore davantage l’accent sur la division à caractère raciste. Au lieu de garantir la protection sociale des gens, de plus en plus de groupes en sont exclus. Il faudrait davantage de moyens pour répondre aux besoins sociaux, mais c’est inenvisageable ! Une situation analogue se présente à Bruxelles où les quelques mesures cosmétiques proposées sont bien insuffisantes pour faire face à la crise sociale. Enfin, en Wallonie, les appels à la formation d’un gouvernement de gauche pour mettre fin à la politique d’austérité n’ont jamais été sérieusement considérés.

    Ces gouvernements n’ont pas l’intention de répondre aux souhaits de la majorité de la population. Ils cherchent simplement une formule pour continuer d’appliquer le programme du capitalisme belge.

    Les gouvernements régionaux donnent maintenant le ton, parce que la formation d’un gouvernement fédéral semble complètement impossible. Trois mois après le 26 mai, on spécule déjà ouvertement sur la tenue de nouvelles élections si l’impasse se poursuit au niveau fédéral ou sur la nécessité d’un gouvernement d’urgence si l’économie belge se retrouve en détresse dans le contexte d’une nouvelle crise internationale. Ce pourrait être un prétexte pour remplacer le gouvernement en affaires courantes, en route depuis décembre dernier sans majorité au parlement, par un gouvernement plus autoritaire avec ou sans pouvoirs spéciaux.

    Sauver le capitalisme belge sera en tout cas LA question, avec une nouvelle offensive contre nos conditions de vie. Même en l’absence d’une crise internationale immédiate, le prochain gouvernement devrait aller chercher au moins 10 milliards d’euros dans nos poches.

    Riposter à chaque attaque antisociale par l’action de masse et une alternative politique

    Quand Michel 1 est arrivé au pouvoir, il ne s’est pas écoulé un mois avant que la première mobilisation de masse ne commence. On craignait à juste titre que ce gouvernement tenterait de briser la forte organisation du mouvement ouvrier belge. Plusieurs mesures brutales ont été adoptées, mais il s’avère que le gouvernement tripartite Di Rupo a économisé plus que la coalition suédoise dirigée par le MR et la N-VA. Cela illustre le fait que presque tous les partis font passer les intérêts des capitalistes avant ceux des travailleurs et de leurs familles. Le puissant mouvement de grève de 2014 a ébranlé le gouvernement et a pu empêcher le pire. Mais cela ne suffit pas pour enrayer le déclin.

    La réalité, c’est que nous avons à l’époque raté l’occasion de renverser le gouvernement par des grèves générales et d’ouvrir un large débat sur l’alternative politique dont le mouvement ouvrier a besoin. La percée électorale du PTB est une expression de ce potentiel. Cela a poussé le débat politique vers la gauche en Wallonie et à Bruxelles, mais cela n’a pas été sans effet en Flandre également. Néanmoins, là-bas, ce ne sont pas les partis de gauche qui ont parlé des revendications du mouvement social avec le plus d’audace. C’est le Vlaams Belang qui a défié le gouvernement précédent de la manière la plus offensive, en se déguisant avec les vêtements de la gauche pour lier démagogiquement la colère sociale à une rhétorique raciste. Mais une fois les élections passées, le Vlaams Belang n’a plus parlé du salaire minimum ou de meilleures allocations sociales.

    Les jeunes grévistes pour le climat ont eu un impact majeur. L’action de masse a imposé ce thème sur le devant de la scène. C’était une leçon d’importance, mais ce ne fut pas la seule. L’incapacité des Verts, surtout en Flandre, à lier la transition climatique à un programme social – ne parlons même pas d’une alternative anticapitaliste – a gâché le potentiel que certains sondages laissaient entendre.

    L’action de masse doit rester la réponse de la classe ouvrière si elle ne veut pas rester piégée par des partis qui ne servent que les intérêts des plus riches. Cela doit être lié à la construction consciente d’un parti politique capable d’unir l’ensemble de la classe ouvrière derrière un programme de rupture anticapitaliste et socialiste.

  • Pas de gouvernement de gauche en Wallonie. La faute au PTB ?

    Dans son interview du 6 août à la radio publique, le secrétaire général de la FGTB Wallonne Thierry Bodson a chargé le PTB et le CDH pour le retour aux affaires du MR dans les négociations wallonnes : ils ‘‘ont pensé à eux d’abord et pas aux gens d’abord’’. Le PTB porterait la responsabilité de l’échec de la formation d’un gouvernement de gauche en Wallonie comme le souhaitait la FGTB. Le PTB défend que l’absence de politique de rupture l’empêchait de participer. Thierry Bodson répond que le PTB aurait privilégié des calculs politiciens pour les prochaines élections au lieu de répondre aux demandes des jeunes, des travailleurs et des Gilets Jaunes qui ont manifesté. Cette idée rencontre un certain écho auprès de nombreux électeurs de gauche. Beaucoup d’autres estiment au contraire que le PTB a eu le courage de ne pas renoncer à son programme une fois aux portes du pouvoir.

    Par Boris (Bruxelles)

    La note remise au PS en Wallonie, ‘‘les lignes rouges du PTB’’, allait dans la bonne direction avec l’exigence de rompre avec les carcans austéritaires, le refus des partenariats publics-privés (PPP), la gratuité des TEC, la création de 40.000 logements sociaux, l’arrêt des exclusions du chômage, un pôle public de l’énergie et des investissements dans les services publics. Selon le PTB, les discussions avec le PS n’ont été qu’une mauvaise pièce de théâtre pour que le PS parvienne à justifier un futur accord avec le MR auprès de ses électeurs. Elio Di Rupo dément et y a répondu dans sa lettre envoyée à tous les membres du PS : ‘‘fin des partenariats publics-privés, davantage de logements publics, gratuité des TEC en Wallonie, (…), création d’un pôle public de production et de fourniture d’énergie, (…). Nous avons souligné ces convergences et la possibilité de former un noyau de propositions fortes constituant le cœur d’un futur accord de gouvernement. Les représentants du PTB n’ont rien voulu entendre.’’ Le PS est évidemment peu crédible à ce sujet après sa participation à toutes les politiques néolibérales passées. Aucune de ces propositions n’a d’ailleurs été reprise dans la note ‘‘coquelicot’’ commune avec ECOLO, une note où les services publics ‘‘ne sont pas cités une seule fois dans le texte’’ selon Thierry Bodson.

    Mais au lieu de quelques heures de discussions en coulisse, le PTB n’aurait-il pas mieux fait de prendre le temps, via des assemblées dans toutes les villes, d’impliquer le plus grand nombre possible de syndicalistes, de militants et d’électeurs dans un large débat public autour du programme et de la manière avec laquelle un gouvernement de gauche peut le réaliser ? Même en cas d’échec des négociations, cela aurait permis de préparer au mieux les mobilisations sociales à venir.

    La participation de syndicalistes au débat aurait même pu enrichir la note du PTB en y ajoutant, pour la fonction publique, les revendications d’un salaire minimum de 14€/h et la semaine de travail de 32h sans perte de salaire avec embauches compensatoires. Ces revendications figurent également dans le programme électoral du PS. Ne valait-il pas mieux en faire des conditions strictes pour un soutien de l’extérieur en faveur d’un gouvernement coquelicot tout en clarifiant que les élus PTB ne voteraient aucun budget d’austérité ?

    C’est vrai, nous ne devons pas nous bercer d’illusions sur les possibilités qu’un gouvernement minoritaire PS-ECOLO représente un véritable changement pour la vie des gens. Mais, si le PS avait accepté cette proposition, cela aurait pu aider à créer de l’enthousiasme pour développer la campagne de la FGTB ‘‘Fight for 14€’’ et la lutte pour remporter ce combat. Si au contraire le PS l’avait refusée, il aurait alors été évident aux yeux de tous que ce dernier choisissait délibérément de balancer par la fenêtre ses promesses électorales en matière de pouvoir d’achat une fois le scrutin passé.

    Le PTB a raison : un plan radical d’investissements publics répondant aux besoins sociaux nécessite de rompre les carcans budgétaires imposés par la Commission européenne et par le gouvernement fédéral. Beaucoup de gens ont été surpris que le PTB rompe les discussions pour un accord de gouvernement wallon sur cette question. Cela s’explique par le manque de préparation durant la campagne. Cette revendication figurait bien dans le programme du PTB, mais enfouie vers la fin de ses 252 pages et diluée parmi 840 autres revendications. Dans les tracts, la sortie des traités d’austérité européens était plutôt présentée comme un élément qui serait défendu par un député PTB dans l’enceinte du Parlement européen. Cela n’a d’ailleurs pas été mentionné par Raoul Hedebouw lorsqu’il énumérait les points de rupture du parti pour entrer en coalition avec le PS et ECOLO lors de ses meetings électoraux. Pendant les élections, seul le PSL a popularisé l’idée de briser les carcans budgétaires volontairement imposés autour de notre appel à voter en faveur du PTB.

    Le PTB émet aujourd’hui l’idée qu’un gouvernement de gauche en Wallonie ne saurait rompre avec ce carcan budgétaire s’il est soumis à un gouvernement de droite au Fédéral. Face à ce défi, un gouvernement de gauche en Wallonie devra prendre des initiatives audacieuses en vue de mobiliser le mouvement des travailleurs pour construire un rapport de force favorable tout en développant des liens solides avec le mouvement ouvrier en Flandre et à Bruxelles. Une telle approche préparerait le terrain pour un ‘‘gouvernement de la taxe des millionnaires’’ en Belgique, à condition de s’appuyer sur un programme de mesures socialistes.

  • Dans l’ombre des négociations, ça doit être la pure panique…

    Un mois après les élections, après la reconduction de la coalition sortante de régionalistes, libéraux et sociaux-démocrates en Communauté germanophone, il n’y a de perspectives que pour la formation d’un seul gouvernement : celui de la Région de Bruxelles-Capitale. En Flandre, en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles (ex-Communauté française), les actuels partis à la manœuvre ne sont pas majoritaires et, dans le cas du fédéral, les informateurs ne sont nulle part.
    Un contexte économique qui implique à nouveau une austérité brutale
    Pendant ce temps, les mauvaises nouvelles pleuvent tant pour le fédéral que pour toutes les entités fédérées. La perspective générale est faite de nouvelles mesures d’austérité, ce à quoi s’ajoutent encore l’analyse des déficits et des dettes des régions et des communautés.

    Edito de l’édition d’été de Lutte Socialiste, par Anja Deschoemacker

    La dette de la Communauté française s’élève aujourd’hui à 8,2 milliards d’euros (contre 3 milliards en 1999) et elle devrait encore augmenter pour atteindre 12 milliards d’euros dans cinq ans, tandis que le déficit budgétaire est de 192 millions d’euros. A cela s’ajoutent les dettes de la Région wallonne (21,7 milliards) et de la Région Bruxelles-Capitale (5,5 milliards). En Flandre, la dette passera de 25 milliards aujourd’hui à 34 milliards en 2024 en raison notamment du coût de la Liaison Oosterweel (qui vise à boucler le ring périphérique anversois). Pour avoir un budget en équilibre, le nouveau gouvernement flamand devra trouver 600 millions d’euros (De Tijd 19/06). Le déficit fédéral devrait encore augmenter cette année jusqu’à 7,5 milliards d’euros et 9,6 milliards d’euros l’an prochain.

    Et à quoi sert d’avoir le taux de chômage le plus bas depuis la seconde moitié des années ’70 (9,5% en 2018 selon L’Echo, 19/6) si cela s’explique en partie par l’exclusion de plus en plus de gens de leur droit aux allocations ? Tous les CPAS du pays sont confrontés à une augmentation du nombre de personnes qui ont besoin d’un revenu d’intégration ou d’autres formes de soutien, et encore plus de personnes dépendent entièrement de l’assistance de leur famille (surtout les femmes et les jeunes, mais aussi de plus en plus de personnes âgées).

    La relativité des données concernant le chômage devient évidente lorsqu’on les compare à celles sur la pauvreté. Selon l’Office national de la statistique Statbel, la proportion de Belges ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté est passée à 16,4% en 2018, le niveau le plus élevé en 15 ans. En chiffres absolus, cela concerne 1,8 million de personnes !

    Aucune perspective de stabilité

    Il a été écrit dans les astres qu’il serait à nouveau très difficile de constituer un gouvernement fédéral. L’affaissement des partis traditionnels a atteint un point où même l’ancienne ‘‘grande coalition’’ des trois familles traditionnelles n’obtient de majorité ni en Flandre, ni dans l’Etat fédéral.

    En même temps, la victoire de la famille verte n’a pas été suffisamment spectaculaire pour placer Groen et Ecolo dans une position où une ‘‘grande coalition encore plus grande’’ ou une coalition totalement asymétrique pourrait encore bénéficier d’une certaine aura de gloire et au moins d’une apparence de cohésion.

    En Flandre

    Pour le précédent ‘‘sauveur’’ de l’élite belge – la N-VA – le déclin a commencé. Elle est maintenant talonnée par un parti qui ne peut pas être le sauveur de l’élite belge : le Vlaams Belang. Dès que cela a été clair lors des élections communales, la N-VA a fait toute une série de gesticulations qui ont illustré que sa fiabilité pour la bourgeoisie était très temporaire.

    Mathématiquement, l’ancienne coalition flamande peut poursuivre sa route. Pourtant, Bart De Wever parle jusqu’à présent sérieusement avec le Vlaams Belang, même s’ils ne disposent pas de majorité ensemble et que les autres partis excluent de coopérer avec le VB. De Wever tente désespérément de freiner la perte de voix en faveur du VB tout en évitant de se tourner vers le CD&V et l’Open VLD comme un mendiant. Un gouvernement minoritaire N-VA / VB serait une aventure qui pourrait bien mal se finir. Cela bloquerait également à la N-VA toute chance de participer à un gouvernement fédéral.

    Les autres partis flamands ne veulent pas négocier d’accord de coalition élaboré notamment par le VB. Mais en même temps, il est clair que ces 43% de votes pour des nationalistes flamands vont exercer une pression énorme sur eux dans les années à venir. La possibilité mathématique d’un gouvernement sans la N-VA et le VB – une coalition quadripartite qui a une majorité fédérale – comporte le risque d’une condamnation à mort pour le CD&V mais aussi pour l’Open VLD. Cela ouvre également la porte à une majorité absolue des deux partis nationalistes flamands d’ici cinq ans.

    En Wallonie et en Communauté française

    En Wallonie et pour la Communauté française, les négociations se sont jusqu’à présent déroulées à l’image de celles de Flandre. Ici aussi, les négociations des interlocuteurs actuels (PS et Ecolo) ne débouchent que sur un gouvernement minoritaire, le CDH et le PTB ayant déjà indiqué qu’ils n’étaient pas intéressés à soutenir un gouvernement de l’extérieur. Ensemble, PS et MR sont majoritaires, mais ce serait pour le PS la recette d’une érosion supplémentaire en faveur du PTB. Une coalition PS/MR/Ecolo est sans doute préférée, mais Ecolo n’y serait pas essentiel. Pour Ecolo, cela ouvrirait la perspective d’une nouvelle chute électorale à la suite d’une trop petite percée.

    Et bien sûr, il reste la possibilité mathématique d’une ‘‘coalition FGTB’’, ainsi nommée d’après l’appel de la FGTB wallonne pour un gouvernement de gauche PS/Ecolo/PTB. Cependant, les négociations avec le PTB ont rapidement été interrompues (plus d’informations à ce sujet en page 4).

    Le fait que le PS mène les négociations peut détourner l’attention du fait que le dernier parti traditionnel belge à rester le plus important dans sa propre région/communauté a encore reculé. Toutes les options à l’exception de la ‘‘coalition FGTB’’ renforceront ce déclin. La force du PS a toujours été son pilier : le syndicat et la mutualité avec l’énorme position qui est la leur parmi la population wallonne. L’appel de la FGTB montre clairement que cela commence à prendre fin, à l’image de la relation gravement perturbée entre le CD&V, la CSC et la mutualité chrétienne en Flandre.

    Fédéral : trois options seulement, l’une plus impensable que l’autre

    Soit le nouveau gouvernement fédéral tourne autour de la N-VA, une coalition suédoise complétée par le CDH et Ecolo/Groen (mais ces deux forces ont jusqu’ici écarté la possibilité), soit autour du PS avec une coalition quadripartite qui exclut la N-VA. Dans le premier cas, il n’y a (encore une fois) pas de majorité du côté francophone, dans le second cas, les deux principaux partis flamands sont exclus. Il y a une autre option : un gouvernement asymétrique autour du PS et de la N-VA – la ‘‘coalition FEB’’ en réponse à l’appel de l’organisation patronale – mais un accord de coalition entre ces partis semble impossible pour l’instant, tant au niveau socio-économique que communautaire. Les trois options mèneraient à un gouvernement très incohérent.

    La formation d’un gouvernement fédéral n’est donc pas pour demain. L’espoir des informateurs (Reynders et Vande Lanotte) que la nécessité d’un budget en septembre/octobre conduirait à quelque chose n’est qu’une tentative évidente de garder artificiellement confiance. C’est vrai, historiquement, la bourgeoisie belge a développé une très grande capacité d’improvisation. Mais le système belge de partage du pouvoir communautaire, le fameux ‘‘compromis à la belge’’, s’est enlisé dans ses contradictions et touche clairement à sa fin. Pour improviser, il faut disposer d’instruments suffisamment fiables et suffisamment soutenus par la population. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

    De nouvelles politiques d’austérité – dans le style du gouvernement Di Rupo ou dans le style thatchérien de la précédente coalition suédoise – saperaient inévitablement le dernier parti traditionnel faisant autorité, le PS bourgeoisifié. Et alors la chanson serait dite. En Belgique, une ‘‘option Macron’’ – une ‘‘solution’’ temporaire pour dépanner la bourgeoisie après la désintégration de ses partis – devrait disposer de soutien dans toutes les régions du pays. Y croire, c’est partir à la chasse aux dragons et aux licornes. De plus, Macron a échoué à obtenir un soutien suffisant aux élections. Ici aussi, l’effet d’un tel phénomène serait probablement extrêmement temporaire.

    La seule solution : un gouvernement de gauche en Wallonie et en Communauté française

    Une ‘‘coalition FGTB’’ entraînerait des réactions allergiques dans le paysage politique flamand, c’est certain. La réponse serait probablement un gouvernement fédéral de droite autour de la N-VA ou même la rupture du cordon sanitaire en Flandre. Cela mettrait l’unité de la Belgique sous très forte pression. Comment cela pourrait-il être une solution ?

    La politique de la coalition suédoise a été sanctionnée dans toutes les régions du pays. Les sondages démontrent que la population du pays est unie en faveur d’un certain nombre de mesures nettement à gauche. Malgré la cacophonie sur la scène politique fédérale et flamande qu’un tel gouvernement de gauche provoquerait, cela offrirait à nouveau la perspective d’un avenir décent pour la grande majorité de la population, de la fin de la pauvreté et des inégalités toujours croissantes, s’il est toutefois prêt à rompre avec le système capitaliste.

    Un gouvernement de gauche qui introduirait une semaine de travail de quatre jours sans perte de salaire, un salaire minimum de 14 euros de l’heure, une pension minimum de 1.500 euros par mois,… et qui financerait ces mesures en prenant le contrôle des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique, susciterait également un énorme enthousiasme dans les autres parties du pays et poserait les bases d’un basculement du rapport de forces. Face aux querelles entre forces bourgeoises et petites bourgeoises, cela pourrait augmenter de manière convaincante l’unité de la classe ouvrière belge. Cette classe – qui constitue la majorité absolue de la population – est la seule force de la société qui n’est pas intéressée par les divisions nationales ou autres. C’est la seule force qui peut faire en sorte que la Belgique ne s’effondre pas, ou qu’elle le fasse – si telle est la volonté d’une majorité de la population – de manière à ne pas appauvrir la majorité de la population et en excluant le risque d’une guerre civile pour Bruxelles.

  • Sombres perspectives budgétaires pour la région Bruxelles-Capitale

    Tunnel Kortenberg à Bruxelles. Photo : Wikimedia

    Les investissements nécessaires se heurtent au carcan budgétaire

    En début d’année, le Bureau fédéral du Plan publiait ses perspectives : le déficit budgétaire serait de 7,7 milliards € au Fédéral cette année. Il s’envolerait ensuite à près de 10 milliards en 2020. En mai, c’est le Centre de Recherches en Économie Régionale et Politique Économique (CERPE) de l’Université de Namur qui a sorti ses perspectives pour le budget de la Région Bruxelles-Capitale : le prochain exécutif ne disposera d’aucune marge budgétaire pour de nouveaux investissements publics et la dette de la région passerait de 4 à 8 milliards € de 2019 à 2024 !

    Par Nico M. (Bruxelles)

    Dans le cadre du pacte européen de stabilité et de croissance, les différents gouvernements doivent remettre leur budget à la Commission européenne pour être validé. Ce mécanisme assure que l’austérité soit appliquée à tous les niveaux de pouvoir, il est d’ailleurs utilisé par les politiciens traditionnels comme excuse pour leurs politiques asociales. Au vu des dépenses d’investissements à Bruxelles (275 millions en 2018, près du double en 2019) ce mécanisme ne permettra pas de marges pour d’autres investissements, à moins de geler des projets qui semblent inéluctables comme la rénovation des tunnels ou l’extension du métro.

    Une situation ni nouvelle ni isolée

    Le problème est profond : ce sont des décennies de sous-financement qu’il faut chercher à combler. Avec leur politique d’austérité, les gouvernements successifs ont transféré les moyens publics vers les profits des grandes entreprises, ou dans le sauvetage des banques. Les investissements publics en Belgique ont chuté de moitié en 25 années. Pour atteindre le niveau des années 70, il faudrait investir environ 15 à 20 milliards d’euros par an.

    Des budgets limités mais des besoins massifs : Bruxelles s’effondre littéralement

    Les chaussées effondrées dues aux canalisations vétustes illustrent les défis. Vivaqua prévoit de rénover 1,1% du réseau de distribution et 1,3% du réseau d’égouttage par an d’ici 2024. Problème : il faudra trouver 85 millions chaque année pour ne pas creuser la dette. Du coup c’est une hausse des factures d’eau pour les consommateurs qui est maintenant envisagée. Le manque de places de crèches, de logements sociaux, de classes d’école, les collections qui pourrissent à cause de l’humidité dans les caves des musées ou encore les tunnels bruxellois, sont autant d’exemples des graves carences dans l’infrastructure.

    Le manque de financement public touche aussi les travailleurs : manque de personnel, surcharge de travail, salaires sous pression… Les syndicats des administrations locales et régionales de la capitale mènent campagne depuis un an pour notamment des hausses de salaires de 10% et la suppression du barème le plus bas. Depuis, c’est le personnel soignant des hôpitaux qui est entré en lutte face au sous-effectif.

    Enfin, le mouvement de grèves internationales de la jeunesse contre le réchauffement climatique a forcé tous les partis traditionnels à promettre des investissements publics dans la transition écologique durant la campagne, par exemple dans les transports publics.

    Briser les carcans budgétaires

    Nous sommes pour un programme politique qui parte des besoins et qui cherchent les moyens de les combler. Après des années de négligence, il nous faut un plan radical d’investissements publics. Le débat crucial autour des limites budgétaires prend donc place plus largement aujourd’hui notamment autour des négociations avortées entre PS et PTB. C’eut été une occasion importante pour la gauche de tracer une perspective qui ne repose pas sur une logique de limites budgétaires volontairement imposées. Au contraire, pour que les intérêts de la population soient prioritaires, il faut briser la camisole financière.

    Face au manque de moyens publics, les partenariats public-privé ou les privatisations sont brandis comme l’alternative. La solution n’est pas l’avidité des entreprises qui vont chercher le profit maximal. Peut-on s’attendre à un assouplissement des règles budgétaires strictes et sortir certains investissements extraordinaires en dehors des calculs de la commission ? Mais alors qu’en est-il du manque d’effectifs en personnel, des demandes d’augmentation de salaires etc. Ceux-ci continueront à se heurter aux limites des budgets ordinaires. Qui va choisir quels investissements seront ou non comptabilisés ? Qui va nous faire croire que la dette publique ne sera pas approfondie et donc utilisée pour nous imposer de nouvelles cures d’austérité ?

    Nous sommes d’accord avec le PTB quand il explique qu’il faut ‘‘rompre avec les règles d’austérité imposées pour investir dans les besoins sociaux et écologiques’’. Mais alors le programme et les campagnes électorales doivent servir à préparer les électeurs, la classe des travailleurs aux défis que cela suppose.

    Un gouvernement progressiste qui voudrait briser les règles budgétaires devra compter sur la construction à la base d’un rapport de force. Une campagne électorale doit populariser largement cela et éviter les illusions concernant les promesses électorales. Une telle politique devra reposer sur la lutte collective pour le non-paiement de la dette publique, la mise sous propriété publique des banques et des secteurs-clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Et ainsi assurer que les moyens ne soient pas mobilisés dans des placements spéculatifs ou dans les poches des actionnaires, mais puisse servir de source de financement aux investissements publics nécessaires.

  • Un gouvernement de gauche, oui, mais pour une véritable politique de rupture !

    Retour sur les tentatives de formation de coalitions comprenant le PTB

    Malgré l’appel de la FGTB wallonne pour coalition PS-PTB-ECOLO autour de ses revendications, il n’a fallu que quelques jours pour que les discussions soient rompues. Pourtant, après près de 5 ans de coalition de droite “thatchérienne” NVA-MR-CD&V-OpenVLD au Fédéral et près de 2 ans de MR-CDH en Wallonie, l’atmosphère est à la volonté de stopper la casse sociale.

    Par Stéphane Delcros

    A moins d’un véritable gouvernement de gauche, la politique socio-économique des futurs gouvernements est déjà connue. Des études de prévision de l’augmentation des dettes publiques sont sorties en juin : la dette de la région Bruxelles-Capitale augmenterait de 4 milliards d’euros à 8 dans 5 ans ; celle de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), de 8 milliards à 12 dans 5 ans. En FWB, cela signifiera notamment de nouvelles coupes budgétaires sévères dans l’enseignement, la culture, le sport,…

    Un programme pour répondre aux besoins

    Les notes du PTB pour les discussions avec les autres partis vont dans la bonne direction : création de logements sociaux, gratuité des TEC et de la STIB pour tous, refus des partenariats public-privé (PPP), diminution par deux des salaires des députés et ministres, un pôle public de production d’énergie verte,…

    En Wallonie et FWB, parmi les mesures phares il y a aussi la baisse du nombre d’élèves par classe et le remplacement de tous les fonctionnaires qui partent. Le PTB se base sur les besoins dans la société en réclamant un plan massif d’investissements pour créer 40.000 logements sociaux, environ le nombre de familles sur listes d’attente. Il est dommage que la même logique ne soit pas suivie à Bruxelles, où le PTB revendique la création de 13.000 logements publics (dont 10.000 sociaux) et une politique contraignante d’encadrement des loyers alors que 44.000 familles sont sur liste d’attente. C’est insuffisant. La gauche doit partir des besoins et non des possibilités budgétaires volontairement limitées.

    A Bruxelles par contre, et contrairement à la note wallonne, on trouve des revendications portées par la CGSP-ALR pour les travailleurs des administrations locales et régionales : augmentation de tous les barèmes de 10%, réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, et hausse du salaire minimum à 14€ bruts de l’heure, en commençant par le secteur des titres-services. Dans ce secteur, les travailleurs bossent dans de très mauvaises conditions, mais il est dommage que le PTB semble se limiter à celui-ci et veuille financer la hausse de salaire en grande partie sur fonds publics.

    Briser les carcans budgétaires

    Depuis les élections, le PTB met très justement en avant la nécessité de briser les carcans budgétaires et de vouloir prendre la tête d’une fronde européenne contre l’austérité. Tous les médias se sont vus forcés d’en parler, le thème est devenu un débat parmi la population. Imaginons ce qui aurait été possible si le PTB avait déjà eu cette approche autour des élections communales d’octobre et avant les élections du 26 mai, où il n’était question que de “sortir des traités européens” !

    Avec le PSL, nous avions proposé au PTB de participer au débat, de renforcer sa campagne, et éventuellement d’être présents sur ses listes. Si le PTB avait accepté un renfort de notre part, nous aurions pu y avancer ce point que nous défendions déjà avec Gauches Communes avant les élections communales à Saint-Gilles.

    La gauche qui a accès à une audience médiatique large et dispose de députés aurait dû se saisir de cet appel pour préparer ce qui en découle. Une telle attitude impliquerait la mise sur pieds d’un gouvernement de désobéissance, qui entrerait en confrontation avec les intérêts capitalistes et ferait face à une riposte patronale immédiate. Rester silencieux à ce sujet durant la campagne signifiait de ne pas préparer la population à ce qui devait être fait et aux conséquences inévitables que cela entrainera.

    Le fait que le PTB n’ait pas préparé ses militants et la population sur ces questions peut paraitre anecdotique. Mais, puisque les programmes des partis de gauche sont très semblables aux yeux de beaucoup, cela a entretenu l’illusion qu’il devrait être facile de former un gouvernement. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’écho des critiques à l’encontre du PTB qui refuserait de prendre ses responsabilités après à peine quelques heures de discussion. La déception et le mécontentement sont grands chez nombre de travailleurs qui aspirent à dégager la droite pour un changement concret en faveur de la majorité de la population.

    Ces discussions et négociations, d’ailleurs, devraient être menées publiquement par la gauche. Il faut en finir avec les négociations secrètes et créer un débat public impliquant militants et électeurs de gauche, syndicalistes, féministes, activistes pour le climat, antiracistes, associations actives sur le terrain,… Un débat ouvert permettrait de déterminer collectivement si un accord est possible ou non, via des meetings et des mobilisations. Cela impliquerait un maximum de gens dans le rapport de force nécessaire à construire après les négociations : pour s’opposer à la politique menée en cas de désaccord et pour soutenir la politique gouvernementale face à la riposte capitaliste en cas d’accord.

    Une “coalition progressiste” aurait-elle été possible ?

    Ces 3 dernières décennies, le PS a participé à des gouvernements néolibéraux. Même s’il a mené une campagne basée sur un programme davantage à gauche cette année-ci, il n’est pas prêt à appliquer une politique de rupture. Ses appels à la formation de “gouvernements les plus progressistes possibles” ne prévoyaient pas l’implication du PTB aux côté du PS et d’ECOLO, mais bien de DéFI à Bruxelles et probablement du CDH en Wallonie et FWB. Avec le retrait du CDH de toute future coalition, le PS a ouvert les discussions avec le PTB, pour montrer que le MR ne serait que la toute dernière option.

    Le PTB n’a pas confiance dans le PS et il a raison. Le PS a l’habitude de ranger son programme en poche une fois élu. Mais si la campagne du PTB avait abordé le type de programme qu’une coalition de gauche doit appliquer en clarifiant notamment la nécessité de briser les carcans budgétaires, il aurait été plus facile de démasquer le PS, de le forcer à aller davantage à gauche, ou de le pousser à refuser une collaboration avec le PTB.

    Sans cela, beaucoup estiment quand même qu’une entente était possible. Dans ce contexte, en tirant la prise, le PTB a offert au PS l’occasion de passer pour celui qui fait tout pour parvenir à un accord, contrairement au PTB. Sur base d’une campagne offensive préparant les esprits, et si PS et ECOLO avaient accepté un accord, nous aurions pu utiliser cette “coalition progressiste” pour construire un rapport de force dans la société pour lutter contre l’austérité, ce qui aurait rendu très difficile au PS et à ECOLO de manœuvrer pour éviter de devoir appliquer la politique qui s’impose.

    Le PTB pourrait-il soutenir un gouvernement minoritaire “à la portugaise” ou “coquelicot” ?

    Le PTB refuse cette option : “l’option portugaise revient à signer un chèque en blanc”. Evidemment, tout soutien extérieur à un gouvernement minoritaire doit être conditionné à des avancées significatives pour les travailleurs.

    Selon nous, un gouvernement minoritaire PS-ECOLO ne défendrait pas un vrai changement. Mais cela donnerait l’occasion de faire des propositions pour clarifier dans quel sens doit aller sa politique. Un tel gouvernement serait obligé d’aller puiser un soutien quelque part : à gauche, au PTB, ou à droite, au CDH voire au MR. Pourquoi ne pas avoir fait des revendications syndicales présentes dans le programme du PS (salaire minimum de 14€/h et semaine de 4 jours) des conditions strictes posées à un soutien extérieur pour la Région et la FWB ? Et relayer les négociations par des meetings publics ouverts à tous et des assemblées du personnel sur les lieux de travail concernés ? De cette manière, les syndicats auraient directement leur mot à dire et pourraient contribuer à l’instauration de ces mesures.

    Si le PS accepte de respecter ses propres promesses électorales, alors les travailleurs obtiendraient une avancée sociale significative. Le PTB démontrerait ce qu’il est capable de réaliser. Mais si le PS refuse, il serait démasqué aux yeux de tous. Mais dans ce cas, les meetings et assemblées du personnel auront eu le mérite d’ancrer la campagne “fight for 14 €” dans de nombreux lieux de travail afin de construire un rapport de force pour obtenir des victoires. Des victoires qui provoqueraient un énorme enthousiasme et poseraient les bases d’une lutte pour obtenir bien plus, et pas seulement en Wallonie.

    Construire un rapport de force pour obtenir les moyens

    Briser les carcans budgétaires imposés est nécessaire pour pouvoir financer les revendications syndicales, mais aussi un plan radical d’investissements publics massif pour rendre gratuit, densifier et élever la qualité du réseau public de transports en commun, ainsi que pour l’enseignement, l’accueil de la petite enfance et des personnes âgées, la santé et les services de soins et d’aide, la construction de logements sociaux,… La droite dira qu’on veut “endetter les générations futures”. C’est pour cela qu’il faut combiner une telle politique à une lutte d’ampleur pour exiger les moyens. Les richesses existent largement. Mais pouvoir les arracher exige de construire un rapport de force dans la société. C’est la base pour s’amer de mesures socialistes capables de profiler un nouveau système, une société socialiste démocratique débarrassée de l’avidité capitaliste.

  • Stopper l’extrême droite par la lutte contre la politique antisociale

    ‘‘Des homos qui se marient et ont des enfants, c’est un pont trop loin’’, déclarait Dominiek Sneppe-Spinnewyn, députée nouvellement élue du Vlaams Belangau Parlement fédéral. En dépit de l’indignation massive que cela a – à juste titre – suscité, elle s’en tient à cette position. La direction du VB lui a conseillé de ne plus parler à la presse. Mais la figure de proue du parti Filip De Winter n’hésite pourtant pas à parler d’envoyer un ‘‘Go Back bus’’ à Bruxelles-Nord pour ‘‘ramener dans leur pays tous les migrants tuberculeux, atteint de malaria et autres’’. Quant à Dries Van Langenhove, il a été inculpé d’infractions à la loi sur le racisme, à la loi réprimant les faits de négationnisme, ainsi qu’à celle portant sur les armes dans le cadre de l’enquête sur les agissements de son groupuscule néonazi Schild & Vrienden.

    Par Fabian (Gand)

    Ce ne sont là que quelques-unes des personnes bien peu recommandables qui siégeront dans les parlements dans les années à venir et qui auront donc une tribune pour faire entendre leur haine et leur logique de division. Depuis les élections, Bart De Wever mène des négociations (de façade) avec le président du Vlaams Belang, l’ancien bagarreur de rue Tom Van Grieken, pour la formation d’un gouvernement flamand. Il se peut qu’il n’y ait pas (encore) de rupture du cordon sanitaire, mais ce terrain est sérieusement exploré pour l’avenir tandis que les textes rédigés ensemble par le Vlaams Belang et la N-VA sur la migration, l’éducation et le bien-être dans le cadre des négociations pour la formation du gouvernement serviront comme base pour la suite, avec d’éventuels partenaires d’une coalition autour de la N-VA. Après tout, c’est bien de cela qu’il s’agit : appliquer une politique de droite dure au profit des plus riches et au détriment des travailleurs et des pauvres. Cette même politique qui explique pourquoi les partis au pouvoir ont reçu une claque aux élections.

    Durant la campagne électorale, le Vlaams Belang prétendait être opposé à cette politique, au point même d’avoir repris des revendications syndicales (le retour de la pension à 65 ans ou encore l’augmentation des allocations sociales). Mais une fois le scrutin passé, Tom Van Grieken et sa bande ont annoncé se rendre aux négociations de coalition ‘‘sans points de rupture’’. La seule chose concrète qu’ils ont publiquement formulée depuis est la fin des subventions pour les organisations culturelles turques. Les promesses sociales n’ont pas mis longtemps à être jetées par-dessus bord.

    Partout où l’extrême droite accède au pouvoir, elle ne fait pas barrage à la politique antisociale : elle attaque au contraire de front les conquêtes sociales des travailleurs et des pauvres. Le gouvernement autrichien, qui comprend le FPÖ d’extrême droite, a immédiatement assoupli les horaires de travail pour permettre de travailler jusqu’à 12 heures par jour ! En Hongrie, Orban a introduit la possibilité de travailler jusqu’à 400 heures supplémentaires par an (sans compensation !) et a donc dans les faits introduit un sixième jour de travail par semaine. Au Brésil, Bolsonaro est déjà sous le feu de grèves massives contre sa réforme haïe des retraites (la grève générale a mobilisé 45 millions de travailleurs !) et contre les diminutions de budgets dans l’enseignement.

    L’extrême droite n’a aucune solution pour les bas salaires, le manque de logements à prix abordables, la pression au travail, le sous-investissement dans les services publics, etc. Ce n’est pas en montant les opprimés les uns contre les autres que l’on peut vaincre l’austérité et défendre nos conditions de vie ! Laisser le champ libre à l’extrême droite signifie simplement que la chasse aux boucs émissaires ira de plus belle et de manière plus violente. La victoire électorale du VB donnera plus de confiance aux groupes et individus d’extrême droite violents. Des habitants d’Alost issus de l’immigration ont ainsi été ciblés par une lettre anonyme raciste une fois les élections passées.

    L’accession de l’extrême droite au pouvoir est dangereuse, non seulement pour les minorités, mais pour tous les travailleurs. Ne laissons aucun espace à ses mensonges ! Démontrons par la lutte concrète que nous sommes les meilleurs défenseurs des revendications sociales qu’ils instrumentalisent ! Entrons en action pour un salaire minimum de 14 euros de l’heure, une pension mensuelle minimale nette de 1.500 euros pour toute personne de plus de 65 ans et un enseignement gratuit et de qualité. De cette manière, nous pourrons exposer le Vlaams Belang pour ce qu’il est et offrir une alternative à sa haine et aux dogmes néolibéraux des partis traditionnels.

  • Succès électoral du PTB : 43 députés pour assister la riposte des travailleurs

    En 2014, le PTB envoyait les premiers élus de gauche radicale aux parlements régionaux de Bruxelles et de Wallonie ainsi qu’à la Chambre, une première depuis 30 ans. 5 ans plus tard, le PTB/PVDA est parvenu à s’attirer le soutien de 584.621 électeurs, avec à la clé 43 représentants : 12 députés à la Chambre (parmi lesquels 3 élus en Flandre), 4 sénateurs, 10 députés régionaux bruxellois francophones plus 1 néerlandophone, 1 sénateur coopté, 4 députés régionaux flamands, 10 députés régionaux wallons et un député européen ! Jamais la gauche radicale n’a bénéficié d’une telle situation pour défendre un programme de rupture anticapitaliste en Belgique.

    Par Nicolas Croes,, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    La percée du PTB était déjà remarquable en 2014. Aujourd’hui, elle donne le tournis. Raoul Hedebouw, surtout, et ses camarades avaient déjà assuré que la voix de la rue se fasse entendre aux Parlements et résonne plus fortement dans le débat public. Les interventions de Raoul à la Chambre sont régulièrement devenues virales sur le net et ont aidé à donner confiance à une résistance sociale qui faisait face à son l’équipe gouvernementale ennemie la plus déterminée depuis les années Martens-Gol.

    Le PTB disposait déjà de milliers de membres, et d’autres milliers vont naturellement le rejoindre à la suite de ses résultats électoraux. Nombre d’entre eux ont été poussés à franchir ce cap par envie d’être réellement impliqué sur le terrain pour assister la lutte sociale, mais aussi lui offrir une perspective positive. Qui n’a d’ailleurs jamais rencontré un militant enthousiaste du PTB avec une pétition en main ? Celle sur les pensions dans les mobilisations syndicales ou celle en faveur des transports publics gratuits dans le mouvement pour le climat par exemple. Ces initiatives ont rencontré un beau succès, chaque sondage a d’ailleurs systématiquement illustré qu’une majorité de la population était déjà convaincue.

    Jusqu’à présent, tous les efforts et le travail acharné des militants du PTB visait à obtenir davantage d’élus. Maintenant que c’est chose faite, ne nous limitons pas à défendre nos revendications au Parlement ! Ces élus doivent renforcer la lutte de terrain pour concrétiser ces revendications en faisant des propositions pour organiser la lutte, en prenant des initiatives pour construire un rapport de force et en anticipant les prochaines étapes de la lutte de classe.

    Prenons par exemple la pétition de la FGTB pour un salaire minimum de 14 euros de l’heure. C’est certain, cette revendication nécessite d’être popularisée. Mais imaginons de plus ce qui serait possible si le PTB assurait d’en faire un thème de discussion dans les innombrables lieux de travail et délégations syndicales où le parti est présent afin de mener la bataille sur le terrain avec les collègues et d’obtenir ainsi des victoires en entreprises ? Il ne fait aucun doute que l’autorité du PTB gagnerait parmi les travailleurs et leur entourage, encore plus certainement qu’avec des pétitions à signer.

    Une attitude pareille permettrait aussi d’assurer qu’un maximum de délégations deviennent des bastions de résistance capables de s’opposer aux directions syndicales quand ces dernières prennent peur de poursuivre la lutte. De nombreux travailleurs gardent encore au en travers de la gorge la manière dont on nous a renvoyé chez nous alors que le plan d’action de 2014 avait remporté un large succès dans tout le pays. Le PTB doit réfléchir à la manière dont son poids politique peut servir à assister les militants syndicaux combatifs qui se sentent parfois abandonnés par leurs structures syndicales, tout particulièrement en Flandre.

    Cette approche aurait déjà un impact certain avec les milliers de membres dont dispose le PTB. Mais avec 43 députés… alors les patrons n’auraient qu’à bien se tenir ! Évidemment, se lancer à corps perdu dans la bataille exige d’élaborer une stratégie solide, d’être capable de s’adapter à la réaction inévitable du camp d’en face avec des virages tactiques appropriés. Cela nécessite de dépasser la construction patiente d’une assise électorale. Mais la crise du capitalisme ne nous laisse pas d’autre choix. Et comme le disait Bertolt Brecht, que le président du PTB citait dans son discours le soir des élections, ‘‘Celui qui se bat peut perdre. Celui qui ne se bat pas a déjà perdu’’.

    Autour des élections du 26 mai et du PTB :

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop