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Tag: Ecole d’été du CIO
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[PHOTOS] École d'été du Comité pour une Internationale Ouvrière
La semaine dernière, quelque 330 révolutionnaires socialistes issus de 34 pays se sont réunis 6 jours durant pour partager leurs analyses politiques. Ces militants marxistes venaient d’Europe, mais aussi du Sri Lanka, d’Inde, de Malaisie, de Hong Kong, de Taiwan, d’Israël/Palestine, de Turquie, du Soudan, de Côte d’Ivoire, du Nigeria, d’Afrique du Sud, d’Australie, des Etats-Unis, du Brésil, du Canada et du Québec. Une belle illustration de la force du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Ces discussions intenses sont d’une aide cruciale pour préparer le CIO et ses sections aux changements rapides et fondamentaux dans la conscience de larges couches de la population afin d’aider à organiser la colère des masses en direction d’une transformation socialiste de la société. Nous reviendrons sur différents thèmes abordés durant cette école d’été au cours des semaines à venir. L’événement a pris place à Louvain à l’invitation des Étudiants de Gauche Actifs. -
Féminisme et socialisme
Rapport de la commission « féminisme et socialisme » de l’École d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière. Par Emily (Namur)
Beaucoup de personnes aux diverses références se disent féministes. Pourtant, selon nous, seul le socialisme peut mettre en place les bases matérielles pour en finir avec le sexisme.
Il y a 10 ans, nous pouvions encore entendre parler de post-féminisme. En effet, d’un point de vue purement juridique, les femmes ont pu obtenir une relative égalité devant la loi. Toutefois, la crise économique subie depuis plusieurs années par la majorité sociale démontre que cette égalité existe uniquement sur le papier. Les groupes les plus opprimés de la population – tel que les femmes – subissent cette crise avec le plus de violence. Si aujourd’hui il n’y a pas de large mouvement de femmes, beaucoup se sentent concernés par cette question et ont une volonté d’agir dessus, mais manquent de méthodes et de perspectives.
Les marxistes ont pour tâche de se battre pour une égalité de fait, qui ne reste pas virtuelle. Pour ce faire, il est primordial, d’une part, de gagner davantage de femmes aux idées révolutionnaires et au socialisme. D’autre part, il est indispensable de mener les luttes nécessaires à la mise sur pied d’une société au sein de laquelle les bases matérielles de l’oppression des femmes auront disparu, une société socialiste.
On ne peut nier que la classe ouvrière est parcourue par le sexisme. Cette oppression est plus ancienne que le système capitaliste puisqu’elle est apparue avec les premières sociétés de classes et est dès lors pleinement intégrée. C’est, dans ce cadre, un combat permanent pour organiser les femmes et les développer en tant que cadre révolutionnaire.
Toutefois, le patriarcat n’a pas toujours existé. Si on rencontrait, dans les sociétés communistes primitives, une certaine division des tâches entre hommes et femmes, il n’existait pas de hiérarchie entre les rôles. La survie du groupe ne pouvait se faire que par une parfaite coopération entre tous. L’apparition d’un surplus de production développe les bases matérielles de l’oppression de classe et des femmes. En effet, cela s’est propagé de pair avec la notion de filiation et celle que la propriété privée doit se transmettre de génération en génération. Cela a permis l’émergence d’une hiérarchisation entre les rôles dits productifs et reproductifs. Depuis, il y a eu différent type de société de classes, mais l’oppression des femmes est restée une constante dans chacune d’elle. Ce n’est qu’en abolissant la société de classe que l’on pourra abolir le sexisme. Mais pour ce faire, l’unité des hommes et des femmes de notre classe dans cette lutte est indispensable.
Notons que les femmes de la classe ouvrière ne sont pas les seules opprimées. Par exemple, la violence vis-à-vis des femmes est présente partout, même s’il sera souvent matériellement moins difficile pour les femmes des couches supérieures de quitter une situation de violence conjugale sans risquer de sombrer dans la misère. Dans la même logique, bien que Michelle Obama soit une femme noire, elle est bien moins opprimée qu’une femme travaillant dans un fast-food, mais également bien moins qu’un homme y travaillant. Toutes les femmes sont donc opprimées, mais les femmes de la classe ouvrière le sont doublement. Et si des femmes de la classe dirigeante veulent réellement lutter contre le sexisme, il sera nécessaire qu’elles rompent avec leur classe pour lutter au côté de la classe ouvrière contre le capitalisme. L’oppression de classe prévaut donc sur les autres formes d’oppressions. Ce n’est qu’en abolissant les sociétés de classes que nous pourrons avoir les bases matérielles suffisantes pour nous attaquer aux autres formes d’oppression, et ce dans un processus dialectique.
Nous réfutons le féminisme bourgeois qui oppose les hommes aux femmes – en considérant même parfois que ces dernières, de par leur genre, doivent nécessairement avoir raison – et qui regarde les choses de manière abstraite. Non, avoir plus de femmes à des postes à responsabilité ne changera pas la nature de l’oppression de classe. Non, ce n’est pas simplement par la voie parlementaire ou grâce à quelques personnes d’exceptions que les femmes ont obtenu des acquis. Nous refusons également de tout orienter sur une question individuelle et de croire qu’il n’est pas possible d’avoir une vision globale. Bien que l’expérience de chacun puisse être différente, la compréhension des différents points de vue est possible et la solidarité et l’unité indispensables.
En effet, le suffrage universel mixte, le mariage civil, le droit de divorcer, l’avortement sécurisé, le congé maternité, les crèches, les cantines collectives (etc.) sont autant d’acquis obtenu en période de lutte intense de l’ensemble de la classe ouvrière – telle que la Révolution russe de 1917, et ce avec des décennies d’avance sur le reste du monde. C’est par la lutte de masse qu’il est possible de combattre la double tâche à laquelle sont astreintes les femmes dans une société de classe. Cette expression signifie qu’en plus du travail productif que la femme accomplit, elle prend en charge de manière individuelle le travail domestique. Les femmes de la classe supérieure pourront, elles, engager quelqu’un pour le faire à leur place.
Ce sont également des luttes majeures dans le secteur de l’industrie qui ont permis d’instaurer le principe de l’égalité salariale. Toutefois, si aujourd’hui elle est obligatoire dans de nombreux pays, sa mise en œuvre va dépendre du rapport de force en présence. Ainsi, selon la Banque Mondiale, les inégalités salariales varient entre 10 et 30%. Il n’existe pas, à ce sujet, de différence notable entre les pays dits riches et pauvres, mais l’écart salarial selon le genre est plus important parmi la classe inférieure que supérieur.
Avec les coupes budgétaires majeures que nous subissons aujourd’hui à travers le monde, la problématique de cette double tâche – ou double journée de travail – revient d’autant plus à l’avant-plan. Ainsi, les premières attaques sont dirigées vers le secteur des soins aux personnes (accueil de la petite enfance et des personnes âgées, soins de santé, enseignement, refuges pour femmes battues, etc.). Les dirigeants disent alors qu’il faut compter sur la grande société, c’est-à-dire la famille. Mais en faisant cela, c’est bien sur les femmes que retombe cette charge, comme responsabilité individuelle – plutôt que collectivement pris en charge par la société – alors que parallèlement à ça, les conditions de travail se dégradent, les chômeurs sont traqués, etc. Les mesures d’austérité ont jeté une très grande proportion de femmes dans la précarité et la misère, elles accroissent encore l’oppression des femmes en dégradant leurs conditions matérielles de vie.
Nous devons lutter pour la construction d’une société socialiste, une société qui comporte les bases d’une égalité entre les genres, c’est-à-dire avec une égalité totale au niveau matériel. Par exemple, l’accueil de la petite enfance doit être assuré par la collectivité parallèlement à un droit pour le parent qui le désire de rester à la maison avec un revenu décent. C’est seulement dans ce cadre-là qu’il peut y avoir un vrai choix. Cela devra évidemment passer par une gestion démocratique de l’économie.
Toutefois, face à une oppression aussi ancrée que l’est le sexisme, il y aura, en plus, besoin de travailler en profondeur, comme le disait Trotsky. Il est donc nécessaire de garder une attention constante à l’intégration des femmes dans toutes les luttes et à combattre le sexisme dans notre organisation par des discussions ouvertes à ce sujet. Nous pensons que pour gagner l’unité, nous devons expliquer en profondeur nos stratégies et nos méthodes, et puisque nous ne pouvons être totalement exempts de sexisme, lorsqu’un problème survient, il s’agira d’agir avec conséquence.
Lorsque nous menons des campagnes sur des questions plus spécifiquement “femmes” (avortement, planning familial, refuge pour femmes battues…), nous devons avoir une approche flexible selon la situation en présence. Avec le CIO, nous avons mené de nombreuses campagnes sur cette question, mais nous sommes petits face à l’ampleur de la tâche. Nous avons dès lors besoin d’un bon programme, juste et clair, même si pour l’instant nous n’avons pas les forces. Ajoutons que ce que nous nommons parfois “travail femme” n’est en rien séparé du reste du travail de l’organisation, il en fait partie intégrante : la lutte pour le socialisme.
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La lutte des classes en Europe : le calme avant la tempête
Rapport des discussions sur les perspectives en Europe, école d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière
L’économie mondiale n’est toujours pas sortie de la crise dans laquelle elle est depuis 2007-08. Le dernier rapport de l’OCDE lui-même le concède : s’il y a une certaine « reprise », les problèmes et les risques de rechute sont toujours autant présents. Si l’on s’attarde sur la soi-disant « reprise », on se rend vite compte qu’elle est inconsistante, loin des niveaux d’avant 2007, basée essentiellement sur de l’endettement et des aléas conjoncturels, et est sans véritable création d’emplois. La faible reprise actuelle ne profite qu’aux plus riches et est dans les faits plus une croissance des inégalités qu’une croissance de l’économie, car pour la majorité de la population il n’y a que de l’austérité.
Par Baptiste (Nivelles)
Cette situation dans les pays capitalistes avancés n’est pas tellement nouvelle, car la croissance molle sans emploi creusant le fossé entre riches et pauvres est la tendance du capitalisme dans sa version néolibérale, ces 40 dernières années. La crise actuelle ne fait qu’accentuer ces traits, démontrant encore un peu plus que le système est arrivé aux limites de ses capacités de développement, au-delà de l’incapacité des dirigeants à trouver des politiques économiques « miracles ». En France, en Espagne, au Portugal et en Italie notamment, les premiers trimestres de 2014 présentaient d’ailleurs une croissance négative. Dans ce dernier pays, on estime même que 32.000 entreprises ont disparu depuis le début de la crise, et que plus globalement la capacité industrielle a baissé de 20% sur ce laps de temps.
Les classes dirigeantes se rassurent comme elles peuvent de l’impasse économique
Les récentes mesures monétaires de la Banque Centrale Européenne, dont la mise en place d’un taux d’intérêt négatif pour les dépôts auprès de la BCE, fournit un nouvel exemple de l’impasse économique. Les robinets à liquidité ont beau être ouverts à fond, cela ne se traduit ni en une hausse des investissements (l’absence de possibilité de développement structurel de l’économie capitaliste ne le permet pas), ni en une hausse de la consommation (la détérioration du pouvoir d’achat et des conditions de vie par les politiques d’austérité ne le permet pas).
A la place d’être investis, les profits et liquidités sont entassés par les capitalistes dans les paradis fiscaux et utilisés dans la course aux profits immédiats favorite des capitalistes, à savoir la formation de bulles spéculatives, aussi néfastes soient-elles pour l’économie. L’euphorie générée sur les marchés financiers est par conséquent totalement déconnectée de la réalité et le risque de rechute, de « correction » au moment de l’inévitable explosion des bulles sera d’autant plus brutale. Les crises bancaires peuvent alors être ravivées, en sachant que le secteur comporte toujours de nombreux stigmates de 2007-08. Au Portugal, l’Etat a d’ailleurs du injecté plus de 4 milliards € dernièrement dans la banque Espirito Santo pour éviter la dissémination de défauts de paiements de dettes à l’ensemble du secteur bancaire.
En l’absence d’une solution réelle pour l’économie, le spectre de la déflation, symptomatique d’une stagnation économique, continue de hanter les dirigeants capitalistes et si un tel scénario venait à se concrétiser, les effets négatifs sur la consommation, les investissements et les dettes seraient démultipliés.
A l’heure actuelle, sur base de l’accalmie accompagnant l’atmosphère de soi-disant reprise, la crise de la zone euro et ses scénarios d’implosion ont pu être mis plus ou moins de côté. Mais cela n’a rien d’absolu et les différents scénarios de fin de la zone euro peuvent rapidement reprendre le devant de la scène en cas de nouvelles tensions sur les dettes souveraines. En Grèce, cela peut aussi être précipité en cas de victoire de Syriza aux prochaines élections législatives. Car même si Tsipras met de plus en plus l’accent sur des négociations avec Merkel et l’establishment européen pour résoudre le problème de l’insolvable dette grecque, la possibilité existe qu’il soit mis sous pression par les masses en Grèce et qu’il soit poussé plus à gauche qu’il ne l’aurait voulu. Une telle radicalisation de sa position sur le sort à réserver à la dette publique catalyserait inévitablement les tensions dans la zone euro.
Les instruments politiques traditionnels de la bourgeoisie en pleine crise de légitimité
Les dernières élections européennes étaient marquées du sceau de cette crise systémique. La crise du capitalisme s’accompagne du discrédit historique des institutions bourgeoises, en particulier les partis traditionnels dont la tâche est de faire payer la crise aux travailleurs à coup d’austérité. La colère et le dégout à l’encontre du système et de son establishment s’est traduit dans les votes par un rejet généralisé des partis gouvernementaux. Pour chaque pays, on peut trouver des exemples d’érosion du soutien et même d’effondrement de partis traditionnels.
En France, le PS de Hollande se retrouve à 13%, soit une baisse de soutien record 2 ans à peine après les élections présidentielles ; le Pasok est à 8% au sein d’une coalition de « centre-gauche » en Grèce ; le Labour est à 5% en Irlande ; le PSOE et le PP ensemble sont sous les 50%, une première depuis la fin de l’ère Franco, etc. L’Italie est une fausse exception qui confirme la règle, car le PD de Renzi (40%) a joué la carte de la sanction contre Berlusconi. Cette lune de miel ne devrait pas durer au vu du programme de Renzi fait de privatisations et de coupes budgétaires pour 34 milliards € sur les prochaines années. Renzi est en fait déjà tellement désespéré de sa situation qu’il voudrait d’inclure le marché noir dans le calcul du PIB pour tenter de régler artificiellement les problèmes économique.
En moyenne, l’abstention était de 57% et dans certains pays comme la Slovaquie ce taux a atteint 87% ! La croissance de l’instabilité politique s’accompagne d’une radicalisation et d’une polarisation. Là où des luttes de masse ont pris place dans la dernière période et ont donné une certaine confiance à la classe ouvrière, ce rejet a pu s’exprimer partiellement à gauche comme c’est le cas en Espagne (Podemos, IU) et en Grèce (Syriza) en particulier. Mais l’avertissement de ces élections est qu’en l’absence d’un plan d’action pour transformer et organiser la colère et le dégoût, en l’absence d’une alternative politique au capitalisme en crise, l’espace politique est offert aux forces réactionnaires, qu’il s’agisse de populistes de droite ou même de l’extrême droite (UKIP en Grande-Bretagne, Aube Dorée en Grèce, FN en France, le parti Jobbik en Hongrie, les Démocrates Suédois…).
La situation grecque semble contradictoire avec un score de 10% pour Aube Dorée et la place de premier parti pour Syriza. Cela est pourtant illustratif de la polarisation à son paroxysme dans un capitalisme en déliquescence. Un million de grecs sont aujourd’hui sans le moindre revenu, et on estime que le pouvoir d’achat a diminué en moyenne de 50% en quelques années, le chômage dans la jeunesse est de 60% et les services publics ne cessent d’être désintégrés. L’incapacité des directions syndicales à organiser la lutte à un niveau supplémentaire, le sectarisme du KKE et les concessions programmatiques de la direction de Syriza donnent de l’espace aux réactionnaires pour détourner l’attention du mouvement ouvrier. A côté de l’avertissement qu’est Aube Dorée, il faut également noter l’abstention aux dernières élections (plus de 50%), qui masque la perte de 150.000 voix pour Syriza par rapport aux élections de juin 2012, et ce malgré le maintien des 26%.
En France, c’est toute la nouvelle stratégie du FN qui est orientée de sorte à tirer le plus profit de la colère et du manque d’alternative, manque d’alternative notamment dû au flou dans l’orientation du Front de Gauche et au défaitisme de Mélenchon lui-même. Sur fond de discrédit du PS et de scandales à l’UMP, le FN de Marine Le Pen est passé d’une rhétorique ouvertement raciste à un populisme de droite contre l’establishment européen. Car ce qui a primé dans le succès du FN, ce sont bien des questions sociales et non nationalistes ou racistes. Même l’attitude par rapport aux grèves, comme celle des cheminots, a changé puisqu’à la place d’une attaque frontale contre les droits syndicaux il y avait un soi-disant soutien à la grève. Ce virage stratégique n’est que cosmétique et ne doit pas leurrer les travailleurs, le programme réactionnaire du FN restant ancré à l’extrême-droite. Il ne remet jamais en cause le système capitaliste en soi, attribue la crise à des boucs émissaires, et ne comporte au final que des attaques sur nos conditions de vie et de travail.
Il reste fondamental de s’opposer de manière principielle aux idées d’extrême-droite comme le racisme et la xénophobie. Mais il est indispensable de coupler à cette lutte une réponse socialiste aux frustrations et inquiétudes en l’avenir de la classe ouvrière sur lesquelles les populistes de droite et l’extrême droite peuvent faire leur chemin si le terrain leur est laissé. Ce n’est qu’avec cette méthode, à savoir la mobilisation et la réponse politique à la crise du capitalisme, que l’on peut battre de manière significative l’extrême-droite et les populistes de droite.
La question nationale, autre contradiction insolvable pour le capitalisme, reste à l’avant-plan en Europe et en particulier en Ecosse où aura lieu un référendum pour l’indépendance en septembre prochain. Le désir d’indépendance est toujours plus prononcé parmi les jeunes et les travailleurs, qui désirent se défaire de la tutelle d’austérité qu’est l’establishment britannique. Une victoire du « oui » serait une nouvelle défaite de prestige pour l’impérialisme britannique et relancerait une dynamique pour l’indépendance dans les autres pays européens où une question nationale existe.
Il est crucial pour la gauche de coupler la nécessité d’unité du mouvement ouvrier au droit à l’autodétermination et à l’indépendance, car seul le renversement du capitalisme par la lutte des classes permet de donner une vraie signification à l’indépendance et l’accès aux droits démocratiques pour toutes les minorités. A nouveau, en l’absence d’un relais politique pour le mouvement ouvrier, le danger existe que la droite et les nationalistes instrumentalisent la question nationale pour détourner l’attention des problèmes sociaux et divisent les travailleurs sur des différences secondaires.
Les nouveaux partis de gauche confrontés au défi d’offrir une alternative au capitalisme
Dans le contexte de crise du capitalisme et de polarisation dans la société, les développements que peuvent subir de nouvelles formations de gauche peuvent être très rapides. Lors des dernières élections européennes, l’Espagne a fourni un bon exemple. A côté d’Izquierda Unida qui confirme sa position avec un résultat de 10%, le tout récent parti de gauche « Podemos » issu du mouvement des indignés a réussi une percée électorale à hauteur de 8%. Dans les derniers sondages, Podemos atteint même la côte de 20% de soutien.
Cela illustre que tout l’espace politique à gauche n’a pas été saisi par IU, et qu’une formation encore peu structurée mais qui s’oriente contre le capitalisme, même avec certaines confusions programmatiques, peut rapidement générer l’enthousiasme. Il est également remarquable de noter l’évolution de la conscience que signifie Podemos : l’expérience du PP au pouvoir ces dernières années a fait passer le sentiment antiparti et antipolitique du mouvement des indignés à la recherche d’une organisation politique à travers un nouveau parti de gauche. Cela ne doit pas pour autant occulter les faiblesses de telles nouvelles formations de gauche, qui peuvent provoquer des chutes très rapides si elles ne sont pas corrigées. Dans le cas d’IU, sa participation gouvernementale en Andalousie avec le PSOE et l’orientation de la direction autour de Meyer en un parti de gestion du système pose des limites politiques qui peuvent s’avérer fatidiques pour l’avenir d’une organisation voulant offrir un relais politique aux travailleurs.
La rapidité des développements concernant les partis de gauche nécessite de la réactivité et de la flexibilité tactique de notre part pour parvenir à formuler la nécessité d’un front unique contre l’austérité de la manière la plus optimale, avec les couches les plus avancées de la classe ouvrière en-dehors et au sein des différentes formations où prennent place des contradictions et des polarisations, comme c’est le cas dans Podemos et IU. Cette approche vaut aussi en Grèce (Syriza), en Allemagne (Die Linke), etc.
La période actuelle que traverse la lutte des classes en Europe peut être caractérisée comme une période d’accalmie, voire de recul. Cela n’est pas à imputer au manque de combativité et de recherche d’action de la classe ouvrière. Les 36 grèves générales de ces dernières années en Grèce, épicentre de la crise des dettes souveraines en zone euro, les mobilisations de millions de personnes au Portugal et en Espagne, ou encore les dernières grèves de millions de travailleurs du secteur public en Grande-Bretagne ou de ceux des services de la ville de Gênes suffisent a démontré le contraire. L’impasse provient de l’incapacité et du refus des directions syndicales d’organiser cette colère et d’offrir des perspectives aux luttes. Dans cette situation, la frustration et la fatigue reprennent le dessus, à quoi s’ajoute un niveau de conscience faible encore marqué par la chute de l’URSS.
Mais ce recul, s’il permet à des forces réactionnaires d’occuper temporairement le terrain, n’est pas une défaite décisive pour autant pour les travailleurs. Il s’agit d’un temps de latence, durant lequel les expériences des dernières années sont en train d’être digérées. Une lutte victorieuse peut rapidement renverser la dynamique dans ce contexte. Et bien que la bureaucratie syndicale continuera à rechercher des compromis avec les classes dirigeantes, ce frein n’est pas absolu et les luttes peuvent échapper au contrôle de la direction. Beaucoup de rage est présente et une étincelle peut tout redémarrer. Les répressions accrues et systématiques démontrent clairement que c’est un scénario craint par les classes dominantes.
Des tensions inter-impérialistes en recrudescence
La phase de crise du capitalisme s’accompagne d’un accroissement des tensions interimpérialistes. Les scandales d’espionnage, comme celui de Merkel par la NSA, et les amendes record attribuées à BNP par les autorités américaines illustrent les rivalités entre impérialistes ravivées par la crise. Et si ces rivalités ne sont pas des obstacles infranchissables pour réaliser des accords économiques et politiques, il est certain que les blocs et les alliances n’ont rien d’immuables en cas de conflits.
Ces tensions peuvent aussi se concrétisent en conflits locaux, bien que ces conflits comportent à chaque fois en eux le risque d’un enlisement et d’une régionalisation. L’Ukraine est le terrain de jeu actuel de la confrontation entre impérialistes US, européens et russes. Au départ, le mouvement de protestation massif de la place Maïdan du début d’année était orienté contre la corruption style « Poutine » du gouvernement de Ianoukovytch. Initialement, il n’y avait pas de domination « pro-UE » du mouvement, ou encore même par l’extrême-droite. Mais l’absence d’une expression politique indépendante pour les jeunes, les travailleurs et les pauvres ainsi que les complications du stalinisme dans la conscience ont permis aux réactionnaires d’occuper l’espace.
L’UE a installé son gouvernement d’oligarques à Kiev, incluant des forces d’extrême-droite, tandis que Poutine s’est appuyé sur une propagande patriotique et soi-disant anti-fasciste pour intervenir militairement dans les régions à majorité russophone comme l’Est de l’Ukraine et la Crimée. Cette dernière région a même été annexée pour l’occasion, la Russie utilisant l’organisation d’un soi-disant « référendum pour l’indépendance » pour légitimer ses actes.
Derrière les prétextes démocratiques de part et d’autre, les réels intérêts stratégiques en Ukraine sautent aux yeux avec la position du pays dans les échanges commerciaux, en particulier énergétiques. Que ce soit pour Poutine ou les Européens, si le conflit leur permet de rétablir temporairement un certain prestige, aucun des problèmes n’est en passe d’être réglé avec la tournure en guerre civile sectaire et la destruction d’infrastructures dont la population paye le prix fort (pénuries en eau potable, gaz, électricité,…). Et il est peu probable que la lune de miel du gouvernement « européen » du milliardaire Porochenko à Kiev dure, car l’arrivée des réformes du FMI n’apportera que de nouvelles crises sociales.
Chaque région, chaque pays a des spécificités, mais notre point de départ doit être de construire l’unité et l’indépendance de la classe ouvrière, à travers une unité d’action des jeunes et des travailleurs contre la guerre autour d’un programme socialiste et internationaliste. Dans ce sens-là, le droit à l’autodétermination peut prendre un vrai contenu alors qu’il est illusoire de s’imaginer qu’une simple séparation puisse amener des meilleures conditions de vie sous le capitalisme. Il n’y a aucun soutien même critique à avoir que ce soit à Poutine ou au gouvernement des oligarques de Kiev. Cette approche de classe est le seul moyen pour éviter une instrumentalisation du mouvement par les différents intérêts impérialistes s’appuyant sur des forces d’extrême-droite et faisant dériver le mouvement en une guerre civile sectaire.
Luttons contre l’Europe capitaliste, pour une Europe socialiste !
Dans un contexte international de révolutions et contre-révolutions, le capitalisme est dans une tourmente et est incapable de résoudre le moindre de ses problèmes, que ce soit économique, politique ou social et ne propose qu’une austérité sans fin. Les nouvelles technologies, quand les capitalistes arrivent à les intégrer dans les forces de production, n’apportent plus aucun progrès pour les travailleurs et ne sont plus que des tueurs d’emplois.
Bien qu’empêtrées dans une crise sans issue, les classes dirigeantes européennes préparent leur prochaine offensive d’ampleur pour nous faire payer la note de la crise. Ce nouveau coup fumant (plutôt pestilentiel) encore en gestation s’intitule « TTIP », plus connu sous le terme de traité transatlantique, et n’est rien d’autre que le cadre pour une zone de libre-échange équivalent à 40% du PIB mondial.
Pour les capitalistes, cet accord permettrait soi-disant de stimuler la croissance. En vérité, il s’agit de stimuler les profits, en accentuant les attaques sur les conditions de travail et de vie à travers un nivellement par le bas des réglementations sociales et sanitaires et un détricotage supplémentaire des services publics. Il n’y a par exemple aucun doute que l’exploitation du gaz de schiste à grande échelle est dans le collimateur du traité avec de telles mesures de dérégulations. Certains économistes bourgeois pronostiquent même la perte d’un million d’emplois de chaque cote si l’accord était validé.
Parallèlement, le traité permettrait de renforcer « l’atlantisme » dans les conflits géopolitiques, notamment vis-à-vis de la Chine et de la Russie. La cerise sur le gâteau serait l’habilitation d’une cour d’arbitrage au-dessus des appareils judiciaires nationaux, généralisant la possibilité de réaliser des procès contre des Etats qui mettraient « en péril » les profits des entreprises. Ce n’est pas un hasard que sur les 130 réunions de préparation aux négociations, les multinationales étaient représentées à 120.
Cette norme de paupérisation n’est pas propre aux pays capitalistes avancés, loin de là : son expression brutale dans les pays néocoloniaux s’accompagne d’un flux migratoire pour des dizaines de millions de pauvres quittant le peu qu’ils ont à la recherche d’une vie meilleure notamment en Europe, et ce au péril de leur vie.
Le capitalisme a fait son temps, la classe ouvrière a un rôle décisif à jouer pour renverses ce système. Tant que ce système n’est pas abattu, il continuera de nous faire payer la note de son pourrissement. Notre tâche est de formuler des perspectives, des tactiques et un programme corrects, pour construire le parti révolutionnaire et accroître nos rangs en gagnant au socialisme les couches les plus avancées du mouvement ouvrier. Les perspectives ne sont jamais des certitudes à 100%, mais il est essentiel de se préparer politiquement et dans la construction de nos forces pour mettre toutes les chances de notre côté.
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Un monde entre révolution et contre-révolution
Rapport de la discussion sur les perspectives mondiales, école d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière. Rapport de Peter Delsing
Une large discussion concernant les processus de révolution et de contre-révolution au niveau mondial a pris place lors de l’édition 2014 de l’école d’été du CIO. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le mouvement de masse des travailleurs et des jeunes a connu des défaites faute d’une direction ouvrière. D’anciennes dictatures ont de ce fait pu se remettre en selle. En Amérique latine, les illusions envers le populisme de gauche s’épuisent au Venezuela, en Bolivie et dans une certaine mesure, envers le PT au Brésil. La colère des masses n’en est pas moindre. Même la Coupe du Monde n’y a pas échappé. Chaque fois que Dilma – la présidente du Brésil – était à l’écran, les sifflets fusaient parmi les Brésiliens présents dans le stade.
En Asie, le moteur économique chinois perd en puissance, ce qui a des effets sur la région mais peut aussi toucher le reste du monde. L’uppercut du nationalisme et du militarisme en Chine et dans les régimes alliés des USA menace les anciens équilibres. Les échecs en Irak, Syrie, Libye,… illustrent les importants problèmes de l’impérialisme ainsi que son impuissance. La crise en Ukraine reflète à son tour l’accentuation des tensions entre puissances impérialistes. Dans une phase de stagnation économique ou de crise, la lutte pour les sphères d’influence et la sauvegarde des marchés s’intensifie.
Du fait du manque de partis de masse proposant un programme révolutionnaire de gauche, des pans de la société peuvent glisser dans la barbarie. C’est ce que l’on constate avec la crise et la guerre à Gaza, la guerre en Ukraine, la nouvelle dictature en Egypte, la guerre civile en Libye et en Syrie, la montée de groupes fondamentalistes islamiques tel que l’’EIIL en Irak,… La situation en Irak confirme hélas les perspectives que le Comité pour une Internationale Ouvrière a déjà avancées : une intervention impérialiste ne pouvait conduire qu’à l’arrivée de deux ou trois nouveaux Saddam dans la région et servirait de terreau au fondamentalisme islamique.
Mais il y a aussi eu des victoires pour les masses et les socialistes : au Brésil, les manifestations de masse ont annulé les hausses de prix de transport. En Afrique du Sud, les conséquences de la lutte des mineurs ont relancé plus largement la lutte des classes, au point qu’un grand syndicat comme Numsa a rompu avec l’ANC et réclame la construction d’un nouveau parti des travailleurs. A Seattle, aux Etats-Unis, une révolutionnaire socialiste, Kshama Sawant, membre de notre organisation-sœur Socialist Alternative a été élue au conseil municipal. C’est une première depuis un siècle. Sous l’impulsion de cette percée, le salaire minimum le plus élevé des Etats-Unis a été introduit. Cette victoire va sortir 100.000 travailleurs de la pauvreté au cours des prochaines années. La campagne « 15 Now » peut servir d’exemple pour d’autres mouvements de lutte aux Etats-Unis et constitue déjà une source importante de renforcement du marxisme dans le bastion du capitalisme mondial. Ce mouvement de lutte pour un réel salaire minimum donne tort aux cyniques. Des changements et réformes sociales positives sont possibles. Mais seulement – vu l’état de déclin du capitalisme – sur base d’une stratégie révolutionnaire et par une mobilisation de masse ainsi qu’une pression massive sur la classe dirigeante et ses relais politiques.
Economie capitaliste : le “calme avant la tempête”
Sur le plan économique, les capitalistes ne savent pas où ils sont ni où ils vont. La croissance que le monde a connue après la crise de 2007-2008 était basée sur des dettes. Aujourd’hui, au niveau mondial, les dettes sont 30% plus élevées qu’avant la crise, constatait notre camarade Per-Ake de Suède au cours de la discussion. Selon un rapport de la Bank of International Settlements (BIS), les Bourses sont aujourd’hui déconnectées de la réalité et nous vivons le “calme avant la tempête”.
Il est rare que la classe capitaliste essaie encore de se projeter dans l’avenir de son système. Dans un récent rapport de l’OCDE – le club des pays les plus riches – c’était cependant le cas. Selon ce rapport, la croissance économique ne s’élèvera, au cours des 45 prochaines années, qu’aux deux tiers de la croissance de la période écoulée. Toujours selon l’OCDE, le nombre de chômeurs dans les pays développés est déjà passé, depuis la crise de 2008, de 32 à 38 millions. Ils ont estimé qu’au cours des 45 prochaines années, 50 millions de réfugiés partiront vers l’Europe et les Etats-Unis à la recherche d’un avenir meilleur. En ce qui concerne le climat et le réchauffement de la terre, le rapport stipule qu’au cours de cette même période, nous devons nous attendre à ce que les émissions de gaz carbonique doublent. Reconnaissant sa propre faillite sociale, nous devons, selon l’OCDE, nous imaginer l’idée de Detroit – la ville américaine en faillite et socialement écroulée – mais, d’ici quelques décennies, dans des villes comme Paris ou Stockholm. Les diseurs de bonne aventure du capitalisme auraient tout aussi bien pu se référer à l’Athènes actuelle.
Mais tant la BIS que l’OCDE continuent à prôner les anciennes recettes. Ils s’accrochent au capitalisme et à une politique d’austérité, ce qui ne peut mener qu’à une crise encore plus profonde. Cependant, les couches les plus prévoyantes de la bourgeoisie sont conscientes que cela ne peut continuer ainsi. Avec, par exemple, une inégalité de revenus qui mine la stabilité du système et attise la colère contre l’arrogance des super riches. Ou comme un milliardaire de Seattle l’exprimait à juste titre : “Si ça continue comme ça, les classes moyennes disparaîtront et nous nous retrouverons comme en France à la fin du 18ème siècle. Nous pouvons à nouveau nous attendre à des fourches devant la porte”.
La classe capitaliste se retrouve face à une remise en question complète de sa légitimité et de ses institutions. Aux Etats-Unis, cela s’exprime de façon particulièrement aigüe, un autre milliardaire qui investit des millions de dollars depuis de longues années déjà en faveur de candidats politiques déclarait dans le Financial Times qu’il essaie de trouver un candidat républicain qui « ne soit pas complètement fou » – « une tâche plus difficile qu’il n’y paraît » d’après le Financial Times. Même les illusions envers Obama se sont en grande partie envolées. Obama a expulsé plus de réfugiés que jamais et, en tant que représentant du Big Business, a réussi à n’apporter aucun changement réel.
Les capitalistes enregistrent à nouveau de beaux bénéfices mais ils les accumulent ou spéculent à la Bourse. Selon Larry Summers, conseiller de l’establishment américain, il y a “des possibilités d’investissements insuffisantes pour miser les moyens économisés”, ce qui pourrait définir une sur-accumulation capitaliste. Dans la zone euro, il y a une faible croissance et l’élite craint la déflation, les chutes de prix, parce que les capitalistes investissent à peine. Nous pouvons nous attendre à de nouvelles crises bancaires et à une poursuite de la politique non conventionnelle de la Banque Centrale Européenne. Cela va provoquer l’éclatement de bulles existantes et constituer la base de crises économico-financières encore plus graves qu’en 2007-2008.
L’exemple de l’Argentine montre d’ailleurs que c’est sérieux pour les capitalistes. Aux USA, 7% des investisseurs sont allés en justice suite au non-paiement de dettes par le gouvernement argentin. Ce sont les conséquences de la crise économique du début des années 2000. Les spéculateurs ont obtenu gain de cause de la part du juge américain. Si l’Argentine ne met pas d’argent sur la table, elle peut être exclue des marchés financiers, ce qui pourrait déclencher une situation révolutionnaire dans le pays. La bourgeoisie entend ainsi faire un exemple international : n’essayez pas de ne pas payer vos dettes ou des sanctions oppressantes suivront. Le CIO est en faveur du non-paiement des dettes aux charognards financiers et aux spéculateurs, pour la nationalisation sous contrôle démocratique du secteur financier ainsi que des secteurs-clés de l’économie, sous gestion et contrôle de la population active.
Contre-révolution faute d’alternative de gauche de masse
L’un des revers de la médaille consiste en un recul dans le processus révolutionnaire, entre autres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Egypte, l’an dernier, a pris place ce qu’on peut sans doute considérer comme la plus grande manifestation de l’histoire : plus de 20 millions de manifestants exigeaient la révocation du président Morsi, des Frères Musulmans. Faute d’organisations de masse indépendantes des travailleurs et des jeunes, l’armée est revenue au pouvoir, sous la direction du général Sissi. L’armée a déclenché une répression sanglante contre les fondamentalistes des Frères Musulmans, faisant 2500 morts et 16.000 blessés. Le CIO avait averti que ces méthodes visaient aussi le mouvement ouvrier. En mars, 22 militants syndicaux combatifs ont été arrêtés dans une fabrique de porcelaine et accusés d’ « appartenance » aux Frères Musulmans.
En mai, Sissi est sorti vainqueur du processus électoral mais la participation au scrutin n’était que de 46%. Il a promis de s’attaquer au chômage via des travaux d’infrastructure mais le capitalisme égyptien est trop faible pour ça. Quelques mois après son élection, de nouvelles grèves ont démarré dans différents secteurs. Sissi a promis de donner la moitié de son salaire mais il y a des limites à sa politique bonapartiste consistant à balancer entre les classes sociales. S’il continue à attaquer les subsides pour le pain ou l’essence, de nouveaux mouvements de masse peuvent commencer. En ’78, le gouvernement de Sadat est tombé après avoir augmenté les prix du pain.
A Gaza, un lourd tribut est payé suite au fait que les révolutions et mouvements de masse en Tunisie, Egypte, Libye,… n’ont pas été poursuivis – ce qui, sous une direction ouvrière socialiste aurait pu transformer toute la région. Pendant l’école d’été, 480 morts sont tombés, dont ¼ d’enfants. Seuls 52% des Israéliens estiment que l’offensive militaire peut apporter une solution. Mais pour des considérations sécuritaires, une majorité soutient encore les attaques sur Gaza. Les roquette du Hamas frappent plus largement et touchent plus profondément Israël. Cela montre à quel point les seuls moyens militaires pour mettre fin au conflit sont une voie sans issue.
La section du CIO en Israël-Palestine adopte une position de classes de principe. Le gouvernement capitaliste de Netanyahu est le plus grand agresseur avec sa politique de terreur d’état. L’oppression des Palestiniens a encore fait croître le soutien pour le Hamas fondamentaliste à Gaza. Mais une occupation de Gaza constituerait pour le gouvernement israélien un scénario cauchemardesque. Netanyahu dit bien qu’il n’est pas dans ses intentions de renverser le Hamas. Les manifestations à Israël contre la guerre sont encore relativement petites, avec, entre autres, 10.000 personnes dans les rues de Tel Aviv. A Londres, 50.000 personnes ont manifesté, à Bruxelles et dans d’autres villes aussi, d’importantes actions de protestation ont eu lieu. Un grand mouvement de protestation peut naître autour d’un tel thème international. Nous sommes en faveur d’une Palestine socialiste indépendante et d’un Israël socialiste, avec Jérusalem comme capitale partagée et de la défense des droits de toutes les minorités. Sur base capitaliste, il n’y a d’issue ni pour la population palestinienne ni pour la population israélienne.
En Irak, nous voyons la poursuite du déclin de l’état capitaliste. Tout comme en Libye, dominée par des seigneurs de guerre dans un scénario à la Mad Max. En Irak, on constate l’avènement de l’EIIL, le groupe fondamentaliste qui voit sa chance de mettre en pratique sa philosophie moyenâgeuse. L’EIIL compte quelques 15.000 combattants dont 2000 à 7000 en provenance d’Europe, selon diverses estimations. Le modèle économique de l’EIIL est celui du pillage et de la contrebande, du pétrole, entre autres. Dans une partie de la Syrie, il existe un accord tacite entre l’EILL qui contrôle les sources de pétrole et le gouvernement syrien d’Assad qui pourvoit la distribution, les bénéfices étant partagés. Des parties de l’élite saoudienne soutiennent l’EIIL financièrement, comme force sunnite contre l’Iran et peut-être aussi pour les désintéresser. Mais ils sont également craints pour leur barbarie et le fait que l’EIIL puisse viser la chute du régime saoudien. Une partie des racines de groupes de terreur tels que l’EILL est sociale, dans la faillite du capitalisme et de l’impérialisme à offrir un avenir viable. Der Spiegel a publié un article sur un combattant de l’EIIL d’un quartier reculé d’Istanbul, en Turquie. A l’EIIL, les combattants reçoivent 400 dollars par mois et d’autres avantages matériels.
L’EIIL se présente comme un groupe terroriste bien géré à ses investisseurs de manière plutôt ouverte. Mais en Irak, elle n’a pu avoir une chance qu’en soutenant des éléments sunnites qui sont complètement détachés du gouvernement, soutien à des chefs de tribus sunnites et ex- Baathistes (le partie de Saddam). Même beaucoup de Chiites ne sont pas prêts à combattre pour le gouvernement corrompu de Maliki. L’EIIL peut partiellement compter sur les couches les plus désespérées et opprimées de la région et au dehors, elle mène une politique complètement réactionnaire qui ne fait que monter les travailleurs, les paysans et les jeunes de la région les uns contre les autres.
En Asie, les plaques tectoniques d’un continent se déplacent économiquement et militairement. L’impérialisme américain essaie via ses alliés – le Japon, l’Australie, les Philippines,… – de freiner le pouvoir grandissant de la Chine. Ils stimulent la militarisation dans ces pays pour faire en sorte que le coût soit le plus réduit possible pour eux-mêmes. Au Japon, la constitution a été adaptée de sorte que l’armée puisse être impliquée à l’étranger aussi. Le Premier Ministre Abe déclare qu’il ne trouve pas grave d’être considéré comme un “militariste de droite”. Ce nationalisme amplifié et la militarisation de la région a déjà mené à des conflits entre le Japon, les Philippines et la Chine. Mais la stimulation de forces nationalistes d’extrême-droite au Japon peut, à un moment donné, aussi échapper au contrôle des USA. Au Vietnam, des rixes anti-Chinois ont été organisées dans différentes entreprises par les syndicats officiels et financées par l’état. Cela reflétait aussi un élément de protestation sociale, ce que les socialistes comprennent mais nous sommes en faveur d’organes de classe indépendants et d’actions disciplinées, pas pour la méthode contre-productive de rixes.
Sur le plan mondial, la classe ouvrière des pays développés constitue un frein aux conflits militaires directs entre grandes puissances. Mais des tensions et guerres régionales sont possibles. En aiguillonnant ses vassaux locaux, l’impérialisme américain contribue à la déstabilisation en Asie. Cela peut aussi provoquer une augmentation des coups d’état, des états manqués,… Ces tensions et conflits pourraient indirectement sérieusement miner l’économie mondiale étant donné l’importance croissante de l’Asie dans le PIB mondial.
En Ukraine, une de ces proxy-guerres a également lieu entre les différentes puissances impérialistes. Le mouvement Maidan a été récupéré par des puissances de droite et d’extrême-droite. Une grande partie de la population ukrainienne avait des illusions envers l’UE parce qu’elle n’entrevoit pas encore son rôle et voudrait être plus indépendante vis-à-vis de la Russie. Poutine pensait cependant qu’il avait un accord tacite avec l’ouest concernant l’Ukraine. La Russie avait déjà eu un aperçu de l’influence grandissante des USA en Irak, autour de la Syrie et d’autres états auparavant sous sphère d’influence soviétique. L’impérialisme russe n’est pas aussi fort que d’autres grandes puissances mais peut tout à coup se montrer très agressif. Différents intérêts économiques et militaires se jouent en Ukraine pour Poutine : assurer un passage du gaz russe vers l’Europe, défendre sa base marine en Crimée, assurer les liens entre l’industrie militaire industrie en Ukraine orientale et celle de Russie,…
La majorité de la gauche en Russie est désorientée par la propagande nationaliste de l’oligarchie russe. Ils ne voient pas de rôle indépendant pour la classe ouvrière de la région – la seule force qui puisse stopper durablement ces guerres. Poutine et les médias russes prétendent qu’ils combattent une « junte fasciste » à Kiev. Le gouvernement à Kiev est nationaliste et des forces d’extrême-droite en font partie. Mais ce ne sont pas la force prédominante.
Le CIO défend le droit à l’auto-détermination mais pas sur base de baïonnettes étrangères. La classe ouvrière doit pouvoir en décider par elle-même. Beaucoup de travailleurs, entre autres les travailleurs russophones, en Crimée ou en Ukraine orientale sont pour plus d’autonomie mais les groupes séparatistes violents n’ont certainement pas un soutien enthousiaste. Le referendum en Crimée n’était, par ailleurs, pas vraiment démocratique. Il s’agissait plus d’une reprise par l’impérialisme russe. Nous sommes en faveur d’organisations de masse indépendantes – syndicats et partis – dans la région. Nous mettons l’accent sur les intérêts communs des travailleurs et des jeunes. Tant contre le capitalisme gangster de Poutine que contre les oligarques ukrainiens, dont les gouvernements de Kiev défend les intérêts.
Les forces de la révolution: de mouvements de masse sont inévitables
En Europe, après une vague de manifestations, surtout en Europe du Sud, nous assistons à une nouvelle phase consistant plus à attendre et à assimiler la période précédente. Faute de direction et de perspective de la part des dirigeants syndicaux et du fait de l’inertie de beaucoup de nouvelles formations de gauche (Syriza en Grèce, Bloc de gauche et Parti Communiste au Portugal, IU en Espagne, Front de Gauche en France,…), nous nous trouvons dans une période de réaction légère. Des revers ont été subis, même si localement des victoires semblaient possibles aussi, mais pas il n’y a pas encore eu de défaite accablante et sanglante comme auparavant avec le fascisme. La classe ouvrière conserve son immense potentiel d’opposition et de lutte contre l’austérité et le déclin capitaliste. En Europe, l’héritage de la chute du stalinisme, de la trahison de la social-démocratie et des partis staliniens, de leur effet sur la conscience des masses,… pèsent plus lourdement qu’aux USA. Aux USA, une sérieuse radicalisation est actuellement en cours, elle est notamment canalisée et exprimée par la forte croissance de la section américaine du CIO et par la lutte victorieuse à Seattle pour une augmentation du salaire minimum.
Au Brésil, il est possible que nous entrions dans une nouvelle phase de lutte des classes. L’année dernière, les manifestations de juin ont constitué une cassure. L’augmentation des prix des transports publics a été pour ainsi dire annulée. Mais le potentiel du mouvement était plus grand que ce qui a obtenu, pensons aux revendications autour des soins de santé, de l’enseignement,… La section brésilienne du CIO a pris une part active aux manifestations. D’autres groupes de gauche ne savaient au départ pas quelle position adopter, du fait de la présence de différentes classes (il y avait même des employeurs qui manifestaient et des groupes de droite) dans la lutte.
Avec notre section, nous avons mis en avant des revendications de la classe ouvrière afin de diriger le mouvement contre l’austérité et la crise du système. Après le mouvement de juin, le gouvernement du PT a souvent été répressif contre les mouvements de grève. Ainsi, juste avant la Coupe du Monde, des dizaines d’ouvriers du métro ont été criminalisés, arrêtés et parfois licenciés suite à une grève. Les balayeurs de rue ont fait grève pendant le carnaval brésilien, grève qui a marqué un tournant et inspiré de nombreux autres groupes de travailleurs. Le gouvernement a dû annuler le licenciement des 300 travailleurs en grève lors des actions.
La colère et le malaise des travailleurs brésiliens et des jeunes atteint petit à petit le point d’ébulition, ce qui est apparu clairement autour de la Coupe du Monde. Une crise de la distribution d’eau menace pour la fin de l’année à Rio, certains quartiers ouvriers sont d’ailleurs ainsi déjà rationné quelques heures par jour. Cette désorganisation est l’une des conséquences de la privatisation de l’eau. Si une crise élcate autour de ce thème, cela pourrait avoir des conséquences profondes et conduire au déverloppement de mouvements de masse. La section brésilienne du CIO exige la renationalisation de la distribution d’eau.
Tous les signes indiquent une croissance de la lutte des classes dans la prochaine période. Il est clair que le PT et la présidente Dilma ne peuvent plus ramener la population au calme. De nouvelles explosions et mouvements sont en germe dans ce contexte. En automne, nos membres et certains proches sympathisants participent aux élections avec le parti de gauche PSol. A Rio, il y a une chance qu’un proche sympathisant de notre section soit élu, ce qui annoncerait une nouvelle phase pour notre organisation au Brésil.
La percée de Socialist Alternative aux USA a complètement modifié la position de notre section. D’une organisation relativement petite et inconnue, nous sommes passés à la plus importante force de gauche radicale aux USA. D’ici la fin de l’année, cela pourrait également se ressentir en nombre de membres. Il y a des contacts pour Socialist Alternative dans des dizaines de villes, sur base de l’élection de notre membre Kshama Sawant au conseil municipal de Seattle et de la campagne réussie et qui a fait beaucoup de bruit pour le salaire minimum de 15 dollars.
Plusieurs nouvelles sections sont en construction. Au cours de l’année écoulée, non seulement la première socialiste révolutionnaire a été élue depuis longtemps au conseil municipal mais aussi, Socialist Alternative a imposé, grâce à la construction d’un mouvement, le salaire minimum le plus élevé aux USA. Nous avons négocié et mis les représentants du capital d’une importante ville américaine sous pression, les avons obligés plusieurs fois à faire machine arrière, avons formé un front et rompu avec les dirigeants syndicaux bureaucrates à des moments stratégiques. Ceci n’a été possible qu’en analysant préalablement les possibilités et en intervenant audacieusement, là où le reste de la gauche américaine rationnalise surtout sa propre impuissance. Cela a été possible en liant les revendications directes à une organisation de centralisme démocratique qui a pu réagir, sur base d’une méthode transitoire à chaque manoeuvre et chaque wending de l’opposant – le capital et ses politiciens et médias. Une organisation socialiste a pu convaincre le mouvement à chaque stade, gràce à un dialogue constant par rapport aux tactiques utilisées, à la stratégie, aux revendications et au programme.
Le mouvement pour le salaire minimum – 15 Now – doit maintenant s’étendre et se fixer dans le reste des USA, par des actions et des campagnes locales. A Seattle, 15 Now compte 11 groupes d’action locaux dans les quartiers, où les activistes peuvent participer à la discussion et prendre de propres initiatives. Les choix stratégiques centraux et les revendications du mouvement sont discutés lors de conférences collectives. Cela a parfois mené à des discussion aigües. Il fallait s’attendre à ce que les directions syndicales traînent les pieds et mises tout sur les négociations et non pas sur la poursuite des actions. Mais même aux sommets des syndicats, certains ont dû reconnaître que 15 Now et Socialist Alternative parvenaient mieux à impliquer la base que certains syndicats mêmes. Nous avons pu convaincre une partie du cadre moyen des syndicats, une couche d’activistes de quartier,… de notre stratégie.
A la commission sur l’instauration du salaire minimum – organisé par la ville – le big business et les Démocrates ont essayé de fuir par tous les côtés. 15 Now et Sawant argumentaient – une concession tactique à la conscience plus large – que les plus petites entreprises (moins de 500 travailleurs) auraient trois ans pour passer aux 15 dollars La campagne de la droite et des médias bourgeois martelaient en effet la “menace” de faillite des petites entreprises en cas d’introduction d’un tel salaire minimum. Certains autres groupes de gauche nous ont critiqué pour cela. Mais, c’est une chose de critiquer en spectateur sur la bord du chemin, c’en est une autre de mener un combat réel sur base d’une évaluation correcte des rapports de force.
Il aurait peut-être été possible d’aller plus loin si les dirigeants syndicaux avaient clairement lutté pour 15 dollars pour tous. Nous avons constamment appelé la direction syndicale à prendre une position de classe indépendante et de s’opposer aux mensonges des médias bourgeois. Socialist Alternative a frappé le capital d’une manière particulière – ce que certains opposants parmi la bourgeoisie ont reconnu. Le salaire minimum de 15 dollars fera sortir, au cours des trois prochaines années, 3 milliards de dollars des poches du capital. Des dizaines de milliers de travailleurs seront sortis de la pauvreté à Seattle. CNN.com constatait : “La victoire à Seattle montre en dernière instance ce que l’histoire a déjà montré à plusieurs reprises : si les travailleurs sont organisés, elles peuvent faire payer le big business”.
Après le mouvement Occupy, Socialist Alternative a appelé à lancer, avec le mouvement, “200 candidats Occupy” aux élections. Nous avons lancé cet appel pour montrer ce qui était possible. Finalement, nous n’avons pas pu pleinement concrétiser cet appel à renforcer la lutte sur le terrain politique. Mais Kshama Sawant a été élue à Seattle avec presque 100.000 voix – la bourgeoisie a été surprise et n’avait pas prévu ça. Ensuite, une nouvelle victoire est arrivée avec la campagne qui a imposé les 15 dollars à Seattle. Jusqu’au dernier moment, Socialist Alternative a lutté avec les activistes contre l’affaiblissement de la proposition pour enfin, instaurer le salaire minimum comme victoire pour le mouvement.
La bourgeoisie et ses institutions se sont laissées surprendre à deux reprises à Seattle, mais probablement pas une troisième. Dans la campagne pour l’élection de notre camarade Jess Spear, son contre-candidat démocrate Frank Chopp essaie de se faire passer pour plus progressif qu’il ne l’est et les directions syndicales et d’autres organisations sont mises sous pression pour qu’elles ne se prononcent pas en faveur de Jess Spear et Socialist Alternative. Le journal populaire The Stranger, qui s’est prononcé dans le passsé pour Sawant, a procedé à un revirement et soutient maintenant Chopp. Mais une partie de la rédaction n’était pas d’accord, ce qui a provoqué une polémique au journal. Une victoire de Spear n’est pas très probable mais un score solide montrerait que l’élection de Sawant ne doit pas rester un évènement isolé. Socialist Alternative est maintenant présentée par certains médias capitalistes comme l’opposition officielle à Seattle.
En Afrique du Sud, la lutte des mineurs et le drame de Marikana – lors duquel le gouvernement ANC a donné l’ordre de tirer sur des travailleurs en train de manifester – ont changé la situation. Lorsque le syndicat Numsa s’est prononcé en faveur d’un nouveau parti des travailleurs, basé sur des idées socialistes, cela a constitué un développement très important. Hélas, le Numsa n’a pas appelé à voter pour le nouveau parti de gauche, le WASP et le modeste résultat du WASP aux élections peut un peu ralentir le processus visant à initier par nous-mêmes de prochains pas.
Lors de l’école d’été, 230.000 travailleurs du métal étaient encore en grève pour réclamer de meilleurs salaires. Une proposition d’augmentation de 13% avait déjà été rejetée. Ces grèves de Numsa ont été décrites par un commenteur comme “l’éventuel début d’une révolution ouvrière”. L’Afrique du Sud reste l’un des pays où les mouvements de lutte mais aussi des éléments d’une conscience socialiste plus large sont déjà plus nombreux et ont déjà atteint un niveau plus explosif.
L’Afrique du Sud doit être l’un des rares pays où un résultat de plus de 60% aux élections doit être considéré comme un échec pour le parti au pouvoir. L’ANC a ainsi perdu plus de 200.000 voix et a chuté de 11,3%. Seuls 32 % de la population en droit de voter a encore été voter pour l’ANC, malgré la distribution de paquets de nourriture et le soutien ouvert de l’appareil d’état. De plus, la bourgeoisie n’est pas encore parvenue à développer une alternative à l’ANC. Dans l’opposition de droite, l’Alliance Démocratique, une crise interne a éclaté entre les candidats noirs sur les lises et l’élite blanche. Et ce, malgré le progrès en voix lors des élections. Avec la création du WASP, nos membres en Afrique du Sud estiment qu’ils ont contribué à la différenciation sur le plan politique et au sein du syndicat Numsa. Au cours de la prochaine période, ce processus sera approfondi sur base de la lutte et des conclusions que les masses en tireront.
En Chine, le ralentissement économique entraîne des réactions nerveuses de la part de la bureaucratie de parti. Le mouvement pro-démocratie à Hong Kong est particulièrement suivi avec méfiance. La direction stalinienne à Pékin craint que le mouvement ne s’étende au continent. Beaucoup de travailleurs et de jeunes utilisent les médias sociaux pour suivre le mouvement de masse à Hong Kong. En Chine même, il y a un durcissement du climat social. Les grèves durent plus longtemps et le nombre de mouvements sociaux augmente fortement. Il n’y a pas de syndicats indépendants en Chine mais des militants syndicaux forment des réseaux pour se soutenir lors de luttes. Une crise économique en Chine ne provoquera pas de chocs que sur le plan économique. La classe ouvrière chinoise est une forces croissante avec un potentiel révolutionnaire dont le capitalisme mondial pourrait aussi ressentir les ondes de choc.
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[VIDEO] La construction du CIO
La dernière discussion de l’école d’été internationale du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui s’est déroulée la semaine dernière à Louvain était consacrée à la construction de notre internationale. Dans ce cadre, une vidéo a été projetée afin de souligner quelques unes des des activités de sections du CIO au cours de ces derniers mois.
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Ecole d’été du CIO : reportage-photos
Six jours de débat politique intense et d’échange d’expériences, c’est ce qu’a offert l’école d’été internationale annuelle du CIO à entre 300 et 350 participants issus de nombreux pays européens et même d’au-delà. Dans les jours à venir, nous publierons divers rapports des discussions qui y ont pris place, mais voici déjà une série de photos de PPICS.
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Ecole d'été du CIO : Construire des partis révolutionnaires pour un réel changement, pour le socialisme démocratique
Toute une semaine durant, sous la chaleur de juillet, près de 400 marxistes issus de 33 pays se sont réunis pour livrer des analyses et rapports de la situation en Afrique du Sud, au Brésil, aux Etats-Unis, en Grèce, en Tunisie,… afin de mieux appréhender l’image complexe d’un monde entré dans une période de révolution et de contre-révolution. La faillite du capitalisme a conduit, dans certains pays, à des mouvements de masse parmi les plus grands de l’Histoire. Le fait est cependant que cela ne s’est pas accompagné d’un retour des idées socialistes à la même échelle.
Par Els Deschoemacker
Dire que le mouvement des travailleurs, au niveau mondial, n’était pas préparé à faire face à la crise la plus profonde du système capitalisme depuis les années ‘30 est un euphémisme. Après la chute du stalinisme et suite à deux décennies de pensée unique néolibérale, l’audience pour les analyses et les idées basées sur le marxisme a été considérablement réduite. La lutte pour une société socialiste démocratique a été largement considérée comme étant devenue inadéquate au monde moderne et rejetée par les partis de gauche et les syndicats, qui se sont concentrés sur ce qui était réalisable au sein du capitalisme.
Cela a laissé des traces. La crise a donné lieu à des mouvements de masse d’une échelle sans précédent et à une atmosphère anticapitaliste généralisée, sans que cela n’ait été accompagné d’une perspective claire quant à l’alternative à opposer au système actuel et à la force indépendante de la classe des travailleurs. Cela a entraîné beaucoup de confusion, de paralysie et de défaites, qui peuvent temporairement faire reculer le processus révolutionnaire.
En Egypte, par exemple, le mouvement de masse connaît actuellement une phase très importante, mais dramatique. L’absence de toute réponse indépendante du mouvement des travailleurs dans l’opposition à Morsi a ouvert la voie au coup d’Etat militaire, dont l’objectif essentiel et de faire dévier la révolution. Le processus est actuellement en grand danger, avec le risque de le voir dévier dans une violence sectaire.
En Grèce, en dépit des nombreuses grèves générales et de la grande volonté de lutter, le désarroi est profond face à l’application ininterrompue des diktats du marché. Dans d’autres pays la profonde colère qui émerge dans la société a donné lieu à un soutien à diverses forces populistes ou à un sentiment antiparti.
Toutes ces évolutions constituent une école importe pour les masses, inévitable face au recul idéologique de ces dernières décennies. Ces mouvements donnent toutefois un aperçu de l’immense potentiel de la force qui est celle de la classe ouvrière, mais illustrent que, seules, les protestations de masse ont leurs limites.
Mais la conscience des masses peut effectuer de grands bonds en avant, comme on peut le constater avec l’ouverture grandissante pour les idées socialistes aux USA, sans que la classe des travailleurs n’y soit encore largement entrée en mouvement.
En Afrique du Sud, le massacre de Marikana, l’an dernier (34 grévistes avaient été abattus par la police) a conduit à une nette rupture entre le mouvement ouvrier et le parti au pouvoir, l’ANC. Le développement rapide d’un nouveau parti large de gauche (le WASP), sous la direction de notre section dans le pays, montre quel écho peut recevoir l’appel pour la construction de nouveaux partis de masse pour les travailleurs. Les sentiments antipartis peuvent rapidement disparaître, pour autant qu’une alternative combative soit présente, un parti de lutte dont les mots et les actes prennent la défense des travailleurs et de leurs familles.
En Grèce, l’austérité n’est pas rejetée, elle est vomie. Tous les sondages mettent en avant une majorité en faveur de mesures socialistes comme le refus de rembourser la dette ou la nationalisation des banques et des autres secteurs-clés de l’économie. Faut-il rester à l’intérieur de l’UE à tout prix ? La réponse est un NON massif. Faut-il une grève générale à durée indéterminée ? La réponse est un OUI écrasant !
Ces exemples illustrent qu’une conscience révolutionnaire peut se développer et qu’un grand potentiel révolutionnaire est présent dans la situation objective actuelle. Le principal obstacle auquel nous faisons face est l’absence d’une direction largement reconnue s’appuyant sur ce potentiel pour le concrétiser en un mouvement pour un changement de société. En Grèce toujours, le principal parti de la gauche radicale, Syriza, semble évoluer dans la direction opposée.
Ce type d’erreur peut temporairement ralentir le développement d’une conscience socialiste, ou conduire à des pertes importantes, mais ne détruira en aucun cas le potentiel révolutionnaire – tout au plus ces erreurs rendent le processus révolutionnaire plus lent. Nous avons face à nous une véritable lutte contre la montre pour construire des partis révolutionnaires capables de généraliser l’expérience de la lutte de classe et de proposer une stratégie pour une transformation socialiste de la société. Participez-y vous aussi et rejoignez le PSL !
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La crise économique débarque en Asie du Sud
Rapport de l’école d’été du CIO
Jusqu’à récemment, les économies “émergentes” des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) croissaient encore à un rythme soutenu. La Chine semblait particulièrement défier les lois de la gravité économique ou plutôt, les lois de la crise, typiques de toute économie capitaliste. On a entendu toute une série de gens nous dire que ces pays pourraient maintenir l’économie à flot et sauver le monde de la crise qui continue à ravages l’Europe et les États-Unis. L’effondrement tragique du taux de croissance au Brésil (qui est passé de 7,5 % en 2010 à… 0,9 % en 2012), et la révolte de masse des travailleurs et des jeunes de ce pays, ont mis un terme à cette illusion.
Clare Doyle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Le ralentissement actuel en Chine, dont l’économie “surboostée” lui avait permis de ravir au Japon sa place de deuxième PIB mondial (après les États-Unis), est maintenant source de gros ennuis pour la clique dirigeante en Chine et partout dans le monde. La Chine est très fortement impliquée dans de grands projets de capitalisation dans toute une série de pays, pour des raisons économiques aussi bien que stratégiques ; mais la baisse de ses exportations a déjà un effet sur les économies des pays dans lesquels la Chine a délocalisé certaines opérations industrielles de base et à partir desquels elle tire les matières premières qui alimentent son industrie.
L’Inde – qui est la troisième plus grande économie d’Asie, et qui ne s’est que récemment ouverte au marché mondial – a vu son taux de croissance chuter, de 10,5 % en 2010 à 3,2 % en 2012. La croissance de l’économie de la Malaisie, qui est extrêmement dépendante du commerce avec la Chine, a ralenti pour n’atteindre que 4,1 % cette année. La plupart des pays asiatiques ont au départ bénéficié de la baisse des investissements productifs (càd, profitables) qui s’est produite ailleurs dans le monde. D’énormes quantités de capitaux “dormants”, qui ne généraient que peu ou aucun intérêt dans les banques des pays pratiquant l’assouplissement quantitatif (l’impression d’argent), se sont déversées sur l’Asie en tant qu’“investissements” spéculatifs.
Le Financial Times commentait ainsi que les marchés obligataires en monnaies locales « ont beaucoup prospéré du fait que l’effondrement financier mondial de 2008 a libéré une masse d’argent facile […] qui a quitté les États-Unis et l’Europe. Que se passe-t-il lorsque les taux d’intérêts commencent à monter, surtout aux États-Unis ? Combien de cet argent va se retourner et prendre ses jambes à son coup ? ». Près de 50 % des bons d’État de l’Indonésie appartiennent à des étrangers ; c’est le cas aussi de 40 % des bons d’État de la Malaisie et des Philippines.
Allons-nous maintenant assister à une nouvelle “crise asiatique”, aussi grave, voire plus grave encore, que celle de 1997-98 ? Les gouvernements d’Asie du Sud et du Sud-Est (ces deux régions, qui s’étendent de l’Afghanistan à l’Indonésie, représentant ensemble 33 % de la population mondiale) parviendront-ils à éviter la tempête à venir ?
Un précédent historique
Au cours de la “crise asiatique” de 1997-99, on a vu plonger les devises de pays comme la Thaïlande, tandis que des centaines de milliers d’emplois passaient à la moulinette. Les soulèvements révolutionnaires contre la politique d’austérité imposée par le FMI ont notamment, en Indonésie, renversé le dictateur honni, Suharto. En Malaisie, un mouvement de masse qui réclamait des réformes démocratiques a menacé le long règne du Front national (BN), dominé par l’Organisation nationale des Malais unis (UMNO). À la fin 1997, la Corée du Sud a connu de nouvelles grèves générales contre les attaques néolibérales, semblables à celles qui se sont produites encore récemment.
La fois passée, le FMI avait envoyé des prêts massifs à tous ces pays en proie à la crise afin d’éviter un effondrement social et une révolution. Dans le cas de la Corée du Sud, le montant des prêts s’élevait à 57 milliards de dollars. Aucun de ces mouvements de résistance n’a pu former une voix et une ligne politique capable d’accomplir les processus révolutionnaires qui avaient vu le jour. En Indonésie, certains groupes de gauche ont entretenu des illusions dans le caractère “démocratique de Megawati Sukarnoputri, qui, une fois au pouvoir, a joué son rôle de gérante du grand capital national et international, en alliance avec les généraux de l’ancien régime. En Malaisie, Anwar Ibrahim, le très populaire dirigeant du mouvement “Reformasi”, était un ancien membre du gouvernement UMNO avec Mahathir Mohammed. En tant qu’économiste néolibéral éduqué aux États-Unis, il ne voulait pas (et ne veut toujours pas) d’un mouvement qui pourrait aller jusqu’au bout et organiser la fin du capitalisme.
Le CIO avait appelé au soutien total à ces mouvements pour les droits démocratiques et pour la liberté, et avait cherché à s’y impliquer autant que possible, mais tout en expliquant – suivant en cela le concept de la “révolution permanente” tel qu’imaginé par Trotsky – la nécessité de débarrasser ces pays néocoloniaux de la domination du capitalisme multinational aussi bien que national. Il fallait y mener une politique socialiste claire, basée sur la compréhension du rôle de la classe des travailleurs qui seule, avec le soutien des pauvres des villes et des campagnes, peut établir une véritable démocratie et transformer les vies de l’écrasante majorité de la population dans cette région.
Tandis que le vent froid de la récession mondiale a maintenant atteint les pays asiatiques, de pareils mouvements tout aussi tumultueux pourraient voir le jour. Étant donné le fait que les économies des divers pays du monde sont encore plus interconnectées aujourd’hui qu’alors, l’Inde et le Pakistan, qui avaient évité le pire de la crise de 1997-98, pourraient à présent se retrouver complètement submergés. Le FMI ne va certainement pas pouvoir intervenir de manière aussi importante qu’il l’a fait à l’époque pour sauver les gouvernements des soulèvements révolutionnaires. Les premières explosions de colère et de désespoir pourraient s’élargir pour aboutir sur un mouvement généralisé au sein duquel l’ensemble des travailleurs et des jeunes pauvres se mettraient à chercher des solutions révolutionnaires. En ce moment, aucun pays asiatique ne peut prétendre avoir un gouvernement stable, confiant et viable.
L’Inde
L’Inde est caractérisée par « l’économie de marché économique avec la moins bonne performance de l’année » (The Guardian, 7 aout), vu le fait que sa croissance s’est arrêtée au second trimestre. « Les investisseurs craignent une répétition de la crise qui avait frappé l’Inde en 1991 ».
Misère de masse et privations sont deux termes synonymes en Inde : « Quatre-cent millions d’Indiens n’ont pas l’électricité … La moitié des Indiens défèquent à l’air libre … Les taux d’immunité pour la plupart des maladies sont inférieures à ceux d’Afrique subsaharienne … Un enfant indien a deux fois plus de chances de souffrir de la faim qu’un enfant africain (ils sont 43 % à en souffrir en Inde) … Le budget de la santé publique s’élève à à peine 39 $ par personne et par an, alors qu’il est de 203 $ par personne par an en Chine, et de 483 $ au Brésil » (The Economist, 29 juin 2013)
La majorité des femmes indiennes subissent une souffrance et des difficultés sans nom. Le viol collectif et le meurtre d’une étudiante à New Delhi en décembre dernier a provoqué un large mouvement de protestation en Inde comme à l’échelle internationale. Il est possible que des mesures soient introduites afin de tenter de sévir contre les criminels sexuels, mais il faut se rendre compte que la violence contre les femmes bénéficie du soutien de nombreuses vieilles pratiques et croyances. Les catastrophes naturelles sont aggravées par la destruction irresponsable de l’environnement, comme on l’a vu avec les glissements de terrain meurtriers dans l’Uttarakhand (petit État de l’Himalaya, frontalier du Népal et du Tibet (sous domination chinoise), 10 millions d’habitants) en juin de cette année. L’état des services de secours d’urgence est lamentable, ce qui cause encore plus de morts et de souffrances.
Le gouffre qui s’étend entre la masse de la population indienne, forte de près de 1,3 milliards de gens, et la minuscule poignée de super-riches, s’élargit de plus en plus. Quelques individus issus de riches dynasties familiales ont amassé de vastes fortunes. Selon le magazine Forbes, Mukesh Ambani, patron de Reliance Industries et le 22ème homme le plus riche du monde, possède une fortune de 20 milliards de dollars (10 000 milliards de francs CFA, voir ici les photos de son yacht qui a couté 10 milliards de francs) ; le magnat de l’acier Lakshmi Mittal pèserait quant à lui 16 milliards de dollars (8000 milliards de francs). Une nouvelle classe moyenne s’est développée dans certaines villes, et fournit un certain marché pour les voitures et les produits de semi-luxe.
« Pour les riches, le seul problème est leur tour de taille », comment The Economist (06/07/13). « Transportés partout par leurs chauffeurs, dispensés de toute corvée quotidienne par leur armée de serviteurs, ils sont devenus une race à part, corpulente, qui se distingue clairement de leurs compatriotes maigrelets ». (Cela nous rappelle les vieilles caricatures du gras capitaliste, alors qu’au même moment, aujourd’hui aux États-Unis, ce sont les travailleurs qui sont obèses, vu la manière dont on les gave de nourriture bon marché mais d’origine indéterminée).
L’écrasante majorité de la population indienne continue à mener tant bien que mal une existence sordide avec un revenu de misère constamment érodé par l’inflation galopante. Les couches moyennes, qui ont pu bénéficier d’un certain développement de l’économie, voient déjà leurs espoirs brisés par le ralentissement de l’économie.
Le gouvernement de Delhi dirigé par le parti du Congrès est ravagé par l’indécision et la corruption. Des régions entières du pays échappent au contrôle du gouvernement, où les forces de guérilla naxalites (maoïstes) se sont rendues populaires en chassant les propriétaires terriens rapaces et les multinationales. Alors que des élections sont prévues en 2014, le premier ministre Manmohan Singh vacille entre la pression de l’extérieur, qui veut le forcer à mettre en place des “réformes” néolibérales, et la pression d’en-bas.
Il y a maintenant même la possibilité de voir revenir au pouvoir le parti nationaliste de droite largement discrédité, le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien), dirigé par Narendra Modi. Modi est toujours détesté par des millions de gens qui le surnomment le “boucher du Gujarat” (État frontalier du Pakistan, 60 millions d’habitants) pour y avoir été responsable du meurtre de plus de 2000 musulmans en 2002. Dans de nombreux États, son parti se vautre dans la corruption. Mais comme le disait le Financial Times : « Si l’impression d’un vide étatique donnée par le Congrès continue comme ça, de plus en plus de gens seront tentés de prendre des risques avec lui » (10/06/13)
Et cela, dans un pays qui a connu en février la plus grande grève générale de l’histoire de l’humanité – plus de cent millions de travailleurs étaient partis en grève pendant deux jours. Les grévistes réclamaient entre autres la fin de la cherté de la vie et un salaire décent pour tous. (Le roupie indien a chuté de 15 % rien qu’entre mai et juillet, ce qui a fortement nuit aux revenus déjà faibles).
Les partis “communistes” de masse, jouissent toujours d’un certain soutien parmi les travailleurs et même parmi les paysans. Cependant, le “Parti communiste indien (marxiste)” a perdu énormément de plumes depuis qu’il a perdu le pouvoir au Bengale occidental (province de Calcutta/Kolkata, à la frontière avec le Bangladesh ; 100 millions d’habitants), où il régnait depuis des décennies. Il a souffert électoralement à cause des attaques brutales menées par lui sur le niveau de vie des travailleurs et des paysans, sacrifiés sur l’autel du capitalisme indien comme étranger. Il sera difficile – bien que pas impossible, en l’absence de tout autre parti des travailleurs de masse – pour le PCI(M) de regagner un soutien là ou ailleurs, tant qu’il adhère à la doctrine stalinienne traitre des “deux stades” – selon laquelle il faut d’abord installer le capitalisme avant de commencer toute lutte pour le socialisme.
Le Pakistan
La crise quasi permanente qui constitue la vie quotidienne au Pakistan illustre bien le besoin urgent pour les travailleurs de s’en prendre directement au féodalisme et au capitalisme en même temps. La vie personnelle tout comme la vie politique est oppressée par les coupures de courant, les attentats terroristes, l’effondrement des services publics et la paralysie du gouvernement.
Le Parti du peuple pakistanais (PPP), autrefois si puissant, est entré dans une période de déclin qui sera peut-être terminale. La seule raison pour laquelle son gouvernement corrompu et inapte, sous la direction de M. Zadari dit “20 %” (une amélioration depuis son titre précédent de “M. 10 %”), est parvenu à arriver jusqu’au bout de son mandat, est l’inertie affichée par toutes les autres forces. L’armée, qui contrôle en coulisses des pans entiers de l’économie et de la société, n’est pas intervenue non plus pour reprendre le pouvoir direct. Cela ne veut pas dire qu’elle ne le fera pas à nouveau dans le futur, vu le développement de la crise politique et sociale.
Le PPP, dans lequel tant de travailleurs et de jeunes avaient placés tous leurs espoirs au début des années ’80, a maintenant perdu la plupart de son autorité. Le gouvernement de Nawaz Sharif est confronté à des problèmes impossibles à résoudre : un État en faillite, une économie en crise, le terrorisme islamiste de droite, et de puissantes forces centrifuges qui menacent de faire éclater le pays.
L’économie pakistanaise est dangereusement instable et fragile. Le nouveau prêt du FMI, d’une valeur de 5,3 milliards de dollars, est lié à l’exigence d’une “discipline financière”, càd, aucun subside pour les pauvres. La priorité est la réforme du secteur du transport de l’électricité, pour remédier aux coupures de courant qui causent maintenant chaque année à l’économie nationale des pertes estimées à 2 % du PIB.
Il est fort improbable que le nouveau gouvernement puisse y faire quoi que ce soit. Les deux-tiers de l’électorat vivent dans les zones rurales, où des propriétaires féodaux ont encore pour ainsi dire droit de vie ou de mort sur des millions de paysans. Ce sont aussi eux qui décident du résultat des élections. La lutte héroïque de Malala Yousafzai (une adolescente de 16 ans, déjà victime de plusieurs tentatives d’assassinat dont une balle dans la tête pour son blog anti-talibans) contre les talibans qui voulaient empêcher les filles de s’inscrire à l’école, leur a par la même occasion permis de redorer un peu leur blason (Yousafzai est le nom d’une grande famille noble pachtoune, une ethnie qui vit à la fois au Pakistan et en Afghanistan). Mais la lutte contre les féodaux et contre les autorités, qui ne peuvent assurer une éducation complète et gratuite des garçons et des filles à la ville et à la campagne, est loin d’être terminée.
Néocolonialisme et gouvernements faibles
Dans la plupart des sociétés asiatiques, beaucoup de droits démocratiques de base n’ont jamais été établis. Les classes capitalistes émergentes n’ont pas été assez fortes pour accomplir une réforme agraire en profondeur ni pour chasser les restes du féodalisme. En Chine, il a fallu l’État prolétarien déformé de Mao Zedong pour accomplir cette tâche. Ce qui avait été accompli au cours des siècles précédents par les classes bourgeoisies lors de leurs révolutions en Angleterre, en France et ailleurs, reste toujours inachevé dans la plupart des pays asiatiques.
Tout comme sur les autres continents, la plupart des nations asiatiques ont été créées artificiellement par des lignes tracées sur des cartes après (ou avant) des années de pillage et de destructions meurtrières. Des nations entières ont été réduits au statut de “minorité ethnique” en Birmanie, en Thaïlande, au Sri Lanka. Seuls des partis des travailleurs à la tête de gouvernements socialistes seront à même de résoudre les questions des droits des minorités nationales et d’entamer la tâche de bâtir des confédérations mutuellement coopératives de nations, à l’échelle sous-régionale.
Cela fait des décennies que le règne direct exercé par l’impérialisme a pris fin partout en Asie. Cette domination a été remplacée par des puissances régionales telles que la Chine et l’Inde, qui luttent pour des “concessions” avantageuses sur le plan stratégique ou économique, comme on le voit au Sri Lanka, en Birmanie, et ailleurs.
Des multinationales géantes fouillent la région à la recherche de marchés, de main d’œuvre bon marché et de maximalisation des profits. Dans la plupart des pays les plus pauvres du monde, le marché des graines, des engrais, des détergents, de la vente, etc. est dominé par des monopoles multinationaux. Unilever effectue ainsi 57 % de ses ventes sur les “marchés émergents”, Colgate 53 % et Procter & Gamble 40 % (Financial Times 29/07/13).
Une campagne contre l’invasion du marché de la distribution indienne par Walmart organisée par le PCI(M) a obtenu une semi-victoire. Il reste à voir si la mise en échec de Walmart sera définitive. Les “communistes” du PCI(M) ont juré de rester vigilants, mais même des campagnes de masse ne peuvent obtenir que des victoires temporaires tant que les forces du “libre marché” capitaliste déterminent l’économie.
Les géants du textile et de la chaussure que sont Primark, Gap, Reebok et Adidas tirent d’énormes profits du travail asiatique. Le Bangladesh reçoit 20 milliards de dollars par an de ses exportations de textiles fabriqués par des travailleurs payés 38 $ par mois (20 000 francs CFA). La fureur suscitée par les conditions de travail dans des entreprises telles que le complexe Rana Plaza à Dhaka (la capitalie), qui s’est effondré cette année en tuant 1300 travailleurs, s’est exprimé dans les rues par des manifestations de masse et par des grèves.
À l’échelle internationale, on verse des larmes de crocodile, puis on parvient à des accords entre les revendeurs, les organisations patronales, les ONG et les fédérations internationales de syndicat comme IndustriALL. Même des organisations modérées comme “War on Want” (Guerre à la pauvreté, une ONG britannique) se plaignent du fait que de tels accords ne mènent jamais à rien et ne permettent jamais de garantir un salaire décent, une réduction des heures de travail ou de meilleures conditions de vie pour les millions de travailleurs de l’industrie textile partout en Asie du Sud et du Sud-Est. Ces accords ne permettent pas non plus l’émergence de véritables organisations de travailleurs combatives.
Certains des géants les plus connus de l’industrie automobile possèdent aussi des usines en Asie. Ils forcent leurs travailleurs à accepter des salaires et des conditions qui ne seraient pas tolérées dans aucune autre région du monde. Mais en même temps, ils ont créé une nouvelle génération de jeunes combattants de classe qui ont organisé des grèves très importantes, comme celle de Maruti, près de Delhi (Maruti est une société industrielle appartenant à Suzuki ; les travailleurs demandaient le triplement de leur salaire et des logements ; le directeur des ressources humaines est décédé dans un incendie au cours de cette grève ; l’usine a été fermée pendant presque un an ; le conflit est toujours en cours).
Les magnats “locaux” tels que les Tata, les Mittal, les Ambani, etc. se sont tellement enrichis depuis l’“indépendance” de leur pays, sur le dos de millions de travailleurs frappés par la pauvreté, dans leur pays comme en-dehors que leurs entreprises d’acier, d’automobiles et de mines parcourent à présent le monde entier, dans leur éternelle quête de profits.
Démocratie ?
Un simple regard sur n’importe quel pays d’Asie du Sud nous confirmera l’immense, l’infranchissable “déficit démocratique”, comme les commentateurs bourgeois le disent. Au Royaume-Uni, il y a eu tout un débat afin de savoir si la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth pouvait ou non avoir lieu comme prévu au Sri Lanka cette année (ce qui laisserait le Sri Lanka présider l’organisation du Commonwealth pendant les deux prochaines années !). La presse à cette occasion signalait le fait que le seul élément de démocratie présent au Sri Lanka est l’organisation d’élections. Le Sri Lanka serait le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, selon l’ONG “Reporters sans frontières”. L’armée continue à saisir et à “lotir” les terres des Tamouls dans le nord du pays, tandis que son ministre de la Défense, Gotabaya Rajapakse (frère du président Mahinda Rajapakse, du ministre de l’Économie Basil Rajapakse et du président de l’Assemblée nationale Chamal Rajapakse), aime à déclarer que « Les droits de l’homme ne sont pas pour nous ».
La guerre civile au Sri Lanka a été noyée dans le sang de dizaines de milliers de Tamouls par la dictature népotiste chauviniste cingalaise de Mahinda Rajapakse. Mais aucune des grandes puissances qui luttent pour l’opportunité de faire des investissements très profitables et pour l’influence politique au Sri Lanka – notamment la Chine et l’Inde – n’est embarrassée par le manque de droits démocratiques dans le pays.
Cette année en juin, nous avons vu la première grève générale dans le pays, bien que partielle, depuis des années ; c’est là un signal d’avertissement au régime apparemment tout puissant. Un gouvernement confiant dans son avenir n’aurait pas besoin de se reposer si fortement sur l’usage de l’armée, sur la censure de la presse ou sur la traque des opposants et des éléments minoritaires.
Même dans “la plus grande démocratie du monde” – l’Inde – les votes lors des élections sont achetés et vendus. Toutes sortes de “cadeaux électoraux” – télévisions, ordinateurs, téléphones portables, etc. – sont distribués par les partis d’opposition comme du pouvoir lors des élections nationales ou régionales. De véritable fiefs de la taille de pays entiers sont détenus par des Ministres-en-chef et par leurs amis. La promesse d’éliminer l’immonde système des castes, reprises en chœur par tant de dirigeants politiques, reste irréalisée, et les minorités ethniques voient leurs terres les plus précieuses se faire arracher par des gouvernements ou des cartels qui œuvrent main dans la main (sauf là où des mouvements de masse déterminés sont parvenus à bloquer leurs projets).
Le “second monde”
La Malaisie, pays d’Asie du Sud-Est, parfois considérée comme faisant partie du “second” plutôt que du “tiers” monde, comprend trois principaux groupes raciaux (Malais, Chinois, Indiens). Le gouvernement du Barisan Nasional (Front national), qui se base sur la majorité malaise, prétend avoir à nouveau gagné les élections en mai, bien qu’il ne détienne maintenant plus la majorité des deux tiers qui lui permettait d’effectuer des modifications constitutionnelles.
Les électeurs “chinois” (càd, d’ethnie “chinoise”, et non pas de nationalité chinoise), qui constituent un quart du total des Malaisiens, se sont écartés du BN pour protester contre la continuation de sa politique pro-malais. La majorité des électeurs “indiens” malaisiens ont en général voté pour l’opposition de la Pakatan Rakyat (Alliance du peuple).
Au cours du mois qui a précédé les élections nationales, on a tout d’un coup vu tomber un “déluge” d’allocations sociales pour les familles pauvres, d’un montant total de 2,6 milliards de dollars. D’autres cadeaux ont été faits pour l’ensemble des électeurs. Malgré cela, l’alliance au pouvoir, dirigée par le BN, a sans nul doute été vaincue ; mais elle a affirmé sa victoire, malgré les très nombreux rapports de fraude électorale partout dans le pays. (Même le contrat pour l’encre nécessaire au vote a été donné à une entreprise qui appartient à un membre de l’alliance au pouvoir !)
Des jeunes radicalisés et en colère sont immédiatement descendus dans les rues pour déclarer le gouvernement illégitime ; certains de leurs dirigeants ont été arrêtés. Le dirigeant de l’opposition – ce même Anwar Ibrahim qui avait dirigé le mouvement “Reformasi” en 1997 – a condamné la fraude électorale et a exigé une enquête par les tribunaux. Mais il n’a à aucun moment demandé à ce que le gouvernement laisse le pouvoir et à manifester pour cela. Petit à petit, le mouvement des jeunes s’est essoufflé puis a disparu.
Il faut une nouvelle force politique en Malaisie, comme partout ailleurs dans la région, afin de canaliser la colère des jeunes et des travailleurs en une lutte pour une alternative socialiste. Le CIO en Malaisie, dans son journal “Solidarité ouvrière” présente une longue liste de revendications démocratiques liées à d’autres portant sur les salaires, le logement, les emplois pour les jeunes, la nationalisation des banques et des grandes entreprises sous contrôle et gestion démocratique par les travailleurs. Ce journal est vendu aux manifestations, sur les marchés de nuit, devant les entreprises – que ce soit des banques ou des usines – et dans les quartiers ouvriers.
Quel avenir
Lorsque les économies asiatiques seront soumises à la pleine force de la tempête économique qui approche, tous les partis politiques de la région seront soumis à l’épreuve. Ceux qui prétendent représenter les travailleurs, mais ne sont pas prêts à mener une lutte jusqu’au bout et sans compromis contre la domination du capitalisme et de l’impérialisme, perdront leur soutien. Ces vieux partis seront rejetés au cœur de la lutte de classes. Le développement d’une nouvelle force prolétarienne, basée sur un programme de classe combatif, est la tâche principale des socialistes en Inde, au Pakistan, en Malaisie, au Sri Lanka et dans toute la sous-région.
Des évènements terribles se préparent pour l’Asie du Sud et du Sud-Est ; c’est en particulier le cas pour les pays plus petits comme la Birmanie, le Népal, le Vietnam ou le Cambodge. Toutes les vieilles “certitudes” seront remises en question, et c’est au CIO que reviendra l’immense responsabilité de développer la capacité de lutte de la classe des travailleurs à travers toute la sous-région.
Comme Trotsky l’a écrit dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale, rédigé il y a 75 ans : « Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte » (Programme de transition). Les quelques-uns qui comprennent aujourd’hui la nécessité d’un programme complet afin d’effectuer une transformation socialiste en profondeur de la société ont pris l’habitude de « nager contre le courant ». Mais la vague de soulèvements de masse en Asie et ailleurs dans le monde, contre le capitalisme sous toutes ses formes, les porteront « à la tête du flux révolutionnaire », comme l’écrivait encore Trotsky.
Que ce soit le régime chancelant de Yudyohono en Indonésie, l’alliance instable au Pakistan, le gouvernement mou de Singh en Inde, le pouvoir illégitime de Najib Raziv en Malaisie ou la dictature de verre au Sri Lanka, aucune de ces cliques corrompues ne donne la moindre apparence de stabilité pour la sous-région. Loin de là. Les tempêtes qui pointent à l’horizon les verront remplacés non par un ni deux, mais par toute une série de gouvernements de crise, jusqu’à ce qu’un parti armé d’un programme socialiste révolutionnaire parvienne à saisir les rênes du pouvoir et à inspirer une vague révolutionnaire à travers toute l’Asie et au reste du monde.
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Chine : L’usine du monde entre à son tour en pleine crise
Rapport de la discussion sur la Chine tenue lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO
Ces derniers mois, le développement des contradictions s’est fortement accéléré en Chine, aussi bien sur le plan économique que politique. La Chine, qui semblait être ‘‘l’usine du monde à croissance sans fin’’ il y a quelques années, s’apparente de plus en plus à un Concorde qui tomberait en panne en plein vol.
Par Baptiste (Nivelles)
Au cours du 2e trimestre de l’année 2013, la croissance annuelle du PIB Chinois a encore diminué pour arriver à 7,5% selon les chiffres officiels du gouvernement chinois. Il s’agit des plus mauvais chiffres de croissance depuis plus de 15 ans. Selon certains commentateurs, ces chiffres sont gonflés et la réalité serait bien plus proche d’une stagnation. Mais même en se fiant aux chiffres officiels, il apparaît clairement que la Chine est rentrée dans une situation de crise économique inédite, aussi bien du fait de ses caractéristiques que de son ampleur.
Une décennie de croissance invisible pour les masses et accaparée par les oligarques
Durant la décennie de présidence de Hu Jintao (2002-2012), la croissance annuelle du PIB fut en moyenne de 10,6% et était principalement basée sur les exportations vers les pays à forte consommation, Etats-Unis en tête. Mais aussi importante fut-elle, cette croissance était complètement déséquilibrée puisqu’aucun marché intérieur permettant un développement de la consommation n’a été développé, conséquence directe d’un taux d’exploitation paradisiaque pour les patrons. La consommation en Chine équivaut aujourd’hui à environ 30% du PIB, alors que cela représente 70% aux USA et en Europe.
Les travailleurs n’ont pas profité des fruits de l’expansion économique, ils n’en ont vu que l’exploitation. Au final, c’est même l’inverse du développement d’un marché interne qui a eu lieu : la croissance s’est accompagnée de l’amplification des inégalités avec d’un côté l’apparition de princes dans les sphères du business et, de l’autre, la précarisation des conditions de vie pour les travailleurs. Lorsque Hu Jintao est arrivé au pouvoir en 2002, il n’y avait aucun milliardaire en $ en Chine. Aujourd’hui il y en a 251, et ce alors qu’environ 500 millions de chinois vivent avec moins de 2 $/jour et sans accès à l’eau potable.
Au secours de l’économie mondiale ?
La condition indispensable à l’expansion économique de la Chine était donc la croissance des Etats-Unis et des pays de l’UE principalement. En aucun cas la Chine ne remplissait les conditions pour devenir ‘‘la nouvelle locomotive’’ de l’économie mondiale, que ce soit seule ou accompagnée d’autres puissances émergentes.
Non seulement la Chine n’a pas été le sauveur de l’économie mondiale, mais elle subit aussi les effets de la crise capitaliste, ce qui est logique pour une économie aussi dépendante des exportations. Lorsque la récession mondiale a pris place dans la foulée de la crise financière aux Etats-Unis et en Europe en 2008, le Chine a tenté de maintenir sa croissance en dopant l’économie avec un plan de relance d’un montant de 586 milliards $. Aucun effet pervers n’a bien sûr été attendu par l’appareil, étant donné que toute l’économie, officiellement planifiée, est considérée comme étant sous contrôle.
Ce plan de relance, même s’il a maintenu la croissance en Chine quelques années de plus, n’a évidemment pas créé de toute pièce un marché intérieur mais a surtout eu l’effet d’exacerber les travers de l’économie Chinoise. Par exemple, l’ensemble des crédits a atteint aujourd’hui un montant de 23.000 milliards $ (2,5 fois le PIB de la Chine !) contre 9.000 milliards $ en 2008. Un tel développement aussi rapide et à une échelle si large est du jamais vu dans l’histoire économique, tout comme le montant actuel des intérêts consécutifs à ces créances : 1 000 milliards $ !
Bulle immobilière gonflée sur fond de dettes : un cocktail explosif pourtant bien connu…
Le plan de relance a permis de maintenir une croissance apparente de l’économie en poussant les gouvernements locaux à s’endetter pour investir massivement notamment dans l’infrastructure. A défaut d’un marché interne capable de soutenir une économie de consommation, ces investissements ont surtout permis la construction d’infrastructures aussi pharaoniques qu’inadaptées.
Régulièrement, des exemples absurdes sont exposés dans la presse internationale, comme la construction de villes d’une capacité d’accueil de 300 000 habitants mais ne comptant pas 1 habitant effectif, ou encore la construction d’Hôtels de ville mégalos dans de petites villes de province.
L’investissement dans l’infrastructure est en réalité un bien beau terme pour parler d’argent gaspillé dans les projets de prestige et dans la spéculation immobilière. En 2008, la situation dans l’immobilier n’était déjà plus sous contrôle : le prix de l’immobilier avait quadruplé par rapport à 2004. Aujourd’hui, la situation est telle qu’environ 1 logement sur 2 est inhabité, ce qui fait dire à de nombreux commentateurs qu’il s’agit de la plus grande bulle immobilière de l’histoire du capitalisme.
Le plan de relance a précipité une crise bancaire
Cette explosion du crédit signifie mécaniquement une explosion des dettes dans l’économie Chinoise. Une explosion au sens propre du terme, puisque les dirigeants Chinois ont perdu le contrôle sur le système financier du pays avec l’émergence de la ‘‘finance de l’ombre’’ (Shadow Banking). Il s’agit d’un système parallèle de banques, illégales, qui interviennent dans l’économie pour octroyer des crédits à des personnes, entreprises et gouvernements locaux qui n’ont plus rien de solvable, étant donné la montagne de dettes qui vient d’être générée. Et de sorte à pousser le vice à l’extrême, la titrisation est évidemment de mise dans ces banques.
Ce phénomène est un symptôme illustratif du chaos au-dessus duquel se retrouve l’économie Chinoise, et une série d’économistes n’hésitent plus à faire la comparaison avec la bulle des subprimes juste avant son explosion. Le point de rupture tend de plus en plus à apparaître, comme le 30 juin dernier, lorsque 244 milliards $ de crédits arrivaient à échéance le même jour et devaient être renouvelés. Les négociations n’ont pas tardé à tourner à la panique, mettant en scène en début de crash sur les marchés du crédit.
On estime que les montants prêtés par les banques fantômes représentent 50% des nouveaux crédits octroyés en Chine durant l’année 2012 et qu’au total cela représenterait aujourd’hui un montant de 4.700 milliards $, soit 55% du PIB de la Chine ! Les gouvernements locaux représentant la majorité des dépenses publiques, elles portent sur leurs épaules une grosse partie de ces dettes. La perte de contrôle par le gouvernement central est totale, en atteste l’audit lancé fin juillet par la Cour des comptes chinoise auprès des pouvoir locaux, de sorte à pouvoir faire une estimation plus concrète de l’ampleur des dégâts. Selon le FMI, la dette publique de la Chine, tous niveaux de pouvoir confondus, aurait atteint aujourd’hui 45% du PIB (officiellement, la Chine défend le chiffre de 22%). Comparativement, il y a 20 ans cette dette publique n’existait pas.
Vers une période de réforme économique ?
C’est dans ce contexte que le gouvernement du nouveau président Xi Jinping a annoncé vouloir mettre en place une série de réformes économiques. Ces réformes sont sans surprise pro-capitalistes, et visent principalement à assainir le secteur financier (quitte à procéder à des mises en faillites ciblées), augmenter la part des investissements privés dans l’économie et développer la consommation intérieure. La stratégie défendue est de poser l’économie chinoise sur les rails d’une croissance plus modérée mais plus saine. Bref, en apparence un virage à 180°C par rapport au plan de relance de 2008.
Cette approche, bien que d’apparence ‘‘pragmatique et équilibrée’’, est néanmoins très risquée. Si la banque centrale ferme les robinets et n’intervient plus dans l’économie comme elle l’a fait avec le plan de relance, le danger d’explosion des bulles spéculatives sur lesquelles reposent des montagnes de dettes risque de devenir réalité. Il en va de même pour des secteurs économiques qui reposaient sur le dopage financier de la dernière période.
L’exemple le plus impressionnant est celui des chantiers navals : d’ici 2015, 1.600 chantiers devraient fermer parmi lesquels le plus grand au monde (20.000 emplois). Ce dernier, qui se retrouve sans la moindre commande, a été récemment mis en faillite. L’ironie de l’histoire pour le gouvernement est que si ce n’est pas la banque centrale qui intervient pour éviter les faillites, cela laissera encore plus d’espace aux banques illégales !
On estime aujourd’hui que le chômage réel est de 8%, que 40% de la capacité industrielle chinoise n’est pas utilisée, et que l’année 2012 s’est soldée avec 3,2 milliards $ de salaires non-payés. Ce paysage n’a plus rien d’une économie en expansion, il exprime plutôt la destruction anarchique de richesses à grande échelle qu’est le capitalisme.
L’Etat garde de toute façon d’importants leviers pour intervenir dans l’économie (la Chine reste un pays hybride avec des éléments capitalistes et d’autres hérités du stalinisme et de l’économie bureaucratiquement planifiée) et il est peu probable qu’il soit décidé d’assainir le secteur financier en le laissant imploser. Cela a été prouvé récemment : après avoir assisté à la mini crise du crédit de fin juin en spectateur, la banque centrale a décidé d’injecter 3,7 milliards $ le 31 juillet dernier pour éviter de justesse un nouvel assèchement de crédit. 10 jours plus tard, le gouvernement décide de mettre en place une ‘‘Bad Bank’’, institution financière destinée à racheter un bon nombre de créances douteuses de sorte à ce que le reste du système financier soit assaini. La capacité d’une telle banque à accueillir l’ensemble des dettes à risque et les ‘‘extraire du système’’ reste cependant illusoire. Le plus probable est que les dettes soient transférées dans celle de l’Etat Chinois.
Xi Jinping placé aux commandes d’un parti divisé
Le Parti Communiste Chinois (PCC) ne se porte pas mieux. Les conflits et coups bas entre les deux factions principales ont pris une ampleur qui n’avait plus été vue depuis 20 ans, avec d’un côté les ‘‘princes rouges’’ et de l’autre la ‘‘ligue des jeunes’’. Les princes rouges sont composés de descendants d’anciens grands dirigeants de la période de Mao, et sur cette base-là, ils ont acquis aussi bien des positions puissantes que des fortunes démesurées. Il s’agit d’environ 200 familles, dont la seule finalité politique est de maintenir un statu quo à tout prix pour pouvoir assurer la pérennité de leurs privilèges. Cette faction gagne en importance puisque pour la première fois ils sont majoritaires au bureau politique (4 sièges sur 7).
La ligue des jeunes quant à elle ne représente rien de progressiste, il s’agit essentiellement des autres bureaucrates tout aussi pro-marchés et qui cherchent à se faire une place dans l’appareil, tout en craignant que l’arrogance et la démagogie des princes ne leur coûte une révolte sociale. La ligne de séparation entre ces deux factions n’est pas nette, ce qui s’explique notamment par le fait que cette séparation n’a aucun contenu idéologique ou politique mais repose uniquement sur la défense d’intérêts personnels.
L’actuel président Xi Jinping est issu de la famille des princes rouges et possède une fortune personnelle estimée à 376 millions $, soit trois fois la somme des richesses personnelles des membres du gouvernement britannique ! Bien qu’il fasse partie des princes rouges, il cherche à consolider ses positions également en-dehors des cercles des princes. Cela explique sa victoire à l’issue du 18e congrès en novembre 2012, à l’issue duquel il a succédé à Hu Jintao comme secrétaire général du PCC (et en mars 2013 comme président du gouvernement central).
Cette figure de compromis entre les factions a déjà démontré à maintes reprises une attitude bonapartiste pour trouver un équilibre. Ce bonapartisme est illustratif de l’impasse politique du régime chinois, car c’est le dernier recours pour éviter une fracture ouverte au sein du PCC.
Une corruption à tous les étages couronne la crise politique et économique
Parallèlement au phénomène des banques fantômes, un autre symptôme de la Chine est la corruption. On estime que la corruption, tous niveaux confondus, représente un montant de 3 720 milliards $…
C’est pourquoi, en plus de la ‘‘réforme économique’’, le gouvernement de Xi Jinping a déclaré vouloir s’attaquer au problème de la corruption. Cela risque de se traduire plus en une série de procès individuels qu’en une lutte contre la corruption, étant donné que l’ensemble du système politique repose sur la corruption. Un exemple récent fut le procès médiatique à l’encontre de Bo Xilai, prince dont les scandales de corruption et les affaires criminelles qui lui étaient associées n’étaient plus tenables. Bo Xilai a été abandonné par les autres princes pour donner au gouvernement de quoi se construire une image anti-corruption, avec une mise en scène judiciaire à l’appui.
Cette combinaison de corruption et de carriérisme, qui reflète bien la nature bureaucratique des dirigeants du PCC, ne fait qu’envenimer la crise bancaire. Les élites locales mènent ainsi une véritable course au prestige entre leurs gouvernements, de sorte à forger une base sur laquelle ils pourront mieux assoir leurs positions.
Xi Jinping est également en reconquête d’autorité vis-à-vis des masses avec toute une série de propositions populistes. Il ne s’agit bien sûr que de petites réformes et autres artifices symboliques pour tenter d’atténuer l’arrogance et les privilèges des princes. Il n’y a aucune ouverture en termes de liberté démocratique, comme le démontre l’édition par Xi Jinping d’une liste de 7 sujets interdits à l’école, parmi lesquels figurent la démocratie, la liberté de presse et la corruption.
Cependant, une ouverture des dirigeants, même si elle est symbolique, peut avoir comme effet d’ouvrir une boîte de Pandore en termes de revendications démocratiques par les masses.
Le PCC n’a pas d’issue, la lutte des classes décidera de son avenir
La crise profonde dans laquelle s’engouffre la Chine constitue une grave menace pour ses dirigeants, de l’aveu même du PCC. Cette vaste clique de parvenus immondes n’ayant aucune solution à offrir aux masses, leur dernier recours quand le contrôle social est perdu est la répression. Mais cette fuite en avant pourrait rendre la situation encore plus explosive, comme l’ont prouvé les mouvements récents en Brésil ou encore en Turquie.
La division de classe est très marquée en Chine. Le pays est sans surprise l’un des plus inégalitaires au monde, et les dépenses publiques dans les soins de santé (5% PIB) et dans l’éducation (<3% du PIB) sont proportionnellement inférieurs à ce qui se fait dans des pays comme la Russie, la Tunisie ou encore l’Afrique du Sud. 60 millions de chinois sont des travailleurs avec un statut d’intérimaire, ce qui signifie l’absence totale de sécurité sociale et de retraite ; 240 millions de travailleurs sont en réalité des paysans pauvres en exode qui se retrouvent dans des zoning industriels sans même un logement.
Il n’y a aucun doute que l’aggravation de la crise se fera sur le dos de la classe ouvrière. La crise politique du PCC et son incapacité à offrir un avenir décent aux masses pose les fondations pour des possibilités révolutionnaires dans la période à venir. Les 180.000 protestations de masse dénombrées en moyenne chaque année en est la meilleure illustration. Chaque lutte est une école pour les masses et des révoltes comme celle de Wukan en 2011 ou les récentes manifestations pour plus de démocratie à Hong Kong en sont le meilleur exemple.
Pour arracher des acquis sur le plan socio-économique et sur le plan des libertés démocratiques, le mouvement ouvrier doit s’organiser de manière indépendante à travers les luttes pour collectiviser les expériences et construire des stratégies victorieuses. Pour cela, un programme de renversement de la dictature et exigeant la planification démocratique de l’économie est nécessaire.
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Nigeria, un pays saigné à blanc et c’est le peuple qui paie.
Rapport de la commission consacrée au Nigeria lors de l’école d’été du CIO

Voici le rapport de la Commission sur le Nigeria qui s’est tenue lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu du 21 au 26 juillet dernier à Louvain. L’introduction a la discussion a été réalisée par Kola Ibrahim, permanent du secrétariat du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO au Nigeria) de la province d’Osun et responsable du travail étudiant, qui nous a fait part de la situation sociale et économique dans laquelle se trouve ce pays d’Afrique de l’ouest et ses 170 millions d’habitants.
Par Yves (Liège)
Partout dans le pays les gens éduqués ou non parlent de révolution, des mouvements indépendants se lancent spontanément, il y a plus de 12 grèves générales annuellement depuis quelques années, mais bien qu’une volonté de changement est clairement présente dans la conscience collective, les directions syndicales du Congrès des syndicats TUC (Trades Union Congress – qui regroupe principalement les cadres) et du Congrès du travail du Nigéria NLC (Nigeria Labour Congress – le syndicat principal des ouvriers et employés) démobilisent quand ils n’arrêtent pas purement et simplement les mouvements sociaux.
Les inégalités économiques s’accentuent malgré 13 ans de gouvernement civil (principalement le PDP – Parti démocratique populaire) après plus de 30 ans de gestion militaire. Dans ce contexte, les camarades du DSM s’attèlent au lancement d’une plateforme politique : le ‘‘Socialist Party of Nigeria (SPN)’’, une alternative socialiste face à la corruption, aux politiques capitalistes anti-pauvres et néolibérales ; un parti des travailleurs, de pauvres et de jeunes prêt à redistribuer équitablement les richesses du pays pour le bénéfice de la majorité.
Une pauvreté endémique en pleine abondance de ressources naturelles et humaines
Le Nigéria est le 6ème pays exportateur de pétrole brut au monde, et le premier du continent africain, mais faute de raffineries, il exporte son pétrole brut pour importer son carburant. L’exportation de pétrole brut et de gaz participe à hauteur de 80% aux revenus du gouvernement. L’industrie minière y est encore balbutiante malgré des ressources en fer, zinc, étain, or, pierre à chaux et marbre car les investissements miniers sont principalement absorbés par le secteur des hydrocarbures. Malgré une croissance de plus de 7% en moyenne du PIB depuis plusieurs années (le Produit Intérieur Brut était de 262 milliards de dollars en 2012 selon les données de la Banque Mondiale), et d’énormes revenus dus à l’exportation du pétrole et du gaz, le Nigéria présente un déficit budgétaire dû à la corruption (139ème sur 176 pays en 2012 d’après Transparency International) et des problèmes de gouvernance endémiques et chroniques.
Bien qu’au Nigéria certains pasteurs soient millionnaires en dollars, et que le pays abrite de nombreux millionnaires (hommes d’affaires mais surtout hommes d’Etat) et milliardaires (dont Aliko Dangote magnat du ciment devenu 25e fortune mondiale dépassant ainsi Mittal), le rêve Nigérian, lorsqu’on ouvre les yeux, c’est plus de 70% de la population (54% en 2004) qui vit sous le seuil de pauvreté (1) et plus de 40% des jeunes sans emploi qui vivent de débrouillardise quotidienne. Encore une fois, le schéma capitaliste se répète, ces chiffres sont l’illustration de la main mise d’ 1% de la population qui contrôle 80% des richesses du pays, ceci vient s’ajouter à la corruption endémique du gouvernement qui – toutes fonctions administratives confondues – absorbe 30% du budget de l’Etat. Les législateurs nigérians sans aucun scrupule se payent mieux que Barack Obama, les sénateurs touchent 720.000 $ contre 400.000 $ l’année pour le président US. Non content de se payer grassement, les brigands du gouvernement détournent allègrement les bénéfices dus aux revenus du pétrole. En effet, le secteur des hydrocarbures perd en moyenne 30 milliards $ par an avec la complicité des multinationales et de courtiers indépendants, le tout ajouté aux opérations de sabotage de groupuscules de plus en plus violents (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger). Il faut dire que les mouvements non-violents des années ‘90 se sont fait réprimés dans la violence et beaucoup de leurs activistes ont soit été assassinés soit emprisonnés (Ken Saro-Wiwa du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni -MOSOP-par exemple).
Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, alors que sa population s’élevait à 55 millions d’habitants en 1970, elle est aujourd’hui estimée à un peu plus de 170 millions de vies humaines dont 2/3 ont moins de 25ans. D’ici 2050 le Nigéria devrait être le 3ème pays le plus peuplé au monde. Un potentiel énorme en termes de mouvements de masses qui vont certainement continuer à se produire.
Le gouvernement de Good Luck Jonathan, comme les gouvernements précédents, pratique un clientélisme dans la «redistribution» des revenus du pétrole. Le président Goodluck est un chrétien du sud (les régions pétrolifères) et les membres de son gouvernement font prioritairement manger leurs proches, le taux de pauvreté atteint 80% dans certains Etats du nord du Nigeria. Cette politique de ‘‘diviser pour mieux régner’’ aggrave le problème de la question nationale qui n’a jamais été résolu.
Mais il ne faut pas se mentir, la pauvreté est aussi très présente dans le sud, le peu de revenus qui y parvient est détourné par les dirigeants locaux et le reste sert à y corrompre les activistes, les militants et les membres de la société civile. Le nord a peur de ne plus avoir accès au fédéral et l’entourage du président fait tout pour garder le pouvoir. Pour s’accrocher à leur pouvoir, ils corrompent ceux qu’ils peuvent (et sécurisent ainsi leurs intérêts) et combattent les autres (opposants, objecteurs de conscience, activistes) sans distinction, ce qui accentue la crise nationale.
En plus de la confession et de la provenance géographique, vient s’ajouter une mosaïque ethnique des plus complexes, avec plus de 374 ethnies présentes, dont 3 (Igbo, Yoruba, Hausa) représentent 58% de la population (2). Cette situation est héritée du processus non démocratique par lequel les différentes ethnies ont été soumises au joug de l’impérialisme britannique en 1914 avec la fusion des provinces du nord, du sud, et de la colonie de Lagos en une colonie du Nigéria. L’indépendance de 1960 a simplement remplacé l’impérialisme britannique par une minorité dirigeante capitaliste de Nigérians qui, de génération en génération, a aggravé les conditions de vie et l’exploitation de la vaste majorité des Nigérians.
La guerre du Biafra de 1967 à 1970 a failli conduire à la scission du pays, d’ailleurs il y a 8 ans, une étude de l’ONU envisageait une balkanisation du Nigéria. Le pays n’en est peut être pas encore à ce stade, mais les crises répétées, la mauvaise gestion et les contradictions du pouvoir menacent effectivement l’existence du Nigéria. Le DSM est avant tout pour une unité de la classe ouvrière, mais soutient le droit de chaque ethnie à l’autodétermination, jusqu’à la sécession si elle a été voulue par référendum et soumise à un vote démocratique direct.
Le secteur agricole est le premier employeur du pays avec près de 70% de la population qui en dépendent. Malgré une énorme superficie de terres fertiles souvent sous-exploitées, cette proportion tant à baisser avec un exode rural sans précédent (Lagos est passé de 300.000 habitants en 1950 à 15 millions aujourd’hui) et la prolifération de méga-fermes qui, contrairement aux petits paysans qui ont toujours des méthodes de récolte primitives, bénéficient de subsides de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’a pas atteint l’indépendance alimentaire pourtant possible avec des investissements cohérents. Pour l’instant, le Nigéria importe pour 200 millions $ de nourriture américaine par an. Le ministère fédéral de l’agriculture et du développement rural a récemment proposé de distribuer plus de 10 millions de téléphones portables à des petits fermiers pour une valeur d’à peu près 20 € chacun (3). Encore une fois, cette initiative semble être un moyen de siphonner les fonds publics. Les agriculteurs ont prioritairement besoins de fonds, pas de téléphones, d’investissements dans le réseau routier, de puits de forages pour une meilleure irrigation, de services médicaux de bases pour eux et leurs familles qui sont leur main d’œuvre principale.
Pour rester dans le secteur de la téléphonie mobile, l’explosion du nombre de numéros de téléphones ces 11 dernières années (10 millions par an) est en fait une croissance superficielle du secteur de la communication. En réalité, seuls 30 millions de personnes sur 170 ont accès au téléphone. La défectuosité du réseau fait que ceux qui ont les moyens d’avoir un numéro en ont généralement 3 ou 4 pour être joignables. Il faut ajouter que cette ‘‘success story’’ nigériane ne profite qu’à 1% de la population active qui travaille dans le secteur des télécoms. Les 50 milliards $ engrangés par le secteur ces 10 dernières années ne participent pas à la croissance mais plutôt à une extraction ou plus précisément une exportation d’une partie des revenus des Nigérians.
En plus de l’éducation et de la santé, qui ensemble n’égalent pas la part du PIB dédiée au remboursement de la dette (30%), l’électricité est un autre de ces secteurs qui a et qui continue de manquer cruellement d’investissements malgré les belles promesses de Goodluck et 24 milliards $ censés avoir été investis durant l’ère Obasanjo dans l’amélioration de l’approvisionnement en électricité…
Pour exemple, l’Afrique du Sud, qui en nombre d’habitants équivaut à un tiers de la population nigériane, produit un peu plus de 40.000 mégawatts d’électricité annuellement et ce n’est même pas assez pour toute la population dont la majorité de toutes façons ne peut pas se permettre l’accès au réseau. Le Nigéria, lui, produit annuellement 4000 mégawatts d’électricité dont 1000 ne peuvent pas être distribués à cause de ‘‘lignes électriques qui sont restées faibles depuis des années’’ d’après les termes du président Jonathan en déplacement au Pakistan. Le Nigéria se retrouve avec 30% de sa population ayant possiblement accès à l’électricité mais sans garantie de livraison, ceux qui le peuvent n’ont donc d’autre choix que d’acheter un générateur… Pour régler le problème, la stratégie du gouvernement a été une augmentation de 100% des tarifs d’électricité pour rendre le secteur attractif aux investissements privés, suivi de la revente des plans de productions à 10% de leurs valeurs d’investissements. (4) Inutile de préciser que le problème est toujours plus que présent, et que même la capitale vie dans le noir.
’‘Ne trahissez pas la lutte !’’ (5)
En janvier 2012, le gouvernement Jonathan a décidé d’implémenter 4 mois à l’avance l’arrêt des subventions sur l’essence, pensant profiter du réveillon du nouvel an, pour faire monter le prix du pétrole du jour au lendemain de 30 à 66 cents. Dès le lendemain, le Nigéria a montré que les mouvements révolutionnaires observés en Tunisie et en Egypte n’étaient pas uniquement l’apanage du Maghreb ou du Moyen Orient. L’augmentation des prix de l’essence resserrant le nœud autour de la corde déjà au cou de nombreux Nigérians a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère qui a abreuvé les Nigérians en soif de changement.
La chute des revenus des Nigérians, l’extrême pauvreté généralisée, les transports en commun éventrés, le délabrement du système de santé, l’éducation abandonnée, sont autant de facteurs qui ont ouvert la boîte de pandore. Mais c’est surtout l’écart de richesse de plus en plus grandissant entre les 1% des plus riches, généralement des politiciens devenus millionnaires du jour au lendemain grâce aux revenus du pétrole qui devraient servir à améliorer les conditions de vie de la population, et cette même population exsangue, qui ont poussé les masses dans la rue dès le 2janvier 2012.
Pendant sept jours les jeunes et les masses désorganisées étaient dans la rue, mais c’est le 9 janvier, avec l’entrée en jeu de la classe ouvrière organisée et le mot d’ordre de grève générale indéfinie – qui en plus de poser la question du pouvoir est l’équivalent d’une insurrection -, que la donne a complètement changé.
Le mouvement est parti de quelques dizaines de milliers de manifestants par ville à plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues par manifestation (1 million rien qu’à Lagos), celles-ci se sont rapidement étendue à plus de 10 Etats et ont rassemblées plus de 40 millions de personnes nationalement. Malgré seulement 10% de travailleurs syndiqués, c’est le pays tout entier qui était en suspend, l’activité économique était à l’arrêt, mais surtout, le régime (et même l’opposition) ainsi que le système capitaliste faisaient face à un vrai risque d’effondrement. Même Boko Haram (islamistes fondamentaux du nord qui ont fait plus de 3000 morts ces 4 dernières années) était isolé et a préféré faire profil bas pendant toute la durée des manifestations, voyant clairement qu’avec la montée de la lutte des classes, l’action de masse collective était préférée par tous et ne laissait aucune place au actions terroristes individuelles. Comme en Egypte, on a vu des groupes de manifestants chrétiens, débout, protégeant les musulmans pendant leurs prières. Les divisions ethniques, géographiques, linguistiques ont elles aussi disparues pour laisser place à une conscience de classe.
Avec la propagation du mouvement, les travailleurs et les masses ont réalisé qu’il fallait plus de détermination pour vaincre le régime. Des slogans tels que ‘‘Jonathan doit partir !’’, ‘‘we want good gouvernance not Goodluck’’ étaient scandés en cœur, les masses avertissaient les dirigeants syndicaux de ‘‘ne pas trahir le combat !’’ La classe dirigeante, dos au mur, a fait ce qu’elle fait dans ce genre de situation, elle a brandit la menace d’une répression à grande échelle menée par l’armée. C’était sans compter que beaucoup de policiers et de membres de l’armée (généralement les moins gradés) montraient de la sympathie au mouvement, allant jusqu’à applaudir certaines manifestation.
Néanmoins, les dirigeants syndicaux (TUC et NLC) ont pris cette menace de répression comme excuse pour mettre fin à la grève générale le 16 janvier, unilatéralement bien évidemment, renforçant ainsi le régime et diminuant la confiance des travailleurs en leur capacité de combattre face à l’oppression.
Il y a eu au total 20 morts et 600 blessés sur l’ensemble des manifestations, ce qui est ‘‘moyen’’ selon les standards de répression nigérians. Malgré cela, certaines manifestations ont continué ici et là, mais il manquait une alternative politique crédible et combattive vers laquelle les mouvements toujours combattifs auraient pu se tourner.
Alors que la grève aurait pu mener à un changement de régime et pourquoi pas de système si la direction avait été courageuse, le but du NLC et du TUC était avant tout de récupérer le mouvement, ils ne s’attendaient pas à être dépassés par son ampleur ni à la tournure qu’il a pris. Alors que celui-ci commençait à remettre globalement le système en question, les directions syndicales ont préféré simplement jouer la carte de la frayeur afin d’avoir des concessions rapides du pouvoir. Au final, la grève aura simplement mené à une remise en place partielle des subventions sur l’essence, ramenant le prix à 45 euro cents par litre, après être monté de 30cents initialement à 66ç/L le 1er janvier 2012.
Face à la menace d’utiliser la répression, une direction syndicale plus combative aurait dû lancer un appel de classe aux militaires et aux policiers aussi concernés par les problèmes des manifestants.
Et pour être plus productif encore, il aurait fallu former des comités démocratiques de défense (armés si nécessaire) pour protéger et défendre les rassemblements et les manifestants.
Encore mieux, avec une direction audacieuse, la menace du régime d’utiliser la répression aurait pu permettre au mouvement et aux travailleurs de passer à l’offensive et de fermer la production de pétrole, prendre le contrôle des transports aériens, maritimes, routiers ainsi que des services et des échanges de biens. Cela aurait complètement changé le rapport de force en faveur du mouvement et isolé le gouvernement.
Une direction téméraire aurait permis d’enfin mettre sur la table la possibilité d’une transformation profonde du Nigéria, de le retirer des mains des capitalistes locaux et étrangers qui pillent le pays depuis des décennies, et de se diriger vers un gouvernement socialiste de pauvres, de jeunes et de travailleurs afin que les ressources du pays soient utilisées dans l’intérêt de tous et non d’une poignée de kleptocrates.
Mais c’était sans compter que le TUC et le NLC attendent de pouvoir manger leur part du gâteau, ils n’ont pas d’idée d’alternative à apporter au capitalisme, d’où leur approche contre productive lors des évènements de 2012, et leurs positions pro-capitalistes en général.
Grève générale de 48h pour la mise en œuvre effective du salaire minimum
En mars 2011, quelques jours avant les élections présidentielles, le Président Goodluck Jonathan a ratifié la loi garantissant le salaire minimum à 18.000 Niaras (83,5 €), une mesure clairement électoraliste pour pousser les travailleurs à voter pour son parti, le PDP (le Parti démocratique populaire). Un fifrelin à côté des revenus du pétrole et surtout encore plus quand on voit ce que gagne un sénateur indemnités comprises : 720.000 $/ans. 3 ans auparavant, le NLC avait demandé à ce que le salaire minimum soit de 58.000 Niara (269 €), le syndicat s’est finalement contenté d’accepter sans revendications la baisse de celui-ci à 18.000 Niaras malgré le fait qu’avec l’inflation (13% l’an passé et jusqu’à 50% pour certains biens de consommation), les augmentations du prix de l’électricité, des frais scolaires etc. ça n’est clairement pas suffisant.
Cependant, 2 ans après, les gouverneurs des Etats s’abritent derrière un soi-disant manque de financement de l’Etat fédéral pour ne pas payer ce salaire minimum. Pire encore, récemment, le Sénat (Chambre haute de l’assemblée nationale) a voté l’exclusion de la loi sur le salaire minimum de la ‘‘liste législative exclusive (Exclusive Legislative List)’’, permettant ainsi à chaque Etat de déterminer ce qu’il veut (le gouverneur dira ‘‘ce qu’il peut’’) payer aux travailleurs. Encore plus, ça empêcherait dans le futur toute lutte sur le plan national pour une augmentation du salaire minimum, celui-ci étant devenu une compétence des Etats. L’insensibilité du Sénat veut que les sénateurs se soient octroyés une pension à vie le jour-même où ils ont voté le retrait de la loi sur le salaire minimum de la Liste Exclusive de la Constitution. Certains gouverneurs se targueront certainement de payer le salaire minimum, après l’avoir baissé dans leur législation évidemment… L’argument derrière ce retrait, est la volonté d’un ‘‘véritable fédéralisme’’ qui n’est pas mis en avant lorsqu’il s’agit de payer les gouverneurs dont le salaire est déterminé par une agence fédérale au niveau national. Heureusement pour l’instant il y a un statu quo car la chambre des représentants (chambre basse de l’assemblée nationale) a voté contre le retrait de la loi sur le salaire minimum de la List Exclusive Legislative.
Alors que cette attaque du Sénat sonne comme un coup de semonce au TUC et au NLC pour défendre résolument les droits et conditions de vies des travailleurs, encore une fois, la direction du NLC et du TUC ne fait rien pour mobiliser les travailleurs et rien non plus pour expliquer pourquoi la loi doit rester sous la Liste Exclusive de la Constitution. Dans les Etats où les travailleurs ont combattu ardemment pour l’implémentation effective du salaire minimum, les directions du NLC et TUC ont fermé les yeux (et les oreilles, et la bouche). Au lieu de lancer un appel à la grève générale, les travailleurs sont abandonnés aux désidérata de leurs gouverneurs. La seule grève annoncée par les directions syndicales nationale a été annulée le 20 juillet 2011 alors que la détermination des travailleurs avait atteint son paroxysme. Pire, Abdul Wahed Omar, président du NLC, a avoué que dans certains Etats, les directions syndicales négociaient à la baisse le salaire minimum si les gouverneurs de ceux ci arrivaient à prouver leur inhabilité à payer les 83€ (6). Certaines entreprises privées refusent tout simplement de payer le salaire minimum sans aucune justification si ce n’est celle du profit maximum pour l’entreprise et les actionnaires. Encore une fois les directions syndicales ne font rien. Au mieux, celle-ci se lamentent et se contentent de lancer des menaces dénuées de tout contenu.
C’est ce manque de combativité du NLC et du TUC qui implicitement donne carte blanche aux législateurs pour sabrer encore plus les acquis des travailleurs.
Le Parti Socialiste du Nigeria (SPN) appelle le Congrès du travail du Nigéria (NLC) et le Congrès des syndicats (TUC) à commencer dès à présent une mobilisation pour une grève générale nationale de 48 heures ainsi qu’à organiser un mouvement de masses pour s’opposer à cette décision du Sénat de retirer la loi sur le salaire minimum de la liste Exclusive qui va à l’encontre des droits des travailleurs, et aussi de commencer sans plus attendre la lutte pour une mise en œuvre complète et effective du salaire minimum de 83€ à tous les niveaux.
Les directions syndicales doivent aussi aller dans les entreprises privées qui refusent de payer le salaire minimum avec un plan d’action et des meetings pour sensibiliser puis mobiliser les travailleurs pour des piquets de grèves et des manifestations massives en cas de refus de paiement. Les droits sont rarement donnés, ils sont arrachés !
‘‘L’éducation est un droit ! Le changement de système est notre but !!!’’

L’investissement du gouvernement dans l’éducation au Nigeria ne représente que 8% de la part du PIB alors que celui-ci devrait atteindre 26% d’ici 2020 pour rejoindre les normes internationales, mais encore une fois rien n’est fait.
Comme dans beaucoup de pays du monde, les étudiants ont du mal à payer leurs frais d’inscription à l’université, donc beaucoup n’y mettent jamais les pieds. Par exemple, le minerval de l’université d’Etat de Lagos (LASU) est passé de 120 € à 1.500 €. Ceux qui y ont accès et qui parviennent à payer leurs études jusqu’à la fin de leur parcours académique se retrouvent presque systématiquement au chômage (quelques centaines sur 10.000 trouvent un emploi). Et même ceux qui travaillent n’ont pas la garantie d’avoir un salaire qui leur permettra de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille par la suite.
Les hommes d’affaires et propriétaires terriens du Sénat et de la Chambre des représentants font ce qu’ils font le mieux, ils privatisent et commercialisent l’éducation. Bien que la plupart des membres de l’assemblée nationale ont été formés à l’école publique, leurs enfants allant dans des écoles privées (99%), l’éducation publique est abandonnée à son sort.
Plutôt que de rénover les bâtiments, certains sont détruits prétextant de nouvelles constructions qui souvent ne voient jamais le jour. Il s’agit là encore de chantiers de détournements de fonds publics. Le trop faible investissement dans l’éducation (infrastructures et programmes de cours), l’irresponsabilité de la classe dirigeante pousse depuis des années les étudiants et les professeurs à manifester, malheureusement souvent passivement, leur mécontentement.
Un peu partout dans le pays, le NUT (National Union of Teachers) est en grève passive/casanière (sit-at-home strike) depuis le 1er juin dans les Etats où l’indemnité particulière des professeurs (TPA – Teacher’s Peculiar Allowance) n’est pas effectivement payée. La direction de l’ASUU (Academic Staff Union of Universities – Syndicat du personnel académique des universités) a lancé une action de grève indéfinie car le gouvernement rechigne à mettre en place les accords de 2009 pris avec le syndicat concernant le financement (et la rénovation) d’infrastructures, de locaux, et des programmes de cours académiques ainsi que l’augmentation de leurs salaires. Deux des syndicats du polytechnique (secteur des sciences et des technologies, génie civil) sont en grève depuis 3 mois, il s’agit de l’ASUP (Academic Staff Union of Polytechnics – syndicat dupersonnel académique du polytechnique) et du SSANIP (Senior Staff Association of Nigeria Polytechnics – association du personnel senior des polytechniques du Nigeria). Ils ont mis en suspend leur grève après 78 jours avec menace de la reprendre si le gouvernement ne montrait pas concrètement qu’il s’attelait à répondre à leurs demandes. Cette grève a d’ailleurs surpris le gouvernement qui ne s’attendait pas à voir les élèves de polytechnique soutenir leurs professeurs. (7)
Nos camarades du DSM (Mouvement démocratique socialiste) ont lancé le ERC (Education Rights Campaign – Campagne pour les droits à l’éducation) en 2004 afin de pourvoir une plateforme qui soutient le droit à une éducation gratuite (via un financement adéquat), efficace et gérée démocratiquement.

C’est par le biais d’affichages massifs, de distributions de tracts, de rassemblements, de conférences et de meetings qu’ils mènent campagne contre l’augmentation brutale des frais scolaires et la médiocrité des conditions d’étude et de logement.
Ils sont contre la victimisation des étudiants activistes et l’interdiction des syndicats étudiants dans certaines universités, quand ils ne sont pas récupérés ou infiltrés par des agents du gouvernement. Il supportent les travailleurs de l’enseignement dans leurs demandes pour de meilleures paies et conditions de travail, et ils mènent campagne pour que les étudiants puissent construire leurs syndicats comme des organismes de lutte, démocratiques, basés sur la masse, avec une direction courageuse et révocable à tout instant.
L’association nationale des étudiants du Nigéria, le NANS, est l’organe qui est censé représenté les étudiants au niveau national. Mais celui-ci est pro establishment, corrompu et la plupart de ses dirigeants ne sont mêmes pas des étudiants. Dans certaines zones des motions de censures contre le président ont d’ailleurs été votés. Souvent contre productif lors de mouvements de grèves, le syndicalisme au NANS est monétisé et politisé. Localement, les syndicats d’étudiants ont généralement à leur tête des personnes inexpérimentées ou pro capitalistes. Et d’autres syndicats d’étudiants sont tous simplement interdits par certaines directions scolaires.
Il faut une lutte commune du corps professoral et estudiantin afin d’éviter que l’un ne soit contreproductif ou se plaigne de l’autre et il est nécessaire qu’une prise de conscience globale des professeurs et des étudiants qu’une avancée pour l’un est une avancée pour l’autre émerge.
Il ne faut pas des grèves passives où les professeurs et étudiants restent chez eux, mais des manifestations où ils sont actifs et marchent côte-à-côte ; pour ça, il faut des meetings, des distributions de tracts des conférences afin de conscientiser les plus larges couches possibles d’étudiants de professeurs mais aussi de la population (les parents d’élèves notamment).
C’est pourquoi le Parti Socialiste du Nigéria lance un appel à la direction du NLC et du TUC pour une mobilisation en vue d’une grève générale de 48h et des mouvements de masses qui réuniraient les pauvres, les jeunes au chômage, les étudiants, et les travailleurs afin de transformer le Nigéria.
Les étudiants sont les travailleurs de demain, il est donc indispensable que les principaux syndicats de travailleurs se joignent à la lutte pour le sauvetage de l’éducation nigériane et par la même occasion face pression sur le gouvernement pour l’implémentation effective du salaire minimum et la fin des violences policières (certains étudiants qui manifestaient contre les mesures d’austérités prises par les gestionnaires de l’éducation se sont fait tuer lors de manifestations). (8)
Le Parti Socialiste du Nigeria, l’alternative socialiste qui se construit : ‘‘Un parti pour les millions (pauvres, jeunes et travailleurs ndlr) et non pour les pillards millionnaires’’

Pour paraphraser Mark Twain : ‘‘Les chiffres et les faits montreraient probablement qu’il n’existe pas de classe criminelle Nigériane distincte à part l’assemblée nationale.’’ (9) La population en a marre de voir ses richesses pillées par les kleptocrates au pouvoir en collaboration avec les multinationales présentent sur le terrain. Non content de siphonner les ressources naturelles, le pouvoir en place vampirise son peuple en augmentant tour à tour, le prix de l’électricité, les frais d’inscriptions, l’essence tout en attaquant le droit des travailleurs à un salaire décent et des étudiants à des syndicats démocratiques.
En plus de ces problèmes économiques dont on ne parle que trop peu dans nos médias occidentaux, le Nigéria est devenu tristement célèbres ces dernières années par les attentats répétés de Boko Haram dans le nord du pays.
Le problème de Boko Haram est à mettre en lien avec la question nationale non résolue depuis l’indépendance. Alors que la gauche petite-bourgeoise esquive la question nationale, nos camarades du DSM plaident pour une conférence de souveraineté nationale avec une majorité de représentants élus de travailleurs pour parler de la question nationale ainsi que des problèmes économiques, afin de décider de la marche à suivre, car ceux ci doivent être réglés pour pouvoir régler, entres autres, le problème de Boko Haram.
L’Islamisme fondamental qui a fait 3600 morts depuis 2009 selon Human Rights Watch, est le résultat de l’échec de la prise en main sérieuse de la question nationale par les gouvernements successifs, de l’état délabré de l’économie nigériane, du manque d’investissement dans l’éducation, de la pauvreté abjecte de certaines région, de l’abandon de certaines régions par l’administration qui n’est là que pour s’enrichir, en somme de la mauvaise gouvernance qui définit la classe dirigeante nigériane depuis son indépendance.
Boko Haram se présente comme une réponse à la politique dirigeante, d’ailleurs, ce groupuscule est le plus enraciné au nord dans les provinces les plus pauvres et s’est développé le plus facilement après une catastrophe naturelle ignorée par l’Etat. Ce groupe terroriste n’est pas une création récente mais est une entité qui s’est développée graduellement par effet boule de neige jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Boko Haram, qui signifie littéralement ‘‘la société occidentale est diabolique’’, reflète rien que dans son nom une haine de tout ce que représente l’occident, cette haine est alimentée par le Big Business de la capitale et la richesse exubérante des dirigeants. Le gouvernement, utilise Boko Haram comme alibi pour augmenter la militarisation du pays (la loi martiale est déjà effective dans 2 Etats sur 3) et ainsi harceler et intimider toute personne ou groupe qui serait critique envers le gouvernement. On voit comment les attaques contre les droits démocratiques de la population vont de pair avec la protection des intérêts capitalistes de la classe dirigeante. (10)
Le TUC et le NLC ont échoué à la construction d’un authentique parti démocratiquement géré par les travailleurs, les masses et les pauvres, et dévoué à la répartition équitable des ressources humaines et naturelles pour le bénéfice de tous. Le Parti Travailliste (Labour Party), créé par le NLC et dont nos camarades du DSM ont aidé à la construction dans les années ‘90 avant de s’en faire exclure, est aujourd’hui une autre de ces factions politiques qui se dit ‘‘l’alliée des travailleurs’’ tout en dinant à la table du grand capital, protégeant ses intérêts et se désolidarisant du peuple lorsque les politiques anti pauvres s’acharnent sur la population. L’organisation interne du parti n’a plus rien de démocratique non plus. Pour qu’un aspirant ait une chance de se faire élire à un poste, il doit mettre la main à la poche et payer les leaders du parti jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Niaras (jusqu’à 5000€) afin de pouvoir concourir pour le poste.
En 2003, nos camarades se sont présentés avec un programme socialiste en tant que candidats du Parti de la Conscience Nationale (NCP) qu’ils ont permis de transformer en un véritable parti politique alors qu’il n’était qu’une conscience, un mouvement de protestation balbutiant. Ils ont obtenu d’impressionnants résultats, 2ème avec plus de 77.000 voix officiellement dans le district sénatorial ouest de Lagos, malgré des preuves de bourrages d’urnes, d’achats de voix, et autres fraudes électorales. On a fait les meilleurs scores du NCP à l’échelle nationale sur base d’un programme résolument socialiste. Malheureusement, l’histoire a fait que nos camarades ont dû quitter ce parti après le virage à droite de sa direction et de son programme. Nos camarades ont néanmoins pu recruter des éléments désabusés du parti qui aujourd’hui jouent un rôle de cadre important dans le DSM. (11)
Le Mouvement Socialiste Démocratique (DSM) n’est pas officiellement reconnu comme un parti politique au Nigéria. Pour ce faire, il faut que les membres du Comité National Executif viennent de 24 des 36 Etats du pays, il faut avoir son quartier général à Abuja (ce qui coûte 5000€), et payer 5000€ en plus uniquement pour enregistrement du parti (contre 25€ en Afrique du Sud).
En plus des difficultés financières, la répression à l’encontre de nos camarades est grandissante. Lors des rassemblements du 1er mai, 15 de nos camarades se sont fait arrêtés pour avoir distribué des tracts du SPN et vendu leur journal (Socialist Democraty), leur matériel politique a bien entendu été détruit. Il a fallu que les camarades se mobilisent internationalement et localement pour faire pression sur les autorités locales pour que nos camarades aient finalement été libérés.
L’Implosion et les conflits internes du parti travailliste et des autres partis « de gauche » en plus de leur soutien tacite aux politiques d’austérité du gouvernement, envoient des messages contradictoires aux électeurs et à leurs membres qui ne savent plus vers qui se tourner. Sans alternative sérieuse, certains envisagent même parfois l’armée, en cas de crise prolongée, comme solution salvatrice malgré les 3 décennies de juntes militaires au pouvoir qui n’ont pas amélioré la situation du pays et les problèmes ethniques qui s’y retrouvent comme dans le reste du pays.
C’est pour toutes ces raisons que l’activité politique principale de cette dernière année de nos camarades du DSM a été la construction d’un parti plus large, le SPN.
La seule façon de régler la question nationale, de mettre fin à la corruption des élites dirigeantes, d’avoir des salaires décents, de pousser les investissements massifs dans la santé, les transport, les infrastructures, l’éducation et d’arrêter leurs démembrement et privatisations ; la seule voie pour mettre fin à la misère dans laquelle vie la grande majorité de la population Nigériane malgré l’extraordinaire abondance de ressources humaines et naturelles, est de mettre en place un système socialiste ou le propriété des secteurs clés de l’économie est collective et sous la gestion démocratique des travailleurs eux-mêmes. C’est à cela que s’attèlent nos camarades du DSM avec la construction du SPN, avec le soutien moral, physique et financier des autres sections du Comité pour une Internationale Ouvrière qui militent pour donner corps à un véritable socialisme partout dans le monde.
Notes :
(1) http://www.bloomberg.com/news/2011-01-18/nigeria-s-poverty-ratio-rises-to-70-of-population-trust-says.html
(2) http://www.unrisd.org/80256B3C005BCCF9/search/C6A23857BA3934CCC12572CE0024BB9E?OpenDocument&language=fr
(3) http://www.punchng.com/news/we-need-funds-not-phones-farmers-tell-fg/
(4) http://www.reuters.com/article/2013/06/03/nigeria-electricity-privatisation-idUSL5N0EF27H20130603
(5) « Socialist Democracy » March/April 2013 (et 2012) p.7, Nigeria’s general strike/mass protest against fuel price hike, Vital lessons for the working class and youth, by H.T. Soweto,
(6) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2195
(7) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2192
(8) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2188
(9) It could probably be shown by facts and figures that there is no distinctly native American criminal class except Congress. – Pudd’nhead Wilson’s New Calendar
(10) http://pmnewsnigeria.com/2013/08/14/how-boko-haram-was-created-arogundade/
(11) Marx is back, CWI Summer School 2013 Monday 22nd July Daily bulletin, building in Nigeria, for a party that truly represents working class people.

