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  • 15 octobre: Journée de résistance inter-continentale

    Non à la dictature des marchés! Renversons le système capitaliste! Pour une alternative socialiste!

    Nous avons été des dizaines et des dizaines de milliers à manifester contre la dictature des marchés. Cette colère contre cette crise qui n’est pas la nôtre, mais que l’on veut nous faire subir, nous l’avons faite entendre dans 85 pays, dans 981 villes différentes ! De Sidney à Tokyo, de Hong Kong à Rome, de New York à Madrid, en passant par l’Egypte, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique du Sud, Israël, le Chili, le Brésil, etc. c’est une merveilleuse démonstration de force et de solidarité internationale qui a été démontrée à l’appel des Indignés. N’en restons pas là !

    • Reportage photos (1)
    • Reportage photos (2)
    • reportage photos (3)

    Après plus de trois ans de crise continuelle du capitalisme, les capitalistes et leurs marionnettes politiciennes ont plus que largement démontré leur incapacité à offrir une voie de sortie à la misère et à l’avenir incertain qui menace la population mondiale. Cette majorité de travailleurs et de jeunes, qualifiée de ”99%” dans le mouvement ”Occupy Wall Street” aux USA, devrait payer pour la faillite du système afin de continuer à sauvegarder les banquiers et les milliardaires? C’est précisément contre cela que se développe actuellement la révolte. C’est précisément contre cela qu’ont émergé les aspirations pour un changement réel, pour une ”révolution” comme le réclame le mouvement de la jeunesse, en Espagne par exemple.

    Diffusons l’indignation! Mobilisons réellement la force du mouvement !

    La résistance se développe, avec des occupations, l’installation de tentes et des protestations de masse, d’un continent à l’autre. Cette journée du 15 octobre l’a encore une fois merveilleusement illustré. Ces méthodes, popularisées par le mouvement international des indignad@s ont eu un impact de grande ampleur. Cet air frais et vivifiant a été capable d’entraîner toute une nouvelle génération dans l’activité militante. Les occupations de place et les campements ont rappelé à tous la résistance contre la misère de la crise capitaliste, au centre même des principales villes du monde. Les assemblées populaires de masse sur les places et dans les quartiers ont donné un aperçu de ce que pourraient être une démocratie réelle, avec des structures où chacun pourrait participer et avoir son mot à dire. Ces méthodes, initiées et popularisées par la jeunesse, ont obtenu un soutien massif de la part d’autres sections de la société touchées elles-aussi par la sauvagerie de la crise et, comme en Egypte, elles sont passées à l’action.

    Cela comprend la classe ouvrière qui, pays après pays, a retrouvé la voie de la lutte, partiellement bloquée par les dirigeants nationaux des syndicats qui refusent de réellement mener le combat jusqu’au bout. En Grèce, en occupant les places, les Indignés ont inspiré les travailleurs, ce qui a conduit à une nouvelle phase de la lutte ouvrière, les dirigeants syndicaux étant forcés d’appeler à une nouvelle grève générale de 24 heures, puis à une de 48 heures, la première depuis 1993.

    Aux USA, même au tout début du mouvement “Occupy Wall Street”, les syndicats ont déclaré qu’ils soutenaient le mouvement, en envoyant des délégations de syndicalistes aux protestations. A New York, des dizaines de milliers de jeunes et de syndicalistes ont marché à travers la ville mercredi dernier en une seule et puissante manifestation. Au Chili, où les étudiants ont poursuivi leur mouvement de protestation en rejoignant les mobilisations du 15 octobre, les travailleurs ont eux aussi rejoint la lutte, avec des actions de grève.

    Ce soutien des travailleurs doit constituer la base de ces mouvements afin qu’ils puissent atteindre un niveau plus élevé. C’est en ce sens que lors de la manifestation de Bruxelles, par exemple, nous avons crié des slogans tels que ”Résistance Internationale, avec les travailleurs d’ArcelorMittal”, ou encore que nous défendons l’idée de l’organisation d’une grève générale de 24 heures à l’échelle européenne. Il faut que l’indignation puisse réellement ébranler la société et, pour ce faire, il faut se baser sur ceux qui font tourner l’économie et qui peuvent la bloquer: les travailleurs. C’est la classe ouvrière qui détient seule le pouvoir de briser les reins des milliardaires, elle doit devenir le fer de lance de la contestation.

    Nos mouvements doivent regarder avec attention comment ils peuvent mobiliser cette gigantesque force, à travers des actions de grève et des grèves générales. Vendredi dernier, des Indignés ”en colère et solidaires” de Belgique se sont rendus aux portes d’ArcelorMittal distribuer un tract appelant à participer à la manifestation de ce 15 octobre. Il s’agit d’une très bonne initiative. C’est le développement de cette approche et le soutien aux actions de grèves qui ont conduit les révolutions tunisienne et égyptienne à faire chuter les dictateurs. L’implication des travailleurs en tant que classe sera également un élément clé de notre lutte contre la dictature des marchés.

    Les assemblées de masse, construites dans les communautés locales et sur les lieux de travail, liées démocratiquement les unes aux autres, peuvent devenir l’instrument pour planifier et contrôler de telles mobilisations. De cette manière, les manœuvres des leaders syndicaux pro-capitalistes pourraient être débordées et l’on pourrait les forcer à passer à l’action, comme l’a illustré l’exemple de la Grèce. Intégrées dans un sérieux programme d’action, démocratiquement élaboré et contrôlé, de telles actions pourraient constituer la base d’une stratégie capable de paralyser la société et de forcer l’arrivée d’un changement réel. Les organes de luttes d’aujourd’hui peuvent être les embryons de la société de demain.

    Les travailleurs et les jeunes sont repoussés par les partis pourris qui représentent les intérêts du Grand Capital et les défendent avec enthousiasme de même que les dirigeants syndicaux de droite qui bloquent le pouvoir de leurs propres organisations. De nombreux jeunes considèrent ces appareils avec dégoût.

    Mais pour vraiment combattre ces partis, afin de prévenir toute tentative de leur part d’utiliser la force de ces mouvements dans leurs intérêts, les mouvements doivent développer leurs revendications, et construire leur relai politique afin d’éviter la récupération des protestations. Comme les évènements d’Egypte, de Tunisie ou de Grèce et d’Espagne l’ont montré, sans une force représentant les intérêts des travailleurs et des jeunes, avec un programme politique alternatif et une stratégie claire pour combattre la misère capitaliste, les vieilles élites vont essayer de rester au pouvoir et d’étouffer les protestations, quitte à lâcher l’un des leurs pour laisser échapper un peu de pression. Le Comité pour une Internationale Ouvrière, un parti marxiste révolutionnaire monial dont le Parti Socialiste de Lutte est la section belge, plaide pour la construction de nouvelles forces politiques représentant réellement les travailleurs et la jeunesse. Quand le pouvoir capitaliste est ébranlé, il ne doit pas pouvoir se ressaisir en raison de l’absence d’une alternative politique des masses.

    Pour un changement de système

    En ce moment, 500 sociétés dominent l’économie de la planète. Directement ou indirectement, elles contrôlent 30% du Produit Intérieur Brut mondial (soit 30% de toute la richesse produite en une année dans le monde). Il faut lutter contre toutes les politiques qui renforcent leur domination. Le CIO lutte pour toute réforme immédiate capable de protéger le niveau de vie des travailleurs et des pauvres et de stopper la destruction de l’environnement. Cependant, pour nous, cela est indissolublement relié à la lutte pour renverser le capitalisme en général. Dans une société réellement démocratique, le pouvoir de ces multinationales serait transféré démocratiquement aux travailleurs, en commençant par la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie (énergie, sidérurgie,…) sous le contrôle démocratique des travailleurs et de leurs familles. De cette façon, les problèmes fondamentaux auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés seraient résolus. Cette société, c’est ce que nous appelons une société socialiste démocratique.

    Le CIO revendique:

    • La fin de la dictature des marchés! Pour une taxation massive des riches et de leurs profits!
    • Des investissements massifs dans l’emploi, pour un enseignement gratuit et démocratique, pour de bons services publics accessibles à tous ! Non au coupes et à l’austérité!
    • La nationalisation des banques et des grandes entreprises qui dominent la société afin de les placer sous le contrôle démocratique des travailleurs et de leurs familles et de les gérer à travers une planification démocratiquement élaborée destinée à rationnellement utiliser les ressources disponibles en fonction des intérêts des travailleurs ! Non à la course au profit et au pouvoir du Grand Capital !
    • Une lutte unifiée contre les divisions nationales, le racisme, le sexisme et l’homophobie!

  • New York : La répression de la Police ne suffit pas à stopper l’occupation

    Rapport et réflexions d’un participant

    Ce samedi 24 septembre, “l’occupation de Wall Street” est partie en manifestation, après huit journées où des jeunes, des travailleurs et divers militants ont commencé l’occupation d’une place dans le district financier de Manhattan, à deux blocs de Wall Street. Tout commença comme une manifestation normale. Les slogans habituels pouvaient être entendus: “Les banques sont renflouées, nous sommes plumés !”, “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres !”, “A quoi ressemble la démocratie? Voici à quoi ça ressemble !”

    Par Jesse Lessinger, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Le cortège, dès le début, était très énergique. Cette occupation avait reçu une attention nationale et internationale, et était vue comme une tentative de se soulever contre l’avarice et la domination des grandes banques sur notre économie, notre gouvernement et nos vies. L’inspiration pour cette occupation était directement issue des occupations de masse de la jeunesse en Espagne, en Grèce de même que des soulèvements révolutionnaires en Tunisie, en Egypte et à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

    De nombreux participants à l’occupation de New York sont des militants de longue date, organisés depuis des années. Mais d’autres sont totalement nouveaux dans l’organisation de protestations et participant pour la première fois de leur vie à une lutte sociale. Alors que la plupart d’entre eux sont inexpérimentés, ils ont su faire preuve d’une détermination et d’un esprit combatif à toute épreuve. Tout comme les autres, ils chantaient : “Toute la journée et toute la semaine : occupation de Wall Street!”

    Alors que nous marchions, notre nombre grandissait graduellement et la manifestation commençait à bloquer le trafic. Etant donné que nous n’avions pas de route prédéterminée, ni permission officielle, la police a tenté de nous éjecter et a tenté en vain de contrôler la manifestation et de la repousser vers le côté.

    “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres!”

    Contrairement à la plupart des manifestations à New York, nous n’avons pas été parqués comme des animaux, forces à marcher sur les trottoirs, isolés et marginalisés du reste de la ville. Les passants pouvaient nous voir, et certains nous ont d’ailleurs rejoints, surtout des jeunes. Nous étions alors plus de 1.000, marchant librement à travers les rues de Manhattan, nos voix portant loin, claires et décidées.

    J’ai déménagé à New York il y a de cela 4 ans, et j’ai participé à un nombre incalculable de manifestations et d’actions. Mais ce que je n’avais encore jamais vu, c’était une manifestation qui prenait place dans les rues elles-mêmes. Nous avons parcouru quelques kilomètres. Nous n’avions pas eu à subir de tir de gaz lacrymogènes et n’avons pas du affronter des motards de la police. Pour la première fois depuis bien longtemps, les gens étaient capables d’exercer leur droit de se rassembler librement dans les rues de New York, sans restriction d’aucune sorte.

    C’était une petite victoire pour les travailleurs et les jeunes de la ville, une victoire que la police et le gouvernement ne voulait pas voir perdurer. Cette occupation, qui durait alors depuis une semaine, n’était pas une simple nuisance. L’establishment est en fait très apeuré que ce genre d’initiative puisse se répandre et menace le bon “ordre” de la ville, un ordre où les riches deviennent plus riches et où le reste n’est qu’une masse de laissés pour compte, un ordre où la super-élite, le “top 1%,” dirige la société alors que les “99% restant” n’ont pas voix au chapitre. C’est pourquoi l’occupation de Wall Street avait pour slogan “Nous sommes les 99%!”.

    Après quelques brèves prises de parole, la manifestation s’est retournée pour rentrer “à la maison”, au campement baptisé Liberty Plaza (place de la liberté). La police avait amassé de plus grandes forces derrière nous. Dans un premier temps, il semblait qu’il n’avaient l’intention que d’entourer le cortège, de nous séparer en petits groupes et de disloquer ainsi l’action. Mais nous avons vite compris qu’ils voulaient arrêter le plus grand nombre de personnes possibles.

    La police deviant violente

    La police est alors devenue agressive, a violement repoussé les manifestants, se saisissant de certains pour les jeter à terre, et procédant à des arrestations. Nous avons couru, mais ils ont bloqué des dizaines de personnes à la fois entre eux et les bâtiments. J’ai pu ‘échapper et rejoindre les autres qui, de l’autre côté du cordon de police, criaient des slogans pour exiger la libération de leurs camarades.

    Nous étions pacifiques. Ils étaient violents. Nous ne faisions qu’exercer notre liberté d’expression et notre droit de nous rassembler. Ils ont brutalement violé ces droits. Un petit groupe de jeunes femmes, encerclées, avaient une attitude parfaitement pacifique, mais elles ont été les cibles de jets de sprays anti-émeute sans aucune raison. La vidéo de cet incident a fait le tour du monde. Environ cent personnes ont été arrêtées – dont des passants qui n’avaient rien à voir avec la protestation – détenues dans des bus et jetées en cellules durant des heures, pour n’être finalement relâchées que vers 5 heures le lendemain matin.

    La police n’avait qu’un seul objectif: intimider. Ce comportement scandaleux visait à briser l’esprit combatif de la jeunesse. La violence policière a peut-être bien pu réussir à refroidi certains face aux protestations, mais cela a aussi causé une indignation très large, ainsi qu’une grande solidarité. La majorité du mouvement est d’ailleurs restée poursuivre l’occupation.

    Cela illustre le rôle hypocrite de la police et de l’Etat. Ils ont brutalement réprimé une tentative de parler librement contre la domination des grandes entreprises. Alors que les vrais criminels se rendent librement à Wall Street, et amassent des milliards sur notre dos, exigeant que ce soit à nous de payer pour leur crise, ce régime oppresseur les protège, et abuse des lois s’il le peut, de la force aussi.

    La plupart d’entre nous sont donc revenus à la place occupée, exténués mais excités aussi, choqués mais en colère, et surtout déterminés. J’ai su plus tard qu’un de nos camarades avait été arrêté. Il a par la suite realisé cette vidéo de la manifestation, avec sa propre arrestation. Bien entendu, nous étions tous inquiets de la santé des personnes arrêtées.

    Extension de la lutte

    J’ai aussi commence à me demander où allait ce mouvement qui avait su saisir l’imagination de centaines de personnes et capter l’attention de milliers, peut-être même des dizaines de milliers, à travers le monde. Les discussions sont constantes quant à la meilleure manière d’étendre le mouvement. Nombreux sont ceux parmi les nouveaux arrivants, électrisés par l’énergie et le fort sens de la collectivité présents à l’occupation, qui demandent : “Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde ici?”

    Il n’y a pas de réponse simple, mais nous pouvons être sûrs d’une chose. Des milliers de personnes regardent ce mouvement avec sympathie, nombreux sont ceux qui veulent rejoindre, mais qui ne le peuvent pas. Ils ont un travail ou une famille. Ils ne peuvent pas se permettre d’occuper la place indéfiniment. Ils ne sont pas capables, ou peut-être pas encore prêts, à faire de grands sacrifices. Mais ils veulent soutenir l’action. La question n’est pas simplement de savoir comment obtenir plus de monde à l’occupation, mais comment nous pouvons être plus impliqués dans le mouvement général.

    Avec l’attention dont bénéficie cette occupation et l’armée de militants à temps plein qui existe, Liberty Plaza peut devenir un point de rassemblement pour organiser des luttes plus larges. Une prochaine étape pourrait être d’appeler à une nouvelle manifestation de masse un samedi, avec quelques revendications de base comme: ‘‘Faites payer Wall Street pour la crise; Taxez les super-riches; des emplois, pas d’austérité; Enseignement et soins de santé, pas de guerre et de renflouement des banques; Non à la brutalité policière, défendons nos droits démocratiques.’’ De cette façon, des milliers de personnes pourraient participer aider à développer le mouvement. L’occupation de Wall Street devrait publiquement appeler toutes les organisations progressistes, particulièrement les syndicats, à participer à ces manifestations de masse et à mobiliser pour elles.

    Des occupations se développent également aux autres villes, comme à Washington, D.C. pour le 6 octobre (www.october2011.org). Quelque chose est en train de changer dans ce pays. Les travailleurs et les jeunes se politisent et se radicalisent. La colère est profonde et s’amplifie de jour en jour dans la société américaine, juste sous la surface. Elle ne pourra pas être contenue éternellement. Elle explosera.

    L’occupation de Wall Street reflète la colère et la radicalisation de la société. Du Wisconsin à New York, nous faisons l’expérience du tremblement de terre social qui se développe à travers la planète en réaction aux tensions nées de la crise économique. L’épicentre de cette vague de protestations de masse est peut-être bien dans la région de l’Europe, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, mais il ne faudra pas longtemps avant que les USA ne soient profondément affectés.

  • [DOSSIER] Libye : L’impérialisme essaie de récupérer le mouvement révolutionnaire à son avantage. Comment la gauche réagit-elle?

    Pendant quelques mois, l’impérialisme a été paralysé par les évènements en Afrique du Nord et au Moyen Orient. En Egypte et en Tunisie, les dictateurs ont été chassés du pouvoir en peu de temps par un mouvement de masse. Tout a été tenté pour assurer que les changements de régime dans ces pays se limitent à de simples changements de marionnettes, sans fondamental changement social. Mais les révolutions se sont répandues, avec la conviction que les masses opprimées sont capables de se débarrasser des régimes dictatoriaux et pro-capitalistes.

    Par Michael B. (Gand)

    De semaine en semaine, une vague de protestations de masse sans précédent a progressé dans des pays aussi divers que le Yémen, le Bahreïn, le Maroc, la Libye et la Syrie. Les mouvements en Tunisie et en Egypte ont construit de profondes racines sociales parmi les opprimés, en balayant les divisions ethniques et religieuses. Grâce aux comités populaires dans les quartiers et aux comités ouvriers dans les usines, toutes les couches des masses de travailleurs et de pauvres ont été impliquées. Mais ces révolutions sont loin d’être terminées : les forces de la contre-révolution essaient maintenant de regagner le contrôle de ces pays.

    Alors qu’aujourd’hui beaucoup – mais pas tous – de Libyens célèbrent la disparition du régime de Kadhafi, les véritables socialistes doivent clarifier que, contrairement à la disparition de Moubarak en Egypte et de Ben Ali en Tunisie, la disparition de Kadhafi est, cette fois, également une victoire pour l’impérialisme.

    L’objectif des interventions impérialistes en Libye était de développer son contrôle dans la région, de créer un régime fiable aux pays occidentaux (même si les puissances impérialistes avaient par le passé conclu des marchés avantageux avec Kadhafi), et d’introduire un nouveau modèle dans la région, c’est-à-dire un changement de régime rendu possible grâce à l’aide des pays occidentaux, et au service de ces derniers bien entendu.

    Ces éléments doivent tous entrer en ligne de compte lorsque les marxistes essaient d’analyser les récents développements en Libye et en Syrie. Les vautours se rassemblent autour du cadavre de l’ancien régime ; les entreprises occidentales veulent conclure des transactions ultra-avantageuses avec le nouveau régime en échange des bons services rendus par l’Occident, qui a porté le nouveau régime au pouvoir.

    Mais cette critique de l’intervention impérialiste ne signifie toutefois pas que les marxistes peuvent défendre la situation qui prévalait jusque là, ou encore qu’ils peuvent entretenir des illusions envers le caractère de l’ancien régime de Kadhafi. C’est pourtant exactement ce qui a été fait par les organisateurs d’une manifestation à la Bourse de Bruxelles le vendredi 2 septembre dernier (1), des organisations liées au PTB (qui a défendu Kadhafi dans son hebdomadaire ‘‘Solidaire’’ (2)). Nous n’avons pas soutenu la plate-forme de cette action et nous voulons expliquer cette décision.

    L’ennemi de notre ennemi n’est pas notre allié par définition !

    L’action a eu lieu sous le slogan principal ‘‘Manifestation pour la paix en Libye et contre les bombardements de l’OTAN – Stop aux bombes "humanitaires" de l’OTAN’’. Évidemment, nous sommes pour la paix en Libye et opposés à l’intervention de l’OTAN, cette dernière ne pouvant en effet que conduire à une sorte de ‘‘recolonisation par l’Occident.’’ Mais de quelle paix parlons-nous ? Et de quelle façon devons nous concrètement traduire cela ?

    Notre problème avec l’appel pour cette manifestation se situe principalement au niveau de la question de l’alternative. Une série de faits divers sur la Libye énumérés dans la plateforme tentait d’éviter d’aborder le mécontentement, réel, qui existe parmi de larges couches de la population libyenne. Ainsi, par exemple, était totalement ignoré le mécontentement chez les pauvres, les travailleurs et les jeunes dans l’Est du pays, une région victime des tactiques de division de Kadhafi destinées à protéger son règne. Les ‘‘faits’’ présentés insinuaient un soutien à l’ancien régime de Kadhafi en disant que le dictateur avait offert la médicine gratuite, l’égalité entre hommes et femmes et qu’il avait permis d’atteindre un niveau de vie élevé.

    Il est vrai que Kadhafi a offert un certain niveau de vie à la population libyenne. Kadhafi est arrivé au pouvoir en 1969 après que l’ancienne monarchie ait été abattue. A cette époque, il soutenait le soi-disant ‘‘socialisme arabe’’, qui n’était en rien un socialisme démocratique mais bien une tentative de se positionner entre l’impérialisme et le stalinisme dans le contexte de la guerre froide. Il a nationalisé de nombreuses industries, y compris l’industrie pétrolière et le rendement du secteur n’allait pas vers les dirigeants d’une clique de multinationales occidentales, mais à l’Etat libyen lui-même. Cela a permis à Kadhafi de garantir dans une certaine mesure l’accès à des soins de santé et à l’éducation avec une sorte d’Etat-providence. Cela a donné au régime un certain soutien parmi la population.

    Mais le texte de l’appel semble supposer qu’il s’agit là d’une réussite qui mérite tous les hommages. Kadhafi – mi-monarque, mi-militaire – savait comment maintenir un soutien de la part de la population tout en préservant des liens avec les grandes puissances, parfois en se liant à l’Union soviétique, parfois à l’ouest. Occasionnellement, il s’était profilé comme un ‘‘communiste’’, mais il n’a jamais aboli les interdictions portant sur les syndicats et les organisations de travailleurs libres dans le pays. En 1971, Kadhafi a aussi renvoyé un grand nombre de communistes soudanais de Libye vers le Soudan, où ils sont tombés aux mains du dictateur Jafaar Nemeiry. Est-ce cette ‘‘liberté’’ que nous voulons voir revenir aux Libyens ?

    Après la chute de l’Union Soviétique, la Libye a tenté de se rapprocher de l’Occident. Cela a conduit à serrer vigoureusement la main de Sarkozy et d’Obama, par exemple. Ou encore à la conclusion d’un accord avec Berlusconi concernant le blocage des réfugiés africains qui tentaient de franchir la Méditerranée, mais aussi à laisser les multinationales pétrolières entrer dans le pays et encore à se lancer dans de nombreuses privatisations. La Libye est également devenue une célèbre investisseuse en Europe. Le fonds d’investissement libyen (FIL) gérerait pas moins de 70 milliards de dollars d’investissements. Kadhafi possède une partie de la plus grande banque italienne (UniCredit), de Juventus, de Fiat et 3% de la société qui possède le plus grand journal du monde, le Financial Times. Il possède également des actions dans des sociétés russes et turques, etc. Kadhafi était donc un ennemi de l’impérialisme dans les termes, mais dans les actes, il en allait autrement…

    Quand un politicien social-démocrate cumule les postes dans des Conseils d’administration d’entreprises et essaye de couvrir cela par une rhétorique ‘‘socialiste’’, il est dénoncé (à juste titre!) mais, quand il s’agit de Kadhafi, tout est soudainement vu comme de grands gestes contre l’impérialisme !

    Nous sommes évidemment d’accord pour dire que le soutien européen et américain aux rebelles est hypocrite. Les puissances impérialistes ont appris des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, et elles voulaient cette fois être capable d’intervenir du premier rang. Mais cette hypocrisie provient aussi de leurs relations passées avec le régime de Kadhafi. Il n’était pas toujours fiable, mais quand même: Berlusconi – un vrai capitaliste – a même appelé à un cessez-le-feu. Ni l’impérialisme, ni Kadhafi ne défendent les intérêts de la population libyenne. Nous ne pouvons pas soutenir n’importe qui sous prétexte qu’il se positionne contre l’impérialisme occidental en mots (ou même en actes) alors qu’il mène simultanément une politique réactionnaire. Nous ne pouvons donc pas non plus soutenir un dictateur réactionnaire comme Ahmadinejad en Iran. Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis ou nos alliés. Certes, le monde et les positions politiques seraient beaucoup plus faciles ainsi mais, hélas, ce n’est pas le cas !

    Il est également étrange de lire dans un texte de militants de gauche, affiliés à un parti qui s’appuie sur les idées du socialisme, que sous Kadhafi il existait une égalité entre hommes et femmes. En termes de sexisme, Kadhafi pourrait très bien s’entendre avec son ami italien Silvio Berlusconi… Il est important de voir les choses dans leur processus. Il y a eu une certaine émancipation sous Kadhafi en termes d’éducation, de droit de vote, d’abolition du mariage forcé des enfants, etc. mais ce n’était certainement pas plus que, disons, en Europe. Le taux de chômage était environ de 10% mais, pour les femmes, il était de 27% en 2006 (soit une augmentation de 6% depuis 2000).

    L’égalité ne peut pas être atteinte avec un régime dictatorial. Il faut lutter pour l’obtenir. Durant les révolutions en Afrique du Nord et du Moyen-Orient, nous avons pu voir le rôle actif joué par les femmes. Les révolutions doivent être renforcées pour leur assurer un progrès réel. L’intervention de l’Occident et le gouvernement de transition qu’il soutient ne va pas dans cette direction.

    Une perspective marxiste sur la révolte en Libye

    Comme expliqué dans l’introduction, nous n’imaginons pas que l’Occident représente une meilleure alternative pour les masses du pays. En outre, la plate-forme de la manifestation a raison de dire que la situation actuelle est souvent expliquée de manière très partiale. De nombreux facteurs ont déterminé l’impasse militaire en Libye.

    Aujourd’hui, la situation en Libye est particulièrement polarisée et compliquée. Tout d’abord, le mouvement de masse spontané contre le régime de Kadhafi a illustré que de larges couches de la population détestent ce régime. Ce mouvement n’est pas, contraire à ce qu’affirme la plateforme de la manifestation, le résultat des activités d’un groupe de rebelles terroristes et islamistes et il n’est pas basé sur d’anciens combattants de Kadhafi. Ce fut un mouvement de masse dans l’Est du pays (les images de l’occupation de Benghazi parlent d’elles-mêmes). Par ailleurs, le mouvement initial a énormément perdu de son potentiel radical.

    Le mouvement spontané a, faute d’une classe ouvrière organisée et d’une stratégie révolutionnaire claire, vite été dévié par des leaders des rebelles autoproclamés. Ces derniers sont des anciens amis de Kadhafi ou des soldats et des partisans de l’ancienne monarchie. Par conséquent, le mouvement a rapidement perdu son caractère de masse et a également perdu le soutien dont ils jouissaient à ses débuts.

    Contrairement à l’Egypte et à la Tunisie, il n’y avait pas eu d’expansion des comités et des assemblées populaires, et il n’y a pas eu d’appel à la grève générale. La vigueur que l’on a pu voir à l’œuvre en Tunisie et en Egypte a manqué en Libye. Cela est partiellement dû à une population très divisée, qui a également bénéficié de divers privilèges sous le régime de Kadhafi, et à une classe ouvrière faiblement organisée. Au lieu de la perspective d’une élévation des conditions de vie, ce que des comités de base auraient pu soulever, il était déjà clair avant même l’intervention de l’OTAN que les choses avaient tourné en un affrontement entre forces pro et anti Kadhafi. Les forces pro-Kadhafi voyaient dans le drapeau monarchiste utilisé par certains rebelles la contestation des gains sociaux obtenus par le peuple libyen durant les premiers temps de Kadhafi. De leur côté, les dirigeants rebelles autoproclamés comptaient sur l’intervention de l’OTAN pour l’emporter. En échange de l’aide matérielle et d’une reconnaissance diplomatique comme représentants légitimes du peuple libyen, l’impérialisme aurait vu sa position largement renforcée en Libye. Le conseil national de transition a obtenu son soutien en échange de concessions sur l’exploitation du pétrole (33% pour la France par exemple).

    ‘‘Soutien aux masses et à leurs révolutions ! Aucune confiance dans l’intervention impérialiste!’’

    La plateforme semble aboutir en conclusion à un soutien au nationalisme libyen, à la souveraineté du pays. Qu’est-ce que cela veut dire ? La souveraineté de chaque dictateur à faire ce qu’il veut avec son peuple ? La souveraineté de décider de la nature des liens à entretenir avec l’impérialisme ? Le peuple libyen devait-il subir le régime de Kadhafi parce qu’il y a d’autres bandits ? Nous ne pensons pas ainsi. Nous sommes pour l’autodétermination des peuples et des nations, mais cela n’a rien à voir avec un choix entre la domination occidentale et une domination intérieure. La souveraineté réelle d’un peuple ou d’une nation réside dans la classe des travailleurs et des jeunes, qui doivent se libérer des intérêts d’une élite capitaliste – qu’elle soit autochtone ou étrangère.

    Le retour à une sorte de "restauration" est une revendication réactionnaire. L’intervention de l’OTAN est contre-révolutionnaire. Ainsi, nous pouvons mettre en avant pour chaque révolte actuelle le slogan: ‘‘Soutien aux masses et à leur révolution ! Aucune confiance envers les interventions impérialistes et leurs gouvernements fantoches! Pour des comités de travailleurs et des comités populaires démocratiques en à la révolution et pour son développement!"

    Nous ne sommes pas opposés par principe à une résolution pacifique du conflit, mais une solution pacifique ne peut pas se limiter à un ‘‘retour à l’ordre’’ de Kadhafi. Si nous proposons seulement des solutions pacifistes, nous sapons la possibilité de la population à s’armer et de s’opposer à la domination de leur propre élite (Kadhafi ou le gouvernement de transition). Si le peuple libyen veut se débarrasser lui-même du joug de Kadhafi et du capital occidental, nous devons soutenir la révolution. Des comités de travailleurs, de jeunes, etc. peuvent constituer la base de la révolution avec des grèves générales et des manifestations.

    Comme on peut le voir, cela n’a rien d’un processus linéaire. Même en Tunisie et en Egypte, ces comités font l’expérience de difficultés pour former une opposition solide en défense de la révolution. Mais c’est la seule méthode capable d’assurer et de développer les acquis des masses. Nous sommes pour la renationalisation complète des secteurs clés en Libye mais, cette fois, sous le contrôle démocratique des travailleurs et non pas sous le contrôle d’une élite comme c’était le cas sous Kadhafi. Seuls des comités démocratiques de travailleurs peuvent assurer que les acquis sociaux soient maintenus et renforcés. Grâce à des grèves et des manifestations de masse, ils peuvent organiser la résistance contre la clique de Kadhafi et contre l’OTAN pour acquérir une véritable liberté et une véritable démocratie, libérée de la dictature des marchés.

    Les révolutions en Tunisie et en Egypte doivent se poursuivre, non seulement pour renvoyer les dictateurs, mais aussi pour renverser l’ensemble du système et le remplacer par une alternative socialiste démocratique. Cela serait une gigantesque source d’inspiration pour renouveler le mouvement des travailleurs et des pauvres en Libye.


    Notes

    (1) Intal et Comac-ULB. Voir aussi: http://www.intal.be/fr/manifestation-pour-la-paix-en-libye-et-contre-les-bombardements-de-lotan

    (2) “Libye : Au moins trente morts après une attaque des rebelles”, de façon plus explicite dans le paragraphe “Le Conseil national de transition fera-t-il mieux que le gouvernement Kadhafi?” sur http://www.ptb.be/nieuws/artikel/libye-au-moins-trente-morts-apres-une-attaque-des-rebelles.html

  • Les Indignados : un soulèvement contre les effets de leur crise

    Le mouvement des Indignados, sous le slogan principal : ‘‘Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers’’, a illustré tant la colère présente que le refus de payer leur crise. Ce mouvement exprime aussi que cette génération sans avenir développe un sentiment anticapitaliste.

    Par Clara (Bruxelles)

    La crise a eu un effet dévastateur en Espagne et le malaise est évident. Les retraites ont été augmentées de 65 à 67 ans, les services publics ont vu leurs budgets rabotés, les banques ont commencé à exproprier des familles incapables de rembourser leurs hypothèques, 40% des jeunes sont au chômage (il y a 4,9 millions de chômeurs au total), la nouvelle Réforme du Travail attaque durement les conditions déjà précaires de tous les contrats de travail et a augmenté la flexibilité. Parallèlement, des dizaines de candidats du PSOE (sociaux-démocrates) et du PP (droite officielle) sont accusés de corruption ou de crimes divers. Les gens savent à ce à quoi ils s’opposent et sont à la recherche d’une alternative. Les Indignados : un mouvement plein de potentiel.

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    Ce mouvement, premièrement inspiré par les révolutions en Egypte et en Tunisie, a eu à son tour un impact sur la scène internationale. Les assemblées populaires sur les places de villes et de villages se sont multipliées, dans des pays aussi divers que la Grèce (où le mouvement est très massif) ou Israël.

    Le 19 Juin dernier, journée internationale de mobilisation à l’appel des Indignados, une nouvelle étape a été franchie avec des manifestations massives (275.000 personnes à Barcelone, 150.000 à Madrid,…) contre le Pacte de l’euro, un accord entre gouvernements européens qui suppose plus d’austérité, de coupes budgétaires et de réformes du travail pro-patronales. Cela, en plus du mouvement contre les expulsions de maisons, représente un puissant instinct au sein des Indignados pour faire appel à la classe ouvrière et unir tous ceux qui souffrent de la dévastation économique.

    Les occupations de la Puerta del sol (Madrid) et de Plaça Catalunya (Barcelone) ont été levées afin d’enraciner la contestation plus en profondeur dans la société en s’orientant vers les assemblées populaires des quartiers. Cela peut constituer un sérieux pas en avant, en impliquant des couches plus larges de travailleurs et de jeunes. Jusqu’ici, les diverses assemblées ont regroupé des centaines de personnes mais leur élargissement et la reprise du mouvement à la rentrée est un solide défi.

    Le mouvement n’est pas homogène, mais les voix favorables à la grève générale se font plus nombreuses. Durant la manifestation du 19 juin à Barcelone, par exemple un calicot clamait en tête de cortège ‘‘vers une grève générale’’. Plaça Catalunya, dès le début du mouvement, une Commission Grève Générale défendait qu’il faut bloquer l’économie et étendre la lutte dans les lieux de travail pour remporter la victoire. Cette commission s’est développée depuis lors et s’appelle dorénavant la ‘‘Coordination Nationale du 15-M (Mouvement 15 Mai) vers une Grève Générale’’. Tout en comprenant bien le rôle de frein des directions syndicales, elle s’adresse aux organisations de travailleurs pour entrer en contact avec la base des syndicats en défendant que le mouvement doit également développer des assemblées dans les entreprises.

    Mais il existe des opinions contraires dans le mouvement, ce qui se reflète avec le slogan pour le 15 octobre (la nouvelle journée internationale de mobilisation) ‘‘pour un changement global’’. Ce slogan est flou et, en étant moins concret, représente un pas en arrière vis-à-vis du 19 juin. Ce n’est pas une bonne approche pour élargir le mouvement à la classe des travailleurs. Derrière cela se pose la question du besoin crucial d’un fonctionnement réellement démocratique au sein du mouvement, car il est aussi incorrect que dangereux que de tels slogans – destinés à représenter le mouvement dans son ensemble – soient décidés par un petit groupe de personnes non élues imposant leur décision par internet. Il est primordial de se diriger vers l’élection démocratique de représentants des assemblées des barrios (quartiers) destinés à siéger à des assemblées de coordination de ville, qui doivent à leur tour envoyer leurs représentants à une assemblée nationale, en toute transparence et avec le droit de révoquer et de remplacer ces élus à tout moment. La démocratie réelle, c’est l’abolition du capitalisme !

    Les revendications officielles comprennent de très bonnes choses, contre la réforme des pensions et celle du travail, pour que les politiciens ne reçoivent pas plus que le salaire moyen de la population, contre le renflouement des banques et pour la nationalisation des banques en difficulté, pour la diminution du temps de travail sans perte de salaire, contre les expropriation et pour plus de logements sociaux, pour taxer les grosses fortunes, pour des services publics de qualité,… Souvent, ces revendications vont d’ailleurs bien plus loin lors des assemblées.

    Mais toutes ces exigences sont impossibles à réaliser dans ce système basé sur la logique de profit. Seule une rupture fondamentale avec le capitalisme et l’instauration d’une alternative démocratique pour contrôler les richesses et les secteurs clés de l’économie peuvent réellement vaincre les coupes budgétaires et réaliser concrètement une démocratie réelle, à partir d’un gouvernement des travailleurs et des jeunes, c’est-à-dire une alternative socialiste.

  • Angleterre : Après les émeutes, la répression… Que faire?

    L’Angleterre aura vécu au rythme des émeutes durant le début du mois d’août. Plusieurs grandes villes du pays ont connu des explosions de colère et de désespoir parmi les jeunes dans les quartiers populaires. Londres, Birmingham et Manchester ont été particulièrement touchés. A moins d’être aveugle ou de mauvaise foi, n’importe quel commentateur aura été capable de faire le parallèle entre ces évènements et la précarité de la situation sociale dans laquelle se trouve la jeunesse. Le chômage des jeunes atteint des sommets. Il est de 23% sur l’ensemble de Londres, et encore beaucoup plus élevé dans certains quartiers. Cette situation a conduit à parler d’une ‘‘génération perdue’’ pour toute une couche de jeunes peu qualifiés qui, faute d’avoir un emploi de qualité, se retrouvent mis au ban de la société.

    Par Baptiste (Wavre)

    Le reflet d’une situation sociale désastreuse…

    Les travailleurs du secteur social l’attestent : l’absence d’un véritable emploi avec un vrai salaire est la première cause de l’exclusion sociale. Les politiques néolibérales, qui ne cessent de s’attaquer aux salaires et à la qualité des contrats, ont fini par casser toute possibilité de se projeter dans l’avenir pour les nouvelles générations. Les discriminations parmi les étrangers ou personnes d’origine étrangère n’ont fait que rajouter de l’huile sur le feu. Les capitalistes ont toujours cherché à diviser la classe ouvrière pour mieux régner, et ont toujours utilisé toutes les différences à cette fin. Ces discriminations se retrouvent jusque dans la vie quotidienne dans les quartiers populaires avec des interpellations policières arbitraires.

    D’ailleurs, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres n’est rien d’autre que le mépris des responsables de police auquel ont fait face les proches de Mark Duggan, un jeune de Tottenham d’origine étrangère, après que celui-ci ait été abattu par la police. Le chômage de masse et le harcèlement de la police ont conduit à une situation explosive et à travers les émeutes, il ne s’agit de rien d’autre que de l’irruption du désespoir face à l’absence de perspective en l’avenir parmi des milliers de jeunes.

    …causée par les politiques néolibérales

    Les récentes coupes budgétaires réalisées par le gouvernement Cameron dans différents services publics et dans les services d’aide à la jeunesse sont autant de gouttes qui font déborder un peu plus le vase. Les bourses d’études, qui permettaient à beaucoup de jeunes des milieux ouvriers de poursuivre des études, ont été supprimées et les frais d’inscription ont été quant à eux revus à la hausse. Connexions, un service de conseil pour les jeunes vis-à-vis de l’emploi, a également été supprimé. Malgré tout cela, le gouvernement Cameron s’éntête à considérer que ces évènements sont le fruit d’une violence aveugle, sans la moindre cause sociale. Il compte d’ailleurs aller encore plus loin, puisqu’il propose de supprimer les allocations sociales pour les familles des jeunes qui auraient été impliqués dans les émeutes. Le gouvernement ConDem n’hésite d’ailleurs pas à encourager la délation pour cerner les jeunes en question.

    Cameron compte faire de la répression un enjeu de prestige de son mandat. Il voudrait ainsi donner l’illusion que son gouvernement néolibéral est capable de résoudre les problèmes de la société. Dans ce sens, résumer les émeutiers à des voyous ou à des criminels de droit commun est un raccourci qui pourrait lui faciliter la tâche. Le New Labour a beau dénoncer cette stratégie et pointer du doigt les problèmes sociaux à résoudre, ils ne sont pourtant pas moins responsables des politiques néolibérales des 20 dernières années. Si les capitalistes ont pu tellement s’enrichir sur le dos des travailleurs durant toutes ces années, c’est aussi grâce aux politiques néolibérales que le New Labour a mené lorsqu’il était au pouvoir.

    Les émeutes ne sont pas ‘‘un pas vers la révolution’’

    Les conséquences dramatiques de ces évènements sont inquantifiables pour la classe ouvrière. Pour de nombreux travailleurs, il s’agit juste d’un cauchemar s’ils se retrouvent sans emploi suite au pillage des commerces, sans leur voiture pour se rendre au travail ou pire si c’est le logement qui a été détruit. A présent que le gouvernement Cameron utilise les émeutes pour justifier des mesures sécuritaires antisociales, cela ouvre également la porte à des attaques contre les organisations du mouvement ouvrier, et en défénitive à des attaques sur les conditions de vie et de travail. Finalement, les émeutes permettent au gouvernement d’adopter une attitude encore plus antisociale.

    Il est déplorable de voir certaines organisations de gauche comme le Socialist Workers Party déclarer que les émeutes et les pillages peuvent montrer la voie de la révolution. En Tunisie et en Egypte, ce ne sont pas ces types d’actions qui ont permis à la jeunesse de chasser les dictateurs. L’unité du mouvement ouvrier est indispensable pour arriver à de tels mouvements de masses capables de faire chuter des gouvernements. Or, la violence désordonnée, qui s’attaque d’ailleurs également aux conditions de vie des travailleurs, tendent au contraire à former des brèches dans cette unité. D’autant plus qu’à présent cela a permis à l’establishment de criminaliser encore plus la jeunesse et les minorités ethniques.

    Le gouvernement ne sera vaincu que si nous construisons un mouvement massif et uni de tous ceux qui sont touchés par les coupes budgétaires et les politiques néolibérales. En outre, la classe ouvrière organisée dans les syndicats doit jouer un rôle-clé. L’échec des dirigeants syndicaux à mener une telle lutte explique que la colère parmi la jeunesse précarisée n’ait pas été canalisée politiquement mais se soit exprimée par des explosions de désespoir. La campagne Youth Fight For Jobs (Jeunes en lutte pour l’emploi), initiée par le Socialist Party (section de notre Internationale en Angleterre et Pays de Galles) et soutenue par plusieurs syndicats, a pourtant illustré le potentiel pour une lutte commune des jeunes avec les syndicats. Cette situation de précarité dans la jeunesse n’est pas propre à l’Angleterre. En Belgique, la presse a évoqué que de tels événements pourraient également se produire, tout simplement parce que les mêmes symptômes du néolibéralisme sont présents dans les quartiers pauvres des grandes villes. En mettant sur pied la campagne ‘Jeunes en lutte pour l’emploi’ avec des sections jeunes des syndicats et d’organisations de gauche, nous sommes intervenus dans les quartiers, écoles, entreprises… pour organiser des couches de jeunes autour d’un programme politique pour défendre de réelles perspectives d’avenir. Des premiers pas concluants ont été réalisés dans plusieurs régions, avec l’organisation d’assemblées et de marches combatives, qui ont systématiquement obtenu un écho positif. Mais si cet écho positif a été en grande partie passif jusqu’à présent, la perspective du prochain gouvernement d’austérité risque de fort de faire passer de nombreuses personnes à l’action.

    Pour un parti politique de masse des jeunes et des travailleurs

    La responsabilité des dirigeants syndicaux est grande. Ces derniers mois ont eu lieu des protestations massives en Angleterre, comme le mouvement contre les coupes dans l’enseignement ou encore la grève du secteur public du mois de juin. Plutôt que d’éparpiller les différentes luttes chacune de leur côté, il s’agit à présent de contre-attaquer avec la mise en place d’un plan d’action contre les économies et pour un avenir pour les jeunes. C’est la condition pour ne pas laisser l’espace au gouvernement ConDem de renforcer son appareil répressif et sa persécution des jeunes et des minorités.

    En définitive, un tel mouvement aura besoin d’un relais politique : un parti de masse des jeunes et des travailleurs, qui défende la possibilité pour tous d’avoir accès à un emploi, à un logement, à un enseignement, à des soins de santé… de qualité. Nous pensons qu’un tel programme doit être lié à une perspective de société socialiste, où la production des richesses ne profite pas à une poignée de nantis de la City mais soit planifiée démocratiquement pour répondre aux besoins des jeunes et des travailleurs.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette nouvelle rubrique de socialisme.be vous proposera régulièrement des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


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    A noter dans votre agenda

    • 16-18 septembre : Camp de formation marxiste de Etudiants de Gauche Actifs destiné à préparer cette nouvelle année académique
    • Di. 25 septembre : Bruxelles. Slutwalk – protestation contre le sexisme, RDV 14h30 Gare du Nord
    • Sa. 29 octobre : Seconde Journée du Socialisme en Flandre, à l’initiative de la Table Ronde des Socialistes
    • sa.-di. 26-27 novembre : Congrès régionaux du PSL
    • 3 décembre : Manif climat
    • 8 mars 2012: manifestation anti-NSV à Louvain
    • 25 mars 2012 : protestations contre le rassemblement des réactionnaires antiavortement à Bruxelles

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    Pourquoi je suis devenu membre

    Thomas, Liège

    D’abord, j’aimerais dire que je suis une personne qui prend conscience du monde dans lequel elle vit et qui est convaincue qu’il faut agir au lieu de simplement constater.

    J’ai toujours senti en moi le besoin de m’indigner face à des situations que je ne jugeais pas justes et, à partir de ce moment, il m’est venu la nécessité de militer au sein du PSL.

    En effet, ce qui m’a plu au PSL, c’est la mentalité non-électoraliste de ses membres et leur acharnement face à un monde qui ne croit qu’en la réussite personnelle, tel un “american dream” étendu sur la planète entière.

    Je suis le genre de personne qui pense que le bien être personnel est amené par le bien être collectif au sein de n’importe quelle société et je suis convaincu que nous pouvons tendre vers ce type de société si chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, conscient de la nécessité de changer la prison dorée dans laquelle nous vivons depuis le XVIIIème siècle.

    En conclusion, j’ai rejoint le PSL par besoin personnel, par nécessité et surtout pour l’humanité qui habite chacun de ses membres.

    Pour une société meilleure, amis camarades, vive la révolution !


    Ecole d’été réussie avec 360 marxistes de 33 pays

    Par Hanne (Anvers)

    Le PSL fait partie d’une organisation internationale, le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière), qui est active dans une cinquantaine de pays sur tous les continents. Fin juillet, l’école d’été européenne du CIO s’est déroulée à Louvain et a rassemblée 360 participants issus d’Europe mais aussi des Etats-Unis, du Venezuela, du Brésil, du Nigéria, de Tunisie, d’Israël, de Palestine, du Liban, d’Inde, de Malaisie, du Kazakhstan ou encore d’Australie.

    Cette école d’été fut particulièrement intéressante au vu de la situation politique internationale. Nous avons connu les renversements de régimes dictatoriaux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la lutte de masse dans des pays Européens comme la Grèce, des mouvements aux Etats-Unis (au Wisconsin). Même Israël connaissait alors les débuts d’un mouvement de masse. En même temps, le capitalisme connaît une crise profonde et les capitalistes ne savent plus comment guérir leur système malade.

    Il faut remonter aux années ’60 pour retrouver autant de mouvements de révolte au même moment, avec des slogans et des tactiques qui se reprennent et se diffusent à large échelle. Cela illustre le sentiment de solidarité internationale. Dans un contexte de changements rapides et de mouvements, des discussions internationales telles que celles menées à cette école d’été sont indispensables.

    Les participants ont été particulièrement intéressés par les discussions sur les récents mouvements de masse, et les sessions consacrées à la Grèce, au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord ont par conséquent très certainement constitué le point d’orgue de cette semaine. Tant là où nos forces sont un peu plus développées (en Grèce par exemple) que là où nous posons nos premiers pas (en Espagne, en Tunisie ou en Egypte), la question du programme à défendre et des perspectives sur lesquelles le baser est un élément des plus cruciaux.

    Tout au long de cette école, le fil conducteur a sans doute été le fait que nous nous trouvons actuellement à un tournant de la situation objective mondiale. Mais le CIO s’y était déjà préparé depuis un bon moment, et nous faisons actuellement de très bonnes interventions. En Grèce, nous attirons une couche de militants ouvriers et de jeunes ; en Espagne, nous avons posé les premières bases destinées à construire une section solide. Le retour de la lutte des classes en Grande-Bretagne a immédiatement conduit à une croissance du Socialist Party qui, pour la première fois depuis des années, a à nouveau franchi la barre significative des 2000 membres. En Irlande, nous avons maintenant deux élus au Parlement – Joe Higgins et Clare Daly – qui, tout comme notre député européen Paul Murphy, étaient présents à l’école d’été.

    Chaque jour a connu son lot de discussions diverses et variées sur la lutte syndicale, la position des femmes, la lutte contre l’homophobie et la défense des LGBT, la situation particulière du Kazakhstan aujourd’hui, l’Asie, le Nigéria, l’antifascisme,… Un enthousiasme gigantesque était présent, de même que la volonté de profondément s’engager dans les luttes.

    L’enthousiasme s’est d’ailleurs notamment illustré lors de l’appel financier, dont la récolte s’élève à pas moins de 25.000 euros pour aider à la construction de nos forces au niveau international. Sur base de sérieuses discussions politiques et de notre programme socialiste cohérent, nous pouvons faire des pas en avant même si, dans la période actuelle, les éléments compliquant ne manquent pas.


    Fonds de lutte : 73% de notre objectif trimestriel obtenu après deux mois

    Voici ci-dessous un état des lieux de notre récolte de fonds de lutte pour la période Juillet-septembre 2011. Chaque trimestre, nous voulons récolter 11.000 euros de soutien financier parmi nos membres et nos sympathisants. Après deux mois, nous avons obtenu 8.044,45 euros de soutien, soit 73% de notre objectif. Il est donc parfaitement possible de réaliser le reste de notre objectif au cours du mois de septembre.

    Vous voulez participer à cet effort ? C’est bien entendu possible, en prenant un ordre permanent de soutien par exemple. A partir de 2 euros ou plus par mois, vous recevrez d’ailleurs chaque mois un exemplaire de notre mensuel, Lutte Socialiste. Versez votre contribution sur le compte n°001-2260393-78 du PSL avec pour communication “soutien”.

    • Hainaut-Namur : 75%
    • Brab. FL – Limbourg : 74%
    • Bruxelles Brab.Wall. : 62%
    • Flandre Or. et Occ. : 60%
    • Anvers : 59%
    • Liège-Lux.: 16%
    • National : 271%
    • TOTAL: 8.044,45 €, soit 73%
  • Retour sur la crise de Suez de 1956

    Le 5 novembre 1956, les paras britanniques et français descendent sur Port Saïd, en Égypte, afin de prendre contrôle de l’accès au canal de Suez. Deux mois plutôt, devant une foule enthousiaste, le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait déclaré : ‘‘nous défendrons notre liberté. J’annonce la nationalisation du canal de Suez.’’ Au vu des récents évènements révolutionnaires en Egypte, il est bien entendu utile de revenir sur la crise de Suez et sur le Nassérisme.

    Dossier de Dave Carr

    La Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis avaient refusé d’accorder à l’Égypte un emprunt pour la construction du barrage d’Assouan, un projet qui avait pour objectif de rendre l’eau disponible toute l’année, d’étendre les surfaces irriguées, d’améliorer la navigation sur le fleuve et de produire de l’électricité. Nasser a répliqué qu’il prendrait les 100 millions de dollars de revenus du canal de Suez afin de financer le projet.

    Cette nationalisation a, bien entendu, glacé le sang de l’impérialisme britannique et français. Nasser avait maintenant le contrôle d’un passage stratégique par où défilaient les stocks de pétrole arabe vers l’occident. De plus, il commençait à obtenir de plus en plus de soutien de la part des ouvriers et paysans pauvres dans toute la région. Ces mouvements menaçaient directement les régimes fantoches de différents du Moyen-Orient.

    Après 1945, les ouvriers et paysans du monde colonial étaient entrés dans un nouveau stade de leur lutte anti-impérialiste et pour la libération nationale et sociale. Les jours de la domination directe des vieilles puissances coloniales étaient désormais comptés.

    Le Premier ministre britannique Anthony Eden avait été encouragé par son gouvernement conservateur pour tenter de remettre le royaume britannique plus fortement en avant sur la scène internationale. Malgré le déclin économique et politique grandissant de l’impérialisme britannique consécutif à la seconde guerre mondiale, Eden pensait que la Grande-Bretagne pouvait jouer un rôle de premier plan dans le cours des grands évènements mondiaux. La classe dirigeante française pensait elle aussi qu’il était possible de redorer le blason de la gloire coloniale du pays. Mais l’approche brutale de l’impérialisme français au cours des guerres coloniales avait conduit à la défaite de la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, déjà entamée, allait elle-aussi bientôt se solder par une cuisante défaite conduisant au retrait du pays.

    Réaction occidentale

    ‘‘Nous bâtirons ce barrage avec les crânes des 120.000 ouvriers égyptiens qui ont donné leur vie pour la construction du canal’’. Cette déclaration de Nasser avait constitué, pour les ouvriers et les chômeurs des bidonvilles du Caire et d’Alexandrie ainsi que pour la population de la région entière, une attraction énorme.

    La réaction de l’occident était prévisible. Tant au Parlement britannique qu’au Parlement français, Nasser a été comparé à Mussolini et Hitler. En Grande –Bretagne, les médias bourgeois et les parlementaires conservateurs n’avaient de cesse de parler de ‘‘Nasser-Hitler’’, tandis que les parlementaires travaillistes ou libéraux demandaient eux-aussi des mesures contre l’Égypte. Le Premier Ministre Eden ne le désirait que trop, et les avoirs du canal de Suez ont été immédiatement gelé dans les banques britanniques. Il s’agissait de presque deux tiers des revenus du canal.

    Le dirigeant du Parti Travailliste Hugh Gaitskell a soutenu le gouvernement conservateur auprès des Nations Unies, et a même déclaré qu’une intervention armée n’était pas à exclure contre Nasser. Le Premier Ministre français Guy Mollet promettait lui aussi une sévère riposte.

    Le gouvernement britannique a tout d’abord voulu montrer qu’il désirait résoudre la crise de façon diplomatique. Une conférence de 24 pays maritimes a été convoquée à Londres afin de discuter de la ‘‘menace contre la libre navigation internationale’’. Pendant ce temps, l’armée appelait les réservistes, et une grande force navale a commencé à se rassembler.

    En réponse, Nasser a lancé un appel pour une grève internationale de solidarité à l’occasion du début de la conférence. Le 16 août, des grèves massives ont donc eu lieu en Libye, en Égypte, en Syrie, en Jordanie et au Liban, ainsi que de plus petites actions de solidarité au Soudan, en Irak, en Tunisie et au Maroc. Partout, les ambassades britanniques et françaises étaient assaillies par des manifestants.

    La conspiration

    Le président américain Eisenhower, en pleine campagne électorale, a refusé de soutenir toute intervention militaire franco-britannique. L’impérialisme américain était en fait engagé dans un bras de fer avec les impérialismes français et britanniques pour gagner de l’influence dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    Le prétexte servant à intervenir en Égypte a été une intervention israélienne armée dans le Sinaï, négociée au préalable avec les gouvernements français et britanniques. Les troupes britanniques et françaises sont ensuite venues s’interposer entre les troupes israéliennes et égyptiennes pour ‘‘protéger’’ le canal de Suez.

    Les représentants des gouvernements israéliens, français et britanniques s’étaient réunis secrètement le 24 octobre dans le voisinage de Paris, à Sèvres, et un pacte avait été conclu lors de cette réunion. Le Ministre des Affaires étrangères britannique, Anthony Nutting, a plus tard ouvertement expliqué que l’intervention britannique faisait partie d’une ‘‘conspiration commune avec les Français et les Israélien’’. Les Protocoles de Sèvres stipulaient que ‘‘L’État hébreu attaquera l’Égypte le 29 octobre 1956 dans la soirée et foncera vers le canal de Suez. Profitant de cette agression ‘surprise’, Londres et Paris lanceront le lendemain un ultimatum aux deux belligérants pour qu’ils se retirent de la zone du canal. Si l’Égypte ne se plie pas aux injonctions, les troupes franco-britanniques entreront en action le 31 octobre.’’

    Israël a utilisé le prétexte d’attaques transfrontalières de Palestiniens et du fait que le port d’Eilat avait été fermé par Egyptiens, et sont donc passé à l’offensive le 29 octobre. Le lendemain, comme convenu, les Français et les Britanniques lançaient un ultimatum commun pour imposé aux deux pays de se retirer à une quinzaine de kilomètres du canal.

    L’Égypte a bien entendu refusé cet ultimatum hypocrite. Les troupes britanniques et françaises sont donc intervenues. Les aéroports égyptiens ont été attaqués et, le 5 novembre, la zone de canal a été envahie. 1.000 Egyptiens, principalement des civils, sont décédés lors de l’invasion de Port Saïd.

    La défaite

    Le mouvement ouvrier s’est mobilisé contre cette intervention et, à Londres, une grande manifestation s’est tenue à Trafalgar Square. Lorsque les manifestants sont parvenus aux environs de Downing Street, où réside le Premier Ministre, des confrontations avec la police ont eu lieu.

    Au même moment, une révolte ouvrière éclatait en Hongrie, contre la dictature stalinienne, et cette révolte a été écrasée par les tanks soviétiques. Le même jour, l’Égypte était envahie.

    Les conséquences internationales ont été extrêmes. Les plupart des pays arabes ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et la France. Le pipeline britannique de Syrie a été saboté et l’Arabie Saoudite a bloqué les exportations pétrolières destinées à la Grande-Bretagne tandis que les USA exigeaient un retrait d’Égypte. L’Union Soviétique menaçait elle aussi de représailles.

    La faiblesse économique et politique de l’impérialisme britannique a été révélé au grand jour à la lumière de ces évènements. Le canal de Suez a été bloqué, des navires coulés. Très vite, l’essence a dû être rationnée en Grande Bretagne. De leur côté, les Etats-Unis ont refusé d’accorder un emprunt au pays, et ont empêché le gouvernement britannique d’en avoir un de la part du FMI. La Livre britannique a chuté, et ses réserves de monnaie étrangères ont rapidement été épuisées.

    Après six semaines, les troupes britanniques et françaises ont dû quitter l’Egypte, en pleine déroute, de même que les troupes israéliennes. Nasser est apparu comme le grand vainqueur qui avait humilié l’impérialisme. En Grande Bretagne, le Premier Ministre Eden a été brisé politiquement et moralement, et a dû démissionner.

    Après la crise de Suez, le processus révolutionnaire dans la région a connu un nouveau dynamisme.

    Qu’est ce que le nassérisme?

    Nasser est parvenu au pouvoir après un coup d’Etat militaire contre le monarque corrompu Farouk, renversé en 1952. Le Roi Farouk était une marionnette de l’occident, et plus particulièrement de l’impérialisme britannique.

    A ce moment, 6% de la population du pays détenait 65% des terres cultivables tandis que 72% de la population devait se contenter de seulement 13% de la terre. Il y avait des millions de paysans sans terre ou de chômeurs, obligés de vivre dans les bidonvilles du Caire et d’Alexandrie. Les occupations de terres et les grèves s sont développées, mais aucune formation politique des travailleurs n’était en mesure de conduire les ouvriers et les paysans dans la lutte pour le pouvoir. Le colonel Nasser a profité de ce vide politique.

    Ce dernier a opéré diverses réformes, tout en laissant le capitalisme intact. Il recourait à une rhétorique socialiste afin d’obtenir le soutien des ouvriers, mais n’a en même temps pas hésité à arrêter et à faire fusiller des dirigeants de grève. Il désirait recevoir l’appui des puissances occidentales, mais s’est finalement appuyé sur la bureaucratie soviétique en contrepoids contre l’impérialisme. Cet exercice d’équilibre dans son propre pays et face aux pouvoirs étrangers a assuré qu’il devienne un dictateur avec des caractéristiques de type bonapartiste.

  • Ecole d’été du CIO – Tunisie et Égypte, deux révolutions qui ont ébranlé le monde

    Les révolutions qui se sont développées ces derniers mois au Moyen-Orient et en Afrique du Nord peuvent être considérées comme le plus grand changement survenu au cours de cette dernière décennie. Cette éruption collective est l’expression spontanée d’une société en profonde crise, toute comme l’avait été l’auto-immolation de Mohamed Bouazizi, ce jeune chômeur tunisien qui a été l’étincelle de la révolution tunisienne de 2011.

    Par Thomas (Gand)

    En Égypte et en Tunisie, les masses ont renversé des régimes qui tenaient depuis trente ans. Peut-être la Tunisie, après avoir été un véritable laboratoire pour le néolibéralisme, est-elle en passe de devenir le laboratoire de la lutte de classe moderne. Ces révolutions ont beaucoup signifié pour le Comité pour une Internationale Ouvrière, ce que nous avons bien remarqué durant l’école d’été du CIO, où étaient aussi présents quelques camarades tunisiens, ce que chaque participant a pu apprécier.

    Le classe ouvrière organisée peut faire la différence

    La session spécifiquement consacrée aux révolutions en Tunisie et en Égypte a insisté sur quelques points cruciaux. Tout d’abord a été soulignée la mesure dans laquelle la présence ou l’absence de la classe ouvrière organisée a une influence sur le caractère du mouvement. Bien plus que Twitter, YouTube ou Facebook, ce sont les travailleurs organisés qui ont permis l’arrivée de changements profonds.

    Même si, place Tahrir par exemple, beaucoup de gens ne savaient pas ce qu’est exactement le capitalisme, même si leurs slogans donnent seulement une traduction limitée de la crise systémique, c’est cependant bien la présence de la classe ouvrière qui a donné un caractère radical aux protestations.

    Au fur et à mesure de la poursuite des protestations dans ces pays, nous pouvons constamment plus vérifier que les secteurs de la classe ouvrière poussent le conflit de l’avant, vers le moment ou sera clairement posée la question du contrôle des moyens de production. Actuellement, ils tâtent les limites du capitalisme. Après le départ du dictateur tunisien Ben Ali, des villes entières ont parfois été occupées, tandis qu’en Égypte, des milices populaires ont remplacés la police à certains endroits.

    En Tunisie, une série de grèves générales, en particulier dans les grandes villes, a été cruciale pour la création d’une unité de la population. C’est ce qui a obligé le dictateur Ben Ali de partir. Après un certains temps, ces actions se sont spontanément développées jusqu’à un caractère très mature et à la hauteur des tâches à réaliser. Lorsque la police et l’armée ont été chassées, les manifestants ont ainsi organisé des milices, ont pris soins d’assurer la distribution de l’eau, de nourriture, etc.

    Cela ne signifie bien entendu pas qu’un programme politique n’est pas essentiel. La pure spontanéité des masses a ses limites. Une fois que le mouvement manquera de perspectives, l’euphorie pourrait se transformer en démoralisation et toutes les réalisations pourraient à nouveau devenir bien précaires. Il est également important que les manifestants essaient d’impliquer les couches moins actives de la population.

    Le rôle des syndicats est lui aussi crucial. Depuis la chute de Moubarak en Égypte, de plus en plus de syndicats indépendants ont été créés. Récemment, pas moins de 66 syndicats ont encore participé à une manifestation.

    Le mouvement syndical en Tunisie a une histoire qui date de la période coloniale et de la lutte contre les colonisateurs français. Le mouvement syndical est désormais représenté par la fédération nationale syndicale UGTT. C’est une organisation vers laquelle regardent de nombreux jeunes et travailleurs non syndiqués une fois qu’ils entrent en action.

    L’UGTT, sous la pression de la base, a donné le mot d’ordre, trois jours avant la chute de Ben Ali, d’organiser des manifestations et des grèves dans tout le pays. Le 14 janvier, des marches sur la capitale ont été organisées avec la revendication de la démission du président et du gouvernement. Cette force révolutionnaire pourrait faire tomber le régime et pourrait aussi forcer les gouvernements successifs à faire des concessions. Mais, maintenant, le gouvernement veut briser ce mouvement.

    Après la fuite de Ben Ali, cette fédération a connu une augmentation de ses adhérents. Par conséquent, l’UGTT a créé de nombreuses nouvelles sections. Selon le CIO, l’attitude de cette fédération est cruciale pour l’avenir de la révolution en Tunisie. Cette attitude et l’approche du CIO envers cette fédération a d’ailleurs constitué un important sujet de discussion lors de la session de l’école d’été du CIO consacrée à ces évènements.

    Un autre sujet dont nous avons parlé est la question de l’unité et de la division. La classe dirigeante est très consciente des failles dans la société égyptienne et tunisienne. La force principale du mouvement est l’unité parmi les travailleurs, particulièrement ceux des secteurs traditionnels tels que la métallurgie, et les jeunes chômeurs. Cette dernière couche est une très grande proportion de la population.

    Les oligarques ne sont pas seuls à vouloir stopper une telle unité, beaucoup de dirigeants syndicaux le souhaitent eux aussi. Parmi ces derniers, quelques uns ont reçu leur position grâce aux dictateurs, et sont aujourd’hui contestés.

    Cela réaffirme la question de l’organisation du mouvement ouvrier et du rôle qui devrait être alloué à l’UGTT en Tunisie. D’un côté, nous avons vu le succès des manifestations en Egypte et en Tunisie grâce aux ouvriers organisés, et d’un autre, nous devons aussi réaliser que malgré les pressions d’en bas, il existe une couche de bureaucrates qui a tendance à limiter le mouvement.

    Certains bureaucrates relient leur destin avec les dirigeants actuels. Les dirigeants du gouvernement sont surtout des membres de la bourgeoisie et se sont engagés à concrétiser le slogan de ‘‘retour au travail’’. Ils se sentent soutenus par l’Union Européenne et en particulier la France, l’ancienne puissance coloniale.

    Réformes démocratiques et révolution permanente

    Un autre point important souligné lors de la session est l’attitude à adopter contre le gouvernement et les élections promises. Récemment, le gouvernement provisoire de Tunisie a essayé d’appréhender des organisateurs de grève. Et, en plus, il y a maintenant une interdiction de faire grève. En mars, le gouvernement intérimaire égyptien, le conseil militaire, a lui aussi interdit les grèves, sous la menace de poursuites pénales.

    Ces attitudes réactionnaires et paternalistes, qui veulent voler la révolution à la grande majorité des gens et au bénéfice des gestionnaires, des bureaucrates et de ceux qui restent encore fidèles à l’ancienne dictature, donne à la classe des travailleurs tunisiens et égyptiens le sentiment que l’ancien régime est en train de revenir peu à peu.

    Avec le succès de la révolution en mémoire, beaucoup de jeunes et de militants résistent au nom de la révolution à ces mesures coercitives. Mais la tâche de la révolution reste de se débarrasser de l’épine dorsale de l’ancien régime et du nouveau.

    Cette épine dorsale est formée par le vaste appareil policier et militaire dans les deux pays. Mais parmi les jeunes, la crainte de la police est parfois très limitée. A leur apogée, les révolutions ont montré la vulnérabilité de la police, et la revendication d’accepté l’entrée des syndicats ainsi que la liberté d’expression politique dans l’armée s’est généralisée.

    Mais, dans le passé, la gauche en Tunisie et en Egypte a sous-estimé ce mot d’ordre et a parfois manqué de slogans destinés à convaincre l’armée des protestations populaires. Il a souvent été uniquement réfléchi en termes de gouvernement provisoire devant s’assurer de la “démocratie” avant de pouvoir progressivement compléter la révolution (et puis l’armée serait démocratisée).

    Les comités populaires et les milices ont été au mieux considérés comme un moyen de pression contre le gouvernement, et non pas comme des précurseurs de l’autogouvernement de la classe ouvrière et de leurs alliés parmi les pauvres, les paysans et les étudiants. Les victoires remportées contre la police et le fait que l’armée égyptienne n’ait pas tiré ont été considérés comme un fait accompli.

    Récemment toutefois, des accrochages ont eu lieu entre les troupes du gouvernement et des manifestants. Les tentatives de réoccuper la place Tahrir ont rencontré une résistance brutale de l’armée. Cela a démontré pour différentes couches de la population quelle est la position réelle de l’armée. Les leaders militaires ne veulent pas d’un projet démocratique, mais d’une relance de l’économie capitaliste dans le pays.

    Les régimes actuels sont encore faibles et instables. Les élections en Tunisie, qui devaient avoir lieu en Juillet, ont été reportées jusqu’en octobre, selon les souhaits des impérialistes, parce qu’ils veulent encore du temps afin de laisser le gouvernement intérimaire se stabiliser. Le référendum en Egypte concernant les amendements constitutionnels a eu une faible participation, ce qui indique une certaine méfiance de la population.

    Le conseil militaire a été initialement capable de ralentir le développement des nouvelles protestations en utilisant l’idée qu’il fallait du temps pour former un nouveau gouvernement. Mais quelques couches de la classe ouvrière ont rapidement vu qu’ils ne pouvaient plus continuer avec l’ancienne élite (y compris les chefs militaires). C’est dans ce contexte que les exigences démocratiques jouent encore un grand rôle.

    La situation rappelle fortement les révolutions de 1848-1850 en Europe occidentale et Europe centrale. A cette époque aussi, les rangs de la classe ouvrière et de la classe moyenne ont manifesté dans la rue contre les régimes réactionnaires. Marx, Engels et leurs alliés de la Ligue des communistes ont demandé aux travailleurs de réduire les mesures des soi-disant démocrates, qui voulaient conquérir le pouvoir (ou qui ont déjà conquit le pouvoir), à leur résultat le plus extrême et logique. Et c’est l’une des opinions qui ont conduit à la conception d’une «révolution permanente».

    C’est pourquoi le CIO est défend les comités de quartier et les comités qui existent sur les lieux de travail. Nous ne nous limitons pas à soutenir l’exigence d’une révision constitutionnelle et la convocation d’un Parlement qui devrait être élu démocratiquement. Nous voulons renforcer l’organisation des travailleurs, qui pourraient ainsi mieux mobiliser les masses dans leur propre intérêt.

    Les régimes de transition ne sont pas neutres, ils ne sont pas les représentants de la grande majorité de la population. En Egypte, le conseil militaire a dû faire un certain nombre de concessions pour répondre aux manifestants. Mais ces concessions étaient également des concessions aux revendications de la classe dirigeante, qui souhaitait avant tout que les manifestations ne se développent pas.

    Il est de l’intérêt de la classe ouvrière de considérer toutes les ‘‘réformes démocratiques’’ comme quelque chose de positif. Pour beaucoup d’Egyptiens et de Tunisiens, l’apprentissage révolutionnaire a été tel une côte particulièrement pentue. Ils ont expérimenté beaucoup, sur un laps de temps considérablement court en ce qui concerne la lutte et les actions. Mais il reste encore beaucoup de choses à accomplir, et chaque victoire reste précaire et dépendant d’un changement dans le rapport des forces entre les protestations populaires et les gouvernements provisoires.

    On peut trouver tous les éléments d’un programme socialiste dans la lutte actuelle des travailleurs. Mais beaucoup de personnes – mais pas tous les socialistes – s’attachent à une exigence démocratique tel que l’appel pour une l’assemblée constitutionnelle comme si c’était une chose en soi et non l’expression d’un processus de révolution et de contre-révolution. Pour que la révolution puisse vaincre, nous devons aller plus loin, notamment par des occupations d’usines et la création d’organisations d’auto-organisation chez les paysans pauvres, les étudiants et les travailleurs.

    Les partis d’opposition tombent dans des pièges classiques

    Sur base du sentiment que le régime n’a pas changé, beaucoup de forces réactionnaires essayent de restaurer leur position, comme les islamistes et autres conservateurs. Leurs opinions sur les révolutions sont, comme celles des autres partis bourgeois, que toute l’énergie révolutionnaire doit être détournée vers des canaux sûrs. Les conservateurs sont bien entendu totalement en défaveur de la révolution socialiste…

    Les Frères Musulmans en Egypte ont attendu avant d’enfin supporter le mouvement, qui constituait un énorme défi pour eux. En Juin, ils ont présenté leur propre parti, un parti qui se dit pour la justice et la liberté et est composé d’un mélange entre libéraux, des éléments essentiellement nationalistes et des forces pro-gouvernementales.

    La principale force des Frères Musulmans est le fait que, au cours de ces dernières trente années, ils ont constitué la seule organisation visible de l’opposition. Même les impérialistes ont commencé, en l’absence d’autres partis, à négocier avec eux.

    Mais que les Frères Musulmans le veulent ou non, la dernière grève générale a démontré que la révolution n’est pas terminée, et que l’absence des islamistes à des moments si cruciaux est, pour les militants radicalisés, la preuve qu’ils ne peuvent pas donner de réponse aux problèmes sociaux.

    En avril et en mai, le mouvement de grèves et de manifestations en Egypte a de nouveau relevé la tête, atteignant des centaines de milliers de participants. Beaucoup de gens ont depuis lors exigé la démission du conseil militaire. L’armée a réagit avec des mesures répressives similaires à celles de l’ancien dictateur Moubarak. Dans le plus pur style de véritables démagogues néolibéraux, ils ont accusé les manifestants de perturber la croissance économique.

    Mais les divisions sectaires continuent de poser un grand danger, de même que l’éventualité de voir un nouveau ‘‘Bonaparte’’ s’installer au pouvoir, quelqu’un capable de s’élever au-dessus des différentes groupes avec l’aide des forces de police.

    La Gauche en Egypte reste relativement faible. Une nouvelle plate-forme est un front des forces de gauche, y compris le vieux Parti Socialiste Arabe et le Parti Communiste. Parfois, la revendication pour la nationalisation démocratique est posé, mais ce qui concerne le programme et en particulier la volonté révolutionnaire tout reste très floue.

    En Tunisie, les membres des partis de la gauche radicale ont joué un rôle clé, en particulier au sein du syndicat UGTT. En conséquence de leur travail clandestin, ils ne disposent pas de bureaucrates typiques dans leurs rangs, mais ils restent parfois encore défendeurs de vieilles idées découlant du stalinisme ou du réformisme, et ils ont été complètement dépassés par les événements. Dans un passé tout récent, nombreux étaient encore ceux qui parmi eux pensaient qu’une révolution était impossible en Tunisie.

    A ce moment, le Parti Communiste Ouvrier de Tunisie et d’autres organisations se sont organisées dans le ”Front du 14 janvier”, un front populaire qui comprend également, comme en Egypte, des “démocrates” bourgeois. Ils croient en une opposition de gauche dans une future ”démocratie” tunisienne capitaliste, un peu suivant le modèle européen de ”démocratie”. Comme ceux-ci et d’autres mouvements relient leurs idées aux points de vue défendus par l’UGTT, ils ne proposent pas une voie pour poursuivre – et encore moins pour approfondir – la révolution.

    Cela a pour conséquence que la révolution est presque entièrement dépendante des dirigeants, des militaires ou des figures de l’ancien régime. Ces dirigeants sont sous la pression des exigences économiques de pays tels que la France et la Grande-Bretagne. Par ailleurs, ces pays participent à l’intervention militaire en Libye, situé entre la Tunisie et l’Egypte, les ”pays révolutionnaires”.

    Afin de parvenir à une solution au bénéfice de la grande majorité de la population de la région, il est nécessaire d’élargir et d’approfondir la révolution. Il faut aussi que les régimes d’autres pays, comme en Algérie et en Arabie Saoudite, tombent eux aussi. Quand les dominos tombent un à un, les révolutionnaires peuvent s’entraider au-delà des frontières, une situation idéale pour contrecarrer toute intervention militaire de l’OTAN et d’autres puissances impérialistes.

    Approfondir le processus révolutionnaire signifie en outre d’occuper les usines et de les nationaliser sous le contrôle des organisations des travailleurs. Cela permettrait aux travailleurs, aux étudiants et aux paysans pauvres dans la région de combattre à la fois le gouvernement et les intérêts impérialistes.

    Une révolution permanente est également cruciale pour la guerre civile en Libye et au Yémen, cela peut leur apporter la victoire. C’est soit cela, soit une lutte continuelle entre tribus avec à l’occasion une victoire brutale et sanglante d’un groupe sur les autres. D’autre part, le régime israélien dépendant notamment de l’existence de dictatures dans la région, une expansion de la révolution pourrait également résoudre la question nationale là aussi.

    Une page a été tournée, un nouveau chapitre dans la politique mondiale commence

    La conclusion de cette session de l’école d’été du CIO concernant la Tunisie et l’Egypte a été que ces révolutions sont des révolutions ”classiques”. Rien, sauf une tendance opportuniste de type bureaucratique, ne peut stopper les révolutionnaires et les militants dans cette région d’apprendre des leçons positives et riches des révolutions qui se sont déroulées en Russie, en Allemagne, en Espagne, etc.

    Ces derniers mois, beaucoup de choses ont changé. Après trente ans de néolibéralisme, la révolution est de nouveau à l’ordre du jour. Pour les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et les marxistes à travers le monde, les défis sont énormes, de même que les pièges dans lesquels les révolutions peuvent tomber.

    Néanmoins, nous avons de quoi être confiant au vu de l’attitude remarquable des jeunes et des travailleurs et leurs compétences politiques et organisationnelles. Cet impact ne peut être sous-estimé.

    La vague révolutionnaire partie de la région s’est très vite diffusée à d’autres pays. Même en Europe du Sud, nous avons vu comment les jeunes ont voulu ”copier” les révoltes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en allant jusqu’à tenter d’installer leurs propres places Tahrir. Même si ces protestations n’ont pas eu la même ampleur, on ne peut exclure que les jeunes et les travailleurs puissent apprendre à leur propre rythme et à travers leur propre expérience à s’organiser et qu’ils puissent déterminer l’agenda politique de l’Europe.

  • Ecole d’été du CIO : Révolution et Contre-révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

    Les vidéos des manifestations de masse, des grèves et des occupations, ainsi que des attaques violentes contre les travailleurs et la jeunesse ont ouvert la session consacrée aux révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Les images de la vague de lutte de masse partie de Tunisie et d’Egypte et s’étendant à toute la région contrastent avec celles du Président Sarkozy souhaitant longue vie à Ben Ali et du président Obama discutant amicalement avec Moubarak.

    Par David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et pays de Galles)

    Comme Robert Bechert l’a déclaré en présentant la discussion, certaines scènes se sont reproduites ces jours derniers. Les protestations au Caire ont à nouveau été attaquées par des bandits armés, illustrant ainsi que la lutte entre la Révolution et la contre-révolution est toujours bien présente.

    Les victoires initiales remportées en Tunisie et en Egypte ont prouvé que l’action de masse peut renverser des régimes autoritaires et répressifs. Des millions de travailleurs et de jeunes à travers le monde ont suivi ces événements en temps réel. L’impact international de ces luttes a été démontré quelques semaines seulement après la chute de Moubarak, quand un mouvement de masse a éclaté au Wisconsin, aux Etats-Unis, contre des attaques contre les syndicats. On pouvait y voir des pancartes et des banderoles faisant clairement référence aux luttes en Tunisie et en Egypte. Peu après, l’inspiration de ces mouvement a donné naissance au mouvement ‘‘Indignés’’ en Espagne, en Grèce et dans d’autres pays.

    Chaque révolution a ses caractéristiques propres, mais il existe toutefois des processus généraux que les marxistes doivent apprendre. Une stratégie claire est nécessaire, non seulement pour assurer la victoire finale pour la classe ouvrière, mais également à chaque étape de la lutte.

    La révolution tunisienne a pris la classe dirigeante par surprise. Les grèves générales se sont développées, les couches dirigeantes ont été prises de panique et se sont débarrassées de Ben Ali pour tenter de garder le contrôle de la situation. Moubarak a lui essayé de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens, et il était clair que l’occupation des places n’était pas suffisante pour le faire dégager. Le Comité pour une Internationale Ouvrière a défendu que le mouvement prenne des initiatives pour passer à l’offensive avec des marches vers les bâtiments gouvernementaux et une grève générale. Quand une vague de grève a commencé à se développer, la hiérarchie militaire, avec le soutien de l’impérialisme américain, a forcé Moubarak à démissionner. Dans ces deux pays, les vieux dirigeants ont été sacrifiés de sorte que la classe dirigeante puisse s’accrocher au pouvoir.

    L’explosion initiale de joie a temporairement masqué le fait que les vieux régimes étaient toujours bel et bien au sommet de la société. Mais l’obtention de droits démocratiques, même limités, a donné aux travailleurs les moyens de lutter pour de meilleures conditions de vie, dans l’ensemble de la Tunisie et de l’Egypte. Par ce processus, la confiance et la compréhension des travailleurs ont augmenté, approfondissant par la même le processus révolutionnaire. Mais comment la classe ouvrière et la jeunesse peuvent-elles tirer de complètes conclusions révolutionnaires de leurs expériences ? Comment peut-on construire un mouvement capable de totalement changer la société ? Ce sont là des questions auxquelles les marxistes doivent répondre.

    Le CIO essaye d’appliquer à la situation concrète actuelle les enseignements tirés des événements révolutionnaires du passé. La tâche à laquelle fait face la classe ouvrière n’est pas simplement de s’organiser, mais de parvenir au pouvoir, en tirant derrière elle les autres couches opprimées de la population.

    En Egypte, le pouvoir réel reste entre les mains du Conseil suprême des forces armées. La revendication croissante d’un véritable gouvernement civil est progressiste, mais pas si cela signifie un gouvernement capitaliste, qui entrerait ensuite en conflit avec la classe ouvrière. Le CIO s’oppose à toute organisation de travailleurs participant et collaborant à n’importe quel gouvernement reposant sur le capitalisme. Le mouvement ouvrier doit se battre et faire grève pour créer un gouvernement des travailleurs et des pauvres.

    Nous voyons déjà en Tunisie et en Egypte le sentiment croissant que le pouvoir est volé à la classe ouvrière, et que les travailleurs n’obtiennent pas ce qu’ils voulaient en entrant en lutte. Les changements de gouvernement ont été rapides en Tunisie, et les mobilisations de masse se sont succédées en Egypte, reflétant les différentes revendications du mouvement. Mais à ce stade, la clarté n’existe toujours pas concernant les objectifs du mouvement.

    Nécessité d’un programme

    Il est insuffisant de combiner une rhétorique révolutionnaire abstraite avec des revendications de type réformiste tout en refusant de mettre en avant la nécessité de renverser le capitalisme, comme le font quelques groupes de gauche. Il faut un programme capable de relier les nécessités quotidiennes à la nécessité cruciale de transformer fondamentalement la société, comme lors de la Révolution russe de 1917, quand le parti Bolchevique a combiné des slogans tels que ‘terre, pain, paix’ à ‘tout le pouvoir aux soviets’.

    Un autre élément auquel les marxistes doivent faire face est celui de la religion, face aux mouvements religieux qui ont émergé à côté des mouvements ouvriers. Tous ne sont pas identiques. Construire le soutien pour les idées socialistes signifie de mettre en relation les questions démocratiques et sociales. En même temps, les socialistes doivent éviter de s’adapter de façon opportuniste aux mouvements religieux. Les hésitations et virages des dirigeants des Frères Musulmans en Egypte vis-à-vis des récentes protestations sont une illustration des pressions contradictoires à la base de leur mouvement. L’Egypte montre également les possibles dangers des conflits sectaires. Des dangers de ce type, ou à caractère national, sont également présents dans d’autres pays. C’est d’ailleurs cette crainte qui a été instrumentalisée par le régime de Bachar el-Assad en Syrie pour tenter de rester au pouvoir. Le régime a effrayé les chrétiens et les autres minorités avec le spectre du conflit sectaire qui s’est développé en Irak afin de les pousser à soutenir le régime.

    Syrie et Libye

    Les soulèvements en Syrie et en Libye ne se sont pas développés comme en Tunisie et en Egypte. Les régimes d’Assad et de Kadhafi disposent d’une assise plus forte au sein de la société par rapport à Ben Ali et Moubarak. En Libye, cela est partiellement dû aux revenus du pétrole, qui ont donné aux travailleurs libyens un niveau de vie légèrement plus élevé que dans le reste de la région, en dépit du taux de chômage élevé. Kadhafi et Assad utilisent aussi la crainte de d’une intervention impérialiste et sioniste.

    En Libye, la révolte de la jeunesse s’est développée contre la corruption et la répression du clan dirigeant. Mais cela n’a pas immédiatement été suivi dans les mêmes proportions à l’ouest du pays, où vivent la majorité des Libyens. Au fur-et-à-mesure que la direction autoproclamée de l’opposition s’est adressée à l’impérialisme et a commencé à utiliser le vieux drapeau monarchiste, cela a aidé Kadhafi et a gêné la construction du soutien pour l’opposition à Tripoli et à l’ouest du pays. En Syrie, jusqu’ici, les protestations n’avaient pas encore affecté Damas et Aleppo, les deux plus grandes villes. Cela a toutefois maintenant commencé à changer, avec de grandes protestations à Aleppo. Si celles-ci pouvaient atteindre Damas, cela signifierait la fin du régime sous sa forme actuelle.

    L’impérialisme craint une division de la Syrie ‘‘à al yougoslave’’ en différents Etats séparés, ce qui déstabiliserait la région entière, cela ouvre la possibilité de négocier avec Assad. Seul un mouvement ouvrier uni peut passer au-delà des divisions ethniques et religieuses.

    Le bombardement de la Libye par l’OTAN ne constitue pas simplement une guerre pour le pétrole, mais aussi une guerre pour le prestige de l’impérialisme occidental. L’intervention militaire a provoqué de nombreuses discussions, certains à gauche reflétant l’opinion libérale selon laquelle ‘‘quelque chose devait être fait pour empêcher la répression de Kadhafi’’ et ont donc soutenu l’intervention militaire. Le Comité pour une Internationale Ouvrière s’était quant à lui inspiré de l’expérience des pays voisins de la Libye, où c’est la lutte de masse qui a renversé les dictatures, maintenant renforcée par la lutte croissante en Syrie. Un mouvement ouvrier indépendant possédant un programme indépendant pourrait conduire à la chute de Kadhafi et d’Assad. Avec l’adoption d’un programme socialiste, la possibilité est réelle de rompre avec l’impérialisme et de renverser le capitalisme. Les récents signaux selon lesquels la Grande-Bretagne, la France et d’autres puissances permettraient maintenant à Kadhafi de rester en Libye reflètent l’impasse militaire dans laquelle se trouve l’impérialisme et le contrôle que le régime exerce toujours à l’Ouest.

    Ailleurs dans la région, le soulèvement au Bahreïn a temporairement été réprimé par les troupes saoudiennes, sujet sur lequel très peu a été dit par les divers gouvernements impérialistes. De petites protestations ont eu lieu en Arabie Saoudite, qui pourraient se développer à l’avenir. Au Maroc, des manifestations ont également eu lieu contre le paquet de réformes du roi, pour dire qu’elles sont insuffisantes. L’Algérie reste marquée par son expérience de guerre civile, mais ne restera pas immunisée longtemps aux mouvements révolutionnaires qui envahissent la région.

    En Palestine, les protestations se sont développées aussi, tant contre le Hamas que le Fatah, les conduisant à conclure un pacte d’unité pour tenter de garder le contrôle de la situation. Au Liban se sont développées des protestations contre le sectarisme, mais la situation est également compliquée par les développements en Syrie. Même en Israël, les révolutions ont eu un effet, illustré par le mouvement de protestation et d’occupation de places (depuis lors, le pays a connu les plus grandes protestations de son histoire, NDLR).

    A la fin de son introduction, Robert a noté que presque chaque décennie du 20ème siècle a connu des révolutions. Pourtant, seule la révolution russe de 1917 a été réussie, en raison de l’existence d’un parti qui avait une idée claire ce qui était nécessaire, et de comment le faire. Les Bolcheviques ont ainsi pu gagner le soutien de masse de la classe ouvrière. Le capitalisme peut seulement être renversé par le mouvement conscient de la classe ouvrière, ce que vise à construire le CIO.

    Témoins de Tunisie et d’Egypte

    Deux orateurs de la région ont illustré les processus à l’oeuvre en Egypte et en Tunisie. Lors du Congrès Mondial du CIO qui s’est tenu en décembre 2010, nous avions prévu que la situation en Egypte était extrêmement tendue et pouvait conduire à des mouvements de masse, mais nous ne nous attendions pas à ce que cela éclate aussi rapidement. Maintenant Tantawi, le chef du Conseil suprême des forces armées en Egypte, prétend ‘‘préserver les gains de la révolution’’. Sous la pression des énormes manifestations qui se sont à nouveau développées et avec la réoccupation de la place Tahrir, le gouvernement a annoncé plus de concessions, comme celle de diminuer l’âge pour participer aux élections de 30 à 25 ans, d’assurer que la moitié au moins des membres du nouveau Congrès des Peuples seraient des ouvriers et des paysans, et de supprimer la loi d’exception si détestée (à l’exception des ‘bandits’).

    Ces annonces n’ont toutefois pas suffit à satisfaire les protestataires, qui veulent aussi la suppression de toute mention de la famille de Moubarak sur les lieux publics. Parallèlement, le gouvernement tente de limiter le mouvement en prenant, par exemple, des mesures antigrèves. Ces développements, combinés à la politique économique du gouvernement, signifient clairement pour les ouvriers que ce gouvernement est un gouvernement de la contre-révolution, pas de la Révolution. Quand les grèves commencent à se développer, le gouvernement et le Grand Capital clament haut et fort que cela fait reculer l’économie. La classe ouvrière va davantage entrer en conflit avec le gouvernement. Le lendemain de la chute de Moubarak, l’atmosphère était à l’unité entre l’armée et la population. Cela change actuellement, mais l’alternative n’est pas claire aux yeux des travailleurs.

    Les cinq principaux partis de gauche manquent de stratégie. Certains estiment même que les élections devraient être remises à plus tard, jusqu’à ce qu’un front populaire soit organisé, qui inclurait également des représentants des partis capitalistes. Le CIO met en avant la nécessité d’un front unique véritable des organisations des travailleurs et celle de la création d’un parti des travailleurs de masse.

    Un camarade tunisien a parlé, et a souhaité que tous les participants à l’école d’été puissent vivre de semblables développements révolutionnaires. Les racines de la lutte ne se situent pas dans ‘Facebook’, mais dans les luttes ouvrières de 2008, fortement réprimées. Mais le régime, en dépit de sa dureté, du contrôle des médias, de l’infiltration des syndicats et des mouvements étudiants, en dépit aussi du soi-disant ‘miracle économique’ a été incapable de contenir les contradictions croissantes dans la société. Toutes les forces politiques, à l’exception du Parti Communiste Ouvrier de Tunisie (de type maoïste) et d’une poignée de marxistes avaient signé un pacte avec Ben Ali après le coup de 1987.

    Mais ce régime qui paraissait invincible s’est décomposé. ‘‘Nous voulons renverser le système’’ était un slogan populaire, mais ce que cela signifie concrètement est bien peu clair aux yeux de beaucoup. Les travailleurs et les pauvres sont déterminés à défendre la révolution. Ils tentent dans les faits de réaliser la ‘‘révolution permanente’’, bien qu’ils n’aient jamais lu Trotsky.

    Le régime est toujours en place en dépit des changements opérés dans les ministères. Il fait campagne contre les grévistes, et les amis de Ben Ali dirigent toujours la fédération syndicale UGTT, qui doit être nettoyée par les syndicalistes.

    Le futur de la révolution tunisienne est important pour les travailleurs et les pauvres partout à travers le monde. L’unification de toutes les luttes dans le but de renverser le système est essentielle. C’est là la tâche des marxistes à travers tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

  • Ecole d’été du CIO : Kazakhstan, une situation explosive

    Le Kazakhstan actuellement des développements importants. Une grève de travailleurs du pétrole dure depuis plus de 2 mois, et cette situation de contestation se retrouve plus généralement dans le pays. Aujourd’hui, les masses du pays commencent à ne plus avoir peur, et un scénario ‘‘à la tunisienne’’ n’est pas à exclure pour les prochaines années.

    La grève des travailleurs de KazMunaiGas

    La grève a commencé dans une filiale de l’entreprise nationale de pétrole, décrite comme une entreprise nationale mais sous le contrôle d’un seul homme, le beau-frère du président Nazarbaïev, qui possède également d’autres entreprises dans le secteur. A la base, les travailleurs demandaient que l’entreprise respecte la législation sociale.

    Là où se trouvent les champs pétroliers, les conditions sont très pénibles. Ce sont des déserts où la température peut atteindre 40° l’été, et -40° l’hiver. Rien ne pousse dans la région, tout doit être acheminé, et les salaires permettent à peine de pouvoir acheter la nourriture, qui coûte très cher. Ces derniers mois, il y a eu plusieurs morts sur le site, mais la direction refuse de reconnaitre sa responsabilité. Elle envoie ainsi une lettre de licenciement à la famille pour s’assurer de n’être plus responsable.

    Dans un premier temps, les travailleurs ont écrit au président et à diverses autres personnes pour chercher un soutien, durant toute une année, mais sans résultat. Ils en sont donc arrivés à la conclusion qu’ils ne pouvaient compter que sur eux même. Les syndicats leur ont mis des bâtons dans les roues et, l’an dernier, un travailleur a même été passé à tabac sur ordre des responsables syndicaux. Cela été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase.

    Les travailleurs ont donc organisé leur propre conférence afin d’élire leurs propres délégués, mais les syndicats ont refusé de signer les papiers permettant de reconnaitre cette conférence. D’autre part, les travailleurs avaient transmis à la police toutes les informations relatives à l’agression, mais elle n’a rien fait. Finalement, la grève a éclaté le 17 mai dernier.

    Cette grève a été déclarée illégale, des grévistes ont été licenciés et leur avocat a même été arrêté sous l’accusation de vol de documents le jour même du déclenchement de la grève. Directement, els grévistes ont envoyé un piquet devant les locaux de la police, et un des travailleurs, accusé d’avoir organisé le piquet, a directement été arrêté lui aussi. L’un des syndicalistes arrêté est diabétique et, durant les premiers temps de son enfermement, on a refusé de lui donner de l’insuline, ce qui est considéré comme de la torture au regard du droit international. La seule manière de libérer ces camarades est que la grève soit victorieuse, car on ne peut rien attendre de la justice, totalement corrompue.

    Peu après le déclenchement de la grève, une usine d’une ville voisine est également partie en grève, en solidarité. Les travailleurs de cette entreprise avaient l’habitude des pratiques de la direction. Lors d’une grève précédente portant sur les salaires, leur dirigeant syndical avait été accusé de détention de drogue, un piège des plus grossiers. Ensuite, des sous-traitants sont eux-aussi entrés en grève en solidarité. Aujourd’hui, quelque 18.000 personnes sont impliquées dans la lutte, ce à quoi il faut encore ajouter les familles. La lutte se déroule dans conditions très dures. Beaucoup de grévistes sont licenciés, des maisons de grévistes sont brulées et l’un d’entre eux est décédé de crise cardiaque durant une action. Il y a quelques semaines, les femmes des grévistes ont manifesté et elles aussi ont dû subir une lourde et violente répression policière.

    Des travailleurs en lutte sont entrés en grève de la faim et après une semaine, quand la grève de la faim commence à avoir un sérieux impact sur le corps, on leur a refusé l’assistance médicale, ce qui n’est pas seulement illégal, mais aussi contre le serment d’Hippocrate. D’autres travailleurs ont toutefois décidé de rejoindre la grève de la faim et ont tenté d’installer des tentes devant l’hôtel de ville. Lorsque la police est intervenue, ils ont décidé de s’installer sur la route principale de la ville. La police a commencé à tenter d’arrêter tout le monde, et des grévistes ont alors ouvert leur ventre pour protester. La police a essayé d’assurer qu’aucune information ne circule au sujet du conflit, elle a donc aussi arrêté tous les journalistes. Il y avait un mariage non loin, et le caméraman a lui aussi été arrêté.

    Contrôle de l’information

    Ce n’est pas tr ès compliqué pour le régime de contrôler l’information, tout étant détenu par une seule personne: le beau-fils de Nazarbaïev. Les droits de l’Homme n’existent tout simplement pas dans le pays. Les travailleurs sont exploités comme des esclaves et la liberté de la presse ou la liberté de pensée est quasiment inexistante. L’essentiel des journaux sont aux mains de la famille présidentielle et, lorsqu’un journal indépendant essaie de se développer, il n’est pas rare que ses journalistes soient battus. Même les blogs sont bloqués, et le contrôle d’internet est intense. Une loi est même passée pour que chacun soit considéré comme un journaliste pour ce qu’il écrit sur internet, et puisse donc être passé en jugement et envoyé en prison. Dans celle-ci, les tortures sont monnaie courante. La situation qui y existe a été récemment dénoncée par un journaliste, qui connaissait particulièrement bien le sujet pour y été envoyé par deux fois, condamné par de fausses accusations.

    Les grévistes ont essayé de briser le contrôle de l’information, et une grande nouvelle est arrivée avec la déclaration du chanteur Sting. Sting a annulé un concert prévu en juin à Astana, la capitale du Kazakhstan pour protester contre la répression touchant les grévistes. Les organisateurs kazakh du concert ont quant à eux évoqué des "raisons techniques et d’organisation" pour expliquer cette annulation. Sting a notamment déclaré : ‘‘Des grèves de la faim, des travailleurs emprisonnés et des dizaines de milliers (de personnes) en grève représentent un piquet de grève virtuel que je n’ai nullement l’intention de franchir.’’ Cela et d’autres choses ont permis que toute la population du pays soit désormais au courant de ce qui se passe. Mais le gouvernement déclare toujours qu’il ne se passe rien de grave.

    Cette attitude est typique du régime. Pendant 20 ans, celui-ci a assuré que l’activité du président avait grandit le pays, contre toute logique puisque, dans les faits, tout a été détruit. Toutes les entreprises qui avaient été laissées après la chute de l’URSS ont été détruites. C’est toute la production basée sur la transformation qui a disparu, et seule l’extraction de matières premières a été soutenue. Ce pays très riche, aux ressources naturelles énormes, a connu une désindustrialisation, et tous les bénéfices ont été directement orientés vers les poches de la famille du président Nazarbaïev.

    Un pays aux ressources naturelles gigantesques

    Quant à l’extraction de pétrole, elle n’obéit qu’à une vision à très court terme, où on pompe tout maintenant, sans penser aux conséquences pour le lendemain. On trouve aussi de l’uranium dans le pays, mais toute l’extraction s’effectue à ciel ouvert, sans tenir compte des effets dangereux sur la population. L’extraction de charbon s’effectue aussi à ciel ouvert et quand le filon est épuisé, ils repartent en laissant le trou béant. Un des très bons amis du président est le géant de l’acier Mittal, et, là comme ailleurs, les bénéfices gigantesques s’expliquent par les très bas salaires, le manque totale de protection et le déni de la moindre règle de sécurité. Dans les mines, il est commun pour les travailleurs de se demander : le coup de grisou sera-t-il pour aujourd’hui ou pour demain ? De fait, les décès sont fort nombreux. Uniquement l’an dernier, pas moins de six explosions ont eu lieu dans les mines.

    Le Kazakhstan est un pays gigantesque, équivalent à la surface de l’Europe Occidentale, mais avec une population de 15 millions de personnes environ. Selon BP, le pays abrite 3% des réserves mondiales connues de pétrole, et 1% des réserves mondiales de gaz. Ces ressources naturelles attirent bien entendu une grande convoitise, et il n’est dès lors pas surprenant de voir que les puissances étrangères se taisent sur les actes du régime, et vont même jusqu’à considérer que le Kazakhstan est une démocratie ! En 2010, le président Nazarbaïev a même été nommé à la tête de la présidence tournante de l’OSCE (Organization for Security and Cooperation in Europe, l’Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe). Pourtant, à l’occasion des élections de 2005, la même OSCE avait critiqué le caractère non-démocratique de celles-ci… Le pays est aussi une des clés des jeux géopolitiques de la région, c’est l’arène de conflits d’intérêts entre les USA, l’Union Européenne, la Chine et la Russie.

    Un pays taillé sur mesure pour une seule famille

    Le pays ne comprend pas de logements sociaux, et les logements normaux sont extraordinairement chers. La population doit emprunter à des taux mirobolants afin de pouvoir se loger. Quand la crise économique a frappé le Kazakhstan, les banques ont rencontré de grands problèmes et il a fallu les sauver. Par contre, pas le moindre centime n’a été dépensé pour soutenir les familles endettées. La question d’organiser la défense de la population est sans cesse plus cruciale face aux taux hypothécaires trop élevés,… Maintenant, les banques procèdent à des expulsions en laissant les gens à la rue. Un des dirigeants du mouvement ‘‘Touche pas à nos logements’’ est actuellement menacé d’emprisonnement, la police tente de le condamner avec des charges criminelles. Un peu plus tôt, sa voiture avait été sabotée, on avait trafiqué sa pédale de frein et le frein à main.

    En fait, une seule famille est défendue et protégée dans le pays : celle du président, au pouvoir depuis plus de vingt ans. La constitution du pays a d’ailleurs été écrite par le président lui-même et, en mai 2010, ce dernier a à nouveau modifié la constitution pour y introduire la notion de ‘‘chef de la nation’’, ce dernier étant immunisé de toute poursuite, cette immunité étant à vie et même étendue à sa famille. Exemple illustratif : un des beaux-fils de la famille présidentielle tient un night club dans la capitale. Un soir, il a été tabassé par un client trop saoul, une quarantaine de policiers ont ensuite été licenciés pour ne pas avoir assez bien assuré la protection de la famille du président.

    Une des principales caractéristiques du régime est la concentration énorme de richesses aux mains du clan Nazarbaïev, combinée à l’héritage du stalinisme en termes de culte de la personnalité et de népotisme (il a été président du Conseil des ministres de la République socialiste soviétique kazakhe de 1984 à 1989 et premier secrétaire du Parti communiste kazakh de 1989 à 1991).

    Nazarbaïev s’est maintenu au pouvoir en falsifiant les votes, mais pas seulement. Maintenant, la falsification touche également le taux de participation aux élections, car plus personne ne veut aller voter. La blague est célèbre dans le pays ; aux prochaines élections, le taux de participation sera de 102%… Lors des élections d’avril 2011, Nazarbaïev a été réélu dès le premier tour avec 95,55 % de suffrage pour un taux de participation de 89,99%. Trois candidats étaient en lice, les deux ‘‘opposants’’ au président étant en fait là pour faire de la figuration. L’organisation de défense du droit au logement a manifesté dans la capitale à 200 personnes pour revendiquer de présenter un candidat, mais ces 200 personnes ont directement été arrêtées. Quant aux résultats électoraux, qui rappellent ceux dont se revendiquaient Moubarak ou Bel Ali, un de nos camarades qui était observateur durant ces élections a pu concrètement voir comment parvenir à un tel ‘‘soutien’’…

    Pour êtres crédibles, les élections devaient au moins obtenir 4 millions de votants. Le régime a donc forcé les gens à aller voter ou utilisé des subterfuges, comme d’envoyer des bus ‘‘d’électeurs’’ d’un bureau de vote à l’autre pour y voter, remonter dans le bus, et se diriger à un autre bureau. Dans le bureau de vote où le camarade était, il a peut-être vu 100 personnes passer voter, mais en fin de journées, plus de 1000 personnes s’étaient officiellement déplacées au vu du nombre de bulletins… Dans certaines usines, les travailleurs recevaient 25 à 30 euros de bonus (une somme énorme par rapport aux salaires) pour aller voter pour le président tandis que les étudiants qui n’allaient pas voter étaient menacés de ne plus pouvoir suivre leurs études.

    Le rôle de la jeunesse

    D’année en année, on observe une diminution du nombre d’étudiants. La loi sur la refonte de l’enseignement supérieur tient à assurer que l’enseignement supérieur sera entièrement privatisé d’ici quelques années, et que seuls les très riches pourront y assister. Le régime part du principe que des gens éduqués risquent de trop réfléchir et de commencer à s’opposer à lui. D’ailleurs, pour les jeunes qui ont reçu une instruction et qui ne font pas partie des cercles dirigeants, il est très difficile de trouver un emploi ou un logement.

    On trouve de plus en plus de jeunes dans la capitale, comme l’économie rurale s’effondre et que l’exode vers les villes est gigantesque. Le pays est couvert de villes fantômes où personne n’habite plus. Tous les subsides sont consacrés à Astana, la capitale, les autres villes ne recevant rien. A ce rythme, d’ici quelques années, le pays sera vide, à l’exception des zones d’extraction de matières premières et des deux grandes villes ; Alma-Ata et Astana, gigantesque capitale futuriste qui, comme Las Vegas, ne sera bientôt plus qu’un point lumineux dans le désert.

    La jeunesse se rend de plus en plus compte qu’elle n’a pas d’avenir avec le régime, cette colère commence à se transformer en conscience politique. Lorsque nos camarades ont visité les grévistes du pétrole, des travailleurs leur ont dit : nous avons près de 10.000 jeunes chômeurs ici, voulez-vous nous aider à les organiser ?

    Il est très difficile de dire quand, mais il est certain que le moment où la jeunesse va se soulever dans le pays est assez proche. Les capitalistes ne résoudront jamais les problèmes de la population, ils ne cherchent même pas à légèrement les atténuer, aveuglés par leur soif de profits à court terme.

    Potentiel révolutionnaire

    Actuellement, l’Etat s’attaque très durement à nos camarades. Notre organisation voit son influence grandir car la population est de plus en plus dégouttée par le ‘‘travail’’ de l’opposition officielle et, par contre, ils peuvent voir quelles actions nous menons, à la fois avec notre section dans le pays (soutien actif aux luttes pour défendre les logements, soutien actif aux grèves et à leur organisation,…) ainsi qu’avec notre internationale (plusieurs visites de camarades, visite du député européen du CIO Joe Higgins l’an dernier et celle de son remplaçant Paul Murphy cette année,..).

    Dans le cas des grévistes du secteur pétrolier, nous avons pris l’initiative d’un comité de soutien national, dont une des principales tâches est de récolter du soutien financier pour les grévistes. Nous essayons d’impliquer le plus de monde dans ces comités, y compris des artistes et des chanteurs. Un photographe européen reconnu a déjà vendu plusieurs photos pour soutenir financièrement les familles des grévistes, tandis que de nombreux groupes rock ont déclaré soutenir la grève et sont en train d’organiser un concert de soutien.

    Cette grève est de la plus haute importance, et nous devons assurer de tout mettre en œuvre pour assurer sa victoire. Il y a de grandes chances pour que les mineurs partent eux aussi en lutte en cas de victoire de leurs camarades du pétrole, et cela pourrait enclencher un processus de luttes de grande ampleur dans le pays. Et contrairement à la Tunisie ou à l’Egypte, le CIO aura des forces actives et reconnues dès le début du processus révolutionnaire. Bien évidemment, nous devons aussi penser à la possibilité d’une défaite à cause d’une trop grande répression durant trop longtemps, à cause du manque d’expérience des dirigeants des grévistes pour tenir suffisamment longtemps dans ce contexte extrêmement tendu,… Le gouvernement utiliserait cet élément décourageant, qui pourrait faire taire la contestation sociale pendant un certain laps de temps. Mais, pour revenir à l’expérience de la lutte de Gafsa en Tunisie, la défaite a néanmoins constitué une expérience très riche pour la suite. Le potentiel est véritablement présent pour une explosion à caractère révolutionnaire dans le pays.

    Bien entendu, le régime est parfaitement au courant du danger qu’il court, lui aussi regarde vers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, mais avec effroi. Un des leviers sur lequel il peut jouer est celui de la composition ethnique du pays. Le Kazakhstan est la dernière république à avoir déclaré son indépendance de l’URSS, et la seule où l’ethnie locale n’était pas majoritaire dans le pays. Depuis lors, Nazarbaïev a tenté de susciter le développement d’un sentiment national dans le pays, et beaucoup de Kazakhs sont revenus dans le pays, tandis que des Russes ou membres d’une autre nationalité sont repartis. Le sentiment national est un outil pour détourner l’attention des gens des problèmes sociaux et, en période de crise sociale aigüe, cela restera un des derniers recours du régime.

    Les Kazakhs sont favorisés pour postes dans services publics alors que, dans beaucoup d’entreprises, les Kazakhs ont des postes subalternes par rapport aux autres ethnies ou aux travailleurs d’origine étrangère. Les entreprises chinoises sont par exemple de plus en plus présentes dans le pays. Mais elles arrivent avec leurs propres travailleurs qualifiés, tandis que les travailleurs locaux n’ont que des postes subalternes, mangent dans une cantine différente,… Les travailleurs étrangers sont de façon générale mieux payés, d’autant plus que les attaques dans l’enseignement supérieur entraînent une pénurie de main d’œuvre qualifiée dans le pays, compensée par l’arrivée de techniciens étrangers. La ségrégation est réelle, fort pesante, et peut en dernier recours être utilisée par le régime pour détourner une contestation sociale en une contestation de type nationaliste.

    Il y a bien entendu également la question de la répression, particulièrement féroce. Nos camarades y font régulièrement face, comme en ont témoignés les nombreux appels à la solidarité que l’ont a pu voir sur le site du CIO (socialistworld.net) ou sur celui-ci. Il sera nécessaire pour le CIO de renforcer cette campagne de solidarité avec nos camarades kazakhs ainsi qu’avec les travailleurs en lutte dans ce pays, par exemple en organisant des protestations devant des sites ou des sièges d’entreprises occidentales qui profitent de la situation sociale du Kazakhstan pour augmenter leurs profits (GAP, Zara, Metro,…). C’est particulièrement vrai dans le cas de la Grande-Bretagne. En décembre dernier, une délégation officielle s’est rendue au Kazakhstan, et le Prince Andrew a lui-même traité avec les oligarques liés au régime. Des entreprises telles que British Gaz ont des intérêts dans le pays.

    Au Kazakhstan même, nous devons orienter nos efforts pour éviter qu’un changement de régime se résume à dégager Nazarbaïev. Un autre prétendant pourra essayer de se profiler pour sauver le régime capitaliste. Si Nazarbaïev est renversé, ou s’il décède et que sa succession n’est pas assurée (les rumeurs concernant l’état de santé du président sont nombreuses), l’impérialisme pourrait changer de tactique et peser de tout son poids pour hâter l’avènement au pouvoir d’un des partis d’opposition officiels, qui font tous partie de l’oligarchie qui détient l’économie entre ses mains. On assisterait alors à des privatisations massives dans les secteurs du pétrole et du gaz, ou une bonne partie de la production reste aux mains de l’Etat (et dans les mains de la famille du président dans les faits), d’où l’importance de revendications tells que le contrôle de la production par les travailleurs. Il est aussi possible que les explosions sociales se développent et se prolongent, et que le régime soit capable de gérer une transition post- Nazarbaïev, mais cela devra absolument être accompagné d’une répression féroce du mouvement des travailleurs.

    Là aussi, l’expérience révolutionnaire de Tunisie ou d’Egypte doit être regardée : il faut essayer de peser pour que la lutte ne soit pas simplement orientée vers le sommet de la pyramide, mais vers la pyramide elle-même, en amenant la question d’une société socialiste démocratique.

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