Your cart is currently empty!
Tag: Égypte
-
Syrie : Le massacre de Houla augmente la crainte d’une véritable guerre civile
Le meurtre de 108 personnes près de la ville syrienne de Houla a interpelé et choqué dans le monde entier. Le meurtre de 49 enfants, dont beaucoup ont été tués à bout portant, est particulièrement odieux. Les tensions sectaires alimentées par cet acte barbare font planer la terrible menace d’un glissement vers un conflit plus large et d’une véritable guerre civile. Comme toujours, les travailleurs et les pauvres en souffriront le plus. En lutte contre le régime brutal de Bachar El Assad, la classe ouvrière doit s’opposer au sectarisme et à l’intervention impérialiste
Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière
Depuis 15 mois maintenant, des manifestations massives ont lieu dans beaucoup d’endroits de Syrie contre le règne dictatorial de la famille Assad, qui dure depuis plus de 40 ans. A l’origine, ces protestations se sont déroulées dans le cadre des révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Mais en l’absence d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière dirigeant la lutte et avec de plus en plus d’intervention dans la région de la part de régimes réactionnaires tels que ceux du Qatar et d’Arabie Saoudite ainsi que l’ingérence impérialiste, le conflit syrien a de plus en plus adopté un caractère de guerre civile teinté de sectarisme.
Les puissances occidentales, en particulier les USA, la Grande Bretagne et la France, ont été rapides à condamner les atrocités de Houla. Elles ont fait reporter tout le poids de la faute sur le régime syrien du président Bachar el-Assad, qui décline de son côté toute responsabilité. Il est certain que beaucoup de témoins et de survivants accusent les forces armées syriennes et les gangs de Shabiha (qui peut se traduire par ‘‘bandits’’), qui massacrent et enlèvent régulièrement les opposants. Les investigateurs de l’ONU ont dit qu’il y a des indices que les Shabiha aient accompli au moins une partie de la tuerie des 25 et 26 mai.
Les accusations des puissances impérialistes sont toutefois profondément hypocrites et écœurantes. Des centaines de milliers de civils ont perdu la vie en Irak comme en Afghanistan du fait de l’invasion occidentale et de l’occupation. Dans le cadre de leur quête de pouvoir, d’influence et de contrôle des ressources, des attaques aériennes impérialistes de drones ont quotidiennement lieu au Pakistan, en Somalie et au Yémen. Le lendemain du massacre de Houla, une attaque de l’OTAN dans l’est de l’Afghanistan a déchiqueté les 8 membres d’une famille.
Les puissances occidentales justifient l’utilisation de la force militaire en déclarant attaquer des cibles ‘‘terroristes’’, ce qui est une rhétorique similaire à celle de la dictature de Bachar el-Assad. Dans les deux cas, ces attaques au hasard, approuvées par l’Etat, équivalent à des exécutions sommaires et à de potentiels crimes de guerre.
Environ 15.000 personnes sont mortes en Syrie, majoritairement des mains de l’armée Syrienne et des forces pro-Assad, depuis l’insurrection de mars 2011. Mais sous le mandat d’Obama, plus de 500 civils ont été tués par des attaques aériennes dans le seul Pakistan, dont 175 enfants.<p
A couteaux tirés
Les USA, appuyant l’opposition syrienne, et la Russie, soutenant le régime d’Assad, sont de plus en plus à couteaux tirés à mesure qu’empire la situation du pays. Cela se traduit par des conflits au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la manière de traiter la dossier syrien.
La Russie et la Chine ont voté contre les résolutions anti-Assad soutenues par les USA, la Grande Bretagne et la France. Malgré cette rhétorique, les positions des USA et de la Russie n’ont rien à voir avec la situation critique du peuple Syrien. Elles sont liées aux intérêts de leurs classes dominantes respectives et à celles de leurs plus proches alliés.
Les USA, la Grande Bretagne et la France ont clairement affirmé qu’ils veulent la fin du régime d’Assad. Depuis longtemps, ils le considèrent comme un obstacle à leurs intérêts impérialistes dans la région. Ils veulent à sa place un gouvernement docile et pro-occidental. Suite aux révolutions de l’année dernière qui ont renversé deux alliés cruciaux de l’occident dans la région – Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte – les puissances impérialistes sont déterminées à s’assurer que la révolte populaire en Syrie ne dépasse pas des barrières de ‘‘l’acceptables’’ (c’est-à-dire vers une position d’indépendance de classe) et qu’elle reste à l’avantage des impérialistes.
Les USA instrumentalisent l’échec du ‘‘plan de paix’’ de Kofi Annan (émissaire conjoint de l’Organisation des Nations unies et la Ligue arabe sur la crise en Syrie ) pour menacer d’entrer en action ‘‘en dehors du plan Annan’’ et de l’autorité du Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec le soutien des plus proches alliés dans le conflit Syrien ; la Grande Bretagne et la France. Cela rappelle l’infâme coalition militaire menée par George Bush et Tony Blair qui a envahi l’Irak en toute illégalité.
D’un autre côté, la Russie considère le régime d’Assad comme un allié crucial dans la région, un allié qui lui offre un accès à un port de Méditerranée. Le ministre russe des affaires étrangères a ainsi indiqué qu’il pourrait être préparé à mettre en œuvre ce qu’il appelle la ‘‘solution Yéménite’’, c’est-à-dire qu’Assad soit renversé alors que la plupart de la structure de son régime resterait en place. Cette solution est calquée sur un plan de la Ligue Arabe au Yémen, où le président Ali Abdullah Saleh a perdu le pouvoir en février 2012, après des mois de manifestations massives.
Le Kremlin est cependant fermement opposé à toute intervention militaire occidentale, en particulier après l’expérience amère du conflit libyen l’an dernier. La Russie soutenait une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU basée sur la constitution d’une zone d’exclusion aérienne, une ‘‘no-fly-zone’’. Mais les puissances occidentales ont utilisé cette résolution pour permettre une intervention armée de l’OTAN en Lybie, déviant la révolution de sa trajectoire, renversant le régime du Colonel Kadhafi et, selon leurs propres termes, installant un régime pro-occidental.
L’OTAN
Bachar el-Assad ne semble pas prêt de perdre le pouvoir ou d’être placé devant le risque imminent d’un coup d’Etat. Alors que la Syrie est frappée par des sanctions économiques, une part significatrice de la population dont beaucoup d’hommes d’affaires sunnites, n’ont pas encore catégoriquement rompu leurs liens avec le régime. Damas parie aussi sur le fait que l’Ouest serait incapable de mener une intervention militaire directe du type libyen.
Le ministre des affaire étrangères britannique, William Hague, a récemment menacé qu’aucune option ne puisse être écartée dans le traitement de Bachar el-Assad, laissant entendre la possibilité d’une action militaire occidentale. Mais l’attaque de l’OTAN contre la Lybie l’an dernier ne peut pas tout simplement être répétée en Syrie, un pays qui possède une population beaucoup plus élevée et dont les forces d’Etat sont, selon les experts militaires, plus puissantes, mieux entrainées et mieux équipées.
Assad a à sa disposition une armée de 250.000 personnes, en plus de 300.000 réservistes actifs. L’an dernier, l’OTAN a été capable d’envoyer des milliers de missions aériennes et de missiles sur la Lybie sans rencontrer de réelle résistance. Mais la Syrie possède plus de 80 avions de chasse, 240 batteries anti-aériennes et plus de 4000 missiles sol-air dans leur système de défense aérien. Les stratèges militaires occidentaux admettent qu’une invasion du pays demanderait un effort monumental. Leurs troupes seraient irréductiblement embourbées dans de larges zones urbaines hostiles.
Quant aux diverses propositions visant à aider la population et à affaiblir le régime Syrien sans offensive militaire directe (‘‘corridor humanitaire’’, ‘‘zone d’exclusion aérienne’’,…), elles exigent tout de même des opérations militaires offensives.
Chaque ère protégée devraient très certainement être sécurisés avec des troupes au sol, qu’il faudrait ensuite défendre contre des attaques, ce qui exigerait l’envoi de forces aériennes. Les stratèges britanniques de la défense admettent qu’une action militaire quelconque contre la Syrie ‘‘conduirait presqu’inévitablement à une guerre civile encore plus aigüe et sanglante.’’
De plus, la composition complexe de la Syrie (une majorité sunnite avec des minorités chrétienne, alaouite, druze, chiite, kurde et autres) entraîne le risque de voir l’intervention militaire occidentale déclencher une véritable explosion dans la région, sur bases de divisions ethniques et sectaires.
Même sans une intervention occidentale directe, la Syrie continue de glisser vers une guerre civile ‘‘à la libanaise’’. L’implication directe des régimes locaux de droite et des puissances mondiales qui soutiennent soit l’opposition, soit le régime, encourage cela.
Les puissances sunnites réactionnaires de la région, avec à leur tête l’Arabie Saoudite et le Qatar, utilisent la crise syrienne pour appuyer leur position contre les régimes chiites. Avec le soutien des USA et d’Israël, les régimes sunnites s’opposent à l’Iran, le plus important allié de la Syrie dans la région.
Il apparait que la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar et les autres Etats du Golfe, chacun suivant son plan, acheminent des fonds et des armes à l’opposition Syrienne, avec le soutien tacite des USA. Une base de passage à la frontière existe même depuis la Turquie. Les forces d’opposition armée disent avoir tué 80 soldats syriens le weekend du début du mois de juin. En même temps, un commandant en chef des Gardiens de la Révolution en Iran a récemment admis que les forces iraniennes opèrent dans le pays pour soutenir Assad.
Patrick Cockburn, le journaliste vétéran du Moyen-Orient, a écrit que les rebelles armés ‘‘pourraient probablement commencer une campagne de bombardement et d’assassinats sélectifs sur Damas’’ (Independent, dimanche 03/06/12). Le régime d’Assad riposterait en ayant recours à des ‘‘sanctions collectives’’ encore plus sauvages. Damas serait ‘‘ victime de la même sorte de haine, de peur et de destruction qui ont ébranlé Beyrouth, Bagdad et Belfast au cours de ces 50 dernières années.’’
Le sectarisme s’approfondit. La minorité chrétienne craint de subir le même sort que les chrétiens d’Irak, ‘‘ethniquement purgés’’ après l’invasion américaine de 2003. Le régime d’Assad exploite et alimente cette peur pour se garder une base de soutien dans la minorité chrétienne, ainsi que chez les Alaouites, les Druzes et les Kurdes. Les USA, la Grande Bretagne, la France et l’Arabie Saoudite et leurs alliés sunnites dans la région ont utilisé sans scrupules la carte du sectarisme pour défendre un changement de régime à Damas et pour leur campagne contre l’Iran et ses alliés. Tout cela a des conséquences potentiellement très dangereuses pour les peuples des Etats frontaliers et dans toute la région.
Le conflit Syrien s’est déjà déployé au Liban frontalier, où le régime d’Assad a le soutien du Hezbollah, qui fait partie de la coalition gouvernementale. Le conflit entre les sunnites et les alaouites pro-Assad dans la ville de Tripoli au Nord du Liban a fait 15 morts en un weekend. Ces dernières semaines, le conflit s’est dangereusement exporté à Beyrouth, faisant craindre la ré-irruption d’un conflit sectaire généralisé au Liban.
La classe ouvrière de Syrie et de la région doit fermement rejeter toute forme de sectarisme et toute intervention ou interférence impérialiste.
Intervention
L’insurrection de mars 2011 en Syrie a commencé par un mouvement authentiquement populaire contre la police d’Etat d’Assad, l’érosion des aides sociales, les degrés élevés de pauvreté et de chômages et le règne de l’élite riche et corrompue.
En l’absence d’un mouvement ouvrier fort et unifié avec un programme de classe indépendant, les courageuses manifestations massives semblent avoir été occultées et dépassées par des groupes d’oppositions armés et hargneux. Alors que beaucoup de Syriens restent engagés pour un changement révolutionnaire et résistent à la provocation sectaire, de plus en plus de dirigeants de ces forces sont influencés par les régimes réactionnaires de la région et par l’impérialisme.
Les combattants islamistes de la province irakienne d’Anbar, de Lybie et d’ailleurs ont rejoint l’opposition armée libyenne. Une attaque à la voiture piégée à Damas qui a tué un nombre de personnes record en mai dernier est largement reproché aux combattants de l’opposition liés à Al-Qaeda.
Le Conseil National Syrien (CNS), un groupe d’opposition exilé, demande une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies autorisant l’usage de la force contre Assad, ce qui paverait la voie à une intervention armée, à l’instar de la Lybie.
Alors qu’une grande partie du peuple libyen est dans une situation désespérée et que certains peuvent sincèrement espérer une intervention militaire extérieure, les évènements en Lybie illustrent que l’implication de l’OTAN ne conduit ni à la paix, ni à la stabilité. Le nombre de morts a connu une percée après que l’OTAN ait commencé ses attaques aériennes sur la Lybie, se multipliant par 10 ou 15 selon les estimations. Le pays, ruiné par la guerre, est maintenant dominé par des centaines de milices en concurrence qui dirigeants des fiefs.
Environ 150 personnes sont mortes dans un conflit tribal dans le sud de la Lybie en mars, et le weekend dernier, une milice a temporairement pris le contrôle du principal aéroport du pays. La supposée administration centrale du pays (le Conseil National de Transition, non-élu et imposé par l’Occident) a sa propre milice, le Conseil Suprême de Sécurité, fort de 70.000 hommes. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise et pro-impérialiste en Syrie cherchent sans doute à être mis au pouvoir d’une manière similaire par le pouvoir militaire occidental.
Révolutions
Cependant, la menace d’une intervention impérialiste en Syrie et l’implication de plus en plus forte des régimes réactionnaires Saoudiens et Qataris n’ont aucune raison de soutenir le régime d’Assad. Pour les socialistes, l’alternative a été clairement montrée lors des révolutions de l’année dernière en Tunisie et en Egypte, ainsi qu’aux débuts de la révolte syrienne en 2011.
Elles ont illustré que c’est le mouvement massif et unifié des la classe ouvrière et des jeunes qui est capable de renverser les despotes et leurs régimes pour engager la lutte pour un changement réel aux niveaux politique et social. La reprise du mouvement révolutionnaire en Egypte, suite à l’issue injuste du procès de Moubarak et de ses sbires, souligne que ce n’est que par un approfondissement de l’action de masse du fait de la classe ouvrière et des jeunes qu’il peut y avoir un véritable changement.
Les travailleurs de Syrie, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, ont le droit de se défendre eux-mêmes contre la machine d’Etat d’Assad et contre toutes les milices sectaires. Les véritables socialistes, basés sur les traditions du marxisme révolutionnaire, appellent à la constitution immédiate de comités de défense indépendants, démocratiquement élus et contrôlés par les travailleurs, pour défendre les manifestations, les quartiers et les lieux de travail.
Cela doit être lié à une nouvelle initiative de la classe ouvrière en Syrie, construisant des comités d’action dans toutes les communautés et les lieux de travail, en tant que base pour un mouvement indépendant des travailleurs.
L’une de ses tâches serait d’enquêter indépendamment sur les responsables de la tuerie de Houla et de tous les autres massacres et assassinats sectaires. Cela montrerait aussi le rôle du régime d’Assad et de ses milices, ainsi que celui des puissances voisines et impérialistes.
Comme partout, les Nations Unies sont incapables, à cause de leur asservissement aux principales puissances mondiales, d’empêcher les atrocités contre les civils ou de résoudre les conflits armés dans l’intérêt de la classe ouvrière.
Suite au massacre de Houla, les grèves de ‘‘deuil’’ ont éclaté dans certains endroits de la Syrie. Les manifestations contre Assad continuent dans certaines villes, dont à Damas. Il est crucial que de telles manifestations prennent un caractère anti-sectaire et pro-classe ouvrière. Un mouvement de la classe ouvrière en Syrie développerait les manifestations de travailleurs, les occupations de lieux de travail et les grèves, dont des grèves générales, pour rompre avec le sectarisme et lutter pour le renversement du régime d’Assad. Un appel de classe aux soldats pauvres du rang à s’organiser contre leurs généraux, à se syndiquer et à rejoindre les manifestants, pourrait diviser les forces d’Etat meurtrières et les neutraliser.
Les travailleurs syriens de toutes religions et ethnies ont besoin d’un parti qui leur est propre, avec une politique socialiste indépendante. Un tel parti avec un soutien massif peut résister avec succès au sectarisme et aux politiques empoisonnées du diviser pour mieux régner d’Assad, des régimes sunnites et chiites de la région et de l’impérialisme hypocrite.
Un programme socialiste – appelant à un contrôle et une gestion démocratiques de l’économie par les travailleurs pour transformer les conditions de vie, créer des emplois avec des salaires décents et une éducation, la santé et les logements gratuits et de qualités – inspirerait les travailleurs et les jeunes à rejoindre le camp de la révolution.
Sous un drapeau authentiquement socialiste, en opposition aux forces prétendument ‘‘socialistes’’ qui soutiennent le régime dictatorial de Bachar el-Assad, la révolte populaire contre le régime syrien appellerait les travailleurs de la région à étendre la révolution.
En liant ensemble les mouvements révolutionnaires qui ont lieu en Syrie, en Tunisie, en Egypte et ailleurs en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sur base d’un programme d’orientation socialiste, où les secteurs clés de l’économie seraient aux mains des masses, la classe ouvrière pourrait dégager les tyrans et porter de puissants coups au capitalisme pourri et à l’ingérence impérialiste. Cela pourrait se transformer en une lutte pour une confédération socialiste volontaire et équitable du Moyen-Orient, dans laquelle les droits de toutes les minorités seraient garantis.
-
Egypte : Le candidat aux présidentielles le plus identifié à la révolution remporte 22% des voix
Le premier tour des élections présidentielles égyptiennes (les 23 et 24 mai dernier) ont placé en tête Mohamed Morsi, le candidat du Parti de la liberté et de la justice (la vitrine politique des Frères Musulmans). Avec ses 25%, il se place un pourcent devant Ahmed Chafik, qui fut le dernier premier ministre du président déchu Hosni Moubarak. La révolution commencée le 25 janvier 2011 fait-elle marche arrière ? Les résultats illustrent au contraire qu’elle peut bien avoir dévié, mais qu’elle ira à nouveau de l’avant. Le gagnant de ces élections est en fait le principal perdant de celles-ci !
David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de galles)
Au Caire, à Alexandrie et dans d’autres villes et villages, des manifestations de masse ont suivi l’annonce des résultats. Des centaines de personnes ont notamment pris d’assaut le QG de campagne de Chafiq au Caire afin d’y mettre le feu. Mais ces manifestations de colère n’auraient pas seulement été dirigées contre Chafik, mais également contre le candidat des Frères Musulmans.
Les Frères Musulmans (FM) ont obtenu dix millions de voix (soit 47%) à l’occasion des récentes élections législatives tenues il y a quelques mois à peine. Mais cette fois, Morsi n’a pu compter que sur un peu plus de cinq millions de votes (25%). Il était en fait le second choix des Frères Musulmans pour les représenter, puisque leur premier choix, Khairat al-Chater, a été disqualifié pour cause de condamnation sous le régime Moubarak. Al-Chater est l’un des plus riches hommes d’affaires d’Egypte, ce qui constitue en soi une excellente indication de la vision des choses adoptée par la direction des Frères Musulmans et de ce que doivent en attendre les travailleurs et les pauvres.
Lors des élections législatives, le parti des ultra-conservateurs salafistes, Al-Nour, avait recueilli 24% des voix. Leur candidat, Hazem Abu Ismail, a également été disqualifié pour les présidentielles en raison de la double nationalité américaine de sa mère. Un candidat qui avait fait défection des Frères Musulmans et s’est présenté comme un indépendant en faisant appel aux libéraux laïques, Abdel Moneim Aboul El-Fotouh, a obtenu 18% des voix – beaucoup moins que prévu dans les sondages. Il avait gagné le soutien des salafistes, ce qui lui a probablement fait perdre le soutien d’autres couches qui espéraient de lui qu’il comble le fossé entre les partisans islamistes et laïques de la révolution.
Un autre candidat avait été mis en avant dans les sondages ; l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, qui a terminé cinquième avec 11% des suffrages. Il était l’un des favoris de l’establishment, avec juste ce qu’il fallait d’opposition pour être en mesure de prétendre soutenir la révolution du 25 janvier. Moussa et Aboul Fotouh étaient considérés comme les deux principaux candidats, jusqu’à un débat télévisé qui semble leur avoir fait perdre du soutien à tous les deux!
La croissance rapide du candidat de gauche
Les deux candidats qui ont fait mieux que prévu ont été Chafiq, un vestige de l’ancien régime, et Hamdine Sabahi. Parmi les principaux candidats, Hamdine Sabahi était le plus identifié à la révolution. Il a reçu 22% des suffrages, c’est-à-dire le double de ce que les sondages laissaient prévoir une semaine plus tôt, arrivant même en tête au Caire, à Alexandrie et à Port Saïd. Aux élections législatives de janvier dernier, son parti de la dignité (Karama) n’avait remporté que 6 des 478 sièges. Sabahi a derrière lui plus de 30 ans d’opposition à l’ancien régime de Moubarak, et a été emprisonné pour cela. Son slogan électoral – ‘‘L’un d’entre nous’’ – reflétait cela, ainsi que ses origines familiales modestes.
Sabahi défendait un programme comprenant l’augmentation du salaire minimum de 700 Livres Egyptiennes (94 euros) à 1200 Livres Egyptiennes (161 euros) par mois, l’instauration d’un salaire maximum, des allocations de chômage pour els jeunes et une subvention minimale de 500 Livres Egyptiennes (67 euros) pour quatre millions de familles pauvres. Il s’est opposé aux mesures d’austérité qui ‘‘ont un effet nocif sur les conditions de vie des citoyens et contribuent à la récession.’’ Il défendait également une forte augmentation de l’utilisation de l’énergie solaire, la création d’une banque d’Etat pour aider les agriculteurs, un enseignement gratuit et l’éradication de l’analphabétisme.
Toutes ces mesures sont bien entendu les bienvenues, mais le programme de Sabahi pour leur mise en œuvre est basé sur l’idée nassérienne d’une ‘‘économie de développement planifiée, en créant un équilibre entre les trois secteurs économiques – public, privé et coopératif.’’
Bien que Nasser ait réussi à quelques années à se maintenir en équilibre entre l’Ouest capitaliste et la Russie stalinienne (en savoir plus), l’actuelle domination mondiale du capitalisme signifie qu’il ne peut y avoir d’équilibre entre les secteurs public et privé. Seule la propriété collective de toutes les grandes entreprises, des banques et des grandes propriétés terriennes est capable de poser les bases d’une ‘‘économie de développement planifiée.’’ Cette planification doit de plus être réalisée sous le contrôle démocratique des travailleurs, des petits commerçants et des petits agriculteurs, plutôt que sous les ordres d’une élite bureaucratique de fonctionnaires et de militaires.
Le soutien du candidat de l’ancien régime
Chafiq est devenu le candidat qui a reçu le plus de soutien afin de restaurer ‘‘la loi et l’ordre’’ et pour répondre au sentiment sécuritaire de tous ceux qui se sentent menacés par les bouleversements que le pays a connu depuis le 25 janvier 2011. Beaucoup d’entre eux sont de petits commerçants, des négociants et de petits entrepreneurs qui ont perdu leur commerce (notamment dans le tourisme) pendant les troubles. D’autres se sentent fatigués après 16 mois de soulèvements révolutionnaires et contre-révolutionnaires, la classe dirigeante et l’ancien régime semblant encore s’accrocher au pouvoir. Une certaine nostalgie d’un passé apparemment plus calme se développe. Sa campagne a été financée par ce qui reste de l’ancien régime et par les grandes entreprises, qui veulent un président capable de revenir sur les acquis de la révolution.
La minorité chrétienne semble aussi également très fortement voté pour lui pour des raisons similaires ainsi qu’en raison de leurs craintes concernant l’islamisation de l’État et la menace de persécutions. Cependant, les suffrages combinés des deux principaux candidats islamistes, Morsi et Aboul Fotouh, représentent seulement 43% des votes, chiffre qu’il faut comparer aux 72% obtenus par les Frères Musulmans et Al-Nour lors des élections législatives.
Le taux de participation pour le premier tour des élections présidentielles était en baisse, et s’est situé à environ 45%, reflétant ainsi l’opinion largement répandue selon laquelle ces élections ne vont pas changer grand-chose dans la vie de la population. Une certaine déception se développe concernant le parlement. Un électeur d’Al-Nour avait déclaré aux élections de janvier : ‘‘Nous attendons beaucoup de ce parlement. Nous attendons qu’ils répondent à nos besoins et soit capable de résoudre les problèmes auxquels le pays est confronté, y compris le chômage et la pénurie de gaz.’’ (Ahram, 23/01/12)
Les luttes industrielles
Les deux candidats pour le second tour, Morsi et Chafiq, représentent seulement 49% des voix exprimées au premier tour. La classe ouvrière et la jeunesse radicalisée ne pourront pas voter pour un candidat qui représente les objectifs de la révolution et lutte pour une politique favorable à la classe ouvrière et aux pauvres. Compte tenu de cela, le taux d’abstention pourrait être encore plus élevé au second tour, puisque de nombreux travailleurs et jeunes ne verront aucune raison de voter pour des candidats qui représentent les partis et les forces se dressant sur la voie du changement fondamental, c’est-à-dire un changement social, économique et politique. Les Frères Musulmans pourraient toutefois jouer le rôle de ‘‘moindre mal’’ et ramasser des votes de la classe ouvrière et des jeunes afin d’empêcher l’arrivée au pouvoir de Chafik. D’autres électeurs, en particulier les chrétiens, peuvent voter pour le candidat de l’ère Moubarak par crainte de l’arrivée à la présidence d’une force islamiste. Les vieux amis de Moubarak issu du monde des grandes entreprises feront tout pour que Chafiq l’emporte afin de pouvoir continuer à faire fortune sur la souffrance des pauvres et des travailleurs.
Quelle que soit le vainqueur, la classe ouvrière et les pauvres auront besoin de se battre pour défendre leurs intérêts contre la classe dirigeante. Une victoire de Morsi conduira à la déception des électeurs des Frères Musulmans, en clarifiant que les dirigeants des Frères ne représentent pas de changement réel pour la vie des masses. Par la suite, cela pourrait conduire à de nouveaux gains électoraux pour le parti salafiste Al-Nour si aucune alternative crédible pour les travailleurs n’est construite.
Les travailleurs ont déjà une certaine expérience d’une victoire de l’islma politique de droite. Les conducteurs de bus en grève au mois de mars avaient dû aux briseurs de grève de l’armée, tandis que les députés des Frères Musulmans et les députés salafistes avaient ignoré les revendications des grévistes, comme l’avait expliqué l’un d’eux au journal Egypt Independant le 13 mars dernier. ‘‘Ils ne défendent pas nos droits’’, avait-il ajouté.
Les Frères Musulmans déclarent vouloir construire un gouvernement de coalition avec ‘‘tous les groupes politiques, en particulier les groupes révolutionnaires’’. Un de leurs porte-parole affirme qu’il ‘‘croit en la valeur réelle d’un consensus national.’’
Chaque groupe révolutionnaire rejoignant une coalition dirigée par les Frères Musulmans pour tenir Chafiq à l’écart sera très vite entaché par la politiques antisociale. Sabahi a eu raison de refuser de participer à ces négociations (même si son parti, Karama, a rejoint le parti des Frères Musulmans au sein de ‘‘L’Alliance démocratique’’ pour quelques mois l’an dernier).
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, il est clair que la société égyptienne reste dans un état extrêmement mouvant. Ni la réaction, ni la révolution n’ont été en mesure de stabiliser leur soutien. Si Shafiq devient le nouveau président, il fera face à une opposition généralisée dès ses débuts au pouvoir, en particulier des travailleurs et des jeunes qui ont mené la lutte révolutionnaire. Après près de six mois de campagne électorale, l’attention commence à se tourner vers d’autres moyens pour améliorer les conditions de vie de la population. Plus grèves sont susceptibles d’arriver, et d’ainsi fournir aux nouveaux syndicats indépendants autant d’occasions de montrer que la solidarité et la lutte peuvent remporter des victoires.
Mais chaque victoire sera systématiquement sous la menace des patrons, y compris le Conseil suprême des forces armées, qui a de grands intérêts économiques. La construction d’un parti politique capable d’unir travailleurs, jeunes et pauvres autour d’un programme d’action destiné à changer la société peut remettre en cause le pouvoir de la classe dirigeante. C’est une des tâches les plus urgentes à l’heure actuelle.
Un gouvernement des travailleurs et des pauvres basé sur la réalisation d’un programme socialiste de nationalisation des grandes entreprises sous le contrôle démocratique des travailleurs pourrait mettre fin à la dictature du capitalisme et à la pauvreté, la répression et l’insécurité qu’il apporte. La lutte pour la démocratie réelle ne peut pas être distincte de la lutte pour le socialisme.
-
Un nouveau type de révolution ?
Depuis 2011, le monde est à nouveau parcouru de mouvements de masse et de révolutions. A partir des révoltes de Tunisie et d’Egypte, le mouvement s’est étendu avec les Indignados d’Europe du Sud, le mouvement Occupy aux Etats-Unis, puis dans 970 villes étrangères. Différentes grèves générales ont également eu lieu, de même que divers mouvements de masse. Vingt ans après la ‘‘fin de l’histoire’’ et la chute de l’URSS, il semble qu’une nouvelle ère débute, une période de mécontentement massif et de révolte, en conséquence de la crise économique mondiale.
Par Mathias (Gand)
Ce nouvel état d’esprit entraîne des discussions et des débats passionnés. Remettre en question l’idéologie, les institutions et l’élite dominantes pose en effet de nombreuses questions très intéressantes. Quelles méthodes utiliser? Comment nous organiser ? Quelle est l’alternative à défendre ? De nombreuses questions semblent aujourd’hui être réinventées, alors que plusieurs générations avant nous ont lutté contre ce système, avec les mêmes interrogations en tête.
De nombreux points de discussion au sein du mouvement ne peuvent pas être distincts de l’héritage des tentatives précédentes de renverser ce système. La profonde aversion ressentie par beaucoup de jeunes face à la politique, aux partis ou aux syndicats peut s’expliquer à partir de la trahison systématique de partis sociaux-démocrates au cours de ces 20 dernières années. Tout comme en Belgique, ces partis ont laissé tomber les ‘‘gens ordinaires’’ pour défendre les intérêts du 1% le plus riche.
Dans de nombreux pays, la faillite de l’establishment politique et de ses institutions soi-disant démocratiques a conduit à une nouvelle quête pour la démocratie. Les participations massives aux assemblées populaires du mouvement Occupy ou des Indignés ont été l’expression quasiment littérale du retour du débat politique dans la rue plutôt que dans les tours d’ivoire des parlements. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) s’est impliqué dans tous ces mouvements dans ces divers pays en proposant que ces nouvelles structures organisationnelles se développent dans les quartiers, les lieux de travail, les écoles et les universités afin qu’un nouveau pouvoir se développe à côté de celui des capitalistes, et pour finalement le défier. Nous avons aussi défendu la nécessité d’une direction démocratiquement élue contre les illusions qui existaient souvent envers ce qu’on appelle la démocratie directe. Cette forme de démocratie signifiait souvent en réalité que, après 10 heures de réunions, seuls ceux qui avaient le plus de temps ou de détermination prenaient les décisions.
Dans la plupart de ces mouvements, le rôle de la jeunesse a été crucial. Les plus jeunes couches de la population active, les 99%, qui sont souvent les plus dynamiques dans l’action. D’abord parce que c’est leur avenir qui est directement attaqué, et en partie aussi parce qu’elles ne supportent pas sur elles les défaites des mouvements précédents. Il est très important que ces défaites ne se répètent pas.
Une des raisons pour laquelle mai 68 n’a pas conduit à la victoire fut la relation limitée entre la jeunesse radicale et les couches plus larges de la population active. Les jeunes peuvent entrer en lutte et même initier des mouvements internationaux tels le mouvement Occupy, mais il est au final absolument nécessaire que les 99% s’organisent. Tant en Egypte qu’en Tunisie, ce sont les syndicalistes indépendants et l’arme de la grève générale qui ont mis ces dictatures sanglantes à genoux. Ici aussi, les protestations doivent trouver comment se lier au reste de la population, au moyen de revendications portant sur les conditions de travail et de salaire, sur le logement, l’enseignement, etc.
Ce que les révolutions égyptienne et tunisienne nous ont aussi appris, c’est qu’il ne faut pas se contenter d’une seule victoire. Tant que la même élite capitaliste garde les rênes du pouvoir, toute réforme ne peut avoir qu’un caractère temporaire et limité. Les nouveaux régimes en place n’ont pas donné de changement réel pour les conditions de vie difficiles des populations d’Afrique du Nord et du Moyen- Orient. Il faut proposer une alternative concrète au système actuel, capable d’assurer que les 99% aient le contrôle de l’économie de façon à ce qu’elle puisse répondre aux besoins de tous.
-
Révolution et contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient : leçons des premières vagues de mouvements révolutionnaires
Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2011 en Belgique, avec plus de 33 pays représentés, d’Europe, Asie, Amérique Latine et Afrique. Daniel Waldron fait dans ce texte un rapport de la session consacrée aux mouvements révolutionnaires en Afrique du nord et au Moyen-Orient.
Daniel Waldron, Socialist Party (CIO Irlande)
L’onde de choc des mouvements révolutionnaires qui ont commencé en Tunisie en janvier 2011 s’est répercutée dans toute l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et à travers le monde. Cette vague de soulèvements a conduit au renversement de dictateurs dont certains dirigeaient leur État depuis des décennies, et a atteint presque tous les pays de la région. Les travailleurs et les jeunes du monde entier ont été inspirés par l’héroïsme et la détermination des masses et se sont identifiés à leur mouvement, du Wisconsin (aux Etats-Unis) au Nigéria. Un an après, le mouvement surnommé "Printemps Arabe" connaît une nouvelle phase.
Cela a constitué la trame de l’excellente discussion, introduite par Niall Mulholland et conclue par Robert Bechert du Secrétariat International, que nous avons eu au Comité Exécutif International du Comité pour une Internationale Ouvrière. On a pu voir parmi les contributeurs des camarades de pays d’Afrique du Nord et Moyen-Orient, et également des camarades du CIO qui se sont rendus en Egypte au moment des événements révolutionnaires en 2011.
Les représentants du capitalisme ont été pris de court par les mouvements révolutionnaires en Tunisie et en Égypte. Quelques mois à peine avant son renversement, le journal The Economist saluait encore Moubarak pour avoir apporté la "stabilité" dans la région. En d’autres termes, pour avoir agi en tant qu’agent fiable de l’impérialisme. Alors que Ben Ali avait déjà été renversé en Tunisie et que les masses égyptiennes avaient commencé leur révolte, ce torchon du capitalisme international clamait toujours qu’il ne tomberait pas. Mais il est bel et bien tombé. Les forces de l’impérialisme occidental n’étaient pas préparées et furent abasourdies alors que leurs alliés furent renversés, ne sachant rien faire d’autre que d’exprimer leur "soutien" tardif aux révoltes tout en essayant désespérément de garder le contrôle.
Le CIO n’a toutefois pas été surpris par les évènements bouleversants qui ont balayé la région. Dans les documents que nous avions adoptés suite à notre Congrès Mondial de décembre 2010, nous mettions en lumière la possibilité de mouvements convulsifs en Afrique du Nord et au Moyen Orient ; la région était telle une boîte d’allumettes, prête à s’embraser.
Ben Ali – le premier domino d’une longue rangée
Nous avions insisté sur le fait que sa population particulièrement jeune et appauvrie, opprimée par des régimes autoritaires incapables de leur offrir un meilleur avenir, pourrait être le déclencheur d’explosions sociales dans ce contexte de crise mondiale du capitalisme. Ces soulèvements n’ont pas été provoqués uniquement par une colère contre les dictatures ; ils étaient aussi le reflet du fait que les masses n’acceptaient plus l’existence misérable que le capitalisme est la seule à pouvoir leur apporter. Le dirigeant tunisien Ben Ali, représentant féru du capitalisme néolibéral, fut le premier de la liste à ressentir la force des mouvements de masse et à tomber.
Ben Ali s’est fait dégager 28 jours après le suicide tragique par immolation du jeune vendeur de rue Mohamed Bouazizi. Le dictateur a rapidement été suivi par son ancien premier ministre, Ghannouchi. Une semaine plus tard, le règne trentenaire de Hosni Moubarak en Egypte s’est lui aussi effondré. Alors que les images des manifestations sauvagement attaquées par la police d’Etat encore fidèle à l’ancien régime étaient diffusées autour du monde, on aurait pu croire que le renversement de ces dictatures était en fait un processus assez simple et linéaire : les masses prenaient la rue et refusaient de la lâcher tant que leurs revendications contre la dictature ne seraient pas satisfaites. L’occupation de la place Tahrir au Caire, par exemple, est devenue un véritable symbole et a directement inspiré les mouvements Démocratie Réelle ou Occupy.
Les manifestations massives et les occupations ont évidemment joué un rôle clé ; mais le facteur décisif dans le succès des révolutions égyptienne et tunisienne a été l’implication de la classe ouvrière organisée. Malgré le fait que les dirigeants de la confédération syndicale UGTT étaient fortement incorporés au régime de Ben Ali, un degré important d’action indépendante et d’opposition à la dictature existait localement et nationalement. La classe ouvrière égyptienne, la plus nombreuse de la région, a une vraie tradition de mouvements puissants et indépendants.
Dans ces deux pays, des comités de travailleurs ont émergé dans les lieux de travail et les usines. Cette méthode d’auto-organisation s’est étendue aux places, aux villes et aux villages, donnant une cohésion au mouvement et lui apportant tant une base organisationnelle qu’une capacité à répondre efficacement aux attaques du régime. Par exemple, lorsque des gros bras pro-Moubarak armés ont essayé de reprendre la place Tahrir début février 2011, cela a déclenché une grève générale dans tout le pays, paralysant le régime, renforçant le mouvement, et qui a rapidement mené au départ de Moubarak.
A l’inverse de l’Egypte et de la Tunisie, l’absence de mouvements massifs de la classe ouvrière a été une faiblesse des soulèvements révolutionnaires dans les autres pays ; et a notamment amené à des affrontements avec le régime qui se sont révélés beaucoup plus longs, compliqués et sanglants. En Libye, le mouvement contre le régime de Mouammar Kadhafi a commencé dans la ville de Benghazi. Au début, il avait l’allure d’un soulèvement populaire. Des comités du peuple émergeaient dans la ville. Pourtant, l’absence d’organisations indépendantes des travailleurs (torpillées par le régime brutal de Kadhafi) ont affaibli la capacité du mouvement à surmonter les profondes divisions ethniques et tribales existant dans le pays. Même si la révolte s’est étendue à Misrata et à d’autres villes, elle est restée relativement isolée et divisée.
Le rôle de l’impérialisme en Libye
Les forces de l’impérialisme se sont vite regroupées et ont utilisé le blocage de la révolution libyenne comme moyen pour intervenir afin de s’assurer qu’elle se développerait sans menace pour leurs intérêts dans la région. Kadhafi avait été inclus dans les petits papiers des pouvoirs occidentaux, en échange d’un accès aux ressources en pétrole du pays, mais l’impérialisme pouvait bien voir que sa capacité à apporter la "stabilité" à la région était à l’agonie. Ils s’unirent alors pour promouvoir une opposition pro capitaliste autour de Benghazi, comprenant de récents détracteurs du régime, sous la forme du Conseil National de Transition.
Alors que les masses à Benghazi, dans la phase initiale de la révolution, étaient clairement opposées à une intervention impérialiste, le CNT a supplié les forces occidentales d’intervenir. Leurs médias, notamment par la voix d’Al Jazeera (messager du régime qatari pro impérialiste), ont mené une campagne de propagande pour exagérer la menace posée pas l’armée de Kadhafi et augmenter la popularité de l’intervention occidentale.
Le CIO n’a pas succombé à la pression, comme tous les marxistes auraient dû l’analyser, mais a justement expliqué que l’impérialisme ne pouvait pas jouer de rôle progressiste dans la situation. Leur seul but était d’installer un régime clientéliste suffisamment fiable pour ne pas apporter une quelconque liberté ou améliorer le quotidien des masses libyennes. Seul un mouvement massif des travailleurs et des pauvres libyens pouvait apporter un véritable changement.
Et ce que nous avions dit s’est révélé être juste. La campagne de bombardement qu’a mené l’OTAN a freiné le mouvement. Pire encore, de nombreux éléments de guerre civile se sont développés ; avec des caractéristiques raciales et tribales. Des atrocités ont été commises, tant d’un côté que de l’autre. Kadhafi a été destitué, au bonheur de beaucoup. Mais il a été remplacé par un « gouvernement » du CNT non représentatif. Les tensions ethniques dans le pays se sont aggravées, notamment avec l’émergence de milices tribales. Il se pourrait qu’on assiste à une partition sanglante du pays autour de conflits sur les ressources naturelles, à moins qu’une alternative basée sur les intérêts communs des travailleurs et des masses pauvres soit construite.
La Syrie
De manière similaire en Syrie, le mouvement contre le régime d’Assad a été freiné par l’absence d’organisations unifiées de la classe ouvrière et des pauvres. Non content de réprimer brutalement le mouvement (on reporte plus de 5000 tués par les forces de l’Etat et un usage répandu de la torture), Assad a invoqué des chimères de bain de sang sectaire pour décourager les minorités alawites et chrétiennes de s’engager dans le soulèvement.
L’impérialisme occidental et les élites sunnites qu’ils sponsorisent dans la région aimeraient assister à la destitution d’Assad ; car cela affaiblirait l’influence et le pouvoir du régime Iranien. Cela a notamment été reflété dans l’appel fait à Assad pour qu’il se retire de la Ligue Arabe (d’habitude impuissante), mais aussi dans les sanctions économiques qui ont été prises et qui auraient coûté au régime deux milliards de dollar, selon les estimations. Comme en Égypte, une opposition pro-occidentale est en train d’être préparée pour prendre le pouvoir ; en l’occurrence sous la forme du Conseil National Syrien. Toutefois, le déclenchement de conflits sectaires une fois Assad tombé pourrait avoir de sérieuses conséquences pour les intérêts de l’impérialisme dans la région, et une forme de compromis avec Assad n’est pas à exclure.
Les derniers mouvements des masses tunisienne et égyptienne les ont vues revenir sur la scène de l’Histoire dans une tentative de changer fondamentalement la société. Les emblèmes des dicatures qu’étaient Ben Ali et Moubarak, ainsi que tellement d’autres de leurs alliés, ont été balayés. Cependant, même si les anciens régimes ont été ébranlés jusque dans leurs fondements, ils n’ont pas encore été détruits. Les vieilles élites qui soutenaient ces régimes restent intactes dans leur large majorité, malgré la détermination des masses.
En Tunisie, l’élite a offert Ben Ali et par la suite Ghannouchi en sacrifice pour pacifier les mouvements révolutionnaires et les empêcher de menacer la position même de la classe capitaliste. En Égypte, les dirigeants de l’armée, un des piliers de l’Etat, ont été incapables d’étouffer la révolte ; et sont de fait intervenus pour prendre le pouvoir « au nom du peuple ». Parmi de larges couches des masses révolutionnaires, il n’y avait que peu de confiance dans les intentions des élites et un véritable désir d’aller vers un changement complet de la société. Mais en l’absence d’un parti de masse de la classe ouvrière avec un programme clair pour une transformation révolutionnaire de la société, l’énergie des masses épuisées a été dissipée, et les classes dirigeantes furent en capacité de regagner un certain degré de contrôle.
Malheureusement, la vague révolutionnaire n’a trouvé que des forces défaillantes dans la gauche socialiste. Les maoïstes de l’UGTT, dont l’influence est considérable, ont adopté une approche dite étapiste, clamant qu’un capitalisme libre et une démocratie bourgeoise devaient être développés avant que des revendications pour la classe ouvrière et le socialisme soient mises en avant. Ce qui ne correspondait en rien à l’attitude des travailleurs tunisiens, dont les revendications portaient sur de meilleurs salaires et conditions de travail, la nationalisation de l’énergie ; ainsi que des éléments de contrôle ouvrier. Plutôt que d’appeler à une coordination des conseils des travailleurs et des pauvres pour former la base d’un gouvernement révolutionnaire, les maoïstes ont filé le train à l’opposition libérale.
La gauche en Égypte
En Égypte, une majeure partie de la gauche se traînait aussi derrière le mouvement. Ils tendaient à suivre la direction imposée pas les Frères Musulmans et d’autres forces d’opposition pro capitaliste, dont certains dirigeants appelaient à la formation d’un « gouvernement de salut national » au lieu d’un gouvernement révolutionnaire qui représenterait les intérêts des masses. Mais les dirigeants des Frères Musulmans se sont continuellement dirigés contre la gauche.
Les élections parlementaires dans les deux pays ont vu la victoire de forces religieuses de droite (Ennahda en Tunisie et les Frères Musulmans en Égypte). Le parti salafiste Al Nour en Égypte a aussi gagné des voix. Ce n’était en rien une issue inévitable. Au moins au début, Ennahda et les Frères Musulmans se sont tenus à l’écart des mouvements. Il y un an, Ennahda ne pesait que 4% dans les sondages et leurs slogans religieux ne rencontraient pas d’écho parmi les masses. La montée de ces forces reflète le vide politique énorme qui existe, et qui pourrait potentiellement être rempli par un parti de la classe ouvrière doté d’un programme pour un changement socialiste.
Alors que les médias occidentaux agitaient le spectre de la menace de l’« Islam politique » pendant les soulèvements révolutionnaires, il est clair que ces forces ne représentent pas une menace mortelle face aux intérêts de l’impérialisme. D’ailleurs les deux partis ont adopté des positions pro-occidentales. Le régime qatari a joué un rôle direct dans la sélection du gouvernent Ennahda. Les Frères Musulmans ont annoncé qu’ils voulaient modeler la « nouvelle » Égypte comme le régime pro-capitaliste de l’AKP en Turquie.
L’élection de ces gouvernements ne mettra pas fin au processus révolutionnaire engagé en Afrique du Nord. Au contraire, il est clair qu’on assiste à un renouveau des luttes de la classe ouvrière et des pauvres. La souffrance quotidienne des masses n’a fait que s’approfondir depuis la chute des dictateurs ; le coût de la vie et le chômage ayant augmenté. Les travailleurs et les jeunes n’accepteront pas calmement que la vie continue ainsi, dans la pauvreté, même avec de nouveaux dirigeants. Le sentiment que la révolution a été « volée », qu’il en faudrait une deuxième ou une troisième, grandit.
La tentative de l’élite militaire égyptienne de contrôler les élections et la nouvelle Constitution afin qu’elle leur soit favorable a provoqué de gigantesques conflits avec les travailleurs et jeunes révolutionnaires. Malgré une répression massive avec des milliers d’arrestations, ils furent forcés de faire des concessions. Après les élections, il y a eu encore plus de conflits avec le régime pendant l’anniversaire de la révolte. Les illusions qui existaient dans le caractère « pro-populaire » des dirigeants de l’armée ont volé en éclats chez de plus en plus d’Egyptiens. L’organisation indépendante de la classe ouvrière et les actions dans les usines se développent.
L’élection du nouveau gouvernement tunisien a été suivie de manifestations massives pour de meilleures conditions de vie. Une grève générale se prépare dans une importante région minière, où des éléments de pouvoir ouvrier existent aujourd’hui. Les travailleurs continuent de se battre obstinément pour des améliorations concrètes et immédiates dans la santé, l’éducation et toute une série d’autres domaines ; et ce malgré la forte désapprobation des dirigeants de l’UGTT.
Le rapport de forces régional
La vague révolutionnaire a terrorisé le régime d’Israël, menaçant de déstabiliser le rapport de forces régional, déjà fragile. Le mouvement des masses égyptiennes en particulier a posé la possibilité de développer des liens de solidarité avec le peuple palestinien – malgré l’approche conciliante des Frères Musulmans et de l’armée envers Israël. Netanyahou a tenté de soulever les questions nationalistes et la peur des masses arabes parmi la population juive pour essayer de dompter l’agitation qui régnait en Israël et de préparer la population à la possibilité d’excursions militaires pour défendre l’élite nationale. Mais en vain.
Le mouvement des tentes qui a balayé Israël pendant l’été était une preuve remarquable de la capacité qu’ont les mouvements révolutionnaires à dépasser les divisions ethniques, religieuses, sectaires et nationales. Le mouvement a englobé une énorme proportion de la population et beaucoup de ceux qui se sont retrouvés directement impliqués ont naturellement connecté leur lutte avec celle des masses à travers la région. Alors que les dirigeants n’apportaient ni objectifs clairs ni stratégie, le mouvement exprimait le rage que les travailleurs et les jeunes juifs ressentent par rapport à la minuscule élite corrompue qui dirige le pays. Dans des endroits comme Haifa, le mouvement a eu beaucoup de soutien de la part des Palestiniens. Ceci montre la possibilité de construire un mouvement unifié des travailleurs à travers la région et de trouver une solution socialiste et démocratique à la question nationale.
L’expérience de la première vague de mouvements révolutionnaires a augmenté la conscience politique des travailleurs et des jeunes en Égypte et en Tunisie et peut paver la route pour de nouveaux soulèvements. Cela donnerait une nouvelle vigueur aux mouvements en Syrie, au Yémen, en Iran et dans toute la région. De plus en plus de personnes tireront la conclusion que pour avoir un futur décent et une vraie démocratie, la classe ouvrière et les masses pauvres doivent prendre le pouvoir en leurs propres mains, rompre avec l’impérialisme et briser le système capitaliste lui-même. Si l’immense richesse et toutes les ressources de la région étaient reprises des mains des élites corrompues et parasitaires et planifiées démocratiquement par les travailleurs et les pauvres, les conditions de vie des masses pourrait être rapidement transformées.
La construction de partis de travailleurs qui unifieraient les masses pauvres autour d’un programme pour un changement socialiste et révolutionnaire de la société est une nécessité urgente. Les forces du CIO et les marxistes dans la région travaillent à cet objectif ; et peuvent croître pendant la prochaine période de défis auxquels la classe ouvrière et les jeunes se trouveront confrontés.
-
Égypte : Une année de révolution et de contre-révolution
Alors que la crise économique empire, de nouveaux conflits de classes apparaissent
A la suite de sa récente visite au Caire, afin d’y discuter avec des militants et des ouvriers en lutte contre le pouvoir de la junte militaire, David Johnson livre ici un bilan des événements révolutionnaires de l’année 2011 en Égypte, et examine les perspectives pour 2012 après les récentes élections qui ont vu la victoire des Frères Musulmans. Cet article a initialement été publié le 18 janvier sur www.socialistworld.net, le site du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO).
David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
”L’Égypte est comme une maison où les rideaux ont été changés mais où tout le reste est resté identique” a récemment déclaré un militant révolutionnaire aux correspondants du CIO. La manifestation du 25 janvier 2011 a lancé un mouvement révolutionnaire qui a fait tomber le dictateur Moubarak 18 jours plus tard. Le mouvement de masse a continué sur sa lancée jusqu’à la démission d’Ahmed Shafik, le premier ministre désigné par Moubarak le 29 janvier, le 3 mars.
Moubarak a été forcé par ses propres chefs militaires à démissionner. En prenant lui-même le pouvoir, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) a en fait effectué un coup d’Etat militaire. Ses membres ont compris qu’en essayant de s’accrocher au pouvoir plus longtemps, ils auraient poussés le mouvement révolutionnaire – et en particulier la vague de grèves qui se développait alors rapidement – à balayer toute la classe dominante.
Depuis lors, l’Egypte s’est retrouvé entre les feux de la révolution et de la contre-révolution, souvent d’ailleurs avec des mouvements allant dans les deux directions au même moment. C’est une réflexion de la faiblesse de la classe capitaliste égyptienne et de son incapacité à stabiliser sa domination alors que, à ce stade, la classe ouvrière est sans parti de masse ou parti révolutionnaire capable de conduire au succès du renversement du capitalisme.
La crise économique s’approfondit, le gouvernement blâme les travailleurs
Le premier ministre Kamal el-Ganzouri, le quatrième à tenir ce poste cette année, a déclaré, larmoyant, dans une récente conférence de presse que l’économie égyptienne était ”plus mauvaise que n’importe qui peut se l’imaginer.” On s’attend à ce que la croissance économique pour 2011 tourne autour de 1.2%, contre 5% en 2010. Le chômage s’élève maintenant à presque 12%, comparé à 9% il y a un an.
Le tourisme représentait plus de 10% du PIB en 2010, soit un huitième de la force de travail globale du pays, mais le nombre de touristes a diminué d’un tiers durant l’année 2011. L’occupation des hôtels du Caire n’était que de 40% en juillet et de 70% en août dans les stations de la Mer Rouge. La crise économique mondiale a contribué à cette chute brutale, de même que les scènes de violences montrées dans les médias. Le gouvernement et ses partisans, cependant, blâment surtout les protestations des travailleurs, qui ‘placent leurs propres agendas avant l’intérêt général’. Le ministre des finances Samir Radwan a d’ailleurs clamé que ces protestations ouvrières étaient en grande partie responsables du déficit budgétaire et des chutes de l’investissement étranger et du tourisme.
L’investissement direct étranger a chuté de 93% dans les neuf premiers mois de 2011 (376 millions de dollars). Selon la Banque Centrale, les réserves étrangères sont tombées à 18 milliards de dollars, contre 36 milliards début 2011. Les coûts d’emprunt du gouvernement atteignent niveau record, après que les investisseurs étrangers aient réduit leurs possessions des bons du trésor de 7,5 milliards de dollars durant les neuf premiers mois de 2011, à comparer aux achats nets de 8,6 milliards de dollars dans la même période une année plus tôt. Le gouvernement a reçu une aide financière peu commune : les forces armées lui ont prêté 1 milliard de dollars en décembre !
L’inflation a atteint les 10% en décembre, tandis que 40% de la population lutte quotidiennement pour vivre avec moins de 2 dollars. Le gouvernement est sous pression des grandes compagnies pour s’attaquer au déficit budgétaire. Le 5 janvier, il a annoncé des coupes budgétaires dans les dépenses publiques de 14,3 milliards de LE (livres égyptiennes, soit 2,37 milliards de dollars), et veut des réductions à hauteurs de 20 à 23 milliards de LE en tout. L’austérité annoncée s’attaque aux salaires du secteur public et aux subventions énergétiques. Le gouvernement est en ce moment en pourparlers avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour un prêt qui sera probablement conditionné à des coupes à opérer dans les subventions alimentaires, ce qui frappera les plus pauvres.
Les travailleurs et les pauvres ont toutefois pu ressentir la puissance qui est la leur lorsque le soulèvement de masse a permis de faire dégager le dictateur. La classe dirigeante se rappelle également craintivement de la tentative du prédécesseur de Moubarak, Anwar Sadat, de couper dans les subventions du pain, ce qui avait conduit à un soulèvement de masse en 1977. N’importe quel gouvernement essayant de s’en prendre aux subventions aura besoin d’un bon réservoir de soutien, et il en aura bien besoin.
La popularité en chute du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA)
La junte du CSFA a perdu une grande partie du soutien qu’il avait su s’attacher tout juste après que Moubarak ait été évincé en février 2011, lorsque l’armée était largement considérée comme ayant refusé de suivre les ordres de Moubarak et avait refusé de commettre un massacre place Tahrir du type de celui de la Place Tiananmen, à Pékin, en 1989. Les manifestants chantaient alors ”l’armée et le peuple sont ensemble.” Au cours des mois suivants, il est devenu plus clair pour la plupart des activistes que la poigne du CSFA devenait de plus en plus agrippée au pouvoir. Le SCAF et son chef, le maréchal Hussein Tantawi, peuvent cependant encore jouir d’un certain appui, principalement chez les plus âgés voient l’armée comme un garant de la stabilité.
Après la chute de Moubarak, suite au mouvement de grève, 150 nouveaux syndicats ont été constitués, avec 1,6 millions de membres. Ceux-ci sont indépendants de la Fédération Egyptienne des Syndicats, dont les dirigeants étaient désignés par l’ancien régime. Une loi a été présentée en mars pour interdire les grèves mais – en dépit du nombre impressionnant de grèves – elle n’a pas été utilisée jusqu’à juillet, quand cinq ouvriers ont été emprisonnés. Une enquête en juillet a compté 22 sit-ings, 20 manifestations, 10 protestations et 4 rassemblements de protestations. Ce total se situe légèrement en retrait vis-à-vis du mois de juin, le nombre de grèves était plus important. Celles-ci ne visaient pas qu’à obtenir des salaires plus élevés ou de meilleures conditions de travail, elles avaient aussi pour objectif de libérer les syndicats de leur direction de bouffons précédemment à la solde de Moubarak.
Réformes et répression
Durant l’été dernier, les manifestations du vendredi se sont encore développées. Le gouvernement a augmenté sensiblement le salaire minimum (mais seulement à LE700 par mois – pas LE1200 comme exigé par les syndicalistes, et juste pour les travailleurs du secteur public). Il a annoncé des dépenses plus grandes pour l’éducation et les soins de santé. Des privatisations supplémentaires ont été stoppées. Reflétant la vision d’une fraction de la classe dirigeante, un ministre, Ahmed Hassan al-Borai a averti ‘‘Avant la révolution du 25 janvier, l’Egypte s’attendait à une révolution sociale et non politique. Donc maintenant il faut effectuer de réelles réformes, sinon une autre révolution sociale pourrait se produire.’’
La frustration au sein des activistes a augmenté à cause de l’absence de changement politique, conduisant à une réoccupation de la place Tahrir le 8 juillet. Beaucoup de groupes d’activistes, y compris des Islamistes, se sont mis d’accord pour faire une manifestation commune le 29 juillet, exigeant la fin de la loi exceptionnelle de Moubarak, des jugements publiques pour Moubarak et ses acolytes, la poursuite des officiers de police et des soldats accusés d’avoir attaqués les protestataires durant la révolution et plus de pouvoir pour le gouvernement civil.
Cependant, quand il est clairement apparu que les organisations islamistes étaient en train de mobiliser fortement pour cette manifestation, avec beaucoup de formateurs venant de l’extérieur du Caire, la plupart des jeunes et des groupes révolutionnaires l’ont boycotté, retournant à la place par après.
Un million de personnes ont participé à la manifestation dans ce qui est devenu le ‘jour de Kandahar’, reflétant les visions religieuses conservatrices de beaucoup des participants. Il y avait des chants en soutien à Tantawi. Il y avait également une couche croissante de la population devenant lasse des manifestations et des perturbations, qui a aspiré à une certaine stabilité. Assurément, il y a eu des connivences en coulisses entre les chefs du CSFA et des leaders des MB/FM pendant une bonne partie de 2011. Encouragées par ce signe de support, les forces de sécurité ont attaqué les occupants quelques jours plus tard et ont nettoyé la place.
Le procès de Moubarak commence
Au même moment, le 3 août, le procès de Hosni Moubarak, de ses deux fils, de l’ex-ministre de l’intérieur et de certains proches a commencé. Les charges incluaient l’ordre de tirer, qui avait conduit à la mort de 840 manifestants, et la corruption. Le voir derrière des barreaux dans l’auditoire du tribunal a eu un effet électrifiant dans toute la région. Le procès a juste recommencé après un ajournement de trois mois. Cependant, le procès ne donne pas une réelle occasion d’examiner le parcours de son régime, y compris les liens de corruption avec de grandes entreprises, soutenues par des régimes impérialistes et la torture et l’emprisonnement des opposants. Un type différent de procès est nécessaire, devant un tribunal démocratiquement élu et responsable, des travailleurs et des pauvres.
Les avocats de l’accusation ont réclamé la peine de mort. Il semble peu probable que le CSFA permette que leur ancien commandant soit exécuté, en raison du précédent que cela créerait si ils se trouvent eux-mêmes dans le boxe à l’avenir. (Les Frères Musulmans offrent maintenant au CSFA un accord dans lequel ils seraient exempts de futures poursuites s’ils cèdent le pouvoir à un gouvernement mené par les Frères Musulmans). Mais si l’élite en place estime que la seule manière de sauver leur régime, ou le système capitaliste, est de sacrifier quelques-uns des leurs, elle le fera certainement.
Le 19 août, la Force de Défense Israélienne a tué cinq gardes-frontière égyptiens dans une attaque ratée. Le 6 septembre, les forces de sécurité ont attaqués les fans du club de football Ahly après un match. Plus de 130 personnes ont été blessées et beaucoup ont été arrêtées. Un grand nombre de fans de trois des plus grands clubs de football du Caire se sont unis dans une manifestation contre la police trois jours plus tard. Un large groupe s’est détaché pour attaquer l’ambassade israélienne. Les forces de sécurité ont laissé cela avoir lieu sans intervention jusqu’à ce que les bureaux aient été pris d’assaut et mis à feu. Le 16 septembre, le CSFA a annoncé que l’état d’urgence de Moubarak serait réintroduit, permettant l’arrestation et l’emprisonnement des opposants. Et, comme souvent dans la région, la question Israelo-Plaestinienne est utilisée pour détourner l’attention des attaques du gouvernement sur sa propre classe ouvrière.
Plus tard en septembre les grèves se sont accentuées, passant au niveau industriel, y compris les ouvriers postaux, une grève nationale des professeurs durant une semaine et 62.000 ouvriers des transports publics du Caire pendant 17 jours. ‘‘Ils disent que le pays et le ministère n’ont pas d’argent, mais nous savons tous combien d’argent ils ont et ce qu’ils en font’’ disait un professeur de maths. (Ahram 20.9.11)
En octobre, 12.000 policiers ont fait grève pour une augmentation de salaire et pour balayer des éléments de l’ancien régime parmi les officiers. Ceci illustre l’effet potentiel qu’aurait sur les rangs inférieurs des soldats et de la police appel de classe clair, issu d’un mouvement ouvrier de masse, mobilisé pour balayer complètement le régime protégeant les intérêts des grandes entreprises.
Sectarisme
Une église a été attaquée à Aswan, déclenchant une marche de protestation au centre de la TV d’état de Maspero au Caire le 9 octobre. Avec un contraste marqué par rapport à la manifestation de l’ambassade israélienne, la foule, pour la plupart chrétienne, a été violemment attaquée par les forces de sécurité. Autour de 27 personnes ont été tuées, plusieurs écrasées par les blindés délibérément conduits dans la foule. Malgré tout, la TV contrôlée par l’état a appelé la population a prendre la rue pour aider à protéger les forces armées ! Après cette attaque, un blogger bien connu, Alaa Abd El-Fattah, a été arrêté et accusé d’incitation à la violence envers les forces de sécurité et de sabotage. Il a été par la suite libéré après dix semaines, ayant refusé l’interrogatoire par des militaires, mais fait toujours face aux accusations. Les procès militaires de civils et la torture continuent toujours, comme sous Moubarak, avec des milliers de personnes emprisonnées.
Le CSFA a annoncé qu’ils garderaient la main sur le budget des forces armées, plutôt que le nouveau parlement une fois élu. Ils se sont également réservés le droit de nommer un comité constitutionnel pour rédiger une nouvelle constitution. Ces changements ont déclenché une manifestation massive à la place Tahrir le 18 novembre, à laquelle les Frères Musulmans et les Salafistes ont participé – le premier vrai défi que leurs dirigeants aient fait au CSFA. Depuis lors, les déclarations des leaders des Frères Musulmans sont devenues plus critiques envers le CSFA, bien que n’appelant pas à une fin immédiate du régime militaire. C’est un signe de futures tensions, en dépit de la coopération entre les leaders islamistes et le Conseil Suprême des Forces Armées durant 2011.
Les islamistes ont quitté la place à la fin de l’après-midi du 18. Les activistes l’ont réoccupée exigeant une fin au règne militaire. Ils ont subi des attaques sanglantes les cinq jours suivants par l’armée et les forces de sécurité, laissant 70 tués, certains ayant suffoqués de gaz lacrymogènes exceptionnellement fort. Des centaines furent blessés. Montrant la force potentielle d’action des ouvriers, cinq agents douaniers ont bloqué l’importation de sept tonnes de gaz lacrymogènes provenant des Etats-Unis.
Le Premier ministre Essam Sharaf démissionnaire a été remplacé par Ganzouri, premier ministre entre 1996-99. Un sit-in en dehors du Bureau du Cabinet s’est développé contre ce représentant du vieux régime.
D’autres attaques brutales de militaires et des forces de sécurité sur ces manifestants ont encore fait au moins 17 morts le 16 décembre. Parmi les scènes les plus choquantes, celle d’une manifestante traînée sur le sol et recevant à plusieurs reprises des coups de pied par le personnel de sécurité. Une marche de 10.000 femmes en colères a eu lieu quelques jours plus tard – la plus grande manifestation de femmes dans l’histoire de l’Egypte. Il y a un long registre de manifestantes harcelées par les forces de sécurité. Il est de notoriété publique qu’en février et mars passé, certaines manifestantes ont été soumises à des ‘tests de virginité’ après leur arrestation.
L’Institut d’Egypte a proximité, logeant des milliers de livres historiques, a été incendiés. Cet incendie a une origine incertaine mais cela a été utilisé pour décrire les manifestants comme des vandales souhaitant détruire l’héritage de l’Egypte. Un professeur l’Université Américaine du Caire – de l’autre côté de la route – a quant à lui écrit qu’il ne savait même pas que ces livres existaient et qu’il avait peine à croire que n’importe qui ait eu accès à eux. Il semble que peu de mesures anti-incendie aient été installées et les sapeurs-pompiers ont été maintenus à distance au commencement de l’incendie.
Mais en réponse, le Major Général pensionné Abdel-Moniem Kato, qui conseille les forces armées sur l’éthique et la morale, a dit que les ‘‘protestataires devraient être brûlés dans les fours d’Hitler’’ – cette référence étant destinée à dire, de façon à peine voilée, que les manifestants servent l’agenda israélien. Le CSFA tente d’accuser tous les militants – et implicitement, la révolution elle-même – de servir des intérêts étrangers. Les incursions policières dans les locaux de 17 ONG des droits de l’homme fin décembre ont renforcé ce message, certaines étant financées par les gouvernements allemand et américains ou par des partis politiques américains (naturellement, les forces armées égyptiennes reçoivent aussi 1,3 milliards de dollars par an du gouvernement américain, mais cela ne pose pas de problèmes !)
Comme dans toutes les périodes révolutionnaires, de grandes peurs soufflent sur la société. Beaucoup de personnes craignent de plus en plus le pouvoir croissant du Conseil Suprême des Forces Armées et la restauration des restes du vieux régime. Le CSFA vise à détourner l’attention en blâmant des étrangers d’incitation à la violence et d’instabilité. L’histoire du Moyen-Orient, faite d’occupation coloniale et d’exploitation impérialiste, est un terrain fertile pour que de telles accusations.
Boycott des élections
Ces attaques du régime – le fouet de la contre-révolution – ont servi à radicaliser encore plus les militants. Cependant, l’écart entre eux et les masses moins actives s’élargit, comme vu pendant les élections ayant eu lieu depuis fin novembre. Après les attaques place Tahrir, la plupart des activistes ont privilégié un boycott des élections. Ils ont correctement argumenté que la procédure électorale était sous le contrôle des militaires et que le nouveau parlement n’a pas eu de réels pouvoirs. Certains ont indiqué que si l’Alliance Socialiste Populaire avait annoncé qu’elle boycottait les élections, au lieu de juste suspendre leur campagne, ils auraient immédiatement gagné 15.000 nouveaux membres.
Mais bien que ceci ait pu se produire, une tâche vitale est de diriger les activistes vers le grand nombre, qui a vu cela comme leur première occasion de participer à des élections relativement libres. Beaucoup d’ouvriers et de pauvres moins actifs ont eu l’intention de voter aux élections. Beaucoup se sont également abstenus, certains repoussés par le procédé délibérément confus. Le taux de participation au premier tour, couvrant un tiers du pays y compris le Caire, était de 52%, bien qu’il ait diminué lors des tours suivants. Il y avait une menace d’une amende de LE500 pour les non-votants.
Beaucoup d’ouvriers et de jeunes plus avancés politiquement, en particulier dans les villes, étaient fortement sceptiques, sinon cyniques, au sujet d’ ‘élections’ appelées sous le contrôle et la gestion des militaires. Ceci a également contribué à avoir un taux d’abstention élevé. Mais même si les militants n’avaient pas l’intention de participer au vote, construire le soutien pour une alternative nécessite d’intervenir dans les meetings électoraux et de tester les candidats devant leur audience. De tels débats aident également les militants à mieux comprendre comment gagner le soutien parmi les masses. Les partis islamistes n’ont pas participé aux protestations de fin novembre et de décembre, se concentrant sur leur campagne électorale.
Résultats des élections
De nombreux incidents d’irrégularités de scrutin et de trucages ont été rapportés (augmentant dans les tours suivants, particulièrement dans les zones rurales), mais en général les élections n’étaient pas les choses les mieux organisées sous Moubarak. En novembre 2010, son Parti Démocratique National (NDP) avait gagné 97% des sièges – quelques semaines avant que le soulèvement de masse l’ait mis dehors !
La procédure électorale était très compliquée, avec des listes de partis, des listes individuelles (certaines avec plus de 200 noms sur le bulletin de vote), des sièges réservés pour des ‘ouvriers’ et des ‘fermiers’. Au moins dix candidats ont été empêchés de se présenter, ayant été nommés pour des sièges d’ouvriers par de nouveaux syndicats indépendants et non par la Fédération Egyptienne des Syndicats, menée par des défenseurs de Moubarak. L’infraction de la loi électorale la plus ordinaire furent ces 20-30 membres de partis islamistes qui ont fait campagne juste à l’extérieur des bureaux de vote. Les partis sans adhésion massive de membres n’ont pas pu faire cela, même s’ils avaient voulu. Il n’y a aucun doute que quelques électeurs ont été influencés au dernier moment et ont voté pour les islamistes, mais c’est insuffisant pour expliquer les résultats.
Avec les résultats connus jusqu’ici pour 427 sièges, les Frères Musulmans en ont obtenu 193 pour leur Parti de la Liberté et de la Justice (FJP) (45% des sièges). Les Salafistes en ont 78 pour Al-Nour (‘Lumière’) (25% des sièges).. Les deux plus grands blocs libéraux en ont 68 entre eux. Le sixième plus grand groupe, avec dix sièges, est La Révolution Continue, le bloc de gauche, dont l’Alliance Socialiste Populaire est la plus grande composante. Ses votes varient entre 1 et 19%. Dans les zones rurales, quelques anciens membres du NDP ont été élus avec de nouvelles étiquettes de partis.
Ces résultats ne reflètent pas le véritable rapport de forces observé dans les mouvements révolutionnaires de masse et dans les grèves d’été et automne derniers. Un sondage d’opinion d’août 2011 a montré que 69% de la population ne faisait confiance à aucun parti politique. Sans parti ouvrier de masse à ce stade, la classe ouvrière n’a pas pu s’exprimer dans cette élection en tant que classe. Les syndicats véritablement indépendants doivent développer une voix politique et pourraient jouer un rôle principal en aidant à établir un tel parti, avec les socialistes et d’autres activistes révolutionnaires.
Le succès des Islamistes
Le Parti de la Liberté et de la Justice des Frères Musulmans s’inspire du parti du premier ministre turque Erdogan du même nom (AKP), essayant de présenter une image modérée et moderne. Ils avaient 46 candidats féminins sur leurs listes et étaient dans une alliance avec quelques petits partis, dont deux candidats Coptes. Le long parcours d’opposition des Frères Musulmans à Moubarak, leurs programmes d’assistance sociale et de charité, et leur image relativement épargnée par la corruption aident à expliquer leurs résultats. Cependant, leur programme vise à charmer le monde du business, avec la réduction du déficit budgétaire et des coupes dans les subventions. Plusieurs de leurs dirigeants proviennent d’un parcours lié au milieu des affaires, tel que le ‘guide suprême’ Khairat El-Shater, un riche homme d’affaire. Ils décevront inévitablement ceux qui ont voté pour eux avec de grands espoirs d’amélioration de leurs conditions de vie.
Les Islamistes plus orthodoxes, les Salafistes, ont gagnés plus ou moins 27% des voix. Leur soutien était le plus haut dans les secteurs les plus pauvres, négligés par les autres partis. Un plombier de 26 ans a dit au Financial Times (Londres) ”Nour va nettoyer le pays, se débarrasser de toute la corruption et récupérer tout l’argent qui est parti, qui est allé aux personnes riches tandis que nous n’obtenions rien. Les Frères Musulmans sont OK. Mais ils sont vieux, et ils ont déjà essayé pendant des années et n’ont fait rien pour nous.” (9.12.11)
Mohammad Nourallah, un porte-parole de Nour a dit, ”Le vieux régime n’était constitué que de criminels. Et ils se sont entourés d’une classe qui a obtenu beaucoup d’avantages… Nos supporters sont les gens que vous voyez dans la rue, pas les gens qui vivent dans les quartiers que vous n’avez jamais vus ou dont vous n’avez jamais entendu parler.” (Financial Times 29.12.11)
Les Frères Musulmans cherchent la coalition plutôt qu’à gouverner seul. ”Ce sera un parlement de compromis à coup sûr parce que nous ne nous joindrons pas au parti Al-Nour et que nous sommes pleins d’espoir pour établir de bons rapports,” a dit Essam al-Erian, chef adjoint du FJP. Ses associés préférés seraient de petits partis libéraux, donnant au régime une certaine prétention à être lié aux événements révolutionnaires, évènements desquels les leaders des Frères Musulmans se sont tenus à l’écart jusqu’à ce qu’il se soit avéré que les jours de Moubarak étaient comptés. De tels partenaires rendraient également un gouvernement des FM plus acceptable pour les gouvernements capitalistes du monde entier (et pour le FMI), à qui il cherchera l’appui économique. Les Salafistes seront le plus grand parti d’opposition.
Autant les Frères Musulmans que les Salafistes ont en leur sein différentes tendances et orientations. Les sections de la jeunesse des Frères Musulmans avaient déjà créé une scission en désaccord avec la politique des leaders de se tenir hors de la confrontation directe avec Moubarak ou le CSFA. Maintenant que les élections pour l’assemblée inférieure sont finies, la demande de la fin immédiate du règne du CSFA pourrait recevoir un appui massif, bien que les dirigeants des Frères Musulmans soient plus enclins à continuer à chercher le compromis avec eux.
Décalage croissant entre les activistes et les masses
Beaucoup de gens des masses pauvres perçoivent les activistes libéraux de la classe moyenne comme provenant des ”quartiers que vous n’avez jamais vu”. La concentration des libéraux presque exclusivement sur des demandes démocratiques et sur le sécularisme a trouvé peu d’écho parmi ceux qui luttent quotidiennement pour nourrir leurs familles.
Dans un sondage d’opinion fin avril 2011, 65% disait ne pas savoir pour quel parti ils voteraient si une élection devait avoir lieu la semaine suivante. Seulement 2% précisaient qu’ils voteraient pour les Frères Musulmans. Bien que ce résultat doive être regardé avec prudence, il est clair que le fossé entre les visions des activistes de Tahrir et les masses des zones pauvres du Caire et d’ailleurs s’est agrandit depuis lors. Organiser les protestations du vendredi sur le thème de ”Constitution d’abord”, par exemple, n’a pas attiré la majorité de ceux qui ont participé aux mouvements révolutionnaires de janvier et de février 2011. Les deux tiers de ceux qui l’ont fait ont indiqué au même sondage d’opinion que les raisons principales pour lesquelles ils y avaient pris part étaient les bas standards de vie et le manque de travail.
Cet isolement croissant des activistes a encouragé l’Etat et les Frères Musulmans à lancer des attaques ces récentes semaines contre les ONG et les Socialistes Révolutionnaires, la section égyptienne de la Tendance Socialiste Internationale. Fin décembre, un principal avocat des Frères Musulmans s’est plaint aux services de sécurité de l’Etat disant que les SR projetaient de renverser l’Etat par des moyens violents. Trois membres principaux des SR ont été arrêtés et les forces de sécurité en ont interrogé un autre.
C’est une menace sérieuse envers la gauche en général – pas simplement les SR – incluant la plupart des syndicalistes militants et des étudiants activistes. Le SR a travaillé avec les Frères Musulmans il y a quelques années. Maintenant, ils se plaignent que les Frères soient utilisés comme un « outil de l’Etat » et les appellent à se souvenir qu’ils ont été opprimés par cette même machine d’état.
Il est essentiel que le mouvement socialiste amoindrisse le soutien pour les Frères comme pour les Salafistes. Ceci ne peut pas être fait en faisant appel à la hiérarchie de ces organisations, ou en tombant dans le piège de débattre Islamisme et sécularisme (considéré comme de l’athéisme pour beaucoup de musulmans pratiquants).
Au lieu de cela, un programme visant les pauvres et les travailleurs de la classe ouvrière qui supportent les Islamistes, exigeant des jobs, des salaires décents, des logements, une bonne éducation et des soins de santés gratuits est nécessaire. Un mouvement ouvrier de masse est nécessaire, il pourrait combattre pour ce programme et unir Musulmans et Coptes, hommes et femmes, jeune et vieux. Les partis islamistes rompraient le long des lignes de classe s’ils étaient construits avec une direction révolutionnaire expliquant la nécessité de balayer le système capitaliste responsable de la pauvreté et de l’oppression.
Nécessité d’une révolution socialiste
La nécessité d’une deuxième révolution devient plus clair pour beaucoup de ceux qui ont participé au soulèvement du 25 janvier 2011, et aux nombreuses manifestations et batailles depuis lors. Mais quelle sorte de révolution est nécessaire, et comment cela peut-il être atteint ? La première révolution a seulement ‘changé les rideaux’ – les représentants politiques de la classe régnante, qui a gardé sa richesse et puissance.
Une deuxième révolution est nécessaire pour faire devenir propriété publique sous contrôle démocratique des travailleurs toutes les grandes compagnies, banques et grands domaines. L’économie pourrait alors être planifiée pour l’avantage de la majorité au lieu de l’élite minuscule qui est devenue plus riche sous Moubarak et continue à maintenir sa richesse sous le CSFA.
La puissance de la classe ouvrière dans la vague de grèves en février 2011 a mis fin au combat de Moubarak pour s’accrocher au pouvoir. Une partie de cette puissance a été vue dans l’année depuis lors, bien qu’aucun parti ouvrier n’ait encore pu réunir les activistes des syndicats, les socialistes et les masses. Un programme qui rencontre les besoins des masses sur les questions pressantes de travail, des bas salaires, du manque de logements accessibles de bonne qualité, des soins de santé gratuits et de l’éducation pourrait rapidement recevoir l’appui. Une économie planifiée socialiste et démocratique emploierait la richesse produite par la majorité au profit de tous, au lieu d’être volée par les capitalistes et leurs défenseurs militaires et politiques.
Une société véritablement socialiste démocratique n’aurait rien en commun avec le régime autoritaire bureaucratique qui a produit Moubarak. Les comités populaires de voisinage qui ont commencé à se développer après le 25 janvier, ainsi que les comités démocratiques sur les lieux de travail, pourraient se redévelopper et s’étendre sur la base de nouvelles recrudescences révolutionnaires et servir de base pour une véritable démocratie, les liant ensemble au niveau local, régional et national. Une assemblée constituante démocratiquement élue pourrait élaborer une constitution qui défendrait les droits de tous, y compris des minorités religieuses et nationales.
Au cours du combat pour un tel programme socialiste, la balance des forces dans la société changerait. Tous les défenseurs de l’ordre existant seraient de plus en plus poussés ensemble vers l’opposition au mouvement grandissant des masses, mené par la classe ouvrière. Un tel mouvement surmonterait les divisions sectaires et résulterait en une assemblée complètement différente que celle qui vient juste d’être élue. Un gouvernement de majorité, d’ouvriers et pauvres, agirait dans l’intérêt de la majorité dans la société.
En même temps, la crise économique globale grandissante mine le soutien au capitalisme autour du monde. Si la classe ouvrière développe une direction socialiste révolutionnaire décisive, luttant sérieusement pour prendre le pouvoir en Egypte, elle enflammerait d’autres mouvements révolutionnaires, posant les bases pour un Moyen-Orient, une Afrique du Nord et un monde socialiste.
-
Questions fréquemment posées sur le socialisme
Conséquence du développement du mouvement Occupy, l’opposition face au système économique et politique est devenue monnaie courante. Difficile d’imaginer que la femme au bandana sur la couverture du Time – représentation du “Manifestant”, personnalité de l’année selon le Time – puisse avoir quoi que ce soit de positif à dire au sujet du capitalisme, et l’omniprésence du masque de Guy Fawkes – popularisé par “V for Vendetta” – souligne encore plus à quel point les idées révolutionnaires sont à présent répandues.
Par Brandon Madsen, Socialist Alternative (CIO-USA)
Cependant, ce soutien croissant apporté à un changement de système n’a pas encore conduit à des discussions sérieuses quant à une quelconque alternative. Un nouveau sondage du Pew publié le 28 décembre 2011 indique que les personnes noires ou de moins de 30 ans sont majoritairement en faveur du socialisme, mais n’explique en rien ce qu’est le socialisme, ou comment un système politique et économique socialiste fonctionnerait. Nous vous offrons cet article comme base de discussion.
Comment fonctionnerait une économie socialiste?
Sous le capitalisme, les institutions où d’immenses richesses sont centralisées (les grandes entreprises) dirigent l’économie, et exploitent les plus pauvres pour accroître leurs propres richesses. Le but d’une économie socialiste est de renverser la vapeur : ce serait la classe ouvrière qui serait aux commandes de l’économie, et utiliserait les richesses et la productivité de la société pour améliorer ses conditions de vie. Pour cela, il faudrait rendre publiques les ressources des banques et des grandes entreprises, et les gérer de manière démocratique.
Employer les chômeurs, redéfinir le budget et créer de l’emploi en tenant compte des priorités sociales – soins de santé, éducation, énergie propre, etc. – donnerait un énorme coup de fouet à la productivité et créerait des richesses. Une planification démocratique de l’économie permettrait à tout le monde d’avoir un travail bien rémunéré, un accès à des soins de santé de qualité, à un enseignement gratuit à tous les niveaux, et, bien sur, aux besoins vitaux tels que la nourriture et un logement. Mais cela ne se limiterait pas à ces bases; nous pourrions soutenir et encourager les musiciens, artistes, réalisateurs, designers, etc de façon à favoriser un développement culturel.
Ce système économique nécessiterait une planification réfléchie, mais c’est déjà le cas d’une certaine manière sous le capitalisme. Des multinationales plus grandes que des Etats planifient déjà leurs niveaux de production et de distribution, décident des prix, et cela sans pour autant s’effondrer, rien ne dit que les travailleurs seraient incapables de faire de même.
La différence sous le capitalisme, c’est que la planification n’est que partielle, incomplète, et antidémocratique, le but étant de maximiser les profits d’une élite. Sous le socialisme, nous pourrions décider des investissements en ayant une vue d’ensemble de l’économie mondiale, afin de subvenir aux besoins humains, de conserver un environnement sain, et de garantir à chacun le droit à une existence libre.
Un système économique socialiste devrait être intégré de par le monde. C’est déjà le cas sous le capitalisme, nous vivons en effet dans un monde d’interdépendance. La globalisation vue par le capitalisme consiste à exploiter les économies les plus faibles, et à plonger dans une misère sans cesse croissante les travailleurs de par le monde. Sous le socialisme, l’intégration d’une économie globale aurait pour but d’améliorer la vie des gens.
Une économie socialiste gérerait l’environnement de manière très différente. Tant que maintenant, les compagnies n’ont que faire des taxes environnementales, car elles peuvent les faire payer au public. Les coûts liés à la pollution de l’air et de l’eau sont réels, mais ils ne représentent pas une menace pour une entreprise comme Monsanto. Voilà pourquoi aucune corporation ne bougera le petit doigt pour l’environnement sur base des principes du marché libre.
Une économie démocratiquement planifiée empêcherait les corporation de faire des profits en externalisant les coûts liés à la pollution. Au lieu de cela, l’efficacité, la préservation de l’environnement, et la satisfaction des besoins de base de chacun seraient les critères de décision économique. Au lieu de promouvoir des mesures inadéquates telles que les ampoules économiques et la sensibilisation au recyclage, une économie socialiste investirait dans un total renouveau de la production, mettant à profit les dernières technologies vertes pour assurer la protection de l’environnement et la création de millions d’emplois.
Comment fonctionnerait une démocratie socialiste?
La « démocratie » actuelle se limite à nous faire voter une fois de temps en temps afin de décider quel riche politicien prendra les décisions pour nous. Cela n’a bien sur rien de démocratique, encore moins quand la corruption issue des corporations s’en mêle.
Au contraire, une démocratie socialiste serait une démocratie omniprésente, de semaine en semaine, présente sur tous les lieux de travail, dans toutes les écoles et communautés. Les travailleurs effectuerait une rotation des tâches, et les managers élus seraient révocables à tout moment si le besoin s’en faisait sentir. Chaque décision pourrait être réévaluée par un vote de la majorité.
Le programme et les politiques scolaires, plutôt que d’être imposées par des administrateurs incompétents et des bureaucrates, seraient discutées conjointement par les parents, les professeurs et les étudiants. Des conseils de quartier décideraient de qui peut ou ne peut avoir une forme d’autorité, et dicteraient à leurs élus comment prioriser leurs efforts..
Tout investissement et décision économique se ferait démocratiquement. Les lieux de travail et les quartiers éliraient des représentants à de massifs conseils locaux et régionaux, qui eux-mêmes éliraient des décideurs nationaux. Les représentants élus ne devraient avoir aucun privilège que ce soit comparé à leur électorat, et ils seraient révocables à tout moment.
Afin de faciliter ce processus décisionnel démocratique, les horaires de travail et d’études devraient prévoir du temps pour des conseils et des discussions quand aux décisions. Grâce aux richesses nouvellement créées, la semaine de travail serait réduite afin de prodiguer aux gens le temps et l’énergie pour s’impliquer politiquement, et se réaliser hors du travail ou du cadre scolaire.
Une élite bureaucratique ne prendrait-elle pas le dessus?
Cela va sans dire, aux prémices d’une société socialiste, une lutte contre les carriéristes et la corruption sera nécessaire. Le bagage idéologique pernicieux issu de siècles de domination de classe ne s’évaporera pas d’un claquement de doigts. Mais en faisait des ressources productives de la société un bien public, en éliminant les privilèges, et en établissant les structures d’une gestion et d’un contrôle démocratiques, les obstacles barrant la route des aspirants bureaucrates seraient immenses.
L’évènement qui fait craindre une prise de pouvoir de la bureaucratie est l’arrivée de Staline au pouvoir en Union Soviétique quelques années après la révolution russe de 1917. Cette dégénérescence tragique de la Révolution Russe a été débattue par des marxistes dans de nombreux ouvrages. La conclusion que l’on peut tirer de ces évènements après une analyse historique sérieuse, c’est que cette dégénérescence n’était ni naturelle, ni inévitable, mais juste un concours de circonstances particulières.
Au moment de la révolution, la Russie était l’un de pays les plus pauvres, et la situation ne n’est guère améliorée lorsque les capitalistes détrônés, soutenus par 21 armées étrangères, on fait usage de violence pour récupérer le pouvoir des mains des assemblées démocratiques, ce qui a conduit a une guerre civile sanglante. Bien que la révolution prenait place ailleurs également, notamment en Allemagne, tous les mouvements furent réprimés, laissant la Russie isolée.
Ce n’était pas le terrain idéal sur lequel fonder le socialisme. La base même du socialisme, c’est d’avoir suffisamment de moyens pour subsister, mais la Russie manquait de moyens. Dans ce contexte, les structures démocratiques des Soviets (les assemblées de travailleurs) ont cessé de fonctionner. Qui se soucie d’aller aux réunions politiques sans savoir s’il pourra se nourrir le soir?
C’est cette sape du pouvoir des travailleurs, aggravée par l’isolement et le déclin économique du pays, qui a permis la bureaucratisation de la société et la montée de Staline en tant que leader. Mais ce n’eût rien de naturel. Staline a eu recours à l’emprisonnement, au meurtre et à l’exil, et a forcé des millions de gens dont le seul crime était leur attachement aux principes démocratiques de la révolution de 1917 à se soumettre.
Cette expérience illustre l’importance de faire de la lutte pour le socialisme une lutte globale. A cause d’impérialistes pillant des ressources à travers le monde, certains pays pourraient manquer d’une base économique stable pour se mettre au socialisme, et auraient besoin de négocier avec des pays plus riches. Si la Russie avait pu recevoir la soutien ne serait-ce que d’un seul pays, comme l’Allemagne, l’histoire serait aujourd’hui bien différente.
Ne serait-ce pas plus facile de réformer le capitalisme?
Contrairement aux récits populaires, l’histoire du capitalisme n’est pas celle d’un progrès constant vers des sommets de démocratie et de richesse. Chaque réforme a nécessité une lutte de masse, remettant souvent en doute les fondements mêmes du système.
Les réformes ne sont pas des cadeaux de politiciens au grand coeur, mais des concessions accordées dans l’unique but d’apaiser le mouvement et de faire oublier les vraies revendications. Que cela concerne les droits civils, le week-end de congé, ou le droit d’organiser uns syndicat, chacune de ces réformes a nécessité un combat constant contre la logique capitaliste, combats dans lesquels nombre d’innocents furent éliminés par les élites désireuses de mettre un terme à la lutte.
Sous le capitalisme, même ces réformes partielles ne sont pas permanentes. Comme nous avons pu le voir ces dernières décennies, les capitalistes n’hésitent pas à annuler leurs réformes quand ils pensent pouvoir se le permettre.
Les programmes sociaux pour lesquels les gens se sont battus bec et ongles par le passé se disloquent ou disparaissent sous des coupes budgétaires. Après avoir presque annihilé les syndicats dans le privé –où moins de 7% des travailleurs sont syndiqués – les politiciens se tournent maintenant vers le secteur public, dont un tiers des travailleurs n’est toujours pas syndiqué.
Une base stable pour des réformes effective demanderait que les travailleurs s’emparent du pouvoir pour le gérer eux-même – c’est à dire, rejeter le capitalisme en faveur du socialisme. C’est bien simple, lutter pour des réformes, et lutter pour le socialisme, sont deux choses identiques.
En théorie, ça sonne bien, mais en pratique?
La seule constante en histoire est le changement ininterrompu. Des anciens Etats esclavagistes aux seigneuries féodales jusqu’au système capitaliste global d’aujourd’hui, les gens n’ont cessé de rejeter les anciens systèmes dés qu’ils devenaient un frein au développement. Là où réside l’utopie, c’est dans la pensée que la guerre, la pauvreté et la destruction de l’environnement peuvent être réglés par le capitalisme.
Bien que le socialisme soit réaliste, il n’est pas inévitable. Encore et toujours, le capitalisme a conduit les opprimés et les travailleurs à se révolter. Nombreuses ont été les révolutions cette année, notamment en Egypte et en Tunisie. Mas bien que beaucoup aient réussi à détrôner le gouvernement, peu sont parvenues à un changement de régime. Le capitalisme renaîtra sans cesse, au détriment des pauvres, des jeunes et des travailleurs, si nous ne le remplaçons pas par un système meilleur.
C’est là que les socialistes entrent en scène: Nous prenons l’étude de l’histoire au sérieux, apprenant à la fois des défaites et des succès qu’ont connus les révolutions. Nous répandons cette connaissance au maximum afin d’établir le socialisme avec succès . Cela ne revient pas qu’à se plonger dans des bouquins. Cela nécessite de s’engager et construire les mouvements actuels, de mettre en avant des idées socialistes tout en apprenant des autres en lutte, construire notre avenir ensemble.
Si vous êtes d’accord avec ces idées, réfléchissez à nous rejoindre !
-
Les jeunes de l’ACJ ont participé à la grève générale du 30 janvier!
A l’occasion de la grève générale du 30 janvier dernier, les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) ont proposé aux jeunes de l’Athénée Charles Janssens (ACJ), une école d’Ixelles, de soutenir les travailleurs en participant à la grève. Et l’action fut un franc succès! Chômage, précarité, fins de mois difficiles, travail flexible,… voila ce qui attend beaucoup d’écoliers. Avec l’austérité de Di Rupo 1er, l’avenir des jeunes est bien sombre. Les écoliers ont donc tout à fait leur place dans une grève générale.
Photos de Guillaume, rapport par Julien
Quelques jours avant, sur base du tract de mobilisation que EGA-ACJ avait distribué aux écoliers, les autorités avaient tenté d’interdire le rassemblement. Nous nous opposons à ce genre d’attitude qui vise à effrayer les jeunes.
Le 30 janvier donc, dès 7h30, des jeunes étaient mobilisés, certains membres d’EGA, d’autres non, afin de protester contre le plan d’austérité du gouvernement Di Rupo 1er. Dès le matin, des discussions ont pu être engagées avec les étudiants. A côté de l’action des étudiants se tenait un piquet de grève des professeurs syndiqués.
Directement, nous avons accroché notre calicot ‘‘Nous voulons des écoles, du travail, un avenir – EGA-ACJ’’ sur la place de Londres, juste à côté de l’école, que nous avons #occupé, un peu sur le modèle des occupations place Tahrir (en Egypte) et Puerta del Sol (en Espagne). Puis, très vite, les slogans ont commencé à être scandés: ‘‘Tous ensemble, tous ensemble! Grève générale!’’, ‘‘Etudiants, professeurs, solidarité!’’, ou encore ‘‘Contre le chômage et les emplois précaire, 32h, sans perte de salaire!’’. Nous avons aussi tenu une assemblée ou chacun pouvait prendre la parole.
Aux moments les plus forts, il y avait une trentaine d’écoliers ainsi rassemblés. L’action devant l’école dura du début de la matinée jusqu’à 13h00, malgré le froid. A 13h00, les étudiants sont allés se réchauffer dans un café pour ensuite aller rejoindre le rassemblement syndical à 14h00 à la Bourse. Là-bas, la petite dizaine de jeunes restants ont continué l’action jusqu’à la fin.
Nous avons pu voir le potentiel et la motivation des étudiants à aller en action pour défendre la nécessité de lutter contre l’austérité et pour notre futur. Les jeunes aussi ont le droit de participer au débat politique et sont directement visés par les attaques du gouvernement. Cette action fut un premier essai pour tisser des liens entre jeunes et travailleurs à Bruxelles et elle fut une grande réussite.