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Capitalisme et culture du viol
En décembre 2012, l’horrible viol collectif d’une étudiante de 23 ans à Delhi, en Inde, suivi de sa mort, a placé le fléau du viol sur le devant de la scène. Ce cas particulier ne sort malheureusement pas du tout de l’ordinaire par sa nature ou sa gravité. Ce qui l’a rendu exceptionnel, c’est la réponse explosive du mouvement ‘‘rage against rape’’, qui a fait descendre dans la rue une foule de femmes aussi bien que d’hommes opposés aux viols et à la violence sexuelle extrêmement fréquents, commis surtout contre les femmes et les enfants.
Par Emma Quinn & Laura Fitzgerald, Socialist Party (CIO-Irlande)
‘‘Rage against rape’’ en Inde – malgré la nature problématique des appels à la peine de mort et à la castration pour les auteurs de viols (en plus de ne pas répondre aux causes sous-jacentes du viol, cela donnerait encore plus de pouvoir à un Etat indien qui réprime et va continuer à réprimer les luttes des travailleurs et mouvements sociaux) -, le développement du phénomène ‘‘Slutwalk’’ ces dernières années, fer de lance de la montée de la remise en cause de la ‘‘culture du viol’’, sont autant de développements véritablement positifs.
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Socialisme 2013
Commission le samedi 13/04 : Les causes de la violence envers les femmes et comment la combattre
Commission le dimanche 14/04 : Le débat pro-choix sur le droit à l’avortement. Avec des militantes pour les droits des femmes, notamment Aisha Paulis (commission femmes du PSL)
Plus d’infos et programme complet
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La ‘‘culture du viol’’ peut être décrite par le fait de réagir aux viols et à la violence sexuelle en culpabilisant les victimes et les survivantes en se demandant comment elles s’habillent, quel est leur passé sexuel, leur consommation de drogue ou d’alcool, etc. de façon à la fois subtile et ouverte. C’est ainsi que réagissent la police et la justice, à des degrés variables en fonction des divers pays du monde. Il s’agit d’une vulgarisation du viol. Au cours de cette dernière période, ce phénomène s’est développé dans un contexte où, de plus en plus, les femmes et leurs corps se voient rabaissés au rang d’objet dans la culture dominante.
Le viol est une question de pouvoir
Le viol n’est pas une question de désir sexuel, mais plutôt l’expression ultime du pouvoir, du contrôle et de la suprématie sur un autre être humain. La majorité des victimes et des survivantes sont des femmes et la grande majorité des auteurs de viols sont des hommes. Les hommes victimes d’un viol sont particulièrement stigmatisés, en partie parce que c’est considéré comme une expérience émasculatrice. L’exemple de femmes soldates participant à l’humiliation sexuelle de prisonniers hommes dans la prison d’Abu Ghraib, en Irak, montre comment le viol et l’abus sexuel sont fondamentalement une expression du pouvoir : les forces impérialistes ont utilisé les abus sexuels dans le but très conscient de dégrader et de démoraliser.
Les milliers d’années d’oppression de la femme ont signifié des milliers d’années de soumission, et notamment de viol. Les viols fréquents sur les esclaves par les possesseurs d’esclaves dans le Sud des Etats-Unis avant la Guerre Civile sont un exemple parmi beaucoup d’autres du viol en tant qu’expression de cette soumission imbriquée dans l’oppression économique également subie.
Le début de la société humaine divisée en classes sociales – il y a environ 10.000 ans – a constitué un moment crucial dans l’instauration des structures et de l’idéologie qui oppressent les femmes. L’idéologie de la famille nucléaire et patriarcale en particulier, qui a atteint son apogée dans la Rome Antique lorsque les pères avaient droit de vie et de mort sur leur femme et leurs enfants, est une idéologie façonnée et utilisée par le système économique actuel du capitalisme. Malgré les grandes luttes et les changements survenus depuis lors, la promotion de cette idéologie a contribué à pérennisé l’oppression des femmes.
Ce n’est nullement une coïncidence si la plupart des viols et des abus sexuels sont perpétrés par une connaissance de la victime, souvent même un membre de la famille, un partenaire ou un ex-partenaire. Sous le capitalisme, l’idéologie de la famille patriarcale (soutenue depuis les débuts de ce système) a permis que les femmes soient des sources d’heures de travail non rémunéré – comme elles le sont encore aujourd’hui de bien des façons et dans bien des cas – en effectuant le travail domestique, en s’occupant des enfants et des membres âgés de leur famille ou des malades.
Cette idéologie était en contradiction avec la nécessité d’intégrer la force de travail féminine dans le système de profit, mais elle a aidé à justifier les plus bas salaires des travailleuses, une réalité toujours d’application aujourd’hui dans les pays capitalistes développés. En Irlande, selon un récent rapport de l’OCDE, les femmes gagnent en moyenne 14% de moins que les hommes, et ce fossé s’élargit à 31% pour les femmes qui ont des enfants (en Belgique, l’écart moyen est de 24%, NDT).
L’Ère de l’austérité et son impact sur les femmes
Ces dernières décennies, l’entrée massive des femmes dans la force de travail – tout en augmentant souvent l’exploitation que les femmes subissent à la fois en tant que travailleuses et en tant que femmes – a eu un impact progressiste. En s’engageant dans la force de travail, les femmes ont pris confiance en elles et, en réalité, les idées réactionnaires concernant la famille patriarcale et le rôle subalterne des femmes ont été profondément ébranlées. Par exemple, la grande majorité de la population européenne, hommes et femmes, n’acceptent plus l’idée selon laquelle les femmes ne devraient pas être égales aux hommes.
L’ère de l’austérité actuelle signifie concrètement une énorme destruction de nos emplois, de nos services publics et de nos conditions de vie. Les femmes sont plus particulièrement affectées par les attaques contre le secteur public parce qu’elles représentent la majorité des travailleurs de ce secteur (en particulier dans la main d’œuvre peu payée du secteur public) et en raison de la nature progressiste des services publics qui peuvent socialiser ce qui auparavant étaient des problèmes privés pour les femmes (comme de prendre soin des malades et des personnes âgés).
Des services sont en train d’être complètement érodés, comme l’aide à domicile (un service qui a en fait commencé sur base volontaire et non payée – notons l’impact de l’idéologie patriarcale qui montre les femmes comme des ‘‘soignantes naturelles’’ -, et pour lequel on s’est battu pour qu’il devienne financé et développé par l’État). Les femmes, en particulier, vont porter le fardeau de cette érosion, avec comme résultat probable le retour réactionnaire aux rôles traditionnels de genre. L’élite au pouvoir a besoin de trouver des moyens pour justifier ce retour en arrière. La publicité et les autres moyens de propagande (particulièrement aux USA) ont été massivement utilisés pour mettre l’accent sur la ‘‘place naturelle des femmes au foyer’’ en tant qu’épouses, soignantes et domestiques non payées, de même que leur subordination aux hommes juste après la seconde guerre mondiale, alors que les femmes étaient massivement entrées dans les usines pendant la guerre.
Cette propagande nous paraît aujourd’hui grossièrement sexiste et dépassée. Cependant, d’autres formes de propagande sexiste ont été de plus en plus développées, dans les médias en particulier. L’offensive s’est même intensifiée cette dernière décennie : rabaissement de la femme au rang d’objet, marchandisation du corps féminin et ‘‘pornification’’ de la culture.
L’impact du ‘‘nouveau sexisme’’
Le ‘‘nouveau sexisme’’, appuyé en grande partie par l’industrie cosmétique (très rentable), joue actuellement un rôle dans le renforcement des vieilles idées selon lesquelles la valeur d’une femme se mesure à son apparence et à son look, en dénigrant sa valeur en tant qu’être humain égale aux hommes. Cette attaque idéologique offre aux politiciens l’espace pour mener une politique sexiste et réactionnaire. Ainsi, lors des émeutes de Londres en 2010, certains politiciens ont tenté d’expliquer le phénomène par l’éclatement de la famille traditionnelle en reportant la faute sur les parents célibataires, afin de ne pas parler des causes sociales derrière cette explosion de colère (taux de chômage élevé, aliénation et pauvreté massive parmi la jeunesse).
En Espagne et au Royaume Uni, des partis politiques au pouvoir souhaitent aujourd’hui revenir sur le droit à l’avortement : une véritable indication de l’instrumentalisation des femmes en tant que boucs émissaires de même qu’un cas concret de casse des droits des femmes et de leur liberté de choisir. Aux USA, le degré auquel le parti de droite Tea Party a influencé le discours et la politique représente à la fois une attaque idéologique et une menace physique contre les droits des femmes. Les restrictions à l’accès à l’avortement y ont tellement augmenté que certains États n’ont plus qu’une seule clinique pratiquant l’avortement ouverte ! Paul Ryan, le candidat républicain malchanceux à la vice-présidence américaine aux élections de 2012, a précédemment soutenu une loi qui tentait de permettre aux violeurs de poursuivre en justice les victimes qu’ils auraient mises enceinte pour les empêcher d’avorter ! Voilà le contexte dans lequel la ‘‘culture du viol’’ existe. C’est aussi le contexte dans lequel cette culture doit être remise en cause.
Les violences sexuelles comme arme de guerre et de domination
Le viol en tant qu’expression de la suprématie et de la domination est illustré par les abus commis par de nombreux prêtres en position de pouvoir, des cas systématiquement couverts par la hiérarchie de l’Eglise Catholique. On peut également parler du cas du célèbre présentateur de la BBC Jimmy Saville (un proche de Margareth Thatcher qui a été protégé par la véritable institution qu’est la BBC) qui a abusé d’enfants et de jeunes vulnérables et marginalisés en toute impunité, des décennies durant.
La violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre afin d’intimider et de dégrader l’ennemi ; en Syrie, c’est en fait la première raison pour laquelle il y a eu un exode massif de femmes et d’enfants dans des camps de réfugiés de Jordanie et du Liban. L’attaque de femmes et de filles par des hommes armés, parfois à plusieurs, est une caractéristique significative et problématique de la guerre civile syrienne. C’est globalement le cas des zones de guerre ; on estime à 200.000 le nombre de victimes de violences sexuelles en République Démocratique du Congo dans le cadre de conflits armés. Le viol y est décrit comme une arme ‘‘moins chère que les balles et les bombes.’’
L’Afrique du Sud connait des statistiques parmi les plus alarmantes, le taux de viols d’enfants et de bébés y est le plus élevé au monde. 37% de la population masculine admet avoir commis un viol et plus de 500.000 attaques sexuelles ont lieu chaque année. Le problème est notamment enraciné dans la croyance très répandue qu’une relation sexuelle avec une vierge guérit du sida. Ce pays comprend le plus grand nombre de séropositifs : 11% des habitants sont affectés. La Zambie, le Zimbabwe et le Nigeria sont aussi infestés par les attaques sexuelles à cause de ce mythe dangereux.
Attaques contre les femmes sur la place Tahrir
L’un des exemples les plus frappants de ce que représente le viol et d’où il provient se trouve peut-être dans le contexte de révolution et de contre-révolution qui se déroule en Égypte actuellement, au cœur symbolique de la révolution, place Tahrir.
L’héroïque révolution qui a renversé le dictateur Moubarak en 2011 n’était en fait qu’une demi-révolution : le dictateur corrompu a été renversé par une lutte de masse et une grève générale, mais les bases-mêmes du capitalisme et de l’impérialisme n’ont pas été abattues pour céder la place à un gouvernement représentant les travailleurs et les pauvres visant à placer les richesses sous propriété publique et démocratique. Sans une telle démocratie, les portes ont été ouvertes pour que l’armée et l’Islam politique reviennent à l’avant. Cependant, les femmes, les travailleurs et les pauvres qui se sont battus héroïquement pendant la révolution ne sont pas simplement rentrés chez eux. Les femmes ont été présentes durant tout le soulèvement révolutionnaire de ces dernières années en Égypte, et elles sont encore présentes dans le mouvement aujourd’hui.
La participation des femmes à la lutte, dans les soulèvements révolutionnaires et dans la quête de changement de la société, n’est pas seulement essentielle, elle est aussi une indication positive de la lutte en elle-même. Les réactionnaires en Égypte comprennent fort bien cela et visent spécifiquement les femmes pour tenter de toucher le mouvement dans son ensemble.
Le viol est un des outils de ces réactionnaires. Des rapports montrent que la Confrérie Islamique a organisé et payé des groupes d’hommes pour attaquer brutalement et agresser sexuellement les femmes militantes sur la place Tahrir. Les femmes s’arment déjà elles-mêmes pour réaffirmer qu’on ne les forcera pas à rentrer à la maison, et des groupes de manifestants – hommes et femmes – organisent la défense pour résister à ces attaques.
Viol et violence sexuelle en Irlande
En Irlande en 2011, plus de 2000 survivantes à la violence sexuelle se sont rendues au RCC (cellule de crise sur le viol, NDT). Des milliers d’autres cas ne sont pas rapportés et on estime que jusqu’à une irlandaise sur sept souffre de graves abus sexuels, physiques ou émotionnels. En Irlande, la question du viol et des abus sexuels est complexe. Historiquement, le pays a été dominé par le contrôle de l’Église et par ses idées tordues sur la moralité. La vision du sexe est empreinte de peur et de honte, surtout en ce qui concerne les femmes. Le sexe était uniquement considéré comme un outil de procréation et une fille considérée comme ‘‘légère’’ était ‘‘une femme déchue’’. Malgré un rejet de ces idées réactionnaires par la plupart des gens d’aujourd’hui, la ‘‘culpabilité catholique’’ et la poussée du sexisme ‘‘moderne’’ (les femmes rabaissées au rang d’objet et la commercialisation du sexe) ont contribué à développer une culture de culpabilisation des victimes d’abus.
Un sondage récent a montré que 41% des gens pensent qu’une femme est partiellement ou totalement responsable si elle se fait violer en ayant bu de l’alcool, 37% pensent qu’elle porte une part de responsabilité si elle a excessivement flirté avec un homme et 26% pensent qu’elle est responsable si elle portait des vêtements qui révèlent son corps.
Le sensationnalisme suscitant la peur qui est cyniquement appuyé par les tabloïds possédés par des milliardaires a aidé à perpétrer le mythe que le viol est quelque chose qui n’est commis que par des hommes louches dans des ruelles sombres. En réalité, une femme sur cinq est abusée par son partenaire actuel ou son ex, 39% par un ami ou une connaissance. Le lieu le plus courant des viols est la maison de la victime.
Selon les estimations, seuls 7% de tous les viols en Irlande sont condamnées. La DPP (Director of Public Prosecution) ne poursuit qu’un tiers des cas reportés, ce qui signifie que 70 cas sur 100 sont déjà perdus à ce stade. ‘‘Le manque de preuves’’ est la première raison pour laquelle la majorité des dénonciations ne va pas plus loin. Il y a significativement plus de chances d’aboutir à une condamnation si l’attaque se produit dans un espace public par un inconnu de la victime, par rapport aux agressions bien plus courantes où l’auteur est connu d’elle. Depuis l’introduction en 1990 de la pénalisation du viol conjugal, il n’y a eu qu’une seule condamnation, ce qui est choquant lorsqu’on considère que 18% des agressions sexuelles sur les femmes sont commises par des hommes qui ont ou ont eu une relation intime avec elles par le passé.
Une étude par le Rape Crisis Network Ireland a monté que jusqu’à 40% des victimes de viols retirent leur plainte en raison de la faible réaction de la police. Les cas sont souvent abordés de façon insensible et des incidents comme le scandale de la ‘‘rape tape’’ de Rossport n’est pas pour rassurer les victimes lorsqu’elles rapportent la violence sexuelle. Dans cette vidéo, des policiers menaçaient deux manifestantes arrêtées de les violer si elles n’obéissaient pas à leurs instructions. Une autre tendance alarmante dans le système judiciaire irlandais est l’augmentation du nombre de procès où des hommes riches donnent une compensation financière à leur victime au lieu d’être condamnés à la prison.
Le viol en Inde
Le viol collectif et le meurtre d’une étudiante en médecine de 23 ans à Delhi ont amené la question de la violence sexuelle dans les médias de masse, obligeant les gens à se rendre compte de l’impact de la ‘‘culture du viol’’ en Inde et à travers le monde. La façon sournoise dont ce cas a été géré par la police a mis en lumière l’attitude dédaigneuse envers le viol en Inde.
Il s’agit du crime le plus répandu dans le pays : au moins 24 000 incidents sont rapportés chaque année et on estime que seuls 50% des viols sont rapportés. Cette culture est un arrière goût amer du système féodal dominé par les hommes en Inde. Il existe un énorme mépris des femmes dans tout le large et varié spectre politique et religieux du pays. En contradiction directe avec le système discriminatoire, il n’est pas exceptionnel qu’un homme d’une caste inférieure agresse une femme de la classe supérieure dans la rue. La propriété des femmes par les hommes dépasse le statut social même ici, ce qui indique à quel point l’oppression des femmes est enracinée.
Les femmes des classes inférieures Dalit ou intouchables qui sont les plus vulnérables. La société indienne leur offre peu de protection ou de justice et la majorité du temps, les attaques contre ces femmes ne sont pas remarquées et restent impunies. L’idéologie de la domination masculine dans une période de changement social rapide et abrupt, avec les femmes et les castes inférieures qui entrent dans la force de travail en raison des investissements capitalistes en Inde, est le contexte dans lequel le viol est si endémique et répandu dans le pays.
Remettre en cause la ‘‘culture du viol’’
‘‘Mon violeur ne sait pas qu’il est un violeur. Vous lui avez appris que ce n’est pas de sa faute. J’avais trop bu, j’ai flirté, et mes vêtements étaient trop courts. Je l’ai cherché. Il m’a laissée dans l’escalier d’un parking. Mon (ex) petit copain m’a craché à la figure. Il m’a traitée de pute, il n’a traitée de salope. Je l’avais mérité. Mes amies me jetaient des sales regards. Elles m’ont dit que j’étais un déchet, sans réaliser que ça aurait pu être elles. Cette culture, votre culture, leur a dit, m’a dit, que c’était de ma faute. Et j’ai souffert. Mais mon violeur ne sait pas que c’est violeur. Je n’ai pas honte. Je reste debout.’’
Comme l’indique cette citation d’une participante à la slutwlak de Washington DC en 2011, une culture qui ramène les femmes au rang d’objet, qui promeut une vision bancale de la sexualité des femmes, qui culpabilise les victimes et non les agresseurs, qui encourage les femmes à ne pas sortir seules la nuit, à prendre des cours de self-défense, à s’habiller d’une certaine façon pour éviter le harcèlement et attaques sexuel mais n’apprend pas aux hommes et aux jeunes pourquoi ‘‘non, c’est non’’ – fait absolument partie du problème auquel on doit s’attaquer.
La prolifération de l’industrie pornographique – généralement destinée aux hommes et centrée sur une vision des femmes, de leur sexualité et du sexe en général très étroite, dirigée par les hommes et souvent misogyne, qui lie de plus en plus le sexe et la violence – alimente cette culture. C’est aussi le contexte de la gueule de bois de la promotion idéologique des rôles traditionnels de chaque genre qui dénigre aussi les femmes et appuie la subordination des femmes aux hommes. Plus encore, c’est le contexte de la promotion de l’idée, propre au capitalisme, de la responsabilité individuelle et de l’individualisme, qui isole les femmes à leur détriment, et des normes sociales et culturelles arriérées, qui donne naissance à la ‘‘culture du viol’’. Les phénomènes Slutwalk et Rage Against Rape sont en opposition à cette culture, et sont en soi une politisation des questions du viol et de l’oppression. Cela joue un rôle dans l’éducation des masses à cette question.
Les femmes et la lutte pour le socialisme
Comme nous l’avons vu, l’ère de l’austérité est une énorme menace contre les conditions de vies et les droits de chacun. Les travailleuses, aux côtés de leurs collègues masculins, sont à l’avant-garde de la lutte contre les coupes budgétaires et les suppressions d’emplois. En Irlande, nous avons surtout vu les travailleuses des entreprises Thomas Cook et La Senza occuper leur lieu de travail lorsqu’elles étaient menacées de licenciement. Les attaques contre le secteur public dans toute l’Europe requièrent une lutte énorme et un mouvement d’opposition massif. Les femmes peuvent jouer un rôle central dans un tel mouvement.
En plus d’un combat déterminé spécifique pour remettre en cause le sexisme, l’objectification, la violence et les agressions sexuelles, il est vital qu’un mouvement contre l’austérité mette aussi ces questions en avant et les relie afin d’assurer que les femmes puissent être au centre du mouvement, et aussi jouer un rôle dans l’éducation des hommes, qui eux-mêmes n’ont pas intérêt à ce que la situation actuelle perdure.
Depuis le début de la ‘‘Grande Récession’’ de la crise capitaliste, il y a eu une baisse de 29% du nombre de filles qui finissaient leurs études primaires (le taux est de 22% pour les garçons). Dans le pays le plus riches au monde, les USA, 17 millions de femmes vivaient dans la pauvreté en 2011 (de même que 12,6 millions d’hommes). Ces inégalités sont abjectes, de même que l’énorme pauvreté et la destruction des conditions de vie que le système du profit fait subir à la majorité des femmes, des hommes, des enfants et des jeunes dans le monde.
La lutte pour en finir avec ce monde de violence, d’oppression, de pauvreté et d’austérité doit mettre le socialisme à l’ordre du jour, c’est à dire la propriété publique démocratique des principales richesses et ressources, et la planification démocratique de l’économie en fonction des besoins de la population.
Une lutte massive pour réaliser ce changement en Irlande, en Europe et partout dans le monde, et une société basée sur la solidarité humaine et l’égalité, pourraient poser les bases pour remettre en cause et mettre fin à l’oppression des femmes que le viol incarne.
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Mali : l’intervention impérialiste n’offre aucun espoir à la classe des travailleurs
Du Libéria au Congo et à la Somalie, de la Sierra-Léone au Rwanda et au Burundi, du Soudan au Sud-Soudan et au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et maintenant au Mali, une grande proportion de pays post-coloniaux et néo-coloniaux d’Afrique sont victimes de faillites étatiques. Comme le Démocratic Socialist Movement (DSM) l’a toujours défendu, la raison sous-jacente de cette faillite (qui se manifeste par des guerres, des rébellions, des coups d’états et l’instabilité gouvernementale), c’est l’incapacité des Etats à satisfaire les besoins essentiels des masses.
Par Lanre Arogundade, Démocratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
- Rubrique de ce site consacrée à l’Afrique
Mais le glissement vers le chaos et l’anarchie est encore plus appuyé par, de temps à autre, des questions ethniques non-résolues, dont les racines se trouvent dans la volonté de s’accaparer des ressources naturelles et dans le dessin de frontières artificielles par les anciennes puissances colonisatrices.
Il y a également l’intégration des pays africains néo-coloniaux dans le giron du capitalisme mondialisé – ce qui correspond de facto à l’agenda de re-colonisation – qui est venue avec l’imposition de politiques publiques néo-libérales et anti-pauvres à travers lesquelles la richesse se concentre en un nombre toujours plus restreint de mains pendant que l’immense majorité des pauvres et des travailleurs souffre de privations.
La vraie tragédie de l’Afrique, c’est que ces pays sont riches en ressources humaines et naturelles, à tel point qu’une telle pauvreté devrait être une abhérration. Cependant, comme nous le voyons tous les jours, ces ressources sont sources de beaucoup plus de maux que d’aides. Ainsi, parfois, plus riche en minérai est le pays (comme la RDC ou le Nigéria) plus grand est le nombre de guerres, de guerres civiles ou le chaos de ce pays.
Au dela de cela, la crise qui secoue le Mali n’est que le dernier chapitre d’un conte sordide. La réalité reste qu’en dépit de l’intervention de l’impérialisme francais et des forces de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce ne sera pas la dernière crise à cause de la fragilité croissante des soi-disantes démocratie africaines. C’est cette fragilité qui a fait que la classe dirigeante malienne (civile ou militaire) s’est jetée dans les bras des forces d’intervention étrangères. Les jeunes officiers formés par les Etats-Unis, qui avaient préalablement planifié un coup d’état contre le gouvernement civil, ont dû se rétracter quand ils se sont rendus compte du sous-équipement et de la sous-motivation de leurs troupes.
Aucune défaite des forces islamistes au Nord Mali ne pourra sortir la grande majorité des maliens de la pauvreté aussi longtemps que le système d’oppression capitaliste se maintiendra aux commandes.
Bien que la cause immédiate de la crise actuelle est la pression des restes des forces touaregs (qui ont conservés leur loyauté d’autrefois à l’ex-régime de Muhammar Khadafi) pour obtenir par la force leur Etat propre, le facteur déterminant dans cette crise reste le fait que le gouvernement de Bamako a pratiquement perdu toute légitimité à cause de son incapacité à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels est confrontée la population malienne. En lancant un appel à l’intervention militaire étrangère, la classe dirigeante malienne a agit de facon à classer l’affaire, après avoir précipité l’économie dans un état de dépendance envers l’aide étrangère qui lui permet à peine de survivre. Comme Walter Rodney le disait dans son livre Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique, “Si le pouvoir économique est situé en dehors des frontières nationales de l’Afrique, alors le pouvoir politique et militaire est de fait situé en dehors des frontières nationales jusqu’à ce que les masses des paysans et des travailleurs se mobilisent pour offrir une alternative à ce système de parodie d’indépendance politique.”
En effet, c’est cette dépendance économique qui rend le Mali si vulnérable à n’importe quelle crise sur le marché des matières premières puisque les deux piliers de son économie restent la production agricole et la prospection d’or. En 2001, le Mali est devenu le 3° plus grand extracteur d’or d’Afrique avec 41 tonnes par an (après l’Afrique du Sud et ses 391 tonneset le Ghana avec 72 tonnes). Il n’est pas exclu que les riches réserves d’or du pays aient été une motivation majeure pour les rebelles, de même que l’étalage des vastes ressources minérales de RDC continue d’encourager des rébellions armées répétées et tout comme les “diamants du sang” constituent le facteur central dans la guerre menés par les rebelles de Charles Taylor qui toucha la région de la rivière Mano (Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire) des années ’90 jusqu’à tout récemment.
Pourtant, le Mali figure dans le classement des 25 pays les plus pauvres au monde selon l’Observatoire Economique Africains. La croissance économique s’est écroulée pour atteindre 1,1% en 2011, une situation économique attribuée en partie “ à la crise post-électorale de la Côte d’Ivoire, à la guerre en Lybie et à la flambée des prix du pétrole, du gaz et de la nourriture”, avec comme conséquence un boom de la pauvreté pendant que le chômage frappe les catégories les plus jeunes de la population dont 15,4% des 15-39 ans. “Les jeunes sans emploi représentent 81,5% du total des sans emlplois du pays.” Tout cela est arrivé après que le pays ait accepté le prêt du FMI qui précède chronologiquement l’incursion rebelle au Nord-Mali
Malheureusement, ce niveau de pauvreté n’arrêtera pas les impérialistes dans leur volonté de faire payer au pays les frais liés à l’entrée en guerre, tout comme l’Irak a dû le faire et doit toujours le faire pour la guerre du Golfe, via ses ressources pétrolières, ou comme le Libéria a dû payer sa propre guerre avec ses abondantes plantations de caoutchouc qui sont désormais vendues insouciamment à des intérêts économiques étrangers. Le plus grand propriétaire mondial de caoutchouc peut se vanter de ne pas détenir sur son territoire national la moindre usine de caoutchouc ne serait-ce même que pour les semelles de pantoufles…
Au Mali, cette volonté se présente sous la forme de nouvelles exploitations impitoyables des gisements d’or et de la politique économique néo-libérale via la privatisation des principaux secteurs de l’économie.
Des pays comme le Nigéria sont extrêmement désireux de contribuer à l’envoi de troupes au Mali, car ils sont confrontés à leurs propres crises internes. La classe dirigeante Nigériane s’appuie sur les services secrets étrangers (américains, israëliens et anglais) pour faire face aux campagnes de bombardements de Boko Haram (organisation islamiste nigériane qui est en rébellion armée dans ce pays et est également présente au Mali, ndlr ). Apparemment, cette intervention est aussi un moyen d’envoyer l’avertissement que l’utilisation de la force brute soutenue par des puissances étrangères peut devenir une option au Nigéria.
Cependant, nous devons mettre en garde contre cette réponse musclée et militaire qui échouera à enrayer la menace posée par l’insurrection de Boko Haram. Il convient de rappeler que ce sont les brutales réponses militaires – avec le meurtre de sang-froid du leader de Boko Haram, Mohammed Yusuf, en 2009 – qui ont conduit à l’escalade des activités de Boko Haram avec son cortège de massacres insensés et de destructions debridées des institutions d’Etat et de bâtiments l’Eglise, tous deux percus comme des ennemis.
Pareillement, après des années d’expéditions militaires par les pouvoirs capitalistes mondiaux menés par les Etats-Unis – et qui ont coûté des milliards de dollards et la vie de centaines de milliers (si ce n’est de millions) de soldats et de personnes sans défenses – des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, le Pakistan ou encore la Lybie où les forces impérialistes ont mené une guerre contre les soi-disant terroristes, restent les pays les plus instables, où la pauvreté règne, des pays non-démocratique et plus divisés que jamais.
Evidemment, les conséquences de l’actuelle expédition impérialiste au Mali ne va qu’empirer la situation politique et sociale du Mali et du Nigéria qui a donc envoyé des soldats commme composantes des troupes de la CEDEAO. Les insurgés tuant déjà beaucoup de soldats déployés au Mali.
Les véritables socialistes et les véritables militants de la classe ouvrière continueront de s’opposer à l’intervention impérialiste au Mali et dans d’autres parties de l’Afrique car elle n’offre aucune perspective d’espoir pour les travailleurs. Mais les forces de la désintégration continueront d’être présentes tant qu’il n’y aura pas d’intervention décisive de la classe ouvrière agissant de concert avec les paysans pauvres et les fermiers.
Il est donc devenu impératif de faire croître la conscience sociale des travailleurs à travers la construction d’un puissant mouvement politique avec l’objectif de conquérir le pouvoir sur base des idées socialistes.
Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres pourra opposer la garantie du droit à l’autodétermination aux tentatives des groupes armés de s’imposer non démocratiquement et par la force aux populations.
Du Mali au Nigéria, au Libéria, au Kenya et au Soudan, un tel gouvernement devra prendre les décisions pour aller vers la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique et la gestion des travailleurs dans l’objectif de libérer les ressources nécessaire à la réalisation d’un programme d’investissement public massif dans l’éducation, la santé, les logements et les infrastructures rurales.
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L'Afrique peut-elle sauver le capitalisme ?
L’élite capitaliste cleptomane vit dans l’opulence, mais la croissance ne touche pas les masses laborieuses
”Je suis absolument convaincu du fait que l’Afrique représente la prochaine zone pionnière économique mondiale, et je ne suis pas le seul à partager cette conviction” affirmait en avril dernier Johnnie Carson, sous-secrétaire d’Etat américain pour l’Afrique. Il n’est pas le seul à exprimer son optimisme croissant au sujet de l’Afrique. Comme il l’a fait remarquer, les perspectives de croissance de la Banque mondiale pour l’Afrique pour les deux prochaines années se situent entre 5 et 6 %, un taux de croissance au-delà de celui de l’Amérique latine, de l’Asie centrale ou de l’Europe.
Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO Nigeria)
Selon les prévisions du FMI pour les cinq années qui suivent 2011, sept pays africains (Éthiopie, Mozambique, Tanzanie, Congo-Kinshasa, Ghana, Zambie et Nigeria) se trouveront dans les top dix des pays à la croissance la plus rapide au monde. Une analyse du magazine The Economist révélait l’an dernier que six pays africains (Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad, Mozambique et Rwanda) se trouvaient dans le top dix des pays qui ont eu la croissance la plus rapide entre 2000 et 2010. De fait, l’Afrique a commencé à attirer des remarques positives de la part des commentateurs capitalistes, surtout depuis le début de la crise économique mondiale.
Cette crise, qui est la pire crise capitaliste depuis la Grande Dépression des années 1930, a enflammé l’Europe et les États-Unis, poussant apparemment les stratèges capitalistes à aller chercher le succès ailleurs – et ils en auraient trouvé en Afrique.
Les grands médias capitalistes ont arrêté leur campagne permanente de dénigrement du continent africain, et acclament à présent en grande pompe la moindre tendance “positive”. On peut voir un exemple clair de tout ceci dans les pages de The Economist où l’Afrique s’est métamorphosée, passant de “Continent sans espoir” en mai 2000 à “Continent rempli d’espoir” en décembre 2011.
Cependant, la plupart des superbes taux de croissance de ces pays reflètent une hausse de la valeur des exportations des matières premières, à la fois en termes de production et en termes de prix, qui est liée à la croissance de la demande mondiale, surtout de la part de la Chine. Par exemple, le prix du pétrole est passé de 20 $ du baril en 1999, à 147 $ en 2008. Ces statistiques, de manière générale, ne reflètent pas une croissance généralisée de l’économie du continent ni de son niveau de vie. De plus, tout ralentissement de l’économie, que ce soit en Occident ou en Chine, aura pour conséquence une baisse brutale de la demande pour les exportations africaines.
Une grande misère
Pour la plupart des travailleurs, qui n’ont vu qu’une aggravation de leurs conditions de vie d’année en année, les statistiques économiques impressionnantes qu’on voit apparaitre çà et là sont un grand mystère. En fait, la forte augmentation du prix de la nourriture et du carburant revient à une attaque constante contre le niveau de vie. L’Afrique est aujourd’hui un continent dévasté par une misère de masse, avec un accès très limité aux nécessités vitales de base.
Par exemple, en Éthiopie – pays qui se trouve justement sur la “liste d’or” –, 90 % de la population a été classée en tant que “pauvre multidimensionnelle” par un rapport du Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud) publié en 2010. La situation au Nigeria, qui est le plus grande producteur de pétrole africain, a également été très correctement décrite par le Pnud. Son représentant dans le pays, M. Daouda Touré, a remarqué que ”Depuis maintenant plus d’une décennie, le Nigeria a connu un taux de croissance élevé permanent, qui n’a pas eu la moindre répercussion sur le plan de l’emploi ni sur celui de la réduction de la pauvreté parmi ses citoyens.” Il ajoute : ”Les statistiques disponibles en ce moment suggèrent que le taux de pauvreté au Nigeria s’est en réalité aggravé entre 2004 et 2010” (The Nation, Lagos, 29 août 2012). Cela n’a que confirmé ce que le statisticien général du Nigeria, M. Yomi Kale, avait dit concernant le ”paradoxe (…) qui fait que malgré le fait que l’économie nigériane est en pleine croissance, la proportion de Nigérians vivant dans la pauvreté ne fait qu’augmenter d’année en année.” (The Guardian, Lagos, 14 février 2012).
L’Afrique du Sud, qui est la plus grande économie du continent, est aussi le deuxième pays le plus inégalitaire au monde. Cela, malgré la politique du “black economic empowerment” (promotion économique des noirs) menée par le gouvernement ANC dans l’Afrique du Sud post-apartheid.
En Angola, les deux tiers de la population vivent avec moins d’un euro (656 FCFA) par jour, et seuls 25 % des enfants fréquentent l’école primaire (The Guardian, Londres, 18 novembre 2011). L’Angola est pourtant le pays qui a eu le taux de croissance économique le plus élevé au monde, avant la Chine, dans les années 2000 à 2010. L’Angola représente à l’heure actuelle un paradis économique pour le capitalisme portugais, dont le pays natal se trouve en ce moment sous les feux de la crise de la zone euro. Ce pays nous offre ainsi un exemple classique de migration inversée entre l’Europe et l’Afrique. Non seulement l’Angola abrite aujourd’hui une communauté de 150 000 Portugais chassés par le chômage dans leur pays, mais il a également massivement investi ses pétrodollars au Portugal. La compagnie pétrolière d’État angolaise, la Sonangol, est le principal actionnaire d’une des plus grandes banques du Portugal, la Millenium BCP. En juin 2010, l’ensemble des investissements angolais dans des entreprises portugaises étaient estimés valoir plus de deux milliards d’euros, selon le Financial Times. Et pourtant, on ne trouve quasiment ni électricité ni eau potable dans tout le pays, même dans la capitale Luanda.
Tout cela est symptomatique de la situation en Afrique, où la croissance économique se reflète uniquement dans l’opulence de l’élite de voleurs capitalistes au pouvoir, et aucunement dans le développement de l’infrastructure ou dans l’amélioration du niveau de vie de la masse de la population.
Mais les stratèges capitalistes ne sont pas concernés par le sort des travailleurs. Tant qu’il y a des ressources naturelles à exploiter librement pour leurs super-profits, l’Afrique est pour eux tels un lit de roses.
Comme le rapportait The Guardian de Londres : ”Il y a parmi le monde des affaires de plus en plus de confiance dans le fait que l’Afrique est la destination d’investissements qui donne les plus grands profits au monde” (28 mars 2012). C’est ainsi que la banque d’investissements mondiales Goldman Sachs disait dans un rapport en mars 2012 que : ”L’Afrique est une destination à laquelle les investisseurs doivent réfléchir, pour une croissance sur le long terme (soit on y participe, soit on rate une bonne occasion).”
Cette course à la super-exploitation de l’Afrique explique pourquoi le continent, avec ses immenses ressources naturelles et ses immenses terres fertiles pour l’agriculture, est dominé par des multinationales et est dirigé sur base d’une politique capitaliste néolibérale qui bénéficie avant tout à l’Occident impérialiste.
L’absence d’infrastructures de base (ou, quand elle est présente, sa médiocrité) signifie que l’Afrique est toujours en très grande partie dépendante de ses exportations de matières premières, et que le continent dans son ensemble ne compte toujours que pour un ridicule 2 % de la production mondiale.
Les soi-disant “investisseurs” ne sont surtout intéressées que par les industries d’extraction qui, bien que créant de la croissance, ne créent que très peu d’emplois. Cet échec dans le développement de l’industrie de transformation explique pourquoi l’Afrique, en tant qu’exemple classique de croissance sans emploi, ne peut imiter le rôle de la Chine en tant que moteur du capitalisme mondial, malgré son immense population et son urbanisation croissante. Au contraire, c’est le capitalisme qui garantit le sous-développement du continent.
Une corruption rampante
Les souffrances de l’Afrique sont également dues à la corruption caractéristique de ses dirigeants. Il convient cependant bien de souligner le fait que la corruption est loin d’être propre de l’Afrique ou des pays en développement.
La plupart des ressources qui restent en Afrique, après les pertes dues au commerce inéquitable et au payement de la dette, sont volées par les dirigeants pro-impérialisme corrompus, puis envoyées vers des comptes en banques privés à l’étranger, en Europe ou en Amérique.
Le capitalisme néolibéral, qui entraine avec lui privatisations et dérégulations, a donné encore plus de marge aux dirigeants africains pour piller le trésor public, puisque ce ne sont plus eux qui sont censés utiliser ces ressources afin de fournir les infrastructures et les services de base.
Mais face à cette situation, les travailleurs, les jeunes et les pauvres du continent sont loin d’être passifs. L’Afrique a une longue histoire de luttes de masse contre le colonialisme et le racisme. Plus récemment, on a vu apparaitre des luttes contre les régimes pourris et corrompus et pour une vie meilleure, comme on l’a vu après les insurrections de masse, surtout en Afrique du Nord, qui ont chassé au moins trois dictateurs. En janvier 2012, nous avons assisté à la plus grande grève générale et au plus grand mouvement de masse de toute l’histoire du Nigeria, contre la hausse du prix de l’essence. Les mineurs sud-africains, dans leur lutte pour de meilleures conditions de travail et pour un meilleur salaire, ont quasi mis à genoux l’industrie minière. Le secteur des mines compte pour une très grande part de la richesse du pays ; il est aussi un symbole de l’immense inégalité entre travailleurs et patrons.
Cette lutte des mineurs, dans laquelle le DSM sud-africain joue un rôle dirigeant, a contribué à mettre au-devant de la lutte la revendication pour la nationalisation de l’industrie minière, ainsi que l’idée d’une alternative politique des travailleurs et des pauvres contre l’ANC.
Les mouvements de masse des travailleurs et de la jeunesse en Europe, et en particulier en Grèce et en Espagne, contre l’austérité et contre les attaques néolibérales sur l’emploi, sur les salaires, sur l’enseignement et sur la santé, vont continuer à élever la conscience des travailleurs en Afrique. Les nouvelles luttes qui vont se développer en Afrique auront pour effet qu’il n’y aura aucun refuge sûr pour le capitalisme dans un monde de crise, et seront une source d’inspiration afin d’intensifier la quête d’une alternative socialiste.
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Militantisme internet : Le phénomène “Kony 2012”
Rarement auparavant une idée s’est répandue aussi rapidement à la surface du monde. En quelques jours, des dizaines de millions de gens ont regardé la vidéo “Kony 2012” de l’association Invisible Children, qui s’est propagée telle un virus dans tous l’internet et les réseaux sociaux. Choqués par les histoires de meurtres, viols et d’abus d’enfants soldats, de nombreuses voix se sont élevées pour demander que “quelque chose soit fait” contre Joseph Kony et son Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army (LRA)) en Afrique centrale et orientale.
Robert Bechert, CIO
Comment faire cesser le cauchemar ?
Pendant un moment, Invisible Children semblait mener la danse, au fur et à mesure que le soutien s’accroissait rapidement en faveur de leur appel à une action contre Kony. En quelques jours, cette vidéo a engendré une vague de colère, particulièrement parmi la jeunesse américaine. Invisible Children a fait appel à l’idéalisme de nombreux jeunes désireux de se battre pour un monde meilleur, libéré de l’oppression et de la misère. La vidéo a encouragé de nombreux jeunes à se demander ce qu’ils pouvaient faire eux-mêmes. Toutefois, il est rapidement devenu clair que la campagne d’Invisible Children n’était pas ce qu’elle semblait être de prime abord. Certains ont entre autres commencé à se demander pourquoi, dans son dernier rapport financier, Invisible Children, une association charitable dont le but avéré est d’aider les enfants de l’Ouganda, n’a dépensé en Ouganda que 37,14 % de son revenu total.
L’an dernier, le mouvement “Occupy” contre les “1 %” s’est répandu très rapidement à travers tous les États-Unis et dans le monde, fédérant la méfiance et l’hostilité larges à l’encontre des classes dirigeantes et de l’élite. La colère anti-Kony s’est répandue encore plus vite. Beaucoup plus vite. Toutefois, Invisible Children ne s’oppose pas à l’élite américaine ; le logo de leur campagne “Kony 2012” représente l’âne et l’éléphant symboles des deux partis américains, démocrate et républicain. On retrouve parmi les principaux sponsors d’Invisible Children des groupes chrétiens fondamentalistes qui ont leur propre agenda de droite pro-capitaliste.
Nous ne voulons pas ici dénigrer les millions de gens qui ont été enragés par l’histoire de cette vidéo et qui veulent urgemment faire quelque chose, mais ces événements sont un autre exemple de la manière dont les classes dirigeantes, les 1 %, tentent d’utiliser, voire manipuler, l’authentique colère populaire et ce , dans leurs propres intérêts.
Dans ce cas, la réalité est que Invisible Children appelle les États-Unis à maintenir et à approfondir son intervention militaire contre Kony et la LRA. Jason Russell, producteur et narrateur de cette vidéo, prétend que la décision d’Obama d’octobre dernier concernant l’envoi de 100 soldats américains en Afrique centrale afin de chasser Kony ”était la première fois dans l’Histoire américaine que le gouvernement américain a lancé une action non pas pour sa propre auto-défense, mais parce que le peuple l’exigeait.”
Cette position se trouve au centre de la campagne d’Invisible Children. Elle a d’ailleurs répété cette position dans sa réponse officielle aux critiques qui ont été émises à l’encontre de la vidéo et de la campagne “Kony 2012”.
”La mission d’Invisible Children est de mettre un terme à la violence de la LRA et de soutenir les communautés affligées par la guerre en Afrique centrale et orientale… L’objectif de Kony 2012 est de voir le monde s’unir jusqu’à ce que Kony soit arrêté et jugé pour ses crimes contre l’humanité.”
”La campagne Kony 2012 appelle le gouvernement américain à faire quelque chose concernant ces deux problèmes. Nous sommes pour le déploiement de conseillers américains et pour l’envoi du matériel d’information et autre qui puisse aider à localiser Kony et à le soumettre à la justice ; nous sommes aussi en faveur d’une intensification de la diplomatie afin de voir les gouvernements régionaux se tenir à leurs engagements de protéger les civils de ce genre de violence brutale”. (Déclaration officielle d’Invisible Children postée dans la section “Critiques” de leur site internet)
Les arguments d’Invisible Children ont été exprimés plus en détail dans leur lettre du 7 mars adressée au Président Obama :
”Votre décision de déployer des conseillers militaires américains dans la région en octobre 2011 a été une mesure bienvenue visant à plus d’aide aux les gouvernements régionaux dans leurs efforts afin de protéger le peuple des attaques de la LRA …
”Cependant, nous craignons qu’à moins que les efforts américains déjà entrepris ne soient étendus, votre stratégie puisse s’avérer inefficace … Nous vous encourageons à intensifier le déploiement de conseillers américains jusqu’à ce que la LRA cesse de représenter une menace pour les civils …
”Le gouvernement congolais, en particulier, a cherché de manière active à diminuer l’importance de la présence de la LRA et de son impact sur les communautés congolaises. Qui plus est, l’Ouganda a retiré plus de la moitié des forces initialement déployées dans la traque des commandants et groupes de la LRA, et leurs forces n’ont plus le droit d’opérer au Congo, où la LRA commet la majorité de ses attaques sur des civils. Nous vous implorons de contacter directement les Présidents de chacun des quatre pays concernés – en partenariat avec l’Union africaine – afin de renforcer la coopération régionale, d’accroitre les effectifs et la liberté d’action des troupes déployées dans les zones affligées par la LRA, et de renforcer les efforts visant à encourager les désertions des soldats rebelles.”
Mais la politique du gouvernement américain en Afrique ne part pas de l’idée de défendre les intérêts de la vaste majorité des Africains. Quelques jours seulement après que cette lettre ait été envoyée, le général Carter Ham, commandant du United States Africa Command (Africom, Commandement des États-Unis en Afrique), a entamé ainsi son discours annuel devant le Comité des services armées du Sénat américain : ”Nos opérations, nos exercices, nos programme de coopération à la sécurité continuent à contribuer aux objectifs politiques américains en Afrique, à renforcer le partenariat et à réduire les menaces envers l’Amérique, les Américains, et les intérêts américains basés en Afrique.”
Malgré le taux de croissance relativement élevé de l’Afrique en ce moment, principalement basé sur l’exploitation des matières premières, la majorité de la population n’en tire quasiment aucun bénéfice. Dans de nombreux pays, le niveau de vie ne s’élève qu’à peine ; souvent l’inflation élevée des prix de l’énergie et de la nourriture sape en réalité ce niveau de vie.
Le Nigéria est en ce moment présenté comme étant un des meilleurs “espoirs” du capitalisme en Afrique, mais rien que le mois dernier, l’Office national des statistiques a rapporté que ”Alors qu’en 2004, le taux de pauvreté relative du Nigéria s’élevait à 54,4 %, celui-ci s’est accru à 69 % en 2010, soit 112 518 507 Nigérians ». Ceci, malgré les statistiques officiels qui montrent que le PIB nigérian s’est accru de 7,35 % chaque année entre 2004 et 2010. Et la situation continue à empirer. En même temps que l’annonce de ces chiffres, le Statisticien général du Nigéria a ajouté que « en mesurant la pauvreté en termes relatifs, absolus et en dollars-par-jour, l’Office national des statistiques estime que la pauvreté pourrait s’être accrue respectivement à environ 71,5 %, 61,9 % et 62,8 % en 2011” (The Guardian de Lagos, 14 février 2012).
C’est l’échec permanent de l’Afrique à se développer qui est la cause de tous les troubles, de toute l’oppression et de toutes les guerres qui semblent être la caractéristique de ce continent. Cela n’est pas quelque chose de typiquement “africain” : les autres continents du monde n’ont pas non plus connu une histoire sans guerre ni oppression ; mais aujourd’hui, dans un monde dominé par l’impérialisme, les perspectives pour un développement capitaliste en Afrique sont sévèrement limitées.
Voilà la raison pour les nombreux maux qui affligent le continent.
L’histoire de l’Ouganda
L’histoire sanglante de l’Ouganda et des pays l’environnant n’est qu’un autre triste exemple de ce fait.
Au cours des dernières décennies, l’Ouganda a vu une dictature faire place à une autre, au fur et à mesure que les différentes élites dirigeantes en lutte les unes contre les autres ont cherché à s’accrocher au pouvoir dans une situation où les droits démocratiques étaient réprimés ou limités parce que l’économie capitaliste locale était trop faible que pour pouvoir se permettre la moindre concession durable. Rien qu’en avril et mai dernier, les manifestations contre la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture n’ont reçu pour seule réponse que la répression policière et la censure de la part du régime autoritaire de Museveni. L’inflation galope à près de 44 %, ce qui veut dire que le taux de pauvreté de l’Ouganda va certainement continuer à s’accroitre.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport mondial 2012, a condamné le fait qu’en Ouganda « pendant les manifestations d’avril 2011, à la suite des élections présidentielles de février, l’utilisation non-justifiée de violence mortelle par les forces de sécurité ougandaises ont causé la mort de neuf personnes. Les politiciens de l’opposition et des centaines de leurs partisans ont été arrêtés et condamnés pour réunion illégale et incitation à la violence, tandis que des agents étatiques battaient et harcelaient les journalistes qui relayaient le mouvement » (22 janvier 2012).
Mais ces conflits ne visent pas seulement des enjeux économiques ; s’y retrouvent mêlés également des conflits nationaux et des rixes entre différentes couches rivales au sein de l’élite, tout cela parfois en collusion avec diverses puissances impérialistes rivales.
En Ouganda, le dirigeant actuel, Museveni, est arrivé au pouvoir en 1985 après le renversement de Milton Obote. Au cours de son règne, Obote avait le soutien de la population Acholi du nord de l’Ouganda ; cette population a beaucoup souffert après son renversement.
Human Rights Watch, qui soutient la campagne anti-Kony, a dû admettre que ”L’Armée de résistance du Seigneur a commencé à se battre contre le gouvernement ougandais au milieu des années ’80, en partie en guise de réponse à la marginalisation de la population du nord du pays par le gouvernement” (9 mars 2011).
Kony lui-même est un Acholi. Dans son “Histoire de la guerre”, Invisible Children décrit ce qui est arrivé aux Acholis : ”À partir de 1996, le gouvernement ougandais, incapable de stopper la LRA, a exigé des habitants du nord de l’Ouganda qu’ils quittent leurs villages pour se rendre dans des camps gouvernementaux pour “personnes déplacées en internes” (IDP). Ces camps étaient censés avoir été créés pour la sécurité des populations, mais ils étaient pleins de maladies et de violences. À l’apogée du conflit, 1,7 millions de gens vivaient dans ces camps à travers toute la région. Les conditions y étaient ignobles et il n’y avait pas moyen d’y vivre. C’est ainsi que toute une génération du peuple acholi est né et a grandi dans ces camps.”
Il a été estimé que près de 80 % de la population du nord de l’Ouganda a été déportée de force dans ces camps ou “villages protégés”, et bien que la plupart ait apparemment quitté les camps, les réfugiés qui revenaient chez eux se sont de plus en plus retrouvés confrontés à des conflits ayant pour enjeu leur droit de revenir vivre sur la terre qu’ils ont autrefois habitée et cultivée.
Mais bien que les origines de la LRA tirent en partie leurs racines de la tragédie du peuple acholi à partir du milieu des années ’80, il ne fait aucun doute que la LRA n’a jamais, au grand jamais, été un mouvement de libération visant à protéger les Acholis ; dans les faits, elle n’a été qu’un oppresseur de plus.
La LRA a quitté l’Ouganda en 2006 au moment du démarrage des négociations de paix ; mais ces pourparlers ont finalement échoué à parvenir à un accord. Ceci a mené à l’attaque militaire sur la LRA, la toute première opération organisée par l’Africom récemment créée. Cette attaque, soutenue par Invisible Children, est décrite en ces termes par l’association dans son “Histoire de la guerre” : ”En décembre 2008, lorsqu’il est devenu clair que Kony n’allait pas signer l’accord, l’opération “Tonnerre d’éclair” (Operation Lightning Thunder) a été lancée. Cette opération était le résultat d’une action coordonée de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Soudan, avec le soutien des États-Unis en matière de logistique et de renseignements.”
Il est clair que, vu son silence autour de ce qui est maintenant en train de se passer en Ouganda et son soutien actif pour l’intervention militaire américaine, les organisateurs d’Invisible Children sont en train, intentionnellement ou non, de mobiliser pour des actions qui, tout en pouvant permettre de porter le coup final à ce qui reste de la LRA, ne feront pas pour autant cesser le cycle de violence à l’encontre des enfants et des adultes.
Invisible Children ne peut même pas affirmer que l’administration Obama est sérieuse concernant une de leurs principales revendication – la fin de l’exploitation d’enfants-soldats. Rien qu’en octobre dernier, l’administration Obama a donné son feu vert à une continuation du financement militaire par les États-Unis du Yémen, du Tchad et de la RDC, malgré la persistance de l’utilisation d’enfants-soldats par ces pays. Cela était censé cesser après l’adoption du Child Soldiers Pervention Act en 2008, pour lequel Obama lui-même avait voté en tant que sénateur. Mais maintenant, en tant que président, Obama signe des accords justifiés par “les intérêts de la sécurité nationale” (ABC News, 5 octobre 2011). Le gouvernement américain est d’une hypocrisie monstre concernant les enfants-soldats. Alors que Kony est dénoncé pour son usage d’enfants-soldats, personne ne dénonce le pays dans lequel la LRC est basé aujourd’hui, la RDC !
Tout cela montre bien que, malgré tout le vernis humanitaire, la politique de la classe dirigeante américaine (et d’autres) n’est déterminée que par la défense de ses propres “intérêts nationaux” (càd, les intérêts de ses “propres” capitalistes).
Il est tragique, vu l’énorme soutien qu’ils ont gagné au cours des dernières semaines, de constater qu’Invisible Children suivent la politique étrangère du gouvernement américain sans la moindre critique, et sont très sélectif dans ce qu’ils dénoncent.
Tout en dénonçant Kony, Invisible Children se tait sur les exactions de Museveni en Ouganda, ce qui est cohérent avec la position du gouvernement américain qui le considère comme un allié crucial dans la région.
Ce silence sur la véritable situation en Ouganda pousse Invisible Children à mettre en avant la Cour pénale internationale qui a émis des mandats d’arrêt à l’encontre Kony et de deux autres commandants de la LRA, mais à se taire sur le fait que le gouvernement ougandais a lui-même ignoré une décision de la Cour de justice internationale, prise en décembre 2005, selon laquelle l’Ouganda devrait compenser la RDC pour les exactions et le pillage des ressources qui y ont été commises par sa propre armée entre 1998 et 2003. En ce moment, la RDC réclame 23,5 milliards de dollars à l’Ouganda en guise de réparation pour ses opérations militaires sur le territoire de la RDC.
Par cette mise en question des véritables motivations d’Invisible Children, nous ne voulons en aucun cas nier la brutalité et la barbarie de la LRA, mais nous voulons nous opposer aux tentatives de mobiliser sur cette base un soutien à la politique hypocrite qu’Obama mène en Afrique.
Invisible Children mobilise
Invisible Children prétend avoir « inspiré la jeunesse américaine à faire “plus que simplement observer” ». Il ne fait aucun doute que des millions de gens ont senti qu’ils pourraient faire “quelque chose”. La vidéo “Kony 2012” a eu un énorme effet. La rapidité de son impact n’a jamais été vu auparavant. À peine 4 personnes avaient vu la vidéo le 3 mars, mais ils étaient 58 000 le 5 mars à avoir visionné la vidéo, puis 2,7 millions le 6 mars et 6,2 millions le jour suivant. Aujourd’hui, plus de 80 millions de gens ont vu cette vidéo.
De nombreux jeunes américains ont donné de l’argent à Invisible Children, d’autres achètent le “kit d’action” à 30 dollars ; la journée d’action du 20 avril pourrait générer un large soutien.
Mais, étant donné la politique suivie par Invisible Children, il existe un grave danger que cette énergie sera simplement détournée afin de fournir un soutien à la politique de l’administration Obama qui vise à renforcer son influence en Afrique, à un moment où les autres puissances telles que la Chine ou le Brésil se lancent également dans la course pour ce nouveau repartage de l’Afrique. Malgré toutes les belles paroles contre Kony et la LRA, l’administration Obama, tout comme ces prédécesseurs, est complètement hypocrite dans son soutien à “ses propres” régimes autoritaires et dictatoriaux, tels que l’Ouganda. Tout en comprenant bien le désir de la part des victimes de la LRA de recevoir une aide extérieure contre Kony, les socialistes rappellent que les gouvernements capitalistes extérieurs ont leurs propres intérêts. La BBC a beau faire état maintenant de populations en RDC qui appellent Obama à intervenir contre la LRA, cela ne représente pas une solution durable pour le peuple congolais. N’oublions pas que pendant des décennies, tous les présidents américains, républicains comme démocrates, ont soutenu le règne brutal du bandit Mobutu et l’ont aidé dans son pillage du pays qui est aujourd’hui la RDC.
La seule manière de réellement agir dans les intérêts des enfants, des pauvres, des opprimés et de la population laborieuse de manière générale en Afrique, est d’aider ces gens à construire leurs propres mouvements indépendants, des mouvements qui n’auront aucune confiance dasn les gouvernements capitalistes ou dans la moindre intervention étrangère, mais qui mèneront la lutte pour transformer la société.
Malgré les horreurs de la guerre en Afrique centrale et orientale, nous avons déjà vu cette année de puissants mouvements de masse dans d’autres pays africains contre l’oppression et la misère et pour le changement, tel que les grèves générales au Nigéria et en Afrique du Sud.
La rapidité avec laquelle s’est répandue la colère contre Kony est une véritable source d’inspiration. Le mouvement ouvrier doit tout faire pour s’assure que l’idéalisme enthousiaste et le désir de changement affiché par l’explosion exponentiel de l’intérêt en faveur de la campagne “Kony 2012” puisse être mobilisé en tant que partie prenante d’une véritable lutte contre l’exploitation, la misère et la guerre.
Le défi pour les socialistes authentiques est de contribuer à relier la colère de la jeunesse face aux crimes commis par des groupes tels que la LRA et son désir de faire quelque chose à la construction de mouvement capables de renverser le système capitaliste qui corrompt et empoisonne les vies de tant de gens, au lieu de voir cette colère et ces aspirations se faire canaliser par des personnes qui veulent éviter de voir remis en question l’ordre capitaliste existant.
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[INTERVIEW] Violences policières à Matonge
Voici une interview d’Eduardo, étudiant en comptabilité d’origine Cabindaise et militant du PSL et d’EGA à Bruxelles, qui a été violement attaqué par la police sur son lieu de stage en marge des manifestations à Matonge suite au résultat frauduleux des élections au Congo.
Tu as été victime de violence policière en marge des manifestations à Matonge de mardi dernier ? Que c’est il passé ?
Eduardo: Le mardi 6 décembre, vers 15h30, j’ai entendu des bruits assez violents venant de la galerie de la Porte de Namur, où j’effectue mon stage en comptabilité au théâtre Molière – Muziek Public comme étudiant. Je suis descendu, voir ce qui se passait. Au moment où j’ai entrouvert la porte, des policiers m’ont violement attrapé, m’accusant d’être un “fouteur de merde”. J’ai répondu pacifiquement que j’étais sur mon lieu de stage et pas en train de participer à la manifestation. Plutôt dans la journée, des manifestants se rassemblaient pacifiquement dans le quartier contre la fraude électorale au Congo par la clique de Kabila malgré le refus de la Commune d’Ixelles d’autoriser la manifestation.
J’ai alors reçu un premier coup de matraque et je me suis réfugié dans le théâtre, où ils m’ont poursuivit jusqu’à la loge technique. Devant mes collègues, il m’on attrapé et passé à tabac pendant de nombreuses minutes. J’ai été roué de coups de matraque et de coup de pieds par plusieurs policiers. Ils ont également lancé leurs deux chiens sur moi, qui m’ont mordu abondement aux jambes. Mes collègues et ma maitresse de stage ont été bousculés afin d’être maintenus à l’écart. Ils essayaient de raisonner la police expliquant que je n’étais pas un manifestant mais que je travaillais là. Ce qui ne les a pas empêché de continuer à me rouer de coups au niveau de la poitrine, des côtes, du dos… Heureusement je protégeais la tête avec mes bras.
Et ensuite tu as été embarqué par la police?
Oui. Ils m’ont emmené avec de nombreux manifestants à la caserne de police d’Etterbeek. Là, j’ai été tenu en détention pendant 12h. J’ai demandé à pouvoir voir un médecin vu mes nombreuses blessures, dont des plaies ouvertes suite aux morsures de chiens, mais cela m’a été refusé. J’ai été mis en cellule avec une vingtaine d’autres personnes. Beaucoup d’autres arrêtés ont également subit des violences. La plupart étaient d’origine africaine de tous âges, apparemment, ils arrêtaient chaque personne se trouvant dans le quartier en fonction de la couleur de leur peau.
Il y avait également deux jeunes d’origine belge dans ma cellule. Ils m’ont raconté qu’ils ont été traités de “cons car ils étaient blancs et qu’ils soutenaient les africains” par un policier. Ils avaient reçu des coups et ont été arrêtés. Face aux maltraitances, nous avons fait savoir notre mécontentement aux policiers. Ils nous ont répondu en lançant des sprays lacrymogènes dans la cellule, ce qui nous fait suffoquer et nous a brûlé les yeux et la peau. Les effets ont duré près de deux heures.
Qu’en est-il de la plainte collective avec tes collègues au Comité P ?
Deux de mes collègues ont déjà porté plainte au service interne de police le même jour, vu la gravité de la violence avec laquelle les policiers mon frappé. Moi, j’ai porté plainte pour les dommages que j’ai subis par pure violence gratuite. A ce jour, je ne suis toujours pas remis du choc. J’effectue toujours mon stage à cet endroit, où j’ai été victime des forces de l’ordre. L’idée de devoir croiser mes agresseurs m’effraye, d’autant plus qu’ils sont très présents ces derniers temps vu les fréquentes manifestations. C’est douloureux pour moi sur le plan psychologique.
Mais je porte surtout plainte pour que te telles violences ne se reproduisent pas et ne puisse pas rester impunies. On a encore vu dans les médias, la violence qu’a subit Niki, la jeune Indignée grecque quelques jours avant la manifestation du 15 octobre dernier à Bruxelles, à laquelle ont participé près de 10.000 personnes. Ce ne sont pas des incidents isolés, mais une violence gratuite fréquemment utilisée par la police contre ceux qui résistent ou contre les jeunes de nos quartiers, pour délit de sale gueule.
J’ai moi-même participé aux manifestations des Indignés à Bruxelles ainsi qu’aux actions des syndicats, car je suis persuadé que nous devons lutter contre le système capitaliste, qui ne profite qu’aux banquiers et aux patrons, pas à la majorité de la population. Partout, la répression est de plus en plus dure, contre les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ou encore contre les travailleurs et les jeunes en Europe qui manifestent contre l’austérité.
Que penses-tu de ces manifestations à Matonge ?
Je connais beaucoup de gens dans le quartier qui ont été manifesté. La plupart sont pacifiques mais, malheureusement, comme souvent, il y en a quelques uns qui sont venus juste pour casser. Mais la politique de la commune d’Ixelles d’interdire les rassemblements a créé un climat de tension. Les actes de vandalisme ont été une occasion idéale pour la police afin de réprimer violement les actions et de s’en prendre à toute une communauté minoritaire en la criminalisant.
Je trouve que les manifestants ont raison de protester contre les fraudes électorales manifestes lors des élections au Congo. Cela ne veut absolument pas dire pour autant que j’ai la moindre confiance envers des figures du type de Tshisékedi, qui est aussi un pantin des puissances impérialistes comme Kabila ; et un ex-ministre de Mobutu. Mais ce qui anime surtout le sentiment des Congolais à Bruxelles ce n’est pas un soutien à Tshisékedi, c’est le sentiment que Kabila doit dégager. Pour moi, ce n’est que l’action indépendante des masses des travailleurs et de pauvres en Afrique qui est capable de mettre fin à la domination des pays impérialistes sur ce continent.
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Une semaine d’émeutes à Matonge ?
La semaine dernière, le quartier de Matonge à Bruxelles a été à la une des médias, suite aux échauffourées entre des manifestants congolais et la police. Avec ce court article, nous voulons commenter les évènements survenus la semaine dernière dans ce quartier ou plusieurs membres du PSL habitent. Nous joignons à cet article un témoignage vidéo d’un jeune angolais qui a subit la violence policière sur son lieu de travail.
Par Karim (Bruxelles)
Nous venons de publier récemment un article de fond sur la situation au Congo et les tensions autour des dernières élections. Nous vous invitons d’ailleurs à le lire pour plus d’informations et une analyse plus poussée.
Le lundi 5 décembre, les Congolais de Bruxelles, ainsi que leurs organisations, ont mobilisé pour une action de protestation contre la politique du gouvernement Kabila et contre les fraudes électorales. Bien qu’interdite dès la première minute, les manifestants ont désiré, à juste titre, maintenir leur action pacifique à la Porte de Namur. Il est à noter qu’à aucun moment les autorités n’ont daigné donner la possibilité à la communauté congolaise de s’exprimer dans la rue en proposant un trajet de manifestation ou un lieu de rassemblement. C’est interdit qu’on leur dit, point barre ! Et tant pis pour le droit démocratique à exprimer son opinion…
En quelques minutes, un dispositif policier gigantesque a fait son apparition dans les rues d’Ixelles. La répression fut très brutale envers des hommes, femmes et enfants congolais venus s’exprimer face à une situation sociale, économique et politique catastrophique dans leur pays et que le contexte électoral a remis à l’avant plan.
Nous n’écrivons pas cet article pour nier les incidents en marge de la manifestation, loin de là. En effet, les charges et la violence policière à répétition au cours de cette soirée du 5 décembre ont donné le prétexte à quelques bandes pour s’adonner à la casse dans les ruelles avoisinantes. Nous condamnons bien évidemment fermement ces incidents, comme l’a fait la majorité de la communauté congolaise d’ailleurs, sans que l’on lui laisse pour autant l’opportunité de s’exprimer dans les médias traditionnels.
La violence de la campagne électorale au Congo (avec près de 30 morts), conjuguée à une interdiction totale de s’exprimmer ouvertement, ainsi qu’aux propos déplacés de certains politiciens belges, a accentué les tensions dans le quartier tout au long de la semaine.
Cette situation de répression brutale a continué du lundi au vendredi, avec une interdiction de rassemblement de plus de 10 personnes dans les rues de Matonge. Un de nos membre a été pris à partie et frappé violemment par la Police (voir la vidéo ci-dessous). Il en est ainsi pour de nombreux habitants du quartier qui ne faisaient que rentrer chez eux.
Le colocataire d’un de nos membres en a vécu la triste expérience, finissant avec deux beau coups de matraque sur la jambe alors qu’il rentrait chez lui. Nous avons été témoins de nombreuses de ces bavures, comme ce jeune homme arrêté parce qu’il regardait ce qui se passait, assis sur le pas de sa porte. Son grand frère, entendant les cris dans la rue, ouvre la fenêtre et interpelle la police pour lui mentionner qu’il habite ici. Les agents ne trouvent rien de mieux à faire que de monter dans l’appartemement et d’en sortir les 3 autres habitants pour les arrêter! Nous avons la triste impression que l’attitude de la police était délibérémment violente, avec pour objectif de criminaliser la communauté toute entière, comme les médias s’en sont d’ailleurs bien vite chargés.
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer, pour illustrer cet avis, que le seul jour où aucun incident n’a été à déplorer fut ce samedi 10 décembre, après une manifestation finalement tolérée.
Il aura fallu donc plus d’une semaine pour que les autorités et ses forces de l’ordre ne donnent la possibilité à toute une communauté de pouvoir s’exprimer librement en face de l’ambassade du Congo par rapport à une situation insuportable pour la population congolaise dans son ensemble. Est ce bien normal?
Un jeune Angolais travaillant dans un théâtre de la région de Porte de Namur, Bruxelles, se fait agresser au sein même de son lieu de travail par des policiers et des chiens. Une bavure policière qui fait l’objet d’une plainte déposée au parquet.
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Élections présidentielles au Congo : Les suites de la ”transition démocratique”…
Les élections présidentielles qui ont eu lieu fin novembre au Congo ont permis de clarifier l’état de la ”transition démocratique” dans le pays. Alors que celles-ci devaient confirmer l’action en faveur de la paix et de la démocratie de la ‘communauté internationale’, celles-ci nous ont permis de vérifier une fois de plus que cette ‘communauté’ est incapable d’apporter la paix, la démocratie ou le développement.
Par Alain (Namur)
L’avènement de Joseph Kabila
Joseph Kabila a été élu en 2006 en tant que président de la république. Cette élection, conforme aux vœux de la communauté internationale, a pris place dans une situation où le peuple congolais sortait de 10 ans de guerre et d’instabilité politique. Joseph Kabila a pu se forger l’image d’un homme qui a réussi à ramener une relative paix au Congo. Après cette décennie de guerre qui vu mourir 4 à 6 millions de personnes, le peuple n’avait qu’un seul espoir : la paix et le développement. Joseph Kabila a pu s’appuyer sur cet espoir pour asseoir son autorité.
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- Congo : Après 50 ans d’indépendance, tout reste à faire…
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Il a aussi habillement joué sur l’attrait du pouvoir afin d’effacer toute contestation. Il a nommé comme premier Premier Ministre Antoine Gizenga, dirigeant historique du PALU ( le parti lumumbiste unifié- le parti du dirigeant nationaliste Patrice Lumumba héros de l’indépendance).
Son programme comme président faisait écho à cet espoir de paix et de développement et était constitué de 5 chantiers qui devaient fonder son action comme président : l’infrastructure, la création d’emploi, l’éducation, l’eau et l’électricité et la santé. À côté de cela, il y avait la promesse de pacifier le pays, notamment à l’Est, où des groupes armés sévissaient encore.
Les 5 chantiers où la désillusion du peuple
Durant son mandat de 5 ans, Kabila aurait pu mettre à profit les énormes richesses naturelles dont dispose le Congo pour répondre aux besoins sociaux. S’il avait ne fut-ce qu’entamé un pas dans cette direction, il est clair qu’il se serait attiré la sympathie d’une grande partie de la population pauvre des villes et des campagnes.
Au lieu de cela, et conformément à la volonté de ses donneurs d’ordres, il n’a avancé dans aucun des 5 chantiers. D’un côté les richesses naturelles du pays ont été bradées aux compagnies étrangères à la recherche de matière premières en échange de quelques miettes (comme la construction de routes ou de bâtiments publics par ces mêmes compagnies). De l’autre côté, le pouvoir à cherché à écarter toute critique soit par la corruption directe ou indirecte (un député gagne 4 à 5.000 dollars là où la majorité de la population vit avec moins de un dollar par jour), soit par la conclusion d’accord avec ”l’opposition” : il a ainsi pris comme vice Premier ministre l’un des fils de Mobutu, pour s’allier à lui la mouvance Mobutiste.
Les voix dérangeantes pour le pouvoir, comme celle de Floribert Chebeya (représentant de l’association de défense des droits de l’homme ”La voix des sans Voix”), ont été assassinées purement et simplement.
Malgré tout cela, la communauté internationale (ONU, USA, UE,UA,…), en général, mais aussi les politiciens traditionnels belges ont toujours soutenu Kabila. Dernièrement, Louis Michel, interviewé à Matin Première, disait qu’il n’avait jamais soutenu Kabila en lui-même, mais bien le processus de paix et de démocratie au Congo. Ce soutien d’une partie de la classe politique belge, malgré les assassinats et malgré la corruption avérée du régime ainsi que la pauvreté persistante et sévère du peuple, est un élément d’explication de la colère qui s’exprime dans le quartier Matonge à Ixelles.
Pour les Congolais, le processus de pacification et de démocratie est une farce. La MONUC qui est déployée depuis 10 ans au Congo ainsi que l’armée congolaise n’ont pas été capables de sécuriser l’Est du pays. Actuellement, il y a encore une dizaine de groupes armés différents qui circulent dans la région alors que la mission des Nations Unies coûte 1 million par jour.
La coopération au développement belge, alliée indéfectible de Kabila, a réalisé via l’aide au développement certainement bien plus que Kabila lui-même. Cela lui a permis de prendre pour lui le crédit de réalisations pour lesquelles il n’a strictement rien fait
La seule chose où le régime présidentiel excelle vraiment, de même que toute l’actuelle classe politique congolaise, c’est la corruption. Un député travailliste britannique, Eric Joyce, déclarait fin novembre que le gouvernement Kabila aurait ”signé plusieurs contrats miniers pour quelques 5,5 milliards de dollars américains, dans une totale opacité, avec des sociétés fictives immatriculées aux îles Vierges britanniques”. Il ajoutait : ”ces documents prouvent que les ressources naturelles du Congo ne sont pas exploitées comme des sources de revenus légitimes pour le peuple congolais. Des séries d’arrangements complexes entre le gouvernement du Congo et des sociétés fictives des IVB (îles Vierges britanniques, ndlr) font en sorte qu’un petit nombre de personnes s’enrichissent moyennant des pertes énormes pour le reste de la population.” Il a même qualifié la gestion des contrats miniers de scandale du siècle…
Il s’agit de corruption de haut vol mais, dans des conditions matérielles difficiles, c’est l’ensemble de la société congolaise qui est touchée par la corruption. La population pauvre des villes et des campagnes en est la première victime. Certains salaires de fonctionnaires (soldats, enseignants, administrations,…) qui sont déjà faibles, n’arrivent parfois plus depuis des mois. Cela pousse les représentants de l’Etat à rançonner la population. Cette situation de corruption généralisée ne peut être combattue que par un contrôle collectif de la population sur chaque secteur. C’est la seule manière de s’assurer que les richesses produites et la plusvalue de ces richesses vont bien répondre aux besoins sociaux, qui sont immenses.
Les élections présidentielles
Le 28 novembre, les Congolais étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau président et une nouvelle assemblée parlementaire. La loi électorale a été modifiée afin de favoriser Kabila. Il a fait passer le système électoral de 2 tours à 1 seul. Il a utilisé les moyens de l’Etat pour sa campagne. Mais ceci est encore superficiel. De nombreux droits démocratiques ont été bafoués durant la campagne, comme des meetings interdits ou attaqué par les forces de l’ordre. Il y a eu une trentaine de morts durant la campagne. Malgré cela, les politiciens belges envoyés comme observateurs internationaux n’ont rien trouvé à redire de ces élections qui, selon eux, se sont bien déroulées, à l’exception de quelques problèmes ça et là… Ce n’est pas l’avis du centre américain Carter, pour qui ces élections ne sont pas crédibles. Marie-France Cros, du quotidien La Libre, est du même avis.
Le retour de ‘l’opposant éternel’
Etienne Tshisekedi qui a été plusieurs fois premier ministre sous Mobutu, a pu profité de la colère et du désespoir d’une partie de la population pour se mettre en avant. Il se présente comme un homme qui lutte depuis toujours pour la démocratie au Congo alors qu’il fait partie de la même classe politique corrompue. Au lieu d’organiser la population pour que celle-ci reprenne le contrôle de l’économie et de toute la société, lui et son parti (Union pour la démocratie et le progrès social) préfèrent instrumentaliser la colère pour tenter de décrocher des postes via la stratégie de la tension.
A ce point, il est difficile de savoir si le but de Tshisekedi est réellement de s’emparer du pouvoir ou de mettre assez de chaos pour pouvoir avoir une bonne place pour lui et son parti dans le prochain gouvernement. Louis Michel préconisait ”l’union nationale”. On verra comment ‘l’opposant éternel’ réagira à cette proposition.
Une perspective socialiste pour le Congo
L’indépendance politique que le Congo a acquis de haute lutte en 1960 ne s’est jamais accompagnée d’une indépendance économique, cela signifie que les droits pour lesquels ont lutté les héros de l’indépendance n’ont jamais été effectifs.
La réaction a, de plus, remporté une grande bataille en installant et en maintenant Mobutu durant une trentaine d’années. Après la chute de celui-ci, encore une fois par la lutte du peuple, il a fallu le temps que l’impérialisme retrouve un pion docile sur lequel s’appuyer dans la région. Ce pion, il l’a trouvé dans la personne de Joseph Kabila. Celui-ci a pu s’imposer par manque de perspectives claires quand à la manière de renverser une dictature chez tous les dirigeants révolutionnaires congolais.
En effet, Kabila-père a cru que par une guerre de guérilla et en s’alliant avec des anti-impérialistes il pourrait garder les rennes du Congo. Il a vite été éliminé du jeu politique. L’impérialisme a trop d’intérêts en jeu au Congo pour pouvoir garantir le minimum démocratique et social à la population. Il faut que les travailleurs et les paysans congolais s’organisent en un parti à caractère ouvrier qui lutte pour que l’économie soit gérée directement par les Congolais, ce qui implique :
- La dissolution de l’assemblée parlementaire actuelle et l’élection dans chaque localité de représentant du peuple. Ces comités doivent avoir une coordination par ville, province et nationalement
- la prise de contrôle par les travailleurs des secteurs miniers afin que les revenus de l’exploitation minière servent au développement du pays tout entier
- le partage des terres via des comités de paysans élu
Ces mesures doivent être accompagnées d’autres pour que chaque secteur soit entièrement sous le contrôle de la population. C’est la seule manière de lutter contre la corruption à tout les niveaux.
Si les Congolais prennent en main leurs richesses, le Congo sera capable d’offrir du travail avec un salaire convenable à l’ensemble de la population. En effet, la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, l’agriculture, sont des domaines où tout reste à faire. Cela permettrait à d’autre pays de la région (Rwanda, Burundi,…) de se développer et de combattre la pauvreté en Afrique centrale ce qui diminuerai du même coup les tensions ethnique.
Les Tunisiens et les Égyptiens. Aucune dictature n’est éternelle. Il faut que les Congolais mettent fin à la dictature, et contribuent à la construction d’une Afrique prospère, démocratique et socialiste, où les secteurs clés de l’économie seront sous le contrôle des travailleurs et des paysans pauvres.
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Congo : Après 50 ans d’indépendance, tout reste à faire…
L’an dernier, le gouvernement congolais fêtait en grande pompe les 50 ans de l’indépendance, occasion pour le gouvernement de Joseph Désiré Kabila de lancer sa campagne pour les présidentielles à venir. Les masses congolaises doivent elles se souvenir de la date du 30 juin pour de toute autre raisons. En effet, après l’année 1959, qualifié par la puissance coloniale en juillet comme une période ‘prérévolutionnaire’, l’indépendance a été acquise de haute lutte : ce n’est que dans la lutte que les masses obtiennent des avancées démocratiques, sociales et économiques.
Par Alain (Namur)
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La crise du système capitaliste a ouvert une nouvelle période. Le processus de révolte et de révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le réveil du mouvement social aux Etats-Unis, les luttes des travailleurs et de la jeunesse grecs et espagnols face à l’austérité et maintenant les luttes du peuples sénégalais pour la démocratie et pour une amélioration de leurs conditions de vie en sont l’illustration. Que ce soit dans les pays industrialisés ou dans les pays néocoloniaux, l’affrontement de classe est à l’ordre du jour. L’anniversaire de l’indépendance du Congo nous permet de nous replonger dans les erreurs qui ont fait du Congo un pays si riche et si pauvre.
Un pays si riche et si pauvre
La République Démocratique du Congo est un des pays qui illustre le mieux le mot ‘contradiction’. Alors que ce pays est grand comme toute l’Europe occidentale, riche en coltan, en or, en diamant, en cuivre, en caoutchouc, en uranium, en terre fertile, en bois précieux et même en pétrole, ce pays est classé parmi les pays pauvres et est très endetté. Son PIB se situe aux alentours de 11 milliards de dollars. À titre de comparaison, le PIB de la Belgique se situe lui aux alentours de 461 milliards de dollars. Cette richesse potentielle fait en fait le malheur de la population, car elle attire la convoitise des groupes capitalistes de par le monde, laissant le peuple vivre dans des conditions misérables (l’espérance de vie est de 52,58 ans). La pauvreté est partout, le pays est encore gangrené par des milices armées, notamment dans l’est, et la démocratie se fait attendre.
La lutte contre la colonisation, une lutte de classe
Le jour de l’indépendance, le roi Baudouin de Belgique avait fait hommage au roi fondateur, Léopold II. Il présenta l’indépendance comme l’étape ultime du processus de civilisation engendré par son aïeul. Il demanda aux dirigeants congolais de ne pas gaspiller le cadeau de liberté fait par la métropole… Cette présentation des faits occulte la réalité. L’indépendance a été arrachée par la lutte. Il a fallu que le peuple congolais se mobilise en masse pour faire plier la métropole. C’est au prix d’efforts héroïques des travailleurs et des paysans que cette ‘‘liberté’’ a été acquise.
Dans l’administration coloniale, certains noirs avaient réussi à gravir quelques échelons. Ceux, peu nombreux, qui avaient pu avoir un niveau de scolarisation suffisant étaient jugé évolués (mention administrative). En fait, une petite couche d’intellectuel a commencé à s’organiser politiquement. Après la visite de l’exposition universelle de 1958, certains ‘évolués’ ont commencé à s’intéresser au nationalisme et au panafricanisme. Diverses organisations existaient. La faiblesse de celles-ci résidaient dans leur caractère essentiellement petit-bourgeois, qui mettait au mieux en avant une idéologie démocratique bourgeoise sur une base nationale et, au pire, régionaliste.
Leur but était d’établir une démocratie parlementaire. Même Patrice Lumumba, un grand combattant de l’indépendance, n’exigeait rien de plus que ce qu’on lui a apprit, c’est-à-dire la démocratie libérale. Ce que les leaders de l’époque ne comprenaient pas, c’est qu’en 1959, sous le capitalisme, il était impossible d’arriver à établir et stabiliser une démocratie même bourgeoise comme l’a connu la France après la révolution 1789. Après 50 ans, force est de constater que le Congo ne connaît toujours pas ni la paix ni la démocratie.
La base plus révolutionnaire que ses leaders
Le 4 Janvier 1959, un meeting politique a été organisé à Kinshasa, celui-ci, interdit par la force publique, se tient malgré tout. La force publique tue environ 300 personnes, principalement des ouvriers, des chômeurs et des irréguliers (les irréguliers étant des personnes interdites de séjour). Les irréguliers sont renvoyés dans leurs villages, et ceux-ci ne tardent pas à raconter le massacre et la situation qui vit dans la capitale.
Cet événement va faire remonter à la surface la colère, la rancœur et les frustrations de l’ensemble du pays qui a connu le régime brutal de Léopold II puis l’humiliation de l’administration d’Etat belge. À partir de cette date, les ordres et l’administration sont bafoués. En juillet 1959, la situation est devenue explosive. Patrice Lumumba tient un meeting où il demande 4 minutes de silence pour les victimes du 4 janvier. A ce moment là, il prend ouvertement parti pour les masses là ou d’autres dirigeants avaient pris peur de la fureur de ces dernières. Pour pouvoir continuer à bénéficier de leur situation une partie des ‘évolués’ se détache du mouvement de masse. Dans le parti de Lumumba, cela a été jusqu’à la scission entre ceux qui prennent parti pour les masses, le MNC-Lumumba, et ceux qui prennent le parti de la ‘‘loi et l’ordre’’, le MNC-Kalonji. Lumumba a expliqué que les masses poussaient les dirigeants vers la gauche et étaient beaucoup plus révolutionnaires que leurs dirigeants.
Tout change pour que rien ne change
De peur de se retrouver avec une situation à ‘‘l’Algérienne’’, la Belgique est contrainte d’organiser des élections et finalement de consentir à l’indépendance. Cela ne signifie toutefois pas que l’ancienne puissance coloniale abandonne son ambition. Les groupes comme la société générale, Empain,… ne vont pas laisser partir la poule aux œufs de diamants. Après l’indépendance, ils vont pousser le pays au bord du chaos pour pouvoir installer un homme à leur solde. Cela se fera en plusieurs phases, car le peuple est mobilisé et grisé par sa victoire. De manière formelle, le Congo est indépendant. Dans les faits, un homme s’impose, Mobutu, un homme à la solde des intérêts impérialistes.
La guerre de guérilla, un long échec
Les nationalistes qui sont le plus à gauche (Mulele, Gizenga), voyant l’échec du nationalisme, vont se radicaliser. Ils vont aller dans la forêt ouvrir des maquis révolutionnaires. Che Gueverra en personne viendra combattre avec les maquisards congolais, dont un certain Laurent Désiré Kabila. Cette stratégie ne permettra pas de renverser le régime de Mobutu qui, pendant 3 décennies, organisera une dictature féroce au service des intérêts impérialistes et dont il se nourrira, lui et sa famille.
Pour un Congo socialiste dans une confédération socialiste des états d’Afrique centrale
Aujourd’hui, tous les anciens sont de retour. Le fils de Mobutu fait même partie du gouvernement, malgré le mal que sa famille a causé au pays. Pour que les richesses du Congo profitent réellement aux congolais, les travailleurs et les paysans pauvres doivent s’organiser et reprendre les meilleures traditions de lutte qui ont permis à nos anciens d’arracher l’indépendance des mains du capital et de l’Etat belge. Seule une lutte de classe organisée dans une perspective socialiste est à même de briser les chaines de la dictature du capital et de créer la solidarité nécessaire pour qu’enfin les besoins des masses laborieuses soient rencontrée dans la région.
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Les crimes de guerre du gouvernement srilankais et le tardif rapport des Nations-Unies
Le rapport du groupe d’experts des Nations-Unies publié ce 25 avril après un délai considérable confirme l’analyse de Tamil Solidarity et d’autres organisations au sujet du massacre des Tamouls au Sri Lanka ces deux dernières années. Ce groupe d’experts avait été établi par le secrétaire général des Natons-Unies Ban Ki-Moon en juin 2010 afin de connaitre la situation au Sri Lanka.
Écrit par TU Senan, pour Tamil Solidarity
Le rapport confirme nos estimations selon lesquelles plus de 40 000 personnes ont été massacrées par l’armée srilankaise lors de la phase finale de la guerre qui s’est terminée en mai 2009. L’armée a constamment bombardé les hôpitaux, les écoles, les abris temporaires et les soi-disant “zones de cessez-le-feu”. L’ensemble des 400 000 réfugiés ont été ensuite déportés en masse vers des “camps de détention” sans aucune infrastructure. Toutes sortes de décès et abus scandaleux ont eu lieu au cours du transport et dans les camps. De nombreuses campagnes, y compris Tamil Solidarity et les médias tamouls, diffusent constamment de nouveaux rapports de ces horreurs.
Toutefois, il ne faut pas avoir la moindre illusion dans le fait que ce rapport de l’ONU n’apporte le moindre changement dans les conditions des victimes au Sri Lanka. Le lendemain de sa publication, le journal britannique The Guardian rapportait que le secrétaire général de l’ONU «ne désire lancer une enquête internationale que si le gouvernement srilankais est d’accord, ou si un “forum international” tel que le Conseil de sécurité des Nations-Unies appelle à une telle enquête». Il est évident pour de nombreuses personnes que le gouvernement srilankais ne permettra pas la moindre enquête internationale. En fait, la publication de ce rapport tardif a elle-même été retardée par les protestations du gouvernement srilankais. Le ministre srilankais des Affaires extérieures, GL Peiris, a qualifié ce rapport d’“absurde” et “sans fondement”.
Le président du Sri Lanka, Mahinda Rajapaksa, a appelé à une “démonstration de force” pour le Premier Mai, la journée internationale des travailleurs, pour «manifester contre l’injustice faite à notre pays» par ce rapport de l’ONU ! «Le Premier Mai ne devrait pas être confiné à exprimer la solidarité des travailleurs», disait Rajapaksa. Alors que le régime tente de récupérer à son compte la Fête du Travail pour ses propres intérêts chauvinistes, il accuse l’ONU d’être «récupérée par certains pays» ! Le gouvernement a aussi appelé tous les partis politiques du pays à exprimer leur opposition à ce rapport. Il cherche à détourner les critiques contre le gouvernement vers les “ennemis à l’étranger”.
En réponse à l’appel de Rajapaksa, le parti pseudo-marxiste qu’est le JVP (Janatha vimukthi peramuna – Front de libération populaire, un parti communautaire chauviniste pro-cingalais qui se prétend à tort “marxiste”) a attaqué les Nations-Unies pour leur ingérence dans les affaires internes du pays ! La véritable raison de l’opposition de ce parti au rapport de l’ONU provient du fait qu’il a soutenu le gouvernement pendant la guerre. Il a suivi le gouvernement dans chacun de ses pas tout au long de la guerre. Et il a été très rapide à appeler à ce que l’ex-général Sareth Fonseka, qui a dirigé la guerre, soit promu au rang de héros national.
Le JVP tente parfois de donner une image “mixte”. Il donne l’impression de se battre contre les attaques sur les droits démocratiques, de se battre pour les droits des réfugiés tamouls et pour la liberté des médias. Il fait cela uniquement pour conserver un certain soutien parmi les étudiants et certains travailleurs, qu’il mobilise sur base de revendications économiques et sociales “radicales”. Mais en mélangeant ces revendications avec le nationalisme cingalais bouddhiste, il pousse ces couches encore un peu plus vers le régime Rajapaksa. Cette méthode erronnée a été démontrée de manière très claire par l’ampleur de leurs pertes électorales. Un appel doit être fait envers tous ces étudiants et travailleurs qui cherchent une direction, afin qu’ils rompent avec le JVP et qu’ils rejoignent une véritable riposte.
Mais le JVP n’est pas le seul parti politique qui nie les affirmations des Nations-Unies. Certains membres du parti d’opposition capitaliste, l’UNP (Parti national uni), tels que P.E. Jayasuriya, déclarent encore que «Pas un civil tamoul innocent n’a été tué par l’armée durant la guerre, grâce à la bonne gestion du président Rajapaksa».
L’ironie étant (si on peut parler d’ironie dans le contexte du Sri Lanka) que Jayasuriya est également un membre de l’association internationale des droits de l’Homme ! Le vice-président de l’UNP, Karu Jayasuriya, a aussi proclamé que le parti se rangera du côté des forces de sécurité, apportant encore plus de soutien au gouvernement quant à cette question.
Le parti des moines bouddhistes fondamentalistes et racistes du JHU (Jathika hela urumaya – Parti du patrimoine national) fait “tout ce qu’il peut” pour soutenir le gouvernement. « Si Ban Ki-Moon et les Nations-Unies veulent mettre le président Rajapaksa sur la chaise électrique, il faudra alors qu’ils y mettent chacun de nous, les religieux en premier», disait le Vénérable Galagama Dhammaransi Thero, ajoutant que «Nous protégerons et bénirons toujours ce dirigeant courageux».
Pendant ce temps, la Commission de réconciliation et des leçons apprises (LLRC) mise en place par le gouvernement a déclaré qu’elle ne commentera pas ce rapport ni ne prendra la moindre action le concernant. La LLRC est une fausse commission mise en place par le président, et elle agit conformément à ses attentes.
Malgré la rhétorique anti-impérialiste utilisée par le gouvernement pour mobiliser le nationalisme cingalais, l’impérialisme occidental tout comme le régime srilankais sont bien conscients du caractère très limité des actions qui pourraient être entreprises à l’encontre du Sri Lanka.
L’hypocrisie des Nations-Unies
Malgré l’aveu du rapport lui-même selon lequel «au cours des dernières étapes de la guerre, les organes politiques des Nations-Unies ne sont pas parvenus à entreprendre la moindre action afin de prévenir la mort de civils», aucune “excuse” n’a été jusqu’ici faite par cette institution. À la place, l’ONU n’offre que l’inaction, encore et encore.
De nombreux appels à l’action ont été émis durant la guerre début 2009, afin d’arrêter la guerre et d’empêcher le massacre en masse de la population tamoulophone. Samedi 31 janvier 2009, 100 000 personnes ont défilé à Londres en opposition à cette boucherie. Des centaines de milliers de Tamouls et d’autres sont descendus dans les rues partout dans le monde. Après la guerre, ces mouvements ont continué à émettre des revendications en faveur de véritables mesures humanitaires. Dans le silence et l’inaction de l’ONU et des autres gouvernements, une horreur et un massacre sans nom ont eu lieu. Et les abus et tueries se poursuivent aujourd’hui même. Ceci ne sera pas oublié.
Avec ce rapport, les Nations-Unies tentent maintenant de se racheter quelque peu. Mais le fait reste que l’ONU n’a fait absolument aucune tentative pour empêcher la tuerie. Qui plus est, elle ne s’est même pas excusée pour avoir passé une résolution, à dix jours du début du massacre, qui consacrait l’innocence du gouvernement sri lankais. Cette résolution promulguée par le conseil des droits de l’Homme de l’ONU le 27 mai 2009 applaudissait la «conclusion des hostilités et la libération par leur gouvernement de dizaines de milliers de citoyens srilankais qui étaient tenus en ôtages contre leur volonté par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), de même que les efforts effectués par le gouvernement afin d’assurer la sécurité de tous les Sri Lankais et d’apporter une paix permanente aux pays».
Cette résolution du 27 mai 2009 ne contient pas la moindre critique du gouvernement srilankais. Celle-ci va même encore plus loin politiquement : «Nous réaffirmons le respect pour la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance du Sri Lanka et pour son droit souverain à protéger ses citoyens et combattre le terrorisme».
En fait, la seule condamnation du rapport a été faite à l’encontre des LTTE pour avoir lancé «des attaques contre la population civile» et «utilisé des civils en tant que boucliers humains». Le récent rapport d’experts n’a pas dénoncé ni d’ailleurs fait la moindre référence à cette résolution. Il ne fait que demander au conseil des droits de l’Homme de “reconsidérer leur position” ! L’hypocrisie des Nations-Unies, comme l’a fait remarquer le professeur Noam Chomsky, «a été si profonde qu’elle en était étouffante».
On serait en droit d’espérer que ce rapport pourrait être considéré par tous les gouvernements et organes gouvernementaux comme une base minimale avant d’entamer toute relation avec le gouvernement srilankais, ou qu’il puisse servir de base à une enquête internationale quant aux crimes de guerre. Toutefois, nous ne constaterons sans doute aucune action de ce type.
Bien que l’ONU donne l’illusion d’agir en tant qu’organisation indépendante, il serait naïf d’imaginer que l’ONU entreprenne la moindre action qui aille à l’encontre des intérêts de ses constituants majeurs : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Inde, la Chine et la Russie. Cet organe n’est pas indépendant d’aucune manière que ce soit. Il n’a pas non plus la moindre crédibilité dans le fait d’empêcher des massacres de se dérouler dans d’autres régions du monde. Les Nations-Unies n’ont pas empêché le massacre au Congo par exemple. Au Rwanda, les puissances mondiales ont observé sans broncher le génocide d’un million de gens en quelques mois.
Les Nations-Unis se placent systématiquement du côté des impérialistes. Lorsqu’elles ne le font pas, leurs actions sont bloquées par les grandes puissances qui peuvent exercer un pouvoir de véto sur leurs activités. Les masses opprimées n’ont aucune voix qui représentent leurs intérêts lors des prises de décision par l’ONU.
Le Conseil de sécurité de l’ONU est composé de pays tels que la Russie, la Chine et l’Inde, qui ont non seulement financé l’armée gouvernementale sri lankaise, mais continuent à la protéger. Après que le rapport ait été publié, le secrétaire d’État à la défense Gotabayah Rajapaksa a annoncé que le Sri Lanka «devra chercher la protection de la Russie et la Chine».
Les actions de ces gouvernements sont une extension de la manière dont ils traitent leur propre population. Ils n’accordent absolument aucun intérêt aux droits de l’Homme. Le rôle brutal de l’Inde au Cachemire et dans d’autre partis du pays est bien connu. Aucun gouvernement indien n’a jamais prêté la moindre attention à la décision des Nations-Unies d’organiser un référendum au Cachemire quant à son indépendance. Il existe beaucoup de documentation quant au massacre d’ethnies entières et de militants en leur faveur par le gouvernement indien au nom de la fameuse “opération green hunt” (récente campagne anti-terroriste lancée par l’État indien contre les milices naxalites organisées notamment par le Parti communiste d’Inde (maoïste) dans le “couloir rouge” formé par dix provinces – constituant ensemble 40% de la superficie de l’Inde – de l’est du pays –– NDT).
D’une même manière, le rôle du gouvernement russe en Tchétchénie et les maltraitances infligées par le gouvernement chinois à la population tibétaine et dans le reste de leurs pays sont tristement célèbres dans le monde entier. Ces États, qui méprisent les droits des masses de leur propre pays, n’ont pas le moindre scrupule à collaborer avec d’autres gouvernements qui commettent des crimes de guerre, tel que le régime Rajapaksa.
Les Nations-Unies et les intérêts impérialistes
Le gouvernement srilankais dépend de plus en plus du soutien de la Chine, de l’Inde, et des “États voyoux” tels que l’Arabie saoudite. Cet état de fait entre en conflit avec les intérêts de l’impérialisme occidental en Asie du sud. L’impérialisme occidental pourrait utiliser le rapport des Nations-Unies en tant que levier pour réétablir son influence dans la région.
Cependant, il y a une limite que l’Occident n’est pas prête à dépasser. Nous ne devrions pas sur-estimer le fait que ceci le mènera à défendre les intérêts des masses opprimées, ni à exiger le droit à l’auto-détermination ou toute autre solution politique.
Parmi la gauche traditionnelle en Inde, certains affirment que les rivalités inter-impérialistes peuvent être utilisées pour faire progresser les intérêts des opprimés. Cependant, sans une forte organisation indépendante des masses laborieuses et pauvres, une telle stratégie risque de faire tomber ceux qui désirent riposter dans le piège des impérialistes.
Nous avons vu comment les impérialistes se “liguent” bien souvent contre les intérêts des masses opprimées, malgré leurs différences. Les États indien et pakistanais, par exemple, ont mené ensemble campagne contre toute critique pouvant menacer le gouvernement srilankais. Bien que le Sri Lanka ne possède pas l’énorme manne pétrolière de la Libye – une des principales raisons derrière l’intervention de l’impérialisme occidental dans ce pays – sa position stratégique, y compris sa valeur aux yeux des ambitions régionales chinoises, le rend important pour les puissances occidentales. Les mesures mises en œuvre par les impérialistes au Moyen-Orient après que la vague révolutionnaire ait commencé à s’y répandre constituent à cet égard une bonne leçon.
La soi-disant “intervention humanitaire” en Libye n’est qu’une tentative de briser la vague révolutionnaire au Moyen-Orient, avec l’intention de regagner le contrôle sur les ressources naturelles. Kadhafi est pour eux un partenaire peu fiable, au contraire des régimes du Bahreïn et d’Arabie saoudite. Aucune action n’a été entreprise à l’encontre de ces régimes, malgré le fait que ces États ont utilisé la même violence meurtrière contre les manifestants pro-démocratie.
Le secrétaire aux affaires étrangères britannique, William Hague, en défendant sa visite en Syrie malgré les tueries qui y sont organisées contre les masses révoltées, a insisté sur le fait que son gouvernement est sur le point de conclure un “deal” avec le gouvernement syrien et le président Bashar al-Assad. Assad est considéré comme un “réformateur” potentiel. Ceci est en complète contradiction avec les intérêts des masses syriennes, qui exigent le renversement du régime Assad.
En outre, le rôle des puissances occidentales en Libye a été encore plus discrédité par leur rôle dans le massacre de millions de simples citoyens en Irak. Le rôle contradictoire des soi-disant “préoccupations humanitaires” dans la région démasque clairement les intérêts impérialistes des gouvernements occidentaux.
L’idée selon laquelle les masses opprimées devraient d’une manière ou d’une autre accorder leur soutien à l’intervention de l’impérialisme occidental en Libye – censé empêcher le “massacre potentiel” – est absolument erronnée. Le régime égyptien, qui a lui aussi voté le soutien à la résolution de mai 2009 sur le Sri Lanka, a été balayé par le mouvement de masse historique du peuple égyptien. C’est un mouvement comme cela, avec une telle confiance en soi, qui pourrait mettre un terme définitif à des régimes tels que celui de Kadhafi.
L’intervention impérialiste est une autre raison pour laquelle la révolution, qui est partie de Tunisie pour se propager à l’Égypte puis à Benghazi, n’a jusqu’ici pas eu le même impact à Tripoli. Kadhafi a été capable de mobiliser un certain soutien, non pas basé sur la loyauté tribale, mais aussi sur l’antagonisme anti-impérialiste des masses. La seule chose qui peut prévenir le massacre et sauver la révolution est l’action des masses unies à Tripoli, une fois qu’elles auront assez de confiance pour se dresser contre Kadhafi. La soi-disant intervention humanitaire de l’impérialisme est tout sauf ça. Qui plus est, elle a déjà causé énormément de morts.
Le régime du Sri Lanka tente de même de se baser sur l’antagonisme anti-impérialiste qui vit parmi les masses. L’ex ambassadeur sri lankais aux Nations-Unies, Dayan Jayatilleka, a attaqué les puissances impérialistes occidentales lors de la onzième session spéciale à l’UNHCR en mai 2009, afin de s’attirer un soi-disant soutien “anti-impérialiste” : «Ces gens sont les mêmes qui ont certifié que l’Irak détenait des armes de destruction massive. Je ne leur ferais pas confiance pour acheter une voiture d’occasion, encore moins en ce qui concernerait de prétendus “crimes de guerre” !» Même ce fidèle laquais a été viré par le président un peu plus tard sous le prétexte d’avoir défendu la “régionalisation” dans un journal local. Le secrétaire à la défense Gotabhaya Rajapaksa a été encore plus loin dans son “analyse”, annonçant : «Ils sont jaloux, parce qu’eux n’ont pas été capables de vaincre le terrorisme comme nous l’avons fait». Un autre loyal serviteur du régime sri lankais, et prétendu expert mondial en terrorisme, le Professeur Rohan Gunaratna, fait remarquer que : «En Irak et en Afghanistan, où plus d’un million de civils ont été tués, il n’y a pas de comité d’experts qui conseillet au secrétaire général de l’ONU de mener une enquête sur les crimes de guerre».
Le régime utilise l’hypocrisie des Nations-Unies et de l’impérialisme à son avantage, tout comme le régime Kadhafi en Libye. Nous aussi, nous nous opposons fermement aux non-respect des droits de l’Homme et à leur exploitation par les puissances occidentales, mais nous devons aussi étaler au grand jour l’hypocrisie qui se trouve derrière la pseudo-rhétorique “anti-impérialiste” du régime srilankais.
Malgré sa rhétorique, le régime sri lankais est toujours aussi coopératif vis à vis des puissances impérialistes tant régionales qu’occidentales. Le débat autour des “droits de l’Homme” est en partie dû à la concurrence entre les puissances régionales, comme la Chine et l’Inde, et les puissances occidentales qui cherchent à établir des conditions favorables afin d’obtenir un avantage sur le plan économique. Le FMI et la Banque mondiale ont donné leur plein accord concernant les prêts au gouvernement srilankais, et ont érigé le Sri Lanka au rang de “paradis pour les investisseurs”. Le gouvernement srilankais mène en ce moment une politique brutale de privatisations, attaques sur les pensions et soi-disant réformes fiscales, telle que dictée par le FMI. La pseudo rhétorique anti-impérialiste du régime Rajapaksa et son exaltation du nationalisme cingalais ont également pour but de détourner l’attention des masses laborieuses et pauvres des attaques brutales menées par Rajapaksa sur leurs conditions de vie et sur les services.
En outre, nous ne verrons pas l’annualtion des prêts du FMI ou de la Banque mondiale sur base d’un scandale de “crimes de guerre”. Même après la fuite du rapport du comité d’experts de l’ONU dans les médias, les congressistes américains ont continués à voter en faveur d’un “renforcement des liens entre le Sri Lanka et les États-Unis”. Le nouveau vice-président de la commission Sri Lanka du Congrès américain, Chris Van Hollen, qui est aussi un Démocrate, et qui défend les coupes budgétaires d’Obama, appelle l’ensemble de ses collègues à soutenir cet appel. En d’autres termes, l’impact de ce rapport pour le sauvetage des masses opprimées sera en réalité extrêmement minimal.
Le secrétaire assistant américain Robert Blake, qui a visité le Sri Lanka après que le rapport de l’ONU ait été publié, a donné son soutien indéfectible au gouvernement. Il a félicité le “progrès positif” et a affirmé que la LLRC (Commission pour la réconciliation et les leçons apprises, qui est fort critiquée dans le rapport de l’ONU) joue un “rôle important”. Dans une déclaration publiée le 4 mai, M. Blake dit que «Lors de mes rencontres officielles aujourd’hui, j’ai assuré au gouvernement sri lankais du fait que les États-Unis s’engagent à un partenariat fort et à long terme avec le Sri Lanka, et que des rumeurs concernant notre soutien à un “changement de régime” n’ont pas le moindre fondement. J’ai exprimé notre soutien pour les efforts du gouvernement visant à relever le pays après cette guerre civile dévastatrice, et ai encouragé de nouveaux pas en direction de la réconciliation et d’un Sri Lanka paisible, démocratique et uni». Il y a une très brève mention du rapport des Nations-Unies, dans laquelle il affirme que ce rapport souligne l’importance d’une “solution politique capable de forger un Sri Lanka uni”, et l’importance du “dialogue avec les Nations-Unies” de la part du Sri Lanka ! Voilà bien le genre de comportement hypocrite auquel nous devons nous attendre de la part des puissances impérialistes !
L’attaque sur la diaspora, et l’absence de solution politique
Parmi les cinq raisons citées par le rapport de l’ONU en tant qu’“obstacles à la reconnaissance”, on retrouve le “rôle de la diaspora tamoule” : «Certains ont refusé d’admettre le rôle des LTTE dans le désastre humanitaire dans le Vanni (la région du Nord du Sri Lanka), ce qui crée un obstacle supplémentaire sur le chemin de la reconnaissance et de la paix durable».
Il ne fait aucun doute que les Tamouls de la diaspora ont été les plus virulents à crier contre le massacre qui a lieu au Sri Lanka, tandis que les gouvernements de tous les autres pays ont préféré gardé le silence.
Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour y clamer leur dégout. L’inaction de la part des organes gouvernementaux occidentaux et internationaux a radicalisé un grand nombre de gens, surtout parmi les jeunes.
Il n’est pas exagéré de dire que les jeunes Tamouls de la diaspora sont plus politisés aujourd’hui que pendant les trente années qu’a duré la guerre civile. De nouvelles vagues de jeunes se sont impliquées dans des activités politiques. Cette politicisation a eu pour conséquence la création de toute une série d’organisations de jeunes.
Tamil Solidarity désire rassembler le plus grand nombre possible de ces jeunes afin de mener une riposte de principe contre le régime chauviniste sri lankais, et appelle à une lutte unie avec l’ensemble des masses opprimées.
Cette politicisation n’est certainement pas un résultat favorable ni pour l’impérialisme occidental, ni pour le régime srilankais. Ces gens préfèrent les “diplomates” qui restent contrôlables, ceux qui vont faire en sorte que la société reste passive dans leurs intérêts, non pas la jeunesse qui se rebelle de colère contre l’injustice. Pendant la guerre, les ministres et députés du gouvernement Labour au Royaume-Uni ont fait toutes sortes de promesses dans une tentative de racheter la jeunesse révoltée pour pouvoir la contrôler. Ils n’ont tenu aucune de leurs promesses.
Les establishments sentent un “danger” dans la direction que pourrait prendre ce mouvement des jeunes de la diaspora. Les jeunes tirent la conclusion assez correcte du fait que l’attaque sur les Tamouls opprimés fait partie d’une lutte contre l’ensemle des masses opprimées. De plus en plus de jeunes participent de manière active à la politique locale de leurs pays respectifs contre les injustices, contre le racisme, contre les attaques sur les minorités, contre le chômage des jeunes, et contre les attaques sur les services publics.
En outre, il y a aussi une insistance naissante pour plus de démocratie, la nécessité de travailler avec les syndicats, les organisations de gauche et d’autres mouvements qui mènent campagne pour les droits et contre l’oppression.
L’establishment veut saper ce processus. Il souhaite pacifier et faire dérailler cette colère, car il comprend que cette rage est de plus en plus dirigée contre lui. Et il veut pousser ces jeunes vers la droite du spectre politique.
Le fait d’accuser la diaspora de garder le silence sur les crimes supposés des LTTE est, à ce stade, une des manières par lesquelles ils veulent atteindre leurs buts. Ils cherchent à propager un total rejet des idées des LTTE par la diaspora, et s’attendent à sa coopération dans le cadre du “développement et de la réconciliation” pour un Sri Lanka uni.
De solides groupes militants tels que Tamil Solidarity, tout en s’opposant fermement au régime srilankais, ont toujours remis en cause les méthodes utilisées par les LTTE. Nous avons attentivement expliqué les raisons pour lesquelles les LTTE ont été vaincus. Un des principaux échecs des Tigres a été leur absence d’un appel à l’ensemble des masses en lutte dans le sud du Sri Lanka, dans le Tamil Nadu (la province tamoule du sud de l’Inde, qui compte 70 millions d’habitants, y compris plusieurs grandes villes telles que Chennai (anc. Madras) – à titre de comparaison, le Sri Lanka compte 20 millions d’habitants, dont 2 millions de Tamouls –– NDT) et dans le monde.
Nous avons aussi critiqué les LTTE en ce qui concerne les tueries internes, les attaques contre la population musulmane (il y a 1 million de musulmans au Sri Lanka –– NDT) , et l’exécution de civils au cours de la dernière phase de la guerre. La majorité de la couche active de la diaspora ne nie pas ces faits non plus.
Cette analyse est importante, pas seulement pour critiquer les LTTE, mais pour pouvoir avancer dans la lutte. Cela représente une étape cruciale dans la définition d’une stratégie pour la prochaine étape de la lutte. C’est là une chose complètement différente de l’agenda des Nations-Unies qui se cache derrière son attaque sur les LTTE.
L’idée que la diaspora désire d’une certaine manière promouvoir le terrorisme est entièrement fausse. Toutefois, confrontés à l’immense violence contre la population tamoulophone du Sri Lanka, la première réponse de la jeunesse tamoule ne sera pas dirigée contre la direction des LTTE, dont tous les membres ont été assassinés par le gouvernement du pays. Au lieu de ça, ils vont certainement concentrer leur colère sur le gouvernement criminel du Sri Lanka et sur l’establishment occidental qui garde toujours le silence.
Dire à la diaspora que son premier rôle est de dénoncer les LTTE, revient à paver la voie pour la coopération des Tamouls avec l’État srilankais. Une telle collaboration pourrait ne pas se faire avec le gouvernement actuel qui est directement responsable du génocide, mais pourrait être organisée avec de futurs gouvernements srilankais avec lesquels l’Occident espérera pouvoir faire de bonnes affaires. En même temps, il est important pour les Tamouls de la diaspora de se distancier des erreurs faites par les LTTE, afin de ne laisser aucun espace à des organes droitiers tels que les Nations-Unies pour attaquer les campagnes de la diaspora.
Il suffit d’une simple compréhension du rôle de l’impérialisme et de la manière de lui résister. Construire une organisation sérieuse et indépendante, qui se batte sans aucun compromis pour les droits de masses opprimées, est la clé pour mener la lutte plus en avant. Ceci devrait se faire sur base non seulement d’une opposition au gouvernement Rajapaksa et à ses laquais, mais aussi sur base d’une opposition à toute forme d’oppression. Une fine compréhension des diverses forces de classe en action dans la société est requise afin de bâtir un mouvement capable d’amener un changement fondamental.
Ce mouvement peut être construit en regroupant les militants progressistes, les syndicalistes et les socialistes. Mais ce ne sera pas une tâche facile, car de sérieux obstacles doivent être surmontés avant que la confiance des masses puisse être gagnée. La trahison de l’ancienne organisations des masses opprimées autrefois si puissante, le Lanka Sama Samaja Party (LSSP – Parti srilankais pour l’égalité sociale, ex-membre de la Quatrième internationale, et ancien parti ouvrier de masse, qui dispose aujourd’hui d’un siège au parlement srilankais dans le cadre d’une coalition avec le parti de Rajapaksa –– NDT), est toujours fraiche dans la conscience des masses ouvrières du Sri Lanka.
C’est la décision du LSSP de rejoindre le gouvernement de droite en 1964, puis de refuser le droit des minorités dans la constitution de 1972, qui a créé les conditions pour l’afaiblissement de la classe ouvrière et une hausse des tensions ethniques. La force de la classe ouvrière avait été constamment attaquée par les gouvernemens de droite qui se sont succédé. Aujourd’hui, l’épave de ce qui reste du LSSP se trouve maintenant au gouvernement, et joue le rôle de couvrir ses crimes de guerre.
De même, la trahison des partis tamouls ne sera pas oubliée non plus. En l’absence d’une véritable organisation de masse indépendante des travailleurs et des pauvers, des partis tels que le JVP se sont embourbés de plus en plus, en mêlant marxisme et rhétorique anti-establishment, avec chauvinisme et nationalisme cingalais et bouddhiste.
Sur une telle toile de fond, il pourrait sembler impossible de regagner la confiance des masses afin de construire un mouvement combatif. Cependant, la reconstruction d’un tel mouvement est la seule manière de mettre un terme à l’oppression, à l’exploitation et à la guerre. En outre, il existe de véritables forces dans le sud du pays qui se positionnent toujours fermement du côté des masses opprimées. Le Parti socialiste uni, par exemple, n’a jamais reculé dans sa lutte cohérente contre les divers et brutaux gouvernements srilankais. Il n’a jamais non plus hésité dans son soutien pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Pendant la guerre, les membres de l’USP ont risqué leurs vies et ont mené une campagne virulente afin de mettre un terme à la guerre, dont a notamment beaucoup parlé dans les médias du Tamil Nadu en Inde.
Nous devons rassembler nos forces dans une telle organisation, et renforcer notre riposte. Nous devons aussi lancer un appel à l’ensemble des masses opprimées de l’Inde, et en particulier au Tamil Nadu, afin qu’elles nous rejoignent.
Il serait stupide de placer le moindre espoir dans le gouvernement srilankais, ni dans toute autre puissance extérieure, pour nous fournir une solution. Les attaques contre les minorités au Sri Lanka n’ont jamais été aussi intenses, et le gouvernement actuel a complètement mis de côté tout effort envers une solution politique.
Le président a notamment déclaré que : «Il n’y a pas de minorités dans ce pays». Ni les Nations-Unies, ni aucune puissance étatique ne propose non plus la moindre solution politique. Pour de telles puissances, le droit à l’auto-détermination est hors de question.
Certains ont même émis l’idée comme quoi le fait de nous opposer à l’impérialisme pourrait nous faire perdre le soutien de la soi-disant “communauté internationale”, des gouvernements occidentaux. Mais, sur le long terme, les masses opprimées ne vont rien gagner du tout en s’alliant avec ces oppresseurs. Au contraire, elles ont beaucoup à perdre – le soutien de tous ceux qui se battent contre eux –, et ils ne faut pas leur faire confiance pour faire quoi que ce soit qui ne rentre pas dans le cadre des intérêts de leurs propres classes capitalistes.
Par exemple, le peuple tamoul ne peut pas appeler le parti conservateur britannique (Tory) un allié, sur base d’un quelconque discours sur les droits de l’Homme fait par un de ses députés. Ceci représenterait une trahison aux yeux des millions de travailleurs au Royaume-Uni, de toutes origines, qui sont confrontés à un véritable bombardement d’attaques constantes sur les emplois, sur les services publics (comme la santé ou l’éducation) et sur les allocations de la part du gouvernement de coalition Tory/libéral-démocrate.
En s’associant avec un tel parti anti-travailleurs, les Tamouls non seulement perdraient le soutien potentiel de ceux qui se battent contre ces coupes budgétaires, mais trahiraient également les masses tamoules en leur donnant un faux espoir dans ces politiciens.
En fait, l’approche pro-monde des affaires des Tories est totalement opposée au moindre soutien à toute forme de riposte par les pauvres et par les travailleurs. Leur intérêt est purement avec les patrons et les hommes d’affaires qui cherchent à cacher le massacre qui s’est produit au Sri Lanka, et au lieu de cela, à promouvoir la création de zones de libre échange dans le Nord. Ces zones seront des sites d’exploitation intensive de la jeunesse tamoulophone. Rajapaksa a déjà promis une “main d’œuvre bon marché” en tant que moyen de “réhabilitation” des ex-Tigres ! La question des alliances est donc cruciale. Nous devons nous allier avec ceux qui se battent réellement contre l’inégalité et contre l’exploitation.
Au milieu de la crise économique monidale et des pénuries alimentaires, la lutte contre les autres gouvernements qui appliquent des coupes similaires dans les emplois et dans les services publics s’est accrue en Europe et au-delà.
À Londres, plus d’un demi-million de travailleurs ont défilé le 26 mars contre le gouvernement Con-Dem. Au Portugal et en Espagne, des centaines de milliers de gens ont manifesté pour les mêmes raisons. Des batailles de classe massives se déroulent en Grèce. Ces gouvernements, tout en attaquant les services publics, tentent aussi de fomenter le racisme et d’autres divisions dans ces pays. On voit la tentative de montrer du doigt les immigrants, sur base de la pression sur les services et les emplois limités, dans l’espoir d’en faire des boucs émissaires. Si le blâme pour les coupes budgétaires est dirigé à d’autres sections de la classe ouvrière et des pauvres, cela permet aux gouvernements de continuer leur politique au service des intérêts des riches et des grands patrons.
Il y a un processus similaire au Sri Lanka, où le gouvernement a tenté de détourner l’attention et de diviser l’opposition par le biais du nationalisme cingalais, afin de pouvoir mettre en place sa politique brutale.
Nous, les travailleurs, les minorités ethniques, les jeunes et les pauvres, portons le fardeau de ces attaques. En tant que minorités dans ces pays, les Tamouls sont aussi la cible du racisme et d’autres formes d’abus qui sont exacerbés par les partis de droite et les médias. Il nous faut répondre à ces attaques.
Que chacun sache que où que nous soyons, nous nous dresserons contre l’oppression sous toutes ses formes, et riposterons. Cette riposte sera encore plus renforcée si nous nous faisons cause commune avec les luttes qui se déroulent en ce moment à travers toute l’Europe.
Aucun droit ne peut être obtenu sans une lutte. Ainsi, le fait que les jeunes rejoignent les marches antiracistes et les manifestations de travailleurs au Royaume-Uni et en Belgique, est un développement significatif. Le fait que les Tamoulophones aient rejoint les action du Premier Mai à travers toute l’Europe est également un important pas en avant. Et c’est une telle solidarité et unité qui sème la panique dans le cœur des oppresseurs, au Sri Lanka comme ailleurs.
S’unir pour riposter
On peut comprendre que les Tamouls au Sri Lanka attendent contre tout espoir que le rapport de l’ONU puisse constituer un pas en avant dans le soutien à la lutte pour leurs droits.
On peut comprendre que certains pauvres tamouls au Sri Lanka espèrent qu’une “force extérieure” leur vienne en aide. Mais il est inutile de créer des illusions dans le seul but de fournir un réconfort temporaire. Cependant, Tamil Solidarity exigera des Nations-Unies qu’elles prennent au moins quelques mesures afin que soient mises en vigueur les recommendations détaillées dans ce rapport. Si l’ONU s’avère incapable d’entreprendre la moindre action sérieuse contre le gouvernement srilankais, son hypocrisie n’en sera que plus dévoilée.
Mais l’Alliance nationale tamoule (TNA) tente d’utiliser les attentes de la population tamoulophone pour se créer une base électorale. Elle fait cela en créant l’espoir que les Nations-Unies, voire l’Inde, peuvent apporter leur aide. Elle tente aussi de cacher le rôle crucial qu’a joué l’Inde dans la guerre. Il est important de rappeler que le gouvernement srilankais n’aurait pas pu gagner la guerre sans le soutien de l’Inde et de la Chine.
Le fait que le gouvernement indien refuse de faire la moindre critique à l’encontre du régime srilankais actuel, même après avoir accepté le fait qu’un massacre de masse se soit déroulé pendant la guerre, ne devrait pas nous surprendre. Il serait criminel de la part de la TNA de créer des illusions en faveur des mêmes forces qui ont joué un rôle dans le massacre de masse des Tamouls, et qui persévèrent en ce moment dans leur politique d’exploitation des victimes.
La TNA, tout en devenant de plus en plus “amicale” envers le régime meurtrier actuel, sous l’argument risible qu’elle n’a pas d’autre choix, refuse de chercher un allié parmi les forces qui continuent à se battre pour les droits de la population tamoulophone.
La TNA est clairement en train de suivre la voie déjà empruntée par son prédécesseur, le Front uni de libération des Tamouls (TULF), qui avait pour habitude de baratiner les Tamouls dans ses zones d’implantation afin de gagner des votes, en même temps qu’il était main dans la main avec les oppresseurs au parlement. C’est là une des raisons qui ont fini par pousser la jeunesse tamoule à prendre les armes.
Les jeunes et les militants du Sri Lanka doivent rompre avec ce genre de politique trompeuse. Ils doivent rejoindre les véritables combattants et militants dans leur pays. Il y a beaucoup à gagner pour les masses opprimées qui s’opposeront au gouvernement sur diverses plateformes, bien plus qu’en jouant le jeu des “négociations” qui ne mèneront à rien.
Il y a des journalistes, des militants et de véritables gens de gauche dans le pays qui continuent à se battre pour le droit à l’auto-détermination des masses tamoulophones. Depuis la fin de la guerre, ils se sont vus contraints de dénoncer la loi d’urgence et l’Acte de prévention du terrorisme.
Le gouvernement prétend avoir gagné la guerre contre le “terrorisme”, mais n’a pas abrogé ces lois draconiennes. Ces campagnes doivent être renforcées. Il faut aussi soutenir l’ensemble des forces qui se battent avec courage pour la liberté des médias et pour les droits démocratiques, et cela même au péril de leurs vies.
Plus important encore, nous devons nous opposer à la création des zones de libre échange promises par le régime aux gouvernements indien, chinois et occidentaux. Ces zones ne seront pas les centres de soi-disant “réhabilitation” tels que le régime cherche à les faire passer. Elles seront au contraire des centres d’exploitation intensive, où les victimes de la guerre et les ex-membres des LTTE seront forcés de travailler pour le plus bas salaire possible.
La reconstruction de syndicats puissants est urgemment requise en tant que meilleure opposition capable de s’opposer à ces conditions cruelles. De telles organisations ouvrières pourraient aussi remettre en question dans les faits les conditions inhumains et les bas salaires qui existent déjà à l’heure actuelle. La hausse rapide des prix de la nourriture, par exemple, constituera un autre “détonateur” pour un mouvement de masse contre le gouvernement, tout comme en Tunisie.
Les “négociations” et la “coopération” avec les oppresseurs ne rapporteront jamais le moindre résultat aux pauvres et aux opprimés. Pour défendre nos droits et en gagner de nouveaux, la tâche urgente est de construire des partis indépendants des travailleurs et des pauvres, et des syndicats puissants et démocratiques.
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Crise des réfugiés – C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes
Le mois passé, au Niger, j’ai rencontré Jerry. Jerry avait quitté son Libéria natal pour se rendre à pied, en bus, en taxi, en charrette et en stop en Europe, où il espérait enfin trouver un travail. Après avoir parcouru ainsi 4.000 km le baluchon sur le dos et traversé neuf pays, il s’est retrouvé au Maroc, devant un mur. C’est là que la police l’a attrapé. Refoulé en compagnie d’une cinquantaine d’autres Africains venus d’autant de pays différents, il a été relâché quelque part en plein désert algérien. Une caravane l’a ramené au Niger. De là, il comptait prendre un bus pour le Nigéria, puis, ‘‘avec l’aide de Dieu’’, gagner le Sud-Soudan nouvellement indépendant pour y trouver un travail et, enfin, y poser son baluchon, après plus d’un an sur les routes.
Par Gilles (Hainaut)
- Manifestation contre le centre fermé de Vottem: Rapport, par Nicolas Croes
- Reportage-photos par Jente
- Reportage-photos par Nico
- Reportage de la RTBF
- Catégorie "Sans-papiers" de socialisme.be
La misère ou la guerre poussait déjà énormément de gens à rechercher un avenir à l’étranger, la crise capitaliste a déjà renforcé ce processus et nous nous trouvons face à une crise alimentaire, selon le porte-parole de l’agence alimentaire des Nations Unies. Toujours selon ce dernier, la population mondiale n’aurait que 3 possibilités: fuir, mourir ou se révolter. Quitter son pays d’origine n’est jamais facile, mais beaucoup d’immigrés doivent en plus affronter les flots sur de fragiles bateaux surchargés ou encore l’énorme clôture qui est en construction à la frontière gréco-turque. Sur place, ils auront encore à faire face à la peur, la répression, l’enfermement, le racisme… et le froid. Cet hiver, près de 6.000 demandeurs d’asile étaient sans logis et l’an dernier déjà, des familles entières avaient dû dormir dans les gares par un froid glacial.
C’est le système capitaliste qui pousse les gens à quitter leur pays. En Tunisie, les multinationales (dont 146 entreprises belges) exploitaient brutalement les travailleurs avec l’appui du régime policier de Ben Ali, et profitaient des très bas salaires, des droits syndicaux extrêmement limités et du chômage de masse (toujours utile pour maintenir les salaires au plus bas…). Le capitalisme ne peut exister sans exploitation, sans oppression et donc sans “flots massifs” de réfugiés.
En plus, les crises politiques, catastrophes “naturelles” et sociales amplifient le problème. Des milliers de gens tentent de fuir la Libye pour la Tunisie, d’autres milliers cherchent à quitter la Côte d’Ivoire pour le Ghana ou le Libéria. Pareil pour ceux qui quittent le Nord-Soudan pour le Sud-Soudan et vice-versa. En Libye, si les ressortissants français ont pu bénéficier d’un rapatriement rapide, les six mille travailleurs bangladeshis attendent toujours un avion pour les ramener chez eux – suscitant une crise politique au Bangladesh même.
Après la chute de Ben Ali, 5.000 réfugiés tunisiens sont arrivés en Italie en seulement une semaine. Les politiciens de droite et d’extrême-droite comme Marine Le Pen tentent d’exploiter ces images de réfugiés arrivant sur les plages d’Italie. Mais ce n’est pas l’immigration qui constitue une menace pour les conditions de travail et de salaires des travailleurs européens: c’est la soif de profit des banques et des actionnaires, des patrons et des spéculateurs. Ce sont eux les responsables de la crise, eux qui veulent nous la faire payer et c’est encore eux qui bénéficient de toutes les attentions des partis capitalistes, d’extrême-droite ou non.
Les patrons profitent de la situation des sans-papiers pour les exploiter, les criminaliser et faire pression sur nos salaires en nous mettant en concurrence avec ces nouveaux venus. Ces immigrés privés de tous les droits se voient forcés, pour survivre, d’accepter des boulots inhumains et sous-payés. Les patrons cherchent ainsi à saper les conditions de travail durement acquises des travailleurs belges. Travailleurs belges et immigrés ont un intérêt commun : lutter pour un salaire égal pour tous, pour la fin des discriminations, afin de stopper la concurrence entre travailleurs belges et immigrés. C’est main dans la main que nous devons demander cela – non aux divisions ! Régularisation de tous les sans-papiers !
Il faut une campagne d’adhésion massive des immigrés dans les syndicats, et les intégrer activement à la lutte contre la casse sociale, pour la défense de l’emploi, pour le partage du temps de travail entre les travailleurs disponibles sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. Mais la concurrence et le ‘‘diviser-pour-mieux-régner’’ ne s’exerce pas seulement au niveau de l’emploi : il faut aussi lutter pour un plan public et massif de construction de logements sociaux, pour plus d’écoles,… Enfin, il faut stopper la politique des États européens qui crée la misère dans les pays du Sud et pousse une partie de la population à désespérément chercher un avenir ailleurs. Cela signifie s’opposer aux aventures impérialistes en Afghanistan et en Libye, exproprier les entreprises belges en Chine, au Congo, etc. et les placer sous le contrôle des travailleurs, totalement reconvertir l’industrie de l’armement, aider à l’organisation de syndicats indépendants en Chine, en Égypte, et ailleurs; soutenir les révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord,…
En bref, tant en Belgique qu’ailleurs dans le monde, résoudre la question des réfugiés revient concrètement à entrer en conflit avec le système capitaliste et chercher à le renverser. Pour cela, le meilleur moyen reste la mobilisation de masse des travailleurs et des pauvres, le blocage de l’économie par la grève générale et le début de l’instauration d’une autre société basée sur les comités de lutte dans les quartiers, les entreprises, etc. et sur leur coordination et sur la remise en marche de l’économie sous le contrôle et la gestion de ces comités.