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  • 17 janvier 1961. Assassinat de Lumumba, héros de l’indépendance du Congo

    Assassiné pour maintenir la domination des puissances impérialistes

    [Une version raccourcie de cet article a été publié dans l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste.]

    Patrice Lumumba occupe une très grande place dans la conscience populaire au Congo. Son action et ce qu’il représentait perdure jusqu’à aujourd’hui dans la mémoire des masses. Mobutu, qui avait participé à son assassinat, avait même été obligé de l’ériger en « héros national » en 1966, son héritage retentissant encore dans tout le pays, mais aussi dans toute l’Afrique et dans le monde.

    Par Michel Munanga (Bruxelles)

    Le 17 janvier 1961, le héros de l’indépendance du Congo était assassiné. 60 ans plus tard, la commémoration du meurtre politique de Patrice Lumumba tombe dans un contexte de montée de la lutte antiraciste, devenue centrale aujourd’hui avec le retentissement mondial du mouvement Black Lives Matter aux USA, comme l’a exprimé la manifestation historique de 20.000 personnes à Bruxelles le 7 juin 2020. C’est aussi le contexte d’une remise en question plus généralisée de l’exploitation néocoloniale, avec les demandes de non-remboursement de la dette publique des pays africains, et de l’arrêt du pillage capitaliste et la restitution d’objets culturels et artistiques africains spoliés. La propagande coloniale est davantage contestée, avec le mouvement de déboulonnage des statues d’esclavagistes dans l’espace public aux USA, et aussi en Belgique avec les statues de Léopold II taguées et peinturées, voire déboulonnées, y compris même par les autorités, mises sous pression par le mouvement. Ce contexte a d’ailleurs poussé à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire et aux « regrets » exprimés par le roi Philippe concernant les crimes de l’époque coloniale.

    L’indépendance : “pas un cadeau, un droit”

    Lumumba était au départ issu des couches dans la population congolaise sur lesquelles se basait le colonisateur belge. Il faisait partie des africains que l’administration coloniale appelait les « évolués », un sorte « d’élite » qui recevait une éducation et se comportait davantage comme la population de la métropole coloniale. Comme beaucoup d’autres, partout sur le continent, Lumumba s’est radicalisé sur base du mouvement de masse qui contestait l’ordre colonial. Beaucoup de ces « relais » de l’administration coloniale ont été gagnés par les idées indépendantistes ; une adhésion à des idées qui dépassaient leurs intérêts propres immédiats. Il régnait sur le continent une ambiance idéologique, particulièrement dans ce milieu de personnes sensées relayer les injonctions coloniales, mais qui seront gagnées à des conclusions radicales pour le droit à l’autodétermination.

    En 1957, il fût à la base de la création du Mouvement national congolais (MNC), dont le but, comme d’autres partis, était de libérer le Congo de l’impérialisme et de la domination coloniale. Il se rendra à Accra au Ghana, à la Conférence des Peuples africains, où il rencontrera plusieurs leaders indépendantistes. Cela a contribué au développement de ses idées et à sa popularité.

    Sous pression de la mobilisation, des grèves, des manifestations et des luttes, au Congo-même, mais aussi ailleurs, aussi influencées par le panafricanisme qui gagnait en popularité, les autorités belges ont été obligées d’accepter l’indépendance du Congo. Et dans la lutte pour l’indépendance, Patrice Lumumba a compris la nécessité d’une organisation programmatique du peuple congolais autour d’un parti politique pour défendre les intérêts de la société congolaise.

    Le gouvernement belge s’engagea à organiser des élections, en espérant devancer la radicalisation de la population et légitimer leur mainmise. En mai 1960, le MNC remportait les premières élections législatives. Le parti a ensuite constitué une majorité et formé un gouvernement. Parmi les revendications de Lumumba, il y avait le refus de payer la dette coloniale que Léopold II a transféré à la Belgique.

    Les premiers jours de l’indépendance

    Il fût finalement convenu que le Congo obtiendrait son indépendance le 30 juin 1960, année durant laquelle 17 États africains gagneront leur souveraineté. Ce jour-là, le roi Baudouin fit un discours pro-colonial et le président Kasa-Vubu y répondit par un discours d’allégeance convenu. Le protocole ne prévoyait pas que le premier ministre prenne la parole. Mais, en réaction aux deux discours, Lumumba créa la surprise en s’imposant à l’agenda et en faisant un discours, hors du contrôle et du polissage, qui entra dans l’Histoire. Extrait :

    « Congolais et Congolaises, Combattants de la liberté aujourd’hui victorieux, je vous salue au nom du gouvernement congolais. (…) Cette indépendance du Congo, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle, nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable, pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. Ce fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste ; nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire, car nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des « nègres ». Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des paillottes croulantes pour les Noirs, Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’injustice, d’oppression et d’exploitation. Nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut : tout cela est désormais fini. (…) Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. (…) »

    Les autorités belges ont été surprises et contrariées par le discours de Lumumba, mais elles comptaient sur la mise sur pieds d’un parlement et d’institutions qui allaient lui rester favorables, qui répondent aux intérêts politiques et économiques de la classe dominante belge.

    Début juillet, le général Janssens, chef de la Force publique (la force militaire coloniale), a tenu à souligner : « avant l’indépendance = après l’indépendance ». Il voulait ainsi dire que même si l’indépendance politique avait dû être concédée suite aux luttes de masse, l’indépendance économique, c’est-à-dire le maintien des intérêts économiques d’une minorité sociale qui profitait de l’exploitation du Congo devrait rester dans les mains des capitalistes belges et de ses alliés.

    L’attitude de Janssens et d’autres cadres militaires ex-colons restées en poste provoqua une révolte dans la Force publique, portée par les soldats congolais pour s’opposer au fait que l’essentiel de cadres sont restés des ex-colons, conservateurs et loyaux envers la monarchie. Cela amènera le gouvernement de Lumumba à « africaniser » l’armée ; doter la force publique d’officiers congolais, même si des cadres ex-colons resteront en poste. Cette politique « d’africanisation » de la force publique va mener à ce qui sera appelé la « crise congolaise ».

    La première idée de s’en remettre à des institutions favorables à l’ex-métropole ne fonctionnera donc pas. La Belgique va compter sur son armée pour tenter contrôler le gouvernement de Lumumba. Les officiers belges de la force publique congolaise qui voulaient combattre l’africanisation de l’armée se sont retranchés dans la riche province du Katanga, où il y avait une forte emprise coloniale pour garder le contrôle sur les richesses autour de l’Union minière. Les autorités belges vont fomenter tout un tas de complots pour embraser le jeune Etat, avec des guerres de sécession et des coups d’État. Le Katanga fera d’ailleurs sécession en juillet, avec le soutien des Etats impérialistes alliés à l’OTAN.

    Le rôle des puissances impérialistes belge et américaine

    Cette période est à replacer dans un contexte international très particulier. C’est celui de l’affrontement entre les deux grands blocs idéologiques complètement opposés : le bloc impérialiste occidental pro-libre marché ; et le bloc « de l’Est » pro-économie planifiée autour de l’URSS, une caricature bureaucratique du communisme mais qui représentait tout de même une idéologie favorable aux intérêts des travailleurs, des opprimés et exploités.
    Comme le souligne le dossier « Congo : une histoire de pillage capitaliste » (1) publié sur socialisme.be : « Les Etats-Unis craignaient que Lumumba finisse comme Fidel Castro, que la révolution coloniale ne le fasse passer d’une position libérale à une position communiste. » Ensemble avec la défaite militaire belge, « l’africanisation de la Force Publique a desserré l’emprise de l’ancienne puissance coloniale, qui a conduit à la décision des puissances occidentales, de la Belgique, de la CIA, de l’ONU et de leurs complices à Léopoldville, au Kasaï et au Katanga de faire chuter Lumumba. »

    Lumumba constituait une menace pour les intérêts de l’ancienne élite coloniale ; il n’était pas contrôlable par les puissances impérialistes belge et étatsunienne. En septembre, celles-ci vont pousser le président Kasa-Vubu à destituer Lumumba et son gouvernement bien qu’il n’en avait pas constitutionnellement le pouvoir. Dans son droit, Lumumba y réagit en lui demandant de démissionner. Dans cette lutte, les puissances impérialistes vont pousser l’armée à prendre le pouvoir en soutenant le coup d’Etat du chef de l’Etat-major Mobutu, dix jours après l’éviction de Lumumba. Cela avait beau être illégal, l’absence d’organisation d’un rapport de force à la base dans la société pour empêcher un tel coup d’Etat, s’est avérée hélas fatale. La Constitution et les Lois ne sont indépassables que lorsqu’elles servent les intérêts de la classe dominante.

    Tant l’Etat belge que l’Etat américain ont œuvré pour avoir sous la main des pions comme Mobutu dans la région, pour agrandir leur sphère d’influence, particulièrement face aux Etats alliés à Moscou. Le Congo belge accédant à l’indépendance, il fallait coûte que coûte, pour la Belgique et les USA, que les autorités du nouvel Etat soient de leur côté. Au niveau national, la nouvelle élite noire opportuniste n’avait d’autres ambitions que de remplacer le blanc dans l’extorsion des richesses du peuple. Ce sont ces laquais de l’impérialisme qui ordonneront son assassinat, vendant l’indépendance contre un poste ministériel et une place dans un Conseil d’administration d’une multinationale belge ou américaine.

    La préparation de l’assassinat et la lutte des partisans de Lumumba

    Mobutu ferma le parlement et mit Lumumba sous résidence surveillée. Lumumba tentera de s’enfuir vers l’Est du pays, où ses partisans se mobilisent, mais il sera rattrapé par Mobutu qui l’enferma finalement dans un camp militaire en périphérie de la capitale.

    A la fin de l’année 1960, les partisans de Lumumba mèneront une riposte pour tenter de prendre le contrôle localement dans le pays, et des mouvements de colères se font entendre à Kinshasa. Comme le souligne Alain Mandiki dans son livre « 1994, génocide au Rwanda. Une analyse marxiste » : « À la fin des années ‘50, la plupart des combattants pour l’indépendance dans les pays colonisés sont gagnés par le nationalisme ; certaines couches de la petite-bourgeoisie sont touchées par les idées socialistes, mais sur base du modèle de l’Armée populaire de Mao. Le rôle dirigeant dans la révolution n’y est pas dévolu à la classe ouvrière et ses organisations indépendantes, mais bien à une couche supérieure de la société qui s’appuie sur une guérilla comprenant des éléments des couches paysannes pour prendre le pouvoir. » (2) Sur cette base, et avec un contexte national et international favorable, les partisans de Lumumba réussiront à prendre le contrôle d’un tiers du territoire congolais. Mais cette stratégie avait le désavantage que la contestation est essentiellement dirigée par des officiers et l’intelligentsia ; le rôle dirigeant du mouvement n’est malheureusement pas dévolu aux masses et à des organisations indépendantes, sur base d’une mobilisation systématique de l’ensemble de la société à travers des actions collectives de masse comme des manifestations et des grèves, ce qui aurait pu créer une situation permettant de remporter une victoire décisive.

    C’est dans ce contexte que, fin 1960, les autorités belges et étatsuniennes ont donné leur feu vert à l’assassinat de Lumumba. Il fut torturé et transporté au Katanga, où il fut abattu devant Moïse Tshombe, président de l’État du Katanga, et d’autres dirigeants. Les puissances impérialistes et leurs alliés locaux savaient que s’ils l’avaient laissé en vie, ils auraient fini par le libérer, sous pression de la grande popularité qu’il avait au Congo et mondialement.

    En 1999, Ludo De Witte publia un livre révélateur, « L’assassinat de Lumumba » (3), dans lequel il démontre la responsabilité de l’Etat belge dans cet évènement, ainsi que dans sa mise à l’écart politique, dans la disparition de son corps et dans la sécession du Katanga. Une pression fût mise pour la constitution d’une commission d’enquête parlementaire belge qui établira ces responsabilités en 2001. L’année suivante, le gouvernement belge reconnaitra une partie de la responsabilité des autorités belges de l’époque.

    Construire l’indépendance réelle

    Lumumba avait compris qu’il fallait s’organiser. Il a participé à la création du MNC, mais celui-ci n’a pas été développé comme un outil de lutte de masse pour les travailleurs, les paysans et les opprimés. Une organisation de classe indépendante eut été nécessaire. C’est l’une des faiblesses largement présente à travers le monde : le modèle alternatif qui était mis en avant, principalement par Moscou et Pékin, poussait à cette tendance de développer une idéologie surtout nationaliste : dans la lutte de libération nationale des pays colonisés, des organisations nationalistes étaient mises sur pieds, sans souligner l’importance de partis de classe, complètement indépendant de la classe dominante.

    Comme Lumumba a tenté de le faire, il était crucial d’essayer de mettre en place une politique socio-économique qui aille dans l’intérêt des travailleurs, paysans et opprimés, et d’appliquer des lois pour cela. Mais il était également crucial de se préparer contre les attaques des opposants, qui refusent bien sûr toujours une telle politique. Construire un rapport de forces favorable dans la société est d’une importance capitale : une base pour éviter la contre-révolution et se préparer contre la répression organisée par le camp opposé, une base pour l’action coordonnée sur laquelle s’appuyer afin de conquérir l’indépendance réelle.

    L’indépendance réelle et le bénéfice des richesses du pays pour le peuple ne pouvaient passer que par la prise en main de ces richesses par les masses elles-mêmes. Une prise en mains de l’Union minière par la population congolaise aurait pu signifier une orientation de ces richesses vers la satisfaction des besoins sociaux de la population.

    Lumumba un militant indépendantiste honnête, armé d’une ardente volonté d’indépendance et de liberté pour le peuple congolais. La lutte des classes et le contexte de l’époque l’ont poussé vers une compréhension et des prises de positions plus radicales. Ses actions et l’espoir qu’il suscitait ont poussé les puissances impérialistes à lui ôter la vie et tenter de briser l’espoir qu’il avait créé.

    Notes
    (1) Per-Ake Westerlund, Congo : une histoire de pillage capitaliste, article, 2013 – introduction par Eric Byl. (critique du livre de David Van Reybrouck : Congo. Une histoire, Actes Sud, 2012 – publié à l’origine en 2010). [https://fr.socialisme.be/55971/congo-une-histoire-de-pillage-capitaliste]
    (2) Alain Mandiki, 1994, génocide au Rwanda. Une analyse marxiste – Comment le capitalisme a engendré la barbarie dans la région des Grands Lacs, éditions marxisme.be, 2020, 64 pages.
    (3) Ludo De Witte, L’assassinat de Lumumba, Karthala Editions, 2000, 416 pages – publié à l’origine en 1999.

  • Les premiers pas du syndicalisme au Congo

    Il était une fois dans l’histoire de la lutte de classes

    Au cours des derniers mois, la presse a abondamment évoqué les atrocités commises au Congo lorsque ce territoire était la propriété personnelle du roi Léopold II. En particulier les mutilations (mains coupées) destinées à punir les Congolais n’ayant pas récolté leur quota de latex sur les arbres à caoutchouc. Une fois le Congo devenu belge (1908) la domination coloniale a reposé sur trois piliers : les entreprises d’exploitations agricoles et forestières, l’État colonial (administration, justice, armée) et les missions catholiques chargées de l’encadrement idéologique de la population. A partir des années 1940, un quatrième pilier consolidera l’ordre colonial : un syndicat vertical émanation du pouvoir.

    Par Guy Van Sinoy

    Le pouvoir colonial face aux luttes des travailleurs noirs

    Dès 1940 la pénurie de main-d’œuvre européenne et les besoins de la production de guerre ont favorisé parmi les employés européens de l’Union minière un mouvement de revendications et de grèves. Ces actions ont donné naissance à un syndicat composé exclusivement de Blancs : la CGS (Centrale Générale Syndicale). Les travailleurs Congolais ont, à leur tour, organisé des mouvements revendicatifs violemment réprimés : 60 morts à Lubumbashi(2) ! Face à cette poussée de luttes le pouvoir colonial décida de créer en 1946 des syndicats professionnels pour les travailleurs noirs. Mais pas question de syndicats libres ! Car la décision de créer un syndicat et de l’organiser dépendait du Gouverneur colonial. De plus les syndicats mixtes, réunissant les Blancs et les Noirs, étaient interdits.

    La FGTB refusa de cautionner un tel « syndicalisme » qui était en fait un instrument du pouvoir.. Elle tenta de collaborer avec la CGS mais celle-ci, tout en avançant un programme revendicatif, refusait d’affilier les travailleurs noirs. La CSC, par contre, accepta de patronner dès 1947 les syndicats créés par l’autorité coloniale tout en déclarant vouloir « collaborer » avec les missions, le pouvoir colonial et les patrons « sociaux ».

    Malgré l’absence de libertés syndicales, les travailleurs noirs réussirent à constituer, dans les années 1950, quelques organisations syndicales légales purement congolaises. Notamment l’APIC (Association du Personnel Indigène de la Colonie) qui tint son premier congrès en 1957. Plusieurs cadres politiques importants du mouvement national congolais ont fait leurs premières armes au sein de l’APIC : Patrice Lumumba, Pierre Mulele, Cyrille Adoula. En 1957 trois courants se partageaient le syndicalisme au Congo : l’UTC (Union des Travailleurs Chrétiens) soutenue par la CSC, la FGTK (Fédération des Travailleurs du Kongo) soutenue par la FGTB, et l’APIC

    Après l’indépendance

    Pendant les cinq années après l’indépendance de 1960, le mouvement syndical a pris son essor. L’année 1962 a connu une vague de grèves bien que les trois syndicats agissaient en ordre dispersé : grève à la Poste et aux Télécommunications (APIC), grève des banques (FGTK), grève générale lancée par l’UTC. Aux élections sociales de 1964-1965 les Comités d’Entreprise ont été investis par des militants nationalistes qui s’opposent aux directions étrangères. L’UTC était largement majoritaire (2/3 des voix), la CISL (qui regroupait l’APIC, la SNTC et un syndicat d’enseignants) représentait ± 20 % des voix, la FGTK moins de 10 % des voix.

    Après le coup d’État du 24 novembre 1965, le colonel Mobutu déclara la guerre au mouvement syndical. Les dirigeants furent arrêtés, les biens des syndicats confisqués, les journaux d’information syndicale interdits. Mobutu décréta que le rôle du syndicat était d’appuyer la politique du gouvernement…

    Ce bref article puise ses sources dans le dossier rédigé par Paul Doyen Contribution à l’histoire du syndicalisme au Congo-Zaïre, édité en 1982 par le Comité Patrice Lumumba.

    1) Soit un nombre de tués plus élevé que le nombre d’ouvriers tués en Belgique par les forces de répression au cours des 19e et 20e siècle !

  • Léopold II tombe de son piédestal

    Faut-il déboulonner les statues de Léopold II ? Que retient-on du règne de Léopold II et doit-on lui rendre hommage? Comment Léopold II a-t-il géré l’État indépendant du Congo ? Comment l’État belge s’est-il comporté en tant qu’État colonisateur ? Ces questions et tout un tas d’autres ont fait irruption dans le débat public suite aux actions de solidarité contre le racisme et la violence policière.

    Par Alain (Namur)

    L’enjeu politique de l’histoire

    La discussion sur les statues de Léopold II a révélé que le débat public sur l’histoire de la colonisation est loin d’être tranché en Belgique. Certains tentent de limiter la question à la sauvegarde et à la protection du patrimoine. D’autres veulent préserver ces statues comme témoignages de notre identité « belge ». D’autres encore veulent les contextualiser pour qu’elles fassent œuvre d’éducation historique.

    Alors que différentes associations (1) appellent depuis des années à une réévaluation du discours d’État sur la colonisation, il a fallu un contexte mondial de mobilisations contre le racisme et la violence policière pour ouvrir ce débat. Ce n’est pas un hasard, car la colonisation a toujours utilisé les clichés et préjugés racistes pour pouvoir se justifier. À cette occasion, il est apparu aux yeux de tous que la propagande coloniale est encore présente. Ceci n’est pas étonnant, la société dont on raconte l’histoire est traversée par des forces sociales antagonistes. L’étude de l’histoire éclaire le passé mais la manière dont celle-ci est racontée a beaucoup à voir avec le présent.

    L’historien américain Howard Zinn mettait en avant que « tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs ». C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la résurgence de la « propagande coloniale ». Comme par le passé, elle vise à masquer sous les draps de l’honorable cause de la « mission civilisatrice » des meurtres de masses et sévices commis dans un but d’enrichissement personnel. Le prince Laurent a fait une sortie dans la presse pour nier les atrocités commises par Léopold II (2). L’écrivain Pierre Vidal Naquet parlait « d’assassins de la mémoire » pour qualifier les négationnistes. Des déclarations comme celle du Prince Laurent sont réalisées au mépris de la vérité historique établie scientifiquement (3). Ce genre de déclarations a bien peu à voir avec la recherche de la vérité et par contre tout à voir avec la défense de son intérêt personnel et de celui de sa classe sociale.

    L’histoire vue par les chasseurs

    La révolution de 1830 est le moment fondateur de l’État belge. C’est pourtant un événement dont le déroulement n’est pas largement connu. Si à l’époque on avait demandé les causes et les objectifs de la révolution à Guillaume d’Orange Nassau, roi des Provinces-Unies ; au Major Vander Smissen de la garde bourgeoise ; à un ouvrier ou à un paysan du nouvel État, les réponses auraient été fort dissemblables. Cela ne veut pas dire que la réalité se situe quelque part au milieu de tout ça, ou alors que toute réalité est relative. Cela signifie que les forces sociales à l’œuvre dans une révolution n’apparaissent pas à leur acteurs de manière consciente immédiatement. Pour faire apparaître ces forces, il faut analyser en profondeur les développements historiques. La révolution belge de 1830 fut un soulèvement populaire qui a été récupéré par une classe sociale, la bourgeoisie.

    Au lieu du suffrage universel, exigé par les masses révolutionnaires et considéré comme le moyen d’aboutir à une amélioration de leurs conditions de vie, nous avons alors hérité du suffrage censitaire et d’une monarchie constitutionnelle. Ce résultat est né de l’affrontement des différentes forces sociales en Belgique mais aussi des rapports de forces internationaux. C’est ainsi que Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld est arrivé sur le trône de Belgique, sous le nom de Léopold Ier. Cela aurait pu être la Grèce, ce fut la Belgique. En 1869, Karl Marx décrivait la Belgique comme un « paradis pour les capitalistes ». Il soulignait la violence avec laquelle les luttes ouvrières étaient réprimées dans le sang au bénéfice des capitalistes (4). Certains traits liés à la fondation de la Belgique sont similaires à la manière dont Léopold II a pu acquérir une part du « gâteau africain ».

    Léopold II et le partage du « gâteau africain »

    À partir des années 1870, Léopold II était à la recherche d’une colonie. Dès le départ, il ne s’agissait pas de trouver un peuple à civiliser ou des esclaves à affranchir. Il s’agissait de répondre directement à la nécessité capitaliste. Les forces productives étaient trop à l’étroit dans les frontières nationales. Elles avaient besoin de terre et de nouvelles forces de travail pour que le capital continue de circuler. C’est dans ce sens que Léopold tenta de racheter des zones aux grandes puissances impérialistes. Il investit dans le chemin de fer en Chine, il tenta de racheter les Philippines à l’Empire espagnol, mais sur ce terrain, la concurrence avec les grandes puissances était trop forte et personne ne voulait vendre. Il lui a donc fallu se rabattre sur l’Afrique, le seul continent qui n’était pas encore entièrement réparti entre les puissances impérialistes.

    La bourgeoisie belge est une bourgeoisie paresseuse et peu aventureuse. Lors de la révolution belge, elle avait tenté de maintenir le régime Orangiste pour ne pas perdre le marché des colonies néerlandaises. C’est le risque de perdre le contrôle sur le processus révolutionnaire qui l’a conduit à en prendre la tête et à revendiquer l’indépendance. Ces traits de caractères vont se retrouver lors de la guerre de conquête coloniale. De 1874 à 1895, le roi Léopold II a investi toute la fortune léguée par son père pour établir une monarchie absolue dans l’État Indépendant du Congo (EIC), une dictature personnelle. Lors de la conférence de Berlin de 1885, Léopold II a joué sur les antagonismes entre les grands puissances pour s’assurer le contrôle de l’ensemble du territoire que constituait l’EIC. À la conférence, il exhiba plus de 500 traités de cessions de terres signés avec les chefs locaux. En fait, ceux qui refusaient de signer étaient détruits militairement et la plupart de ceux qui signaient ne comprenait pas que le fait d’apposer une croix sur ce document était un acte de cession de propriété. De par ce biais, il s’est approprié un immense territoire, le domaine de la couronne. Alors qu’auparavant les villageois quittaient leurs terres une fois que celles-ci étaient épuisées, les terres dites « vacantes » appropriés par Léopold II ont créé une tension sur la question agraire qui a posé la base pour des luttes entre communautés. Ce processus est une formidable démonstration que les riches accumulent des richesses en dépossédant les plus pauvres et, ce faisant, ils créent des problèmes sociaux et environnementaux.

    Pour mettre en valeur son investissement, il a fallu développer le chemin de fer. Afin de limiter les dépenses en capital, c’est du travail humain forcé qui a été utilisé dans le cadre des corvées et des impôts en nature dus à l’État. Les habitants étaient interdits de quitter leurs villages afin que les hommes de main de Léopold II aient toujours de la main d’œuvre disponible. Une véritable économie de rapine s’est mise en place. Il ne s’agissait ni de hasard ni de méchanceté de la part de l’un ou l’autre administrateur du roi. Il s’agissait d’un système étudié pour être le plus rentable possible, un système qui a occasionné des massacres de masses et une dépopulation de 1 à 5 millions de personnes selon les estimations des historiens.

    Le Roi savait, tout le monde savait !

    Ces atrocités ont soulevé une campagne internationale. La « propagande coloniale » parle de la ‘campagne anglaise’ car elle était portée par des personnalités comme l’anglais Edmund Moreel, Joseph Conrad ou l’écrivain américain Mark Twain. C’est la preuve qu’à l’époque non seulement le Roi mais tous les politiciens et bourgeois savaient. Il y a eu aussi une commission d’enquête qui a recueilli des témoignages de locaux ayant décrit les sévices réalisés par les troupes de Léopold II. Suite à cela, celui-ci a brûlé plusieurs archives et antidaté des documents afin qu’on ne puisse pas mettre au clair sa comptabilité et remonter jusqu’à lui. Dans une lettre du 3 juin 1906, Léopold II déclarait : « mes droits sur le Congo sont sans partages : ils sont le produit de mes peines et de mes dépenses ». Pour diverses raisons, l’État belge reprendra à son compte la gestion de la colonie en 1908.

    À côté de cette campagne, il y a eu des campagnes menées par le mouvement ouvrier. Emile Vandervelde, un libéral-radical passé au Parti ouvrier belge (POB) à sa fondation a écrit plusieurs ouvrages sur les crimes de la colonisation capitaliste. Une fois élu, il a fait plusieurs interpellations (1895-1900-1903-1905) au parlement suite aux luttes qui ont brisé le suffrage censitaire et obtenu le suffrage universel tempéré par le vote plural.

    Malheureusement, l’orientation parlementariste de la direction du POB a amené cette dernière à uniquement orienter la critique sur le terrain parlementaire au lieu de la faire vivre dans la rue et parmi les masses dans le cadre de la revendication du suffrage universel et de la grève générale. Imaginons la force qui se serait dégagée du mouvement si la direction du POB avait appelé la classe ouvrière belge, qui combattait pour ses droits démocratiques économiques et sociaux, à se solidariser à la lutte des peuples colonisés pour leurs droits ! Mais il n’en fut rien et les appels d’Emile Vandervelde se sont limités à la couche progressiste du Parti Catholique et du Parti Libéral. Il a même été plus loin lors de la Première Guerre mondiale en acceptant d’être ministre d’État d’un gouvernement qui avait repris la gestion de la colonie depuis 1908.

    C’est avec la montée en puissance de l’industrie automobile et la découverte du caoutchouc produit par l’hévéa que l’EIC a commencé à être rentable pour le roi. C’est à ce moment-là aussi que la bourgeoisie belge a commencé à investir de manière massive dans la région avec des sociétés comme l’Union Minière ou la Société Générale. Avec l’argent dégagé, Léopold II n’a pas investi pour développer les infrastructures du Congo, mais pour lancer une politique de grands travaux afin de s’assurer, à lui et à sa classe, une base sociale en Belgique.

    L’histoire racontée par les lapins

    Si Léopold II avait une qualité, c’est d’être l’un des meilleurs défenseurs de sa classe sociale, la bourgeoisie belge. Afin de fournir à lui-même et au capital belge ensuite un débouché pour les forces productives, il a dû avancer masqué afin de se frayer un passage entre les grandes puissances. C’est cela qui explique tout le discours sur la lutte contre l’esclavage arabe. Pour justifier moralement sa quête d’enrichissement personnel, il a dû se draper dans la toge d’un roi humanitaire alors que c’était un dictateur de la pire espèce. C’est la lutte de masse du mouvement ouvrier qui l’a empêché lui et la bourgeoisie de se conduire de la même manière en Belgique. Il leur fallait aussi dépeindre le colonisé comme un sauvage à civiliser pour justifier la guerre de conquête. Ce sont ces préjugés qui ont été recyclés une fois que l’État belge a repris la gestion du Congo.

    Dans le débat actuel, certains tentent de préserver l’institution monarchique à nouveau mise à mal (5). Léopold Ier a hérité de la Belgique malgré lui, comme résultat du rapport de forces entre grandes puissances ; Léopold III a dû abdiquer suite à la lutte de masse de 1950 à cause de sa collaboration avec le Reich allemand ; Baudouin a démontré qu’il était l’ennemi des droits des femmes et sa glorification a été mise à mal à cause de sa participation à l’assassinat de Lumumba et de l’amitié de son couple avec le dictateur espagnol Franco. L’autorité d’Albert II a été minée par la non-reconnaissance de sa fille. Les affaires des Saxe-Cobourg Gotha suintent la puanteur par tous leurs pores.

    Rendre hommage à Léopold II ou à ‘‘l’œuvre coloniale’’ ne signifie pas de rendre hommage à notre histoire, uniquement à une partie de celle-ci. Au cours de l’histoire de l’exploitation de l’Homme par l’Homme ou, pour être plus précis, de l’exploitation de la majorité sociale par une minorité, cette dernière a systématiquement utilisé à son compte le développement inégal des forces productives, le sexisme, le racisme et les discriminations. Déboulonner les statues ne veut pas dire qu’on oublie l’histoire, au contraire cela veut dire qu’on l’a bien apprise.

    Pour notre part, nous préférerons toujours célébrer celles et ceux qui sont tombés pour la liberté et l’émancipation de la majorité sociale, que ce soit au Congo dans les luttes pour l’indépendance, devant le mur des Fédérés lors de la Commune de Paris, ou lors des révoltes de Roux en Belgique en 1886. Ces expériences ont permis à la majorité sociale de jouir de droits économiques sociaux et démocratiques. C’est sur cette base que nous pourrons élargir ces droits et balancer l’exploitation dans les poubelles de l’histoire.

    Notes :
    (1) https://www.lesoir.be/206103/article/2019-02-11/la-belgique-invitee-presenter-des-excuses-pour-son-passe-colonial
    (2) https://www.lesoir.be/306692/article/2020-06-12/le-prince-laurent-ne-voit-pas-comment-leopold-ii-pu-faire-souffrir-des-gens-au
    (3) https://plus.lesoir.be/307401/article/2020-06-16/carte-blanche-ninstrumentalisez-pas-les-historiens-dans-le-debat-sur-le-passe
    (4) DESCHOEMACKER A., « La lutte pour les droits politiques : la création du POB et la lutte pour le suffrage universel », dans Extrait rebelles de l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique, éditions Marxisme.be, p7.
    (5) JOOSEN T., « A bas la monarchie, pour une république socialiste démocratique! », sur socialisme.be, publié le 4 juillet 2013 ; en ligne : https://fr.socialisme.be/7145/monarchie.

  • Congo : une histoire de pillage capitaliste

    Depuis 1997, les guerres ont fait six millions de morts au Congo, où l’espérance de vie est de 46 ans. Pourtant, cette horrible situation ne reçoit que peu d’attention de la part des médias occidentaux. Dans cet article initialement publié en anglais en 2013, PER-ÅKE WESTERLUND (Alternative socialsite internationale) passe en revue le livre « Congo. Une histoire » de David Van Reybrouck, un ouvrage qui pose de bonnes bases pour une meilleure compréhension de ce conflit.

    Introduction, par Eric Byl

    Per-Ake Westerlund a écrit une excellente critique du livre “Congo, une histoire” de David Van Reybrouck. Le titre – “Une histoire de pillage colonial et capitaliste” – est correct. Le livre contient suffisamment d’interviews, de faits et de chiffres pour le justifier. Rien que pour cela, le livre vaut la peine d’être lu. Mais nous voulons attirer l’attention sur un certain nombre de conclusions décevantes tirées dans celui-ci. Ces conclusions ont suscité une certaine controverse au moment de la publication de ce livre au début de l’année 2010.

    David Van Reybrouck est un bon écrivain. Il a remporté plusieurs prix littéraires avec son livre “Congo, une histoire”. Les médias ont salué l’ouvrage comme un chef-d’œuvre, un magnus opum historique. L’année de sa publication, le livre a immédiatement absorbé la plupart des subventions de traduction disponibles auprès du gouvernement flamand. Dans une interview, Van Reybrouck a admis que le livre contient des erreurs factuelles, mais il décrit son oeuvre comme une “cathédrale”. “Une fois que vous avez construit cela, vous ne vous souciez pas d’un petit chien qui urine contre le mur”, ajoute-t-il un peu irrité. Il avait initialement espéré en vendre 10.000 exemplaires, mais en septembre 2012, l’édition néerlandaise à elle seule s’était écoulée à un quart de million de livres. Il est difficile de ne pas être impressionné par la quantité de faits, le style fluide et l’énorme bagage culturel de l’auteur.

    Mais, comme Van Reybrouck le souligne lui-même, ce livre n’est pas “l’histoire” du Congo, au mieux “une” histoire ou plus exactement, une interprétation de celle-ci. L’histoire de Van Reybrouck n’est absolument pas l’histoire de la prétendue oeuvre civilisatrice paternaliste de ceux qui défendent ouvertement le “l’Etat indépendant du Congo” ou la colonisation belge du Congo. Il serait difficile aujourd’hui de nier l’horreur du pillage du Congo sous Léopold II, le célèbre roi belge de l’époque. Les faits de l’horreur ont été archivés et documentés, par exemple dans le livre “Les fantômes du roi Léopold” d’Adam Hochschild publié en 1998.

    À première vue, les nombreux récits, interviews et citations utilisés par Van Reybrouck semblent le confirmer. Jusqu’à ce que Van Reybrouck, dans sa conclusion, commence inopinément à apporter des nuances dans le rôle de Léopold II. Le roi de Belgique n’aurait pas prévu le traitement brutal de la population noire pour son profit personnel. Et même si ce fut un “bain de sang d’une ampleur incroyable”, il n’était pas “censé en être un”. Parler d’un génocide ou d’un holocauste”, selon Van Reybrouck, est donc “grotesque”. Pourtant, il décrit lui-même dans le livre comment des villages et des tribus entières ont été massacrés par vengeance. Il rappelle comment Leopold a demandé l’aide de l’école de médecine tropicale de Liverpool pour lutter contre la maladie du sommeil. Pour Van Reybrouck, cela “prouve que les massacres n’ont jamais été son intention”.

    Ceux qui connaissent la rhétorique classique en Belgique concernant l’État indépendant, le Congo belge et les ouvrages de référence en la matière ont inévitablement le sentiment que la vague de faits relatés par Van Reybrouck ne sert que de tremplin pour disposer de plus de crédibilité lorsqu’il s’agit de peaufiner le rôle de Léopold. Dans son “compte rendu des sources”, Van Reybrouck affirme que le livre de Hochschild “est malheureusement plus basé sur un talent pour l’indignation que sur un sens de la nuance”. Ce livre serait trop “manichéen”. Il est vrai que le nombre de décès causés par la politique du caoutchouc est surestimé dans le livre de Hochschild. Il y a eu plutôt 3 à 5 millions de morts au lieu de 10 millions. Le mauvais chiffre provient d’une extrapolation incorrecte des chiffres de Stanley. Mais sinon, Hochschild s’avère être un historien plus fiable que Van Reybrouck.

    Van Reybrouck apporte une histoire intéressante et convaincante, mais il ne parvient pas à expliquer tous les tournants importants. Dans ses quelques paragraphes traitant de la période d’acquisition de l’indépendance, Per-Ake est beaucoup plus précis que Van Reybrouck sur les problèmes fondamentaux de l’époque. Mais Per-Ake reste amical envers Van Reybrouck. Ce dernier “suggère” non seulement que la crise qui a suivi l’indépendance était liée au départ de la Belgique, mais aussi que Lumumba avait provoqué sa propre mort par “une accumulation de gaffes et d’erreurs de jugement”, comme la “gifle” au roi, l’africanisation soudaine de l’armée, l’appel à l’aide de l’ONU et plus tard de l’Union Soviétique et les activités militaires au Kasaï. Le fait que Lumumba soit une menace pour les intérêts de l’ancienne élite coloniale et qu’il fasse obstacle à la nouvelle élite noire avide de sa part du gâteau n’était pas si important pour Van Reybrouck. Le fait qu’il aurait eu besoin d’un programme socialiste et d’un parti capable de mettre en œuvre un tel programme pour répondre aux demandes sociales, économiques et démocratiques de la population du Congo, serait considéré par Van Reybrouck comme des éléments dépassés. Au contraire, dit Van Reybrouck dans une interview avec Colette Braeckman du quotidien Le Soir, la tragédie du Congo est celle d’un idéalisme impatient, de tentatives d’accomplir de grands changements du jour au lendemain. Van Reybrouck se considère comme ayant un point de vue pragmatique plus critique.

    Malgré la publication du livre révélateur “L’assassinat de Lumumba” par Ludo De Witte en 1999, Van Reybrouck affirme que la Belgique n’était pas impliquée dans le complot pour la sécession de Katanga et que le meurtre de Lumumba était la décision exclusive des autorités du Katanga. Dans une réaction au livre de Van Reybrouck, Ludo De Witte dit qu’il est “bien composé, mais pas selon la vérité”. “Van Reybrouck a écrit une histoire dans laquelle de nombreuses interventions occidentales sont massées”. La décision de démettre Lumumba de ses fonctions était un plan conjoint des autorités de Léopoldville et de “leurs conseillers belges” – Van Reybrouck ne mentionne pas, une fois de plus, le gouvernement belge. Il est difficile pour M. Van Reybrouck de le nier sans nuire totalement à sa crédibilité. Il s’attaque donc à Lumumba qui était très “ambitieux” et avait parfois “tendance à parler la langue de son public”. Selon Van Reybrouck, la position économique de Lumumba était plus proche du libéralisme que du communisme, “il comptait sur les investissements privés de l’étranger et non sur la collectivisation. C’était un nationaliste, pas un internationaliste. En tant qu’évolué, il faisait partie de la première bourgeoisie congolaise et ne connaissait pas la notion de révolution prolétarienne”.

    Van Reybrouck brasse un cocktail de demi-vérités et de catégories rigides. Dans le contexte du Congo, le terme “nationaliste” n’a pas le sens étroit que Van Reybrouck lui donne, il signifie défendre l’unité au-delà des divisions ethniques et tribales et, dans le cas de Lumumba, également le panafricanisme. Il faut voir cela au regard des tribalistes qui ne défendent que les intérêts de leur propre groupe ethnique, comme Tschombe et Kasavubu, le favori de Van Reybrouck. Les Etats-Unis craignaient que Lumumba ne finisse comme Fidel Castro, que la révolution coloniale ne le fasse passer d’une position libérale à une position communiste. Ludo De Witte explique que ce n’est pas tant le discours de Lumumba le jour de l’Indépendance, mais plutôt l’africanisation de la Force Publique qui a desserré l’emprise de l’ancienne puissance coloniale, qui a conduit à la décision des puissances occidentales, de la Belgique, de la CIA, de l’ONU et de leurs complices à Léopoldville, au Kasaï et au Katanga de faire chuter Lumumba. Le chapitre “Le nationalisme de Lumumba : une évaluation provisoire” souligne à juste titre l’évolution rapide des opinions politiques de Lumumba.

    Dans son livre, Van Reybrouck cite abondamment un “partisan acharné” de Lumumba, un certain Mario Cardoso. Il s’agit cependant de l’un des jeunes commissaires généraux nommés par Mobutu après son premier coup d’État en 1960. Il deviendra plus tard ministre de l’éducation et ministre des affaires étrangères sous Mobutu. C’est lui qui affirme que Mobutu ne voulait que rétablir l’ordre qui avait été perdu à cause des combats entre Kasavubu et Lumumba, Van Reybrouck qualifie cela de “chamailleries”. Van Reybrouck pense qu’il doit apporter des nuances dans la “glorification de Lumumba” et la “diabolisation de Mobutu”. Il ne faut pas confondre le Mobutu de la fin de son régime avec celui du début, nous enseigne Van Reybrouck. C’est peut-être une coïncidence, mais Mobutu se porte bien aux yeux de Van Reybrouck tant qu’il est un ami de l’Occident. Lorsque cette amitié n’est plus tenable pour celle-ci, Mobutu est également rejeté par Van Reybrouck.

    J’ai relu le livre “Le Dinausaure” de Colette Braeckman, un livre publié en 1992. De nombreux faits apparaissent dans les deux livres. Braeckman parvient à expliquer la logique qui sous-tend la méthode de l’ère Mobutu, tandis que Van Reybrouck ne va pas au-delà de la constatation que Mobutu, au début de sa période, n’était pas le dictateur brutal qu’il allait devenir. Le scientifique et commentateur belge Dirk Draulans indique que dans “Congo, une histoire”, on en apprend plus sur la superstar Werrason et ses liens avec une brasserie que sur le meurtre du président Laurent-Désiré Kabila. Il faut lire entre les lignes pour comprendre que le personnel bien payé de l’opération de paix de l’ONU, la MONUC, n’est pas sorti du périmètre de sécurité de ses camps. Van Reybrouck a naturellement utilisé les bonnes installations de la MONUC, mais il a aussi été immédiatement fortement influencé par l’environnement intellectuel qu’il préfère.

    « Congo, une histoire » reste un livre intéressant avec beaucoup d’informations. Le lecteur ne doit pas s’inquiéter quand il y a des tournures soudaines et difficiles à comprendre dans le livre, c’est à cause de l’auteur. L’histoire est généralement écrite par ceux qui ont gagné et ils s’assurent que leur idéologie, ou celle de la classe qu’ils représentent, devient la version officielle de l’histoire. Van Reybrouck ne brise pas ce point de vue, mais le confirme. Est-ce consciemment ou par naïveté ? Nous ne nous prononçons pas. Sous le couvert de la dénonciation de l’exploitation capitaliste, “Congo, une histoire” devient finalement l’une des meilleures excuses pour l’Etat indépendant du Congo, les autorités coloniales et leurs régimes fantoches ultérieurs.

    Congo : une histoire de pillage capitaliste

    Le Congo a eu de nombreux noms depuis la période du royaume féodal du Congo. L’État indépendant du Congo de 1885-1908 était la propriété du roi Léopold II de Belgique. Le Congo belge a existé de 1908 à 1960. Onze ans après l’indépendance en 1960, le dictateur Mobutu Sese Seko a rebaptisé le pays Zaïre. Après le renversement de Mobutu, le pays a été officiellement appelé République démocratique du Congo, RDC ou simplement “Congo”.

    Le delta du fleuve Congo fut le centre de la traite des esclaves vers les Amériques de 1500 à 1850. Quatre millions d’esclaves ont été enlevés de la région et toutes les structures sociales existantes ont été détruites. Lorsque la colonisation de l’Afrique a pris son essor, le roi Léopold II a obtenu le soutien des principales puissances coloniales pour s’emparer de ce pays géant en tant que propriété privée. Officiellement, Leopold II était opposé à la traite d’esclaves. En réalité, il a régné par la terreur. Le pays a d’abord été pillé de son ivoire, puis de son caoutchouc. Leopold “a utilisé un État, le Congo, pour donner une nouvelle étincelle à son autre État, la Belgique”, écrit David Van Reybrouck dans son livre “Congo : Une histoire”.

    La course au caoutchouc a entraîné l’effondrement de l’agriculture. La famine était très répandue. Lorsque le contrôle du Congo est passé à l’État belge, le pays a été divisé de façon systématique. Pour la première fois, les habitants étaient classés comme appartenant à certaines races et tribus. Ce système a également été introduit par la Belgique au Rwanda et au Burundi après la première guerre mondiale. L’apposition de la mention “Hutu” ou “Tutsi” sur les passeports et les documents a conduit à une division qui a culminé avec le massacre des Tutsis au Rwanda en 1995 – et aux guerres qui ont suivi.

    Sous Léopold II, le Congo a également attiré des milliers de missionnaires chrétiens, notamment de Suède. Ceux-ci sont devenus un outil de la puissance coloniale, en particulier les catholiques : “Les écoles des missions sont devenues des usines à répandre les préjugés sur les différentes tribus.” Les écoles religieuses censuraient tout ce qui était rebelle, en évitant, par exemple, de parler de la révolution française. Si le message d’obéissance du christianisme a été encouragé, les mouvements religieux critiques ont subi une dure répression. Le prédicateur Simon Kimbangu a été arrêté en 1921. Il est mort en prison 30 ans plus tard. Ses disciples, les Kimbanguistes, ont été déportés et persécutés, mais constituent toujours un grand mouvement au Congo.

    Avec la découverte des vastes richesses naturelles du Congo, le pays s’est industrialisé. La société minière dominante, l’Union Minière, dirigeait son propre appareil d’État totalitaire au Katanga, dans le sud-est, où étaient exploités le cuivre, le manganèse, l’uranium, l’or et d’autres ressources précieuses. L’huile de palme est devenue la matière première des savons, ce qui a posé les bases de la construction de la multinationale actuelle Unilever.

    La classe ouvrière est passée de quelques centaines en 1900 à 450.000 en 1929, puis à près d’un million pendant la seconde guerre mondiale, lorsque l’industrie minière a connu un grand essor. L’uranium du Katanga a été utilisé dans les premières bombes atomiques. Le Congo est devenu le deuxième pays subsaharien le plus industrialisé, après l’Afrique du Sud.

    Mais les conditions des travailleurs et des pauvres ne faisaient pas partie de ce développement économique. La colère a conduit à des grèves et des émeutes au début et à la fin de la guerre. 60 mineurs ont notamment été tués lors d’une manifestation de masse à Elizabethville (aujourd’hui Lumbumbashi) au Katanga. Les dirigeants des grèves étaient traqués. Certains groupes ou tribus ont été désignés comme “fauteurs de troubles”, une approche qui cadrait dans la stratégie générale de “diviser pour mieux régner”.

    Dans les mines ou dans les divers services autour de l’industrie, les travailleurs s’attendaient à connaître des améliorations une fois la guerre finie. Il n’en allait pas autrement pour les soldats qui avaient servi avec les “Alliés” en Abyssinie, en Egypte et en Birmanie. Mais le racisme a persisté. Les Africains pouvaient toujours être fouettés en public, devaient se tenir au bout des files d’attente et se voyaient interdire l’accès aux bains publics. Les syndicats étaient toujours illégaux. Des élections locales ont bien été introduites dans certaines villes, mais tout bourgmestre était avant tout subordonné au “premier bourgmestre” belge.

    Mais une explosion de révolutions coloniales et de guerres de libération a éclaté dans le monde. La Grande-Bretagne, les Pays-Bas et les États-Unis ont été contraints de renoncer à l’Inde, à l’Indonésie et aux Philippines. En Algérie et en Indochine, la lutte armée se poursuivait contre les troupes coloniales françaises. En 1958, le Ghana fut le premier pays subsaharien à accéder à l’indépendance.

    “En 1955, il n’y avait encore aucune organisation nationale qui rêvait d’indépendance”, écrit Van Reybrouck. Cinq ans plus tard, le pays était officiellement indépendant. Le calme trompeur a été rompu en 1956 par la montée de l’agitation sociale. Un manifeste de liberté a été proposé par L’Alliance des Bakongo (Association des Bakongo pour l’unification, la conservation et l’expansion de la langue kikongo ou ABAKO), une organisation tribale à l’origine qui était dirigée par Joseph Kasa-Vubu.

    Deux ans plus tard, le Mouvement national congolais (MNC) fut créé, avec Patrice Lumumba à sa tête. Son but était de libérer le Congo de l’impérialisme et de la domination coloniale. Les réactions furent énormes. Lumumba a visité le nouvel Etat du Ghana, où il a rencontré le leader du pays, Kwame Nkrumah. A son retour au Congo, 7.000 personnes s’étaient rassemblées pour écouter son rapport.

    En janvier 1959, le Congo a explosé. Le premier bourgmestre belge a interdit un rassemblement à Kinshasa, ce qui a entraîné des émeutes. L’armée a été utilisée à pleine puissance, tuant jusqu’à 300 personnes et en blessant beaucoup d’autres. Les troubles se sont étendus au Kivu, au Kasaï et au Katanga.

    Finalement, il a été convenu que le Congo devrait devenir indépendant le 30 juin 1960 – une année au cours de laquelle 17 États africains ont obtenu leur indépendance. Il s’agissait d’une indépendance politique formelle, mais les sociétés multinationales ont pu fonctionner comme avant et étaient autorisées à agir conformément au droit belge. Trois jours avant l’indépendance, le Parlement belge a aboli le pouvoir congolais sur l’Union Minière, l’entreprise dominante du pays. Tous les officiers de l’armée et les plus hauts fonctionnaires étaient belges.

    Mais les espoirs d’un changement réel étaient grands et le MNC de Lumumba a remporté les premières élections. Mais les partis régionaux avaient également bénéficié d’un grand soutien : le MNC-K dissident dirigé par Albert Kalonji au Kasaï, la Confédération des associations tribales du Katanga (CONAKAT) dirigée par Moïse Tshombe au Sud-Katanga et l’ABAKO au Bas-Congo. Kasa-Vubu est devenu président, avec Lumumba comme premier ministre.

    La déposition de Lumumba

    Le Congo, comme d’autres anciennes colonies, était économiquement dominé par l’ancienne puissance coloniale et les sociétés multinationales. La seule façon de rompre réellement avec cette situation aurait été une politique socialiste démocratique comprenant la nationalisation des richesses naturelles. Et, si elle avait été dotée d’une direction véritablement socialiste, la classe ouvrière internationale lui aurait apporté un soutien massif. Le Congo, cependant, ne disposait pas d’un mouvement socialiste démocratique à l’échelle nationale parmi les travailleurs et les pauvres des zones rurales.

    Les États staliniens, comme l’Union soviétique et la Chine, avaient démontré qu’une économie planifiée pouvait faire de grands progrès, malgré leur régime oppressif et dictatorial. Mais ni Moscou ni Pékin ne voulaient soutenir un mouvement révolutionnaire qui échappait à leur contrôle. Ils préféraient les régimes bourgeois avec lesquels ils pouvaient traiter.

    La crise qui a suivi immédiatement l’indépendance n’est pas due au fait que la Belgique a quitté le pays trop rapidement, comme semble le suggérer Van Reybrouck. Cela était dû à l’absence d’un mouvement des travailleurs avec un programme clair. Un nouveau gouvernement a été formé, mais ses membres étaient instables, son programme peu clair. La situation a été saisie par la Belgique, qui a envahi le Katanga avec 10.000 soldats en quelques jours. Officiellement, il s’agissait de protéger les citoyens belges. En réalité, il s’agissait de garder le contrôle sur l’industrie minière. Ils ont encouragé Tshombe à décréter l’indépendance, et l’Union Minière a financé son règne.

    Lumumba n’a été en fonction que pendant deux mois, dans un pays en rapide déclin. Des milliers de personnes sont mortes dans les combats qui ont accompagné les tentatives de sécession du Katanga, du Kasaï, riche en diamants, et du Kivu. Lumumba a fait appel à l’ONU pour obtenir son soutien, ainsi qu’à Nikita Khrouchtchev, qui a envoyé de la nourriture, des armes et des véhicules. La crise du Congo a éclaté au beau milieu de la guerre froide entre les États-Unis et la Russie stalinienne. L’armée américaine avait besoin de minerais du Congo, par exemple du cobalt pour ses missiles. Début septembre, Lumumba a été déposé par Kasa-Vubu.

    Dix jours après l’éviction de Lumumba, le chef d’état-major de l’armée, Mobutu, a mené son premier coup d’État, soutenu par la CIA. Lumumba a été placé en résidence surveillée. Le gouvernement belge et le président américain, Dwight Eisenhower ont donné le feu vert à son assassinat. Après avoir été torturé et transporté au Katanga, Lumumba a été abattu devant des dirigeants locaux, dont Tshombe.

    Lumumba n’était pas un socialiste explicite et il lui manquait un mouvement populaire conséquent et des armes. Mais il était considéré comme un combattant radical de la liberté, pas seulement en Afrique, et ses partisans parlaient de révolution. Son imprévisibilité et les attentes qu’il a créées ont effrayé les puissances impérialistes. Ces dernières avaient bien vu comment la situation avait évolué vers une révolution à Cuba alors que le mouvement de libération de ce pays n’avait pas de programme socialiste au départ. L’impérialisme américain est intervenu pour renverser Lumumba, en utilisant la CIA, et à l’ONU.

    L’Union soviétique et la Chine n’avaient d’ailleurs aucun intérêt à soutenir des révolutions, surtout si elles avaient pour but de développer une véritable démocratie ouvrière. En fait, elles n’avaient même pas de plans pour de nouveaux États staliniens. Ce n’est qu’après l’abolition du capitalisme par les régimes ou les mouvements de guérilla que Moscou et Pékin ont apporté leur soutien, afin de les faire entrer dans leurs sphères d’influence et, dans la mesure du possible, de les placer sous leur contrôle.

    La dictature de Mobutu

    La guerre pour reprendre le Katanga s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année 1962. Elle a été menée avec l’aide de troupes de l’ONU. C’est au cours de ces batailles que le secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, a été tué dans un accident d’avion suspect en septembre 1961. Les troubles et la rébellion se sont poursuivis jusqu’au milieu des années 1960. Une rébellion rurale d’inspiration maoïste a été réprimée dans le centre du Congo. Au Burundi, Laurent Kabila a formé les forces de ce qu’on a appelé la “rébellion simba”, avec une forte rhétorique anti-américaine et anti-catholique. Pendant une courte période, même Che Guevara a participé à la guérilla, bien qu’il soit rapidement retourné en Amérique latine.

    Les États-Unis et Tshombe au Katanga soutenaient désormais le gouvernement de Léopoldville (Kinshasa) contre les soulèvements. Tshombe a remporté les élections en 1965, mais il était considéré comme trop peu fiable par les États-Unis et les puissances occidentales. Le 25 novembre, a lieu le deuxième coup d’État de Mobutu, ce dernier restant cette fois-ci dictateur jusqu’en 1997.

    Van Reybrouck décrit comment le régime de Mobutu est devenu une dictature étrange, brutale et corrompue. Bien qu’étroitement alliée aux États-Unis et à Israël, elle a également pris beaucoup de ses caractéristiques du régime de Mao Zedong en Chine. Seuls les noms et les musiques indigènes étaient autorisés. Le culte de la personnalité était intense, avec jusqu’à sept heures d’hommages musicaux à Mobutu à la télévision chaque jour. En 1971, il a rebaptisé le pays Zaïre.

    Lorsqu’un mouvement étudiant s’est développé au Congo en 1968-69 – parallèlement aux manifestations étudiantes en Europe et aux États-Unis – Lumumba en était le héros. Mais cette mobilisation a été écrasée lors d’un massacre en 1969. Trois cents personnes ont été tués (officiellement, six !), et 800 ont été condamnés à de longues peines de prison.

    Le grand potentiel agricole du Congo a été dilapidé et Mobutu a dû importer de la nourriture. L’inflation a augmenté rapidement et l’État a emprunté jusqu’à un tiers du budget dans les années 1970. Comme beaucoup d’autres pays africains, le Congo s’est retrouvé dans les griffes du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Leurs programmes d’ajustement structurel ont imposé des privatisations et des réductions de budgets. Le Congo a réduit le nombre d’enseignants en peu de temps de 285.000 à 126.000, transformant son taux d’alphabétisation élevé en la situation actuelle, où 30 % sont analphabètes.

    À la fin des années 1980, des mouvements de protestation contre les politiques du FMI et les dictatures ont vu le jour dans toute l’Afrique. De nouveaux partis politiques, associations et syndicats ont vu le jour. Le 16 février 1992, des prêtres et des églises ont organisé la “marche de l’espoir” dans plusieurs villes pour protester contre la fermeture d’une conférence sur la démocratisation. Plus d’un million de personnes y ont participé. Trente-cinq manifestants ont été tués lors de la répression. En 1993, Mobutu a mis un terme à toute discussion sur la démocratisation et a repris le contrôle total. L’inflation a explosé, atteignant 9.769 % en 1994. Mobutu a été contraint d’introduire un billet de cinq millions de dollars du Nouveau Zaïre.

    C’est après des années de dictature et d’aggravation de la crise économique, lorsque tout espoir de changement s’est éteint, que la violence ethnique a éclaté. Au Katanga, des groupes ont demandé aux migrants du Kasaï de “rentrer chez eux”. Le même langage a été utilisé contre les Tutsis du Kivu – appelés “banyarwanda” (“du Rwanda”). “Dans les années 80, personne ne connaissait l’origine ethnique de ses camarades de classe, tout cela a commencé dans les années 90. Ma petite amie était tutsie, et je ne le savais même pas”, a expliqué Pierre Bushala, de Goma, à Van Reybrouck. Ce dernier a écrit que la violence ethnique était “une conséquence logique de la pénurie de terres dans une économie de guerre au service de la mondialisation”. Au Kivu, des milices mai-mai nationalistes ont été formées. Elles se sont battues pour les terres agricoles, le contrôle des villages et des mines.

    Six millions de morts

    En 1994, le massacre de 800.000 Tutsis a eu lieu au Rwanda. Presque immédiatement, le Rwanda a été envahi et contrôlé par une armée tutsie dirigée par le président actuel, Paul Kagame. Plus de deux millions de Hutus ont fui, dont 1,5 million au Zaïre/Congo. L’ancien chef de la guérilla, Laurent Kabila, et son mouvement, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), officiellement dirigée par des Rwandais qui chassaient les Hutus. C’est devenu une guerre contre le Zaïre de Mobutu. Jusqu’à 300.000 réfugiés hutus ont été tués.

    Après une courte guerre, Kabila a renversé Mobutu et s’est imposé comme le nouveau chef de l’État dans un pays rebaptisé Congo. Mais Kabila a rapidement imité les méthodes de Mobutu.

    Kabila a réalisé que les régimes du Rwanda et de l’Ouganda étaient intervenus pour leurs propres intérêts, et il a rompu avec eux. Le Rwanda fut à nouveau envahi, et la deuxième guerre du Congo a éclaté en 1998. Six millions de personnes sont mortes des suites des guerres depuis lors, la plupart de maladie et de famine. De nombreux autres pays ont été attirés dans le conflit, comme l’Angola, le Zimbabwe et la Libye du côté congolais contre l’Ouganda et le Rwanda. Van Reybrouck explique dans son livre comment ces deux derniers ont exporté de grandes quantités d’or du Congo pendant la guerre.

    En janvier 2001, Laurent Kabila a été abattu par un de ses gardes du corps. Son fils, Joseph, lui a succédé et bénéficie du soutien de l’UE, des États-Unis et de la Chine. En 2003, un accord de paix a été signé, mais les combats, les viols en masse et les massacres se sont poursuivis, notamment au Kivu. Les différentes forces se séparent constamment ou sont renommées au fur et à mesure que les combats se poursuivent pour les mêmes trésors : l’or, les autres minéraux et l’ivoire. Actuellement, le minéral le plus précieux est le coltan, utilisé dans l’électronique moderne. Van Reybrouck appelle à juste titre cela la “militarisation de l’économie”, notant que “la guerre a été relativement peu coûteuse, en particulier à la lumière des avantages étonnants que l’exploitation des produits de base a apportés”.

    Y a-t-il un espoir ? Van Reybrouck décrit le Congo comme un pays au bord de l’explosion. Le budget de l’État congolais, pour 60 millions de personnes, est inférieur à celui de la ville de Stockholm, qui compte moins d’un million d’habitants. Le PIB par habitant est passé de 450 à 200 dollars depuis 1960. Le rapport des Nations unies sur le développement humain, qui mesure notamment l’éducation et les soins de santé, place le Congo au cinquième rang des pays les plus pauvres du monde.
    Le Congo d’aujourd’hui est ravagé par le même capitalisme pilleur brutal qu’au XIXe siècle. Les contrats miniers peuvent être obtenus par la corruption ou le contrôle militaire. Les nouvelles découvertes de pétrole et de gaz ont de nouveau accru les tensions à la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda. Les entreprises chinoises construisent des infrastructures pour desservir les mines, qui fonctionnent de la même manière que les usines d’esclaves en Chine.
    Le Congo connaîtra un développement révolutionnaire, mais la direction que prendront les explosions dépendra des conclusions que l’on tirera de l’histoire – et notamment de celles de l’Égypte et de la Tunisie après les révolutions de 2011. Les organisations socialistes et démocratiques doivent être construites de toute vitesse.

    Congo : Une histoire, David Van Reybrouck, Actes Sud Editions, 2012

  • Restituons les œuvres d’art spoliées au Congo !

    Musée de l’Afrique de Tervueren. Photo : Wikipédia

    Le rapport de l’ONU sur le racisme en Belgique et la réouverture du musée de Tervuren ont rouvert des plaies qui n’avaient pas encore été pansées par la bourgeoisie belge et ses relais politiques. Le racisme contre les personnes noires (négrophobie) est un héritage de la politique coloniale de la classe dominante belge. On en voit les conséquences au niveau économique ou au niveau social, mais aussi au niveau de la répartition inégale de l’art antique africain, principalement concentré dans les anciens pays colonisateurs.

    L’histoire une question hautement politique

    En 2007, l’ex-président français Nicolas Sarkozy disait à Dakar : ‘‘le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire.’’ Ces derniers temps, tout un courant, avec des nuances en son sein, a cherché à sauver ce qui pouvait encore l’être dans la colonisation. Certains faits historiques, établis ou non, sont invoqués pour dédouaner les capitalistes et ceux qui ont mené la politique coloniale.

    Mais les faits sont têtus. Les tenants de ce courant veulent donc faire marcher l’histoire sur sa tête et se débarrasser de la méthode historique pour triturer les faits comme bon leur semble. Ainsi, tout récemment, une carte blanche d’un ancien Administrateur Territorial de l’époque de la colonie a été publiée sur le site du Vif pour lourdement défendre la politique léopoldienne. La colonisation y est présentée comme une période de construction des infrastructures ; la période suivant l’indépendance comme une période de déclin et de chaos.

    Nous ne pouvons que souligner l’absolue nécessité d’augmenter les investissements publics dans l’enseignement et la recherche afin que ce genre d’opinions trouve sa place véritable : dans les livres d’histoire et non dans la presse. L’austérité a ses conséquences sur la manière dont nous pouvons disposer du savoir. Ainsi, l’institution bicéphale province-fédérale ‘Annoncer la couleur’, qui travaillait sur une meilleure connaissance de la migration et de la multiculturalité, est victime depuis des années de coupes dans ses budgets.

    L’art antique africains un témoin des réalisations matérielles des civilisations précapitalistes africaines

    L’Afrique, comme tous les autres continents, a une histoire riche et variée. Pour cheminer dans l’étude historique, les scientifiques disposent de différentes méthodes et approches. Les objets culturels et artistiques sont des témoins qui permettent aux scientifiques de reconstruire une image des sociétés qui nous ont précédées. On estime qu’entre 80% et 99% des œuvres d’art classiques africaines se trouvent hors du continent. Il est donc impossible pour les Africains de jouir de leur patrimoine culturel et, pour les chercheurs africains, plus difficile encore d’étudier le passé.

    La restitution des œuvres spoliées est primordiale, ce qui soulève la question de la propriété privée du patrimoine artistique et culturel de l’humanité. Pour des entreprises ou des particuliers fortunés, l’art est considéré comme un marché où il est possible d’investir. Pour les classes dominantes, l’art et la culture sont aussi un outil de distinction.

    La chanson Bread and Roses illustre bien la manière dont le mouvement ouvrier a toujours mis en avant ses revendications : ‘‘Oui, c’est pour le pain que nous nous battons – mais nous nous battons pour les roses aussi !’’ Nous voulons que les besoins de base de l’ensemble de l’humanité soit remplis, mais nous ne voulons pas que cela, nous voulons aussi une vie qui permettent de répondre aux besoins supérieurs de la collectivité et donc un épanouissement de l’individu.

    Léon Trotsky l’exprimait comme ceci : ‘‘L’art des siècles passés a fait l’homme plus complexe et plus souple, a élevé sa mentalité à un plus haut degré, l’a enrichi sous tous les aspects. Cet enrichissement est une conquête inestimable de la culture. L’assimilation de l’art du passé est donc la condition préalable non seulement à la création du nouvel art, mais encore à la construction de la nouvelle société.’’ (“Culture et Socialisme”, 3 février 1926)

    Restituer les œuvres d’art et lutter contre le capitalisme

    Le fait que 80 à 99% des œuvres d’art classiques africaines se trouvent hors d’Afrique est une bonne illustration de ce qu’est le capitalisme. C’est un système d’exploitation brutal où une minorité sociale spolie la production collective de la majorité sociale. Léopold II a fait bâtir le musée de Tervueren comme témoin de son ‘‘œuvre civilisatrice’’. Beaucoup d’autres monuments et gestes architecturaux construits avec une partie des bénéfices obtenus durant la période de l’Etat Indépendant du Congo avait pour objectif de témoigner de la grandeur du roi et de son œuvre. Il s’agissait également de convaincre ses contemporains et leurs descendants de la réalité de cette mission civilisatrice.

    La plupart de ces œuvres ont été volées. Durant la colonisation, toutes les richesses du pays ont été mises en coupe réglée: caoutchouc, cuivre, diamant, uranium, or, bois précieux,… étaient extraits ou produits par les populations congolaises, transformés en Belgique et le résultat commercial de cette opération allait alimenter les comptes des grands groupes capitalistes qui avaient investis l’Union Minière, la Société Générale, Umicore,… Il en allait de même pour les œuvres d’art qui ont trouvé acquéreur parmi la bourgeoisie belge ou les colons présents sur place. Une partie des colons ont légué leurs biens à des musées. Mais la revente et l’exposition d’œuvres volées reste du recel.

    Le capitalisme entrave le potentiel de l’humanité

    Certains conservateurs de musées ou amateurs d’art s’opposent à la restitution au motif que certains pays ne sauraient pas conserver ce patrimoine. C’est un mauvais prétexte. Les différents pays africains sont capables de conserver leur patrimoine pour autant qu’ils brisent la camisole de force imposée par les institutions telles que le FMI et la Banque mondiale !

    Nous avons pu voir l’impact du désinvestissement public dans les musées belges où il pleut même parfois à l’intérieur. Le Soir du 31 décembre 2018 parlait du drame du Musée royal de l’Afrique centrale où les coupes budgétaires étaient de -28% dans le budget opérationnel, -14% dans le budget de personnel et -28% dans l’investissement ! On pouvait y lire : « vous pouvez parler à n’importe quel directeur de musée fédéral, il vous dira qu’on est dans une situation impossible désormais. C’est un travail recommencé chaque jour pour ne pas se noyer et garder la tête hors de l’eau… »

    En Afrique, les politiques d’austérité ont été mises en place de manière brutale dès la fin des années ‘70. Les plans d’ajustements structurels imposés par les capitalistes occidentaux et mis en place par les capitalistes africains locaux ont détruit le service public, en ce compris les institutions culturelles.

    Le capitalisme, par les crises qui le caractérisent, pousse tout un tas de pays dans la misère en raison de la guerre économique et militaire. Le croissant fertile en Mésopotamie est un des foyers agricoles les plus anciens au monde. Il a vu des civilisations sublimes émerger, comme celle des Sumériens, comme les premières cités-Etats telles Ur et Uruk. Il a vu la naissance des mathématiques, du système sexagésimal (système de numération utilisant la base 60) sur repose entre autres le découpage du temps en secondes et de l’écriture cunéiforme pour faciliter les transactions marchandes. Le patrimoine culturel de ces régions est immense. Mais celui-ci risque de n’être jamais découvert et d’être détruit à cause de la situation désastreuse de la région et de l’affrontement des différentes puissances impérialistes.

    La restitution des œuvres d’art : pas une fin en soi

    La question des œuvres d’art est une illustration de l’impact du capitalisme. Les autres exemples ne manquent pas en Afrique et ailleurs : malnutrition, spéculation sur les terres arables, absence de soins de santé publics, guerres, destruction de l’environnement du fait de l’industrie extractive,… Mais il est peut-être plus évident d’entrevoir la perspective d’une victoire concernant la restitution des œuvres d’art spoliées ou la décolonisation des espaces.

    Sous la pression de la lutte, les capitalistes peuvent être amenés à faire des concessions sur des éléments qu’ils jugent secondaires ou symboliques. Mais pour ça, il faut des luttes de masses à caractère révolutionnaire. C’est ce que l’histoire des luttes, y compris pour l’indépendance, nous enseigne. Notre lutte doit être menée sur le plan international : il faut les cerner de tous côtés pour les forcer à reculer. C’est ce type de période qui a permis à toute une série de pays soumis au joug colonial d’obtenir l’indépendance politique. Mais les réformes obtenues ne seront jamais éternelles tant que les capitalistes garderont la propriété privée des moyens de production pour orienter le caractère de l’économie politique.

    Face à cela, nous devons nous organiser nationalement et internationalement dans le combat pour une autre société et nous battre pour chaque réforme et chaque avancée, même symbolique, mais en la liant à la nécessité d’un changement fondamental de société : le socialisme.

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    [Socialisme 2019] “Congo : En Belgique, l’héritage du colonialisme fait débat – comment les marxistes y répondent-ils ?”, atelier de discussion ce samedi 30 mars, de 13h30 à 15h30, lors du week-end Socialisme 2019.

  • Qui sont les grands gagnants de l’accord en RDC ?

    À la suite de la crise du troisième mandat présidentiel en République démocratique du Congo (RDC), un accord politique global et inclusif a finalement été signé sous l’égide de la Conférence épiscopale congolaise le 31 décembre 2016. Il a entre autres pour résultat la (re)nomination de 21 ministres proches de Tshisekedi, de 19 ministres issus du reste de l’opposition et, enfin, de 25 ministres du camp présidentiel. Il y a donc beaucoup de gagnants, mais au détriment du peuple congolais.

    Par Alain (Namur)

    L’anti-impérialisme en débat

    Pour une partie des militants ayant entamé l’épreuve de force, ce premier résultat est une première victoire. Cela peut se comprendre car dans ce cadre, Joseph Kabila s’est engagé à ne pas modifier la constitution et donc à ne pas se représenter aux présidentielles et à ne pas organiser de référendum. Cette victoire a été acquise au prix de la lutte de ces dernières années contre la modification de la constitution. À partir du 19 décembre 2016, les villes ont été militarisées ; on a recensé une centaine de morts et 500 personnes ont été arrêtées. Il est également apparu clairement que Joseph Kabila a perdu le soutien de l’Union européenne et des USA. Il lui restait, dès lors, une marge de manœuvre fort limitée pour pouvoir briguer un troisième mandat. Néanmoins, de nombreux éléments peuvent encore déstabiliser l’équilibre précaire obtenu par cet accord. La lutte des classes n’a pas dit son dernier mot et, pour reprendre la formule de Rosa Luxembourg, « L’ordre ne règne pas encore au Congo ».

    Beaucoup a été écrit ces derniers temps sur la situation en RDC. Cependant, nous devons faire part de notre étonnement concernant la lecture de cette crise faite par le camarade du PTB Tony Busselen. Dans un article publié en 3 parties sur le site INTAL, Tony analyse les tenants et aboutissants de l’accord. Nous sommes bien entendu d’accord avec lui lorsqu’il défend la légitime souveraineté du Congo. Nous estimons cependant au PSL qu’il existe une différence de signification sociale dans cette revendication de souveraineté quand elle émane de la classe des travailleurs congolaise et quand la classe politique congolaise la formule et l’envisage.

    Sur l’origine de la crise actuelle

    Pour Tony, l’origine de la crise actuelle « se trouve dans le timing des prochaines élections. En effet selon la constitution, lundi 19 décembre un nouveau Président aurait dû prêter serment, un président élu lors d’élections qui auraient dû avoir lieu en novembre. Or cela n’a pas été possible. »

    L’origine de la crise est multifactorielle. Dans un précédent article, nous développions le contexte de crise actuelle et son ralentissement économique qui n’est pas étranger à la vague de mécontentement dans le pays. Mais il ne faut pas escamoter les faits : le problème du timing des élections a été entièrement façonné par le clan présidentiel. Le ‘glissement’ a rendu l’organisation des élections à la date prévue impossible, afin de mettre l’opposition politique et le peuple devant le fait accompli. Il est clair que l’organisation d’élections dans un pays tel que le Congo comporte d’énormes difficultés. Mais Joseph Kabila a mis plus de temps et d’énergie à faire fructifier ses gains et à faire taire ses opposants qu’à garantir le droit de la population à choisir ses représentants.

    L’accord global et inclusif : un pas en avant ?

    Si l’on considère le fait que Kabila ne soit pas en mesure de se représenter en 2017 à cause de la pression émise par la rue, l’accord est un pas en avant. Cela signifie que la lutte peut déboucher sur un changement. Toutefois, il faudrait encore discuter de quelle couche sociale va mettre en œuvre ce changement et dans quel intérêt. Cet élément est central pour obtenir un changement qui améliore effectivement les conditions de vie des jeunes, des travailleurs et des paysans.

    Tony ne considère pas cette approche. Pour lui « En comparaison avec des accords précédents signés à Lusaka, Sun City ou Adis Abeba, un accord qui sort de ces négociations-ci, serait un accord conclut entre Congolais sans la présence autour des tables de négociations de diplomates et experts extérieures. Ce serait un pas en avant dans le long chemin vers une souveraineté et indépendance réelle… Mais même si un accord est signé, ce dernier connaitra au moins un obstacle et une menace : l’obstacle consiste dans la colère des jeunes congolais ; la menace consiste dans les ingérences des puissances occidentales qui ne sont pas intéressées dans l’unité des Congolais et qui sont surtout décidés d’en finir avec Kabila et la majorité présidentielle le plus vite que possible. »

    Tony reconnait qu’après plus de 15 ans de gouvernement Joseph Kabila, le chemin vers la souveraineté et l’indépendance est encore long. Cela ne justifie-t-il pas en soi la colère des jeunes Congolais ? De plus, comme Tony l’a lui-même – et à juste titre – dénoncé, l’ingérence des puissances occidentales est bien réelle. Mais cela reste vrai même si l’accord a été signé à une table composée exclusivement de Congolais, ces derniers étant en partie mis sous pression par des pouvoirs étrangers. Des membres du clan de Kabila (des politiciens et des membres de son appareil de sécurité) ont vu leurs biens confisqués aux USA et en Europe. Le rassemblement autour de Tshisekedi a été discuté à Genval et Didier Reynders l’a rencontré… L’accord en lui même a été rédigé sous l’égide de l’Église congolaise qui dépend du Vatican. Et Joseph Kabila lui-même a été reçu en audience par le pape alors qu’il devait rencontrer des représentants de l’ONU. On le voit donc clairement, l’accord n’a pas été déterminé par la situation et les intérêts du peuple congolais. Il a été discuté dans de nombreuses officines étrangères avant d’être imposé au peuple congolais.

    Joseph Kabila, héritier de la tradition lumumbiste ?

    Joseph Kabila est présenté par Tony comme l’héritier du courant Lumumbiste : « Kabila avait basé sa présidence depuis 2006 sur une large alliance de cent partis. Cette « Majorité présidentielle » se réunissait sur un principe : l’appui à la personne de Kabila comme président. Kabila lui-même est l’héritier d’un courant de gauche. Cette gauche qui s’inspire de Patrice Lumumba, une des principales figures de l’indépendance. Mais il n’a pas réussi à donner une base politique commune à sa majorité présidentielle ».

    Joseph Kabila a succédé à son père. Même si ce dernier avait énormément de limites et de faiblesses il avait suscité des espoirs à travers sa lutte contre Mobutu et avait obtenu une indépendance, certes limitée, face à l’impérialisme. Une chose est certaine, c’est que Kabila fils n’a pas du tout fait vivre l’héritage politique du lumumbisme ou d’une quelconque tradition de gauche au Congo.

    En effet, sa pratique politique prédatrice s’inspire plus du mobutisme que du lumumbisme. Une enquête du journaliste Richard Miniter parue en 2014 dans le Huffingtonpost a révélé que la fortune du clan Kabila s’élève à 15 milliards de dollars (Joseph Kabila: un dictateur qui vaut 15 milliards de dollars). Dernièrement, le magazine Bloomberg a réalisé une enquête sur le contrôle qu’a Kabila sur l’économie congolaise. Via sa femme, ses frères et ses sœurs, il possède pas moins de 70 sociétés actives dans tous les secteurs économiques clés du Congo. Une seule de ces sociétés lui aurait rapporté pas moins de 350 millions de dollars en 4 ans (With His Family’s Fortune at Stake, President Kabila Digs In). Cet argent engrangé est planqué dans des paradis fiscaux du monde entier. Est-ce à cela que Tony fait référence lorsqu’il parle de « solutions africaines pour des problèmes africains » ? Nous pensons au contraire que Kabila n’a pas suivi l’héritage de son père, qu’importent les limites de ce dernier. Au contraire, Joseph Kabila n’a jamais cherché à construire le moindre rapport de force face à la bourgeoisie nationale, ni face à la bourgeoisie internationale. C’est pourtant un rapport de force basé sur la mobilisation des travailleurs, des jeunes et des paysans pauvres que l’on attend d’un dirigeant de gauche.

    Le campisme

    La situation au Congo est bien évidemment complexe. Elle est traversée par une lutte des classes entre le prolétariat et la bourgeoisie congolaise dont les diverses fractions entretiennent des liens avec des acteurs régionaux d’une part et internationaux d’autre part. Ainsi, Kabila a le soutien de l’Angola et du Zimbabwe et a remis au beau fixe ses relations avec le Rwanda et l’Ouganda. Par contre, alors qu’au début de son mandat, il avait le soutien de l’Union européenne et des USA, ces deux blocs misent aujourd’hui plutôt sur l’alternance avec une figure comme Katumbi.

    Ces dernières années, le volume d’échange avec la Chine a augmenté jusqu’à devenir l’un des premiers partenaires commerciaux de la RDC. Cela est en partie dû à la division internationale du travail. La Chine est devenue le premier importateur de matières premières au monde. Il est de ce fait normal que tous les pays dont l’économie est basée sur l’exportation de matière première voient leur volume d’échange avec la Chine augmenter. Cela donne-t-il un caractère plus progressiste à la croissance économique dans les pays exportateurs ? Nous ne le pensons pas. Si les revenus liés à l’exportation ne permettent pas de construire des infrastructures, d’améliorer les services publics, de réduire la pauvreté et la faim, de développer une industrie qui permette une réelle souveraineté, alors le commerce avec la Chine n’a pas en lui-même un caractère progressiste. Ceci est d’autant plus vrai que la Chine n’a pas d’espace d’expression démocratique et qu’il n’y a donc aucune organisation capable d’exiger du pouvoir chinois des relations commerciales avec le Congo qui puisse aussi bénéficier aux Congolais.

    Un scénario à la soudanaise ?

    Dans l’émission de la Première Le Forum du 20 décembre consacré à la crise en RDC, la journaliste Colette Breackman, du journal Le Soir, employait cette formule : « le Congo est trop vaste pour être dirigé uniquement par quelqu’un de populaire auprès des Congolais ». Bob Kabamba, académicien et politicien ECOLO invité pour l’émission, ne l’a pas contredit. C’est également le cas du journaliste de La Première qui n’a pas cillé mot. Le général Janssens commandant de la force publique en 1960 ne pensait pas autrement… Cette formule peut être comprise de plusieurs manières et à différents niveaux.

    D’un point de vue économique, elle reflète le fait que l’impérialisme occidental veut garder la main sur cette région stratégique. Au-delà des métaux précieux, des soupçons de trafics d’uranium ont peut-être accéléré l’affaiblissement de l’image de bon gestionnaire de Kabila. D’un point de vue, politique, avoir au cœur de l’Afrique un pouvoir qui reflète les aspirations des masses n’était clairement pas acceptable pour l’impérialisme.

    Pour beaucoup de Congolais de la diaspora, cette formule sera aussi comprise comme l’expression d’un plan plus vaste visant à redessiner l’Afrique Centrale en de plus petits États avec une séparation d’une partie de l’est du Congo. L’Est deviendrait des Etats tampons qui stabiliseraient les États voisins, le Rwanda et l’Ouganda. Ce plan semblait gagner une partie de l’establishment démocrate sous Bill Clinton et a aussi semblé convaincre le président français Nicolas Sarkozy (Sarkozy veut dépecer la RDC). Mais ce plan bute sur un obstacle de taille : la volonté et l’opiniâtreté des Congolais. Cela entraine néanmoins tout un tas de conflits fonciers qui ajoutent à l’instabilité de la région.

    Il est clair que sur une base capitaliste, il sera impossible de trouver une solution aux partages des richesses et aux questions de pressions démographiques.

    Une année qui s’annonce difficile

    En vertu de l’accord du 31 décembre 2016, les élections devront se tenir cette année. Cela entraine énormément de défis. L’organisation de ces élections couterait environ 1,5 milliard de dollars, alors que les dépenses annuelles avoisinent les 5 milliards de dollars. De plus, avec l’instabilité dans l’est du pays, il n’est pas sûr que les élections puissent se préparer de manière sereine sur tout le territoire. En outre, la croissance attendue pour 2017 n’est que de 2,9% à cause de la baisse de la demande chinoise, alors que la moyenne de ces 5 dernières années tourne aux alentours de 7,7%. Le taux d’accroissement de la population étant de 3%, 2017 sera très probablement une année de récession économique si l’on considère le PIB/habitant. Cela reflète encore une fois que la RDC n’a pas une dynamique de croissance économique propre. La récession va mettre de l’huile sur le feu de la contestation sociale. (En 2017, la RD Congo s’attend à une nouvelle année de croissance molle)

    Comme nous l’avions dit et développé dans notre dernier article au sujet de la RDC, l’émergence d’organisations indépendantes des travailleurs, des jeunes et des paysans reste nécessaire pour que l’énergie déployée par les masses puisse aboutir à une amélioration de leurs niveaux de vie. Après Lumumba, chaque dirigeant politique une fois arrivé au pouvoir n’a fait que représenter les intérêts d’une des diverses fractions de la bourgeoisie. La politique qu’ils ont donc menée a eu un impact désastreux sur les conditions de vie des masses.

    Une organisation indépendante, issue des masses, qui veut défendre leurs intérêts devra reprendre le meilleur des traditions des luttes. C’est via les actions collectives de masse – assemblées générales, manifestations, grèves, occupations … – que l’énergie peut le mieux se dégager. La jeunesse congolaise, et africaine en général, est en ébullition. Il faut que ce dynamisme puisse se transmettre et s’organiser au sein du monde du travail et des masses paysannes qui ont une place déterminante dans les secteurs clés de l’économie, afin d’arracher l’expropriation et la nationalisation de ces derniers sous contrôle et gestion démocratiques dans le cadre d’une économique démocratiquement planifiée. Le capitalisme est un système international ; le phénomène d’accaparement de terre en est une illustration. La lutte doit se faire sur le terrain national en lien avec les organisations qui défendent les mêmes intérêts au niveau international.

  • «Bye Bye Kabila», «carte rouge», est-ce que cela suffira pour en finir avec l'ère Kabila?

    Le 19 décembre, le mandat de Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo arrive à son terme. Mais d’ores et déjà avec Evariste Boshab et le reste de sa clique, Kabila a cherché une voie de glissement pour se maintenir à la tête du pays. Le peuple congolais s’est mobilisé contre cette manipulation de la constitution. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment construire une mobilisation qui permette d’en finir avec le kabilisme. Nous voulons contribuer à ce débat avec le PSL.

    Par Alain (Namur)

    Après plus de 15 ans de présidence Kabila, la désillusion est grande en RDC. Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui n’ont connu que le président actuel. Cela permet à des anciens mobutistes comme Kengo Wa Dondo de discuter avec le mouvement citoyen Filimbi et de se présenter comme une alternative à la situation actuelle.

    Le soutien populaire à Kabila a chuté. L’ampleur et le rythme de cette chute varie de région à région. Mais une chose est sûre : L’ère de ‘stabilité’ Kabila est révolue et une nouvelle période de lutte s’ouvre en RDC. Un sondage d’opinion est sorti dans Jeune Afrique le 25 octobre 2016. Celui-ci nous apprend que 33,3% de la population voterait pour Moïse Katumbi (ex-PPRD, ex-gouverneur du Katanga, 18% pour Etienne Tshisekedi (Ex-mobutiste, 7,8% pour Joseph Kabila (PPRD), 2,6% pour Antoine Gizengua (PALU, ex-premier ministre sous Kabila). En fait, le candidat le mieux placé du PPRD a l’époque du sondage n’était pas Boshab ou Ponyo mais bien Olive Lembe Kabila (la femme du président) qui réalise 2,6%.

    Ce sondage reflète une image de l’opinion à moment donné. Mais pour nous l’enseignement principal de ce sondage, c’est que tous les candidats qui pourraient émerger sont tous des candidats qui ont eu des postes d’État sous Mobutu ou sous Kabila. En ce sens, aucun de ces candidats n’est capable de représenter une alternative et une réponse aux besoins des travailleurs, des paysans, des jeunes et des masses pauvres de RDC.

    La stabilité kabiliste

    Lorsque la dictature de Mobutu s’est effondrée, le pays qui était déjà exsangue a subi une période de transition catastrophique. Le pays a traversé quasi 10 ans de guerre civile avec plus de 20 groupes militaires et paramilitaire impliqués. Kabila a compris à cette époque que pour prendre et maintenir le pouvoir, il devait assurer la stabilité. En tant que socialistes, nous voulons préciser le sens de la stabilité kabiliste. Il ne s’agit pas d’une stabilité qui permette à la majorité sociale de pourvoir à ses besoins et de construire une société solidaire. Il s’agit d’une stabilité où les capitaux étrangers et nationaux peuvent être investis et espérer être valorisés sans trop de risques. Ce que les capitalistes appellent le ‘climat des affaires’. C’est parce qu’il s’est positionné comme cela qu’il a réussi à gagner la confiance du capital étranger et congolais. Une illustration de cela, c’est que le PIB est passé de 7,438 milliards en 2001 à 35,238 milliards de dollars en 2015. Cela n’est qu’un résultat partiel, qui ne tient compte que de ce qui est enregistré.

    La lutte comme résultat d’une politique structurellement inégalitaire

    La stabilité pour les riches ne s’est pas soldée par une amélioration des conditions de vie pour la majorité sociale. En fait, pour l’ensemble de l’Afrique, la première décennie du 3e millénaire a vu une relative amélioration de la situation économique, mais elle n’a pas été partagée avec la majorité sociale. Le FMI parle de croissance non inclusive, pour ne pas parler d’une croissance exclusivement pour les riches. D’ailleurs les Objectifs du millénaire pour le développement ont été un échec pour la région Afrique.

    Avec la grande récession, qui a vu les perspectives économiques mondiales s’assombrir pour une période qui s’annonce longue, les masses africaines sont entrées en mouvement en mettant en avant des revendications démocratiques sociales et économiques. Ça a été le cas des luttes en Tunisie et en Égypte. Mais aussi des mouvements sociaux au Nigéria, avec une grève générale qui a forcé le gouvernement de revenir sur la suppression des subventions au pétrole, la lutte des mineurs en Afrique du Sud qui ont réussi à obtenir des augmentations de salaire malgré la répression, ou encore la lutte récente des jeunes Sudafricains contre les frais d’inscriptions. Il y a également eu des luttes au Sénégal, au Burkina Faso et au Burundi, contre la prolongation des présidents en place. Évidemment, ce n’est pas un phénomène isolé à l’Afrique. Dans le monde entier, les jeunes, les travailleurs et les masses pauvres sont entrés en lutte. En fait, ces 30 dernières années, le système de production capitaliste n’a réussi à se maintenir qu’au prix d’une aggravation des inégalités et d’un approfondissement des ses propres contradictions. De ce fait, l’ensemble du monde voit de plus en plus le système et ses institutions contestés.

    Lutter pour le changement en RDC ? Oui, mais avec qui ? Et quel changement ?

    Les masses africaines ont, par le passé, réussi à travers la lutte à se débarrasser de l’exploitation coloniale. Elles ont pu obtenir leur indépendance politique. Mais celle-ci a été contrariée par la dépendance économique et les 1000 liens capitalistes qui liaient les anciennes colonies à leur métropole. Les anciennes puissances impériales ont d’ailleurs activement cherché à maintenir ce contrôle. Elle n’ont pas hésité à mettre en place et à soutenir des régimes dictatoriaux comme celui de Mobutu pour s’assurer la défense de leurs intérêts. Malgré ces limitations qui déterminent encore la situation actuelle, les questions qui se posaient à l’époque restent valides pour préparer les combats qui sont devant nous. Lutter oui, mais avec qui et pour quel changement?

    Quel changement ?

    L’enseignement principal des luttes pour l’indépendance que nous voulons discuter avec les combattants actuels est selon nous celui-ci : on ne peut pas lutter pour l’indépendance politique sans lutter pour l’indépendance économique.

    L’indépendance économique, c’est pouvoir déterminer ce qui est nécessaire à la majorité sociale. Cela nécessite selon nous de prendre le contrôle des principaux leviers économiques. En effet, comment mener une politique d’investissements dans l’infrastructure nationale sans industrie et sans banque pour la financer ? Comment permettre aux paysans de cultiver de quoi se nourrir eux leur famille ainsi que la population sans un partage des terres et sans définir une planification agricole pour assurer que toutes les ressources soient utilisées vers la réalisation de cet objectif ? Un autre exemple que l’on peut prendre est le secteur des mines. Comment s’assurer que ce secteur contribue effectivement aux caisses de l’État pour payer les profs et les fonctionnaires ?

    Ce genre de programme permettrait de commencer à répondre aux besoins sociaux pour l’immense majorité. Mais nous devons être clairs. Ceux qui possèdent aujourd’hui les terres, les mines et les capitaux n’auraient rien à gagner à voir la majorité vivre selon ses besoins. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : avec qui faire l’unité dans la lutte ? Avec ceux qui ont les mêmes intérêts que nous pour le changement de la société.

    Il est faux de croire que tout le peuple congolais veut la paix et le développement. Une partie, une infime minorité qui possède les banques, les terres, les entreprises, les mines… veut juste un climat propice pour les affaires. Ils sont déjà en paix et travaillent à faire développer leurs propres affaires. Dans ce sens, il ne faut pas confondre objectif commun et intérêt commun. Katumbi, Kengo, Tshisekedi et compagnie ont en commun avec nous l’objectif de dégager Kabila. Mais les points communs s’arrêtent là. Pour le reste, ils veulent maintenir et amplifier la politique qui a aggravé l’inégalité et la guerre ces trente dernières années.

    Se tromper d’allié c’est creuser soi-même sa tombe

    L’histoire est une grande enseignante pour qui veut apprendre. Sankara et Lumumba ont été tués suite à un complot ourdi par certains de leurs proches alliés politiques. Pour la défense de ces figures héroïques de l’indépendance, les félons ont avancé sous le masque de la félonie. Mais comment les dirigeants de la LUCHA et de Filimbi peuvent-ils croire que des anciens responsables sous Mobutu peuvent faire autre chose que la corruption et la répression? Kengo Wa Dondo a commencé sa carrière dans le cabinet Mobutu en 1968. À cette époque, le régime finissait de traquer et exterminer les combattants de l’indépendance de 1960. De 1982 à 1986, il a été fait premier ministre. Il n’a pas hésité à réprimer la jeunesse et les étudiants qui se manifestaient à cette époque. S’allier avec lui, c’est mettre dans le dos des masses jetées au combat un fou prêt à tirer une fois l’issue de la bataille décidée.

    Ce que nous voulons mettre en discussion ici, c’est la nécessité de s’allier avec des mouvements et des partis politiques qui ont les mêmes intérêts que la majorité sociale. Il se trouve que dans l’offre politique actuelle en RDC, il n’y en a pas. Alors au lieu de s’allier avec le moindre mal, autant prendre sur nos épaules comme groupe qui lutte pour le changement l’élaboration d’un outil politique qui transposerait les aspirations des ces milliers de gens qui s’impliquent dans les mouvements citoyens. Nous voulons avec le PSL participer à ces processus tout en construisant notre propre orientation qui est basée sur le constat que, dans la période de crise du capitalisme, il n’y aura aucune réforme que l’on pourra sauvegarder sans lutte révolutionnaire pour un changement socialiste de la société. Si les mouvements citoyens ne se posent pas ces questions, un écrasement temporaire du mouvement de protestation n’est pas à exclure.

    Une chose est sûre : la tension va monter en République Démocratique du Congo. Kabila a déjà indiqué sa volonté de rester au pouvoir jusqu’en 2018. Peut-être espère-t-il d’ici là placer sa femme dans les conditions de pouvoir briguer les élections. Ce qui est sûr c’est que l’appareil d’État est prêt à réprimer. Les arrestations, interdictions de manifs et disparitions d’opposants augmentent. Si la contestation prend un caractère de masse, il faudra voir quelle marge possède Kabila pour maintenir sa position. Mais avec l’accord négocié sous l’égide de Edem Kodjo avec une partie de l’opposition, il a réussi à élargir sa base sociale.

    Du côté des forces de contestation, il semble que les mouvements citoyens soient disposés à engager l’épreuve de force. La direction de ces mouvements est l’une de leurs faiblesses. Néanmoins, la présence d’organisations qui rassemblent des jeunes, des travailleurs qui discutent de politique et qui organisent des pétitions, des manifs, des sit-in, des villes mortes… en lien avec des dynamiques de lutte dans le continent et à l’échelle internationale est un élément positif. La lutte permet aux masses de tester les programmes, les stratégies et les orientations politiques.

    C’est sur base de ces expériences pratiques que le mouvement ouvrier est arrivé à bâtir des organisations indépendantes politiquement et, à travers celles-ci, à commencer à contester le pouvoir qu’ont les capitalistes de déterminer le cours de nos vies.

  • Congo. Une grève générale provoque des "villes mortes"

    La colère est croissante alors que Kabila tente de rester au pouvoir

    congoLes “Villes mortes” furent la principale caractéristique de la grève générale de l’opposition en République démocratique du Congo (RDC) le mardi 23 août dernier. Dans la capitale, Kinshasa, la police a tiré du gaz lacrymogènes sur les manifestants exigeant la démission du Président Joseph Kabila.

    Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Les rapports parlent de rues vides, de magasins fermés et de manifestations. Beaucoup d’étudiants sont également restés chez eux. A Kinshasa, les manifestants ont érigé des barricades à proximité du siège du parti d’opposition UDPS après avoir été attaqués par la police. A Goma, dans l’Est du Congo, de jeunes manifestants ont stoppé le trafic dans un district, mais dans la plupart de la ville, peu de gens étaient en rue. La journée de protestation appelait tant à une grève générale qu’à des «Villes mortes», l’appel à la grève demandant aux travailleurs de rester chez eux.

    Le vieux dirigeant de l’UDPS, Etienne Tshisekedi, est l’un des leaders de l’opposition qui boycotte l’invitation aux pourparlers du gouvernement et de l’envoyé de l’Union africaine, Edem Kodjo, du Togo. Les manifestants ont également exigé la démission de Kodjo puisqu’il est considéré comme proche de Kabila.

    Le régime corrompu et brutal de Kabila œuvre à la prolongation de son mandat. En vertu de la Constitution, un président ne peut servir que deux mandats or, le second mandat de Kabila doit prendre fin le 19 décembre prochain.

    Le régime prétend qu’un nouveau registre électoral peut être complété pour juillet 2017. Ce n’est qu’alors qu’un calendrier pourrait être présenté pour la tenue de nouvelles élections. Le gouvernement affirme vouloir que des élections régionales et locales prennent place avant qu’il puisse y avoir des élections présidentielles. Un tribunal a décidé que Kabila pouvait rester au pouvoir d’ici là.

    Cela suit le modèle des événements survenus au Rwanda, en République du Congo (Congo-Brazzaville) et au Burundi voisins, où les présidents en exercice ont su obtenir des mandats supplémentaires. Au Burundi, où un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza a été annoncé l’année dernière, ce qui a provoqué un soulèvement qui a duré des semaines ainsi qu’une tentative de coup d’Etat et une extrême instabilité.

    Au cours du mois de janvier 2015, la RDC a été secouée par des manifestations de masse contre Kabila. Environ 40 jeunes manifestants ont été tués par les forces de l’ordre.

    À l’avant-garde des manifestations actuelles se trouve la population de Beni dans la partie Nord-Est du pays. Deux personnes ont été tuées lors de manifestations contre l’échec de l’armée dans la protection de la population locale contre une force rebelle qui avait perpétré un massacre. Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo et deux autres ministres ont été hués alors qu’ils visitaient la ville. Les différents groupes armés au Congo sont souvent liés aux mines et à l’extraction de matières premières, des activités exploitées par des entreprises privées sous contrats gouvernementaux. Des rapports de l’ONU affirment que l’armée congolaise participe elle aussi à des massacres. De nouvelles protestations sont à l’agenda. «Nous attendons le 19 décembre (…) Kabila ne peut pas rester. La population sera dans les rues tous les jours», a déclaré un manifestant à l’agence de presse Reuters.

    Les puissances occidentales qui ont payé le déroulement des dernières élections, que Kabila a frauduleusement remportées, craignent maintenant que les manifestations perturbent leurs intérêts économiques en RDC et puissent même plonger le pays dans de nouvelles guerres civiles. Ils tentent donc de contenir les manœuvres provocatrices de Kabila ou peut-être de le persuader de démissionner «volontairement». Mais Kabila est d’avis de rester en fonction.

    La RDC a d’urgence besoin d’un parti socialiste démocratique au programme et à la stratégie orientés vers la lutte tant contre le régime que contre le pillage impérialiste.

  • A bas la monarchie, pour une république socialiste démocratique!

    L’abdication du roi Albert II n’est pas une complète surprise. Les nombreux scandales dans lesquels la famille royale s’est compromise ces dernières années avaient rendu une abdication de plus en plus probable. L’ascension du prince Philippe laisse peu de place à l’enthousiasme : le visage change, l’institution féodale reste…

    Par Tim (Bruxelles)

    Préparons nous à une escalade de propagande en mode Disney autour de la famille royale dans les médias dominants ces prochaines semaines. Quels invités royaux seront présents au couronnement de Philippe, quelle sera la couleur de la robe de la petite Élisabeth, quel chapeau portera la reine Fabiola,… les journaux seront vites remplis.

    En tant que socialistes, nous ne partageons pas ces sentiments romantiques pour la monarchie. Pour nous, la maison royale est en premier lieu une institution désespérément obsolète, une vieille relique de la société féodale adaptée au système capitaliste dans le but d’aider à défendre les intérêts et privilèges de l’élite capitaliste, et souvent même la partie la plus réactionnaire de cette élite.

    La monarchie belge : une création de la bourgeoisie et de l’impérialisme

    L’installation de la maison royale belge fut le résultat d’un accord entre la bourgeoisie belge et les puissances impérialistes les plus importantes de l’époque. Après le congrès de Vienne, en 1815, la Belgique constituait la partie sud du ”Royaume Uni des Pays Bas”. La Belgique était de loin la part la plus industrialisée du Royaume et a connu assez tôt le développement d’une importante classe ouvrière industrielle. Le mécontentement contre ce régime élitiste et réactionnaire combiné à l’extrême misère dans laquelle vivait la plupart des travailleurs de l’époque a entraîné toute une série de protestations et d’actions spontanées au cours des années ’20 du 19ième siècle, avec finalement un soulèvement de masse en 1830. Les travailleurs ont massivement investi les rues, ont occupé des usines et des bâtiments publics et sont parvenus à faire fuir les troupes hollandaises de Bruxelles. Les insurgés s’inspiraient de la révolution française de 1789 : des drapeaux français sont apparus dans les rues et la Marseillaise résonnait partout dans les quartiers populaires.

    La bourgeoisie belge n’était initialement pas favorable au soulèvement, mais a très vite compris qu’elle devait tenter de contrôler le mouvement afin de maintenir sa propre position. Les milices bourgeoises ont ainsi été créées et le soulèvement populaire a été détourné en une lutte pour l’indépendance nationale. La bourgeoisie a fait quelques concessions symbolique au mouvement, comme en modifiant le drapeau traditionnel brabançon tricolore (dont les lignes étaient horizontales à l’origine) afin qu’il ressemble au drapeau français – un symbole révolutionnaire au début du 19ième siècle – mais l’absence d’une organisation politique indépendante de la classe ouvrière a assuré que la bourgeoisie belge puisse avoir très vite les choses en main.

    Les premiers mois après le soulèvement, la Belgique était une république gérée par un organe constituant : le Congrès National. La bourgeoisie belge était néanmoins trop faible pour gérer ses propres affaires : une invasion hollandaise n’a seulement pu être stoppée que par l’intervention militaire de la France. Désespérément à la recherche de soutien international, elle s’est entre autres jetée dans les bras de la riche famille financière Rothschild. Les Rothschild était plus que prêts à donner un coup de main : les riches mines de charbon et fer faisait de la Belgique un pays prometteur pour les investisseurs. Mais quelques conditions étaient nécessaires, dont l’installation d’une monarchie stable capable de défendre les intérêts du grand capital. Les Rothschild ont même été tellement généreux qu’ils ont proposé leur propre candidat au trône : Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, un aristocrate sans emploi qui partageait son temps entre la Cour anglaise de la Reine Victoria et les casinos de Londres. Léopold lui-même n’était pas vraiment enthousiaste au sujet de cette nouvelle carrière : il n’avait pas envie de partir vers – selon ses propres termes – ”un pays pitoyable avec des politiciens médiocres et des conditions météorologiques misérables.” Mais son addiction aux casinos lui avait valu tellement de dettes qu’il fut obligé d’accepter la proposition. Les Rothschild avaient promis de payer toutes ses dettes pour peu qu’il parte pour Bruxelles. Le roi Léopold Ier a néanmoins continué de se plaindre de sa situation : il pensait que son palais était trop petit et trop sale et que la constitution belge lui donnait trop peu de pouvoirs.

    Les traditions autoritaires des Saxe-Cobourg

    Cette mégalomanie autoritaire semblait être très profondément encrée dans les gènes des Saxe-Cobourg, même après des générations de consanguinité aristocrate. Léopold II s’est taillé une renommée internationale comme ”Boucher du Congo”. De très nombreuses habitants du pays centre-africain ont perdu leur main ou leur vie sur ordre du roi, propriétaire privé de l’immense ”État indépendant du Congo”. D’énormes quantités de richesses ont été pilées du pays tandis que des projets de prestige mégalomanes étaient construits à Bruxelles. La bourgeoisie bruxelloise a pu se croire quasiment égale à ses homologues de classe parisiens. Le roi Albert Ier a quant à lui utilisé son autorité pour pousser des centaines de milliers de jeunes ouvriers vers les horreurs des tranchées de la première guerre mondiale tandis que lui-même s’occupait de son image du ”Roi-Chevalier”, loin de la mêlée. Léopold III avait des sympathies plus que superficielles pour les idées autoritaires du fascisme, et a vécu les années de guerre dans un confort relatif comme ”otage” des nazis.

    Les idées extrêmement autoritaires et hyper-conservatrices de la famille royale – pensons seulement à la crise provoquée par le roi Baudouin en 1993 lorsqu’il a refusé de signer la loi sur l’avortement – ont entraîné de nombreuses confrontations entre la monarchie et la classe ouvrière belge. Le point culminant du conflit a été la ”Question Royale” après la deuxième guerre mondiale. Le roi Léopold III voulait retourner sur le trône après ses ”vacances de guerre”, mais il s’est vu confronté à un des plus grands mouvements de contestation de l’histoire du mouvement ouvrier belge : beaucoup de travailleurs considéraient comme inacceptable que le roi soit allé prendre son café avec Hitler tout en vivant dans des conditions assez confortables lors de son ”exil” durant la guerre. Ce luxe était en trop grand contraste avec les souffrances que la population avait endurées lors de l’occupation et avec les risques que des dizaines de milliers de résistants avaient encouru pendant toutes ces années. La Question Royale a finalement été ”résolu” avec l’abdication du roi Léopold III en faveur de son fils ainé Baudouin. Quelques partisans du roi autoritaire ont exprimé leur frustration quelques semaines plus tard en assassinant le dirigeant communiste Julien Lahaut, qui avait fait expression du sentiment général de la classe ouvrière en criant ”Vive la République” lors de la prestation de serment du Roi Baudouin au Parlement.

    L’autorité de la monarchie sous pression

    À plusieurs reprises, la monarchie a été mise en avant par la bourgeoisie belge comme symbole du statu-quo. Souvent, on essaie de représenter ce rôle comme étant progressiste, le roi étant le ”gardien de l’unité de la Belgique”. En réalité, le roi a surtout pour rôle de défendre l’élite. Lors de la ”Marche Blanche” après l’affaire Dutroux en 1996, le roi a été utilisé pour détourner le mécontentement profond qui existait dans la société et pour repousser tout contenu politique qui pouvait profondément remettre en cause le système. Chaque fois qu’une crise politique est venue briser l’autorité des partis traditionnels, l’autorité morale du roi a été utilisée pour restaurer la confiance.

    Ces derniers mois et années, cette autorité morale a été mise à rude épreuve à cause de bon nombre de scandales. En temps de crise, de plus en plus de gens se posent des questions quant au coût élevé de la monarchie avec les dotations royales et les nombreux privilèges qui se font sur le dos de la société. La famille royale vit dans un luxe extrême avec palais, voitures de luxe, yachts et avions privés alors que la majorité de la population voit son niveau de vie systématiquement attaqué par le gouvernement. Il y a aussi les construction financières douteuses créées par plusieurs membres de la famille royale : les ”fondations” du prince Laurent ou de la reine Fabiola avec lesquelles ils cherchent à éviter les droits de succession. A tout cela est encore venu récemment s’ajouter le scandale autour de Delphine Boël, la fille illégitime du roi Albert II. L’attitude obstinée, égoïste et insensible du souverain lui a fait perdre beaucoup de respect. Dans les semaines à venir, la presse fera probablement beaucoup d’efforts pour créer une atmosphère de conte de fée autour de la maison royale pour ainsi rétablir cette autorité morale.

    En tant que socialistes, nous sommes en faveur de l’abolition de la monarchie. Nous allons néanmoins plus loin que le républicanisme bourgeois. Nous n’entretenons aucune illusion sur ce que serait une république bourgeoise, peu importe la manière dont le président serait élu. Nous militons pour une république socialiste démocratique, c’est-à-dire pour une société où le secteur financier, les services publics et toutes les plus grandes entreprises seraient sous contrôle démocratique de la population. Ainsi, les richesses seraient produites au service des besoins de tout le monde. Les privilèges monarchiques n’ont pas leur place dans une telle société, tout comme la course aux profits de l’élite capitaliste.

  • Socialisme 2013 et la lutte des femmes…

    Ces dernières années, le débat sur les droits des femmes est revenu au devant de l’actualité, y compris dans les médias de masse. Il y a eu l’affaire DSK, suivie par toute une série de dénonciations de comportements sexistes, de harcèlement et d’abus commis par de ‘‘grands’’ personnages, dans presque tous les pays européens. En Irlande, la mort de Savité Halappanavar, l’année dernière, et la lutte pour le droit à l’avortement qui a suivi ont donné une nouvelle impulsion au débat concernant le droit des femmes de décider de leurs corps. En Inde, une lutte de masse a explosé contre les viols extrêmement brutaux qui sont régulièrement commis, jusqu’ici dans la plus grande impunité.

    En Belgique, le gouvernement a réagi face à la prise de conscience croissante concernant le sexisme et la discrimination des femmes par une loi sur le sexisme basée sur le recours à des Sanctions Administratives Communales. Cela est-il de nature à aider l’émancipation des femmes ? Nous en doutons fortement. La crise et la politique d’austérité touchent très fortement la grande majorité des femmes au travers de la dégressivité des allocations de chômage, des mesures concernant le système de (pré-)pension, du gel salarial, du démantèlement continuel des services publics et de l’accès aux soins de santé,…

    Lors du week-end de formation et de débat ‘‘Socialisme 2013’’, deux commissions seront consacrées à la lutte pour les droits des femmes par le biais plus spécifique de deux thèmes :

    1. Les causes de la violence contre les femmes et comment les combattre ?Samedi 13 avril, 15-17h30

    En Inde, un viol extrêmement brutal ayant entraîné la mort de la victime, un nouveau cas à la suite de tant d’autres, a déclenché une colère massive. Des centaines de milliers de femmes et d’hommes sont descendus dans les rues pour crier que cela doit cesser. Il n’y a pas qu’en Inde que les formes les plus barbares de violence contre les femmes se produisent avec une régularité d’horloge. Les femmes sont frappées aussi bien par une violence d’Etat dans des pays comme l’Iran que par une violence domestique ou en rue. Dans presque tous les conflits armés, le viol est utilisé comme arme de guerre. Au Congo, les femmes subissent systématiquement cette violence depuis déjà plus d’une décennie.

    Mais la lutte se développe en réaction, en Inde et ailleurs. Afin de remporter la victoire, il faudra toutefois aller bien plus loin que l’instauration de lois et de punitions plus sévères. Dans un pays comme la Belgique, où la discrimination légale a presque totalement été détruite, une plainte pour un viol commis dans une école secondaire est déposée chaque semaine à la police. Et combien de cas sont-ils tout simplement inconnus ? En Europe, chaque jour, sept femmes trouvent la mort des suites de la violence conjugale.

    S’agit-il d’une inévitable guerre entre les sexes ? Beaucoup de féministes partent de ce point de vue. Les marxistes, par contre, considèrent que les causes de cette violence contre les femmes résident dans l’existence d’une société de classe, de systèmes qui créent et renforcent l’inégalité de façon systématique afin de maintenir les privilèges de l’élite au pouvoir.

    L’émancipation des femmes dans les pays capitalistes développés n’est pas tombée du ciel, il a fallu mener une lutte acharnée pour parvenir à ce résultat. Ce combat n’a pas été l’œuvre exclusive des femmes : la lutte pour des salaires décents, pour de bons services publics et pour la sécurité sociale – la lutte du mouvement ouvrier – a livré une énorme et décisive contribution à la création de conditions matérielles permettant aux femmes d’accéder à une position plus favorable dans la société. Ce constat est crucial pour parvenir à une stratégie correcte dans le cadre de la lutte contre la violence contre les femmes.

    Mandy Hurel et Mirre Vercoutere, toutes deux actives dans la commission femmes du PSL, prendront la parole et défendrons un point de vue marxiste concernant la violence contre les femmes et la manière dont la lutte doit être poursuivie.

    Le débat pro-choix sur le droit à l’avortement. Dimanche 14 avril, 10-12h.

    Depuis quelques années, un mouvement qui se prétend “pro-vie” a commencé ses activités en organisant chaque année une ‘‘Marche pour la Vie’’. Derrière ces termes positifs se cachent des militants qui tiennent de réguliers piquets aux portes de divers centres d’avortement pour y intimider et y culpabiliser les femmes qui s’y rendent.

    Comment réagir ? Ce débat est toujours en cours. Faut-il ignorer ce phénomène pour ne pas leur donner d’importance ou au contraire construire un contre-mouvement ?

    Les oratrices belges qui prendront la parole dans cette commission ont toutes été impliquées dans l’action qui s’est tenue en mars dernier contre la dernière édition de cette prétendue ‘‘Marche pour la Vie’’. Toutes pensent qu’ignorer le problème n’est pas une solution car cela revient à laisser à de tels groupes réactionnaires l’opportunité de se construire.

    Mais si nous parlons en Belgique de construire un contre-mouvement contre les piquets “pro-vie” aux centres d’avortement avant que ce phénomène ne prenne un caractère plus large, la lutte pour obtenir le droit à l’avortement est toujours en cours en Irlande. Une participante active à ce combat, Aine Nic Liam prendra la parole sur cette question. Aine est membre du Socialist Party, le parti-frère du PSL en Irlande.

    Orateurs: Aurore De Keyzer (représentante de JocF), Marita De Neubourg (Rood-Gand, impliquée dans la construction d’un comité de quartier contre les piquets pro-vie au centre d’avortement à Gand), Aine Nic Liam (Socialist Party Irlande, active dans le mouvement pour le droit à l’avortement), Aïsha Paulis (responsable de la Commission Femmes du PSL) et enfin une représentante de la Commission Femmes de la FGTB-Bruxelles.

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