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Tag: Ecole d’été du CIO
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École d'été du CIO : Nouvelles révoltes en Amérique latine
La discussion sur l’Amérique latine à l’École d’été du CIO 2013 a été introduite par notre camarade Johan Rivas, militant du CIO au Venezuela dans le groupe Socialismo Revolucionario. Johan a remarqué l’ouverture d’une nouvelle période dans la situation en Amérique latine, au moment où la “Grande Récession” atteint maintenant le continent, surtout vu le début de la crise en Chine. Les répercussions se sont fait sentir sous la forme d’une nouvelle période de lutte de classe et de crise capitaliste à travers toute la région. Une partie de ce processus inclut, selon Johan, une intensification des tensions entre impérialistes et des conflits économiques, avec la lutte d’influence dans la région entre la Chine et les États-Unis. Ce contexte coïncide avec un renouveau de la lutte de classe – comme on l’a vu avec une vague de grèves de masse au Mexique dans le cadre de la lutte contre la privatisation de la compagnie pétrolière d’État, et avec une grève générale en Bolivie.
Rapport de Laura Fitzgerald Socialist Party (CIO-Irlande)
Le Venezuela après Chavez
Johan a expliqué la manière dont le récent décès de Hugo Chavez dans son pays a amené une complication de la situation au Venezuela. D’un côté, l’ère Chavez a vu s’accomplir de nombreuses réformes sociales, l’activation et la politisation des masses. D’un autre côté, les acquis des masses sont aujourd’hui menacés non seulement par l’opposition de droite (malgré toutes les tentatives rusées de cacher son caractère réactionnaire), mais aussi par la bureaucratisation au sein du camp Chavez, par les couches pro-capitalistes de son régime qui se sont enrichies grâce au pouvoir, par la corruption et l’affairisme. Ce processus est maintenant en train de discréditer l’idée de “révolution bolivarienne”.
Après la victoire électorale de Chavez en 2006, après que les masses se soient mobilisées pour faire obstacle à une nouvelle tentative de coup d’État de la droite, Johan a expliqué qu’entre 60 % et 70 % de la population soutenait l’idée de la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et que 70 % étaient favorables à l’idée de progresser vers le “socialisme”, même si la notion même de ce que signifiait le mot “socialisme” était certainement très floue aux yeux de beaucoup. À présent, en 2013, Johan affirme que la conscience a fortement reculé à cause de la bureaucratisation massive du régime sur lequel s’appuyait Chavez. Cette bureaucratisation s’est produite à la suite de la mise en œuvre de plusieurs contre-réformes, malgré la nature somme toute limitée des réformes qui avaient pu être accomplies grâce à richesse tirée de la nationalisation du pétrole et malgré le fait que ces réformes avaient été mises en œuvre d’une manière qui n’empiétait pas le moins du monde sur les relations économiques capitalistes.
Johan a soulevé la possibilité que les complications issues de toute cette situation pourraient paver la voie à un retour de la droite au pouvoir, qui se produirait très certainement par la voie électorale plutôt que par une nouvelle tentative de coup d’État, bien qu’on ne puisse pas exclure la possibilité d’un tel coup. De tels développements auraient certainement un effet sur les masses du monde néocolonial qui considéraient, jusqu’à un certain point, Chavez et le Venezuela comme une source d’espoir et d’inspiration.
Cependant, il faut également prendre en compte le fait que la droite elle-même est assez divisée, et que cela pourrait entraver ses chances de succès lors des élections municipales de cette année. D’un autre côté, des fissures sont aussi apparues au sein du parti chaviste, le PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela), avec notamment une cassure grandissante entre l’aile militaire et l’aile civile. On le voit notamment avec un certain virage à gauche dans certaines sections PSUV et dans leurs discours un peu partout dans le pays. Johan a expliqué la manière dont CIO au Venezuela utilise une large de gamme dans ses efforts visant à gagner les couches avancées des travailleurs, des pauvres et des jeunes à un programme socialiste révolutionnaire. De telles tactiques incluent un certain élément de travail parmi la base du PSUV, et aussi un travail afin de construire un front uni de la gauche en-dehors du PSUV, tout comme les camarades du CIO se battent pour l’adoption d’un programme révolutionnaire au sein de ce dernier.
Une nouvelle ouverture pour les idées trotskistes quant au destin de Cuba
Johan a ensuite donné un compte-rendu de ce qu’il sait des processus très intéressants qui sont en train de se dérouler en ce moment à Cuba. Raul Castro a adopté toute une série de contre-réformes qui ont orienté l’économie dans une direction capitaliste, mais ce processus est loin d’être complet.
Johan a remarqué à quelle point la jeunesse est la plus en faveur de réformes politiques, tandis que la vieille génération est extrêmement sceptique et vigilante par rapport à ces réformes, vu qu’elle craint ce qui pourrait arriver aux systèmes de santé et d’enseignement cubain, qui sont parmi les meilleurs du monde, et qui représentent les plus importants acquis de la révolution. Johan a également mentionné les réformes au sein du Parti communiste cubain lui-même – les LGBT peuvent maintenant rejoindre le parti et y participer, avec pour conséquence l’élection d’un maire ouvertement LGBT dans une des provinces, une grande première depuis le début de la révolution.
Johan a illustré l’ouverture qui existe quant à une analyse trotskiste du stalinisme, pour un programme qui mentionne la nécessité d’une révolution politique afin de démocratiser l’État et l’économie planifiée, pour le contrôle et la gestion de l’économie par les travailleurs, et pour un changement qui associerait la perspective mondiale d’une remise en question du capitalisme par la classe ouvrière sur le plan mondial, qui puisse véritablement amener la perspective d’une transformation socialiste et démocratique, et du socialisme.
Des explosions convulsives au Brésil
Notre camarade Ricardo Baross Filho, syndicaliste et membre du groupe Liberdade, Socialismo e Revolução (CIO-Brésil) à Rio de Janeiro, a donné la deuxième partie de l’introduction, qui s’est concentrée sur l’explosion convulsive de lutte de masse antigouvernementale que nous avons vu partout au Brésil ces dernières semaines. Ricardo a entamé son commentaire en replaçant le “lulaïsme” en perspective. Lorsqu’il a été élu il y a dix ans, le gouvernement PT (“Parti des travailleurs”) de Lula a donné aux capitalistes une porte de sortie. Malgré son ancien caractère de parti ouvrier, et les immenses espoirs que toute une couche de travailleurs et de pauvres avaient placés en lui, le PT une fois au gouvernement a appliqué une politique néolibérale, caractérisée par un strict équilibre budgétaire, des privatisations (moins que les gouvernements avant lui, mais tout de même), et la corruption.
Tout le succès de ce modèle reposait sur les exportations, surtout de matières premières pour satisfaire la forte demande chinoise.
Ricardo a expliqué la manière dont les améliorations dans la vie de toute une couche de la classe ouvrière ont été effectuées dans l’esprit du néolibéralisme, via des subsides étatiques à l’industrie privée sous forme de partenariats public-privé, comme dans le secteur du logement, ou avec l’introduction d’universités privées payantes pour les jeunes.
Le populisme de Lula s’est illustré dans son incorporation de la CUT (Central Única dos Trabalhadores), la principale fédération syndicale au gouvernement (le président de la CUT a été nommé ministre du Travail). La classe dirigeante brésilienne voulait poursuivre sur la lancée de Lula, mais l’élection de Dilma en 2010 a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire, a expliqué Ricardo. Des problèmes économiques sont en train de faire surface, et Dilma n’a pas la base sociale dont bénéficiait Lula. La baisse de la popularité de Dilma est à placer dans son contexte de continuation de la politique néolibérale afin de saper les droits des travailleurs. On voit cela avec le projet de loi selon lequel les droits des travailleurs (comme le droit à des congés maternités, aux congés-maladies payés, etc.) pourraient être renégociés dans le cadre de conventions syndicales, permettant ainsi aux patrons d’attaquer les droits des travailleurs entreprise par entreprise.
L’impopularité croissante de Dilma illustre la perte de vitesse du “lulaïsme”, ce qui est très important vu ce que son régime représentait. Cela est aggravé par les problèmes économiques – la croissance du PIB l’an passé n’était que de 0,9 %, et les perspectives pour cette année sont d’à peine 2 %. Le règne de Dilma voit réapparaitre l’inflation, une cherté de la vie croissante en ce qui concerne les prix des denrées de base, ce qui est un problème majeur pour les masses pauvres partout dans le pays. Dilma parle beaucoup de son approche “responsable” en termes de fiscalité – toutes les dettes seront payées, etc. La réalité est que, comme l’a dit Ricardo, le joli vernis appliqué sur le gouvernement et le capitalisme brésilien s’était usé bien avant que l’éclatement de la récente lutte de masse.
Éclatement de la lutte
Ricardo a remarqué que l’année passée a connu le plus grand nombre de grèves au Brésil depuis bien des années. Des grèves larges se sont produites dans le secteur public comme dans le privé, avec par exemple une grève de deux mois dans les universités fédérales. Avant l’important éclatement de la lutte de masse, toute une série de mouvements locaux avaient remporté des victoires contre la hausse du cout des transports publics, ce qui a donné une grande confiance aux travailleurs et à la jeunesse. La colère face à la brutalité qui a été employée contre la première vague de manifestants par la police de São Paulo a contribué à l’extension et à l’intensification du mouvement. Les manifestants contre la hausse du cout des transports publics ont commencé à remettre en question le fait que des millions soient dépensés pour construire des stades pour les JO et pour la Coupe du monde, contrairement au budget de misère octroyé à l’enseignement et à la santé.
Ricardo a remarqué l’incroyable soutien de masse dont a bénéficié le mouvement – selon un récent sondage, 89 % de la population le soutient. Étant donné l’inexpérience et la nature de masse des mouvements – la plupart des participants en étaient à leur toute première manifestation – des éléments d’extrême-droit ont tenté d’intervenir de manière rusée dans ces mouvements avec pour objectif de les détourner à leur avantage. Les membres de LSR (CIO-Brésil), a expliqué Ricardo, ont aidé à organiser la protection des militants de gauche contre ces éléments d’extrême-droite. Ricardo a également expliqué, cependant, l’énorme ouverture des manifestants, ce qui a eu pour conséquence une très importante croissance de LSR grâce à notre intervention dans ce mouvement. LSR met également en avant le fait que la tâche de la gauche dans ce mouvement est cruciale – son rôle est d’assurer le fait que l’énergie du mouvement ne retombe pas – ce mouvement représente une chance de construire de nouvelles organisations de et pour la classe ouvrière et la jeunesse, qui pourraient devenir plus importantes que le PT ou la CUT ne l’ont jamais été.
Le PSoL
Ricardo a donné des éclaircissements quant à notre participation ininterrompue au sein de la coalition de gauche large qu’est le PSoL (Partido Socialismo e Libertade, mais “Sol” veut aussi dire “Soleil”). Ricardo a remarqué que le PSoL associe de très impressionnants militants de gauche et des dirigeants de mouvements sociaux, partout au Brésil. Le fait que le PSoL ait grandi électoralement ces dernières années illustre son potentiel en tant que possible futur pôle de gauche au Brésil. La plus grande menace, selon Ricardo, est qu’une puissante aile droite au sein de l’organisation la pousse vers des coalitions avec des forces pro-austérité.
Ricardo a aussi défendu la nécessité d’une nouvelle confédération syndicale au Brésil. Il a souligné l’incapacité de la CUT, qui ne parvient pas à véritablement représenter les besoins des travailleurs. Il a parlé du rôle positif de la CSP-Conlutas (Central Sindical e Popular – Coordenação Nacional de Lutas) dans laquelle participent de nombreux militants LSR, qui en termes de programme et d’action, est loin devant la CUT. CSP-Conlutas joue également un rôle important dans l’organisation des travailleurs intérimaires, des jeunes chômeurs, des luttes sociales et des mouvements des pauvres, et dans la coordination entre ces luttes et le mouvement syndical.
Discussion sur le caractère du mouvement au Brésil
Au cours du débat, sont intervenus des camarades de France, du Brésil, de Suède, d’Autriche et d’Allemagne. Les sujets abordés incluaient la situation politique au Honduras, plus d’analyses sur les mouvements de masse qui ébranlent toujours le Brésil, et des points concernant le mouvement syndical et le parti PSoL au Brésil. Notre camarade Christina du Brésil a contribué au débat en insistant sur le rôle de la jeunesse dans le mouvement de protestation au Brésil. Elle a fait remarquer qu’un sondage réalisé au début des manifestations à São Paulo révélait que 71 % des participants en étaient à leur toute première action. Christina a replacé la participation des jeunes au mouvement dans son contexte, en parlant des difficultés en ce qui concerne le chômage des jeunes et les contrats précaires dans le secteur privé pour les jeunes, en plus de l’oppression, du racisme, de la violence policière et de la misère dégradante qui touchent beaucoup de jeunes noirs dans les favelas (quartiers pauvres).
Notre camarade Mariana, de France, a abordé la question du nationalisme au Brésil. Elle a expliqué l’incapacité de la plupart de la gauche à aborder ce problème. La présence de drapeaux brésiliens lors des manifestations représente, à un certain degré, la faiblesse de la conscience qui existe. Certains groupes de gauche ont évité cette question, soit en rejetant les manifestations qualifiées selon eux de “réactionnaires”, soit en disant que ces drapeaux étaient une expression de l’“anti-impérialisme”. La réalité est que le “lulaïsme”, en tant que phénomène purement bourgeois, a rehaussé le nationalisme et un sentiment de “collectivité” qui était conçu afin de gommer les frontières entre classes et faire disparaitre les divisions de classe, afin de défendre les intérêts du capitalisme et de désarmer la classe ouvrière. Il existe toujours des restes de tout ceci, qui sont présents dans le mouvement, mais qui existent cependant aux côtés d’un virage clair vers la gauche dans la conscience des travailleurs. Une intervention appropriée de la gauche dans le mouvement, qui exprime les aspirations des travailleurs et des jeunes, qui donnerait une direction claire au mouvement, et qui mettrait en avant la nécessité de la solidarité et de la lutte à travers toute l’Amérique latine et dans le monde entier, pourrait avoir un énorme impact.
Au moment de la conclusion du débat, le consensus qui s’était dégagé était de souligner les nouvelles opportunités qui se présentent dans ce qui est une nouvelle étape de la crise du capitalisme en Amérique latine, et potentiellement un nouveau chapitre de l’histoire du mouvement prolétaire dans la région. Les camarades se sont mis d’accord sur le fait qu’il faudrait approfondir la discussion quant aux processus contradictoires qui se déroulent à Cuba et au Venezuela, et finalement, quant aux formidables développements au Brésil. Ce pays extrêmement important, qui a une énorme influence sur l’ensemble du continent, tant sur le plan économique que politique, a été considéré comme un indice du potentiel qu’ont les idées socialistes et les luttes de se redévelopper à l’échelle de tout ce continent, avec son histoire si riche en enseignements pour la lutte et pour la révolution.
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Malaisie: reconstruction des traditions combatives du mouvement ouvrier
Cette année, lors de l’école d’été annuelle du CIO, une membre de notre organisation sœur en Malaisie est intervenue. Sharifah, une jeune femme d’origine musulmane, a parlé, lors de quelques discussions, de la situation de son pays et de la construction de nos forces. La Malaisie est caractérisée par une population fortement mixte, où les contradictions nationales, religieuses et ethniques sont très utilisées par la bourgeoisie. Nous-mêmes, nous y construisons une organisation socialiste unifiée. Avant le début de l’école d’été, Sharifah a passé quelques jours à Anvers, l’occasion de l’interviewer.
Avant son indépendance, la Malaisie était une colonie britannique. Le colonisateur y régnait d’un main de fer. Les matières premières et la force productive de la population étaient totalement consacrées aux intérêts de l’impérialisme britannique. La population locale restait en arrière avec les mains vides, et ceci dans un pays d’une importance stratégique qui comptait beaucoup de richesses naturelles. La population locale était, entre autres, exploitée pour la construction de nouveaux chemins de fers qui ne servaient pas à établir un réseau local de transports publics mais à pouvoir transporter plus facilement les matières premières du pays. L’exploitation et la répression étaient omniprésentes, les droits démocratiques n’existaient pas. Voila le décor posé par les occupations Britannique et Japonaise du pays.
Comme dans d’autres pays de la région, l’indépendance après la Deuxième Guerre Mondiale ne s’est pas obtenue grâce aux « idées éclairées » des colonisateurs, mais a été permise grâce à la pression d’un mouvement de masse de la base. Un grand facteur politique dans ce processus était le rôle du Parti Communiste qui connaissait une forte croissance dans la région entière. Ainsi, le développement rapide du PC en Indonésie a eu un impact sur la Malaisie. Le PCM (Parti Communiste de Malaisie) était fortement impliqué dans la lutte pour l’indépendance. Le potentiel d’un mouvement révolutionnaire qui pouvait non seulement mettre à la porte le colonisateur mais également le système capitaliste et impérialiste dans son entièreté était présent. Un grand obstacle néanmoins fut la ligne politique de Moscou qui, après la guerre, avait conclu un accord avec l’impérialisme sur la division des sphères d’influence, et qui était prêt à gaspiller des possibilités révolutionnaires pour s’y maintenir. C’est grâce à la pression d’en bas et au rôle des militants du PCM que les Britanniques ont du se résigner à l’indépendance. Dans une tentative de conserver la tactique coloniale de diviser pour mieux régner, Singapour fut déclaré indépendant de l’état malaisien. Ceci a surtout été fait pour éviter que la population chinoise ne devienne majoritaire dans le pays. Si aujourd’hui le parti traditionnel le plus important en Malaisie, le UMNO, revendique l’indépendance du pays, ce n’est qu’une falsification de l’histoire.
Après l’indépendance de la Malaisie, l’UMNO est arrivé au pouvoir. Sous sa direction, les chemins de fer et les entreprises d’eau et d’électricité ont été privatisés. Pour trouver un soutien politique à cela, la tactique traditionnelle de l’ancien colonisateur de diviser pour mieux régner a été utilisée. Cette division s’est encore renforcée par une islamisation poussée : le régime naturalisait des migrants musulmans des Philippines et du Bangladesh pour élargir sa base populaire. Avec cette politique, Mohamed Mahathir est parvenu à maintenir sa position de premier ministre de la Malaisie durant 22 ans. Mais cette période a pris fin en 2003, et lors des dernières années de son pouvoir, l’instabilité politique du pays a augmenté.
Dès la fin des années ’90, dans toute la région, nous avons assisté à un retour des mouvements de protestation. Le dictateur indonésien Soeharto, qui est arrivé au pouvoir dans les années ’60 après avoir organisé un massacre au sein de la gauche, fut éjecté du pouvoir en 1998 par un mouvement de masse. La lutte contre la corruption et la dictature en Indonésie a fait écho en Malaisie où là aussi des « reformasi » (réformes) étaient proposées. Un élément central des protestations en Malaisie à la fin des années 1990 fut la loi « ISA » (Internal Security Act), grâce à laquelle le gouvernement pouvait enfermer tous les opposants sans la moindre enquête. Le loi était alors utilisée à l’époque pour réduire le PCM au silence.
Le mécontentement par rapport à la corruption et à la fraude n’a jamais disparu. En 2007, des grandes actions et manifestations ont été organisées sous le nom « BERSIH » (propre). Des élections « honnêtes » et « sans fraude » ont été proposées. Mais ces élections étaient néanmoins truquées, permettant à certains de voter plusieurs fois. Il y avait plus de voix que d’électeurs…
De plus, dans le système électoral, il est prévu que les entreprises ont la possibilité de naturaliser leurs ouvriers du Bangladesh ou d’Indonésie contre paiement. Ceci est alors utilisé pour obtenir des ouvriers naturalisés qu’ils votent pour le parti du gouvernement. Chaque voix est personnalisée pour permettre au gouvernement de contrôler, à tout instant, qui a voté pour quel parti et quand. Et on appelle cela la démocratie…
Le CIO en Malaisie est actif dans le mouvement pour les droits démocratiques. Nous ne nous contentons pas de manifester, mais nous intervenons également avec notre matériel politique pour politiser la résistance. La force de ce mouvement est qu’il a beaucoup pointé la fraude électoral et que ceci est diffusé largement dans la population. Sa faiblesse est que le mouvement se fait seulement entendre lors des élections.
Notre organisation en Malaisie est assez jeune, mais parvient cependant à avoir déjà un certain impact. Nous unifions des activistes de différents origines ethniques et religieuses, et nous menons des campagnes au sein de la population. Nous militons avec des campagnes dans la rue, dans des entreprises ou lors de marchés nocturnes. Il existe beaucoup de confusion politique, beaucoup de nos discussions parlent de la nécessité des syndicats, et de la lutte pour un système alternatif. Il y a peu de compréhension sur le fait qu’une alternative au capitalisme est possible, et encore moins sur la façon de construire les instruments pour y arriver.
Le rôle de la direction des syndicats existants n’y est pas pour rien. La direction de droite de la fédération syndicale la plus importante, MTUC, abandonne souvent ses membres lors des conflits avec les employeurs. Mais ceci n’est pas une fatalité. Une position combative du syndicat des employés bancaires a mené à quelques victoires et cela dans un secteur qui n’est pas connu comme le centre de la lutte de classes. Les victoires des employés bancaires en ont inspiré d’autres, notamment dans le secteur des télécoms, afin d’entrer en action, par des grèves, pour arriver à de meilleurs conditions de travail.
Le gouvernement sent la pression de la lutte d’en bas. Il y a même eu l’élaboration d’un salaire minimum de 900 Ringgit par mois (150 euro). Les employeurs disposent néanmoins de toute une série de détours pour l’éviter, et employer les travailleurs dans des conditions bien pires. Dans la capitale Kuala Lumpur, nous avons été contactés par les travailleurs d’une usine de crème glacée dans laquelle la direction avait fait signer un contrat aux travailleurs qui stipulait que leur salaire, même avec des heures supplémentaires ou des frais, ne pourrait jamais être plus élevé que 900 Ringgit. Nous avons aidé à organiser un syndicat pour ces travailleurs qui ont mené plusieurs actions. Le nouveau syndicat a mis l’affaire devant le ministère du travail, qui a statué que l’accord était illégal. C’est en s’organisant que les travailleurs sont parvenus à cette victoire.
En construisant de tels exemples et en renforçant, par la même occasion, notre organisation, nous voulons lier les traditions combatives du mouvement ouvrier à une meilleur et plus forte compréhension des taches qui sont devant nous dans la lutte pour une alternative socialiste au capitalisme.
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Afrique du Sud : des convulsions sismiques
L’École d’été internationale du CIO qui s’est déroulée en Belgique la semaine passée, s’est ouverte sur le récit époustouflant des derniers développements épiques de la lutte des travailleurs d’Afrique du Sud, avec l’importante participation du Democratic Socialist Movement (CIO en Afrique du Sud) et le lancement du Parti socialiste et ouvrier (WASP).
Par Nick Chaffey, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Le CIO s’est réuni en Belgique cette semaine pour son école d’été annuelle. Des centaines de camarades du CIO venus d’Afrique du Sud, du Nigeria, de Tunisie et du Moyen-Orient, des États-Unis, du Canada et du Québec, du Brésil et du Venezuela, d’Australie, de Chine, de Malaisie, et de toute l’Europe, étaient présents pour discuter de la situation mondiale, du programme du socialisme, et des perspectives pour la lutte de classe des travailleurs mondiale.
La session a été introduite par le camarade Alec Thraves du Socialist Party of England & Wales, qui a effectué plusieurs visites en Afrique du Sud, et par le camarade Mametlwe Sebei du DSM (CIO Afrique du Sud).
L’Afrique du Sud totalement changée par le massacre de Marikana
Alec a commencé par un aperçu des changements rapides qui se sont déroulés après la lutte des mineurs et son impact partout en Afrique du Sud et dans chaque couche de la société. Le meurtre délibéré de 34 mineurs par la police – sous un gouvernement ANC qui est soutenu par la fédération syndicale, Cosatu, et par le syndicat officiel des mineurs, le NUM (National Union of Mine Workers) – a démontré la brutalité des méthodes employées par l’État. La réponse des mineeurs a elle aussi démontré la puissance et la force de la classe ouvrière et le rôle vital que le DSM et le CIO ont joué.
L’expérience du massacre et de la lutte des mineurs a révélé la véritable nature du régime ANC post-apartheid à de larges sections de la classe ouvrière.
Non contents de revenir à une répression digne du temps de l’apartheid, la politique pro-capitaliste du gouvernement a créé une énorme inégalité dans la société, et provoqué un mécontentement croissant de la part des travailleurs. Des luttes se sont développées autour de la revendication d’un salaire décent partout en Afrique du Sud, mais cette revendication a été rejetée par le dirigeant du NUM, qui reçoit lui-même un salaire de 1,5 millions de rands (80 millions de francs) payé par les patrons des mines. Il n’est donc guère étonnant que les travailleurs rejettent ces dirigeants corrompus et développent leur propre lutte militante.
C’est dans ce cadre que le DSM a joué un rôle crucial en organisant la coordination de comités de grève indépendants non officiels, en posant une alternative à la crise et en construisant une nouvelle direction.
Alec a expliqué qu’après son discours à un meeting de masses avec les mineurs, les travailleurs étaient si enthousiastes à l’annonce de la solidarité du CIO, et de la nouvelle des énormes grèves et luttes qui parcourent toute l’Europe, qu’ils ont acheté 250 exemplaires du journal du DSM à la fin du meeting.
Les comités de grève ont dû organiser des meetings illégaux dans des parcs, et tous les jours, les membres du DSM Liv Shange et Sebei apparaissaient dans la presse et à la télé, et recevaient chaque jour de nouvelles demandes d’aller parler à des meetings de masse.
Une société hyper violente
En plus des luttes pour le salaire, les travailleurs sont obligés de lutter même pour les plus basiques des services. Dans certains quartiers, on voit des travailleurs qui vivent dans des abris en tôle qu’en Europe, on n’utiliserait même pas pour y ranger des animaux ni même des outils ! Alec a ainsi expliqué que « Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, il y a seulement la misère ». Ces conditions engendrent des problèmes tes que le crime et la consommation de drogues, mais aussi, heureusement, la croissance d’idées révolutionnaires ; le DSM a construit des sections dans les pires bidonville d’Afrique du Sud.
Les femmes militantes ont également fait preuve d’un énorme courage, surtout à Freedom Park, où les femmes ont été terrorisées par les viols atroces perpétrés par le Golf Club Gang, et contre les attaques homophobes qui voyaient des lesbiennes avérées ou non se voir infliger des “traitements correctifs” par des violeurs qui espéraient ainsi les “soigner” de leur “maladie”.
L’Afrique du Sud reste une des plus violentes sociétés de la planète. Récemment, un dirigeant des mineurs du Syndicat association des mineurs et de la construction (AMCU, un syndicat indépendant formé par les travailleurs contre le NUM corrompu) a été assassiné par des miliciens à la solde du NUM. Le secrétaire général du Cosatu a lui aussi parlé de sa crainte de se voir assassiné. Soixante-dix personnes ont été tuées lors de la grève des mineurs, et ç’aurait été plus encore, sans la présence et le rôle joué par le DSM. Alec nous a raconté un meeting dans un parc avec une centaine de travailleurs pendant une étape cruciale de la grève.
La discussion était très dure politiquement, vu le danger qu’il y avait que les mineurs décident de reprendre le travail. Certains militants ont fait une proposition qui était d’envoyer un avertissement aux mineurs avant de partir tuer 50 “jaunes” (ouvriers qui travaillent malgré la grève) le lendemain. Les camarades sont intervenus pour contrer cette proposition, en demandant qu’à la place soit envoyée une délégation de représentants des mineurs pour aller discuter avec eux, démolir les arguments des patrons et convaincre plus de travailleurs de rejoindre la grève.
Avec le soutien d’autres, des mineurs et du DSM, le Parti socialiste et ouvrier (WASP) a été officiellement lancé, et se prépare maintenant à participer aux élections l’an prochain. La lutte de classe est devenue plus intense et plus violente que partout ailleurs, et la conscience socialiste est bien plus grande. Il est vrai que nous avons de dangereux adversaires au sein de l’ANC, parmi les grands patrons et certains dirigeants syndicaux. Toutefois, nos camarades d’Afrique du Sud, comme ceux du Nigeria, du Kazakhstan et du Sri Lanka, ont mis en avant nos idées malgré les mêmes menaces. Nous avons de dangereux adversaires, mais aussi de puissants soutiens parmi les millions de travailleurs, de chômeurs et parmi tous les miséreux qui vivent dans les bidonvilles.
Le rôle du DSM
Le camarade Sebei, un de nos dirigeants sud-africains, nous a informé du travail du DSM et nous a expliqué comment une si petite organisation a pu se voir élevée au point où elle est en ce moment en train de jouer un si grand rôle dans un tel mouvement.
Le DSM s’était préparé à ces évènements, grâce à son analyse complète de la situation à laquelle est confrontée l’économie capitaliste et des relations de classes en Afrique du Sud. Nous avions identifié le maillon faible de l’alliance tripartite (ANC, Parti “communiste” et Cosatu) avec sa tentative de lier et de subordonner la classe ouvrière au gouvernement, surtout vu l’importance de l’extraction de matières premières, et la façon dont le secteur des mines serait le premier touché en cas de crise économique mondiale, surtout à partir du moment où l’économie chinoise commencerait à ralentir. C’est cette analyse qui nous a décidé à nous orienter vers les mineurs de Rustenburg, et qui nous a permis de nous retrouver directement à la tête du mouvement lorsque la grève a éclaté , c’est notre analyse et notre stratégie qui nous a permis de faire cela, et non pas un simple coup de chance, comme certains de nos adversaires (y compris nos rivaux à gauche) l’ont suggéré.
Pendant très longtemps, il a été clair qu’une guerre cruelle et brutale était en train d’être perpétrée contre les mineurs de Rustenburg par leurs patrons. Au cours des quatre dernières années, nous avons vu commencer de grands combats, impliquant des milliers de mineurs. Le DSM a construit une base dans cette ville, et a étendu son influence à toute l’Afrique du Sud. Cette guerre cruelle et sans merci a duré pendant très longtemps.
Cinq de nos membres qui travaillaient dans les mines de Rustenburg ont été tué trois semaines avant le massacre de Marikana.
La direction du DSM a identifié le fait que c’était à Rustenburg que la résistance des mineurs et de la classe ouvrière se développait le plus rapidement. Cette analyse a été rejetée par les autres forces de gauche, qui l’ont décrite comme “gauchiste”. Beaucoup d’autres organisations de gauche avaient tiré la fausse conclusion, vu la faiblesse du Cosatu, qu’il fallait abandonner le travail parmi les travailleurs organisés. Dans un tel contexte, les premières personnes à rencontrer des mineurs ont été les camarades du DSM, et notre intervention nous a élevé à Rustenburg et au-delà, à tout le secteur minier.
Le DSM a utilisé la grève pour mener campagne pour l’idée d’une alternative, qui vivait déjà dans l’esprit des mineurs, après qu’à peine 300 secondes de violence aient exposé toute l’ampleur de la réalité du régime – un régime prêt à noyer la lutte des travailleurs dans le sang uniquement afin de protéger les super-profits des patrons des mines. Après une première intervention à Marikana, le DSM a rassemblé à Rustenburg l’ensemble des comités de grève indépendants qui avaient été construits par les mineurs vus la méfiance envers le NUM, qui est un syndicat qui se bat pour les patrons et non pas pour les travailleurs. Nous les avons amenés autour d’un programme commun et d’un plan d’actions, nous sommes parvenus à briser l’isolement des travailleurs de Lonmin, et nous avons apporté la possibilité de gagner leurs revendications salariales et de remporter une victoire. Ce qui a commencé par une rupture d’avec le NUM, a été le début de la décomposition de l’alliance tripartite de l’ANC, du Cosatu et du PCAS, qui détenait la clé des intérêts capitalistes en Afrique du Sud.
Le WASP
La grève n’est pas retombée après la victoire à Lonmin, mais au contraire s’est étendue à tout le pays, vers le nord dans le Limpopo et dans toutes les régions minières. Lorsque le DSM a convoqué une réunion qui a rassemblé les comités de grève de toute l’Afrique du Sud, cette coalition et son autorité parmi les mineurs et au-delà ont permis le lancement d’un nouveau parti des travailleurs, le WASP.
Lancé le 23 mars, ce parti a connu un succès immense, bien au-delà de nos attentes. Lors de cette réunion où nous attendions 100 personnes, 500 sont arrivées. Certains travailleurs ont marché pendant des kilomètres pour y participer. Toutes les radios, tous les journaux du pays ont mentionné la création du nouveau parti. Dans trois régions où des représentants des mineurs n’avaient pas été envoyés, les mineurs ont marché sur les bureaux de leur syndicat pour demander pourquoi ils n’avaient pas été invités.
Ce qui hante à présent la classe dirigeante, surtout depuis le lancement du WASP, est que sa vision est en phase avec celle de larges couches de la classe ouvrière et de militants du Cosatu. Un sondage dans les syndicats a révélé que l’ANC, le PCSA et l’alliance tripartite sont complètement discréditées aux yeux de la base, qui veut que le Cosatu rompe avec l’ANC pour former un nouveau parti des travailleurs. Malgré le large soutien exprimé au président Zuma lors de la conférence de l’ANC, une majorité de la Cosatu rejette ces déclarations et appellent à cesser le soutien à l’ANC.
Sebei a expliqué que plus intéressant encore est l’attitude des travailleurs vis-à-vis de l’idée du socialisme. Un journaliste demandait : « Pourquoi le reste de la gauche vous déteste-il et vous traite de “gauchiste” ? » Parce que pour nous, la gauche officielle est en réalité à droite par rapport à la vision des travailleurs d’Afrique du Sud. 80 % des délégués Cosatu sont pour la nationalisation et pour que l’industrie soit dirigée par des comités ouvriers, et concluent que les travailleurs ont besoin d’un changement fondamental dans l’organisation de la société, c’est-à-dire, du socialisme. C’est pour cette raison que le programme du DSM qui appelle à la nationalisation des mines, des banques et des monopoles sous le contrôle démocratique des travailleurs est en phase avec les travailleurs actifs et les couches avancées de la classe ouvrière. D’autre principes avancés par le DSM ont gagné un large soutien.
Le principal évènement de la semaine passée a été la démission de 18 conseillers ANC. Ayant entendu parler de notre revendication selon laquelle les représentants doivent être élus, soumis à révocation de leur base, et ne devraient recevoir pas plus que le salaire moyen d’un travailleur, ils ont décidé de nous rejoindre.
Développer le DSM
Après avoir lancé le WASP en tant qu’idée, l’organiser dans la pratique c’est avéré une tâche difficile mais que nous avons brillamment accomplie en construisant le soutien des masses pour notre programme. Cette tâche n’était pas simple, surtout vu le fait que nous n’avions qu’un très petit nombre de cadres expérimentés. La DSM a dû trouver le juste équilibre entre l’effort de construction du WASP et la construction d’une base solide pour le DSM en tant que pilier du nouveau parti.
Le DSM a multiplié par dix son nombre de membres au cours de la dernière période, ce qui est un immense succès, vu la difficulté de développer un cadre du parti dans un contexte d’analphabétisme répandu, avec des militants très combatifs mais qui doivent aussi pouvoir s’assimiler nos idées.
Sebei a expliqué comment le DSM parvient à construire une base solide pour nos idées. Le soutien a gagné suffisamment d’élan pour gagner les travailleurs des transports en plus des mineurs en tant que colonne vertébrale du parti, mais il nous a également permis d’attirer les travailleurs de la chimie et un syndicat de manœuvres agricoles qui a dirigé plusieurs grèves l’an passé.
Ailleurs, le niveau de la lutte grandit autour de la question des services publics, du logement et de l’électricité, deux choses qui sont considérées comme normales en Europe mais qui, en Afrique du Sud, sont le fruit d’une lutte brutale. Dans les semaines qui viennent, le DSM compte convoquer une assemblée de travailleurs, qui rassemblera des mineurs, des travailleurs d’autres secteurs, la base du Cosatu, les militants des quartiers pour les services publics, et les étudiants, afin de lancer une campagne pour l’emploi.
Il est clair que le WASP va se développer en tant que point focal pour tous les travailleurs, y compris des groupes qui nous ont aidé à mener campagne pour le retour de notre dirigeante Liv Shange, qui a été récemment attaquée par le régime. Le régime a en effet profité du fait qu’elle soit rentrée au pays rendre visite à ses parents pour lui refuser un nouveau visa et l’empêcher de revenir en Afrique du Sud où elle vit depuis 10 ans, est mariée et est mère de deux enfants. La campagne pour son retour en Afrique du Sud a forcé le gouvernement à capituler. L’impact de la campagne a été si grand, que Liv est passée à de nombreuses reprises au journal télévisé, avant même les reportages sur l’état de santé de Mandela.
Plus que les facteurs objectifs et les efforts des membres du DSM, Sebei a dit dans sa conclusion que : « Nous avons l’Internationale la plus révolutionnaire, dont les idées, les perspectives, le soutien des camarades et le sacrifice de toutes les sections du CIO, nous ont permis d’accomplir ce travail. Sans l’Internationale, nous n’aurions jamais pu réussir. »
Importance des développements
Au cours de la discussion, notre député irlandais Joe Higgins a fait un bref rapport de sa visite en Afrique du Sud où il a assisté à la fondation du WASP au nom du CIO : « C’était époustouflant, épatant, de voir l’enthousiasme et l’élan de la classe ouvrière qui se bat pour un changement et pour une nouvelle société. Il était extrêmement gratifiant de voir le rôle joué par nos camarades, de voir nos claires idées, stratégie, tactique, être reprises par les travailleurs.
Nous commémorons cette année le centième anniversaire du Dublin Lock Out, une énorme lutte menée par les travailleurs d’Irlande contre les patrons et contre l’État, pour une vie meilleure. Cette lutte s’est vue dirigée par des révolutionnaires comme Jim Larkin et James Connolly, dont les noms resteront à jamais gravés dans le cœur de la classe ouvrière. Il n’est pas exagéré de comparer les évènements de Dublin 1913 à ceux qui se déroulent en ce moment en Afrique du Sud, sous la direction du DSM et du CIO ».
En conclusion à la discussion, un camarade d’Angleterre qui a lui aussi visité l’Afrique du Sud, a dit : « Nos idées sont en train de pénétrer dans la conscience de la classe ouvrière, et d’être reprises comme les siennes. Nous articulons la marche à suivre pour la classe ouvrière, qu’elle-même sent de manière instinctive. Car tous les travailleurs savent au fond d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas de voix politique, et qu’ils n’ont rien à attendre d’un éventuel maintien du capitalisme.
Lors de la conférence du DSM en février, après trois jours de longues discussions, un travailleur d’une mine d’or a été tellement inspiré par tout ce qu’il a entendu, qu’il est rentré chez lui et a vendu 50 journaux à ses voisins – je ne pense pas que nous ayons perdu du soutien par le fait qu’il les ait réveillés au milieu de la nuit pour leur parler. Un autre jeune mineur d’or, qui n’avait pas rejoint le DSM, a dit qu’il voulait rejoindre plus que toute autre chose dans le monde.
Le principal problème est de développer notre cadre pour qu’il puisse jouer de manière indépendante, et développer le soutien pour nos idées. Cela demande énormément de temps, et la misère freine notre travail. Chaque tentative d’organiser des évènements hors des localités des camarades demande une collecte de fonds. C’est pourquoi le soutien financier du CIO nous a tellement aidé dans tout notre travail.
Les capitalistes à la recherche d’alternatives
Les élections générales à venir seront les plus polarisées et les plus tendues depuis la fin de l’apartheid en 1994. Le gouvernement de l’alliance tripartite de l’ANC, du PCAS et du Cosatu est sous pression et se disloque. De nombreux analystes disent que le vote en faveur de l’ANC va passer sous la barre des 60 %, ce qui signifie que l’ANC perdrait la majorité des deux tiers qui lui permet de modifier la constitution à sa guise. La classe dirigeante craint cela, et se prépare à des alternatives. L’Alliance démocratique, un parti blanc, est un train de recruter des cadres noirs afin d’attirer les électeurs noirs. Les libéraux ont lancé un nouveau parti autour de célèbres militants noirs. Ils reconnaissent le fait que l’ANC est en train de perdre le soutien de la classe ouvrière.
Mais le plus important est la tendance à gauche à former des nouveaux partis. Le WASP n’est pas le seul sur la scène. Notre programme a de nombreux points avec celui des “Combattants pour la liberté économique” (EFF) de Julius Malema, comme la nationalisation, et Malema a un véritable pouvoir d’attraction envers les jeunes et les pauvres.
Mais « Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es », dit le proverbe : le numéro trois de la direction des EFF est un ancien gangster devenu hommes d’affaires, qui a été conseiller en relation public pour les patrons des mines, et dont le nom est mêlé à de nombreux scandales.
« Nous vous attendions »
En même temps que la scission dans l’ANC, on voit des scissions dans le Cosatu, que les syndicats les plus combatifs sont en train de quitter. Les manœuvres agricoles ont été forcé de s’organiser eux-mêmes en reprenant les méthodes des mineurs. Lorsque nos camarades ont visité les grévistes sur leurs fermes du Cap, ces derniers leur ont dit : « Nous vous attendions ».
Les élections générales seront le premier test électoral pour le WASP. Le système électoral sud-africain et notre renommée font en sorte que nos chances d’obtenir au moins un député sont assez élevées (bien que nous ne puissions faire la moindre promesse à cet égard). Il nous faut environ 42 000 votes au niveau national, et le cout pour nous présenter est de 10 millions de francs – plus encore si nous nous présentons en même temps aux élections régionales. Il nous faudra peut-être faire un appel financier afin de soutenir cette campagne.
Nous sommes arrivés à un stade où les travailleurs les plus avancés se sont déjà joints au DSM et où les masses larges sont en route. Si nous n’avions pas pris l’initiative de créer le WASP, nous n’en serions pas là aujourd’hui, nous serions complètement inconnus.
Tous nos camarades du monde entier doivent féliciter le DSM pour l’ampleur des efforts fournis. Ce travail a mis plusieurs années avant de porter ses fruits. Si nos camarades n’avaient pas tenu bon et n’avaient pas maintenu leur position coute que coute, nous n’aurions jamais pu accomplir quoi que ce soit.
Le travail réalisé en Afrique du Sud doit être une source d’inspiration pour toutes les sections du CIO dans le monde entier. Nous pouvons rapidement passer de petits groupes à une influence de masse en un très bref délai. Il y a beaucoup de travail à faire. Avec le soutien du CIO, le DSM restera le joyau dans la couronne de notre Internationale. »
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Ecole d’été du CIO : Le rôle de la classe ouvrière dans les révolutions du monde néocolonial
Lors de l’édition 2012 de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, un meeting a donné la parole à trois camarades de notre internationale (issus respectivement de Tunisie, du Brésil et du Sri Lanka). Ils ont ainsi abordé la situation des luttes sociales et des mouvements révolutionnaires dans leur pays de même que notre implication en tant que parti révolutionnaire mondial dans ces mouvements. Peter Taafe, président du Socialist Party (parti-frère du PSL en Angleterre et Pays de Galles), est lui aussi intervenu, notamment au sujet des 50 ans de l’indépendance de l’Algérie.
Rapport par Julien (Bruxelles)
Le premier intervenant a activement participé au mouvement et à la lutte contre le dictateur tunisien Ben Ali. Il a commencé par rappeler l’histoire populaire de la Tunisie qui, comme c’est le cas pour beaucoup de pays néocoloniaux, a connu l’imposition du capitalisme de manière dictatoriale sur base de la collaboration de l’impérialisme et des monarchies sur place. Cela s’est accompagné d’un processus d’endettement dû à l’industrialisation et aux réformes agraires inachevées.
La ‘‘singularité tunisienne’’ provient du fait que la réforme agraire a été accompagnée de révoltes contre le régime, ce qui a permis le remplacement de la monarchie par une république. La colonisation a, elle, forcé l’industrialisation. La cohabitation entre les deux systèmes a été dure, ce qui a impliqué une double rébellion : premièrement, un mouvement réactionnaire et conservateur, qui disparu assez vite, au profit du deuxième mouvement : le mouvement ouvrier progressiste. C’est ce dernier qui a combattu l’impérialisme français.
Il n’y a aucun doute sur le rôle du mouvement ouvrier dans ‘‘l’exception tunisienne’’ : c’est le premier pays de la région à s’être doté d’une organisation syndicale (qui refusa la collaboration avec les nazis, contrairement à d’autres mouvements nationalistes du monde arabe qui y voyaient un moyen de lutter contre la métropole). C’est la classe ouvrière qui a réellement brisé la colonisation. En 1943, les femmes avaient, entre autre, le droit de vote ainsi que le droit au travail. Les mouvements ouvrier et féministe sont totalement liés en Tunisie. Le camarade a insisté : ‘‘Ce que la bourgeoisie présente aujourd’hui comme la Tunisie Moderne ne sont que les acquis de la Tunisie Ouvrière’’.
En 1978 et 1984, suite à des réformes économiques néolibérales, des luttes syndicales se sont développées contre l’Etat bourgeois. En 1986, un mouvement similaire est né contre le Plan d’Ajustement Structurel du Fonds Monétaire International (FMI). Avec un mouvement ouvrier organisé et des syndicats combatifs, l’impérialisme a été conduit à soutenir des putschistes comme Ben Ali afin de maintenir son pouvoir sur la région.
Comment la bourgeoisie présente-t-elle la révolution actuelle ? De manière scolastique : ‘‘Les gens ne sont pas contents’’. C’est oublier son rôle dans la dictature. Depuis 2008, la classe ouvrière a repris le chemin de la lutte après une longue période de repos. Il s’agissait d’une sorte de revanche sur les années ’80, quand elle avait échoué à chasser Ben Ali. Elle s’est de mieux en mieux organisée et est devenue plus combative.
Actuellement, le pays vit une période de grèves générales. Que peuvent-elles apporter au mouvement ? Si on regarde l’histoire de la Tunisie, ce sont les grèves générales qui permettent de virer des dictateurs ! C’est un réel conflit de classe.
Une partie de l’extrême-gauche n’a pas compris cela et a abandonné l’idée des Comités Ouvriers, des Comités de Quartier,… et a préféré courir vers les institutions bourgeoises ! C’est pourtant une question importante qui fait le lien avec la nécessité d’un gouvernement ouvrier.
Notre camarade brésilienne est revenue sur la crise économique qui frappe ce pays. Le Brésil connait une crise similaire à celle qui touche l’Europe, un processus qui conduit à une augmentation des luttes. Des illusions restent toutefois encore présentes concernant l’avenir que réserve ce système (meilleur que celui de la génération précédente aux yeux de nombreuses personnes).
Après la crise des années ’90, il y a eu une croissance économique essentiellement basée sur les exportations à destination de la Chine. Jusqu’en 2010, le pays a connu une croissance de la consommation et des crédits. Mais cette croissance est forcément limitée par la dépendance du pays envers le reste du monde à cause de la désindustrialisation du pays et de la réorientation de sa production vers l’extraction de matières premières.
Le pays est, à la fois parmi les 6 plus grandes puissances économiques du monde et parmi les 12 pays qui comprennent le plus large fossé entre riches et pauvres. La majorité des richesses sont donc concentrées entre quelques mains seulement. Une baisse des conditions de travail a accompagné les progrès effectués dans la construction d’infrastructures.
Cela a impliqué une augmentation des luttes liées aux projets de prestiges industriels et sportifs et à l’expulsion de travailleurs qu’ils impliquaient. Beaucoup de luttes spontanées ont vu le jour, y compris au beau milieu de l’Amazonie. Toute une série de travailleurs qui se croyaient privilégiés dans la dernière période sont aujourd’hui convaincus qu’une grève générale est nécessaire. 90% des universités fédérales sont en grève (les projets de prestiges ont fait de l’ombre aux budgets pour l’enseignement, ce qui force certains enseignants à donner cours dans des églises, dans des restaurants abandonnés,… bref, là où il y a de la place). Le mouvement de grève dure depuis 2 mois avec des manifestations, des occupations,… partout dans le pays, tant dans le secteur public que privé.
Le défi aujourd’hui est de surmonter la fragmentation de la lutte. C’est ce que le PSOL (Partido Socialismo e libertad) tente de faire. Nos camarades de la LSR (section sœur du PSL au Brésil) travaillent au sein du PSOL et y sont considérés comme une référence de gauche au sein du PSOL et à l’extérieur car, depuis toujours, ils défendent la perspective d’une société socialiste et un programme de rupture fondamental avec le système d’exploitation capitaliste. La LSR a un candidat aux élections communales et il existe des possibilités d’élus du PSOL dans différentes villes. Ces élections seront un moment important afin de tester l’impact que peuvent avoir nos idées à notre échelle, qui reste encore limitée dans ce pays.
Au-delà de cette question électorale, un autre point de cristallisation des luttes existe autour du CSP-Conlutas (syndicat de gauche) qui a organisé 6000 personnes dans des occupations destinées à défendre le droit à la terre avec le MTST (le Mouvement des paysans sans-terre, la plus importante organisation de sans-domiciles). Il y a eu de nombreuses expulsions à cause des spéculations criminelles.
De plus en plus de gens commencent à véritablement voir les limites du capitalisme et se tournent dorénavant vers nous. En étant membre du PSOL tout en défendant des critiques constructives concernant ses méthodes, la nécessité d’intervenir dans les luttes et le besoin de clarifier les idées politiques de cette formation large, nous avons pu construire une certaine périphérie autour de notre organisation.
Le troisième intervenant était issu du Front Line Socialist Party (une organisation de gauche large avec laquelle travaillent nos camarades sri-lankais de l’United Socialist Party), au Sri-Lanka. Elle a commencé par expliquer que selon la constitution sri-lankaise, le pays est ‘‘socialiste’’ et est dirigé par des partis ‘‘socialistes’’ ! Mais la crise dévoile très clairement, et cruellement, qu’il ne s’agit que d’une rhétorique vide de sens. De plus en plus de gens sont jetés à la rue et doivent voler pour survivre. A côté de cette situation se développent de grandes illusions concernant l’Europe, qui est vue comme un paradis. Mais pour ceux qui y arrivent, c’est plutôt un enfer qui les attend, celui de l’univers des sans-papiers et de leur exploitation.
Enfin, notre camarade Peter Taafe a pris la parole, en commençant son intervention en expliquant que nous vivons la plus sérieuse crise du capitalisme depuis les années ’30. Cette idée est aujourd’hui largement comprise et acceptée dans les couches larges de la population. Aux dires du dirigeant de la principale banque anglaise, il s’agirait même de la plus grave crise jamais connue, et le pire serait encore à venir.
Mais le degré des luttes est lui aussi sans précédent, avec des mouvements de masses dans de nombreux pays. Après la guerre de 40-45, la lutte a été marquée par son impact dans le monde néocolonial (Asie, Afrique, Amérique-latine, tous y passaient). Au Sri-Lanka, un vrai parti de masse trotskyste des travailleurs et des paysans a joué un rôle clef à l’époque. Mais le LSSP (Lanka Sama Samaja Party) a fait de nombreux compromis avec la bourgeoisie et a brisé de lui-même sa position parmi la jeunesse et le mouvement des travailleurs, une leçon qui reste cruciale pour l’avenir.
Ce meeting était aussi une manière de célébrer le 50e anniversaire de la victoire du FLN (le Front de Libération National) en Algérie contre l’impérialisme français. Cette guerre a cause la mort d’un 1,5 million de civils et a duré de 1954 à 1962. Finalement, une guérilla de 40.000 combattants a vaincu 600.000 soldats français. Les Algériens qui vivaient en France avaient énormément sacrifié pour la victoire de cette lutte pour l’indépendance, il n’était pas rare que 50% de leurs revenus servent à financer le combat.
En dépit du fait qu’il s’agissait d’un mouvement nationaliste bourgeois, le FLN a été soutenu de façon critique par ce qui allait devenir par la suite le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont les membres considéraient qu’une victoire allait affaiblir l’impérialisme français. Ce soutien n’a pas été uniquement verbal, mais a également eu une dimension pratique. Ainsi, des camarades ingénieurs se sont rendus en Algérie afin d’aider à divers actes de sabotage le long de la frontière avec le Maroc.
Ce soutien a contrasté avec celui d’autres prétendus “trotskistes” qui avaient refuse de soutenir le FLN a avaient soutenu le MNA (Mouvement National Algérien) dirigé par Messali Hadj. Ce dernier avait joué un role important dans le passé mais était devenu un véritable larbin de l’impérialisme français.
La révolution algérienne a eu un énorme impact en France, qui a notamment conduit à la révolte des officiers d’Alger (la capitale du pays) en 1961. Avant cela, Charles De Gaulle était arrivé au pouvoir en 1958 et avait instauré une sorte de bonapartisme parlementaire, sans que la direction de la classe ouvrière française – la Section française de l’internationale ouvrière (qui deviendra le Parti Socialiste en 1969) et le Parti Communiste – ne fassent rien.
Après la victoire de mouvements de guérilla dans des pays comme l’Algérie, certains ont commence à développer l’idée selon laquelle la paysannerie détenait le rôle clé à jouer dans la révolution mondiale plutôt que la classe ouvrière. Ce point de vue a notamment été développé par le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI, dont la LCR est la section en Belgique) et en particulier par son théoricien, Ernest Mandel.
Ainsi, début 1968, Ernest Mandel s’était adressé au public venu l’écouter lors d’un meeting à Londres organisé par les partisans du SUQI en déclarant que la classe ouvrière européenne ne partirait pas en action décisive contre le système pour au moins 20 années en raison de la force du dollar et de la croissance économique mondiale. Cette Remarque a été faite un mois à peine avant les évènements révolutionnaires de Mai 1968 en France !
Il existait pourtant de nombreux signes avant-coureurs du potentiel d’un tel développement, comme l’envoi de gardiens armés dans les entreprises et le blocage d’élèves dans des classes fermées à clefs pour les empêcher d’aller manifester ! Par après, la France a connu la plus grande grève générale de l’histoire, avec 10 millions de travailleurs en grève et d’innombrables piquets de grève partout dans le pays. De Gaulle était totalement désarmé. Le pouvoir aurait pu être pris par els travailleurs, mais les dirigeants du mouvement ouvrier ont préféré détourner la lutte vers le parlementarisme.
Il y a peu, le Financial Time expliquait que ‘‘l’Europe est en feu et Rajoy jette de l’huile sur le feu par l’augmentation des taxes alors que celles-ci devrait baisser pour atténuer le mouvement.’’ Il y a quelques années que le CIO s’attend et anticipait l’arrivée des luttes actuelles. L’impact des luttes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a été bien plus grand que prévu. La révolution égyptienne n’est pas morte, les masses ne font que digérer l’expérience nouvellement acquise. Les Frères Musulmans seront testés sur leur politique, et il en va de même pour le nouveau régime tunisien.
Peter a poursuivi en expliquant que nous entrons dans une ère qui pourra voir le développement de révolutions de type socialistes, où la question de la collectivisation des secteurs clés de l’économie et leur fonctionnement sur base d’une planification sera posée. Mais l’exemple de Cuba est là pour nous rappeler que la classe ouvrière doit avoir le contrôle démocratique de son Etat, sans quoi le développement du bureaucratisme est inévitable. La victoire de la classe ouvrière dans un pays résonnera à travers tout le globe.
Ce danger, la bourgeoisie en est bien consciente. Une des nombreuses illustrations de cet état de fait est la campagne médiatique menée en Irlande contre notre camarade Joe Higgins et notre parti-frère le Socialist Party. De tout temps, la presse s’est opposée à la révolution. Déjà en 1917, 124 journaux tentaient de semer la discordes en affirmant que Lénine avait tué Trotsky (ou inversement, tant qu’à faire…). Il en allait de même avec nos camarades anglais dans les années ’80, à Liverpool, lorsque nous avons eu une majorité communale sous Thatcher et où les médias ont attaqués de manière tout aussi honteuse les acquis que notre organisation a apportés aux travailleurs et à leurs familles.
Avec le Comité pour une Internationale Ouvrière, soyons à la hauteur de l’histoire, pour la lutte et la solidarité, pour le socialisme ! Préparons-nous à cet avenir tumultueux qui est devant nous en construisant un parti révolutionnaire international de masse !
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Ecole d’été du CIO : Le rôle révolutionnaire des médias
Lors de l’édition 2012 de l’école d’été du Comité pour une Internationale ouvrière s’est tenue une discussion sur le rôle des médias et la manière de les utiliser pour les militants marxistes afin de diffuser nos idées le plus possible. Voici ci-dessous un bref rapport de cette commission.
Par Tiphaine, Gauche révolutionnaire (CIO-France)
Il nous faut utiliser toutes les méthodes pour entrer en dialogue avec la classe des travailleurs, comme avec les nouvelles méthodes que sont internet, facebook et tweeter. Les réseaux sociaux comme facebook permettent de populariser nos évènements et de contourner la presse bourgeoise. Des débats publics se mènent à petite échelle,… Parfois, certains journaux peuvent d’ailleurs reprendre des informations sur les comptes de nos sections car, à cause des coupes budgétaires, les journalistes des journaux bourgeois utilisent de plus en plus souvent facebook et tweeter pour obtenir des infos. En Grande Bretagne, il existe plusieurs exemples de prise de contact avec l’organisation par l’intermédiaire de facebook et tweeter. Bien entendu, tout cela ne peut en aucun cas remplacer le rôle d’une discussion face à face, mais ce sont des aides utiles.
On peut aussi utiliser des vidéos sur youtube et appeler à rejoindre à la fin de la vidéo. Mais les vidéos ne sont pas un support pour les analyses, à moins de mettre des vidéos de discours.
Contourner la presse bourgeoise a été utile dans les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, où facebook permettait de faire circuler l’info plus directement et à l’étranger en contournant la censure. Les réseaux sociaux ont été mis en avant par les journalistes bourgeois presque comme une cause de ces révolutions ; mais ces réseaux ne changent pas la conscience, ce n’est qu’un instrument pour la révolution.
Les sites internet ont l’avantage de la rapidité, de pouvoir mettre beaucoup de contenu, de ne pas être cher et de permettre de cliquer pour nous rejoindre ou être en contact avec nous. Ils permettent aussi de diffuser la théorie marxiste parce que les vieux stocks de classiques disparaissent. Nos camarades belges par exemple ont un site spécial pour la théorie marxiste et ils traduisent chaque mois environ la moitié de socialism today (revue théorique des camarades Anglais et Gallois) en français et en flamand. Mais il faut faire attention aussi à ce que le site ne devienne pas qu’un site international.
Dans l’internationale, il y a des sites des sections des pays mais aussi des sites des sections locales. Le site socialistworld.net a à un certain degré un rôle organisateur, par exemple pour les campagnes de solidarité.
On peut faire des liens entre le journal et le site internet, par exemple les camarades Russes mettent dans le journal des versions courtes des articles de leur site avec l’adresse de l’article sur le site internet, ce qui permet d’avoir plus d’articles dans leur journal. Les moyens de communication électroniques ne s’opposent pas à la presse papier, et surtout ne remplacent pas les meetings, les discussions etc. La vente de la presse permet de rester en contact physique avec les jeunes et les travailleurs en leur proposant notre journal. Cela est non seulement extrêmement formatif pour els camarades, mais cela permet aussi de tâter le pouls de la société en quelques sortes. Souvent, nous devons convaincre de la nécessité d’acheter notre journal. Un des principaux arguments à mettre en avant est que nos publications ne sont pas que des analyses de gauche, ils comportent également des propositions concrètes pour faire avancer la lutte, des propositions de plans d’actions, de méthodes destinées à construire un rapport de force favorable à la classe des travailleurs,…
Les journaux capitalistes sont différents des journaux révolutionnaires en ce que les journaux sont pour les capitalistes une production privée qui permet de faire du profit. Ces journaux connaissent un certain déclin, les coupes budgétaires sont nombreuses (avec un impact sur la qualité de l’information) et le manque d’investissements est important. Même dans la presse de qualité, 60% des articles sont de simples reprises de communiqués de presse. Un des rôles parmi les plus fondamentaux de a presse bourgeoise est d’attaquer le mouvement des travailleurs, de critiquer les grèves, les luttes sociales,…
Les journaux révolutionnaires ont un but complètement différent. Par exemple en Angleterre et au Pays de Galles, notre journal (qui est un hebdomadaire) a été un élément important pour diffuser largement l’idée d’une grève générale de 24h, avec les principaux arguments à reprendre pour en parler autour de soi. En Irlande, notre journal a été crucial dans le cadre de la lutte contre la household tax afin de parler en profondeur de la stratégie et des tactiques de la lutte. Les ventes ont explosé pendant ces mouvements. Dans cette période de crise sociale, le potentiel pour le développement de notre presse révolutionnaire est véritablement gigantesque. Mais il est important de maintenir les ventes militantes également dans les périodes creuses, au risque de ne plsu être préparés aux périodes de lutte.
Chaque camarade doit lire, s’abonner au journal et le vendre, mais également s’impliquer dans l’écriture. Il est important de discuter en section du contenu du dernier journal, de faire des remarques pour améliorer nos publications, de discuter de ce qu’il faut développer dans de nouvelles éditions,… En Suède, malgré le fait qu’un nouveau journal sort chaque semaine, cela est systématiquement discuté dans les réunions de section.
La rédaction d’un article ne s’effectue pas de la même manière si on s’adresse à une personne lambda que l’on rencontrera lors d’une activité en rue, à un syndicaliste qui cherche à s’opposer de la meilleur manière à sa bureaucratie syndicale coincée dans un syndicalisme de conciliation ou encore à un membre du parti, ancien ou nouveau. Quand on écrit un article, il faut se poser les questions cruciales suivantes : que veut on dire et à destination de qui ? Nous devons varier les approches.
Notre presse peut donner confiance aux travailleurs en lutte en reprenant leurs propos afin de diffuser leur combat, parce qu’ils n’ont pas leur mot à dire dans la presse bourgeoise, parce que leurs bureaucrates ne les écoutent pas, etc. Lénine disait aussi ‘‘si une lutte est victorieuse mais n’est pas rapportée, elle perd 90% de sa valeur parce que les masses n’en tirent pas de leçons.’’ Ce travail doit être au centre de notre attention.
Les endroits où effectuer les ventes militantes n’ont rien d’automatique. Il faut discuter avec soin, collectivement, en section, où vendre, quand et à qui. Au lieu de se dire simplement ‘‘on va faire une vente tel jour à tel endroit’’, on peut plutôt se dire ‘‘tel jour, on va faire campagne sur tel sujet à tel endroit’’ en utilisant plus spécifiquement un article du journal.
Nous devons défendre la tradition de la vente militante et d’une presse payante, car le prix du journal représente une petite contribution politique. L’argent de la vente des publications sert à produire d’autres publications, et toujours dans le but de répandre nos analyses, news etc., mais cela permet aussi de concrétiser l’intérêt politique de la personne à qui on parle.
De petites forces, avec de grandes idées, peuvent faire de grandes choses en touchant les masses. C’est le défi auquel est confronté notre travail sur les publications.
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Ecole d’été du CIO : Discussion sur les USA
Les élections présidentielles de 2012 prennent place dans un contexte de crise économique et sociale. Le mouvement Occupy a illustré la colère présente dans la société américaine et le potentiel qui existe pour la gauche. Bien évidemment, les réactionnaires et la droite sont à l’offensive également, notamment avec le Tea Party. L’approfondissement de la crise s’accompagne de poussées réactionnaires racistes, mais aussi contre les droits des femmes.
Nous nous regardons du côté des travailleurs. Le chômage atteint un niveau record. Avec ceux qui sont sans emploi ou dans des situations très précaires, on arrive autour des 20%, bien qu’il ne s’agisse que d’estimations, aucune donnée précise n’existe. Un chômage structurel de masse est en augmentation. La pauvreté augmente aussi. Les nouveaux emplois sont moins bien payés, plus précaires,… 46 millions de personnes, soit 15%, vit officiellement sous le seuil de pauvreté, soit 3 millions de personnes de plus qu’en 2009 et 7 millions de plus qu’en 2008. La moitié des Américains surfent avec la limite du taux de pauvreté. Les Afro-américains et latino-américains sont particulièrement touchés (26%), de même que les femmes (34%). Pendant ce temps, 1% de la population aurait empoché 93% des richesses produites en 2010. La grande majorité de la population n’a aucunement profité de la relative restauration de l’économie.
Les attaques massives contre les droits des femmes aux USA, elles augmentent depuis un moment, avec notamment la volonté de contrôler les femmes en contrôlant leur corps. Les restrictions sur le droit à l’avortement sont véritablement nombreuses, et très choquantes dans le cas du Texas. Dans l’Etat du Mississipi, il y a une seule clinique qui pratique l’avortement, et elle va fermer. La question de l’avortement n’est pas morale, elle est politique en première instance. Il est particulièrement remarquable de voir que les conservateurs qui sont contre l’avortement n’accordent aucune attention aux enfants une fois qu’ils sont nés. Se soucient-ils des pauvres? De leur enseignement? Non. Tout ce qui les intéresse, c’est de contrôler les femmes.
Voilà le contexte dans lequel s’est développé le mouvement de lutte de 2011. C’est véritablement une année charnière dans l’histoire sociale des USA. Occupy Wall Street, durant des semaines, a recentré le débat politique national sur des réalités sociales que l’on cherchait à nier dans les médias. Avant cela, le Tea Party, un mouvement populiste de droite, était considéré comme la seule expression de la colère anti-Wall Street, anti-establishment,… En 2011, ce mouvement a été balayé par un autre, qui réagissait également face aux banquiers, spéculateurs,… mais sur une base de classe.
En 2010, quand les républicains ont conquis le Congrès, certains imaginaient qu’on allait traverser un long et sombre tunnel. Le discours était que les travailleurs étaient abrutis, que le discours des conservateurs avait gagné les esprits,… Les partisans du CIO aux USA ont affirmé que ce virage à droite apparent n’était pas le seul processus à l’œuvre parmi les masses, que le vote républicain illustrait une colère et un rejet de la politique menée par l’administration Obama, pas un vote d’adhésion aux républicains. La ”gauche” américaine a eu une attitude arrogante envers les travailleurs en disant : vous n’avez pas soutenu Obama, comment fait-on maintenant ? A l’époque de ces élections, une bonne partie de la base qui avait élu et milité pour Obama ne s’est simplement pas rendue aux urnes. Pour le CIO, il était clair que l’éléphant républicain allait en réalité droit dans le mur. Fort de cette analyse, Socialist Alternative, les partisans du CIO aux USA, étaient préparés à l’année 2011.
Quand Scott Walker, le gouverneur du Tea Party du Wisconsin, a lancé ses attaques antisociales contre les droits syndicaux, l’alarme a été sonnée. Nous sommes intervenus, avant n’importe quel autre mouvement de gauche, et avons développé le mot d’ordre de grève générale du secteur public, mot d’ordre qui avait déjà été très populaire lors de récentes attaques contre les enseignants dans la région. L’influence de nos camarades a été largement plus grande que ce que leur nombre pouvait signifier, grâce à notre approche, à nos perspectives, à notre analyse, à notre rapidité d’intervention. Nous avons reçu une bonne écoute dans le mouvement, mais les bureaucraties syndicales liées aux démocrates ont tout fait pour abaisser le niveau des discussions et freiner le mouvement. La lutte a été un échec à cause de la direction inféodée aux démocrates, mais nous avons pu largement nous construire et faire la différence avec les autres organisations.
Il y a eu un réel éveil politique de la jeunesse, une radicalisation des travailleurs. Quand le mouvement Occupy a surgi à l’automne, le soutien passif parmi la population était énorme, avec également des manifestations de dizaines de milliers de personnes. En janvier, la majorité de la population américaine soutenait le mouvement Occupy. Ce soutien est apparu après une gigantesque répression qui a soudé la population derrière le mouvement et ce malgré le rôle des médias traditionnels. Le fait que des changements sont nécessaires, mais aussi possibles, a été saisi par les gens. Mais il reste une grande confusion sur ce que cela signifie. Quelle alternative ? Comment faire pour y parvenir ? Quelle est la nature profonde du capitalisme ? Notre tâche dans le mouvement est de le construire, mais aussi de faire de même avec nos propres forces. Ce mouvement a représenté une grande opportunité.
L’élection d’Obama a rehaussé l’image du capitalisme américain par rapport aux années Bush. Il y a eu un grand enthousiasme envers ce que l’administration démocrate pouvait faire, de grandes illusions existaient envers les changements possibles uniquement sur base électorale. Mais les contradictions du capitalisme américain ont éclaté au grand jour. Déjà en 2008, les soutiens financiers pour la campagne d’Obama étaient énormes, mais il y avait eu aussi de nombreuses petites contributions de gens ordinaire. Ce soutien de particuliers a baissé, il aura même moins de soutien de petits particuliers pour Obama que pour Romney.
Cette campagne électorale dépasse tous les records en termes d’argent engagé. Il y a aussi les supers-pacs. Durant la procédure de rappel de Scott Walker au Wisconsin, il a bénéficié de 70 fois plus d’argent que son opposant démocrate. Il y a de grandes réactions contre cela. Le système électoral américain est critiqué et ridiculisé, y compris sur des émissions d’audience nationale.
L’establishment capitaliste ne sait pas trop comment faire pour affronter la situation actuelle, avec de grandes divisions internes. La corruption et les collusions avec des grosses entreprises sont massives. La colère des masses en réaction est proprement gigantesque. L’écrasante majorité des gens critiquent le Congrès ou pensent qu’il faut le changer.
Dans ce cadre, le mouvement Occupy a offert l’opportunité aux militants de gauche de pouvoir enfin affronter le système des deux partis. Là où nos camarades le peuvent, ils opposent des candidats contre les deux candidats traditionnels. Mais il y a deux tendances à combattre: le côté du ”moindre mal” et le côté ”tous pourris, fuck the elections”. Certains démocrates tentent de profiter de ce sentiment et essayent de se profiler comme ”des 99%”, alors qu’ils ont eux aussi voté pour les diminutions de taxes pour les riches de Bush.
Obama a été le président qui a reconduit le plus d’immigrés à la frontière: il a fait plus en deux ans que Bush en huit ans. Sa méthode est toutefois différente. Il est pour le ”dream act”, dit qu’il veut plus d’intégration, que les immigrés peuvent être naturalisés s’ils vont à l’armée,… Obama est pour la politique néolibérale, mais avec un minimum de posture ”sociale”. Obama peut facilement détruire Romney en l’attaquant sur la manière dont il a fait sa fortune, sur son programme social,… mais c’est une arme à double tranchant. Dans son camp, Romney est haï, mais il n’y avait que de pires candidats à côté de lui, avec un paquet de fous. Il y a eu une guerre au sein du parti républicain car le Grand Capital avait peur de perdre son contrôle sur le parti. Le Parti républicain n’est plus l’organe sur lequel la bourgeoisie peut se reposer, mais Romney est tout de même le candidat qui a le soutien de Wall Street.
La bataille du Wisconsin est un avertissement pour tous les candidats, mais aussi pour tous les travailleurs. Le candidat démocrate contre Walker ne s’est pas opposé au programme antisyndical,… Il a juste dit qu’il était moins pour l’austérité, moins antisyndical,… Et Walker l’a emporté. A un moment, 125.000 personnes étaient dans la rue. Comment Walker a-t-il pu être réélu avec plus de voix que la première fois ? Les démocrates ont en fait présenté le candidat le moins à gauche qu’ils avaient, celui qui avait déjà perdu contre Walker la première fois. Il faisait partie du team de campagne de John Kerry, est maire de Milwaukee et son principal argument était de ne pas être Walker. Il était ennuyant, sans position constructive sur les syndicats, sans se prononcer contre les coupes,… Les démocrates n’ont quasiment rien mis dans la campagne, alors que la campagne de Walker était considérée comme un enjeu national par les républicains. Dans les médias, il y avait 5 fois plus de couverture pour Walker que pour l’autre. Ce résultat n’est pas illustratif d’un virage à droite dans la population. Différentes études montrent que la majorité de la population veut plus de taxes pour les riches, un enseignement gratuit,… Mais ce résultat est tout de même d’une défaite, et il y a une démoralisation parmi les activistes.
Vers où va le mouvement Occupy ?
Il est peu probable que des luttes de masse se développent avant les élections. Mais la couche la plus radicalisée par le mouvement n’a pas fini de militer. 2013 sera une année de lutte aux USA. La confusion idéologique se résorbera sur base de l’expérience pratique. L’orientation à Oakland et à d’autres endroits vers la classe ouvrière est très importante. Dans un premier temps, le mouvement Occupy a eu tendance à passer à côté des syndicats, en associant base et direction. Dans certains endroits, cela a pu être brisé.
Le mot d’ordre emblématique d’Occupy a été celui d’une grève générale nationale pour le premier mai. Cela n’a pas été le cas, mais il y a eu des endroits où cela a été très bien suivi. Une énorme opportunité a été gaspillée faute de direction, mais cela n’est que temporaire. Pour 66% de la population, le principal clivage dans la société est entre les riches et les pauvres. On ne parle pas encore d’une claire conscience de classe, mais la colère de classe est très certainement présente. 49% des jeunes ont une image positive du socialisme, même si ce que cela signifie pour eux est flou, 43% de la population est favorable au capitalisme.
Le mouvement Occupy illustre à quel point la conscience peut se développer rapidement. On était très loin avant Occupy. On en reste toutefois à une colère de classe, et le plus probable est qu’un vent de populisme de gauche souffle sur le pays, ce que l’on a déjà connu dans l’histoire américaine, comme avec Eugène Debs avant qu’il ne rejoigne le Socialist Party des USA.
Lors de nos interventions dans le mouvement Occupy, à certains moments, il y avait une petite foule de gens autour de la table, qui demandaient ce qu’était le socialisme, ce que nous avions comme revendications,… A Minneapolis, nous avons été à la pointe du mouvement OccupyHome, contre les expulsions de maisons. Ce 21 juin, il y a eu des manifestations de solidarité dans 18 villes avec ce mouvement OccupyHome. En 5 jours, 200.000 signatures ont été récoltées et envoyées aux banques pour protester. A Ménnéapolis, environ 50% des maisons ont déjà été saisies. C’est une des villes les plus à gauche. Les démocrates y sont au pouvoir, et le mouvement de défense des foyers a démasqué leur rôle à partir de ce domaine particulier. Plusieurs maisons ont été sauvées grâce à cette campagne.
Quelle attitude aux prochaines élections ?

Jill Stein sera la candidate du parti vert (bien différent des partis ‘écologistes’ européens rompus à la gestion du capitalisme), c’est elle qui recevra le plus de voix protestataires. Elle est connue comme une personnalité de gauche, favorable à des soins de santé gratuits pour tous, et est soutenue par une bonne partie de la classe ouvrière dans son Etat. Nationalement, cette campagne devrait réaliser un score assez faible, mais cela permet de mener campagne contre le système des deux partis. Nos camarades ont ce slogan ”Wall Street a deux partis, nous avons besoin du nôtre”. Cette campagne de soutien à cette candidate permettra de développer concrètement cet élément de propagande.
Jil Stein n’est pas une militante socialiste révolutionnaire, c’est certain, mais c’est une réformiste de gauche honnête, de l’aile gauche des Verts, et nous pouvons travailler avec elle tant que nous avons notre indépendance garantie au niveau des points de programme que nous voulons défendre, que nous pouvons parler des faiblesse que nous voyons, etc. Une bonne partie des éléments parmi les plus sains du mouvement Occupy se tournera vers le Green Party. Le Green Party, avec le mouvement Occupy, peut constituer l’embryon d’une formation qui peut se développer en direction d’un nouveau parti des travailleurs. Le Green Party aux USA est fondamentalement différent des partis écologistes européens ou du Green Party australiens, qui ont trahis leurs promesses sociales, ont appliqué la politique néolibérale,… Le Green Party a un gigantesque boulevard devant lui aux USA, en l’absence de formation comme les partis sociaux-démocrates que l’on peut trouver dans d’autres pays. La base du parti est plus à gauche, plus radicale et plus sociale.
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Ecole d'été du CIO : Le globe tout entier frappé par l'instabilité et la crise
Existe-t-il encore aujourd’hui un pays à travers le monde qui est épargné par l’instabilité et la crise économique ? La crise capitaliste actuelle est réellement globale, et les troubles économiques se combinent à une crise sociale et politique. Tout récemment, de nombreux commentateurs capitalistes ont reconnu que nous sommes entrés en dépression. Il ne s’agit pas à ce stade d’une dépression comparable à celle qui a frappé les années ’30, mais la stagnation des forces productives est bien réelle. L’économie de bulles spéculatives basée sur une accumulation de dettes a littéralement explosé et a entraîné dans sa chute l’ensemble de l’économie mondiale. L’Italie, par exemple, produit maintenant 5% de moins qu’avant 2007, et il s’agit carrément de 16% de moins dans le cas de la Grèce.
Rapport de la discussion portant sur les perspectives internationales et l’économie mondiale de l’école d’été 2012 du Comité pour une Internationale Ouvrière
A la chute du Mur, nous avons subi toute une propagande centrée sur l’arrivée d’un nouvel ordre mondial stable basé sur la domination des USA et la victoire d’un capitalisme capable d’assurer une prospérité pour chacun. Rien n’est plus éloigné de cette illusion que la situation mondiale actuelle, à peine plus de vingt ans après.
Où est la stabilité irakienne ou afghane promise avant l’intervention impérialiste ? La politique de l’impérialisme en Afghanistan est un échec flagrant. La corruption est aussi monumentale que l’instabilité, alors que le conflit déborde des frontières jusqu’au Pakistan voisin. En Irak également, la situation reste très instable et peut rapidement évoluer vers une guerre civile, particulièrement concernant la région kurde où le gouvernement régional conclut des accords de vente du pétrole sans passer par le gouvernement national comme il le devrait. Toute l’idée selon laquelle les USA étaient devenus les ”gendarmes du monde”, une idée qui a même touché une certaine partie de la gauche, a dorénavant disparu. Totalement.
Où est l’avenir radieux auquel était censé conduire la constitution de la zone euro ? Même entre grandes puissances, les rivalités sont en plein essors, notamment entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Ainsi, le président Obama vient d’annoncer que les forces armées américaines dans le Pacifique allaient être renforcées, ce qui exprime les inquiétudes de l’impérialisme américain face à la montée de la Chine.
Cette situation de rivalités croissantes peut encore se constater avec l’échec du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce à Doha, ou avec la faillite du sommet de Rio, 20 ans après le premier sommet, sur la question de l’environnement. N’est sorti de ce sommet qu’une liste de déclarations de bonnes intentions qui ne seront aucunement suivies d’actes concrets. En fait, aucune région au monde n’est exempte de problèmes d’instabilité et de crise pour l’impérialisme. En Afrique du Nord et au Moyen Orient, ce sont les luttes de masse qui constituent un problème, mais la remontée des luttes est partout significative.
Il y a encore la question de l’Iran et des possibilités d’une attaque contre ce pays. De nombreux stratèges et commentateurs sont convaincus que cela constituerait un véritable désastre pour les Etats-Unis et Israël en terme de déstabilisation de la région toute entière. Les répercussions internationales seraient catastrophiques. Il n’est toutefois pas impossible que le gouvernement israélien se lance dans de telles attaques, notamment afin de compenser la situation de faiblesse du gouvernement Netanyahou au sein même de l’Etat d’Israël.
2011 est l’année qui a connu le plus de guerres depuis la fin de la seconde guerre mondiale : une vingtaine de guerres civiles ou entre Etats, en plus de 18 conflits décrits comme particulièrement violents. Parallèlement, les dépenses militaires ont continué de croître de façon importante. L’an dernier, les dépenses militaires ont augmenté de 60% à travers le monde par rapport à l’année précédente. Parmi les pays qui dépensent le plus en budget militaire, il y a l’Arabie Saoudite (en 8e position, avant l’Allemagne par exemple). Cela est révélateur du poids que prends ce pays dans la région, comme cela a pu être vu au Bahreïn, mais aussi dans le rôle joué par l’Arabie Saoudite avec d’autres pays comme le Quatar dans le conflit libyen à l’époque et aujourd’hui en Syrie.
De gigantesques frustrations s’accumulent face au scandale de la gestion des affaires publiques. Au Japon, de récents rapports font états de conspirations entre le gouvernement japonais et les grandes entreprises énergétiques destinées à masquer le danger du nucléaire, avant et après la catastrophe de Fukushima tandis que le gouvernement a décidé de relancer en activité des centrales fermées depuis la catastrophe. L’emprise de la dictature des marchés et de son impact sur nos vies – en termes d’emploi, de salaires, de destruction de l’environnement,… – sont rejetés par des masses sans cesse plus nombreuses. Le marché financier n’est pas simplement un ensemble d’opérateurs, il s’agit d’un ramassis de spéculateurs assoiffés de profits, et cette réalité éclate au grand jour à mesure que des millions de personnes à travers le monde voient leur niveau de vie baisser malgré les sacrifices qu’ils ont dû avaler des années durant.
En conséquence, les politiciens capitalistes perdent de leur légitimité et nombreux sont les gouvernements qui n’ont pas survécu à la crise. En France, quelques semaines seulement après que Sarkozy ait perdu les présidentielles, on a vu des policiers débarquer chez lui dans le cadre d’enquêtes sur des affaires de corruptions. En Angleterre, on a vu éclater le scandale de Murdoch, qui a dévoilé les collusions entretenues entre ce groupe de presse, les politiciens, la police,… Mais au-delà de la corruption et des ”petites affaires”, c’est la politique d’austérité adoptée par les gouvernements capitalistes qui est massivement rejetée et qui conduit à des mouvements de masse. Aux USA, dans l’antre de la bête, nous avons vu se développer la Bataille du Wisconsin contre le gouverneur Scott Walker et ses attaques antisyndicales, puis le mouvement Occupy.
Quelle voie de sortie ?
Si le capitalisme était capable de garantir la croissance économique et un certain partage des richesses vers la classe ouvrière, même limité, il serait alors possible de connaître une relative période de stabilité. Mais ce n’est très clairement pas le cas aujourd’hui, aucune économie capitaliste n’ayant durablement réussi à se stabiliser après le crash de 2007. L’Europe est en pleine récession, mais l’économie chinoise commence elle aussi à s’essouffler, ce qui aura d’importantes répercussions sur les économies malaisienne, brésilienne, australienne,… qui dépendent fortement de leurs exportations à destination de la Chine. Ces dernières années, un processus de désindustrialisation a eu lieu au Brésil, qui a mis l’accent sur l’extraction de matières premières et l’achat de produits finis chinois. Cela illustre la dépendance de ce pays, et il n’est pas le seul, par rapport à la Chine.
Ce pays joue aujourd’hui un rôle clé dans l’économie mondiale. Avant la crise, sa croissance économique tournait autour des 10%. La Chine finançait la dette américaine. La demande en matières premières constituait une énorme source d’investissement pour les pays exportateurs tels que la Chine. Au plus fort de la crise, le régime a lancé un énorme plan de stimulus correspondant à 12% du PIB chinois, avec un certain nombre de projets dans l’infrastructure. La taille et la rapidité de ce paquet de stimulus illustre le rôle de l’Etat chinois dans cette économie hybride. L’Etat continue à jouer un grand rôle dans l’économie chinoise, et l’a d’ailleurs renforcé au cours de la dernière période. Mais maintenant, les perspectives de croissance tombent sous les 8%. Il se pourrait bien que le ralentissement économique soit bien plus profond, comme semblent l’indiquer les données concernant la consommation d’électricité dans le pays, en chute libre pour la première fois (7% de moins en 2011 par rapport à 2010). De plus, la Chine a des liens très forts avec la zone euro, et n’est pas immunisée aux répercussions de la crise de cette zone. L’an dernier, les échanges entre la Chine et l’Union Européenne ont été les plus élevés jamais connus. La Chine est déjà aux prises avec une crise de surproduction, particulièrement dans le secteur de l’acier. Les stocks s’accumulent dans les entreprises, car il n’est pas possible de tout écouler. Le FMI a rapporté qu’il est possible que la croissance ne soit que de 4 à 5% pour cette année.
Quelques commentateurs bourgeois s’imaginent régulièrement avoir trouvé un miracle économique. On entend ainsi parler de l’Australie ou du Canada. Mais la prospérité de ces pays est très fragile car avant tout basée sur l’augmentation des prix des matières premières destinées à l’exportation. De plus, aucun de ces pays ne peut se vanter d’avoir pu faire profiter sa population du revenu des richesses naturelles.
Le développement d’un chômage de masse historique est un véritable scandale alors que les entreprises accumulent de gigantesques montagnes de liquidités qu’ils refusent d’investir. Ainsi, environ 5.000 milliards de dollars dorment sur les comptes des USA et d’Europe. Les capitalistes refusent d’investir cet argent de peur de ne pas avoir suffisamment de retours sur investissements.
C’est cette peur des capitalistes de ne pas trouver assez de profits dans les investissements dans la production qui a ouvert la voie à ce que ce capital soit disponible pour le secteur financier. Ce secteur s’est développé de façon absolument extraordinaire après les années ’70. En fait, depuis les années ’80, le principal élément de croissance économique a été la croissance du crédit. La classe capitaliste a reporté son problème de surproduction, elle est incapable pas mettre en avant une solution claire afin de sortir de la crise. Il n’existe toutefois pas de crise finale du capitalisme. Les vautours capitalistes seront toujours capables de retrouver les moyens de rebondir, quelque puisse en être le prix pour la population, à moins que la classe ouvrière ne trouve les moyens de renverser ce système pourri. Cependant, le mouvement ouvrier est lui aussi aux prises avec une crise très importante, celle de sa direction.
Aux USA, la politique de stimulants économiques a représenté quelque 6% du Produit Intérieur Brut américain. L’économie américaine a connu une faible relance. Depuis lors, un certain nombre de mesures de stimulants du président Obama ont été bloquées par le Congrès, actuellement dominé par les Républicains. Les chiffres de croissance d’emplois parlent de 80.000 emplois créés en juin, un déclin remarquable vis-à-vis des années précédentes, ce qui reflète les faiblesses de la politique de croissance d’Obama.
En Europe également, dans un premier temps, les gouvernements capitalistes ont engagé de grandes sommes dans des politiques de stimulus, mais cela est fini. Pour adoucir l’impact de l’austérité, les capitalistes ont notamment recouru à l’assouplissement quantitatif, les banques centrales faisant l’acquisition d’actifs tels que diverses dettes. Il s’agit dans les faits de faire tourner la planche à billets, ce que nous appelons du keynésianisme pour les riches : une intervention de l’Etat dans l’économie uniquement à destination des plus aisés.
Certains dirigeants capitalistes parlent dorénavant de la nécessité d’une politique de croissance à côté de l’austérité. Il y a deux manières de considérer cette politique de croissance : soit en soutenant les patrons (avec des subsides, des attaques sur les droits syndicaux,…), soit avec la voie keynésienne classique, avec une augmentation des dépenses publiques pour relancer la demande avec les salaires, l’emploi,… ce qui nécessite d’accepter pour un temps l’augmentation des dettes publiques. Mais la classe capitaliste s’y oppose résolument, surtout les marchés financiers.
En France, ne nouveau président François Hollande propose certaines mesures qui s’inspirent d’un keynésianisme très limité, avec une légère augmentation du SMIC ou des taxes sur les riches. La levée de boucliers chez les capitalistes a été immédiate, avec des menaces d’une grève du capital ou d’une fuite de capitaux. Jusqu’à quel point est-il possible d’aller dans cette direction ? Nous rejetons l’idée que le keynésianisme ou d’autres mesures soient capables de stabiliser le capitalisme. C’est d’ailleurs tout autant impossible de garantir une augmentation des conditions de vie à plus long terme sur base de politiques keynésiennes. Cela n’exclut toutefois pas qu’un Etat puisse avoir un certain effet avec de telles politiques durant une période donnée. Cela dépend en premier lieu du mouvement ouvrier et de sa capacité à instaurer un rapport de force qui lui soit favorable. Particulièrement dans des périodes révolutionnaires, on a déjà constaté que la classe dirigeante est capable de prendre certaines mesures qu’elle aurait refusées auparavant en tant que concession pour s’accrocher au pouvoir.
Ce que nous proposons, c’est un programme massif d’investissements publics et de travaux publics. Mais pour être effectives, conséquentes et durables, ces mesures doivent être liées à la question du contrôle des secteurs clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie, transport,…) et à leur nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs. La marge de manœuvre dont peuvent disposer des politiques keynésiennes est très restreinte dans le système capitaliste. Le système se heurte rapidement à ses limites, et il nous faut le dépasser.
Les masses contre attaquent
Les mobilisations de masses frappent les quatre coins du globe. En Chine, les protestations sociales se comptent par dizaines de milliers, et sont mieux organisées, plus de nature à constituer des exemples pour d’autres mouvements. La classe ouvrière chinoise commence à rentrer sérieusement en action. Le premier juillet, une manifestation a réuni 400.000 personnes dans les rues de Hong Kong. Le New York Times a récemment expliqué à quel point le régime de Pékin prend de très nombreuses mesures pour se prémunir de mouvements sociaux de grande ampleur. Le régime dépenserait 100 milliards de dollars uniquement pour sa sécurité intérieure. Une aile du régime tente d’ailleurs d’instrumentaliser ces luttes sociales dans le cadre de sa lutte pour le pouvoir. Les divisions ouvertes au sein de l’élite du régime sont également une caractéristique de cette époque.
Aux USA, Obama a cherché à ne pas fondamentalement affronter la classe ouvrière. Il s’est toutefois bien gardé d’apporter son soutien aux luttes du Wisconsin en février-mars 2011 par exemple. Dans cette bataille, qui a préfiguré le large mouvement Occupy, la question de la grève générale a été mise au devant de l’agenda, mais les directions syndicales inféodées au parti démocrate ont tout fait pour dévier le combat vers une procédure de rappel du gouverneur, que Walker a failli perdre. Les illusions envers Obama s’effondrent. Sa victoire aux prochaines élections présidentielle permettrait que sa politique puisse être testée jusqu’au bout, et ainsi clairement démasquée aux yeux des masses. Dans le cas contraire, le parti démocrate aurait encore une marge de manœuvre relative pour essayer de se profiler comme étant plus à gauche.
En Israël / Palestine, le régime israélien n’a pas bougé d’un pouce sur ses positions malgré les nombreuses concessions d’Abbas et de l’autorité palestinienne. Les possibilités d’une nouvelle Intifada et de protestations de masses grandissent dans la région. Mais même en Israël, nous avons vu se développer des protestations sociales de masse tout à fait historiques.
En Tunisie et en Egypte, la classe ouvrière a joué un grand rôle dans la chute des dictateurs. Hélas, en général, le mouvement ouvrier n’a pas joué de rôle indépendant dans les protestations de masse d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. En Libye, par exemple, le mouvement avait un caractère populaire mais s’est rapidement développé sur des bases nationalistes et tribales. Nous n’avons jamais soutenu le régime de Kadhafi, mais nous avions cependant clairement prévenu que l’intervention impérialiste ne résoudrait rien. Différentes forces se combattent, critiquent la manière dont les élections ont été organisées et n’accepteront pas le résultat. La réalité est que les diverses régions du pays sont contrôlées par des seigneurs de guerre locaux qui veulent accroître leur pouvoir.
En Syrie, la survie même du régime de Bachar El Assad est posée. Une intervention similaire à l’opération libyenne est toutefois impossible pour l’impérialisme, en raison des forces armées du pays, de sa taille,… Par contre, différents pays soutiennent les forces d’opposition syriennes, mais il s’agit d’une opposition basée sur le maintien du système capitaliste. Parler du mouvement ouvrier aujourd’hui dans le cas de ces pays peut sembler assez lointain, mais une couche de travailleurs et de jeunes va tirer la conclusion que seule la classe ouvrière organisée peut sortir le pays de la crise.
En Egypte, le régime a été capable de sacrifier Moubarak pour se sauvegarder. Les élections présidentielles ont opposé dans le second tour le candidat Morsi, des Frères Musulmans, et Chafiq, général et ancien premier ministre de Moubarak. Pour les travailleurs, aucun d’entre eux ne constituait une alternative. Une certaine forme de contre-révolution a pris place en Egypte, comme dans d’autres pays de la région, un processus rendu possible par l’absence d’une classe ouvrière suffisamment organisée que pour mener une politique propre. La comme ailleurs, le mouvement ouvrier souffre de l’absence d’une direction audacieuse et clairement orientée vers le renversement du système d’exploitation capitaliste. Mais il faut garder en tête que la phase actuelle n’est pas la fin du processus, il ne s’agit que d’une étape temporaire. L’actuel tournant vers la droite dans la situation sera à l’avenir accompagné d’un tournant vers la gauche et du renforcement de la révolution. La pièce n’est pas encore jouée. Depuis décembre dernier, le mouvement révolutionnaire a eu son attention détournée par les élections, avec pas moins de 6 échéances électorales. Les luttes industrielles vont maintenant pouvoir s’épanouir, alors que 2,5 millions de personnes sont actuellement organisées dans des syndicats indépendants, un chiffre toujours en pleine croissance (contre 50.000 avant la révolution).
Il faudrait encore parler de l’Afrique du Sud et du puissant mouvement des travailleurs des services publics contre le gouvernement de l’ANC, ou encore de la grève générale de janvier qui a littéralement paralysé le Nigeria suite à la suppression des subsides sur le pétrole. D’autres pays devraient connaître des suppressions de subsides de l’Etat pour des denrées de base, et le Nigeria illustre quel est le potentiel d’une résistance de masse dans un tel contexte. Au Sri Lanka, en Inde et au Pakistan, d’importantes luttes ont pris place contre l’augmentation des prix, notamment du pétrole, et des victoires ont été obtenues. Au Kazakhstan, la lutte contre le régime de Nazerbayev comprend certaines caractéristiques révolutionnaires qui vont s’accentuer dans la prochaine période, dans le pays qui connaît la classe ouvrière la plus avancée de toute l’ex-URSS. La liste est longue (lutte étudiante au Québec, mouvements de masse au Sénégal, en Amérique latine,…).
Pour une société socialiste démocratique
Les capitalistes n’ont pas de voie de sortie. Tout juste peuvent-ils être capables de créer les bases d’une croissance très faible pour une ou deux années, mais l’approfondissement de la crise est inévitable. Dans ce contexte, l’aliénation et le rejet du système augmentent, nous devons prendre garde à ne pas sous-estimer cela. Nous allons être confrontés à des luttes acharnées, nous pouvons en être certains, avec des caractéristiques de révolutions suivies par des caractéristiques de contre-révolution, et puis l’inverse.
De nombreux jeunes et travailleurs tirent la conclusion que ce système n’offre aucun avenir et qu’il faut une alternative. Mais laquelle? Personne ne met en avant une claire alternative socialiste basée sur la collectivisation des moyens de production. Nous verrons se développer une plus large audience pour les idées que nous défendons sur base du marxisme révolutionnaire. A nous de saisir correctement toutes les opportunités qui se présenteront pour défendre et expliquer nos perspectives, ce qu’est une réelle direction de lutte pour le mouvement ouvrier, pourquoi celle-ci doit nécessairement s’orienter vers le renversement du système, ce que signifie la construction d’une organisation réellement socialiste internationale,…
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Ecole d’été du CIO – Tunisie et Égypte, deux révolutions qui ont ébranlé le monde
Les révolutions qui se sont développées ces derniers mois au Moyen-Orient et en Afrique du Nord peuvent être considérées comme le plus grand changement survenu au cours de cette dernière décennie. Cette éruption collective est l’expression spontanée d’une société en profonde crise, toute comme l’avait été l’auto-immolation de Mohamed Bouazizi, ce jeune chômeur tunisien qui a été l’étincelle de la révolution tunisienne de 2011.
Par Thomas (Gand)
En Égypte et en Tunisie, les masses ont renversé des régimes qui tenaient depuis trente ans. Peut-être la Tunisie, après avoir été un véritable laboratoire pour le néolibéralisme, est-elle en passe de devenir le laboratoire de la lutte de classe moderne. Ces révolutions ont beaucoup signifié pour le Comité pour une Internationale Ouvrière, ce que nous avons bien remarqué durant l’école d’été du CIO, où étaient aussi présents quelques camarades tunisiens, ce que chaque participant a pu apprécier.
Le classe ouvrière organisée peut faire la différence
La session spécifiquement consacrée aux révolutions en Tunisie et en Égypte a insisté sur quelques points cruciaux. Tout d’abord a été soulignée la mesure dans laquelle la présence ou l’absence de la classe ouvrière organisée a une influence sur le caractère du mouvement. Bien plus que Twitter, YouTube ou Facebook, ce sont les travailleurs organisés qui ont permis l’arrivée de changements profonds.
Même si, place Tahrir par exemple, beaucoup de gens ne savaient pas ce qu’est exactement le capitalisme, même si leurs slogans donnent seulement une traduction limitée de la crise systémique, c’est cependant bien la présence de la classe ouvrière qui a donné un caractère radical aux protestations.
Au fur et à mesure de la poursuite des protestations dans ces pays, nous pouvons constamment plus vérifier que les secteurs de la classe ouvrière poussent le conflit de l’avant, vers le moment ou sera clairement posée la question du contrôle des moyens de production. Actuellement, ils tâtent les limites du capitalisme. Après le départ du dictateur tunisien Ben Ali, des villes entières ont parfois été occupées, tandis qu’en Égypte, des milices populaires ont remplacés la police à certains endroits.
En Tunisie, une série de grèves générales, en particulier dans les grandes villes, a été cruciale pour la création d’une unité de la population. C’est ce qui a obligé le dictateur Ben Ali de partir. Après un certains temps, ces actions se sont spontanément développées jusqu’à un caractère très mature et à la hauteur des tâches à réaliser. Lorsque la police et l’armée ont été chassées, les manifestants ont ainsi organisé des milices, ont pris soins d’assurer la distribution de l’eau, de nourriture, etc.
Cela ne signifie bien entendu pas qu’un programme politique n’est pas essentiel. La pure spontanéité des masses a ses limites. Une fois que le mouvement manquera de perspectives, l’euphorie pourrait se transformer en démoralisation et toutes les réalisations pourraient à nouveau devenir bien précaires. Il est également important que les manifestants essaient d’impliquer les couches moins actives de la population.
Le rôle des syndicats est lui aussi crucial. Depuis la chute de Moubarak en Égypte, de plus en plus de syndicats indépendants ont été créés. Récemment, pas moins de 66 syndicats ont encore participé à une manifestation.
Le mouvement syndical en Tunisie a une histoire qui date de la période coloniale et de la lutte contre les colonisateurs français. Le mouvement syndical est désormais représenté par la fédération nationale syndicale UGTT. C’est une organisation vers laquelle regardent de nombreux jeunes et travailleurs non syndiqués une fois qu’ils entrent en action.
L’UGTT, sous la pression de la base, a donné le mot d’ordre, trois jours avant la chute de Ben Ali, d’organiser des manifestations et des grèves dans tout le pays. Le 14 janvier, des marches sur la capitale ont été organisées avec la revendication de la démission du président et du gouvernement. Cette force révolutionnaire pourrait faire tomber le régime et pourrait aussi forcer les gouvernements successifs à faire des concessions. Mais, maintenant, le gouvernement veut briser ce mouvement.
Après la fuite de Ben Ali, cette fédération a connu une augmentation de ses adhérents. Par conséquent, l’UGTT a créé de nombreuses nouvelles sections. Selon le CIO, l’attitude de cette fédération est cruciale pour l’avenir de la révolution en Tunisie. Cette attitude et l’approche du CIO envers cette fédération a d’ailleurs constitué un important sujet de discussion lors de la session de l’école d’été du CIO consacrée à ces évènements.
Un autre sujet dont nous avons parlé est la question de l’unité et de la division. La classe dirigeante est très consciente des failles dans la société égyptienne et tunisienne. La force principale du mouvement est l’unité parmi les travailleurs, particulièrement ceux des secteurs traditionnels tels que la métallurgie, et les jeunes chômeurs. Cette dernière couche est une très grande proportion de la population.
Les oligarques ne sont pas seuls à vouloir stopper une telle unité, beaucoup de dirigeants syndicaux le souhaitent eux aussi. Parmi ces derniers, quelques uns ont reçu leur position grâce aux dictateurs, et sont aujourd’hui contestés.
Cela réaffirme la question de l’organisation du mouvement ouvrier et du rôle qui devrait être alloué à l’UGTT en Tunisie. D’un côté, nous avons vu le succès des manifestations en Egypte et en Tunisie grâce aux ouvriers organisés, et d’un autre, nous devons aussi réaliser que malgré les pressions d’en bas, il existe une couche de bureaucrates qui a tendance à limiter le mouvement.
Certains bureaucrates relient leur destin avec les dirigeants actuels. Les dirigeants du gouvernement sont surtout des membres de la bourgeoisie et se sont engagés à concrétiser le slogan de ‘‘retour au travail’’. Ils se sentent soutenus par l’Union Européenne et en particulier la France, l’ancienne puissance coloniale.
Réformes démocratiques et révolution permanente
Un autre point important souligné lors de la session est l’attitude à adopter contre le gouvernement et les élections promises. Récemment, le gouvernement provisoire de Tunisie a essayé d’appréhender des organisateurs de grève. Et, en plus, il y a maintenant une interdiction de faire grève. En mars, le gouvernement intérimaire égyptien, le conseil militaire, a lui aussi interdit les grèves, sous la menace de poursuites pénales.
Ces attitudes réactionnaires et paternalistes, qui veulent voler la révolution à la grande majorité des gens et au bénéfice des gestionnaires, des bureaucrates et de ceux qui restent encore fidèles à l’ancienne dictature, donne à la classe des travailleurs tunisiens et égyptiens le sentiment que l’ancien régime est en train de revenir peu à peu.
Avec le succès de la révolution en mémoire, beaucoup de jeunes et de militants résistent au nom de la révolution à ces mesures coercitives. Mais la tâche de la révolution reste de se débarrasser de l’épine dorsale de l’ancien régime et du nouveau.
Cette épine dorsale est formée par le vaste appareil policier et militaire dans les deux pays. Mais parmi les jeunes, la crainte de la police est parfois très limitée. A leur apogée, les révolutions ont montré la vulnérabilité de la police, et la revendication d’accepté l’entrée des syndicats ainsi que la liberté d’expression politique dans l’armée s’est généralisée.
Mais, dans le passé, la gauche en Tunisie et en Egypte a sous-estimé ce mot d’ordre et a parfois manqué de slogans destinés à convaincre l’armée des protestations populaires. Il a souvent été uniquement réfléchi en termes de gouvernement provisoire devant s’assurer de la “démocratie” avant de pouvoir progressivement compléter la révolution (et puis l’armée serait démocratisée).
Les comités populaires et les milices ont été au mieux considérés comme un moyen de pression contre le gouvernement, et non pas comme des précurseurs de l’autogouvernement de la classe ouvrière et de leurs alliés parmi les pauvres, les paysans et les étudiants. Les victoires remportées contre la police et le fait que l’armée égyptienne n’ait pas tiré ont été considérés comme un fait accompli.
Récemment toutefois, des accrochages ont eu lieu entre les troupes du gouvernement et des manifestants. Les tentatives de réoccuper la place Tahrir ont rencontré une résistance brutale de l’armée. Cela a démontré pour différentes couches de la population quelle est la position réelle de l’armée. Les leaders militaires ne veulent pas d’un projet démocratique, mais d’une relance de l’économie capitaliste dans le pays.
Les régimes actuels sont encore faibles et instables. Les élections en Tunisie, qui devaient avoir lieu en Juillet, ont été reportées jusqu’en octobre, selon les souhaits des impérialistes, parce qu’ils veulent encore du temps afin de laisser le gouvernement intérimaire se stabiliser. Le référendum en Egypte concernant les amendements constitutionnels a eu une faible participation, ce qui indique une certaine méfiance de la population.
Le conseil militaire a été initialement capable de ralentir le développement des nouvelles protestations en utilisant l’idée qu’il fallait du temps pour former un nouveau gouvernement. Mais quelques couches de la classe ouvrière ont rapidement vu qu’ils ne pouvaient plus continuer avec l’ancienne élite (y compris les chefs militaires). C’est dans ce contexte que les exigences démocratiques jouent encore un grand rôle.
La situation rappelle fortement les révolutions de 1848-1850 en Europe occidentale et Europe centrale. A cette époque aussi, les rangs de la classe ouvrière et de la classe moyenne ont manifesté dans la rue contre les régimes réactionnaires. Marx, Engels et leurs alliés de la Ligue des communistes ont demandé aux travailleurs de réduire les mesures des soi-disant démocrates, qui voulaient conquérir le pouvoir (ou qui ont déjà conquit le pouvoir), à leur résultat le plus extrême et logique. Et c’est l’une des opinions qui ont conduit à la conception d’une «révolution permanente».
C’est pourquoi le CIO est défend les comités de quartier et les comités qui existent sur les lieux de travail. Nous ne nous limitons pas à soutenir l’exigence d’une révision constitutionnelle et la convocation d’un Parlement qui devrait être élu démocratiquement. Nous voulons renforcer l’organisation des travailleurs, qui pourraient ainsi mieux mobiliser les masses dans leur propre intérêt.
Les régimes de transition ne sont pas neutres, ils ne sont pas les représentants de la grande majorité de la population. En Egypte, le conseil militaire a dû faire un certain nombre de concessions pour répondre aux manifestants. Mais ces concessions étaient également des concessions aux revendications de la classe dirigeante, qui souhaitait avant tout que les manifestations ne se développent pas.
Il est de l’intérêt de la classe ouvrière de considérer toutes les ‘‘réformes démocratiques’’ comme quelque chose de positif. Pour beaucoup d’Egyptiens et de Tunisiens, l’apprentissage révolutionnaire a été tel une côte particulièrement pentue. Ils ont expérimenté beaucoup, sur un laps de temps considérablement court en ce qui concerne la lutte et les actions. Mais il reste encore beaucoup de choses à accomplir, et chaque victoire reste précaire et dépendant d’un changement dans le rapport des forces entre les protestations populaires et les gouvernements provisoires.
On peut trouver tous les éléments d’un programme socialiste dans la lutte actuelle des travailleurs. Mais beaucoup de personnes – mais pas tous les socialistes – s’attachent à une exigence démocratique tel que l’appel pour une l’assemblée constitutionnelle comme si c’était une chose en soi et non l’expression d’un processus de révolution et de contre-révolution. Pour que la révolution puisse vaincre, nous devons aller plus loin, notamment par des occupations d’usines et la création d’organisations d’auto-organisation chez les paysans pauvres, les étudiants et les travailleurs.
Les partis d’opposition tombent dans des pièges classiques
Sur base du sentiment que le régime n’a pas changé, beaucoup de forces réactionnaires essayent de restaurer leur position, comme les islamistes et autres conservateurs. Leurs opinions sur les révolutions sont, comme celles des autres partis bourgeois, que toute l’énergie révolutionnaire doit être détournée vers des canaux sûrs. Les conservateurs sont bien entendu totalement en défaveur de la révolution socialiste…
Les Frères Musulmans en Egypte ont attendu avant d’enfin supporter le mouvement, qui constituait un énorme défi pour eux. En Juin, ils ont présenté leur propre parti, un parti qui se dit pour la justice et la liberté et est composé d’un mélange entre libéraux, des éléments essentiellement nationalistes et des forces pro-gouvernementales.
La principale force des Frères Musulmans est le fait que, au cours de ces dernières trente années, ils ont constitué la seule organisation visible de l’opposition. Même les impérialistes ont commencé, en l’absence d’autres partis, à négocier avec eux.
Mais que les Frères Musulmans le veulent ou non, la dernière grève générale a démontré que la révolution n’est pas terminée, et que l’absence des islamistes à des moments si cruciaux est, pour les militants radicalisés, la preuve qu’ils ne peuvent pas donner de réponse aux problèmes sociaux.
En avril et en mai, le mouvement de grèves et de manifestations en Egypte a de nouveau relevé la tête, atteignant des centaines de milliers de participants. Beaucoup de gens ont depuis lors exigé la démission du conseil militaire. L’armée a réagit avec des mesures répressives similaires à celles de l’ancien dictateur Moubarak. Dans le plus pur style de véritables démagogues néolibéraux, ils ont accusé les manifestants de perturber la croissance économique.
Mais les divisions sectaires continuent de poser un grand danger, de même que l’éventualité de voir un nouveau ‘‘Bonaparte’’ s’installer au pouvoir, quelqu’un capable de s’élever au-dessus des différentes groupes avec l’aide des forces de police.
La Gauche en Egypte reste relativement faible. Une nouvelle plate-forme est un front des forces de gauche, y compris le vieux Parti Socialiste Arabe et le Parti Communiste. Parfois, la revendication pour la nationalisation démocratique est posé, mais ce qui concerne le programme et en particulier la volonté révolutionnaire tout reste très floue.
En Tunisie, les membres des partis de la gauche radicale ont joué un rôle clé, en particulier au sein du syndicat UGTT. En conséquence de leur travail clandestin, ils ne disposent pas de bureaucrates typiques dans leurs rangs, mais ils restent parfois encore défendeurs de vieilles idées découlant du stalinisme ou du réformisme, et ils ont été complètement dépassés par les événements. Dans un passé tout récent, nombreux étaient encore ceux qui parmi eux pensaient qu’une révolution était impossible en Tunisie.
A ce moment, le Parti Communiste Ouvrier de Tunisie et d’autres organisations se sont organisées dans le ”Front du 14 janvier”, un front populaire qui comprend également, comme en Egypte, des “démocrates” bourgeois. Ils croient en une opposition de gauche dans une future ”démocratie” tunisienne capitaliste, un peu suivant le modèle européen de ”démocratie”. Comme ceux-ci et d’autres mouvements relient leurs idées aux points de vue défendus par l’UGTT, ils ne proposent pas une voie pour poursuivre – et encore moins pour approfondir – la révolution.
Cela a pour conséquence que la révolution est presque entièrement dépendante des dirigeants, des militaires ou des figures de l’ancien régime. Ces dirigeants sont sous la pression des exigences économiques de pays tels que la France et la Grande-Bretagne. Par ailleurs, ces pays participent à l’intervention militaire en Libye, situé entre la Tunisie et l’Egypte, les ”pays révolutionnaires”.
Afin de parvenir à une solution au bénéfice de la grande majorité de la population de la région, il est nécessaire d’élargir et d’approfondir la révolution. Il faut aussi que les régimes d’autres pays, comme en Algérie et en Arabie Saoudite, tombent eux aussi. Quand les dominos tombent un à un, les révolutionnaires peuvent s’entraider au-delà des frontières, une situation idéale pour contrecarrer toute intervention militaire de l’OTAN et d’autres puissances impérialistes.
Approfondir le processus révolutionnaire signifie en outre d’occuper les usines et de les nationaliser sous le contrôle des organisations des travailleurs. Cela permettrait aux travailleurs, aux étudiants et aux paysans pauvres dans la région de combattre à la fois le gouvernement et les intérêts impérialistes.
Une révolution permanente est également cruciale pour la guerre civile en Libye et au Yémen, cela peut leur apporter la victoire. C’est soit cela, soit une lutte continuelle entre tribus avec à l’occasion une victoire brutale et sanglante d’un groupe sur les autres. D’autre part, le régime israélien dépendant notamment de l’existence de dictatures dans la région, une expansion de la révolution pourrait également résoudre la question nationale là aussi.
Une page a été tournée, un nouveau chapitre dans la politique mondiale commence
La conclusion de cette session de l’école d’été du CIO concernant la Tunisie et l’Egypte a été que ces révolutions sont des révolutions ”classiques”. Rien, sauf une tendance opportuniste de type bureaucratique, ne peut stopper les révolutionnaires et les militants dans cette région d’apprendre des leçons positives et riches des révolutions qui se sont déroulées en Russie, en Allemagne, en Espagne, etc.
Ces derniers mois, beaucoup de choses ont changé. Après trente ans de néolibéralisme, la révolution est de nouveau à l’ordre du jour. Pour les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et les marxistes à travers le monde, les défis sont énormes, de même que les pièges dans lesquels les révolutions peuvent tomber.
Néanmoins, nous avons de quoi être confiant au vu de l’attitude remarquable des jeunes et des travailleurs et leurs compétences politiques et organisationnelles. Cet impact ne peut être sous-estimé.
La vague révolutionnaire partie de la région s’est très vite diffusée à d’autres pays. Même en Europe du Sud, nous avons vu comment les jeunes ont voulu ”copier” les révoltes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en allant jusqu’à tenter d’installer leurs propres places Tahrir. Même si ces protestations n’ont pas eu la même ampleur, on ne peut exclure que les jeunes et les travailleurs puissent apprendre à leur propre rythme et à travers leur propre expérience à s’organiser et qu’ils puissent déterminer l’agenda politique de l’Europe.