Tag: Ecole d’été du CIO

  • [VIDEO] Construire le CIO à travers le monde – 2018

    Chaque année, lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, une session de la semaine est consacrée à la construction de notre internationale à travers le monde. Les discussions qui prennent place à cette occasion sont toujours introduite par une courte vidéo qui donne un aperçu de l’activité des membres et sections du CIO dans divers endroits du globe.

  • Droit à l’avortement au Portugal : un « bon » modèle ?

    ROSA “Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité”, une campagne lancée par nos camarades de Socialismo Revolucionario, la section portugaise du Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Alors qu’auparavant les Portugaises pratiquant un IVG étaient passibles de trois ans d’emprisonnement, depuis le référendum de 2007 au Portugal, l’avortement était devenu légal et gratuit : jusque 10 semaines sur demande. A l’époque, 59,24% des Portugais avaient approuvé la proposition, un engagement électoral du Parti socialiste au pouvoir et son Premier ministre, José Sócrates.

    Par Brune, Bruxelles

    Lors du référendum, seulement 43,61 % des électeurs inscrits s’étaient rendus aux urnes. Comme l’abstention était supérieure à 50%, selon la Constitution portugaise, ces résultats n’étaient pas « juridiquement » contraignants et le Parlement pouvait légalement décider de les ignorer. Sócrates avait néanmoins confirmé qu’il élargirait les circonstances dans lesquelles l’avortement était autorisé. Cette décision ne venait pas de nulle part : le contexte social, la crise économique de la même année et les nombreuses mobilisations et la campagne pour le « Oui » ont poussé les sociaux-démocrates de « gauche » à légiférer.

    Depuis 11 ans d’existence, ce droit a été souvent menacé, et depuis 2015 le vote d’un projet de loi par le Parlement restreint le droit à l’avortement au Portugal ; les femmes devaient désormais payer les frais d’opération et se soumettre à un examen psychologique avant d’avorter.

    Parmi les examens en question, l’obligation également de se rendre au Planning familial avant l’interruption de grossesse. Par ailleurs, lors du premier rendez-vous pour l’IVG, les femmes se verraient détailler clairement, par écrit et à l’oral, les allocations auxquelles elles auraient droit dans le cas où elles décideraient d’aller au bout de leur grossesse ! Cela reflète les limites du mouvement de 2007 : alors que la campagne pour le « Oui » a vu de nombreuses jeunes femmes se mobiliser, le mouvement a atterri une fois le vote obtenu.

    Malgré cette attaque sur le droit à l’avortement, une militante de notre section-sœur au Portugal (Socialismo Revolucionario) nous fait part lors de la semaine de discussions de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) notamment sur la victoire du « Oui » en Irlande, de ce qui semble être contradictoire à la légalisation de l’avortement : il existe depuis quelques années une décroissance des avortements au Portugal. Beaucoup prennent aujourd’hui chez leur médecin la pilule abortive, celle-là même qui a joué un rôle décisif dans la législation des 12 semaines en Irlande.

    D’un autre côté, malgré l’existence des 10 semaines, beaucoup de femmes migrantes n’y ont pas accès, de par leur précarité. La gratuité ne concerne en réalité que les femmes « portugaises ». 10 semaines est aussi relativement bas en comparaison avec les Pays Bas ou l’Angleterre qui proposent respectivement 22 et 24 semaines sur demande. Cela entraine une « fuite » des femmes portugaises qui se rendent en Espagne pour se faire avorter une fois les 10 semaines passées. Cela concerne surtout les plus aisées d’entre elles, qui peuvent se permettre de voyager.

    Le problème de l’austérité se pose également, avec les coupes budgétaires beaucoup d’hôpitaux ou services de natalité ferment, ce qui restreint –surtout dans les zones rurales- l’accès à l’avortement. Notre approche « pro-choix» est plus que jamais importante dans la lutte pour les droits reproductifs et les droits des femmes en général : la précarité s’aggravant ; beaucoup de familles au Portugal et ailleurs se voient dans l’impossibilité d’avoir des enfants, les coûts étant trop élevés. L’absence de crèches, des services de mauvaise qualité, ne font qu’aggraver la situation. C’est pour cela qu’il est important de rappeler que le mot « choix » signifie non pas que l’accès à l’avortement mais aussi l’accès à des conditions de vie dignes afin de ne pas être contraint à avorter.

    Aujourd’hui, des conditions de vie « dignes » ne sont pas à l’agenda des gouvernements, même celui de « gauche » du Portugal.
    C’est pourquoi il est essentiel de faire le lien entre la lutte contre l’austérité (et pour des services publics gratuits et de qualité) à la lutte contre ce système. Les droits des femmes au Portugal ne sont pas plus assurés qu’ailleurs ; si le mouvement qui a vu le « oui » l’emporter en 2007, comme celui qui a fait du référendum de 2018 une victoire historique en Irlande ne continue pas sur sa lancée, les capitalistes et leurs alliés politiciens vont reprendre ces droits fondamentaux durement obtenus.

    Le droit à l’avortement en est un, et son interdiction est une expression de l’oppression des femmes sous le capitalisme, parce que celles-ci ne peuvent pas faire de choix sur leur propre corps. La lutte contre le sexisme doit être liée à la lutte contre le système qui produit cette même oppression : le capitalisme. C’est pourquoi ROSA en Belgique, en Irlande et récemment au Portugal défendent un féminisme socialiste, pour en finir définitivement avec la racine de toutes les oppressions, le système capitaliste.

  • Chine : Aggravation de la crise et résistance de masse

    L’article qui suit est la retranscription de l’introduction de l’atelier de discussion consacré à la situation en Chine qui a été donnée à l’édition 2018 de l’école du Comité pour une Internationale Ouvrière. Cette introduction avait été donnée par Pasha, de Socialist Action, CIO à Hong Kong.

    L’année écoulée peut être décrite comme une année de grands changements en Chine – montrant l’aggravation de la crise de la dictature du parti unique et la forme particulière du capitalisme d’État chinois. Il y a eu un changement historique dans la structure du régime du “Parti communiste” (PCC) avec le couronnement de Xi Jinping comme “dirigeant à vie” en mars dernier.

    Depuis le mois d’avril, nous avons assisté à une série de grèves audacieuses qui se sont répandues dans de nombreuses provinces. Dans les relations internationales, le conflit entre les États-Unis et la Chine s’est aggravé de façon dramatique. Il s’agit du plus important conflit mondial entre les deux plus grandes puissances économiques.

    Le ministère chinois du commerce a décrit les droits de douane imposés par le président Trump le 6 juillet comme étant “la plus grande guerre commerciale de l’histoire économique”. Ce n’est pas encore la “plus grande jamais vue”, mais une nouvelle escalade est possible. Le conflit Etats-Unis / Chine n’est pas un phénomène passager ; c’est maintenant une réalité permanente, avec des hauts et des bas, qui définit une partie cruciale des perspectives du CIO concernant le capitalisme mondial.

    Nous observons également une nouvelle phase dans le malaise économique de la Chine. La répression du régime contre les dettes et opérations bancaires parallèles (« shadow banking ») a entraîné un nouveau ralentissement économique et, une fois de plus, un retour partiel aux politiques de relance, c’est-à-dire à une augmentation de la dette. Ce changement peut devenir plus important dans les mois à venir. Le problème de la dette de la Chine est un problème pour l’ensemble du système capitaliste mondial. Aucun pays dans l’histoire n’a accumulé autant de dettes.

    Eloignement de la politique de Deng Xiaoping

    La réunion de mars du « Congrès national du peuple » – le pseudo parlement chinois – a été surnommée le « couronnement de Xi Jinping ». Le congrès a supprimé les limites du mandat de la présidence afin que Xi puisse gouverner à vie.

    Depuis la fin des années 1970, la Chine est gouvernée par une forme de “leadership collectif”, un système mis en place par Deng Xiaoping, l’architecte du retour de la Chine au capitalisme. Le modèle de partage du pouvoir de Deng, ainsi que d’autres règles politiques, ont été conçus pour sauvegarder la “stabilité” et empêcher que les luttes de pouvoir au sein de l’État n’aillent trop loin et ne menacent l’existence de la dictature.

    Depuis la crise mondiale du capitalisme de 2007-08, l’élite dirigeante du PCC a besoin d’un “homme fort”, avec un pouvoir centralisé sans précédent, pour la sauver de ses propres crises – une dette croissante et des troubles de masse qui augmentent.

    En six ans, depuis son arrivée au pouvoir, Xi a mené une vaste campagne de lutte contre la corruption, qui porte en partie sur celle-ci et l’obtention du soutien du public, mais qui a surtout servi à consolider la position de Xi et à supprimer toute opposition. Mais plutôt que de surmonter les tensions au sein de l’État chinois et de l’élite dirigeante, la consolidation du pouvoir de Xi a porté les tensions à un niveau potentiellement plus élevé.

    Malgré la censure massive d’Internet, les citoyens chinois ont rapidement exprimé leur cynisme et leur opposition en ligne à l’égard du couronnement de Xi par des métaphores satiriques. Les censeurs d’Internet ont dû rapidement interdire toute une liste de mots tels que “limite de deux mandats”, “amendement constitutionnel”, “je ne suis pas d’accord”, “Corée du Nord”, et même “Winnie l’ourson” (considéré comme ressemblant trop au dirigeant chinois).

    Cela a mis en évidence le véritable niveau de soutien de Xi parmi les masses. Certains commentateurs ont décrit Xi comme le leader le plus fort depuis Mao, mais Mao était un dirigeant bonapartiste à la tête d’un mouvement qui a renversé le capitalisme en Chine ; le gigantesque culte de la personnalité que le régime a construit autour de Mao n’a été possible qu’en raison de son rôle dans la révolution.

    Xi Jinping préside un système capitaliste d’Etat et sa véritable base de soutien parmi les masses est exagérée. Son pouvoir repose principalement sur la répression, le nationalisme, le “lavage de cerveau” massif des médias et le fait que certaines couches de la population connaissent encore des améliorations. Mais c’est de plus en plus fragile. Les fondements du règne de Xi – niveaux d’endettement sans précédent, répression accrue et nationalisme – constituent une succession de crises à venir.

    Répression et conséquences

    Aujourd’hui, la répression étatique est la pire depuis 1989. Le budget du gouvernement pour la sécurité intérieure était de 193 milliards de dollars l’année dernière – il a triplé depuis 2007. C’est 19 % de plus que le budget militaire de la Chine (sécurité extérieure).

    Dans la région musulmane du Xinjiang, deux fois moins grande que l’Inde, la Chine a construit “l’État policier parfait”, selon le journal The Guardian. Entre 500 000 et 1 million d’Ouïghours musulmans ont été détenus dans des camps de prisonniers de type militaire – jusqu’à un sur dix de la population. Le PCC gouverne maintenant le Xinjiang par le biais d’un système ouvertement raciste de type apartheid avec des lois plus répressives pour les musulmans.

    Malgré le fait que le régime ait la machine d’État répressive la plus sophistiquée au monde, la résistance de masse et les protestations s’intensifient. Depuis la fin de 2017, les masses en Chine ont participé avec audace à des manifestations en ligne à grande échelle et à des grèves des travailleurs de plusieurs provinces, ce qui représente un tournant dramatique.

    En avril, les grutiers se sont mis en grève dans au moins 13 provinces pour réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Ils ont ensuite appelé à une grève à l’échelle nationale le 1er mai. Étant donné la répression et la censure de l’État, c’est un exploit en soi. Ces luttes sont organisées par le biais de groupes de discussion en ligne et de messageries instantanées.

    Grèves multi-provinciales

    La grève des grutiers était historique dans le sens où c’était l’action la plus impressionnante, coordonnée et audacieuse à ce jour. Auparavant, presque toutes les grèves en Chine se déroulaient dans une usine ou un district. Une grève à l’échelle nationale est un très grand changement. La lutte d’avril semblait ouvrir le chemin aux luttes nationales.

    En juin, c’était au tour des camionneurs. Les camionneurs en grève dans plus de 12 provinces ont protesté contre la hausse du prix du carburant, les péages routiers coûteux, le harcèlement policier et l’exploitation accrue par une application d’embauche de type « Uber » ». L’action des camionneurs s’est déroulée dans les villes de Chongqing à l’ouest jusqu’à Shanghai à l’est. C’est similaire à la distance de Madrid à Londres. Faire cela sous la dictature la plus puissante du monde est impressionnant.

    Et depuis avril, les anciens combattants de l’armée de plusieurs provinces avaient organisé des manifestations pour réclamer le paiement des pensions et des prestations de retraite. Certains anciens combattants ont été battus par des gangsters payés par les gouvernements locaux du PCC. Par le biais de liens et de réseaux au sein de l’armée, des dizaines de milliers d’anciens combattants ont été mobilisés pour manifester en solidarité à travers le pays.

    La lutte des vétérans de l’armée est importante parce qu’elle sape la propagande nationaliste de Xi Jinping. Il y a 57 millions de soldats retraités en Chine. Cette question peut également avoir une incidence sur les soldats en service. Comment l’Etat peut-il défendre la “nation chinoise” s’il laisse ses anciens combattants mourir de faim et les frappe lorsqu’ils protestent ?

    Plus tôt cette année, le gouvernement a mis sur pied un nouveau ministère des Anciens Combattants parce qu’il était préoccupé par les protestations des anciens combattants. Mais le fait que des protestations aient éclaté de toute façon montre les limites de l’Etat pour faire face à ces problèmes.

    #Metoo en Chine

    Parmi les autres mouvements importants en Chine figurent les mouvements féministes et LGBTQI+. Le mouvement #Metoo qui a balayé le monde a aussi profondément affecté la Chine. En janvier, une universitaire chinoise travaillant aux États-Unis a révélé en ligne qu’elle avait été agressée sexuellement par son professeur il y a douze ans. Son tweet est devenu viral et a reçu un énorme soutien en ligne parmi les femmes en Chine.

    Cela a déclenché un mouvement en ligne, en particulier dans les écoles et les collèges. Cela a même forcé l’État à se contenter de belles paroles et à condamner la violence sexuelle. En même temps, le PCC craignait que le mouvement devienne incontrôlable et a donc rapidement interdit toute tentative d’organiser des manifestations dans les rues. Un blog féministe de premier plan a été interdit.

    Les censeurs de l’État ont ensuite décidés d’interdire les sujets LGBTQI+. Weibo, la principale plateforme de blogs en Chine, a annoncé qu’elle supprimerait les “contenus illégaux”, y compris l’ « homosexualité ». Cela a déclenché un contrecoup massif. La campagne #IamGay a appelé au boycott de Weibo. Avec plus de 500 millions de partage sur le net, il s’agissait probablement du plus grand mouvement en ligne au monde. Elle a forcé l’entreprise et les autorités à renverser l’interdiction du contenu « homosexuel ».

    De la récente vague de luttes, il y a plusieurs caractéristiques que nous pouvons observer. Les luttes de masse en Chine s’organisent de plus en plus malgré la répression et la censure de l’Etat, capables de se mettre en scène et de se coordonner à travers tout le pays. Les travailleurs tirent clairement les leçons du passé, ils se rendent compte que les problèmes ne peuvent être résolus localement.

    La radicalisation de la conscience de masse est également une caractéristique, bien qu’elle soit inégale. Les travailleurs limitent généralement leurs revendications à l’économie et évitent de contester directement le régime du PCC, en partie pour éviter la répression de l’État et en partie à cause des illusions persistantes du PCC.

    Si le régime recourt à la répression, ce qui est définitivement le cas sous Xi Jinping, ce n’est qu’une question de temps avant que les travailleurs ne tirent la conclusion que la dictature est un obstacle à tout changement réel et cela amènera leurs luttes vers une direction politique plus claire.

    Ralentissement économique

    L’économie chinoise est confrontée à des crises sur de multiples fronts. L’économie est en ralentissement après une courte période de légère reprise en 2017. Depuis le début de 2018, le marché boursier a perdu 2 billions de dollars américains, comparativement à 5 billions de dollars américains lors du krach boursier de 2015.

    Les données économiques du 2ème trimestre devraient être beaucoup plus faibles qu’au 1er trimestre. Les chiffres du commerce de détail en mai étaient les pires depuis 15 ans. Le taux de croissance de l’investissement est le plus faible depuis 20 ans. La part de la dette dans le PIB est passée de 141 % en 2008 à 256 % l’an dernier. Ce chiffre s’élève à 304 % du PIB si l’on inclut les banques de l’ombre. En fait, le niveau d’endettement réel est beaucoup plus élevé. Cela s’explique par le fait que la plupart des dettes bancaires fictives ne sont pas enregistrées. Même le gouvernement ne connaît pas le tableau complet.

    Le dernier ralentissement oblige le PCC à redémarrer la stratégie de relance économique. Pendant dix ans, nous avons vu le même zigzag dans la politique économique – de la relance au resserrement du crédit et de retour à la relance, c’est-à-dire davantage de dette. Le problème de la dette est particulièrement grave au niveau des administrations locales (les administrations locales en Chine sont les villes et les provinces, de sorte que certaines sont plus grandes que la plupart des gouvernements nationaux en Europe ou dans le monde).
    Cela a été en partie à l’origine des protestations des anciens combattants de l’armée. En fait, les gouvernements locaux d’au moins 32 villes de six provinces financent maintenant leurs dépenses de sécurité sociale et de retraite avec des prêts des banques ou des banques fictives. Ce problème ne fera qu’empirer avec le vieillissement rapide de la population chinoise.

    Une ville de la province du Hunan n’a pas été en mesure de payer ses fonctionnaires à temps en mai. Ces arriérés de salaires – pour les fonctionnaires – étaient les premiers dans l’histoire moderne de la Chine. Nous voyons déjà la crise de la dette se transformer en crise sociale, et nous en verrons d’autres à l’avenir.

    Guerre commerciale et conflit impérialiste

    L’escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine est un autre coup porté à l’économie chinoise déjà vulnérable. Le 6 juillet, les droits de douane imposés par l’administration Trump sur 34 milliards USD d’importations en provenance de la Chine représentaient le premier coup de feu après une longue période de menaces. Cela a depuis lors été suivi par des droits de douane sur 16 milliards USD d’importations supplémentaires et la menace de Trump d’élargir ce chiffre à 200 milliards USD de marchandises chinoises d’ici septembre.

    Le régime chinois est forcé de riposter « dollar pour dollar » avec ses propres tarifs douaniers contre les marchandises américaines, mais en fait, il a offert des concessions à Trump et voulait désespérément éviter la guerre commerciale. Dans le conflit commercial plus large, il y a une « guerre de la technologie ». L’objectif principal de l’impérialisme américain et de Trump est d’arrêter « Made in China 2025 » – le plan du PCC pour devenir une superpuissance technologique.

    Les sanctions du gouvernement américain qui interdisaient à la troisième plus grande entreprise d’infrastructure de télécommunications ZTE d’acheter quoi que ce soit à des entreprises américaines, ont essentiellement forcé la fermeture de l’entreprise pendant 70 jours en avril-mai. La crise du ZTE a mis en évidence la dépendance de la Chine à l’égard de l’Occident pour la technologie. ZTE obtient 90 % de ses « semi-conducteurs » auprès d’entreprises américaines.

    Trump a accepté de lever l’interdiction sur ZTE, mais l’accord subséquent est toujours humiliant pour l’entreprise et l’État chinois. Ils doivent payer une amende équivalente à deux ans de bénéfices. Mais pire encore, ils ont dû licencier l’ensemble du conseil d’administration et accepter des bureaucrates américains au sein de l’entreprise. Cela ressemble un peu à ce que la troïka du FMI et de l’UE a fait à la Grèce – envoyer des bureaucrates de l’UE pour vérifier que les Grecs ne “trichaient” pas.

    La situation est compliquée par le fait que même Trump a partiellement perdu le contrôle de la guerre commerciale – le Congrès américain, les républicains et les démocrates exigent maintenant des mesures encore plus sévères contre la Chine.

    Dévaluation

    Dans le cadre de ces représailles, la Chine a permis à sa monnaie, le yuan, de baisser face au dollar. Toutefois, il s’agit d’un mouvement dangereux, car il pourrait déclencher une fuite massive de capitaux de la Chine, comme ce qui s’est produit en 2015. Le régime devrait alors imposer davantage de contrôles des capitaux.

    Mais avec plus de contrôle des capitaux, il peut dire adieu au rêve d’ « internationaliser le yuan » pour en faire une monnaie de réserve mondiale. En fait, l’internationalisation du yuan a régressé au cours des trois dernières années. Moins de pays veulent utiliser la monnaie chinoise dans les paiements internationaux. Le franc suisse et le dollar canadien ont maintenant une plus grande part mondiale que le yuan. Cela est important parce que la domination du dollar américain dans l’économie capitaliste mondiale restreint les politiques que le régime chinois peut suivre.

    Les Etats-Unis et la Chine, les deux plus grandes puissances impérialistes, se disputent la domination économique et géopolitique. La confrontation entre eux a été accentuée par la crise mondiale depuis 2008.

    Alors qu’une « guerre spontanée » ou un affrontement militaire direct n’est pas une perspective immédiate, les guerres commerciales et autres conflits économiques peuvent devenir un substitut à l’action militaire. Tous les accords auxquels ils parviennent dans la guerre commerciale actuelle ne peuvent être que de courte durée et fragiles. Leurs conflits peuvent frapper davantage l’économie mondiale, qui ne s’est pas remise de la grave crise d’il y a dix ans.

    Le conflit taïwanais peut être relancé dans le cadre de la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Cela peut conduire à une guerre ou à une grave crise militaire à l’avenir. La crise capitaliste a aussi rapidement exposé le gouvernement DPP  « pro-indépendance » de Taiwan, élu en 2016, en tant que parti capitaliste néo-libéral qui défend également une augmentation des dépenses en armements et davantage d’accords avec l’impérialisme américain, tout en imposant l’austérité aux travailleurs. Aucune des élites au pouvoir, qu’il s’agisse des États-Unis, de la Chine ou de Taïwan, n’a de solution et ne fait que rendre la situation plus dangereuse.

    Le projet « Belt and Road »

    Xi Jinping a lancé l’initiative « Belt and Road » (BRI) en 2013 pour gagner de nouveaux marchés à l’étranger pour écouler la production excédentaire du capitalisme chinois. Il s’agissait également de se préparer aux futures guerres commerciales et construire un protectionnisme accru à l’échelle mondiale. La BRI a été ajoutée à la constitution du PCC l’année dernière – la première fois qu’une politique étrangère a été intégrée dans la constitution – pour signaler qu’il n’y aurait pas d’inversion de cette politique.

    Aujourd’hui, l’Initiative intègre plus de 70 pays. Son ambition est de relier le monde sous-développé en une sphère économique dirigée par la Chine via la construction de pipelines, d’autoroutes, de ports, de chemins de fer, de réseaux électriques.

    Nous décrivons le BRI comme un « impérialisme avec des caractéristiques chinoises ». Ces caractéristiques sont des prêts financés par l’État pour la construction d’infrastructures et l’exportation de certains éléments du régime autoritaire de la Chine. Il y a aussi une composante militaire avec certains projets de l’IRB – pour les ports et certains chemins de fer en particulier – principalement motivés par des considérations militaires stratégiques.

    La stratégie de la Chine pour s’emparer de terres et ressources dans les petits pays moins développés est simple : elle leur accorde des prêts pour des projets d’infrastructure, obtient le contrôle des projets et, lorsque le pays n’est pas en mesure de rembourser les prêts, les entreprises chinoises et l’État deviennent propriétaires du projet.

    Cependant, les aspirations impérialistes de la Chine sont déjà confrontées à des revers. Des manifestations de masse ont éclaté au Vietnam en juin contre les capitaux étrangers, principalement des entreprises chinoises. Ces sociétés ont acheté des terres au gouvernement vietnamien sur des baux de 99 ans, des arrangements qui rappellent les anciens traités du colonialisme. Le tsunami politique de l’élection malaisienne en mai a vu le nouveau gouvernement mettre au rebut le projet de train à grande vitesse Kuala Lumpur-Singapour dirigé par les Chinois.

    L’investissement mondial dans l’initiative Belt and Road est aujourd’hui ralenti. Au cours des cinq premiers mois de cette année, les contrats signés par des entreprises chinoises ont diminués de six pour cent par rapport à l’année dernière. Le nombre croissant de défauts de paiement de la dette du BRI aura un impact direct sur les entreprises chinoises, qui sont lourdement endettées. Ainsi, l’initiative, lancée à l’origine par le PCC pour exporter la capacité excédentaire et alléger la dette, fait maintenant partie du problème.

    La répression à Hong Kong

    Les développements en Chine ont également eu des implications importantes à Hong Kong où le PCC tente de décapiter la lutte démocratique. Le gouvernement de Carrie Lam représente une nouvelle escalade de la répression.

    Au cours de l’année écoulée, six législateurs de l’opposition démocratiquement élus ont été disqualifiés, plus de 40 jeunes et autres activistes ont été emprisonnés pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales, et six candidats ont été interdits de se présenter aux élections pour des raisons de soutien à l’ « indépendance » ou à l’ « autodétermination ».

    De nouvelles lois draconiennes sont introduites, y compris la loi sur l’hymne national. Toute personne à Hong Kong reconnue coupable d’ « irrespect » de l’hymne national chinois est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.

    Les principaux partis bourgeois pro-démocratie ont été en plein recul politique. Ils n’ont pas réussi à proposer une nouvelle stratégie de lutte contre le gouvernement autoritaire. Ces « pan-démocrates » ont en réalité été un frein à la lutte pour la démocratie pendant des décennies, avec des similitudes avec le rôle des dirigeants sociaux-démocrates et des dirigeants nationalistes bourgeois dans d’autres parties du monde :

    1. Ils ne croient pas à la lutte de masse et essaient toujours de trouver un compromis avec le régime qui, dans le cas de la Chine, n’a aucune chance d’aboutir.
    2. Ils craignent que les mouvements de masse, une fois qu’ils « s’échappent », deviennent incontrôlables et se radicalisent.
    3. Ils défendent le capitalisme et ne veulent donc pas pousser la lutte contre la dictature chinoise « trop loin », car cela mettrait aussi en danger le capitalisme.

    Le CIO est le seul à réclamer un mouvement démocratique de lutte basé sur un programme socialiste, avec un parti ouvrier de masse comme noyau dur. Nous expliquons également que la démocratie, y compris l’autodétermination à Hong Kong, ne peut être gagnée qu’en s’associant aux luttes de masse en Chine ainsi qu’à l’échelle internationale et en renversant la dictature du PCC.

  • Ecole d’été du CIO. Une situation internationale explosive, le capitalisme aux abois

    Rapport de la discussion sur les perspectives internationales de l’édition 2018 de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière. Par Nicolas Croes

    La dernière réunion du G7 qui s’est tenue au Canada en juin dernier fut une éclatante illustration de l’actuel désordre mondial. Il n’a même pas été possible d’aboutir à un document commun ! En raison de l’état explosif de l’économie, la situation internationale est marquée par l’instabilité. Toutes les institutions et la manière de faire qui ont prévalu depuis la seconde guerre mondiale ont une autorité minée. Le processus de globalisation trébuche et les tensions inter-impérialistes entrent dans une nouvelle période de conflits et de confrontations accrues.

    De cela découle une situation politique et sociale elle aussi très explosive. Tout juste avant l’ouverture de cette édition de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, pas moins de 300.000 personnes manifestaient à Barcelone pour la libération des prisonniers politiques le 14 juillet tandis que 250.000 manifestaient la veille à Londres contre la visite de Trump au Royaume Uni.

    Au cours de l’année écoulée, divers mouvements sociaux n’ont pas manqué d’impressionner. Les sections du CIO ont pu intervenir dans le mouvement de masse en Catalogne (la question nationale étant une question clé pour l’unification du mouvement des travailleurs), dans la grève féministe historique du 8 mars dans l’Etat espagnol, ou encore dans la campagne pour le référendum visant à l’abrogation de l’interdiction de l’avortement en Irlande, où nos camarades ont joué un rôle dirigeant. A Seattle, nos camarades se sont confrontés à l’homme le plus riche au monde, Jeff Bezos, avec la Taxe Amazon. Il a toutefois été impossible durant cette école d’été d’aborder tous les combats auxquels ont participé les membres du CIO à travers le monde, parfois dans des conditions très dures. De même, il a été impossible d’aborder tous les événements économiques, politiques et sociaux qui ont pris place en cette période troublée.

    Le renouveau du féminisme

    Durant l’année écoulée, nous avons assisté à l’entrée en action d’une nouvelle couche, essentiellement des jeunes femmes, qui a reflété une colère plus générale ressentie parmi la classe des travailleurs.

    Nous assistons à l’essor d’un nouveau mouvement féministe, mais son développement n’est pas partout égal. Assez avancé en Argentine, en Irlande, au Chili et en Espagne, il n’a qu’à peine commencé ailleurs. Mais ce processus est bel et bien mondial, bien qu’ayant des caractéristiques locales propres. Dans l’Etat espagnol, le mouvement féministe était très limité il y a deux ans encore. Le thème était ignoré par la majorité de la classe ouvrière et le débat concernait principalement les espaces universitaires. Le 8 mars dernier a représenté un gigantesque saut qualitatif avec la grève générale féministe qui a impliqué 6 millions de participantes et participants.

    Il est impossible de comprendre la croissance de ce mouvement sans prendre en considération son orientation de gauche. La présence de la classe ouvrière aux manifestations du 8 mars était massive. Ce mouvement, spontané et issu de la base, a également défié les partis traditionnels et les dirigeants syndicaux. Le 8 mars était devenu un moyen de combattre non seulement le sexisme mais aussi la « paix sociale » entretenue par les dirigeants syndicaux.

    Une quasi insurrection parlementaire au Mexique

    Le premier juillet, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) et son Mouvement de régénération nationale (MORENA) ont remporté les élections au Mexique. Il y a déjà eu par le passé 2 tentatives de le faire élire (en 2006 et 2012). Cette victoire est d’une grande importance pour toute l’Amérique latine.

    Deux possibilités s’ouvrent aux masses. La première voie est une confrontation ouverte avec le capitalisme et les propriétaires terriens afin de se diriger vers le socialisme. Si cette voie est adoptée, il ne faudra pas seulement balayer les grands propriétaires et la bourgeoisie du Mexique : les Etats-Unis tenteront également de faire barrage à cette orientation. Ce combat pourrait non seulement stimuler la révolution en Amérique latine, mais aussi avoir un impact considérable aux USA. Les relations commerciales qu’entretiennent l’Union européenne et la Chine avec les USA ont beau être cruciales, le commerce avec le Canada et le Mexique représente tout de même plus que celui des USA avec l’Allemagne, la Chine et le Japon réunis.

    L’autre voie, c’est celle qui a été suivie au Venezuela, où l’absence d’une rupture avec le capitalisme a produit des effets désastreux. Nous ne devons pas sombrer dans le fatalisme, il nous faut nous opposer aux sceptiques qui affirment que tout est plié d’avance. L’Amérique latine a viré jusqu’à un certain point à droite, mais c’est le résultat d’une lutte entre forces vivantes. Il ne faut pas exagérer jusqu’où les choses ont été. Le danger existe de tomber dans des régimes réactionnaires reposant sur l’armée dans certains pays. Mais rien n’est décidé d’avance. Il s’agit toutefois d’un danger possible pour peu qu’Obrador essaye de s’adapter à la bourgeoisie et renie son programme.

    La magasine britannique The Economist a ouvertement fait référence à la Grèce et à Syriza à ce sujet, en suggérant que les récents événements survenus au Mexique ne devaient pas être considérés comme trop dangereux pour les capitalistes. Obrador peut s’adapter au capitalisme. Et, jusqu’à un certain point, c’est déjà en train de se produire. Mais ce serait une erreur de sous-estimer la pression que les masses vont instaurer sur lui et son gouvernement.

    Les élections précédentes avaient été marquées par la fraude électorale. Cette fois-ci, la classe dominante et ses relais craignaient bien trop la réaction des masses pour le faire. Des comités de défense avaient été mis sur pied dans le pays contre les barons de la drogue et contre la fraude électorale. Nous devons nous souvenir que Chavez parlait au début de réformes très limitées, c’est l’entrée en action des masses qui l’a poussé à aller plus loin. C’est d’ailleurs ce à quoi nous avons déjà assisté dans les années ’30 au Mexique avec le régime de Cardenas. Une nouvelle vague de luttes sociales arrive et des conclusions socialistes révolutionnaires peuvent graduellement s’infiltrer dans le mouvement. Le Mexique va bientôt jouer un rôle prépondérant dans les discussions du mouvement ouvrier.

    Un reflet du processus qui prend place dans toute l’Amérique latine

    L’Amérique latine est aux prises avec une compétition entre la révolution et la contre-révolution. Le Brésil est plongé dans sa plus grande crise depuis 1988. Les coupes budgétaires ont été si sauvages, notamment dans les soins de santé, que des maladies qui avaient précédemment disparu sont de retour, comme la polio. Le président de droite Temer, parvenu au pouvoir après un coup d’Etat parlementaire, est parvenu à geler les dépenses publiques pour 20 ans. Une nouvelle loi fait en sorte que la discussion entre le travailleur et le patron prime sur les conventions collectives de travail, ce qui a un impact dévastateur sur les conditions de travail et les syndicats. Beaucoup de travailleurs ne survivent plus que grâce à la charité. Un nombre grandissant de familles sont expulsées de leur foyer. Les secteurs informels de l’économie sont en pleine expansion, de même que l’insécurité et la désintégration des liens sociaux. Dans une telle situation de désespoir, certaines couches de la population regardent vers l’armée pour rétablir l’ordre. Mais pour les autorités, il s’agit surtout d’un moyen d’imposer le silence à la contestation.

    Des luttes sociales continuent toutefois de se développer, à l’image de la grève des camionneurs de mai dernier. Le contexte social est très fragile. Les élections à venir seront les plus incertaines depuis les premières, tenues en 1989. Temer disposait encore d’une bonne cote de popularité il y a quelques temps, mais elle s’est effondrée pour atteindre les 3% aujourd’hui. Face au discrédit des politiciens traditionnels, les capitalistes brésiliens sont désespérément à la recherche d’une figure telle que celle de Macri en Argentine ou de Macron en France.

    L’état du pays illustre les conséquences de la faillite du réformisme de centre gauche. Au Venezuela et au Nicaragua, la classe ouvrière et les pauvres payent là-aussi le prix fort de l’échec du réformisme. La victoire de la droite dans divers pays n’a jamais reflété l’évolution vers la droite de la conscience des masses. Les sondages continuent ainsi d’illustrer l’opposition aux privatisations, le soutien aux interventions publiques pour aider les pauvres,… Le soutien électoral pour la droite a essentiellement représenté une manière de rejeter la politique de droite menée par la « gauche ». Il est très fragile. Depuis que Marcri est arrivé au pouvoir en Argentine, en 2015, il y a eu 3 grèves générales. Au Chili, des luttes d’ampleur ont également éclaté depuis l’arrivée au pouvoir de Piñera en 2017.

    Les capitalistes n’ont rien oublié, mais ils n’ont rien appris non plus

    Toute l’idée selon laquelle des économies émergentes telles que celle du Brésil allaient sauver l’économie mondiale est aujourd’hui à terre. Rien ne subsiste plus de l’idée selon laquelle le capitalisme allait sortir les masses de leur situation catastrophique. L’Inde se dirige vers une crise économique avec un gouvernement dont le soutien est totalement miné. La pauvreté est en pleine explosion. Mais, quotidiennement, des articles font état de manifestations et de grèves un peu partout dans le pays. Un sentiment anti-entreprises se développe.

    En Chine aussi s’ouvre une nouvelle période, dans l’Etat le plus répressif au monde. La concentration de pouvoirs inédite entre les mains de Xi Jinping n’a rien d’une démonstration de force, il s’agit plutôt d’une démonstration de faiblesse et de la crainte de mouvements sociaux majeurs dans une situation économique en berne. En dépit d’un budget de surveillance du net équivalent au PIB du Venezuela, le régime s’est révélé incapable d’endiguer les protestations contre le bannissement des articles consacrés aux personnes LGBTQI+ sur le twitter chinois. Pas moins d’un demi-million d’utilisateurs ont défié le régime en écrivant « je suis gay ». La Chine a également récemment connu une vague de grèves interprovinciales, notamment de la part des camionneurs, dans un contexte où les syndicats sont interdits et les grèves, illégales.

    Le pays est particulièrement visé par les sanctions douanières décidées par l’administration Trump. La guerre commerciale a commencé. Après de premières mesures adoptées contre l’Union européenne et le Canada, ce fut au tour de la Chine le 6 juillet, une étape qui représente une véritable escalade. Pour les USA, l’UE est un adversaire affaiblit et divisé. Il en va tout autrement pour la Chine. C’est pourquoi 50% des sanctions prévues par les USA visent la Chine. Trump a également autorisé la vente d’armes et de technologies militaires vers Taïwan : une autre provocation envers la Chine. Il est encore difficile de prévoir la dynamique exacte que prendront les événements après ce cap, mais il est certain qu’un retour à la phase « pré-6 juillet » est exclu.

    Il n’est pas à exclure que la guerre commerciale devienne totale. Les conséquences que cela aurait en termes de chômage et de réaction sociale sous la forme de soulèvements de masse dans des puissances économiques majeures pourront jouer un rôle de frein.

    Pour Martin Wolf, commentateur économique en chef au Financial Times, ‘‘Trump a déclaré la guerre à l’ordre mondial néolibéral pourtant créé par les USA.’’ Historiquement, toutes les forces dominantes ont poussé au libre-échange. L’inclinaison protectionniste de Trump et de la classe dirigeante américaine est une expression du déclin de l’impérialisme américain qui est encore, et de loin, l’impérialisme le plus fort. Le monde multipolaire actuel signifie toutefois qu’une seule puissance ne peut plus tout simplement dicter sa volonté aux autres.

    Les premiers tirs de la guerre commerciale et l’introduction de toutes sortes de taxes protectionnistes menacent la situation économique actuelle, mais d’autres dangers existent encore. Afin de différer la crise économique, diverses politiques ont permis d’atteindre un niveau record de dettes équivalent à 240% du PIB mondial ! C’est impossible à tenir éternellement. La situation économique et financière de l’Italie est une autre bombe à retardement, de même que celle de l’Argentine (troisième économie d’Amérique latine), qui s’est vue forcée de se tourner à nouveau vers le FMI pour éviter la banqueroute.

    Il est vrai qu’une certaine reprise économique a eu lieu aux USA, mais elle a essentiellement donné naissance à des emplois précaires. 600.000 emplois de ce type ont été créés durant le deuxième trimestre 2018. La reprise en cours est l’une des plus faibles de l’histoire, la crise chronique du capitalisme est loin d’être terminée.

    Il est d’ailleurs frappant de remarquer que la bourgeoisie elle-même se plaint que la reprise ne se retrouve pas dans les chiffres de productivité. Le capitalisme n’est pas capable de digérer toute la productivité dont les travailleurs sont capables. Le surplus produit par les travailleurs n’est pas investi dans l’économie. Tout système économique est lié à la force de travail et la manière dont elle est organisée. Le soi-disant capitalisme moderne a l’air d’un capitalisme malade. Au lieu d’investir dans la production, il n’est question que de rachats d’actions pour en pousser la valeur vers le haut. Les profits sont maintenus dans des paradis fiscaux au lieu d’être investis dans l’économie réelle. La classe capitaliste refuse de développer les forces productives. Son rôle historique est derrière elle.

    Les capitalistes ne comprennent pas eux-mêmes le fonctionnement de leur système. Les contrôles limités institués sur les banques au début de la crise sont retirés. Dix ans après le crash de 2007-08, le capitalisme est tel un volcan endormi capable d’exploser à tout moment. A l’époque, le Comité pour une Internationale Ouvrière avait prédit qu’un crash économique était en gestation sur base des dettes, mais qu’il était impossible de dire avec précision quand il surviendrait. Aujourd’hui, la Banque des règlements internationaux (la plus ancienne organisation financière internationale surnommée la « banque centrale des banques centrales ») est parvenue à la même conclusion que nous : un nouveau tremblement de terre économique menace. Certains observateurs capitalistes ont déclaré qu’ils avaient de la chance que le stalinisme se soit effondré avant leur propre système.

    Nouveaux conflits et crise des réfugiés

    Le monde devient de plus en plus petit pour un montant de capital à la recherche d’investissements de plus en plus grands. La réduction du gâteau signifie une lutte plus féroce pour en avoir des parts. La confrontation est de plus en plus ouverte entre capitalistes, ce qui est source de destructions d’anciennes alliance et de création de nouvelles. Mais il n’est pas uniquement question de conflits entre puissances impérialistes, il s’agit aussi du rapport de force entre les classes. Un conflit militaire ouvert est actuellement impossible entre les grandes puissances impérialistes, à cause de la force du mouvement ouvrier mais aussi en raison de la menace nucléaire. Mais s’il n’est pas encore question de grande conflagration, l’accroissement des guerres régionales et des guerres par procuration est réel.

    En 2017, les dépenses militaires ont représenté 1700 milliards de dollars à travers le monde. Rien que dans les pays de l’OTAN, l’augmentation globale est de 5%. Cette somme équivaut à dix fois ce qui serait nécessaire pour éradiquer la pauvreté sur terre. Ce n’est bien entendu qu’une indication, ce n’est pas seulement en investissant cette somme que l’on en finira avec la pauvreté. Il faut un changement de système.

    Les forces impérialistes sont impliquées dans l’alimentation de foyers de conflits dans diverses parties du monde, dont les répercussions vont bien au-delà, comme l’illustre la crise des réfugiés. Aux USA et en Europe, la droite est à l’offensive sur cette question, en reprenant la logique des mesures des gouvernements précédents mais de façon plus brutale. Pour les forces politiques traditionnelles, le débat semble se limiter au point jusqu’auquel on peut déshumaniser le sujet.

    Comment imaginer une solution de la part du régime capitaliste ? Les différentes puissances sont en compétition, ce qui explique le silence sur la politique génocidaire en Birmanie. Si les puissances occidentales avaient haussé le ton, cela aurait ouvert la voie au renforcement de la présence chinoise.

    Les gouvernements utilisent l’épouvantail du terrorisme comme un moyen de justifier les guerres et pour justifier leur approche des réfugiés. La conscience sociale déteste le vide, comme le disait Trotsky. La position défensive du mouvement ouvrier et l’offensive néolibérale a ses conséquences sur la conscience. Les conséquences pratiques de l’austérité ont aussi un effet. Cela offre un espace aux populistes de droite, qui occupent ainsi le vide politique. Il est normal dans ce contexte que le niveau de conscience soit contrasté en relation au thème des réfugiés. Nous devons patiemment expliquer le fonctionnement du capitalisme et pourquoi l’unité du mouvement ouvrier est cruciale pour le renverser. Ce ne sont pas les réfugiés qui sont responsables des guerres et du pillage néocolonial, ni de la pénurie d’emplois ou de services publics.

    Le poids du recul idéologique consécutif à la chute du stalinisme

    Trump est né de la crise du capitalisme. De telles figures démentes peuvent bénéficier d’un certain écho en reposant sur l’aliénation des masses dans une situation où la gauche et les libéraux se montrent incapables d’offrir une issue. Certaines couches de la population espéraient une victoire de Bernie Sanders aux primaires démocrates avant de se tourner vers Trump par dépit. Si les élections présidentielles avaient vu Sanders et Trump s’affronter, tous les sondages mettent en avant que Sanders l’aurait emporté.

    La chute du stalinisme a liquidé l’économie planifiée, mais a aussi eu un impact négatif sur la conscience des masses. La contre-révolution est un énorme frein sur l’histoire. Il n’a pas été tellement question de destruction des organisations du mouvement ouvrier, plutôt de grand recul de conscience. Imaginons quel aurait été la situation si le crash de 2007-08 avait pris place dans une situation où le mouvement ouvrier n’avait pas connu le recul idéologique consécutif à la chute du stalinisme ! Les événements auraient pris une toute autre tournure.

    Ceux qui sont passés à travers les événements révolutionnaires des années ’60 peuvent envisager combien la vague révolutionnaire aurait été énorme si la crise économique de 2007-08 avait eu lieu à l’époque. Nous serions maintenant en train de discuter de la stratégie pour se diriger vers le socialisme avec des organisations de masse du mouvement ouvrier. Les débats politiques porteraient sur toutes sortes de centrisme (c.à.d. un réformisme qui adopte des éléments de rhétorique révolutionnaire), du rôle de partis révolutionnaires de masse,… Cela donne l’idée de la période dans laquelle nous allons entrer, lorsque le nœud de l’histoire sera renoué.

    Les masses en action, même dans les situations les plus cauchemardesques

    Aujourd’hui, le Comité pour une Internationale Ouvrière se trouve bien seul à défendre le socialisme et à expliquer ce que cela signifie. C’est une véritable catastrophe pour la classe ouvrière. Dans le monde néocolonial, les masses n’ont jamais échappé à la pauvreté alors que des couches larges du mouvement ouvrier sont rejetées dans la barbarie aux USA, en Europe du Sud et même au Royaume Uni. Aux USA et au Royaume Uni, l’espérance de vie a stagné, elle est maintenant en train de reculer. Des commentateurs économiques affirment que le Royaume Uni connait la plus grande chute de niveau de vie depuis 200 ans ! Certains endroits des USA sont devenus des déserts économiques au point de dépasser la situation connue après la grande dépression des années ’30.

    On ne peut même pas imaginer quel sort attend les masses en Afrique et ailleurs. Le Moyen-Orient est confronté à une guerre permanente. Alors que l’on s’approche petit à petit de l’épuisement de la guerre en Syrie, d’autres conflits émergent. Les horreurs se poursuivent à Gaza.

    Mais les masses ne vont pas indéfiniment accepter de subir cette horreur. Le processus de révolution et de contre-révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord de 2011 est déjà derrière nous depuis un moment. Mais les masses relèvent la tête, comme l’a illustré la grève générale qui a eu lieu en Jordanie. Cette dernière a dépassé l’ampleur des mouvements de 2011 dans ce pays, en raison de l’augmentation du prix des denrées de base. En Iran, à la suite des mobilisations de masse de ce début d’année, les grèves et les manifestations se poursuivent. Les Iraniennes défient la censure médiévale, rejettent publiquement leur voile et affrontent la répression. Le régime ne parvient pas à faire taire la population. Les masses perdent progressivement leur peur, ce qui constitue une des conditions pour une révolution. Mais si la classe ouvrière se montre incapable de diriger le processus, ce sont des couches petites-bourgeoises qui peuvent se retrouver à sa tête et faire dévier le mouvement.

    L’offensive contre les droits syndicaux est une tendance internationale (y compris dans les pays européens et aux Etats-Unis). Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas parce que les organisations syndicales sont en perte de vitesse, mais au contraire par ce que leur poids fait craindre le pire à la classe dirigeante.

    Les nouvelles forces de gauche

    En Afrique du Sud, Jacob Zuma a finalement été destitué cette année pour être remplacé par Cyril Ramaphosa à la tête du pays, lui aussi membre de l’ANC (Congrès national africain). Il ne lui a pas fallu longtemps pour défendre diverses lois antisyndicales et anti-grèves face à la colère grandissante de la classe ouvrière et à sa volonté de partir en action. Il souhaite notamment déclarer les grèves illégales si elles « mettent en danger l’économie du pays ». Deux mois à peine après son entrée en fonction, les syndicats organisés dans la nouvelle fédération syndicale SAFTU, qui regroupe plusieurs syndicats séparés de la centrale syndicale pro-gouvernement COSATU dont la puissante Union Nationale des Travailleurs de la Métallurgie (NUMSA). Cette nouvelle fédération syndicale défend aussi la nécessité de créer un nouveau parti des travailleurs.

    Cette question est des plus cruciales à travers le globe. Aux Etats-Unis, le potentiel pour une nouvelle formation de gauche a été illustré à de nombres reprises, comme avec la campagne de Sanders. Depuis lors, d’autres événements importants sont survenus, les plus fondamentaux concernant l’entrée en action du mouvement ouvrier, chez UPS ou parmi les enseignants par exemple, où le rôle de la base a été déterminant. Dans le syndicat des Teamsters, pas moins de 18 des conventions de camionneurs proposées par la direction syndicale ont été rejetées par la base car jugées insuffisantes. Les syndicats connaissent un afflux d’affiliations, dont 75% de nouveaux membres ayant moins de 35 ans. Nous assistons à la renaissance du mouvement ouvrier dans le pays USA.

    La question d’un nouveau parti des travailleurs fait partie intégrante de ce processus. Toutes sortes de routes peuvent être prises dans cette direction, en particulier dans un pays aussi grand. Les approches varieront en fonction des villes et des Etats, sous l’impulsion des événements économiques mais aussi en fonction des luttes qui peuvent prendre place dans d’autres continents. Il nous faudra combattre les illusions qui reposent sur une refondation du parti démocrate, une étape inévitable dans le processus de développement du mouvement aux USA.

    Une des caractéristiques des nouvelles forces de gauche autour de Mélenchon, de Corbyn, de Podemos,… est qu’il s’agit plus de réseaux que de partis réellement structurés qui permettent une intervention organisée. Une grande prudence doit être de mise au sujet des tactiques à utiliser pour orienter le débat sur le programme et les méthodes, sans se retrouver piégé au sein de ces formations et en poursuivant notre travail indépendant, particulièrement à destination de la jeunesse.

    Le socialisme, une nécessité plus cruciale que jamais

    C’est une période de grandes turbulences qui se trouve devant nous. L’ancien monde impérialiste est à l’agonie, de façon très sanglante. De nouvelles forces du mouvement ouvrier sont en train de naitre. Le Comité pour une Internationale Ouvrière ne dispose pas encore de forces à la hauteur des défis posés par cette situation nouvelle. Mais dans une telle ère de troubles et d’insurrections à venir, d’énormes possibilités se présenteront pour des percées de sections du CIO.

    Disposer de perspectives correctes et d’une analyse solide de la situation, de ses contradictions et des développements à venir les plus probables, nous pouvons intervenir dans les mouvements et passer à travers des périodes plus troubles. Même avec des forces limitées, nous pouvons faire une différence grâce à notre programme, notre approche stratégique, nos tactiques et nos méthodes qui reposent sur une confiance absolue envers les capacités du géant qu’est le mouvement ouvrier.

    La véritable histoire du trotskysme est devant nous et est encore à écrire. Le capitalisme pourri lui-même prépare la renaissance des idées du socialisme à une échelle de masse.

  • Révolution et contre-révolution en Amérique Latine

    Mexique. La joie s’empare des partisans d’AMLO à l’annonce de sa victoire et de celle de son parti, Morena.

    Nous observons deux tendances qui parcourent l’Amérique latine : le processus révolutionnaire et le contre-révolutionnaire. L’oligarchie latino-américaine et l’impérialisme américain ont obtenu des victoires politiques et ont essayé de freiner le processus révolutionnaire. C’est la raison pour laquelle la victoire de la gauche dans les élections mexicaines du 1er juillet 2018 représente un événement de signification historique.

    Rapport de la commission consacrée à l’Amérique latine lors de l’édition 2018 de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière qui s’est tenue en juillet à Barcelone. Par Marisa (Bruxelles)

    Le Mexique est la deuxième puissance économique et le deuxième pays le plus peuplé de l’Amérique latine après le Brésil. Il détient également une large frontière avec les États Unis. Après 89 années de gouvernements de droite, Andrés Manuel López Obrador (surnommé AMLO) et son parti le MORENA (le Mouvement de régénération nationale) ont remporté 53% des voix aux élections fédérales mexicaines du 1er juillet dernier qui comprenaient notamment l’élection du président et des membres des deux chambres du Congrès. Le fait qu’un pays d’une telle importance rejoigne le processus révolutionnaire qui parcourt le continent depuis de décennies est une excellente nouvelle pour tous les opprimés. Cette victoire reflète un profond virage à gauche dans la société. Elle n’aurait pas été possible sans l’impulsion des luttes des travailleurs, des jeunes, des femmes, des paysans et des populations autochtones.

    Même si la plupart des luttes qui ont précédé les élections du premier juillet n’ont pas victorieusement abouti, elles ont été décisives. La lutte des enseignants, un des secteurs le plus combatifs, a subi une défaite partielle avec la réforme de l’enseignement et toute la lumière n’a pas encore été faite dans l’affaire des enlèvements d’Iguala (qui désignent la disparition de 43 étudiants d’Ayotzinapa alors qu’ils se rendaient manifester contre le gouvernement en 2014). Mais il existe des défaites qui peuvent malgré tout servir à progresser. L’ensemble de l’Amérique latine a célébré la victoire d’AMLO. Maintenant, Trump est confronté à un problème majeur, puisque le Mexique est un pays qui a beaucoup d’influence sur les États Unis. L’objectif de construire un mur à la frontière n’est pas seulement d’arrêter l’immigration, mais aussi de freiner le processus révolutionnaire.

    Malgré la souffrance des masses au Venezuela, la victoire de Macri en Argentine et le coup contre Dilma au Brésil, la classe des travailleurs n’a pas subi une défaite insurmontable. Les masses ont continué leur offensive contre les gouvernements d’Argentine et du Brésil. Macri a remporté les élections avec très peu de marge en décembre du 2015 et, depuis, son gouvernement a été confronté à 3 grèves générales. En outre, de grandes mobilisations ont pris place en Honduras contre la fraude électorale, comprenant la création de comités d’auto-défense, ainsi qu’au Chili au sujet de la sécurité sociale et des pensions.

    Le gouvernement d’Uribe en Colombie a toujours représenté le rempart de l’impérialisme contre la révolution vénézuélienne. Au cours des dernières élections présidentielles, la droite a remporté le deuxième tour avec 54%, mais le candidat de gauche Gustavo Petro avait obtenu 41,7%. Ce résultat est historique pour la gauche. Le sentiment général des travailleurs n’a pas été le défaitisme mais plutôt l’idée qu’ils sont sur la bonne voie. Il faut également souligner le soulèvement contre le régime autoritaire de Daniel Ortega au Nicaragua. Le mouvement sandiniste contre la dictature de Somoza a tellement dégénéré qu’aujourd’hui Ortega est devenu le nouveau Somoza. Malgré une répression brutale, la détermination du mouvement social est impressionnante. La localité de Masaya, endroit emblématique de la résistance sandiniste contre Somoza, est devenue l’une des enclaves du soulèvement contre Ortega. La défense populaire y a été organisée avec des barricades.

    De larges mouvements de lutte contre les féminicides et en faveur de l’émancipation des femmes ont également eu lieu, entre autres en Argentine et au Chili.

    Il est intéressant d’analyser la relation entre le cycle politique et le cycle économique. Entre 2003 et 2008, on parlait de boom économique en Amérique latine et l’idée d’un « capitalisme à visage humain » disposait d’une certaine marge. Le Brésil, c’était le « B » de BRICS (acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq grandes « économies émergentes » qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, en anglais Brazil, Russia, India, China, South Africa). Grâce à la croissance économique de cette période, le taux de pauvreté a été réduit de 20 points dans l’ensemble de l’Amérique latine. Aujourd’hui, ces années dorées sont finies. Après une chute brutale en 2014, on compte à nouveau les sans-emplois par millions. La dette externe augmente de façon exponentielle et les monnaies nationales s’affaiblissent.

    La classe dominante latino-américaine a profité du boom économique, mais cette croissance a été couplée à une désindustrialisation dans la majorité de pays. L’affaiblissement de la base industrielle de ces pays rend leur production très dépendante des matières premières. Malgré une certaine récupération de la valeur du pétrole l’année dernière, la situation continue de reculer. Les investissements étrangers entre 2011 et 2017 ont diminué du 20% à cause de la crise de surproduction de l’économie mondiale.

    C’est dans ce contexte de crise que les programmes réformistes pour un capitalisme plus humain ont échoué. La faillite de Kirchner en Argentine, de Lula au Brésil et également du chavisme au Venezuela ont ouvert la porte à la droite. Cela ne signifie néanmoins pas qu’il y a eu lieu un virage idéologique. Parmi ceux qui ont voté à droite, beaucoup répondent qu’ils sont opposés aux privatisations et favorables à plus d’interventions de l’Etat. Le vote à droite a plutôt été un vote de protestation contre les gouvernements de gauche réformiste.

    La bourgeoisie est incapable de donner un coup définitif au mouvement social en utilisant des dictatures militaires à l’image de celles du passé. Au Brésil, la classe dominante se trouve dans une impasse. Le soutien à Temer a touché fond, sa côté de popularité est de 3%, et il n’y a pas encore un candidat présidentiel viable. Au milieu de cette crise, le gouvernement et la classe dominante utilisent la militarisation comme méthode pour appliquer leurs mesures autoritaires. L’assassinat de la militante du Parti socialisme et liberté (PSOL) Marielle Franco à Rio de Janeiro en mars dernier fait partie de l’atmosphère répressive répandue par le gouvernement. L’extrême droite est à l’offensive : pour la première fois depuis les années ’90, des groupes néo-fascistes attaquent les gens qui portent des slogans de gauche dans les villes.

    La croissance de l’extrême droite est un danger pour les travailleurs et tous les opprimés qui ne doit pas être sous-estimé. C’est un reflet de la polarisation qui se développe dans la société. L’opposition à ces attaques est liée au refus du programme néo-libéral. En fait, après la crise politique et sociale, le soutien aux idées de la gauche radicale a augmenté. La formation du PSOL en 2004 a constitué un important pas en avant. Un des défis auquel le PSOL sera confronté est de renforcer sa base parmi les travailleurs et les pauvres, chose qu’il n’a pas réussi à faire jusqu’au présent. Les prochaines élections présidentielles sont une nouvelle opportunité pour la gauche radicale et socialiste afin qu’elle en sorte renforcée. Pour ce faire, il est important de tirer les leçons de l’expérience des précédents gouvernements du Parti des Travailleurs, dont l’histoire est un avertissement de ce qui peut survenir dès lors qu’il n’y a pas de rupture avec les fondements du capitalisme.

    La classe de travailleurs continue de lutter, soit avec des grèves, via des élections ou à travers les syndicats quand cela est possible. Elle dispose de la force, mais pas d’une direction politique claire. Le Mexique ouvre un nouveau chapitre historique dans un contexte de remontée de la lutte de classes. Si le gouvernement d’AMLO ne fait pas un tournant à gauche très vite, la situation va se détériorer. Il n’y a pas de moyens économiques pour faire des manœuvres et il faut tirer les leçons de l’échec de la révolution au Venezuela. En fait, le désastre au Venezuela est un avertissement de ce qui pourrait arriver en Europe si des forces de gauche arrivent au pouvoir sans prendre ensuite des mesures de type socialiste (telles que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie).

    Le gouvernement d’AMLO sera soumis à de nombreuses pressions, pas seulement de la part de la bourgeoisie mexicaine, également de la part des trafiquants de drogue qui font déjà partie de la dite bourgeoisie. Trump pourrait retirer l’ALÉNA, l’accord de libre-échange nord-américain, pour instaurer une pression additionnelle. Mais un mouvement social fort de la base pourrait se développer, chose qui aurait un grand impact dans tout le continent. L’idée de la révolution est très importante au Mexique, en raison de la conception révolutionnaire de sa propre histoire. Des opportunités se présentent au Brésil, au Chili et au Mexique, où les respectives sections du Comité pour une Internationale Ouvrière peuvent faire d’importants pas en avant avec leur intervention active dans les événements.

  • L’Europe en crise : tensions, division et instabilité

    L’establishment européen est aux prises avec de grandes difficultés. En dépit d’une période de reprise économique limitée, l’instabilité politique continue de croître et à cela s’ajoute la possibilité d’une nouvelle récession qui pourrait complètement saper des équilibres déjà bien fragiles. Lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL/LSP est la section belge) qui s’est tenue la semaine dernière à Barcelone, une discussion approfondie a abordé les perspectives de l’Europe, dont voici quelques éléments ci-dessous.

    Rapport de Geert Cool

    D’une crise économique à une crise politique

    Dix ans après la récession de 2007-2008, ses causes ne sont toujours présentes. Cela ouvre la voie à de nouveaux séismes dans l’économie. Alors même que a plupart des pays européens connaissent une croissance limitée, les répercussions politiques de la récession économique prennent de l’ampleur. Même le pays le plus fort de l’Union européenne, l’Allemagne, n’a pas pu échapper à une crise politique avec la formation difficile d’un nouveau gouvernement Merkel. Ceci a été rapidement suivi par la menace d’une crise gouvernementale autour de la question migratoire.

    L’Union européenne a été créée dans le but de disposer d’une plus grande stabilité ainsi que pour rapprocher les différents pays européens face à l’impérialisme américain ainsi que comme bloc face à l’Est. Aujourd’hui, cette stabilité n’existe plus et l’UE ne fait qu’accroître la division en Europe. L’UE ne peut pas donner le ton dans la guerre commerciale qui se développe. Le processus décisionnel stagne et l’establishment n’est plus en mesure de proposer quelque chose qui ressemble à un projet. Les propositions de Macron concernant le budget européen ont provoqué de la résistance, y compris chez Merkel, en partie à cause des craintes de tensions au sein même de sa propre coalition et de la pression de l’AfD populiste en Allemagne. L’UE n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui !

    L’instabilité politique s’est accrue dans presque tous les pays européens, avec un nombre record de gouvernements minoritaires et une fragmentation politique sans précédent. Cela se reflétera encore dans les élections européennes de mai 2019. Outre la fragmentation et la création de nouveaux groupes. Macron tente par exemple de construire un groupe pro-européen, Mélenchon est en faveur d’un bloc de gauche sans Syriza (qui applique une politique d’austérité en Grèce) et l’extrême droite tente aussi de constituer de nouveaux groupes. Ces élections peuvent aussi être caractérisées par une très faible participation dans différents pays. La confiance dans toutes les institutions est en berne, y compris dans l’UE et les partis traditionnels.

    Le tremblement de terre italien

    Les élections italiennes de mars dernier ont mis en évidence les difficultés rencontrées par l’establishment en termes de représentation politique. Pour la deuxième fois en 25 ans, les instruments politiques traditionnels de la bourgeoisie ont été rayés de la carte. Plus de la moitié des électeurs ont soutenu la Lega et le Mouvement Cinq Etoiles, qui se présentent toutes deux comme des formations anti-establishment. Ce soutien résulte du rejet des partis traditionnels après des décennies d’attaques contre les conditions de vie des travailleurs et de la frustration croissante.

    Salvini de la Léga répond à ce mécontentement en le liant à la question de la migration. Il suggère que les nombreux problèmes auxquels la population est confrontée sont dus à l’arrivée de réfugiés plutôt qu’à l’avidité des capitalistes, dont la soif de bénéfices et de dividendes implique de s’en prendre aux conditions de vie des travailleurs et de leurs familles. Parallèlement, l’extrême droite et les populistes tels que ceux du Mouvement Cinq Etoiles tentent de se présenter comme des opposants à l’austérité. Des mesures sociales ont été promises, mais leur introduction a immédiatement été mise en veilleuse une fois au pouvoir.

    Le soutien dont disposent des forces telles que la Lega et le Mouvement Cinq Etoiles ne provient pas uniquement du rejet des partis établis, il découle également de l’absence d’une alternative sérieuse de gauche. Le virage à droite et la bourgeoisification de la social-démocratie ont causé de sérieux problèmes à cette dernière sur presque tout le continent, et les forces de gauche n’ont pas encore fait leurs preuves ou ne sont pas encore suffisamment conséquentes pour être considérées comme des alternatives sérieuses. Cela a permis à la Léga et au Mouvement Cinq Etoiles de se présenter comme des forces de changement.

    C’est aussi, soit dit en passant, sur cette base que certains politiciens bien établis ont pu remonter dans les sondages et remporter des élections. Macron en France ou Kurz en Autriche se sont présentés comme de nouveaux visages qui apporteraient de réels changements. L’effondrement rapide du soutien pour Macron – qui est déjà en concurrence avec Hollande en termes d’impopularité – est une réponse aux promesses de changement non-tenues ainsi qu’à ses mesures néolibérales particulièrement impopulaires. La France a connu d’importantes grèves et manifestations de masse ces derniers mois. En Autriche aussi, une première grande manifestation a eu lieu contre le gouvernement formé par les conservateurs (ÖVP) et l’extrême droite (FPÖ), principalement suite contre la mesure visant à porter la durée maximale de travail à 12 heures par jour.

    La seule façon pour les forces populistes et d’extrême droite de ne pas être immédiatement sanctionnées pour ne pas avoir rompu avec la politique d’austérité est de jouer la carte du racisme et de la migration. Des boucs émissaires sont recherchés et cela a un impact sur la population, principalement en raison de l’absence d’une réponse collective suffisamment forte de la part des syndicats et de la gauche. Cette situation, combinée à l’impact réel de la baisse des conditions de niveau de vie pour de larges couches de la population, créée des ouvertures pour les préjugés racistes.

    Le nouveau gouvernement italien est très instable et ne peut tenir ses promesses. Mais son existence donne confiance à l’extrême droite et les faits de violence raciste augmentent. Les socialistes révolutionnaires doivent défendre les couches les plus faibles de la société dans le cadre d’une lutte commune de toute la classe des travailleurs contre la politique d’austérité et contre la division encouragée pour nous affaiblir.

    Il semble que le gouvernement italien essaiera de placer son action dans les limites permises par l’UE, même si cela signifie de reporter ses promesses électorales. Avec la dette publique la plus élevée de l’UE et la troisième plus élevée au monde, la marge de manoeuvre est très limitée. C’est déjà le cas dans une période de reprise limitée, que cela pourra-t-il donner en cas de nouvelle récession ? L’économie italienne est dix fois plus importante que celle de Grèce. Le départ de l’Italie de la zone euro et de l’UE est encore moins évident à gérer que dans le cas de la Grèce. L’UE va donc faire tout ce qui est en son pouvoir pour garder l’Italie à bord et pour établir une relation de travail avec le gouvernement italien. La seule question est de savoir si cela sera possible, surtout dans l’éventualité d’un nouveau ralentissement économique.

    De crise en crise

    La récession précédente n’a été “résolue” que par des mesures de relance massives et la croissance limitée de ces dernières années s’appuie fortement sur celles-ci. Cela conduit à une forte augmentation du niveau d’endettement, qui est encore gérable pour l’instant en raison d’un taux d’intérêt bas. Mais cela signifie aussi que le matelas disponible pour absorber un prochain choc économique est beaucoup plus limité. Cela aura inévitablement des conséquences politiques. Un ancien dirigeant du FMI a ainsi publiquement déclaré qu’une autre crise pourrait être fatale pour l’UE.

    La croissance économique en Europe ralentit actuellement et plusieurs facteurs pourraient encore aggraver ce ralentissement. Il y a les conséquences des droits de douane à l’importation et du protectionnisme lancé par Trump, il y a le déclin de l’assouplissement quantitatif, les conséquences du Brexit, etc. Le ministre français des finances a expliqué que le status quo n’est plus possible et qu’il faut faire quelque chose pour absorber de nouveaux chocs économiques. Sans toutefois proposer quoi que ce soit à cet effet.

    La lutte collective et sa traduction politique

    Les conséquences de la politique d’austérité conduisent non seulement à l’affaiblissement des parti établis, mais aussi à des conflits. En France, les deux partis traditionnels ont été durement frappés lors des dernières élections et, dans le cas du PS, c’était un véritable uppercut. Macron et son parti La République En Marche l’ont remplacé. Cependant, il est déjà clair pour une grande partie de la population française que Macron est le président des riches. Il mène une politique à la Thatcher et se rend compte que c’est une course contre la montre pour mettre en œuvre le plus grand nombre possible de mesures.

    Il s’agit notamment de renforcer les moyens répressifs pour réduire la contestation au silence, mais aussi de privatisations et d’autres attaques contre les travailleurs. Cela entraîne des conflits sociaux et des actions, à l’image de la longue grève des chemins de fer français et les diverses manifestations contre l’austérité. Mélenchon est considéré comme la figure la plus importante de l’opposition à Macron. La France Insoumise, bien sûr, a des limites, mais il prend des initiatives pour unir et renforcer l’opposition à la politique de Macron dans la rue.

    Ces derniers mois, le centre de gravité des luttes collectives et des mouvements de protestation en Europe a peut-être été l’Espagne. Il n’y a pas seulement eu l’impressionnante grève féministe du 8 mars, à laquelle six millions de femmes et d’hommes ont pris part, ou les manifestations contre les peines très légères infligées aux violeurs de “La Meute”, il y a aussi eu des actions majeures de la part des retraités, entre autres. Il y a bien entendu également eu le mouvement phénoménal en Catalogne, dont il est question plus en détail plus loin dans ce rapport. On estime que 10 millions de personnes ont participé à des manifestations l’année dernière dans l’Etat espagnol, soit un adulte sur quatre ! L’establishment a dû en tenir compte : le gouvernement du PP s’est heurté à une motion de défiance qui a pu être remportée grâce aux pressions exercées sur les petits partenaires, comme les nationalistes basques. Cela ouvre la perspective d’un gouvernement social-démocrate du PSOE soutenu par la gauche radicale (Podemos et IU), suivant le modèle du gouvernement portugais.

    D’importants mouvements sociaux ont également eu lieu ailleurs. En Irlande, il y a eu la campagne en faveur de l’avortement et son remarquable résultat, deux tiers des participants se prononçant en faveur de la levée de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement. Les jeunes ont pris les devants : 90 % des jeunes femmes sont allées voter, le nombre de jeunes femmes inscrites pour pouvoir voter a augmenté de 94 % par rapport aux dernières élections législatives irlandaises. Cela a été remarqué chez les personnes âgées, beaucoup d’entre elles prenant position en faveur de la levée de l’interdiction de l’avortement parce que c’est ce que la jeunesse désirait et qu’il s’agit de son avenir.

    Dans divers exemples de mouvements et de luttes, il est frappant de constater que la direction syndicale ne joue pas un rôle fondamental et n’est parfois même pas présente du tout. Là où les dirigeants syndicaux organisent la résistance, c’est souvent avec un manque de stratégie quant à la manière de construire le mouvement et certainement quant à la perspective d’une alternative politique contre les partis de l’austérité.

    Les nouvelles forces de gauche

    Non seulement les populistes de droite et l’extrême droite sont à la hausse, mais de nouvelles forces de gauche sont également à la hausse. Il ne s’agit souvent pas de véritables partis, mais plutôt de réseaux sans véritable structuration organisés via Internet (comme Podemos ou la France Insoumise, dans une certaine mesure). La question est de savoir si ces nouvelles forces de gauche pourront se développer de manière stable. Elles ne disposent pas d’un moyen évident pour impliquer une large base active dans la prise de décision et la mobilisation. Leur croissance électorale conduit à l’espoir de rompre avec la politique d’austérité dans la pratique également. Cela exige un programme et une perspective appropriés pour faire face au capitalisme. Le réformisme de gauche ne suffit pas, comme le montre douloureusement l’exemple grec de Syriza.

    Dans une situation complexe, il existe de nombreux obstacles et questions difficiles pour ces forces de gauche, comme le thème de la migration ou celui de la question nationale. L’espoir de changement fait pression sur la formation de coalitions avec les partis établis, y compris la social-démocratie, pour stopper l’austérité. Il est logique qu’une voie facile soit d’abord recherchée, mais cela n’enlève rien au fait que la confrontation avec le capitalisme doit être envisagée et préparée. Cela signifie de placer sa confiance dans la capacité de la classe ouvrière à s’organiser et à se battre. Le changement est forcé par une lutte de masse et non par des manœuvres parlementaires. Mais la pression pour un changement rapide doit être prise en compte. En ce sens, il était juste que le Bloc de gauche portugais et le Parti communiste portugais tolèrent un gouvernement minoritaire de la social-démocratie (un modèle maintenant également suivi en Espagne), mais cela doit s’accompagner d’une position indépendante visant à mobiliser et à impliquer des couches plus larges. Sinon, la gauche radicale risque de perdre ses plumes au profit de la social-démocratie. C’était déjà le cas lors des dernières élections locales au Portugal et c’est également possible en Espagne.

    Beaucoup d’espoir se concentrent sur Corbyn au Royaume Uni. Les élections locales de mai ont toutefois constitué un sérieux avertissement : le soutien aux travaillistes n’a pas été aussi fort que prévu, en partie parce que le parti poursuit une politique d’austérité au niveau local. De plus, Corbyn semble reculer rapidement dans chaque attaque, y compris dans la campagne qui vise à l’accuser d’antisémitisme en assimilant toute critique du régime réactionnaire israélien à l’antisémitisme. Les Tories de Theresa May sont particulièrement divisés autour, entre autres, du Brexit, ce qui permettrait de renverser ce gouvernement profondément affaiblit. De nouvelles élections législatives seraient l’occasion de revenir à une mobilisation plus large en faveur d’un programme offensif contre la politique antisociale. Un mouvement de masse pourrait pousser un gouvernement Corbyn plus à gauche que ce que les partisans de Corbyn ont l’intention de faire. Cependant, sans approche offensive, il est possible que le gouvernement reste en place et que le feuilleton du Brexit dure longtemps et soit confus. Cette humiliation du capitalisme britannique est l’expression de la position plus faible de l’impérialisme britannique et de ses dirigeants politiques.

    L’Europe de l’Est

    Dans les Balkans, ainsi qu’en Europe centrale et orientale, il existe des processus très contradictoires. En Pologne, par exemple, le parti au pouvoir, le PIS, poursuit une politique de répression autoritaire (avec notamment un contrôle accru du pouvoir judiciaire, la possibilité renforcée de réprimer la contestation, etc.) associée à un nationalisme fort (en Roumanie, c’est aussi le cas : la propagande anti-roumaine a été rendue punissable par le gouvernement social-démocrate). Dans le même temps, cependant, des mesures sociales ont été adoptées : des allocations familiales à partir du deuxième enfant (de 120 euros par mois), une réduction de l’âge de la retraite, une augmentation du salaire minimum, etc. (Concernant la situation en Pologne, nous publierons une interview plus tard). Nous assistons à des choses similaires dans d’autres pays d’Europe de l’Est.

    La croissance économique limitée et les tentatives des capitalistes locaux de s’approprier une plus grande part de l’économie conduisent à cette politique. Les gouvernements ne défendent pas les intérêts de la population ordinaire, mais ceux des capitalistes locaux. La rhétorique nationaliste et les éléments autoritaires conduisent à une croissance de l’extrême droite, y compris pour les groupes violents. C’est un danger pour tout le mouvement ouvrier. Dans le même temps, cependant, il y a des exemples de luttes, et même des mouvements sociaux assez importants, comme pour le droit à l’avortement ou pour des salaires plus élevés en Pologne, ou encore contre la corruption en Roumanie. La gauche peut s’appuyer sur ces points concrets.

    La migration et le mouvement ouvrier

    Le mouvement ouvrier et les nouvelles forces de gauche se heurtent à diverses complications. La migration est sans aucun doute l’une des plus importantes. Bien que le nombre de réfugiés ait fortement diminué depuis 2015, la migration a été utilisée pour mener une politique de bouc émissaire. Le Premier ministre Kurz a annoncé que ce serait le thème central de la présidence autrichienne de l’UE. En Allemagne, le gouvernement est sous la pression des populistes de droite de l’AfD.

    Tous les partis établis s’entendent sur le projet de l’Europe-Forteresse, mais ils ne s’entendent pas sur les quotas et la répartition des réfugiés. La répression s’intensifie : l’Italie refuse l’entrée aux bateaux de réfugiés, la Hongrie érige en infraction pénale le fait d’aider les réfugiés (même pour les avocats), l’Autriche a annoncé une surveillance plus stricte de sa frontière avec l’Allemagne, Macron critique Salvini mais augmente la surveillance aux frontières françaises.

    Des couches larges de la population sont favorables à l’adoption de législations plus strictes. Ce n’est pas tant sur base du racisme, même s’il existe, mais sur base des craintes ressenties au sujet de ce que le tissu social est capable de supporter dans la société. Cette peur ne peut être surmontée que par une lutte cohérente et collective de la part du mouvement ouvrier contre la politique d’austérité qui mine ce tissu social. Une attitude défensive qui épouse la logique de l’establishment capitaliste ne répond pas aux raisons pour lesquelles les gens fuient et constitue un obstacle à une lutte commune contre les causes des déficits sociaux. Sur une base capitaliste, il n’y a pas de solution à apporter à la question de la migration. Tant que ce système vivra, la situation pourrait même empirer. La question du changement social et d’une société socialiste doit être soulevée. C’est la seule façon de créer un monde où chacun pourra vivre et voyager comme il l’entend, sans risque de pauvreté, de persécution ou de guerre.

    Le mouvement ouvrier et la question nationale

    Un système en crise rend toutes les contradictions existantes plus prononcées. La question nationale en fait partie. Lors de l’école d’été du CIO, de nombreux exemples en ont été donnés : le mouvement en Catalogne, la situation en Irlande du Nord, l’appel à un deuxième référendum sur l’indépendance en Écosse, le débat sur le nom de Macédoine, la division à Chypre, etc. Plusieurs orateurs ont souligné que les marxistes sont en faveur du droit à l’autodétermination, mais que cela est directement lié à la nécessité d’un programme socialiste.

    Nous devons nous montrer flexibles dans notre tactique, mais déterminés dans notre programme. Des situations différentes exigent des approches différentes et une évaluation constante. Bien sûr, nous avons soutenu le droit du peuple catalan à un référendum sur l’indépendance contre la répression du gouvernement à Madrid. Cependant, un référendum en Irlande du Nord sur la frontière nord-sud dans le contexte du Brexit serait une toute autre affaire : cela ne ferait que renforcer dangereusement les divisions sectaires avec la possibilité d’un retour à la violence. Autour de la discussion sur le nom de Macédoine, nous avons défendu l’idée qu’il serait préférable d’adopter un nom tel que Macédoine du Nord pour la région de l’ancienne République yougoslave de Macédoine qui représente 38% du territoire total de l’ancienne Macédoine (52% se trouve en Grèce et 10% en Bulgarie).

    Malheureusement, il y a de la confusion parmi beaucoup de gens à gauche au sujet de la question nationale. Parfois, le besoin d’unité des travailleurs est invoqué pour nier le droit à l’autodétermination, alors que la reconnaissance de ce droit à l’autodétermination est précisément une condition préalable pour obtenir cette unité dans le respect de l’individualité de chacun et sur une base d’égalité. Les erreurs commises par Podemos et Izquierda Unida autour du mouvement catalan, en mettant l’opposition de masse en Catalogne sur un pied d’égalité avec la répression franquiste du gouvernement PP, sont en train de les exclure du mouvement. L’échec des travaillistes à soutenir le référendum sur l’indépendance en Écosse a conduit le parti à obtenir un score inférieur à celui des Conservateurs en Écosse, malgré la reprise limitée due à l’effet Corbyn.

    Lénine a fait remarquer un jour que ceux qui ne reconnaissent pas les droits des minorités et l’oppression nationale ne sont pas marxistes et ne sont même pas démocrates. La question nationale est un test important pour le programme et la méthode de toutes les organisations de gauche. Sans la reconnaissance du droit à l’autodétermination, les bolchéviks n’auraient pas pu réaliser la Révolution d’Octobre 1917. La question nationale gagnera en importance en période de crise du capitalisme. Elle peut constituer un levier dans la lutte contre l’austérité, l’oppression et le capitalisme.

    Construire l’alternative socialiste

    Dès 1938, dans le “Programme de transition”, Léon Trotski écrivait que la crise de l’humanité peut se résumer à la crise de la direction du mouvement ouvrier. Les nouvelles forces de gauche n’existent pas encore en tant qu’alternative, ce qui laisse de l’espace à de nombreuses forces pour marquer des points électoralement. Dans le même temps, cependant, nous devons reconnaître la position politique affaiblie de la bourgeoisie : nulle part il n’y a de gouvernement stable et cela avant cela que les forces de gauche ne représentent un défi important.

    Le rapport de force de la classe ouvrière est potentiellement bien meilleur qu’il n’y paraît à première vue. Avec de puissants partis des travailleurs, la situation pourrait être très différente et changerait énormément la conscience des masses. Il existe un fossé entre la maturité de la situation objective et l’immaturité des organisations de travailleurs. C’était déjà un thème du “Programme de transition” en 1938, mais cela est beaucoup plus prononcé aujourd’hui. Nous devons être proactifs dans la présentation de nos réponses et permettre aux nouvelles générations, qui commencent à entrer en lutte comme avec le référendum irlandais sur l’avortement, de prendre en compte les idées du socialisme.

  • Unification du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et d’Izquierda Revolucionaria

    Vous trouverez ci-dessous le document publique qui explique les raisons de la fusion de nos deux organisations qui a été votée lors d’une session extraordinaire de congrès mondial à l’occasion de l’école d’été du CIO qui s’est tenue à Barcelone en juillet.

    1. Le présent document tente de développer les grandes lignes de la base politique d’un processus d’une grande importance, tant pour nos organisations que pour la lutte pour construire et développer les idées du marxisme à travers le monde : l’unification d’Izquierda Revolucionaria (IR) et du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO).

    2. La discussion et l’approbation de ce document aussi bien dans les structures démocratiques de nos organisations qu’à la réunion d’unification prévue en juillet seront une étape décisive de notre unification. Cela se traduira par l’intégration des organisations d’IR dans l’État espagnol, le Mexique et le Venezuela au sein du CIO et ses structures en tant que sections nationales. Cela comprendra également la fusion d’IR et des organisations du CIO au Venezuela et dans l’État espagnol.

    UNE NOUVELLE PERIODE POUR LA LUTTE DE CLASSE À TRAVERS LE MONDE

    3. Cette unification historique a une base matérielle claire : le profond changement survenu dans la lutte des classes au niveau international suite à la crise capitaliste mondiale commencée en 2008. Loin d’avoir été résolue, cette crise fait encore rage aujourd’hui, elle s’approfondit et devient plus aiguë à chaque changement de la situation mondiale. Ces périodes de brusque changement et d’agitation se reflètent aussi invariablement dans l’évolution du mouvement ouvrier et de la gauche, y compris révolutionnaire, avec en conséquence des scissions, des réalignements et des fusions, à mesure que sont mises à l’épreuve les idées, les organisations et les tendances. Notre compréhension commune de cette nouvelle période et des réponses à apporter, de même que notre accord sur la méthode pour y intervenir et sur les tâches essentielles que cette période pose à la classe des travailleurs et au marxisme, constituent la base de notre unification.

    4. La crise que traverse le capitalisme mondial est profonde et insoluble. Aucune des tentatives des classes dirigeantes du monde pour y faire face n’ont apporté de « solution » ou rétabli l’équilibre perdu du système, elles ont au contraire nourri le potentiel de nouvelles crises et conflits. Le pessimisme et l’appréhension des stratèges du capitalisme mondial en sont une réflexion. Un thème constant de cette nouvelle période est le manque de « légitimité » du capitalisme : dans le domaine économique, dans les relations mondiales, sur la question de l’environnement, le changement climatique. Cela a été socialement et politiquement reflété dans la conscience de millions de personnes. Par-dessus tout, au sein de la classe dirigeante, il existe une crainte réelle, quoique largement inexprimée, que les échecs évidents du capitalisme signifient que nous vivons « au bord du volcan », de bouleversements de masse et même de changements révolutionnaires.

    5. La crise a complètement perturbé l’équilibre interne qui avait vu le jour durant la brève et relative stabilité qui dominait depuis l’effondrement du stalinisme. Cela est illustré par les crises politiques à travers le monde, qui sapent la stabilité des systèmes bipartisans de l’après-guerre dans les « démocraties » occidentales et de toutes les nuances de gouvernement dans le monde néocolonial. L’élection de Donald Trump, contre la volonté de la majorité de la classe capitaliste, et le défi de Bernie Sanders pour l’investiture démocrate sont des exemples de cette crise politique organique dans la plus grande puissance impérialiste du monde. En Europe, les systèmes à deux partis sont minés, ce qui reflète une énorme polarisation politique et sociale. Cela se reflète à droite avec des mini-Trumps, comme Marine Le Pen et compagnie. À gauche, cela se traduit par l’émergence de nouveaux partis et formations de gauche comme Podemos, le Bloc de gauche, la « France Insoumise » et précédemment SYRIZA, qui a maintenant viré à droite, ce qui souligne ce processus.

    6. Dans les relations mondiales, cela se manifeste par la fin du monde « unipolaire » qui avait suivi le dégel de la guerre froide et l’effondrement du stalinisme. L’avènement d’un monde « multipolaire » plus instable dans lequel les USA ont perdu du terrain en faveur de la puissance économique chinoise émergente et, dans une moindre mesure, du militarisme russe, donne une image du nouvel équilibre mondial des forces. Tous les blocs et alignements internationaux bourgeois préexistants – l’Union européenne n’étant pas le moindre – ont été testés et sapés à mesure que le capitalisme a échoué à restaurer un équilibre stable dans les relations mondiales, perdu avec cette crise.

    7. La crise économique mondiale de surproduction, caractérisée par une crise de l’investissement et un manque chronique de demande dans l’économie, n’est pas plus près d’être résolue qu’au moment de son déclenchement. Toutes les tentatives du capitalisme mondial pour corriger les problèmes fondamentaux ont lamentablement échoué. Les milliers de milliards de dollars injectés dans l’économie sous la forme « d’assouplissement quantitatif » n’ont nulle part approché les résultats escomptés en ressuscitant l’investissement ou la demande. Loin de représenter un nouveau moteur pour la croissance mondiale, comme espéré par de nombreux commentateurs bourgeois, la dernière phase de la crise a vu les soi-disant économies « émergentes » – avec la Chine à leur tête – plonger dans le tourbillon de la crise mondiale. La grève mondiale de l’investissement du Capital montre clairement l’obstacle que constitue la propriété privée de la richesse et des moyens de production, ainsi que l’État-nation, au développement de l’économie mondiale.

    DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS POUR LE MARXISME RÉVOLUTIONNAIRE

    8. La crise a déjà donné lieu à des changements profonds dans l’attitude et les perspectives de toutes les classes, plus significativement au sein de la classe des travailleurs, la jeunesse et les peuples opprimés à travers le monde. Les marxistes avaient prédit au début de la crise qu’elle marquerait le début d’une période de révolution et de contre-révolution, ce qui a constitué la teneur des événements depuis lors. Des bouleversements révolutionnaires du « printemps arabe » en 2011 aux mouvements de masse contre l’austérité et la troïka en Europe et à la rébellion sociale actuelle contre le « trumpisme » dans les centres urbains des États-Unis, la période a été marquée par l’entrée de plus en plus croissante des masses sur la scène de l’histoire.

    9. Cela a été accompagné par une polarisation dans la société avec un décalage vers la gauche dans la conscience politique et, en raison de la faillite du réformisme et des partis bourgeois traditionnels, par une croissance électorale de l’extrême droite. Le développement de nouveaux partis et formations de gauche dans de nombreux pays, comme Podemos, la « France Insoumise » et le Bloc de gauche, et des mouvements de masse de gauche autour de Bernie Sanders et de Jeremy Corbyn, sont de puissantes expressions de cela, bien que complexes et inachevées. Les sondages d’opinion à travers le monde illustrent la désillusion de masse que suscite le capitalisme, en tant que système, de même que la recherche croissante d’une alternative, avec un intérêt et un soutien grandissants pour l’idée du socialisme, en particulier aux États-Unis à ce stade.

    10. Ces nouvelles formations de gauche et mouvements sont contradictoires et instables, ce qui reflète la nature de la période qui leur a donné naissance. Ils seront soumis à des transformations rapides et passeront à travers des crises, des rebondissements, des virages et des scissions. Les tentatives visant à remettre au goût du jour les idées réformistes «social-démocrates» défendues par les dirigeants des formations réformistes du passé sont condamnés à l’échec dans cette période où la marge qu’a capitalisme pour faire des « réformes » est infiniment plus restreinte comparé aux décennies passées. Le rôle des marxistes est d’intervenir avec énergie dans ces processus, tout en défendant en même temps audacieusement et ouvertement un programme de lutte de classe socialiste. Alors que nous construisons notre propre organisation révolutionnaire, nous travaillons pour assister le développement de ces formations vers de nouveaux partis de masse de la classe des travailleurs armés d’une alternative révolutionnaire au capitalisme.

    11. A la suite d’une période historique de retraite généralisée pour les forces du mouvement des travailleurs et du marxisme révolutionnaire à travers le monde, cette nouvelle période représente une étape charnière. Une nouvelle ère de possibilités s’est ouverte pour le changement révolutionnaire. Les sections du CIO aux USA et en Irlande ont déjà joué des rôles dirigeants dans des mouvements de masse de la classe des travailleurs dans lesquels ils ont remporté d’importantes victoires (la taxe sur l’eau en Irlande et 15 $ NOW aux États-Unis), alors que les camarades d’Izquierda Revolucionaria, dans la direction du Sindicato de Estudiantes (SE), ont mené une bataille victorieuse contre les « revalidas » dans l’État espagnol qui a consolidé SE comme point référence combatif dans la lutte contre l’austérité.

    12. Ces victoires montrent notre capacité à nous engager avec les masses et, dans des circonstances, à devenir un facteur réel dans la situation, ce qui distingue nos organisations des autres organisations marxistes. Cela n’est encore toutefois qu’un aperçu de ce qui est à venir si nous maintenons l’approche, la méthode et le programme corrects. Dans la période à venir, la direction des mouvements de masse liée à une lutte pour la transformation sociale sera à portée de main pour les marxistes révolutionnaires. Notre unification renforce notre capacité à nous dédier à cette tâche et sert d’exemple à d’autres révolutionnaires avec qui nous pouvons participer à cette tâche dans la période à venir.

    13. L’unification entre le CIO et IR fait suite à une période de séparation de plus de vingt ans, suite à une scission qui a eu lieu dans le CIO en 1992. Une partie significative de cette scission était enracinée dans la situation mondiale à la suite de l’effondrement des anciens régimes staliniens en URSS et en Europe de l’Est. Les dirigeants de ce qui était alors la minorité du CIO ont initialement défendu que la majorité de la direction britannique et du Secrétariat international était une « clique » qui recourait à des « méthodes administratives » « bureaucratiques ». Ces allégations ont été rejetées après une discussion et un débat approfondis par la majorité écrasante du CIO. En réalité, les attaques personnalisées (contre le « Taaffisme ») par la direction de la minorité, qui étaient répétaient comme une incantation, étaient imprégnées d’une méthode bureaucratique et stalinienne. Derrière se trouvaient des différences politiques fondamentales : sur la nature de la période et les perspectives pour la restauration du capitalisme en URSS, dans le bloc de l’Est et en Chine, sur nos tactiques et notre approche politique de la social-démocratie et de la construction des partis révolutionnaires, sur l’approche de la question nationale et sur la construction d’une direction collective, basée sur des méthodes démocratiques, à l’opposé d’une approche personnalisée avec l’obsession du prestige.

    14. La minorité, qui a ensuite fondé la TMI, n’était pas prête à reconnaître ou à s’accommoder avec la nouvelle situation mondiale, née de l’effondrement des anciens régimes staliniens. Cela a eu une conséquence profonde sur l’accélération du processus de bourgeoisification et de droitisation des partis de masse traditionnels de la classe des travailleurs, en particulier les formations sociales-démocrates, mais aussi dans des formations avec des origines staliniennes : le parti travailliste, le PS français, le PSOE, le PD italien, etc., etc. Ce fut un phénomène généralisé faisant écho à des changements profonds dans la situation. Cela a aussi eu un impact sur la conscience de la classe des travailleurs, en portant un coup à l’idée du socialisme comme alternative viable au capitalisme et en ouvrant la voie à toutes sortes d’idées réactionnaires et confuses, beaucoup d’entre elles à caractère petit-bourgeois.

    15. Cette période historique pose de nouvelles tâches et défis pour la classe des travailleurs et pour les marxistes, dont le CIO. La minorité qui est devenue la TMI n’a pas réussi à faire face aux changements dramatiques dans la situation mondiale et a à plusieurs reprises refusé de reconnaître ses erreurs. Ils n’ont non seulement pas compris ce qui se passait en URSS, mais ont refusé jusqu’en 1997-1998 de même accepter que la restauration capitaliste avait eu lieu. Ils n’ont jamais eu le courage de reconnaître ces erreurs, s’inscrivant dans la méthode marxiste afin de former une nouvelle génération de cadres.

    16. Ces erreurs ont été répétées sur de nombreux terrains, comme la répétition de vieilles formules sur « l’entrisme » à un moment où les conditions n’existaient pas pour le travail au sein des formations social-démocrates bourgeoisifiées, et où les possibilités s’ouvraient pour un travail indépendant. Tous les documents de la majorité et de la minorité dans ces débats sont disponibles sur le site marxist.net. Ces documents n’ont cependant jamais été mis à disposition des membres de la base de la section espagnole du CIO de l’époque, une indication des méthodes bureaucratiques utilisées par ce qui est devenu la TMI.

    17. En 2009, la section espagnole de la TMI, de même que la majorité des sections du Venezuela et du Mexique, ont fait scission sur une base politique principielle. Les raisons de cette scission sont, en substance, les raisons de la scission du CIO en 1992 :

    18. Différences fondamentales sur la nature de la période ouverte par la crise capitaliste en 2008 et l’intervention dans la lutte des classes. La direction de la TMI a minimisé les dimensions de la crise et de ses conséquences sociales, politiques et militaires. En utilisant une méthode totalement mécanique, elle a affirmé qu’une forte reprise de la lutte des classes était impossible jusqu’à ce qu’il y ait un nouveau boom économique. Cette position erronée avait de nombreuses implications pratiques. Les sections espagnole, vénézuélienne et mexicaine ont théoriquement contesté cette position et ont refusé d’adopter une approche « contemplative » face aux événements. L’intervention énergique dans les premières batailles de classe de la crise dans l’État espagnol, en particulier dans les grèves générales appelées par les syndicats nationalistes du pays basque, ont servi de base pour un grand choc avec le secrétariat international de la TMI. La section espagnole a soutenu les grèves, a mobilisé tout son soutien dans le mouvement ouvrier et a défendu un programme internationaliste socialiste. La direction de la TMI a refusé de soutenir ces grèves et a accusé la section espagnole d’être à la remorque du nationalisme basque petit-bourgeois.

    19. Différences de principe sur la stratégie pour la construction d’un parti révolutionnaire. La direction de la TMI ne pouvait que répéter des formules sans vie sur le travail dans les organisations de masse et l’entrisme. Elle n’a jamais reconnu ses erreurs sur cette question. Le développement politique et la croissance de l’influence de la section espagnole, qui avait mené un travail indépendant durant des décennies, en sont venus à être considérés comme une menace pour la politique opportuniste et le prestige de la direction de la TMI. Des affrontements constants eurent lieu au cours de nombre d’années : au sujet de ses méthodes bureaucratiques et opportunistes au Venezuela, de l’absence totale de débats sur diverses questions arbitrairement arrêtées par le secrétariat international, le manque de démocratie interne et de discussions et la dissimulation systématique des difficultés et des problèmes pour la base, un mode de fonctionnement basé sur une attitude paternaliste à l’égard des membres. Ces confrontations ont conduit la direction de la section espagnole à être accusée de « gauchisme et de Taaffisme » et « d’abandonner le travail dans les organisations de masse » par le secrétariat international de la TMI. En pratique, ils ont exigé la dissolution du Sindicato de Estudiantes pour que tout le travail soit orienté vers Izquierda Unida à un moment où la formation était totalement vide.

    20. Différences sur la question nationale. La TMI a défendu le droit à l’autodétermination sur le papier mais, en pratique, a démontré un mépris complet pour les mouvements de masse en Catalogne et au Pays basque pour des aspirations démocratiques et nationales. Elle a refusé d’intervenir dans ce mouvement en défense d’un programme marxiste.

    21. Lutte contre un régime interne bureaucratique. Cette expérience a conduit la section espagnole à la conclusion suivante : la direction de la TMI a été organisée autour de la défense d’un culte de la personnalité et du prestige autour de son dirigeant principal, avec un régime interne non-démocratique et des attitudes staliniennes. Ce régime a conduit à un grave mépris pour la construction de l’organisation parmi les travailleurs et la jeunesse.

    22. La section espagnole, et la majorité des sections du Venezuela et du Mexique, à la suite de cette expérience, ont discuté d’un profond bilan théorique et politique. Les conclusions de ce processus établies en tant qu’organisation indépendante, Izquierda Revolucionaria, ainsi que ses interventions pratiques et sa meilleure connaissance de la façon de s’orienter vers le mouvement réel des travailleurs et des jeunes, ont servi à poser les bases de cette unification.

    POURQUOI NOUS UNIFIONS-NOUS ET DANS QUEL BUT ?

    23. Notre unification est ancrée dans un large accord sur les perspectives pour le capitalisme mondial et les tâches qui en émergent pour les marxistes. Cependant, elle se reflète dans beaucoup plus que cela. Notre expérience mutuelle de discussion et de lutte côte-à-côte a révélé un accord non seulement dans les idées et les perspectives, mais aussi dans la stratégie, la tactique, le programme et l’orientation. Comme Lénine le disait, sans idées révolutionnaires, il n’y a pas de mouvement révolutionnaire. De même, les idées et la théorie sans pratiques ne sont qu’aveugles.

    24. L’examen de nos idées et activités respectives, ainsi que la riche expérience, bien qu’encore brève, de notre travail commun, ont confirmé la base de l’unification dans laquelle nous nous engageons avec enthousiasme et détermination.

    25. Notre tâche est de construire un puissant facteur subjectif, une force marxiste de masse et une direction révolutionnaire pour les batailles de classe de masse à venir, dont l’absence a déjà été fatale à tant d’opportunités révolutionnaires. Cent ans après l’immortelle Révolution russe, l’exemple du Parti bolchevique – ses perspectives théorique clairvoyante, sa lutte obstinée pour plus de clarification idéologique, sa souplesse dans la tactique et sa décision dans l’action – reste un guide pour notre une organisation unifiée.

    26. Notre internationale révolutionnaire et ses sections ont une orientation claire pour intervenir dans les luttes de masse, les syndicats et les organisations politiques de la classe des travailleurs. Nous maintenons également le principe de l’indépendance politique et organisationnelle du parti révolutionnaire, contre les tendances et les pressions liquidatrices qui cherchent à effacer le rôle d’un parti révolutionnaire. L’organisation révolutionnaire représente la mémoire de la classe des travailleurs et la continuité de sa lutte révolutionnaire contre le capitalisme. La flexibilité dans la tactique, conjuguée à une politique de principe et une fermeté sur le programme, est la marque de nos racines et méthodes politiques communes. En même temps, nous défendons l’existence d’un parti révolutionnaire distinct, comme une colonne vertébrale – une partie intégrante et essentielle – du mouvement de masse des travailleurs et des jeunes.

    27. Nous nous tenons sur la base programmatique du socialisme révolutionnaire. Celui des principaux documents des quatre premiers congrès de la Troisième Internationale, auxquels s’ajoutent ceux de l’opposition de gauche dans la lutte contre le stalinisme, le Programme de transition et la méthode de transition ainsi que les idées du socialisme scientifique de Marx, Engels, Lénine et Trotsky. L’axe de ce programme reste de viser la fin du capitalisme et du régime bourgeois pour qu’ils soient remplacés par un gouvernement des travailleurs reposant sur la propriété publique des moyens de production et du secteur financier sous contrôle démocratique de la classe des travailleurs. Nous défendons l’économie planifiée à l’échelle mondiale et l’élaboration d’une planification socialiste démocratique mondiale de la production, comme clé de la résolution des problèmes les plus urgents à surmonter pour l’Humanité : la crise, la pauvreté, la faim, la guerre et toutes les formes d’oppression.

    28. Les marxistes se battent pour occuper la ligne de front dans la lutte contre toutes les formes d’oppression, en unissant la classe ouvrière et tous les opprimés dans une perspective de changement socialiste. Nous nous opposons à l’oppression nationale sous toutes ses formes, et défendons résolument le droit à l’autodétermination – jusqu’à et y compris le droit à l’indépendance – des nations opprimées. En même temps, nous défendons l’unité maximale dans la lutte politique de la classe des travailleurs au-delà des frontières nationales. Seule la classe des travailleurs et les opprimés – armés d’un programme et d’une perspective socialiste internationaliste – peuvent mener une lutte conséquente pour la libération nationale et en finir avec toutes les autres formes d’oppression. Nous opposons à la rhétorique « d’unité nationale » de la classe capitaliste l’unité internationaliste de la classe ouvrière contre les capitalistes de toutes les nations dans le combat pour les droits nationaux et démocratiques dans le cadre de la lutte pour le socialisme. Nous rejetons toute approche schématique unilatérale envers cette question fondamentale pour les marxistes, et comprenons que la nature multiple de la question nationale et de la conscience exige une approche flexible et l’étude scrupuleuse de chaque cas et conjoncture.

    29. La lutte pour la libération des femmes et contre les attaques sur les gains durement acquis des femmes de la classe ouvrière ces dernières décennies a été l’une des expressions les plus puissantes de la lutte des classes dans la dernière période. Nous défendons un féminisme socialiste et de classe, qui utilise la force du mouvement ouvrier, le seul capable de lutter contre ce système dans lequel la misogynie et le sexisme sont si profondément ancrés. Notre travail dans le mouvement de masse des femmes s’est développé en combattant le féminisme bourgeois et petit-bourgeois inefficace et stérile. Les marxistes luttent pour la direction du mouvement contre l’oppression des femmes, le racisme et en défense des droits LGBTQ.

    30. Pour toute organisation marxiste vivante engagée avec la classe ouvrière et la jeunesse, des discussions, des débats et des désaccords fraternels, même des scissions, sont nécessaires et inévitables. Une période tumultueuse entraîne inévitablement toutes sortes de pressions – opportunistes, d’ultra-gauche ou autres – exercées sur les révolutionnaires, aucun parti ou direction n’est à l’abri. L’organisation de débats ouverts, patients et démocratiques sur les désaccords d’ordre politique est fondamentale dans nos méthodes communes. Des périodes comme celle-ci ne sont pas seulement des périodes d’unité et de fusions, mais aussi de débat fraternels desquels les révolutionnaires n’ont pas à se dérober ou se cacher.

    31. Le Comité pour une Internationale Ouvrière, en collaboration avec ses nouveaux camarades d’IR, est une force marxiste internationale, avec une base réelle parmi les travailleurs et les jeunes dans un certain nombre de pays clés. Cependant, nous ne cherchons pas à nous proclamer comme « l’Internationale » révolutionnaire de masse de la classe des travailleurs. Notre objectif est de jouer un rôle clé, en tant que force centrale dans la construction d’une telle internationale, au côté de beaucoup d’autres qui sont actuellement en dehors de nos rangs. Nous appelons tous les révolutionnaires qui prennent au sérieux la nécessité d’une unité de principe sur base du marxisme à participer aux discussions et au débat sur la meilleure façon de construire une internationale capable de diriger la révolution mondiale à venir.

  • La plus grande école d’été organisée par le CIO culmine dans un congrès d’unification

    «Ce fut la plus grande école que le Comité pour une Internationale Ouvrière a jamais organisée», a déclaré Peter Taaffe, membre du Secrétariat international du CIO, au côté de Juan Ignacio Ramos, secrétaire général d’Izquierda Revolucionaria dans l’Etat espagnol, lors de l’ouverture du congrès spécial d’unification qui a clôturé cette semaine historique pour le CIO et Izquierda Revolucionaria. En plus du nombre de participants, le niveau politique des discussions et l’atmosphère électrique présente durant toute la semaine ont été des éléments marquants de cet événement majeur.

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    Plus de 400 socialistes révolutionnaires issus de 31 pays ont fréquenté cette école d’été, ce qui a dans certains cas illustré les progrès engrangés par le CIO au cours de la période récente. Une grande et dynamique délégation de Socialist Alternative est ainsi venue des États-Unis pour témoigner de l’impressionnante croissance rencontrée par cette organisation ces dernières années sur base du succès de la lutte pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans un certain nombre de villes-clés du pays ainsi que sur base de l’élection puis de la réélection historiques de Kshama Sawant au Conseil de la ville de Seattle.

    La semaine a commencé par une discussion en plénière portant sur la situation en Europe, introduite par Peter Taaffe et conclue par Tony Saunois. Les thèmes qui y ont été développés – la nature non résolue et structurelle de la crise actuelle du capitalisme, la croissance de nouvelles formations de gauche de masse dans un certain nombre de pays clés, l’importance d’une direction socialiste reposant sur des principes fermes tant concernant la lutte dans les communautés que sur les lieux de travail contre l’austérité et pour défendre une alternative marxiste face aux dirigeants réformistes des mouvements de masse des travailleurs et des jeunes – ont été au centre de toutes les discussions tenues au cours de la semaine.

    Divers exemples ont illustré la manière dont le CIO et Izquierda Revolucionaria abordent les mouvements de masse autour de nouvelles formations de gauche ou de nouvelles figures de premier plan (du PSOL au Brésil à Jeremy Corbyn) en Grande-Bretagne, dans l’État espagnol, en Allemagne, au Brésil, en France et ailleurs. Notre approche unique – qui combine un engagement positif pour construire ces mouvements en de puissants partis de masse de la classe des travailleurs à une critique honnête des limites du réformisme et à la défense d’un programme socialiste et internationaliste – a permis à nos forces de devenir des facteurs de plus en plus importants au sein et autour de ces développements.

    Les camarades d’Afrique du Sud, de Grèce et d’autres pays ont expliqué comment, même en l’absence de telles forces de masse à ce stade, les marxistes peuvent jouer un rôle de premier plan dans des tentatives visant à rassembler des forces issues du mouvement social dans la perspective de construire des alternatives politiques de masse, un processus qui peut connaître une croissance et un développement rapides.

    Des séances plénières ont également été consacrées aux perspectives mondiales (introduites par Hannah Sell et conclues par Robert Bechert), au féminisme socialiste (introduite et conclue par Judy Beishon) ainsi qu’à la construction du CIO. Plus de 20 commissions ont d’autre part été organisées tout au long de la semaine afin d’examiner plus en profondeur diverses questions politiques et théoriques de même que les aspects spécifiques du travail du CIO dans divers pays et régions.

    Construire une direction révolutionnaire pour obtenir des victoires

    Cette rencontre internationale a immédiatement eu lieu après l’acquittement des accusés de Jobstown en Irlande, parmi lesquels Paul Murphy et deux autres membres de la section irlandaise du CIO. Cette campagne, pour laquelle le CIO a mobilisé un soutien international, a constitué une grande victoire. Parallèlement au rôle dirigeant joué par nos camarades du Socialist Party dans la lutte de masse qui a pris place en Irlande contre la taxe sur l’eau imposée par la troïka, qui a vu un boycott de masse conduire à la suspension de celle-ci, cette victoire souligne l’importance d’une direction socialiste inébranlable pour arracher des victoires.

    On peut en dire autant au sujet des victoires obtenues aux États-Unis sous la direction de Socialist Alternative. En 2013, l’élection de Kshama Sawant au Conseil de ville de Seattle comme première représentante publique ouvertement socialiste dans une ville de telle ampleur depuis 100 ans a fermement placé le CIO sur la carte dans « l’Antre de la bête ». Le rôle dirigeant joué par Socialist Alternative a assuré que Seattle devienne la première grande ville à imposer un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, ce qui a propulsé un mouvement de masse à l’échelle de tout le pays en faveur de cette revendication. Tout juste avant le début de cette école d’été, Minneapolis est devenue la dernière ville majeure en date à imposer les 15 $, une fois encore sous l’impulsion de Socialist Alternative. Notre camarade Ginger Jentzen y est candidate pour les élections de novembre prochain. Parallèlement à l’exemple de nos camarades irlandais, celui de Socialist Alternative aux États-Unis illustre comment utiliser des positions élues dans les institutions capitalistes, sans subordonner ou abandonner la lutte dans la rue et sur les lieux de travail, mais au contraire pour renforcer leur poids.

    La direction offerte par les membres d’Izquierda Revolucionaria au Sindicato de Estudiantes (Syndicat étudiant) – au travers de mobilisations de masse et de grèves générales étudiantes – a également joué un rôle fondamental dans la récente défaite des examens de «revalidation» d’inspiration franquiste que voulaient instaurer le gouvernement du parti Populaire (PP).

    Ces victoires et ces luttes de masse contrastent fortement avec la politique de démobilisation et de collaboration de classe mise en œuvre par la majorité des principaux dirigeants syndicaux dans le monde. Les discussions qui ont pris place à cette école d’été de même que l’unification historique avec IR sont des étapes importantes dans la construction du CIO en prévision des titanesques batailles de classe à venir à l’échelle internationale.

    L’énergie, la confiance et l’enthousiasme qui se sont répercutés sur les rangs du CIO à la suite de ces victoires et de l’unification historique de nos forces avec Izquierda Revolucionaria dans l’Etat espagnol, au Mexique et au Venezuela ont donné le ton de ce formidable événement.

    Un meeting de 600 personnes à Barcelone en défense de la Révolution d’Octobre

    Au cours de l’école, qui a eu lieu dans la banlieue de Barcelone, le CIO et IR avaient également organisé un meeting public au centre de Barcelone pour célébrer le centenaire de la révolution socialiste d’Octobre 1917. Plus de 600 personnes ont assisté à l’événement dans la chaleur brûlante de Barcelone pour entendre Ana Garcia, Paul Murphy, Juan Ignacio Ramos, Peter Taaffe et Kshama Sawant (lire notre rapport).

    Unification – Renforcer nos rangs pour les combats à venir

    La participation des camarades d’IR a enrichi l’ensemble de cette école d’été grâce à leurs contributions sur l’Europe, la question nationale, le travail syndical et la jeunesse, la croissance des nouvelles formations de gauche, etc.

    Un congrès spécial d’unification a été organisé le dernier jour de l’école. Les délégués élus parmi les organes démocratiques des sections nationales du CIO et d’IR ont voté un document décrivant les bases politiques de l’unification et élu les nouveaux membres qui vont rejoindre le Comité exécutif international du CIO.

    Le congrès d’unification a été ouvert et conclu par Peter Taaffe et Juan Ignacio Ramos. De jeunes et moins jeunes camarades de l’État espagnol, du Mexique, du Venezuela, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de Grèce, de Belgique et des États-Unis ont pris la parole au cours de cette cession joyeuse mais très sérieuse. Après 25 ans de séparation, ce congrès n’a pas été fait de nostalgie sentimentale mais de force et de confiance pour l’avenir.

    Le «retour à la maison», tel que cela a été décrit à plusieurs reprises, d’IR au sein du CIO représente beaucoup plus que le redressement d’une erreur historique et beaucoup plus que l’ajout des centaines de membres d’IR aux rangs du CIO. Cela représente un renforcement qualitatif du CIO et de sa capacité à intervenir et à influencer les événements au cours de la prochaine période.

    Cette unification a été provoquée par la crise capitaliste, qui a testé toutes les tendances et les courants révolutionnaires à travers le monde. Au milieu des crises, des scissions et du pessimisme qui sont le lot de beaucoup d’autres formations de gauche, cette unification enthousiaste de nos forces sera remarquée par les travailleurs, les jeunes et les révolutionnaires à la recherche d’une alternative socialiste conséquente. Nous les invitons tous à nous contacter, à discuter discuter avec nous et se battre à nos côtés pour la construction d’un parti mondial de masse de la révolution socialiste.

  • Quelques vidéos de l’École d’Été du CIO

    Ces prochains jours, nous publierons sur ce site divers rapports qui aborderont des points spécifiques de la spectaculaire édition 2017 de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière. Il ne sera hélas pas possible de faire état de toutes les discussions qui y ont pris place. Au cours de cette rencontre, nos camarades du Socialist Party (section du CIO en Angleterre et au Pays de Galles) ont réalisé quelques interviews de divers camarades. Elle pourront vous donner une idée des discussions.

    Interview de Kshama Sawant et de Ginger Jentzen concernant la situation aux USA :

    Sebei au sujet de la situation en Afrique du Sud :

    Vlad, de notre nouvelle section roumaine, au sujet de la situation en Europe de l’Est :

    Bea Garcia, de l’Etat espagnol, au sujet de l’unification entre le CIO et Izquierda Revolucionaria:

    Paul Murphy au sujet des procès de Jobstown :

  • École d'été du CIO. Exemples historiques du potentiel de la lutte de masse

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    Mais atteindre la victoire nécessite une organisation et des tactiques adéquates

    L’école d’été annuelle de notre internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, (organisée par les Étudiants de Gauche Actifs / Actief Linkse Studenten) comprend à chacune de ses éditions un meeting central qui aide à souligner quelques lignes centrales dans la foule des thèmes abordés au cours de ces 6 jours de discussion. Cette année, beaucoup d’attention a été accordée à l’instabilité mondiale mais aussi à quelques événements historiques d’importances. Cette année est en effet le centenaire des «Pâques Sanglantes», le soulèvement de Dublin de 1916. Mais nous fêtons également les 80 ans des développements révolutionnaires survenus en Espagne mais aussi en France en 1936. Avec ce meeting, le CIO tenait à souligner l’importance pour les travailleurs de disposer d’une politique indépendante des partis bourgeois. Notre camarade Geert Cool nous livre un rapport de cette discussion.

    80 ans après la révolution espagnole

    La première oratrice était Viki, une camarade de notre section espagnole. Elle est revenue sur quelques grandes lignes de la situation révolutionnaire qu’a connue l’Espagne dans les années 1930, les années 1936 et 1937 en constituant le point culminant. En 1931, les anti-monarchistes avaient remporté les élections et obtenu l’abdication du roi. Mais le gouvernement républicain n’a pas répondu aux attentes concernant la réforme agraire et de meilleures conditions de vie. Cela a conduit à une lutte radicale, avec notamment la Commune Asturienne et des mouvements de grève qui ont secoué toute l’Espagne. En 1936, les élections apportent le Front populaire au pouvoir. Les masses n’attendent pas les décisions d’en haut pour obtenir des changements, les travailleurs et les pauvres s’y mettent eux-mêmes. C’est ainsi que des ouvriers se sont mis à occuper les usines. Quand il est devenu clair que le Front populaire refusait d’armer les ouvriers et les paysans pauvres contre la menace fasciste, ils se sont armés eux-mêmes.

    Le Front populaire était une initiative unitaire initiée par le sommet du Parti communiste, des sociaux-démocrates et de diverses forces libérales. Dans le cas de l’Espagne, ces dernières ne représentaient pas les «éléments progressistes» de la bourgeoisie, mais plutôt l’ombre de la bourgeoisie. Cette unité fut rendu possible par le tournant opéré par l’Internationale communiste stalinisée (la IIIe Internationale) qui avait mis fin à son cours ultra-gauche qui lui faisait s’opposer à tous les autres, y compris à la base de masse des partis sociaux-démocrates, pour adopter une approche contraire. Il fallait désormais rechercher l’unité avec les dirigeants non seulement de la social-démocratie, mais aussi avec toutes sortes de forces libérales. Selon le parti Communiste stalinisé, il s’agissait de la première phase de la lutte : tout d’abord vaincre le fascisme. Une deuxième phase de la lutte mettrait à l’ordre du jour la combat pour le socialisme. Cela a dans les faits signifié que le Front Populaire s’est retourné contre les aspirations révolutionnaires de la base de la société.

    La soulèvement de Franco et des fascistes contre les masses révolutionnaires a finalement pu l’emporter, mais il a fallu des années. Sans la lutte héroïque des travailleurs et leur soutien international, Franco aurait probablement immédiatement pris le pouvoir. Les travailleurs ont développé leurs propres milices et même organisé leurs propres soins de santé. Barcelone a été reprise en 24 heures par ces milices agissant comme une véritable armée de libération sociale, ce qui a conduit à une situation de double pouvoir. La classe ouvrière avait le potentiel d’étendre et de consolider cette prise de pouvoir, mais elle s’est heurtée aux autorités du Front Populaire qui voulaient rester dans les limites du capitalisme. À cette fin, le gouvernement a brisé les milices ouvrières et a repris le contrôle de certains endroits stratégiques contre les travailleurs. A ce titre, la conquête sanglante de la centrale téléphonique de Barcelone en mai 1937 a constitué un point tournant. La centrale était gérée par les travailleurs, sous une forte influence du syndicat anarchiste CNT.

    La situation est évidemment différente aujourd’hui. Mais nous devons tirer la leçon que les alliances et coalitions avec des partis capitalistes sont utilisés pour défendre les intérêts de la bourgeoisie et non pas ceux de la classe ouvrière. Des coalitions de forces de gauche avec des partis austéritaires pour au final appliquer elles-mêmes des économies budgétaires sont désastreuses pour les conditions de vie de la majorité de la population, et elles ne peuvent pas stopper l’extrême droite, au contraire. Mais il ressort de l’expérience espagnole de 1936 que la classe ouvrière dispose d’une puissance tout bonnement phénoménale. Pour peu qu’elle soit organisée et qu’elle développe sa propre alternative sur cette base, rien ne peut lui résister. Cela vaut toujours à l’époque actuelle.

    100 ans après les «Pâques Sanglantes»

    Le deuxième orateur était Paul Murphy, membre du Parlement irlandais et l’un des principaux dirigeants de la campagne contre la taxe sur l’eau. Des commentateurs de presse irlandais l’ont appelé le «Boris Johnson irlandais» à cause de son opposition à l’Europe du capital. La comparaison est bien entendu parfaitement erronée : il y a peu de choses en commun entre un populiste réactionnaire de Londres et un défenseur intransigeant des intérêts de la classe ouvrière.

    Le soulèvement irlandais de Pâques 1916 était une révolte contre l’impérialisme britannique. Mais selon le dirigeant socialiste James Connolly, il pouvait également mettre le feu à la mèche d’une révolte européenne contre la guerre pour renverser la classe dirigeante brutale. La justesse de cette perspective ne deviendra apparente qu’un an plus tard, lorsque la Révolution russe a conduit à une vague révolutionnaire dans toute l’Europe. En Irlande aussi le soutien fut énorme pour la Révolution russe, avec des réunions de masse, des occupations d’usines et une période révolutionnaire qui allait durer jusqu’en 1923.

    Malheureusement, le soulèvement de Pâques de 1916 était prématuré et la base sur laquelle il reposait trop limitée pour obtenir une victoire. Ses différents dirigeants ont été exécutés, parmi lesquels James Connolly. La classe ouvrière s’est donc retrouvée sans direction lors de la période révolutionnaire qui a suivi 1917. Connolly et ses associés étaient particulièrement impatients. Ils n’ont pas adopté de position politiquement indépendante de la classe ouvrière, mais ont au contraire soutenu une déclaration nationaliste bourgeoise. Connolly, qui était président du plus grand syndicat, n’a pas appelé à la grève générale parce qu’il savait qu’il serait isolé. Sa réaction peut se comprendre en raison du désespoir et de la désillusion consécutive à la trahison de la direction de la Deuxième Internationale qui avait décidé de rejoindre la barbarie de la guerre mondiale au lieu de s’y opposer.

    Cela confirme par la négative tout l’intérêt pour un parti révolutionnaire de disposer d’une direction collective ainsi que la nécessité de l’internationalisme révolutionnaire. Au sein de la Deuxième Internationale, Connolly se tenait aux côtés de Lénine & Co mais, après 1914, il n’a plus eu aucun lien avec ses alliés dans d’autres pays. Il appartenait toutefois à cette petite minorité de dirigeants de gauche qui ne se sont pas compromis dans la trahison et se sont opposés à la guerre, à l’instar d’autres dirigeants tels que Lénine, Trotsky, Luxembourg, Liebknecht et l’Ecossais John MacLean. Connolly s’était précédemment prononcé contre l’adhésion de socialistes à des gouvernements capitalistes. Lors du congrès de la IIe Internationale de 1900, une discussion avait éclaté au sujet de la participation des sociaux-démocrates français au gouvernement de 1898. Pour Kautsky, il s’agissait d’une question de tactique et non de principe. Connolly lui a répondu que les masses révolutionnaires ne devait pas accepter de «fonctions gouvernementales qu’ils n’avaient pas obtenues sur base de leurs propres forces.»

    Cette indépendance de la classe ouvrière est une question fondamentale pour la victoire des mouvements sociaux. C’est ce que nous avons encore pu constater dans le combat contre la taxe qui visait à en finir avec la gratuité de l’eau en Irlande. Tandis que d’autres ont recherché à conclure une unité par le sommet en essayant d’attirer des parties de l’establishment, nous avons défendu des méthodes radicales reposant sur la base en appelant à une campagne de non-paiement de la taxe dirigée par des activistes locaux. Avec actuellement 73% de la population ayant refusé de payer la dernière facture, il est clair que cet appel et l’organisation du boycott de masse a été d’une grande importance. La suspension de la taxe d’eau (survenue après la tenue des dernières élections anticipées) est une défaite majeure pour le gouvernement et une source de confiance pour la classe ouvrière. Cela instaure l’idée que des victoires sont possibles. Cela sera utile autour d’autres thèmes, comme au sujet du droit à l’avortement, toujours illégal en Irlande.

    Une commentateur bourgeois a écrit dans un journal à diffusion nationale qu’une «petite clique de trotskystes clique qui défend ouvertement le renversement du système politique réussit à déterminer l’agenda politique.» Pour la classe dirigeante, notre position est en effet effrayante. D’où la répression que subissent les militants qui s’opposent à la taxe sur l’eau. En avril prochain se déroulera un procès contre les activistes de Jobstown. Ces militants, parmi lesquels Paul Murphy lui-même et deux conseillers locaux de l’Anti-Austerity Alliance, sont accusés de «séquestration» par l’ancienne vice-Premier ministre Joan Burton dont la voiture a été bloquée pendant deux heures à cause d’une manifestation spontanée. Les arrestations, survenues un mois après notre victoire lors d’une élection parlementaire intérimaire, étaient une manière pour l’establishment d’envoyer un signal clair : «n’allez pas plus loin!» Le procès d’avril prochain prévoit des peines allant jusqu’à l’emprisonnement à vie ! Nous mènerons campagne avec acharnement, tant en Irlande qu’au niveau international, contre cette répression politique. Comme Connolly l’avait fait remarquer : «Nous devons mettre en garde la classe dirigeante: vous pouvez nous emprisonner ou nous assassiner. Mais à partir de prison ou du cimetière, nous continuerons à construire la force par laquelle vous serez assommés. »

    80 ans après la grève générale de 1936 en France

    En 1936, la France a été agitée, dans une période de révolution et de contre-révolution, comme l’a noté Leila, de la Gauche Révolutionnaire. France avait été plus tardivement affecté par la crise mais elle a connu une explosion du nombre de chômeurs. Jusqu’à un million de Français sont devenus sans emploi. Cela a conduit à de grandes marches de chômeurs.

    En février 1934, des milices fascistes ont tenté de prendre le pouvoir avec des groupes de droite. Ils ont marché sur le parlement. La journée fut marquée par des émeutes et des morts. Les contre-révolutionnaires ont éveillé le mouvement ouvrier et un mouvement antifasciste s’est développé. L’appel à une réponse forte contre la menace fasciste a été utilisé pour constituer un Front Populaire entre les dirigeants sociaux-démocrates et ceux du Parti communiste avec le Parti radical, un parti bourgeois.

    Le Front Populaire n’a pas cherché à renforcer la lutte révolutionnaire pour un autre système, l’objectif était de sauver le système capitaliste et l’Etat bourgeois. Pourtant, de nombreux travailleurs se sont sentis encouragés par le Front Populaire et par le gouvernement du Front Populaire. Plus d’actions contre les patrons ont eu lieu. En mai 1936, un grand mouvement de grève a commencé au Havre après le licenciement de deux travailleurs. Ce mouvement de grève a été caractérisé par des actions de masse, y compris à l’initiative de travailleurs peu rémunérés. Les serveurs des cafés se sont par exemples mis en grève.

    Le Premier ministre Léon Blum a reconnu que des concessions étaient nécessaires, d’autant plus que l’on craignait que la grève devienne un véritable mouvement révolutionnaire sur lequel les directions syndicales n’auraient plus de prise. L’élite dirigeante a pris peur parce qu’elle a pu voir de ses yeux la puissance du mouvement ouvrier. Les directions des partis communiste et sociaux-démocrates ont cherché à entraver la poursuite du mouvement à partir de leurs positions au gouvernement. Le Parti communiste a défendu que la révolution n’était pas à l’ordre du jour parce qu’il fallait tout d’abord combattre le fascisme.

    La menace de la révolution a conduit à des concessions importantes telles que les congés payés, la semaine de travail des 40 heures et la reconnaissance des droits syndicaux. Le mouvement fut également une source d’inspiration pour d’autres mouvements, y compris le mouvement de grève générale révolutionnaire en Belgique en mai-juin 1936. Bien plus était possible à obtenir à partir du mouvement de grèves de 1936, mais il aurait alors fallu une direction révolutionnaire capable de mener le combat pour arracher le pouvoir des mains de l’élite capitaliste.

    Apprendre des leçons du passé pour vaincre à l’avenir !

    Le meeting a été clôturé par Peter Taaffe, du Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière. Il a souligné l’importance d’étudier les mouvements du passé à tous les niveaux de notre organisation afin de renforcer le cadre de nos partis afin d’être en mesure de gagner la bataille. Dans une période turbulente telle qu’aujourd’hui, comme l’a encore illustré le coup d’Etat manqué en Turquie, d’autres développements sociaux importants ne sont pas inimaginables.

    Aujourd’hui, la conscience, y compris parmi l’avant-garde du mouvement ouvrier, a considérablement reculé par rapport aux années 1930. A ce moment-là, l’idée de former une coalition avec des partis bourgeois était immédiatement assimilée à une trahison. La situation est différente aujourd’hui. Beaucoup peuvent considérer qu’une telle coalition serait un pas en avant, un moyen d’instaurer des politiques progressistes au moins partiellement. Nous avons besoin de regarder ces expériences historiques dans leur contexte, mais aussi d’en tirer les leçons pour aujourd’hui.

    En France et en Espagne, nous avons vu en 1936 que les graines de la révolution étaient présentes. Trotsky avait fait remarqué qu’en Espagne il n’y avait pas eu une, mais au moins dix opportunités révolutionnaires. Ce potentiel n’a pas été exploité, à cause de la tactique du Front Populaire et d’autres facteurs. Selon Trotsky, le Front Populaire a agit comme un briseur de grève pour stopper la radicalisation du mouvement. Le caractère inachevé des révolutions de 1936 a fait dévier l’Histoire. Le massacre de la seconde guerre mondiale aurait pu être évité en cas de victoire de la révolution en France et en Espagne.

    Une des principales raisons de ce caractère inachevé a été l’imposition d’un Front Populaire par en haut. La prise du pouvoir par les nazis en Allemagne fut un choc pour le mouvement ouvrier et a conduit à une aspiration unitaire. Trotsky a réitéré son appel au front unique: marcher séparément, frapper ensemble. En d’autres termes : unité d’action, tout en maintenant ses propres programmes et propositions. Au lieu de cela, le Parti communiste a préconisé une caricature d’unité, y compris avec les radicaux français envers lesquels les masses n’avaient à juste titre aucune confiance.

    Les mouvements de 1936 ont été stimulés par le choc de l’arrivée au pouvoir du régime nazi en Allemagne, mais aussi par le contexte économique. Ainsi, les salaires des travailleurs français avaient diminué de 30% entre 1931 et 1936. En 1936, les partis du Front populaire recueillaient 5,5 millions de voix contre 4,5 millions pour la droite. Les radicaux avaient perdu un demi-million de voix, tandis que le Parti communiste avait doublé son résultat.

    Le mouvement de masse en France était énorme: 500.000 personnes avaient participé à un rassemblement pour commémorer la Commune de Paris. Le mouvement de grève de mai et juin a impliqué 3 millions de travailleurs, soit bien plus que le nombre de syndiqués. Le Premier ministre Léon Blum s’est retrouvé dans une position difficile. Il a fait remarqué qu’il craignait être dans la même position que Kerenski en Russie et que la situation conduirait à l’arrivée d’un Lénine français.

    Ce mouvement a eu un impact international, jusqu’en Allemagne. Tout d’abord, la presse allemande a parlé du «chaos» des grèves françaises. Mais quand les travailleurs ont commencé à prendre confiance et à se sentir enthousiasmés, toutes les nouvelles venues de France ont été censurées. Un mois plus tard à peine, la question du pouvoir était posée en Espagne. Une victoire dans ces deux pays aurait pu poser les bases d’une fédération socialiste, ce qui aurait eu un impact dans toute l’Europe et au-delà.

    Il était alors possible aux travailleurs de prendre le pouvoir de manière relativement pacifique. Si cela n’a pas été le cas, cela est dû à l’attitude de la direction du mouvement ouvrier. Le Parti communiste a fait remarquer qu’il «fallait savoir finir une grève», slogan qui sera répété par le PCF en 1968. Pourtant, des concessions importantes ont été arrachées, même si celles-ci ont été rapidement minées par l’inflation. En 1938, la social-démocratie a disparu du gouvernement.

    Les dirigeants du mouvement ouvrier ont à peine tiré les leçons de ces évènements. Au Chili, en 1973, les mêmes erreurs ont été répétées avec des conséquences sanglantes. Il est nécessaire d’être intransigeant en termes de coalitions et de refus d’appliquer la politique bourgeoise. Les coalitions avec les partis bourgeois sont similaires à la relation qu’un cavalier entretient avec son cheval, mais c’est la bourgeoisie qui est en selle et tient les rênes en mains. Mais il faut bien entendu toujours expliquer cette attitude de façon tactique. Il suffit de penser à la façon dont Lénine avait articulé ses slogans contre le gouvernement provisoire en Russie après février 1917: «A bas les 10 ministres capitalistes», plutôt que «A bas le gouvernement provisoire.»

    Dans la nouvelle période d’instabilité mondiale et de recherche d’alternatives qui nous fait face, le mouvement ouvrier a d’énormes défis à relever. Fort de l’expérience du passé récent et un peu plus lointain, nous pouvons relever ces défis et développer dans ce cadre des tactiques combatives ainsi qu’un programme avec lequel nous pouvons vaincre.

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