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Chine : Le monde irréel de Xi Jinping

La propagande du régime chinois passe à la vitesse supérieure alors que Xi se positionne pour un troisième mandat sans précédent. Il existe un fossé énorme et grandissant entre la réalité et la façon dont la dictature chinoise présente la réalité. À l’approche du 100e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois (PCC), en juillet, et alors que le dictateur Xi Jinping a besoin d’une série ininterrompue de «victoires» pour assurer sa position avant le remaniement du régime de l’année prochaine, la machine de propagande de l’État est passée à la vitesse supérieure.
Par Vincent Kolo, chinaworker.info
De même, le grotesque culte de la personnalité qui s’est construit autour de Xi a atteint de nouveaux sommets (ou de nouvelles profondeurs). En février, le Quotidien du Peuple a mentionné 139 fois le nom de Xi dans un article célébrant la «victoire complète» de la Chine dans l’éradication de la pauvreté. Comme nous allons le montrer, la campagne anti-pauvreté de Xi est un nouveau triomphe de la propagande sur la réalité. L’extrême susceptibilité du régime de Xi est révélée par le dernier sujet interdit par les censeurs de l’internet : le caractère chinois utilisé pour désigner le terme «émeraude» a commencé à se répandre comme une forme de protestation des net-citoyens chinois parce qu’il peut également être lu comme «Xi meurt deux fois».
Xi est confronté à de multiples défis à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il s’agit d’une crise sans précédent, voire existentielle, pour son régime et le PCC-État. C’est ce que montrent un certain nombre de nouvelles politiques et déclarations relatives à la «réduction des risques financiers» (le niveau d’endettement de la Chine dépasse désormais celui du Japon à son point culminant), à l’accélération de la création d’une «armée entièrement moderne» d’ici 2027 (pour contrer la pression des États-Unis, qui se poursuivra certainement sous la direction de Biden), ainsi qu’à la «stratégie de double circulation» trop compliquée de Xi, qui vise à stimuler les dépenses de consommation de la Chine afin de compenser la démondialisation et les politiques protectionnistes anti-chinoises.
20e Congrès du PCC
Xi est également confronté à des défis au sein du parti-État. La question clé est le 20e Congrès du PCC de l’année prochaine et l’objectif de Xi de rompre avec les limites traditionnelles du pouvoir et de prolonger son règne pour un troisième mandat – et au-delà – en tant que secrétaire général et président du PCC. Son objectif est de devenir dirigeant à vie. Au cours de son premier mandat, de 2012 à 2017, Xi a partiellement réussi à mettre fin aux luttes de pouvoir entre factions au plus haut niveau en menant la plus grande campagne anti-corruption jamais réalisée en Chine. En réalité, il s’agissait d’une couverture pour une purge ciblée sur les factions visant à éliminer ses ennemis et à consolider un pouvoir sans précédent entre les mains de Xi. Comme nous l’avons expliqué, le régime chinois est passé de la «dictature d’un parti unique» à la «dictature d’un seul homme».
Mais les luttes intestines au sein du PCC ont repris de plus belle, en raison de la crise de la société et des relations internationales. Aujourd’hui, cette lutte pour le pouvoir est la plus grave depuis la période précédant et suivant immédiatement le massacre de Pékin en 1989. Si, selon les tendances actuelles, Xi parviendra probablement à prolonger son règne, le mécontentement croissant et les manœuvres des factions dans les hautes sphères du parti-État pourraient le contraindre à faire des compromis. La période qui suivra le Congrès de 2022 pourrait voir un alignement différent des forces et une plus grande instabilité au sein du PCC. En fin de compte, les conflits au sein de la classe dirigeante reflètent les processus sociaux et la marée montante du mécontentement de la classe ouvrière.
Les lignes de division à l’intérieur du parti-État ne sont pas clairement définies ou établies, elles ne portent pas en fin de compte sur des idées politiques mais sur le pouvoir : les hauts rangs du PCC sont un assemblage d’oligarques capitalistes contrôlant de vastes empires commerciaux. Au sein de ces couches, on constate un pessimisme croissant, car tout va mal.
Certaines factions anti-Xi sont mal à l’aise avec sa diplomatie ultranationaliste et impériale dite du «guerrier loup», utilisée pour faire pression sur d’autres gouvernements, comme le montrent les différends avec l’Australie, le Canada, l’Inde et Taïwan. Cette partie de la classe dirigeante préférerait un retour à la doctrine de politique étrangère plus discrète et pragmatique de Deng Xiaoping («cachez vos capacités et attendez votre heure») comme moyen de désamorcer les tensions mondiales, notamment avec les États-Unis.
Au lieu de cela, tel un lézard à collerette qui gonfle son cou, le régime de Xi exagère sa puissance économique et ses capacités mondiales, en partie comme outil de diplomatie, mais surtout pour renforcer l’aura d’«homme fort» nationaliste Han dont Xi Jinping a besoin pour continuer à gouverner. La politique étrangère agressive de la Chine – sur la frontière contestée avec l’Inde, l’escalade des exercices militaires dans le détroit de Taïwan et en mer de Chine méridionale, la détention de deux citoyens canadiens en représailles à la détention de l’héritière de Huawei, Meng Wanzhou, à Vancouver – tout cela sert un double objectif : faire pression sur les gouvernements étrangers, mais aussi alimenter la machine de propagande intérieure.
Redoublement de la répression
Une autre source de malaise est l’augmentation incessante de la répression. C’est la caractéristique la plus frappante du règne de Xi. Les factions anti-Xi sont loin d’être composées de libéraux indulgents. Aucun d’entre eux n’hésiterait à ordonner à la police de réprimer des manifestations de rue ou des grèves de travailleurs et travailleuses. Mais les mesures de répression brutales prises par Xi à Hong Kong, en Mongolie intérieure et surtout au Xinjian – et sa «position par défaut» consistant à intensifier ses politiques dures chaque fois qu’elles rencontrent une résistance – deviennent de plus en plus contre-productives.
Il y a au moins quatre raisons à cela. Premièrement, la répression vicieuse, qui dans le cas du Xinjiang a atteint des niveaux orwelliens, ne crée pas la stabilité, qui est l’objectif déclaré. En fin de compte, elle pousse la Chine vers des explosions révolutionnaires. Certaines sections de la hiérarchie du PCC le craignent. Les manifestations démocratiques de masse de Hong Kong en 2019 ont donné un avant-goût, à l’échelle locale, de la direction que pourrait prendre la Chine. Deuxièmement, cela donne à Biden et à d’autres dirigeants occidentaux des munitions avec lesquelles ils peuvent influencer l’opinion publique mondiale et cacher leurs stratégies de guerre froide contre la Chine derrière un récit de «droits de l’homme» et de «démocratie».
Troisièmement, la tyrannie du régime de Xi a pris un caractère différent, même par rapport au passé. Parce qu’elle est également dirigée en interne vers la surveillance et le maintien de l’ordre de l’élite du PCC. Cai Xia, ancien professeur à la prestigieuse École centrale du Parti du PCC (l’incubateur des futurs hauts fonctionnaires), affirme que la Chine sous Xi est entrée dans une «ère totalitaire raffinée» qui a dépassée le totalitarisme de Mao et même d’Hitler. «L’utilisation de technologies avancées. Une surveillance stricte permise par le big data. Il peut surveiller précisément tout le monde. Il peut vous placer sous une surveillance étroite 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7», a-t-elle déclaré à Radio Free Asia (5 octobre 2020).
Cai, qui a fait défection aux États-Unis en 2020, est proche de certains princes du PCC – la «noblesse rouge» de la Chine – qui forme le noyau de la classe capitaliste. Cette couche a initialement soutenu Xi, lui-même un prince, mais elle est de plus en plus mécontente. Cai affirme que la faction dirigeante de Xi, appelée «faction Zhejiang» du nom de la province orientale où nombre de ses membres ont fait carrière, ne bénéficie du soutien inconditionnel que d’environ dix pour cent des fonctionnaires du PCC de niveau intermédiaire et supérieur. La majorité d’entre eux ne sont pas disposés à s’opposer ouvertement à Xi à ce stade, mais leur «soutien» est passif, dit-elle. Bien que son compte rendu de l’équilibre interne des forces puisse être exagéré à des fins factieuses, d’autres développements importants confirment l’existence d’une dissidence généralisée mais discrète – nous pourrions même dire «passive agressive» – à différents niveaux du parti-État.
L’expression la plus claire de ce phénomène est la lutte de pouvoir de plus en plus ouverte entre Xi et Li Keqiang, le premier ministre. Les médias d’État, contrôlés par la faction de Xi, ont même censuré les discours du premier ministre – une situation inédite depuis la Révolution culturelle des années 1960. Depuis son entrée en fonction aux côtés de Xi en 2012, Li a gardé un profil bas. Mais l’année dernière, il est devenu le porte-parole de la dissidence interne du PCC, lâchant un certain nombre de «bombes» médiatiques qui constituent une critique indirecte des politiques de Xi. Ce fut le cas à la fin du Congrès national du peuple de l’année dernière, en mai, lorsque Li a annoncé aux médias que 600 millions de Chinois, soit 43% de la population, ne gagnaient pas plus de 150 dollars américains par mois. Il s’agissait d’un retour à la réalité et d’un revers de la médaille de la campagne d’éradication de la pauvreté, qui porte le sceau officiel de Xi.
Le témoignage de Cai Xia est révélateur. «À part le clan de Xi, nous savons tous que nous ne pouvons pas continuer comme ça», a-t-elle déclaré à Radio Free Asia. Malgré son impopularité croissante, Cai reconnaît que Xi Jinping ne peut pas être destitué par des moyens «normaux». «Peut-être qu’une sorte d’urgence ou un accident inattendu pourrait déclencher des changements explosifs», telle est sa conclusion.
Une quatrième cause d’effervescence est que les mesures extrêmes de l’État policier de Xi ont pour effet de neutraliser le régime à prévoir et à gérer de nouvelles crises. Cela a été démontré avec des répercussions mondiales dévastatrices lorsque l’épidémie de coronavirus a débuté à Wuhan. Malgré la dissimulation qui a suivi, la vérité est que, pendant les semaines cruciales qui ont précédé le 20 janvier 2020, le régime de Xi a été pris au dépourvu par l’obsession du Parti-État pour le secret et les actions de son appareil de sécurité, qui a écrasé avec une efficacité brutale toute tentative de tirer la sonnette d’alarme.
Le système chinois est «supérieur»
Seules les réponses tragico-comiques à la pandémie des gouvernements occidentaux sous la pression des grandes entreprises ont permis à Xi de détourner l’attention et de se remettre partiellement de l’épisode de Wuhan. Wuhan n’était pas un exemple isolé de paralysie gouvernementale face à des crises soudaines. L’éruption de plus d’un million de manifestations à Hong Kong à partir de juin 2019, et les premières attaques de guerre commerciale de l’administration Trump un an plus tôt, sont deux développements qui n’avaient pas été prévus par le régime de Xi et qui ont été initialement accueillis par une inaction stupéfiante.
Un thème clé de la propagande du PCC est la «supériorité» du système politique (totalitaire) de la Chine par rapport à la «démocratie de style occidental». Les «victoires» sur la Covid-19, le rebond économique de la Chine en 2020 et l’éradication de la pauvreté en sont la preuve. De même, la «diplomatie des vaccins» de la Chine, qui consiste à expédier de grandes quantités de vaccins fabriqués en Chine vers les pays les plus pauvres, est utilisée pour éclipser et couvrir de honte la position impitoyable de l’impérialisme occidental. Il est clair que la crise profonde de la démocratie bourgeoise partout, mais surtout aux États-Unis, avec l’émergence d’une figure instable et autoritaire comme Trump, a apporté de l’eau au moulin de la propagande du PCC.
Cependant, il y a une raison pour laquelle, historiquement, le capitalisme préfère les formes de gouvernement parlementaires ou «démocratiques» aux dictatures militaro-policières. L’inconvénient pour les capitalistes est que dans une démocratie bourgeoise, la classe ouvrière gagne certains droits politiques limités mais cruciaux : former des syndicats, des partis politiques, ses propres médias, et utiliser cet espace démocratique pour débattre et clarifier les idées et les méthodes de lutte nécessaires pour combattre le capitalisme. Dans une société capitaliste totalitaire comme la Chine, tous ces droits sont brutalement supprimés.
Les capitalistes préfèrent et général un système «démocratique», car il offre une forme de pouvoir plus stable. Un «système multipartite» (dans lequel tout ou presque tous les partis sont des partis capitalistes) peut agir comme une soupape de sécurité pour libérer la pression des masses. Les institutions de la démocratie parlementaire, la presse, le système judiciaire, offrent des mécanismes de «vérification» et de «contre poids» pour contrôler le groupe dirigeant et l’empêcher de s’éloigner trop des intérêts du capital.
Les régimes totalitaires, en revanche, surtout en période de crise économique et de tensions de classe accrues, ont tendance à exploser et à s’effondrer. Aucune section significative du PCC et de la classe capitaliste chinoise n’est favorable à un passage à un modèle démocratique bourgeois. Le capitalisme a été restauré en Chine après l’écrasement du mouvement démocratique de masse de la place Tiananmen (avec des mouvements de masse et des grèves dans plus de 300 villes), mais le régime de Deng Xiaoping a consciemment choisi une voie vers le capitalisme qui a préservé d’importants contrôles étatiques et rejeté la démocratie bourgeoise.
Les éléments libéraux du PCC préconisent tout au plus une dictature modifiée – une «réforme politique» – avec moins de répression et moins de contrôles politiques et sociaux. Mais il y a sûrement des protagonistes dans la lutte actuelle pour le pouvoir du PCC qui envient la classe dirigeante américaine, qui par le biais d’une élection a été capable de régler le «problème Trump», alors que pour le «Trump chinois», cela n’est pas une option.
100e anniversaire
Le 100e anniversaire du PCC donnera lieu à un Niagara de propagande nationaliste pour faire passer le message que, sans la dictature du PCC, la Chine est perdue. Mais il y a un autre aspect aux célébrations. Elles seront détournées par la faction de Xi comme une arme dans la lutte interne pour le pouvoir. Le culte de la personnalité atteindra de nouveaux sommets pour cimenter le statut de Xi en tant que «plus grand leader depuis Mao». Ceci est conçu pour s’assurer qu’il n’y ait pas de dérapages avant le 20e Congrès de l’année prochaine et le couronnement de Xi pour un troisième mandat.
Les idées qui ont inspiré les pionniers du PCC il y a un siècle – la lutte des classes, l’anticapitalisme, la démocratie, l’internationalisme et la révolution russe – sont tous des sujets subversifs pour les dirigeants d’aujourd’hui. Ils seront enterrés sous des thèmes nationalistes tels que l’écrasement du «séparatisme de Taïwan», la résistance aux «forces anti-chinoises» et la réalisation du «grand rajeunissement de la nation chinoise».
Dans la perspective du 20e Congrès, Xi ne peut se permettre aucun revers sérieux au cours des douze prochains mois – aucune nouvelle éruption de type Hong Kong. Après une campagne de pression au cours des premières semaines du mandat de M. Biden, sur Taïwan, la mer de Chine méridionale et l’étranglement politique de Hong Kong par le PCC, Pékin pourrait tenter d’apaiser les tensions en proposant une coopération au moins dans certains domaines spécifiques tels que le changement climatique. Il n’est pas exclu qu’un processus limité de détente se produise, mais il sera fragile et temporaire. Sur le front intérieur, nous pouvons nous attendre à une succession de «victoires» à célébrer, toutes étant bien entendu orchestrées par Xi personnellement.
Cela inclut l’économie. La Chine a la particularité d’être la seule grande économie a avoir connu une croissance en 2020, bien qu’elle soit la plus faible depuis 1976. Comme c’est toujours le cas, certaines manipulations statistiques ont été utilisées. Néanmoins, si l’on s’en tient aux chiffres officiels, l’économie chinoise a progressé de 2,3% l’année dernière, tandis que l’Allemagne a enregistré une contraction de 5% et les États-Unis de 3,5%.
Cette année, le PIB de la Chine devrait augmenter de 8%, certains prévoyant même une croissance de 10%. Bien que cela puisse attirer l’attention, les données du PIB de cette année seront flattées par le faible «effet de base» à partir de 2020. Sur deux ans, même une croissance de 8% en 2021 correspondrait à un taux de croissance composé inférieur à 6%, soit un ralentissement continu par rapport à 2019 (6,1%).
Une reprise en forme de K
En outre, la Chine a connu une reprise en forme de K. Les personnes gagnant plus de 300 000 yuans (environ 48 400 dollars américains) par an – soit à peine 5% de la population – ont vu leur patrimoine augmenter en 2020, selon l’enquête sur les finances des ménages chinois. Mais au moins deux tiers de la population ont vu leurs revenus baisser en termes réels. Selon le Bureau national des statistiques, le revenu réel disponible n’a augmenté que de 0,6% au cours des trois premiers trimestres de 2020 par rapport à l’année précédente. Ce chiffre est à comparer à une augmentation de 6 pour cent en 2019.
Le niveau d’endettement des ménages, après avoir quadruplé au cours des cinq dernières années, a augmenté pour atteindre 62,2 pour cent du PIB en 2020. Ce chiffre est à comparer aux 76% enregistrés aux États-Unis. Ici, le taux de rattrapage est étonnant. En 2008, le ratio dette des ménages/PIB en Chine était de 18%, contre 99% aux États-Unis. Cela s’explique avant tout par la bulle du marché immobilier chinois, qui compte parmi les plus chers du monde. Selon le China Daily, Shanghai, Shenzhen et Pékin ont les quatrième, cinquième et sixième logements les plus chers du monde. Hong Kong occupe la première place.
Pour la première fois depuis 2009, pas une seule province n’a augmenté le salaire minimum l’année dernière. Tout porte à croire que ce gel des salaires sera prolongé en 2021. Cela explique pourquoi la consommation par habitant, après correction de l’inflation, a chuté de 4% en 2020, la première baisse de ce type depuis 1969. Le seul secteur qui a échappé à la tendance est celui des produits de luxe, qui a connu une croissance de près de 50% l’an dernier. Par conséquent, la croissance du PIB atteinte en 2020 ne repose pas sur une consommation plus forte, qui est l’objectif central de la «stratégie de double circulation» de Xi, mais plutôt sur les facteurs mêmes que cette soi-disant stratégie a été conçue pour éviter : des niveaux d’endettement plus élevés, une plus grande dépendance aux exportations et une bulle immobilière.
Les exportations ont augmenté de 3,6% en 2020 grâce à l’effet d’aubaine créé par la pandémie et les blocages successifs dans d’autres pays. La Chine est devenue «l’exportateur de dernier recours». Les exportations chinoises de produits médicaux critiques pour la Covid-19 ont plus que triplé au cours du premier semestre, passant de 18 milliards à 55 milliards de dollars US. Les exportations de produits électroniques et surtout de produits de travail à domicile ont connu une hausse similaire. Il est peu probable que ces gains exceptionnels se reproduisent.
La dette combinée du secteur public, des entreprises et des ménages chinois atteindra 280% du PIB en 2020, contre 255% en 2019, selon la Banque populaire de Chine (PBoC, banque centrale). Ce chiffre atteint environ 295% du PIB si l’on tient compte de la dette extérieure (que la PBoC estime à 14,5% du PIB). Il s’ensuit que la modeste croissance de 2,3% de la Chine a été obtenue grâce à la plus forte augmentation de sa dette jamais enregistrée. Cette situation n’est pas viable. Les tensions sur les marchés obligataires chinois, avec une série de défauts de paiement de la part de certaines grandes entreprises d’État, laissent entrevoir les premières fissures sérieuses du système financier.
Croissance des idées de gauche
Pour les super-riches cependant, dont la plupart sont membres du PCC et intégrés dans les structures de pouvoir de l’État PCC, 2020 a vu la «croissance la plus rapide jamais enregistrée», selon la liste Hurun basée à Shanghai. La Chine a créé 257 nouveaux milliardaires au cours de l’année, soit un rythme de cinq nouveaux milliardaires par semaine. Leur richesse combinée a augmenté de 60% pour atteindre 4 000 milliards de dollars américains.
La Chine «s’éloigne des États-Unis», selon Hurun, avec 1 058 milliardaires contre 696 pour les États-Unis. À l’occasion du 100e anniversaire du PCC, le régime de Xi se livrera à des contorsions politiques pour masquer la réalité. Le caractère de classe et la politique des communistes des années 1920 étaient à l’opposé de l’oligarchie capitaliste autoritaire d’aujourd’hui.
La radicalisation politique croissante de la jeunesse chinoise, et plus particulièrement la croissance explosive du «pan-gauchisme» et notamment du «maoïsme», est une évolution inquiétante, potentiellement ruineuse, pour le PCC. Ironiquement, ce que nous voyons dans le cas de la Chine n’est pas le maoïsme conventionnel. Il est plutôt devenu un terme générique pour une multiplicité d’idées gauchistes.
De nombreux jeunes maoïstes en Chine soutiennent l’internationalisme, le féminisme, les droits des LGBTQ et des minorités ethniques. Ces jeunes sont profondément critiques et même carrément opposés au régime du PCC en tant que régime capitaliste, même si, pour des raisons évidentes, ces critiques sont exprimées de manière prudente. En d’autres termes, ils ont un point de vue diamétralement opposé à celui de certains maoïstes internationaux qui soutiennent servilement le régime de Xi et ses politiques répressives au Xinjiang, à Hong Kong et contre les grèves des travailleurs et travailleuses.
«Pendant la pandémie de 2020, j’ai remarqué que les jeunes en Chine se sont déplacés loin vers la gauche», déclare Liang, un partisan d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) en Chine. Selon lui, la croissance de la conscience anti-establishment est désormais répandue dans la société, ce qui inclut le maoïsme mais ne s’y limite pas. «Il y a dix ans, l’idéologie la plus répandue sur l’internet chinois était le libéralisme. Aujourd’hui, c’est la gauche qui domine. Il y a quelques années encore, Jack Ma [propriétaire d’Alibaba] était vénéré comme le «Père Ma», aujourd’hui il est traité de vampire et de capitaliste suceur de sang», explique Liang. La colère suscitée par le fossé béant entre riches et pauvres, et en particulier par le traitement misérable réservé aux 290 millions de travailleurs et travailleuses migrantes des provinces intérieures les plus pauvres de la Chine, est l’un des principaux moteurs de la radicalisation politique actuelle.
L’éradication de la pauvreté
Les célébrations de la «victoire complète» de Xi Jinping dans l’éradication de la pauvreté sont une tentative de détourner l’attention de ces réalités. Non seulement le régime a proclamé ce «miracle sur terre», mais il a même supprimé le mot «pauvreté» du nom officiel de l’agence de lutte contre la pauvreté, ce qui laisse penser que toute référence à la «pauvreté» sera interdite à l’avenir.
Chen Hongtao, l’un des rédacteurs du site web maoïste Red China, a été arrêté en février pour avoir publié un article exposant la nature frauduleuse de la campagne d’éradication de la pauvreté. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, les affirmations du régime sont largement discréditées, en particulier par la gauche en Chine, tandis que les «gauches» néo-staliniennes au niveau international semblent heureuses de gober ces absurdités.
La campagne de Xi a été lancée en 2013 dans le but conscient de sortir les 100 millions de personnes restantes de «l’extrême pauvreté» d’ici à la fin de 2020. Étant donné que son prestige personnel était investi dans cette entreprise, il n’y avait aucune possibilité que cette échéance soit dépassée. La réalité, une fois de plus, est réécrite au service de la dictature.
Le gouvernement a alloué 1 600 milliards de yuans à la lutte contre la pauvreté, qui ont été utilisés pour des investissements dans les routes et les infrastructures de certaines régions extrêmement pauvres et pour le relogement de 10 millions de personnes. C’était là un aspect de l’histoire. L’autre est la falsification généralisée des données, la coercition et la falsification des réalisations par les gouvernements locaux pour atteindre leurs objectifs de lutte contre la pauvreté. La campagne a utilisé une base très basse pour définir «l’extrême pauvreté», fixée à 2,30 dollars par personne et par jour. Ce chiffre est inférieur au seuil de pauvreté de 3,20 dollars par jour que la Banque mondiale applique à l’Inde, et représente moins de la moitié du niveau qu’elle recommande pour un pays à revenu intermédiaire supérieur comme la Chine.
Contrecoup des vaccins
Un autre domaine où la propagande du régime masque la réalité est la lutte de la Chine contre la Covid-19. Xi Jinping a déclaré la «victoire» sur la pandémie lors d’une cérémonie de remise de prix à Pékin le 8 septembre dernier. Cette déclaration était prématurée et de nouvelles épidémies sont apparues depuis. Bien que le nombre de nouvelles infections soit faible par rapport aux normes internationales, plusieurs fermetures à grande échelle ont eu lieu.
Dans la province de Hebei, voisine de Pékin, plus de 22 millions de personnes ont reçu l’ordre de rester chez elles pendant plus d’une semaine en janvier. Cette mesure a été deux fois plus importante que le confinement de Wuhan en 2020. Des confinements similaires impliquant des dizaines de millions de personnes ont eu lieu au Xinjiang (juillet-août 2020), à Jilin et à Heilongjiang (janvier 2021). Il y a des frictions entre Pékin et les gouvernements régionaux, dont certains, selon Pékin, se sont montrés trop empressés à imposer des confinements. Il s’agit là aussi d’une caractéristique de la lutte pour le pouvoir au sein du PCC.
Actuellement, le déploiement des vaccins par le régime est assailli de problèmes. Si la Chine a gagné du terrain grâce à sa «diplomatie du vaccin» – l’exportation de vaccins vers 80 pays pour la plupart à revenu faible ou intermédiaire et qui ont été boudés par les puissances occidentales et leurs fabricants de vaccins – son programme national de vaccination va mal. La Chine a expédié plus de vaccins à l’étranger qu’elle n’en a administré à sa propre population, 46 millions contre 40,5 millions, selon une analyse du South China Morning Post du 15 février.
Non seulement la Chine doit relever le défi de vacciner une population quatre fois plus importante que celle des États-Unis, mais elle se heurte à la méfiance généralisée du public. Cette situation est due aux nombreux scandales impliquant des vaccins, des médicaments et des produits alimentaires dangereux, périmés ou contaminés au cours des dernières décennies. Le manque de transparence et le refus des fabricants de vaccins chinois de divulguer certaines données d’essais ont renforcé les doutes de la population. Une enquête menée à Shanghai a montré que la moitié de la population ne prévoyait pas de se faire vacciner. Selon une autre enquête, 28% seulement du personnel médical de la province du Zhejiang souhaitait se faire vacciner.
Les vaccins chinois, qui jusqu’à présent n’ont été approuvés que pour les personnes de moins de 60 ans, n’ont pas obtenu de bons résultats par rapport aux alternatives occidentales. Le vaccin de Sinovac a atteint un taux d’efficacité de seulement 50,4% lors d’essais au Brésil et de 65,3% en Indonésie. En comparaison, le taux d’efficacité est de 95% pour le vaccin de Pfizer et de 94,1% pour celui de Moderna (deux sociétés américaines). Le Financial Times a fait état de retards de production dans les usines de Sinovac en Chine et d’une pénurie de flacons en verre importés nécessaires au stockage des vaccins.
Le scepticisme à l’égard des vaccins chinois a également fait perdre de l’éclat à l’offensive diplomatique mondiale. En décembre, le dictateur cambodgien Hun Sen, habituellement un partisan servile du PCC, a refusé d’accepter les vaccins chinois à moins qu’ils ne soient approuvés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). «Le Cambodge n’est pas une poubelle», a-t-il déclaré.
Bien que l’OMS soit toujours en train d’évaluer les vaccins chinois, le gouvernement cambodgien a pris livraison de son premier lot en janvier. Mais Hun, qui est âgé de 68 ans, a dû renoncer à sa propre vaccination sur les conseils des responsables chinois. «La sécurité et l’efficacité du vaccin pour les personnes de plus de 60 ans sont encore à l’étude», a-t-il déclaré. Aux Philippines, où un autre dirigeant autoritaire, Rodrigo Duterte, fait la promotion des vaccins chinois, moins de 20% des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage ont exprimé leur confiance dans ces derniers.
La Hongrie est le seul pays de l’Union européenne à utiliser les vaccins chinois, ce qui est bien sûr lié à la position anti-européenne du gouvernement de droite d’Orban. Mais un sondage réalisé en février a montré que seuls 27% des Hongrois et Hongroises étaient prêts à se faire vacciner avec le vaccin chinois, bien que ce pourcentage soit passé à 45% chez les partisans du parti au pouvoir.
Malgré sa bravade et son souci de ne rien laisser «gâcher la fête», alors que le PCC célèbre son centenaire, le régime de Xi devra, à quelques reprises, faire face à la réalité. La crise de la dette, la poursuite de la Guerre froide avec les États-Unis et la crainte que l’accélération du déploiement des vaccins dans plusieurs pays occidentaux ne fasse pencher la balance en défaveur de la Chine, ces défis laissent présager une période de turbulences. Le mécontentement croissant des travailleurs, des travailleuses et des jeunes signifie que de nouvelles poussées de lutte sont inévitables et que les idées socialistes authentiques rencontreront un public encore plus réceptif.
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RCEP : le combat commence maintenant contre cet accord de libre-échange anti-travailleurs
Le 15 novembre, le partenariat régional économique global (en anglais : Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) a été lancé par quinze gouvernements de la région Asie-Pacifique. L’intention claire des négociateurs était de lancer un accord commercial typiquement néolibéral qui, s’il est pleinement mis en œuvre, réduira les droits de douane et les barrières non tarifaires entre les dix membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et cinq économies non membres de l’ANASE. L’ANASE est composée du Brunei, du Cambodge, de l’Indonésie, du Laos, de la Malaisie, du Myanmar, des Philippines, de Singapour, de la Thaïlande et du Vietnam. Les cinq “étrangers” sont l’Australie, le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et la superpuissance régionale, la Chine.Par des reporters de chinaworker.info. Cet article est l’éditorial du numéro de décembre du magazine socialiste (社会主义者) de la section Chine-Hong Kong-Taïwan d’Alternative Socialiste Internationale
Le RCEP est considéré comme le plus grand bloc commercial au monde, regroupant 2,2 milliards de personnes (dont 63 % pour la Chine) et environ 30 % du PIB mondial (dont plus de la moitié pour la Chine). L’accord risque de se heurter à une résistance massive des organisations de travailleurs et des mouvements sociaux dans toute la région, et les fortes contradictions entre les gouvernements signataires soulèvent de nombreuses questions quant à sa viabilité.
Le site chinaworker.info propose ici quatre idées à retenir au sujet du lancement du RCEP.
Le RCEP représente une énorme attaque contre les travailleurs, les agriculteurs et la nature
Le RCEP représente un crime gigantesque perpétré par une clique secrète de politiciens et de magnats du monde des affaires capitalistes contre la grande majorité des habitants de la région Asie-Pacifique.
“Cela va encore saper les moyens de subsistance des agriculteurs, des pêcheurs, des peuples indigènes et des paysannes, et menacer les emplois des travailleurs”, déclare le groupe Trade Justice Pilipinas. “Le RCEP ne fera qu’aggraver les inégalités qui existent déjà et qui ont été exacerbées par la pandémie”, prévient le groupe basé aux Philippines.
Sept syndicats répartis dans plusieurs pays de la région ont qualifié le moment de l’accord d’”épouvantable”, survenant au milieu de la pire pandémie depuis un siècle, avec des systèmes de santé débordés et un chômage en forte hausse. Ils avertissent que le RCEP menace d’aggraver ce que les Nations unies prédisent comme la pire crise alimentaire mondiale depuis 50 ans.
L’économie de l’Asie dans son ensemble va se contracter de 2,2 % cette année, selon la dernière enquête du FMI, la première contraction de ce type depuis les années 1960. Même lors de la crise financière asiatique dévastatrice de 1997, l’économie de toute la région a enregistré une croissance positive de 1,3 %. L’accord du RCEP montre plus que tout autre chose le désespoir des quinze gouvernements ; la nécessité d’un discours positif pour apaiser les nerfs des entreprises et relancer les investissements étrangers.
Le RCEP va accroître l’exploitation des travailleurs et de l’environnement. La réorganisation et la régionalisation des chaînes d’approvisionnement, envisagées dans le cadre du RCEP, entraîneront des licenciements massifs, des fermetures d’entreprises, des réductions de salaires et une augmentation des niveaux déjà inacceptables d’emplois précaires. L’Organisation internationale du travail (OIT) rapporte que 68 % de la main-d’œuvre de la région Asie-Pacifique se trouve dans le secteur informel, les jeunes travailleurs de 15 à 24 ans étant les plus touchés. Dans ces emplois, il n’existe pratiquement aucune protection sociale, aucun droit à la retraite ni aucun droit syndical. Au Laos et au Cambodge, deux États membres du RCEP, le secteur informel représente plus de 93 % de l’emploi, mais même au Japon, pays riche, cela représente 20 % de l’emploi.
L’accaparement des terres, les défrichements forcés et l’appauvrissement des petits agriculteurs de subsistance vont augmenter. Le RCEP demande à ses membres d’adhérer au traité de Budapest, qui impose le contrôle monopolistique des semences et des micro-organismes par de grandes entreprises agrochimiques comme Monsanto et la société chinoise Syngenta, affaiblissant encore la position des petits agriculteurs. Les professionnels de la santé avertissent que les règles du RCEP sur les médicaments génériques, si elles sont adoptées, entraîneront une hausse vertigineuse des prix des médicaments dans de nombreux pays de l’ANASE.
Les écosystèmes déjà dégradés seront encore davantage mis à mal. En Indonésie, une zone de forêt de la taille de Brunei est perdue chaque année au profit de grandes entreprises de plantation, d’exploitation forestière et minière. Des batailles de masse ont éclaté ces dernières années impliquant des activistes environnementaux et des peuples indigènes – de la Papouasie occidentale à la Mongolie intérieure – pour bloquer l’exploitation minière et d’autres projets d’entreprises écologiquement destructeurs. Cela inclut des protestations contre des entreprises chinoises et des projets d’infrastructure en Indonésie, en Thaïlande, au Myanmar et dans d’autres États du RCEP, y compris des projets dans le cadre de l’initiative géante chinoise “Belt and Road Initiative” (BRI, également appelé « les nouvelles routes de la soie » en français).
Le RCEP ne contient aucune disposition environnementale. La lutte pour désamorcer la bombe à retardement écologique et climatique et améliorer les conditions de vie des populations rurales pauvres d’Asie ne peut pas reposer sur un lobbying visant à “améliorer” le RCEP, mais sur la revendication de l’abandon pur et simple de cet accord. Des organisations de travailleurs fortes, qui se lient aux masses rurales et leur donnent une impulsion, sont la seule façon de vaincre cet assaut capitaliste. L’internationalisme des travailleurs et leur lutte commune pour mettre fin au système de profit capitaliste et placer toutes les ressources économiques sous le contrôle démocratique de la majorité est la seule réponse, plutôt que l’illusion du capitalisme “national” et du protectionnisme.
Le RCEP est synonyme de nouvelles attaques contre les droits démocratiques
Le RCEP est un “affront à la démocratie”, selon la députée philippine de gauche Sarah Elago. “Les gouvernements ont donné des positions privilégiées aux grands groupes de pression des entreprises au détriment des principes démocratiques de base”, souligne-t-elle. Les négociations du RCEP ont été menées dans le plus grand secret, à l’exclusion des parlementaires élus (lorsqu’ils existent), sans parler des syndicats, des organisations de jeunesse ou des militants ruraux. Le document final de 510 pages, avec des milliers de pages de documents associés, n’a été publié qu’après la signature de l’accord. Pourtant, de puissantes associations capitalistes comme le East Asia Business Council, le Keidanren du Japon et le Minerals Council d’Australie se sont même vu attribuer un rôle officiel dans le processus du RCEP.
L’accélération de l’accaparement des terres et de la saisie des ressources naturelles par les entreprises entraînera une militarisation accrue et une terreur soutenue par l’État dans les régions rurales et les régions où vivent des minorités ethniques. Les protestations de masse des travailleurs et des jeunes en Indonésie, en Thaïlande et à Hong Kong au cours de l’année écoulée ont été sévèrement réprimées. Dans toute la région, les dépenses militaires ont augmenté de 52 % depuis 2018, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.
Le processus du RCEP montre que lorsque des accords visant à augmenter les profits des grandes entreprises sont sur la table, il n’y a pas de différences fondamentales entre les dictatures directes comme la Chine, le Brunei et le Laos, et les gouvernements capitalistes “démocratiques” en Australie, au Japon et en Nouvelle-Zélande.
RCEP : Qui gagne, qui perd ?
Le RCEP et d’autres accords de libre-échange sont des manifestations de l’impérialisme moderne, qui permettent aux classes capitalistes d’exploiter plus efficacement le travail, tant au niveau national que mondial.
Selon l’économiste Michael Plummer, trois pays – la Chine, le Japon et la Corée du Sud – récolteront 90 % des gains de revenus et 88 % des gains commerciaux du RCEP. Les douze autres membres du RCEP devront se chamailler pour les miettes.
Tous les accords capitalistes tentent de duper les gens avec des phrases sucrées sur la “coopération win-win” où tout le monde est gagnant. Mais pour les économies de l’ANASE, pour la plupart “en développement”, le RCEP va renforcer un processus de dépendance économique – en tant que marchés, sources de main-d’œuvre bon marché et de ressources naturelles – vis-à-vis du capitalisme chinois et d’autres grandes économies.
Au cours des dix dernières années, la moitié des membres de l’ANASE ont enregistré un déficit commercial (Cambodge, Indonésie, Laos, Myanmar et surtout les Philippines). Trade Justice Pilipinas avertit que l’adhésion au RCEP augmentera la facture des importations du pays de 908 millions de dollars US mais n’ajoutera que 4,4 millions de dollars US à la valeur des exportations.
Le caractère impérialiste de la Chine sous le règne du Parti soi-disant communiste (PCC) est pleinement révélé par son rôle instrumental dans le déclenchement de ce projet néo-libéral sur les peuples de la région. Les ambitions économiques et géopolitiques du PCC, qui, à l’époque de Xi Jinping, sont de plus en plus poursuivies par la coercition et les menaces, ne sont pas fondamentalement différentes de celles de puissances impérialistes plus établies comme les États-Unis.
La nécessité pour la Chine de consolider sa domination sur l’Asie de l’Est, en tant que contrepoids aux politiques de “découplage” économique et diplomatique des Etats-Unis, est un facteur essentiel qui a motivé le lancement du RCEP. Il s’agit d’une nouvelle escalade significative de la guerre froide, plutôt que d’une quelconque réduction d’échelle. Le régime de Xi sait que lorsque Biden prêtera serment, les politiques anti-Chine de Washington se poursuivront, “bien qu’avec moins de caractéristiques trumpiennes” comme l’a noté Al Jazeera.
Le RCEP représente une victoire diplomatique majeure pour la Chine aux dépens des Etats-Unis, mais une réalisation bien plus limitée en termes économiques. Comme le soulignent les analystes de City Research, “le message diplomatique du RCEP peut être tout aussi important que l’économie – un jolie coup pour la Chine”.
En fait, malgré la fanfare entourant le RCEP, cela ne signifiera que des “gains marginaux” pour l’économie chinoise selon le South China Morning Post de Hong Kong. Si le RCEP devrait apporter un modeste coup de pouce au PIB chinois, “il ne suffira pas à annuler les dommages de la guerre commerciale avec les États-Unis”, a déclaré le journal. Le Petersen Institute of International Economics a prédit en juin 2020 que le RCEP, une fois terminé, ajoutera 0,4 % au PIB chinois d’ici 2030, tandis que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, si elle devait persister (nous pensons que c’est très probable), réduirait le PIB de 1,1 %. Paradoxalement, la suppression des barrières commerciales entre la Corée du Sud, le Japon et les pays de l’ANASE peut conduire à un accroissement des échanges entre ces pays plutôt qu’avec la Chine, sur la base des symétries de ces économies respectives.
Pour combattre efficacement le RCEP, le mouvement ouvrier a besoin d’une évaluation sobre de ce qu’il représente, et non de prendre pour argent comptant la propagande vantarde des différents gouvernements et groupes d’entreprises du RCEP.
Le magazine The Economist a décrit l’accord du RCEP de novembre comme “peu ambitieux”, un point de vue partagé par de nombreux commentateurs capitalistes. Afin d’aller de l’avant, les gouvernements signataires ont été contraints de diluer leurs ambitions et d’adopter un accord nettement plus faible par rapport à de nombreux autres ALE capitalistes. Le RCEP est assez vague sur le commerce des services et contient très peu sur l’agriculture par exemple.
Ces lacunes et insuffisances sont une bonne nouvelle du point de vue de la classe ouvrière. Nous ne devons pas sous-estimer la menace économique très réelle que représente le RCEP, mais sa nature instable et les nombreux conflits entre les États membres font qu’une lutte réussie pour enterrer le RCEP est une possibilité réelle.
Le RCEP va-t-il décoller ?
A ce stade, le RCEP est plus lourd de symbolisme que de substance. Il faudra au moins dix ans, et dans certains cas vingt ans, pour que les objectifs de réduction tarifaire du bloc soient atteints. D’autres parties de l’accord pourraient s’enliser dans des négociations sans fin. L’Inde a participé à 28 des 31 cycles de négociations du RCEP, mais elle s’est retirée du processus en 2019, principalement en raison du défi économique lancé par la Chine.
Les commentateurs soulignent la “voie de l’ANASE”, qui consiste à progresser lentement, progressivement et de façon presque glaciale. C’est le mode de fonctionnement du groupe depuis un demi-siècle, en raison du caractère extrêmement divers et désuni de ses dix États membres. Le RCEP est encore plus diversifié et désuni.
La guerre froide va se jouer autour et aussi à l’intérieur du RCEP avec l’impérialisme américain déterminé à priver la Chine de tout avantage. La polarisation entre les factions pro-américaines et pro-chinoises des élites dirigeantes dans toute la région va probablement s’accentuer. La lutte féroce entre la Chine et l’Australie, cette dernière étant fermement ancrée dans le camp américain, est une indication de ce qui nous attend. Le Japon et la Corée du Sud, tous deux alliés des États-Unis, ont de sérieux différends entre eux. Ceux-ci, comme les tensions ailleurs, peuvent déborder sur les prochains cycles de négociations du RCEP.
Ce différend – avec le charbon australien, le bœuf, l’orge, le vin et d’autres marchandises bloquées par la Chine – a atteint de nouveaux sommets quelques jours seulement après que les deux gouvernements ont signé l’accord du RCEP. Leurs différends économiques sont dans une certaine mesure éclipsés par le clivage diplomatique et politique, la Chine présentant une liste de “quatorze griefs” qui comprennent une couverture médiatique négative, et le gouvernement australien exigeant des excuses pour un tweet provocateur du ministère des affaires étrangères de Pékin, qui a attiré l’attention sur les crimes de guerre commis par le personnel militaire australien en Afghanistan.
Il est peu probable que le RCEP commence avant janvier 2022 car il doit être ratifié par des “parlements” (dont certains ne sont pas élus) dans au moins neuf pays. Bien qu’il soit peu probable qu’il échoue, même le processus de ratification pourrait se heurter à une résistance farouche. Au cours des deux prochaines années, avant que le RCEP puisse être mis en œuvre dans son intégralité, la route sera longue et ardue – un chemin de boue sinueux plutôt qu’une autoroute.
Nous assistons également à la plus importante lutte de pouvoir au sein de l’État PCC depuis trois décennies, incarnée par les signaux très différents émis par le président Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang. Comme Li est le responsable officiel du RCEP, ce projet fera inévitablement partie de la lutte pour le pouvoir. Xi est en général favorable à un programme économique plus nationaliste, avec une plus grande dépendance du capitalisme d’État, tandis que Li représente la couche des capitalistes chinois qui sont favorables à des liens économiques plus étroits avec l’étranger. Bien que Xi ne soit pas fondamentalement opposé au RCEP, sa priorité est la “stratégie de double circulation” pour développer l’économie intérieure chinoise, ce qui signifie que le RCEP pourrait être mis de côté dans la pratique, devenant un accord vide de sens.
La tâche du mouvement ouvrier, des socialistes, du mouvement pour le climat, des étudiants et des militants ruraux est de s’assurer que la résistance de masse nécessaire est mise en place. Le capitalisme est incapable d’”unifier” l’Asie-Pacifique, notamment parce qu’il s’agit d’un système basé sur des États-nations, qui, surtout en période de crise, développent des antagonismes fondamentaux lorsque chaque groupe dirigeant tente de se sauver.
Les socialistes croient en une véritable coopération internationale et en une intégration économique fondée sur les intérêts communs des travailleurs au-delà des frontières nationales. Cela n’est possible qu’en renversant le capitalisme – dans ses deux variantes “nationaliste” et “mondialiste” – et en établissant des économies planifiées, socialistes et publiques sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et des masses opprimées.
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Chine : La répression d’État s’intensifie contre les militants de gauche – Abandon des charges contre Chai Xiaoming !

Chai Xiaoming Le 14 août, le militant de gauche Chai Xiaoming a été jugé en secret par le tribunal intermédiaire de la ville de Nanjing, à l’est du pays, pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État”. Le verdict et la sentence du tribunal n’ont pas été rendus publics, mais le ministère public de Nanjing a soumis une proposition de 3 à 5 ans de prison. Il est entendu que les avocats de Chai ont signé un accord de confidentialité avec les autorités afin de garantir que les informations sur son affaire ne soient pas divulguées.
Cette affaire contre Chai représente une injustice monstrueuse symptomatique de la répression de la jeunesse maoïste et trotskyste par la dictature chinoise (PCC). En octobre, le vétéran maoïste Meng Xianda, rédacteur en chef du site internet “La voix du peuple” a été arrêté pour être interrogé, puis relâché. Bien que les affaires ne soient pas directement liées, Meng comme Chai avaient été de fervents partisans de la lutte des travailleurs de l’entreprise Jasic, à Shenzhen, en 2018.
Chai Xiaoming est un trotskiste autoproclamé. Il y a une dizaine d’années, il a souvent participé à des discussions avec le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière, qui a changé de nom en 2020 pour devenir Alternative Socialiste Internationale) et chinaworker.info, bien qu’il ait ensuite rompu tout contact en invoquant des désaccords politiques. Au moment de son arrestation en 2019, Chai était rédacteur pour le site web “maoïste” de gauche, Red Reference.
L’état policier le plus cher au monde
Les procès secrets en Chine signifient que la famille, les amis et les médias d’un accusé sont exclus. Dans de nombreux cas, l’accusé n’a pas le droit de choisir son avocat. Un procès secret est ordonné lorsque la dictature estime que les infractions commises concernent des “secrets d’État”.
Le système judiciaire chinois, dont les tribunaux sont strictement contrôlés par le PCC, a un taux de condamnation de plus de 99 %. Les statistiques des tribunaux de 2006 à 2016 montrent que moins de 0,2 % des accusés ont été acquittés. En d’autres termes, le fait de se présenter devant un tribunal garantit presque toujours un verdict de culpabilité. En outre, la plupart des procès reposent largement sur des aveux. Ceux-ci sont souvent obtenus sous la torture ou la contrainte, en particulier dans les affaires politiques. Il peut s’agir de menaces contre les proches de l’accusé s’il ne “coopère” pas avec les autorités. Tout cela est courant dans le système judiciaire contrôlé par le PCC.
Au fur et à mesure que la Chine est devenue la deuxième puissance économique capitaliste au monde, elle est devenue plus répressive et dictatoriale. Elle constitue aujourd’hui l’État policier le plus cher au monde. Le budget du gouvernement pour la sécurité intérieure (“maintien de la stabilité”) est plus important que son budget militaire. En 2019, le dernier chiffre disponible, 1,39 trillion de yuans (210 milliards de dollars US) a été alloué à la sécurité intérieure, une somme qui n’est pas si éloignée du budget de la santé de 1,64 trillion de yuans (248 milliards de dollars US).
Aucun détail du cas de Chai Xiaoming n’a été rendu public, mais sa période de détention par des agents de la sécurité d’État a commencé en mars 2019, dix-sept mois avant que l’affaire ne soit portée devant les tribunaux. Son arrestation a été officialisée en septembre 2019, soit six mois avant que l’affaire ne devienne officielle. Cela correspond également au schéma de la persécution des dissidents politiques par le PCC, avec de longues périodes de détention avant le procès au cours desquelles des aveux sont extorqués et, dans de nombreux cas, les victimes sont contraintes de “coopérer” pour éviter une peine plus sévère.
La lutte de Jasic
Le cas de Chai est lié à la lutte historique de Jasic, lorsque des jeunes et des militants de gauche de toute la Chine ont fait campagne pour les droits syndicaux d’un groupe de travailleurs d’une usine de Shenzhen. Cette lutte a été violemment réprimée par la dictature chinoise, révélant ainsi son caractère totalement anti-ouvrier.

Shenzhen 2018 : Protestation du groupe de soutien aux travailleurs de Jasic Les patrons de Jasic ont refusé d’approuver la formation d’un syndicat dans l’usine (les syndicats indépendants sont illégaux en Chine). Ils ont licencié les principaux porte-parole des travailleurs et engagé des voyous pour les tabasser. Les réalités politiques du système capitaliste autoritaire chinois sont clairement illustrées par le contraste frappant entre la manière dont les travailleurs et les capitalistes sont traités. Jia Lei, le propriétaire de Jasic Technology, et Guo Liqun, le directeur du personnel de l’entreprise, sont tous deux “délégués” au Comité populaire de Shenzhen, nominalement le “parlement” de la ville, qui est choisi par le PCC.
Plus de 80 jeunes et travailleurs ont été arrêtés ou ont disparu lors de la répression policière qui a suivi cette lutte. Red Reference est l’un des nombreux sites web de gauche qui a contribué à faire connaître l’affaire, ce qui a fait enrager le régime chinois.
Fin 2018, les autorités du PCC ont lancé une campagne de répression nationale sur les campus universitaires, fermant de nombreuses “sociétés marxistes” en raison du rôle qu’elles auraient joué dans la canalisation du soutien à la lutte de Jasic. Des dirigeants étudiants éminents ont été contraints d’apparaître dans des “aveux” filmés après des mois de détention policière. C’est à peu près à cette époque que Chai a été arrêté.
Le seul crime de Chai Xiaoming est de défendre les droits des travailleurs et de protester contre la répression brutale des travailleurs et de ses collègues socialistes en Chine. Les mesures de plus en plus draconiennes du régime de Xi Jinping contre les jeunes et les militants de gauche plus âgés démontrent qu’en dépit de ses tentatives de démonstration de force et de stabilité, il redoute la croissance du soutien aux idées socialistes. Pour la nouvelle génération de jeunes chinois de gauche et socialistes, la persécution de Chai ne fait que donner davantage de raisons de s’organiser et de lutter contre le capitalisme et la dictature.
Nos articles sur la lutte de Jasic :
- Solidarité avec les travailleurs de Jasic Technology Shenzen (Chine) (20/08/2018)
- [VIDEO] Chine : Solidarité avec les travailleurs en lutte de Jasic Technology ! (21/08/2018)
- Chine. La lutte des travailleurs de Shenzhen Jasic Technology atteint une phase cruciale (26/08/2018)
- Motion de solidarité de la CGSP-ALR Bruxelles avec les travailleurs de Jasic Technology (30/08/2018)
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Nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine : vers une économie mondiale bipolaire ?

Le conflit entre les deux plus grandes puissances impérialistes s’intensifie à une vitesse vertigineuse. En juillet, les États-Unis ont ordonné la fermeture du consulat chinois à Houston, qui a été suivie immédiatement par la fermeture du consulat américain à Chengdu.
Par Vincent Kolo, chinaworker.info
Le gouvernement américain a déclaré, de manière très hypocrite, que le consulat de Houston était une “plaque tournante de l’espionnage”, comme si cela aurait été le premier cas de ce type dans l’histoire du monde. À Chengdu, une foule de plusieurs milliers de personnes, gonflée à bloc par la propagande gouvernementale, s’est rassemblée pour assister à l’expulsion du personnel consulaire américain. Les deux gouvernements ont annoncé des mesures visant à mettre sur liste noire les entreprises du pays adverse et à expulser leurs journalistes, avec la menace de représailles plus graves en perspective.
Dans un discours développant les grandes lignes de l’agenda de guerre froide de Washington, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déclaré que le monde était confronté à un choix “entre la liberté et la tyrannie” et, dans une attaque à peine voilée contre l’Allemagne d’Angela Merkel, il a appelé les prétendues démocraties du monde à ne pas “plier le genou” devant le Parti communiste chinois (PCC). En Chine, le ton a changé de façon encore plus marquée, les réponses relativement prudentes de l’année dernière ayant fait place à une diplomatie de “guerrier-loup” (du nom d’un populaire film de guerre chinois).
La Chine a décrit Pompeo comme un “ennemi de l’humanité”, un point de vue avec lequel de nombreux Américains seraient probablement d’accord. Le ministre des affaires étrangères Wang Yi s’est plaint à son homologue russe que les États-Unis avaient “perdu leur esprit, leur morale et leur crédibilité”.
Dans un article paru dans le premier numéro du magasine Socialist World (magasine de Socialist Alternative aux USA) il y a un an, nous soutenions que la guerre commerciale de Trump avec la Chine n’était pas un “conflit ponctuel” et que nous étions en réalité au début d’une “lutte prolongée et de plus en plus âpre avec des effets mondiaux potentiellement graves sur le plan économique, politique voire même militaire”.
Depuis lors, le conflit s’est considérablement aggravé et le Covid-19 a une fois de plus joué le rôle de grand accélérateur. Comme le montrent les récentes secousses, même les marchés boursiers, gorgés de quantités sans précédent de crédits garantis par l’État, ont commencé à prendre conscience du fait que la guerre froide est désormais une réalité.
Le Covid-19 accélère le conflit
La pandémie a provoqué une rupture totale dans les relations déjà tendues entre les États-Unis et la Chine. Le régime chinois craint, à juste titre, que les États-Unis n’exploitent la pandémie pour mobiliser l’opinion mondiale contre la Chine.
Parfois, les attaques verbales du gouvernement américain ont envenimé la situation, avec l’utilisation répétée du terme “virus de Wuhan” et même du terme “Kung Flu” (« flu » signifiant « grippe » en anglais), ouvertement raciste. Les demandes de compensation économique de la part de la Chine pour la pandémie – une forme de “réparation de guerre” – ont trouvé un large écho, par exemple chez des gouvernements débiteurs en Afrique qui attendent désespérément que Pékin leur offre une remise concernant leur dette. La Chine est le plus grand créancier de l’Afrique, représentant un cinquième de la dette publique du continent.
“Le Covid-19 a une fois de plus joué le rôle de grand accélérateur. Comme le montrent les récentes secousses, même les marchés boursiers, gorgés de quantités sans précédent de crédits garantis par l’État, ont commencé à prendre conscience du fait que la guerre froide est désormais une réalité.”
Le régime répressif de Xi Jinping porte une énorme responsabilité dans la propagation du virus dans sa phase initiale. Les infections auraient pu être limitées de 95 % à Wuhan et dans la région environnante, selon une étude du Dr Sheng Jie Lai de l’université de Southampton, si Pékin avait agi trois semaines plus tôt pour imposer les mesures qui ont finalement été annoncées le 23 janvier. Le régime de Xi a tergiversé tandis que sa machine de censure impitoyable arrêtait et faisait taire les dénonciateurs médicaux.
Ces erreurs criminelles ont cependant été accompagnées par l’ignorance sidérante de l’administration de Trump, le président ayant tweeté à pas moins de quinze reprises sa pleine confiance dans la réponse du régime chinois à la pandémie. Le 24 janvier, par exemple, Trump a tweeté : “En particulier, au nom du peuple américain, je tiens à remercier le président Xi !”
La décision ultérieure de Trump de retirer les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé, en les accusant d’être une “marionnette de la Chine”, était une forme effrontée de guerre par procuration. L’OMS, une branche des Nations Unies, est une agence bureaucratique et principalement politique, plutôt que médicale. Néanmoins, en l’absence d’une véritable agence mondiale de la santé sous contrôle et gestion démocratiques, la campagne de Trump pour saboter l’OMS peut créer de graves perturbations dans la lutte contre le virus dans les pays pauvres qui, sous le joug de l’impérialisme, manquent même de l’infrastructure sanitaire la plus basique.
La lutte géopolitique entre l’impérialisme américain et chinois est une lutte sur plusieurs fronts pour l’hégémonie mondiale. La caractéristique principale de ce conflit est une guerre économique plutôt que militaire. Cela implique le recours croissant à des politiques économiques capitalistes et nationalistes d’État, en particulier pour la Chine, et l’arsenalisation du commerce, de la finance et de la technologie, en particulier pour les États-Unis.
Les affrontements militaires, en particulier sous la forme de guerres par procuration impliquant des tiers, constituent un danger accru dans cette situation. La première bataille mortelle en près de 60 ans entre les deuxième et troisième plus grandes armées du monde, la Chine et l’Inde, est un exemple de ces conflits par procuration. Les États-Unis ont poussé le gouvernement de Modi à fortifier sa frontière nord, offrant à l’Inde un soutien militaire accru et soutenant sa candidature au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre permanent. Les exportations militaires américaines vers l’Inde sont passées de zéro en 2008 à plus de 20 milliards de dollars en 2020.
Dans la mer de Chine méridionale, les États-Unis et la Chine ont considérablement intensifié leurs manœuvres navales alors que la lutte s’intensifie entre eux et six pays plus petits, avec des revendications opposée concernant certaines îles dans cette voie d’eau stratégique. En juillet, les États-Unis ont considérablement augmenté la tension avec une nouvelle politique déclarant “illégales” toutes les revendications territoriales de la Chine. Les États-Unis avaient auparavant feint la “neutralité” à l’égard de toutes les revendications rivales. Le revirement soudain du gouvernement des Philippines en juin, pour suspendre l’annulation d’un traité militaire clé avec les États-Unis, l’accord sur les forces en visite (VFA), en raison de “développements politiques et autres dans la région”, représente une victoire importante pour les États-Unis et un nouveau revers pour la diplomatie régionale de la Chine.
Le conflit actuel n’est pas une répétition de la précédente guerre froide, de 1945 à 1989, qui s’est déroulée entre deux systèmes socio-économiques différents. La Chine d’aujourd’hui, tout comme les États-Unis, est une économie capitaliste. L’ancienne dictature maoïste-stalinienne a muté en un État policier ultra-répressif, nationaliste et raciste (reposant sur la suprématie des Han). La Chine joue un rôle beaucoup plus important dans l’économie mondiale que l’URSS stalinienne ne l’a jamais fait. À son apogée, le commerce extérieur de l’URSS représentait quatre pour cent de son PIB et était principalement réalisé en dehors du monde capitaliste avec des pays “socialistes”.
En comparaison, le commerce extérieur de la Chine représente 36 % de son PIB. L’empreinte financière mondiale de la Chine est tout aussi importante, voire plus. Elle possède le troisième marché mondial des obligations et des titres et le deuxième plus grand stock d’investissements directs étrangers (1,8 trillion de dollars à la fin de 2017). Cela rend le conflit actuel plus complexe et potentiellement beaucoup plus dévastateur en termes économiques.
Selon Wang Jisi, président de l’Institut des études internationales et stratégiques de l’Université de Pékin, “les relations entre la Chine et les États-Unis sont peut-être encore pires aujourd’hui que les relations entre l’Union soviétique et les États-Unis parce que ces dernières étaient au moins “froides”… Ces deux superpuissances étaient séparées l’une de l’autre sur le plan politique, économique et social, et étaient en fait incapables d’influencer les affaires intérieures de l’autre”.
Deux superpuissances en crise
En plus de l’instabilité actuelle, les gouvernements des deux superpuissances sont en crise profonde. Par conséquent, comme nous l’avions prédit, la nouvelle guerre froide et la crise mondiale risquent davantage d’affaiblir et de déstabiliser les deux régimes que de produire un vainqueur incontestable. L’atout, qui est de plus en plus déconcertant, pourrait se diriger vers l’une des pires défaites électorales de tout président sortant. La mauvaise gestion calamiteuse de la pandémie du Covid-19 par son gouvernement a également porté un coup à la position et à l’autorité mondiales de l’impérialisme américain. Les commentateurs capitalistes déplorent un “vide” au niveau du leadership mondial, ce qui distingue nettement la situation actuelle de la crise de 2008-2009.
Cela a bien sûr été un facteur dans les calculs politiques du régime de Xi Jinping : profiter du désordre aux États-Unis pour émousser son programme anti-Chine. Mais en s’appuyant fortement sur le nationalisme, le militarisme et les menaces de coercition économique, la politique étrangère de Pékin a été largement contre-productive, au point qu’elle a même permis à l’impérialisme américain de surmonter son “problème Trump” et de rapprocher d’autres pays de son côté.
C’est le cas des déploiements militaires démonstratifs de Xi, des incursions dans l’espace aérien taïwanais aux revendications territoriales sur la frontière indienne et la mer de Chine méridionale. À Hong Kong, Xi a eu recours à l’équivalent juridique d’une frappe de missile, privant le territoire de son autonomie grâce à une loi de sécurité nationale draconienne et de grande portée. “Leur objectif est de gouverner Hong Kong par la peur à partir de maintenant”, a commenté Joshua Rosenzweig d’Amnesty International.
De nombreux autres conflits ont éclaté ces derniers mois, entraînant Pékin dans une collision avec le Japon, l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne, l’Indonésie et le Vietnam. Bien entendu, le gouvernement américain est impliqué dans tous ces conflits. Que la réponse de la Chine ait été si maladroite, comme si elle avait été délibérément conçue pour provoquer, et n’ait donc servi qu’à miner ses intérêts internationaux, semble incompréhensible si nous ne comprenons pas ce qui se passe à l’intérieur du pays.
La lutte de pouvoir en Chine
Pour le régime de Xi, qui est aux prises avec une crise sans doute encore plus grave que celle à laquelle est confrontée la classe dirigeante américaine, la lutte pour garder le contrôle de la société chinoise est toujours prioritaire.
Le premier semestre 2020 a vu le revenu par habitant de la Chine chuter de 1,3 %. Dans les zones urbaines, la baisse est encore plus marquée, à savoir 2 %. Rien de tel ne s’est produit en Chine depuis 40 ans. Selon des estimations non officielles, le taux de chômage réel est de 20 %, dans une société où moins de 10 % de la population active bénéficie d’une assurance chômage.
L’agence de recrutement Zhaopin a indiqué qu’un col blanc sur trois a été licencié à la suite de la pandémie et que 38 % des travailleurs de moins de 30 ans ont été contraints de subir des réductions de salaire. Il faut donc prendre avec une bonne pincée de sel les rapports faisant état d’une “reprise en pleine forme” en Chine. La politique étrangère de Pékin sert bien sûr les intérêts mondiaux croissants de la Chine, mais il y a ici une contradiction croissante.
La pression exercée sur le régime de Xi pour qu’il renforce sa position intérieure est prioritaire. Confronté à de sérieux défis intérieurs, Xi a relevé la barre avec une série de mesures de politique étrangère militaristes et nationalistes dures qui sont principalement destinées à la politique interne. L’objectif pour Xi est de renforcer son image de leader “fort” et “intransigeant”.
L’analyste chinois Jayadeva Ranade, un ancien fonctionnaire du secrétariat du cabinet indien, a défendu ce point de vue : Je ne doute pas que ce durcissement de la ligne [de politique étrangère] s’explique par la perception, au niveau national, que les deux objectifs du siècle, le rêve chinois, comme ils l’appellent : le rattrapage, voire le dépassement des États-Unis d’ici 2049, échappent à l’emprise des dirigeants. Les protestations continues à Hong Kong pendant un peu plus d’un an ont été un facteur, la manière dont Taiwan a critiqué la Chine en a été un second. Je pense donc qu’au sein du peuple chinois, la perception selon laquelle les dirigeants ne sont plus aussi efficaces, qu’ils ne disposent pas d’une bonne maîtrise de la situation, est l’un des véritables facteurs clés qui ont poussé Xi Jinping à adopter une politique beaucoup plus musclée”.
La reprise de la lutte pour le pouvoir au sein du régime est en partie alimentée par l’appréhension croissante de certaines parties de l’élite chinoise qui pensent que la doctrine du “guerrier-loup” de Xi est imprudente et qu’elle renforce en fait les efforts des États-Unis pour isoler la Chine. Les fraction anti-Xi préféreraient que l’on mette davantage l’accent sur la “réparation de l’économie” et que l’on réduise le profil militaire de la Chine.
En avril, le ministère chinois de la sécurité d’État a présenté un rapport secret expliquant que le sentiment anti-chinois au niveau international était à son plus haut niveau depuis 1989, après le massacre de la place Tiananmen. Ce rapport a été divulgué par un initié de Pékin à Reuters, signe certain de discorde entre les factions. Le rapport avertissait notamment que la Chine devrait se préparer à des confrontations armées avec les États-Unis dans le pire des cas.
En avril toujours, Xi a créé un autre comité de haut niveau, cette fois pour superviser la “stabilité politique”. Il est clair qu’il existe un sentiment de crise existentielle au sommet, Xi lui-même pesant ses options dans la lutte pour le pouvoir qui se déroule actuellement. La mission de ce nouveau comité, dirigé par l’un des bras droits de Xi, Guo Shengkun, membre du Politburo, est d’identifier les menaces et de protéger “la sécurité du système politique”.
Le coup d’État à Hong Kong
Il y a un conflit entre la politique de plus en plus dure de Xi et une stratégie plus pragmatique visant à atténuer les répercussions de la guerre froide avec les Etats-Unis. Ce coup d’État a fait monter les enjeux du conflit entre les États-Unis et la Chine et a ouvert une boîte de Pandore potentielle de ramifications politiques et économiques. L’une des conséquences est la destruction possible de la position de Hong Kong en tant que centre financier mondial, surtout si le découplage financier suit le découplage de la chaîne d’approvisionnement qui est déjà en cours.
Cela pourrait entraîner le désengagement des banques et sociétés américaines et autres banques occidentales de Hong Kong, remplacées par des institutions financières de Chine continentale, avec des marchés financiers et boursiers de Hong Kong complètement ”assimilés à la Chine continentale”. Dans ce cas, l’élite dirigeante chinoise perdrait ce qui a été un canal crucial pour accéder aux capitaux étrangers.
Un processus où les économies et les marchés financiers sont séparés par la force créerait une situation extrêmement perturbatrice et chaotique. Il pose le risque d’une crise systémique plus large. C’est pourquoi, malgré les appels de la droite au Congrès, l’administration américaine a renoncé à lancer une attaque contre le rattachement au dollar de Hong Kong, qui lie la monnaie de la ville au dollar américain depuis 1983. Théoriquement, les États-Unis ont le pouvoir de restreindre l’accès de Hong Kong aux dollars, en rendant l’ancrage au dollar impossible. Mais ce faisant, ils pourraient déclencher une crise financière et monétaire mondiale.
De plus en plus, Washington et Pékin s’efforcent d’assembler de nouveaux blocs diplomatiques et économiques pour geler l’autre : un “D10” (de dix États capitalistes “démocratiques” – Corée du Sud, Australie et Inde plus les pays du G7) a été proposé par l’administration Trump. Le Premier ministre chinois Li Keqiang a déclaré qu’il pourrait demander à rejoindre le CPTPP1 (L’Accord global et progressif de partenariat transpacifique), qui est le résidu du TPP (l’Accord trans-Pacifique) conçu par les Etats-Unis et abandonné par Trump dès son premier jour de mandat. La principale stratégie politique étrangère de la Chine pour contourner la campagne d’endiguement menée par les États-Unis reste l’initiative “Belt and Road” (BRI, les « Nouvelles routes de la soie »), à laquelle 130 gouvernements ont adhéré. Mais ce projet gigantesque est également en péril.
Toutes ces manœuvres diplomatiques renforcent la pression apparemment inarrêtable, exercée par les deux gouvernements, pour se dissocier l’un de l’autre. Cela marque la montée de la ” géo-économie ” qui remplace la mondialisation néolibérale comme principale tendance au sein de l’économie mondiale. Au cours de l’année 2020, les positions se sont durcies. Pour des secteurs clés de la classe dirigeante américaine, le détachement de la Chine a évolué vers un ” détachement rigide “, avec un changement réciproque du côté chinois. Autre nouveauté cette année : le nombre croissant de gouvernements en Europe et dans la région Asie-Pacifique qui adoptent l’éthique du détachement. “Un monde bipolaire commence à prendre forme”, note James Kynge dans le Financial Times, ajoutant que “l’Occident érige rapidement une grande muraille d’opposition” aux ambitions mondiales de la Chine.
Huawei
Un exemple clair est celui de Huawei, le géant technologique chinois dont les technologies 5G de pointe sont devenues la cible d’une campagne de mise à l’arrêt sans précédent menée par les États-Unis. Alors que cette campagne semblait être en difficulté l’année dernière, minée par la capacité de Trump à aliéner les régimes même les plus farouchement proaméricains, elle a acquis une nouvelle dynamique dans l’ombre du Covid-19 et de la poussée plus urgente du capitalisme occidental pour un front commun contre le capitalisme chinois. “La marée a tourné contre Huawei sur les marchés internationaux 5G”, a noté le South China Morning Post, citant le revirement 5G du gouvernement britannique en juillet comme un coup décisif pour la Chine et Huawei.
Le gouvernement français a suivi le mouvement peu après, annulant également une décision initiale d’achat à Huawei. En plus de Huawei, le ministère américain du commerce a mis sur liste noire plus de 70 entreprises technologiques chinoises.
La décision de la Grande-Bretagne d’exclure Huawei pourrait coûter 2,5 milliards de dollars et retarder de deux ans le déploiement de la 5G dans le pays. Mais les politiciens de droite et populistes sont de plus en plus immunisés contre les arguments relatifs au coût et à la compétitivité, la rhétorique anti-Chine semblant populaire parmi les électeurs dans le contexte de la pandémie. Lors d’un sondage réalisé en juillet en Grande-Bretagne, 83 % des personnes interrogées ont déclaré se méfier de la Chine. Aux États-Unis, un sondage de la firme Pew en juillet a montré que 73 % des personnes interrogées ont une “opinion défavorable” de la Chine, soit une hausse de 26 pour cent depuis 2018.
Il semble maintenant assez certain que les équipements 5G de Huawei seront interdits sur la plupart des marchés européens et nord-américains, ainsi qu’au Japon, en Australie et probablement en Inde. Même en Asie du Sud-Est, autrefois considérée comme une garantie pour Huawei, la position de l’entreprise est menacée. Singapour et le Vietnam ont déjà exclu Huawei au profit de ses rivaux européens. Le découplage entre les États-Unis et la Chine, et le processus plus large de la dé-mondialisation (un glissement vers le nationalisme économique), sont lourds de problèmes et de coûts énormes comme le montre le coup d’éclat de Huawei en Grande-Bretagne. Mais malgré cela, la tendance est claire.
Les interventions de l’État
Le recours croissant à des mesures d’intervention par l’Etat, indiquant une tendance au capitalisme étatique, par les principaux gouvernements capitalistes depuis le début de la crise de Covid-19 est une autre caractéristique de ce même processus. Les politiques et interventions capitalistes d’État ne sont pas possibles sans État. Par définition, il s’agit donc d’une politique nationale, qui est liée et entravée par les limites de l’État-nation. De telles politiques impliquent inévitablement un détournement du marché capitaliste mondial. Ce repli sur soi viole l’une des forces motrices du développement économique capitaliste : l’augmentation de la productivité basée sur la division mondiale du travail.
C’est une contradiction indéniable dans laquelle les besoins politiques de la classe capitaliste à une période donnée peuvent entrer en conflit avec les besoins économiques de leur système pour plus de profits. Trotsky a expliqué cette contradiction pendant la Grande Dépression des années 1930, également une période de repli vers les politiques de capitalisme d’État : « … le capitalisme d’Etat aspire à arracher l’économie à la division internationale du travail, à adapter les forces productives au lit de Procuste de l’Etat national, à réduire artificiellement l’économie dans certaines branches et à créer artificiellement d’autres branches à l’aide d’immenses faux frais. » [Trotsky, “La nature de classe de l’État soviétique”, 1933]
Dans les années 1930, ce processus a acquis sa plus claire expression dans les régimes fascistes, en particulier dans l’Allemagne d’Hitler. Si la dépression économique actuelle peut même dépasser la profondeur de son prédécesseur des années 1930, le passage à des politiques de capitalisme d’État n’a pas encore atteint une ampleur comparable. Mais nous sommes au début d’un changement de direction au niveau international, qui se manifeste le plus clairement dans les politiques économiques des deux grandes puissances impérialistes. Il reste à voir jusqu’où ce processus ira, mais ses effets sont déjà significatifs et indéniables.
Dans ses écrits sur le nationalisme économique dans les années 1930, Trotsky a également expliqué que la montée des politiques nationalistes et capitalistes d’État préparerait inévitablement un nouveau et violent “saut” de l’impérialisme, une perspective qui a été confirmée par la Seconde Guerre mondiale. Le conflit impérialiste actuel et l’équilibre mondial des forces sont différents aujourd’hui et la phase actuelle de la démondialisation capitaliste peut durer plus longtemps.
En Chine, avec la dictature de Xi Jinping qui a subi des pressions internes et externes, un “revirement” économique a été annoncé. Xi a relancé le slogan de Mao, Zili Gengsheng, ou “autonomie”, en soulignant la nécessité d’accélérer le développement par la Chine des technologies de nouvelle génération, notamment les puces électroniques qui alimentent son industrie technologique, et aussi d’accélérer la création d’un système de monnaie numérique (le yuan) comme l’un des moyens de contourner le contrôle de facto des États-Unis sur le système financier mondial.
Le rôle du dollar
Le rôle du dollar américain dans le système financier mondial s’est renforcé, paradoxalement, depuis la crise mondiale de 2008, malgré ses origines à Wall Street. Cela donne à l’impérialisme américain une arme puissante, qu’il a utilisée de plus en plus fréquemment pour punir ses rivaux géopolitiques par des sanctions financières. La Chine a maintenant rejoint la Russie, l’Iran et la Corée du Nord comme cible des sanctions américaines, bien que dans le cas de la Chine, l’administration Trump ait fait des allers / retours sur la mise en pratique de ces sanctions.
Depuis plus de dix ans, Pékin poursuit un programme d’”internationalisation du yuan” comme stratégie pour briser le monopole américain, mais cela n’a donné jusqu’à présent que de maigres résultats. L’année dernière, la part du yuan dans les transactions monétaires internationales n’était que de 4,3 %, contre 88 % pour le dollar américain, selon la Banque des règlements internationaux. Plus de 61 % de toutes les réserves bancaires étrangères sont libellées en dollars américains.
Le rôle limité du yuan est dû au régime chinois de contrôle des capitaux et des changes, dont il ne peut se passer sans risquer une fuite massive de capitaux et un krach bancaire. Le système financier mondial est animé par les “esprits animaux” de la spéculation parasitaire. La demande de dollars, qui sont librement échangeables, a augmenté à mesure que l’économie est devenue plus parasitaire. Les efforts de la Chine pour inciter davantage de pays et d’institutions financières à augmenter leurs avoirs en yuans (qui ne peuvent être échangés librement) sont donc tombés sur un sol stérile.
La position dominante du dollar, comme d’autres piliers de l’économie capitaliste mondiale actuelle, pourrait être renversée par les effets de la nouvelle crise. Les programmes de sauvetage sans précédent financés par la dette du gouvernement américain pour sauver le capitalisme (plus de 6 000 milliards de dollars depuis le début de l’année) pourraient finalement faire de la monnaie américaine le point d’ancrage du système financier mondial. Le recours croissant de l’impérialisme américain aux sanctions financières comme mesure de police géopolitique ne peut qu’accélérer ce processus.
Le programme de découplage mené par les États-Unis ne laisse au régime de Xi d’autre choix que d’essayer d’accélérer la croissance de son marché intérieur. Mais les tentatives pour développer la consommation intérieure de la Chine ont historiquement échoué, en raison de la destruction par le PCC du système de protection sociale rudimentaire de la période de l’économie planifiée. L’absence d’un filet de sécurité sociale oblige les Chinois à maintenir des niveaux d’épargne exceptionnellement élevés afin de prévoir des budgets pour les “urgences” comme une maladie grave ou le fait d’avoir des enfants.
Au cours de la dernière décennie, le niveau d’endettement des ménages chinois a également explosé, se rapprochant des niveaux des pays capitalistes avancés. Les ménages chinois ont ajouté 4,6 billions de dollars à leur dette au cours des cinq années allant de 2015 à 2019, alors que la dette des ménages américains a augmenté de 5,1 billions de dollars entre 2003 et 2008. La pandémie se conjugue désormais avec le surendettement pour peser lourdement sur la consommation chinoise.
La réorientation de la politique économique de la Chine ne signifie pas un retour à l’autarcie, pas plus que cela ne se posera dans d’autres pays. Mais la machine à exporter de la Chine sera confrontée à des obstacles croissants, en particulier sur les marchés occidentaux. La concurrence pour les marchés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud va s’intensifier.
L’économie nationale devient l’axe décisif du régime de Xi, parallèlement à une stratégie internationale visant à intégrer plus étroitement la Russie, l’Asie du Sud-Est, certaines parties de l’Afrique et l’Europe de l’Est, dans un bloc dirigé par la Chine, comme contrepoids à la stratégie de haute pression d’un autre bloc dirigé par les États-Unis. Pour Washington comme pour Pékin, la nouvelle vague de constitution de blocs est pleine de complications et de crises naissantes.
C’est ce que révèlent les problèmes du programme chinois du BRI (le programme Belt and Road) : un endettement croissant (16 % de tous les projets sont considérés comme en défaut de paiement), des gains économiques plus maigres que prévu, tandis que Pékin risque également d’être aspiré davantage dans les bourbiers géopolitiques qui imposent de nouvelles tensions à son économie. Les récents affrontements entre la Chine et l’Inde sont à bien des égards le corollaire des ambitions du BRI au Pakistan, avec des projets clés à proximité de la frontière contestée.
Les élections américaines de novembre pourraient offrir un répit et même une tentative d’apaisement du conflit entre les États-Unis et la Chine. Mais ce n’est pas le scénario le plus probable, que ce soit Trump ou Biden qui l’emporte. Bien que la politique de guerre froide de l’impérialisme américain ait été lancée sous la surveillance de Trump, celui-ci n’a pas été la figure centrale de ce processus, et ses propres choix politiques l’ont parfois rendu plutôt accessoire par rapport à la ligne stratégique principale de la classe dirigeante américaine.
C’est ce que montre sa décision de gracier le géant chinois de la technologie ZTE en mai 2019 en tant que “faveur” à Xi. Et de nouveau par sa décision en juin 2020, de reporter la mise en œuvre des sanctions contre les responsables du PCC dans le Xinjiang en échange de l’assurance donnée par la Chine de stimuler les importations de produits agricoles américains dans le cadre d’un accord destiné à accroître les chances de réélection de Trump.
Pékin pense que Trump peut être poussé à conclure des accords, à bon prix, alors qu’une administration Biden semble être encore plus belliciste et “idéologique”, et peut-être plus habile à mettre en œuvre son programme anti-chinois et à reconstruire les alliances endommagées avec les gouvernements traditionnels pro-américains. Cela explique la préférence du régime du PCC pour une victoire de Trump. Nous savons que c’est le cas non seulement grâce aux révélations de John Bolton, mais aussi grâce à certaines sources importantes du PCC.
Une victoire de Biden, qui est l’issue la plus probable, ne conduira probablement pas à une cessation du conflit. Une nouvelle escalade est plus probable. Une autre possibilité serait qu’une présidence Biden offre une “réinitialisation” des relations entre les États-Unis et la Chine afin d’ouvrir des négociations sur un large éventail de questions litigieuses. Certaines concessions pourraient être offertes par les États-Unis, telles que la levée des droits de douane de Trump, qui sont controversés même au sein de la classe capitaliste américaine.
Mais toute concession serait faite en échange d’un ensemble d’exigences américaines probablement encore plus strictes en matière de politique économique, de technologie, de règles d’investissement, mais aussi sur des questions géopolitiques sensibles, notamment le BRI, Hong Kong et la mer de Chine méridionale. Dans le cas de la Chine, céder aux pressions américaines dans la plupart de ces domaines serait presque impensable sous Xi Jinping, en raison de la perte d’autorité personnelle que cela impliquerait. Par conséquent, même si un processus de détente chancelant pouvait se développer, ses chances de mettre fin au conflit actuel sont faibles.
Le régime chinois n’a rien à voir avec le communisme, le socialisme ou la cause du travailleur. C’est la dictature d’une oligarchie capitaliste. Il est incapable de faire appel à la solidarité mondiale pour mobiliser l’opinion en son nom et s’appuie au contraire sur un nationalisme de droite empoisonné et sur une puissance militaire croissante. Les États-Unis et leurs alliés parmi les pays capitalistes avancés peuvent partiellement cacher leurs politiques impérialistes rapace derrière un masque “démocratique”, bien que celui-ci glisse de plus en plus à mesure que la crise capitaliste déclenche une vague après l’autre de répression étatique dans les “démocraties”. Les socialistes s’opposent aux impérialismes américain et chinois, qui mettent en danger l’avenir de la planète. Nous sommes pour la construction d’une solidarité entre les travailleurs et les opprimés, à l’Est et à l’Ouest, pour débarrasser le monde du capitalisme et de l’impérialisme.
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Rassemblement à Bruxelles: Liberté pour les Ouïghours!

Ce dimanche 26 juillet 2020, un peu plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées pacifiquement Gare Centrale à Bruxelles afin de dénoncer l’incarcération de masse du peuple ouïghour par le gouvernement chinois et les multinationales qui participent à leur exploitation inhumaine. Aujourd’hui Il y aurait un peu plus de 3000 Ouïghours en Belgique et il est grand temps qu’on écoute leurs voix.
Par Amy (EGA-Bruxelles)
Les Ouïghours sont un peuple turcophone, à majorité musulman sunnite, habitant la région autonome ouïghoure du Xinjiang dans la Chine occidentale. Pendant que les relations entre la communauté Ouïghours et Beijing ont toujours été tendues, leur persécution par l’Etat chinois a connu des nouveaux sommets en 2014. Sous l’initiative du président Xi Jinping, les peuples musulmans du Xinjiang ont été ciblés par une nouvelle campagne “anti-terroriste”. Il s’agit du sommet de décennies de rhétorique raciste contre les musulmans du Xinjiang, dont les Ouïghours sont une majorité, mais qui inclus aussi d’importantes communautés kazakh et kyrgyz. Les nouvelles mesures adoptées par le gouvernement chinois ont mené à l’internement de presque 2 million de musulmans dans des “camps de rééducation”, soi-disant pour leur offrir une éducation conforme à l’idéologie du régime du Parti soi-disant “Communiste” Chinois. Il s’agit de camp de concentrations où les prisonniers sont forcés à travailler et à survivre dans des conditions extrêmement déplorables.
Au rassemblement, plusieurs Ouïghours rescapés ont pris la parole pour partager leur expérience concernant la situation du Xinjiang. Ils ont décrit les situations inhumaines de travail et de vie auxquelles ils font face dans les camps. Les femmes et jeunes filles sont souvent victimes de violences sexuelles et stérilisées de force. Les contacts avec le monde extérieur sont interdits sous peine mort ou d’exécution sommaire. Les rescapés n’ont donc aucune nouvelle de leur famille, ils ne savent pas comment vont leurs proches ou même s’ils sont encore vivants. Ces mesures sont accompagnées par une repopulation systémique du Xinjiang par des Chinois Han, considérés par le régime comme des citoyens plus loyaux et fiables. Cela a conduit de nombreuses personnes à caractériser la politique du gouvernement chinois comme étant un génocide culturel des Ouïghours et le plus grand internement de masse depuis la Shoah.
Dans le contexte de la guerre commerciale, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a récemment condamné les politiques du gouvernement chinois contre les Ouïghours. Cela s’est produit à la suite des accusations formulées par l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton selon qui Trump a approuvé le politiques de Xi Jinping au Xinjiang. Cependant, le travail forcé des Ouïghours est exploité par de nombreuses multinationales de mode, automobile et informatique incluant Nike, Mercedes, Amazon et Google. Cela montre une fois de plus l’hypocrisie du gouvernement américain, qui est toujours prêt à condamner les actions du régime chinois pour poursuivre ses propres objectifs, tout en permettant à ses multinationales de bénéficier de sa brutalité.
Une pétition a circulé pendant le rassemblement pour dire à ces multinationales d’arrêter l’exploitation de ces peuples et dénoncer ces pratiques criminelles.
Nous partageons ici le lien: Pétition · STOP THE OPERATING BRANDS THAT PROFIT FROM UYGHUR FORCED LABOUR.
Nous voulons envoyer notre solidarité au peuple ouïghour et a toutes les communautés opprimées et exploitées par le régime chinois et par les multinationales. Nous ne pouvons pas attendre que les gouvernements capitalistes prennent des actions sérieuses contres ces crimes. Ils sont complices de la brutalité du PCC. La seule issue est la solidarité internationale des travailleurs et travailleuses. Il est impératif pour les activistes ouïghours et chinois de construire des liens de solidarité entre leurs mouvements afin de mettre en avant un vrai défi au régime chinois capitaliste d’Etat et mettre fin à la dictature des bureaucrates et des milliardaires.
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[TÉMOIGNAGE] La quarantaine de Wuhan levée après 76 jours
La contestation dans la province de Hubei révèle la sombre réalité derrière la lutte contre la pandémiePar Zhou Yi et les reporters de chinaworker.info
Le 8 avril, la quarantaine de 76 jours imposée à la métropole de Wuhan (11 millions d’habitants) a pris fin. Dans le reste de la province du Hubei, dont Wuhan est la capitale, les mesures similaires de quarantaine dues au COVID-19 dont pris fin deux semaines plus tôt. Au plus fort de l’épidémie de coronavirus en Chine, 760 millions de personnes – soit environ la moitié de la population – étaient sous une forme ou une autre de confinement.
Les médias d’État et la machine de propagande ont loué l’héroïsme des habitants de Wuhan et surtout du personnel médical de première ligne, à des fins nationalistes, pour présenter un effort “uni” de “tout le peuple chinois” contre le virus.
Cette propagande est destinée à renforcer l’autorité de la dictature de Xi Jinping et du régime du PCC, et à faire oublier les nombreuses erreurs commises en janvier, en ignorant et en supprimant activement les rapports des médecins, et en censurant toute discussion sur la nouvelle maladie “de type SRAS” qui se répandait à Wuhan. Pour étouffer l’affaire, l’État a notamment autorisé la tenue d’un banquet sur un thème nationaliste pro-PCC, auquel ont assisté 40.000 familles, dans le district de Baibuting à Wuhan, le 18 janvier. C’était seulement deux jours avant que Pékin ne déclare l’urgence nationale et cinq jours avant que la province de Hubei ne soit mise en quarantaine. Le district de Baibuting sera par la suite surnommé “bâtiment de la fièvre”, avec l’un des taux d’infection les plus élevés de la ville.
La véritable histoire de Wuhan et du Hubei ne transparaît pas dans la propagande triomphaliste du PCC. C’est l’histoire d’immenses souffrances humaines, d’une pénurie aiguë de fournitures médicales essentielles, de statistiques manipulées qui sous-estiment l’ampleur réelle des infections et des décès, et du profit tiré de la nourriture et du matériel médical par des entreprises privées et les agences locales de l’État-PCC. Officiellement, 2.535 personnes sont mortes du COVID-19 à Wuhan, mais des experts indépendants à Hong Kong et à l’étranger estiment que le chiffre réel pourrait être dix fois plus élevé.
“Le traumatisme subi par les habitants de Wuhan est énorme, c’est certain. De nombreuses personnes qui ont cherché à se faire soigner ont connu l’horreur de crier à l’aide mais de ne pas en recevoir, ce qui, à mon avis, les a profondément désespérées. Ceux qui sont morts sont partis, mais leurs proches sont toujours là, et ils ont tous vécu des moments de grand désespoir”, écrit Fang Fang, une blogueuse connue qui a passé 76 jours enfermée à Wuhan.
La version officielle de l’efficacité brutale et clinique du confinement est également fausse. Seuls les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur de la ville ont été affectés par le décret initial du 23 janvier. Une énorme confusion régnait et il n’y avait pas d’informations claires de la part des autorités. Le gouvernement de Wuhan n’a imposé aucune restriction aux personnes se déplaçant à l’intérieur de la ville, y compris les patients suspects, jusqu’à ce que des règles de confinement plus centralisées soient annoncées le 2 février. Ces règles ont été renforcées le 8 février. Lors de la quarantaine extrêmement stricte qui a suivi, les méthodes employées ont été parfois brutales. Les portes et les portails des immeubles résidentiels ont été barricadés, et même dans certains cas soudés. Des tranchées ont été creusées à travers certaines routes pour les rendre impraticables.
Caixin, un site web financier qui bénéficie d’une plus grande marge de manœuvre de la part des censeurs du PCC parce qu’il n’est pas lu par les masses, a qualifié la quarantaine de Wuhan de “sélection naturelle brutale”. Les reporters de Caixin à Wuhan ont interviewé le personnel des cliniques de soins de santé communautaires, dont la tâche était de filtrer et de trier les patients qui devaient être hospitalisés ou renvoyés chez eux. Le 27 janvier, lors d’un entretien avec une de ces cliniques du district de Baofeng, ils ont découvert “que la clinique de 60 personnes ne disposait que d’une seule combinaison de protection et d’un stock limité de masques à usage unique”. Yang Qinghong, un médecin de la clinique, a déclaré qu’il avait examiné 100 patients ce jour-là, dont plus de 30 avaient de la fièvre et deux présentaient des symptômes graves.
Plus de 3 000 membres du personnel hospitalier infectés
Des milliers de professionnels de la santé du reste de la Chine se sont mobilisés à Wuhan. Une fois de plus, cette entreprise héroïque a été exploitée au maximum par la machine de propagande d’État pour vanter les “avantages” d’un régime autoritaire. Parmi cette vague humaine de bénévoles du secteur de la santé, deux infirmières de la province de Guangdong ont publié le 24 février un appel dans le magazine britannique Lancet. “Les conditions et l’environnement ici à Wuhan sont plus difficiles et extrêmes que nous n’aurions jamais pu l’imaginer”, écrivaient-elles. Sous la pression du gouvernement, les auteures se sont rétractées quelques jours plus tard.
Les conditions décrites dans les hôpitaux de Wuhan et de Hubei, pénurie aiguë, longues heures, épuisement, et plus de 3 000 travailleurs de la santé infectés par le COVID-19 dans la seule ville de Wuhan, ont depuis été reproduites en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Avec l’avantage d’une période d’avertissement beaucoup plus longue, il est criminel que ces gouvernements aient été si peu préparés. Mais les censeurs du régime chinois ont fait des heures supplémentaires pour effacer toutes ses insuffisances et présenter sa “victoire” contre la pandémie comme un modèle à suivre.
Des médecins, dont Li Wenliang qui est mort du COVID-19 le 7 février, ont tenté de tirer la sonnette d’alarme fin décembre 2019, mais ont été arrêtés et réduits au silence. Ai Fen, médecin en chef des urgences à l’hôpital central de Wuhan, a disparu le 1er avril. On pense que sa “disparition” est due à la sécurité d’État après avoir donné une interview aux médias australiens. Ai a été l’une des premières à tenter de mettre en garde ses collègues contre le nouveau coronavirus en décembre. Si ces avertissements avaient été pris en compte, Wuhan, la Chine et le monde entier auraient pu éviter la propagation catastrophique de la pandémie actuelle.
“Faux ! Faux ! Tout est faux !”
Ces dernières semaines, alors que les conditions de confinement devenaient de plus en plus insupportables, plusieurs actes de protestations ont éclaté, comme le rapporte Zhou Yi.
En mars, plusieurs manifestations ont eu lieu dans la province du Hubei, l’épicentre de la pandémie de COVID-19, ce qui montre qu’il existe un énorme fossé entre la réalité et la propagande “d’énergie positive” du Parti communiste chinois. La colère est dirigée en particulier contre les profits réalisés par les fonctionnaires et les entreprises locales qui ont exploité la catastrophe. Dans les conditions de confinement, où les achats normaux sont suspendus car les résidents sont interdits de sortir, la distribution de nourriture a été centralisée entre les mains de comités de quartier locaux, qui sont les comités de gestion des complexes résidentiels composés de représentants des sociétés immobilières et du PCC.
Le 5 mars, dans le manoir de Kaiyuan à Wuhan, lors d’une visite de Sun Chunlan, vice-premier ministre chinois, les résidents isolés dans leurs maisons pendant plus de quarante jours ont scandé “Faux ! Faux ! Tout est faux !”. Les habitants criaient parce que l’image de “prix stables et d’offre suffisante” diffusée à la télévision était une invention.
En réalité, le prix de la viande achetée par la communauté résidentielle était de 100 yuans le kilogramme, soit cinq fois le prix indiqué à la télévision. On a découvert que d’autres comités de quartier avaient transporté de la nourriture dans des camions poubelles, des ambulances et des véhicules sanitaires. Malgré les affirmations selon lesquelles les véhicules étaient désinfectés, la majorité des net-citoyens critiquaient encore cette pratique.
Le 10 mars, Xi Jinping a visité Wuhan pour la première fois depuis la quarantaine du 23 janvier. Le régime, et même Xi personnellement, ont été massivement critiqués pour leur mauvaise gestion de la crise, surtout au début. La visite de Xi avait deux objectifs : montrer au monde entier, mais surtout à la population chinoise, que le PCC a “vaincu” le virus à son épicentre, mais aussi renforcer l’image de Xi, qui a été gravement ternie.
L’énorme culte de la personnalité qui entoure Xi le dépeint comme le “leader du peuple”, un titre que seul Mao Zedong détenait auparavant. Mais à Wuhan, Xi évitait généralement de rencontrer le peuple. Lors d’une visite dans un complexe résidentiel, les habitants ont été invités à rester à l’intérieur – de peur que des protestations n’éclatent, comme ce fut le cas lors de la visite de Sun. La plupart des autres événements de l’agenda de Xi se sont déroulés par vidéoconférence, par exemple avec des groupes de travailleurs de la santé de première ligne à l’hôpital de Huoshenshan. “Finalement, il s’est rendu à Wuhan pour passer des appels vidéo”, résumait un commentaire – bientôt supprimé – sur les médias sociaux.
Spéculation sur les prix des denrées alimentaires
Le 12 mars, à Xiaogan, à environ 100 kilomètres de Wuhan, un habitant nommé Cheng a contacté un fournisseur de légumes frais aux prix plus bas, mais il a été dénoncé à la police. Plus tard, la police a arrêté Cheng, ce qui a déclenché la colère des habitants. Plus de 100 résidents se sont rassemblés sur le terrain de basket pour protester. Ils ont encerclé les voitures de police et ont exigé sa libération. Ils ont également exigé que Lyu Deshan, le secrétaire du comité PCC de la communauté et directeur du comité des propriétaires, qui ne vivait pas sur place, démissionne.
La réaction officielle du gouvernement de Xiaogan à cet incident a minimisé la question des légumes hors de prix et n’a pas précisé si le résident arrêté a été libéré ou non. Selon les commentaires en ligne, la nourriture était toujours hors de prix et de mauvaise qualité pendant le confinement. Les fonctionnaires locaux pouvaient gagner plus de 1 000 yuans par personne et par jour de façon injuste grâce à leur monopole de l’approvisionnement. L’arrestation d’un “fauteur de troubles” visait clairement à faire taire la menace à cet accord commercial lucratif entre le supermarché et les autorités locales.
Pendant la période de confinement, qui a débuté le 23 janvier et qui a été levée le 8 avril, les prix des denrées alimentaires sont montés en flèche et la qualité n’a pas pu être garantie, ce qui a démontré qu’en monopolisant les approvisionnements et en augmentant les prix des produits de première nécessité, les agences locales du régime PCC ont exploité la catastrophe et fait passer le profit des fonctionnaires et des hommes d’affaires avant les besoins de la population. Une véritable société socialiste ne permettrait jamais que cela se produise, car la classe ouvrière serait aux commandes, par l’intermédiaire de comités démocratiques dans chaque zone résidentielle, école et lieu de travail, au lieu d’être gouvernée par une machine de parti qui sert des bureaucrates non élus et des profiteurs capitalistes.
“Zéro nouveau cas”
En réponse aux données officielles, indiquant “zéro nouveau cas” dans la province de Hubei, la quarantaine des villes de Hubei (à l’exception de Wuhan) a été levé le 25 mars. Cependant, les résidents de Hubei ayant un code QR vert (le code vert signifie “en bonne santé”) se heurtaient toujours à des obstacles pour entrer dans d’autres provinces. Le 27 mars, la police de la circulation de Jiujiang (une ville-préfecture dans le Jiangxi) a mis en place un barrage sur le pont entre les province de Hubei et de Jiangxi pour empêcher les véhicules du Hubei de traverser.
Au début, la police de Jiujiang s’est heurtée à la police de Huangmei (un comté de Huanggang, Hubei), et a envoyé la police anti-émeute en renfort du côté du Jiangxi. Avec l’arrivée continue de personnes de Hubei, l’affrontement s’est transformé en une émeute de grande envergure. Mécontents de la discrimination toujours présente, les habitants de Hubei ont affronté la police du Jiangxi avec acharnement sur le pont du fleuve Yangtze, ont renversé des véhicules de police, ont forcé le blocus, se sont rendus à pied au poste de police du pont de Jiujiang et ont exigé des excuses de la part de la police du Jiangxi. La vidéo de ce tumulte a été rapidement effacée sur Sina Weibo.
Afin d’obtenir une prime de 100 000 yuans par personne et de répondre à l’appel du gouvernement central pour la reprise du travail et de la production, les fonctionnaires de chaque province ont dissimulé l’ampleur de la pandémie, alors que les gouvernements locaux connaissent la situation réelle et craignent une épidémie massive qui pourrait devenir impossible à cacher dans leur région.
Discrimination à l’encontre des habitants du Hubei
Par conséquent, même si le niveau de risque de la province du Hubei a été abaissé, les gouvernements des autres provinces continuent à “prendre des précautions contre les résidents du Hubei et à leur imposer des restrictions”, comme le commente le Quotidien du peuple. Cela est également illustré par le renforcement des contrôles à Pékin (la capitale de la Chine) et par l’interdiction faite aux personnes en voyage d’affaires ou en visite familiale dans le Hubei de retourner à Pékin.
De toute évidence, ce type de “régionalisme” va à l’encontre de la propagande du gouvernement central et des médias publics sur la “guerre populaire” unie contre la pandémie, et de plus en plus de gens deviennent sceptiques à l’égard des rapports officiels.
Exiger le contrôle des prix des produits de première nécessité ou la transparence de l’information remettra inévitablement en question le système capitaliste d’État chinois, où le pouvoir est de plus en plus centralisé entre les mains d’une seule personne. Les travailleurs chinois doivent surmonter le “régionalisme” en créant des organisations communes, notamment des syndicats indépendants et pleinement démocratiques, afin d’unir et de renverser la dictature du PCC et, à sa place, construire une société socialiste démocratique où les moyens de production sont détenus en commun et où l’économie est placée sous le contrôle démocratique des travailleurs.
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Coronavirus : le régime de Xi Jinping plongé dans une crise historique

Photo : Pixabay.com « Ils mentent, nous savons qu’ils mentent. Ils savent aussi que nous savons qu’ils mentent, et pourtant ils mentent encore. » Ce commentaire en ligne d’un habitant de Wenzhou, l’une des nombreuses grandes villes mises en quarantaine, souligne la colère explosive ressentie dans toute la Chine alors que l’épidémie du nouveau coronavirus (2019-nCov) se propage à un rythme alarmant.
Par Vincent Kolo, chinaworker.info
Le nombre de décès augmente de plus de 100 par jour. Le régime chinois avait affirmé que l’épidémie atteindrait son point culminant dès la première semaine de février, ce qui ne fut pas le cas. Des experts basés à Hong Kong et à l’étranger ont averti que le pic pourrait ne pas se produire avant avril ou mai. De nombreux scientifiques expriment leur scepticisme face aux rapports officiels chinois et affirment que le nombre de personnes infectées pourrait être dix fois plus élevé.
Le virus, qui attaque le système respiratoire, a fait en cinq semaines plus de victimes que l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003, qui s’est déroulée sur une période de six mois. La crise actuelle montre que la dictature soi-disant communiste du PCC n’a rien appris de l’épidémie d’il y a 17 ans. Pire encore, le durcissement du régime autocratique et l’extrême centralisation du pouvoir sous la forme d’un “régime d’un seul homme”, qui sont les deux principales caractéristiques du règne de huit ans de Xi Jinping, ont entraîné une réaction encore plus maladroite et plus lente de la part de l’État chinois.
Avec Xi aux commandes, Pékin s’est enfoncé dans une nouvelle crise aux proportions historiques, une crise en grande partie provoquée par ses propres moyens. Ce serait déjà assez grave si elle ne se répétait pas comme l’année dernière, créant une crise unique en son genre à Hong Kong avant de produire un résultat similaire à Taïwan.
Se succédant rapidement, et accentuées par une lutte sans précédent entre superpuissances avec l’impérialisme américain (l’épidémie étant destinée à devenir un champ de bataille supplémentaire dans ce conflit), ces crises ont commencé à saper la confiance de l’élite dirigeante chinoise et sa croyance jusqu’alors solide comme le roc dans le modèle capitaliste autoritaire du PCC. Xi, “l’homme fort” qui a été chargé de sauver le pouvoir du PCC, semble plus susceptible de déclencher sa propre chute. La gestion bâclée de l’épidémie par le régime est “aussi proche d’une crise existentielle pour Xi et le [PCC] que ce que nous avons vu depuis 1989”, a déclaré Bill Bishop, un commentateur américain.
La brève histoire de la nouvelle épidémie de coronavirus est marquée par la paralysie bureaucratique et la mauvaise gestion des fonctionnaires locaux, ainsi que par des dissimulations qui trouvent leur origine dans ce que Minxin Pei appelle le “secret pathologique” du PCC. Cela a été suivi d’une répression draconienne ordonnée par Pékin pour imposer son autorité, après avoir réalisé – trop tard – ce qu’il aurait pu apprendre beaucoup plus tôt si son gigantesque appareil de sécurité n’avait pas terrorisé ceux qui tentaient d’avertir la société du danger imminent.
Une crise humanitaire, économique et politique
Il en résulte une crise humanitaire, économique et politique. 60 millions de personnes – une population équivalente à celle de l’Italie – se trouvent dans des villes fermées depuis que la dictature a ordonné la plus grande quarantaine de l’histoire du monde le 23 janvier dernier, à la veille du Nouvel An chinois. Des dizaines de millions d’autres personnes dans les villes de toute la Chine sont confinées chez elles, avec des restrictions sévères n’autorisant qu’un seul membre de la famille à sortir par jour pour acheter des produits de première nécessité.
Les villes en quarantaine comme Wuhan – l’épicentre de l’épidémie – en sont venues à ressembler à des conditions de temps de guerre, la population étant confrontée à de graves difficultés, à une pénurie aiguë de fournitures médicales et à de longues files d’attente pour voir un médecin dans un système hospitalier sous-financé et surchargé. Hu Xingdou, professeur d’économie à l’Institut de technologie de Pékin, a qualifié la situation d’”apocalyptique” et a comparé les conditions de quarantaine à celles de la Grande Famine d’il y a soixante ans.
Des dizaines de millions d’ouvriers restent sans salaire alors que les usines et les bureaux sont fermés. Le congé du Nouvel An a été prolongé de dix jours dans la plupart du pays et même plus longtemps dans certaines régions. Les enseignants ne sont pas payés car les écoles doivent rester fermées jusqu’à nouvel ordre.
Des millions de travailleurs migrants des provinces intérieures se retrouvent à la merci des nouvelles règles de quarantaine et des restrictions de voyage qui ont proliféré dans tout le pays. Une vidéo est devenue virale et montre un couple marié coincé sur un pont qui relie deux provinces, Guizhou et Chongqing, parce que les deux gouvernements ont bloqué les trajets entre elles deux.
Hubei, dont Wuhan est la capitale provinciale, compte dix millions de migrants qui vivent et travaillent dans d’autres provinces. Ces travailleurs sont victimes de discrimination et même de persécution. Comme le rapporte Li Yuan dans le New York Times, “En essayant de contenir la propagation, les gouvernements locaux montrent qu’ils sont plus à même à avoir l’air occupé qu’à trouver une solution. Beaucoup trouvent maintenant des moyens de traquer et même d’expulser les résidents de la province de Hubei pour empêcher le coronavirus de se propager”. Cela risque de pousser ces travailleurs à se cacher, sapant ainsi la lutte contre l’épidémie.
Les mesures sévères initiées par Xi et le Comité permanent du Politburo s’apparentent au “marteau” selon Human Rights Watch. La majeure partie de la Chine est paralysée. Cela a créé de nouvelles tensions dans le système étatique chinois, les différentes régions imposant leurs propres mesures de quarantaine et se chamaillant plutôt que de coordonner ensemble les moyens d’urgence.
Dali, une ville de la province du Yunnan, a intercepté une cargaison de masques à destination de Chongqing, ce qui a déclenché un conflit entre les deux gouvernements. Les médias d’État ont également rapporté que des produits médicaux en route de Corée du Sud vers la ville de Shenyang ont été saisis par les douaniers à Qingdao. Les autorités de Qingdao ont affirmé qu’il s’agissait de représailles pour les fonctionnaires de Shenyang qui avaient saisi un lot de fournitures destinées à Qingdao. De tels incidents ont suscité le dégoût et la colère sur les médias sociaux.
Une catastrophe provoquée par l’homme
“C’est vraiment une catastrophe provoquée par l’homme”, a commenté un post sur les médias sociaux qui résume bien la situation. Malgré les censeurs de l’État qui travaillent avec acharnement pour les effacer, ces opinions anti-gouvernementales sont maintenant devenues “un événement qui ressemble à une inondation” comme le décrit un rapport interne du gouvernement qui a fait l’objet d’une fuite.
Le climat anti-gouvernemental a atteint un nouveau niveau avec la mort, le 6 février, de Li Wenliang, médecin à l’hôpital central de Wuhan. Le 3 janvier, Li a été contraint par la police de signer une lettre dans laquelle il affirmait avoir propagé un “faux discours” en avertissant ses collègues d’un nouveau virus semblable au SRAS. Son exemple a été utilisé comme un moyen de dissuasion pour faire taire les autres membres du personnel médical de Wuhan.
Lorsqu’il a été connu que Li et ses collègues étaient des professionnels de la santé qui avaient tenté de tirer la sonnette d’alarme, la colère a explosé sur les médias sociaux. Le PCC a été contraint de traiter Li avec douceur et de lui permettre de donner des interviews aux médias. La Cour populaire suprême a même publié une déclaration affirmant que Li n’aurait pas dû être puni.
Le gouvernement central avait ainsi tenté de contenir et de désamorcer le mécontentement des masses tout en le dirigeant vers les fonctionnaires de Wuhan en vue d’une censure et d’une persécution encore plus importantes à l’avenir. Toute concession tactique de la part du régime de Xi, comme on l’a vu à Hong Kong l’année dernière, ne signale pas un changement de cap mais simplement une tentative de gagner du temps pour continuer à appliquer la ligne dure du régime.
Dans une dernière interview accordée à Caixin Global, les paroles très modérées de Li sont revenues de sa tombe pour hanter le régime de Xi : “Je pense que, dans une société saine, on devrait pouvoir entendre plus d’une voix. Et je n’approuve pas l’utilisation de la puissance publique pour une ingérence excessive.”
Même la mort de Li, annoncée pour la première fois le 6 février, puis “annulée” par les médias contrôlés par l’État, et annoncée à nouveau le 7 février, a fait l’objet d’une nouvelle dissimulation pas très intelligente. On peut supposer que la vaste machine de propagande et de censure du PCC a eu besoin de plus de temps pour préparer son discours sur la mort du médecin. La nouvelle a déclenché une vague de colère anti-gouvernementale en ligne sans précédent. Des millions de personnes ont partagé des messages sur Li Wenliang et les hashtags “I want freedom of speech” et “We demand freedom of speech” – ont été vus par des dizaines de millions de personnes avant d’être censurés.
Les conséquences de ces événements pour l’économie chinoise et mondiale devraient dépasser de loin les effets de l’épidémie de SRAS. En 2003, la Chine ne représentait que 4 % du PIB mondial, alors qu’elle en représente aujourd’hui 16 %. Il n’est pas du tout tiré par les cheveux, surtout compte tenu de la fragilité de l’économie mondiale, d’envisager que l’épidémie devienne le point de basculement vers une récession mondiale. Cela est dû au rôle décisif de la Chine, qui a représenté plus de 30 % de la croissance du PIB mondial l’année dernière.
L’industrie automobile, déjà en récession dans le monde entier, est confrontée à des perturbations massives, comme le montre la fermeture de toutes les usines automobiles de Hyundai en Corée du Sud en raison du manque de pièces provenant de fournisseurs chinois. Les constructeurs automobiles européens sont confrontés à une pression similaire si les problèmes en Chine s’éternisent. On ignore quand les usines automobiles et les autres grandes industries chinoises reprendront une production normale après la fermeture prolongée provoquée par l’épidémie.
Mais les problèmes sont beaucoup plus profonds. Une épidémie plus prolongée pourrait être l’aiguille qui fait éclater l’énorme bulle du marché immobilier chinois. Cela pourrait alors provoquer l’effondrement du secteur bancaire. Wuhan, la cinquième plus grande ville de Chine, est un excellent exemple de bulle insoutenable. Les prix des logements de la ville ont quadruplé au cours des deux dernières années.
“Les gens qui ont de l’argent sont effrayés à mort et n’osent pas courir dehors”, a déclaré au Financial Times un agent immobilier basé à Pékin. “Personne ne va travailler. Les développements immobiliers sont tous bloqués… l’impact sera certainement important”.
Wuhan : Chronologie d’une catastrophe
Dans les premières semaines critiques de cette crise, le gouvernement de Wuhan a fait le contraire de ce qu’il aurait dû faire. Il a arrêté et fait taire les lanceurs d’alerte, y compris des professionnels de la santé comme Li Wenliang qui ont tenté de mettre en garde contre une épidémie potentielle. Ils n’ont même pas informé le personnel hospitalier des dangers et un grand nombre de membres du personnel médical ont été infectés : 40 membres du personnel dans le seul hôpital de Wuhan.
On estime que cinq millions de personnes ont quitté Wuhan et se sont rendues dans d’autres régions de Chine entre le 1er et le 20 janvier, sans savoir qu’elles pouvaient être porteuses du virus ni être averties de prendre des précautions élémentaires telles que porter un masque, se laver régulièrement les mains et éviter les rassemblements publics.
Le 18 janvier, les autorités de Wuhan ont organisé un banquet pour 40.000 familles dans le district de Baibuting, quelques jours avant que la ville ne soit complètement fermée et que tout voyage à l’extérieur ne soit interdit. Aujourd’hui, des dizaines de bâtiments à Baibuting, avec ses 130.000 habitants, sont couverts d’affiches rouges officielles portant la mention “bâtiments contaminés”. Caixin Global a cité des résidents locaux se plaignant de n’avoir toujours pas été conseillés par les fonctionnaires du gouvernement sur les précautions à prendre même après que leurs maisons aient été désignées comme “bâtiments contaminés”.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), une agence des Nations unies, a été informée par des fonctionnaires du ministère national de la santé chinois le 31 décembre d’une épidémie de “pneumonie de cause inconnue” à Wuhan. Une semaine plus tard, le virus a reçu le nom de 2019-nCov. Cette chronologie met en cause Pékin, qui se cache derrière les erreurs du gouvernement de Wuhan, pour ne pas avoir agi plus rapidement. En dépit d’un ensemble de preuves faisant état du contraire, l’OMS fait l’éloge de la façon dont la dictature chinoise a géré l’épidémie, saluant même le “système chinois” et la “grande capacité de leadership” de Xi. Le soutien flatteur de quelques bureaucrates à Genève est une petite consolation pour le PCC, qui se heurte à une hostilité toujours plus grande chez lui.
Des secousses révolutionnaires
Pékin est maintenant dans une phase de limitation des dégâts, en essayant de protéger le personnage de “l’empereur” Xi, et de détourner toute la responsabilité sur le gouvernement et la police de Wuhan. Le Comité permanent du Politburo – le cercle restreint du PCC – a reconnu que la situation actuelle constituait “un test majeur du système et de la capacité de gouvernance de la Chine”.
Le PCC déploie tout son arsenal de mesures de “maintien de la stabilité” avec une propagande massive et une campagne de relations publiques, érigeant des hôpitaux à une vitesse record et proclamant une “guerre populaire” contre l’épidémie. Malgré la construction de deux nouveaux hôpitaux à Wuhan, qui, selon son gouvernement, offrent 13.000 lits supplémentaires, cela reste insuffisant – selon des estimations indépendantes, il y aurait jusqu’à 190.000 personnes infectées à Wuhan.
Pékin a récemment annoncé un financement d’urgence de 12 milliards de dollars US pour lutter contre l’épidémie. Mais la même semaine, le régime a injecté 174 milliards de dollars dans le secteur bancaire et la bourse pour éviter un effondrement des marchés. L’écart entre ces deux sommes montre les véritables allégeances de classe des dirigeants chinois.
Où cela peut-il mener ? Dans le Financial Times, Jamil Anderlini affirme que “si le virus ne peut pas être contenu rapidement, cela pourrait se révéler être le moment de Tchernobyl pour la Chine, un moment où les mensonges et les absurdités de l’autocratie sont mis à nu pour que tous puissent les voir”.
De nombreux citoyens en Chine ont fait des comparaisons sur internet avec la catastrophe nucléaire de 1986 qui a constitué un événement important sapant les bases du régime stalinien en URSS. Anderlini établit également un parallèle avec la Tunisie en 2010, en comparant Li Wenliang à Mohamed Bouazizi, le vendeur de fruits dont l’auto-immolation a servi de déclencheur à la révolution en Tunisie et dans la région.
Il est clair que la dictature chinoise est entrée dans sa crise la plus profonde depuis la fin des années 1980. Les “sessions jumelées” de mars (du Congrès national du Parti communiste et de la Conférence consultative politique du peuple chinois) peuvent maintenant être annulées en raison de l’épidémie. Si cela se produit, la véritable raison sera probablement d’empêcher les expressions ouvertes de dissidence de faire surface lors de cet événement normalement très chorégraphié.
La lutte pour le pouvoir au sein du PCC et de l’élite dirigeante va presque certainement se relancer, alimentée par les divisions croissantes sur l’intendance de Xi, mais reflétant aussi en fin de compte les nouvelles humeurs qui s’agitent dans la base de la société. Si l’épidémie n’est pas contenue à court terme et inflige des dommages économiques massifs, cela peut déclencher un nouveau niveau de crise avec des implications potentiellement révolutionnaires.
La tâche des marxistes, des partisans de l’Alternative Socialiste Internationale (ASI) en Chine, est d’aider les sections les plus avancées de la classe ouvrière et de la jeunesse à se préparer politiquement. La crise humanitaire, économique et politique appelle à la construction d’une alternative ouvrière socialiste et véritablement démocratique au capitalisme autoritaire du PCC.
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Hong Kong : Défaite écrasante du camp pro-gouvernemental aux élections de district

La lutte de masse doit maximiser l’effet de ces résultats électoraux historiques, faire de l’implication des travailleurs l’axe central du combat et se tourner vers les masses continentales.Déclaration de Socialist Action (CIO – Hong Kong)
Les élections des conseils de district qui se sont tenues le dimanche 24 novembre ont été une grande victoire pour le mouvement de protestation anti-autoritaire qui a commencé en juin dernier. Sans les manifestations de masse, qui font rage depuis près de six mois, il est clair que ce tremblement de terre n’aurait pas eu lieu.
5.000 manifestants ont été arrêtés jusqu’à présent, dont environ un tiers de moins de 18 ans. La brutalité policière a été l’un des principaux moteurs des manifestations. Des milliers de personnes ont été hospitalisées et trois jeunes, dont un de 14 ans, ont été abattus à balles réelles. La violence policière n’a fait que croître ces dernières semaines.
Le décompte final aux élections des conseils de district est de 388 sièges (contre 126 auparavant) pour l’opposition pro-démocratique et 59 (contre 298 auparavant) pour le camp pro-Pékin. Cela signifie que les candidats pan-démocrates et les autres candidats de l’opposition ont remporté près de 90 % des sièges grâce au système majoritaire uninominal à un tour. Leur part des votes était de 60% contre 40% pour le camp pro-gouvernemental.
Des élections historiquesLe taux de participation a atteint un record de 71,2 %, ce qui éclipse le taux de 58 % enregistré lors des dernières élections au Conseil législatif (Legco) en 2016, qui constituait déjà un record. Par rapport aux dernières élections des conseils de district en 2015, où le taux de participation était de 47%, presque deux fois plus de personnes se sont rendu voter, soit 2,94 millions de personnes (en 2019) contre 1,47 million (en 2015). La plupart des bureaux de votes ont connu des files d’attente qui ont été jusqu’aux trottoirs une heure avant leur ouverture. Parmi ces électeurs de la première heure se trouvaient de nombreux jeunes, un revirement complet par rapport aux années précédentes.
Hong Kong n’est pas une démocratie. Son système politique permet d’élire les conseils de district, qui sont le niveau de gouvernement le plus bas, et la moitié des sièges du Conseil législatif (Legco) où les partisans du gouvernement disposent d’une majorité intégrée grâce à des circonscriptions dites fonctionnelles qui sont truquées et réservées principalement aux grandes entreprises. Le gouvernement, dirigé par un chef de l’exécutif approuvé par Pékin, ne peut être élu.
Les dirigeants pan-démocratiques bourgeois sont probablement aussi surpris que n’importe qui par les résultats actuels. Ils ne contrôlaient aucun district et en contrôlent maintenant 17 sur 18. Seule l’île de Lantau (comprenant onze sièges non élus) est encore contrôlée par le camp pro-gouvernemental. Trois conseils de district sont passés d’un contrôle pro-Pékin à un conseil où aucun conseiller pro-Pékin n’a été élu : Sai Kung, Tai Po et Wong Tai Sin. Ce dernier est un quartier ouvrier où les habitants se sont heurtés à plusieurs reprises à la police et ont manifesté contre la brutalité policière et la forte utilisation de gaz lacrymogène au cours des derniers mois.
Les conseils de district ne sont pas des organes très importants, ils sont relativement impuissants. Ces élections ont été confrontées à une forte tradition conservatrice visant à dépolitiser les élections pour se concentrer uniquement sur des “questions locales”. Cela a toujours favorisé le camp pro-gouvernemental qui dispose d’énormes ressources financières et qui peut également mobiliser des “votes en bloc” grâce à divers mécanismes de favoritisme et de pots-de-vin et grâce à leur domination des réseaux traditionnels tels que les sociétés culturelles ayant des liens avec la Chine continentale.
Mais cette année, la tradition “non politique” de ces élections a été balayée par un climat de militantisme sans précédent. Ces élections sont devenues un référendum de facto sur le soutien aux manifestations antigouvernementales ou à la répression de plus en plus brutale du gouvernement. Les résultats ne laissent planer aucun doute quant à la position de la majorité des Hongkongais. Pour le gouvernement, l’establishment capitaliste pro-Pékinois et le régime dictatorial de Xi Jinping, il s’agit d’un revers humiliant.
De nouvelles complications pour le PCC
Cela soulève également de nouvelles complications pour le gouvernement et le PCC qui tentent de mettre un terme à la crise politique. A la suite de la quatrième réunion plénière du PCC à la fin du mois d’octobre, il était clair que Pékin exerçait des pressions sur le gouvernement et la police de Hong Kong pour qu’ils traitent plus impitoyablement les manifestants et principalement les jeunes parmi eux. Une variante locale du “4 juin” – le massacre de Tienanmen de 1989 – était prévue, peut-être avec des méthodes moins meurtrières, mais en tout cas avec l’objectif clair de mettre fin aux manifestations avec autant de force. Ce plan n’est plus possible à court terme.
Le PCC est maintenant confronté à un nouveau problème. Dans le cadre du système électoral truqué de Hong Kong, où seulement 1.194 électeurs choisissent le chef de l’exécutif, les conseils de district disposent de près de 10 % des voix. Auparavant, ces 117 votes étaient contrôlés par le camp pro-Pékin. Maintenant, les pan-démocrates contrôlent les 117 votes. Cela peut être source de nouvelles complications pour Pékin pour la prochaine “élection” d’un chef de l’exécutif. Selon certaines rumeurs, cela pourrait être en 2020 afin de remplacer Carrie Lam pour un “nouveau” visage moins détesté.
Au cours des six derniers mois de lutte de masse, le gouvernement a fait de multiples erreurs de calcul, à commencer par le retrait de la loi sur l’extradition. Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif qui est une véritable catastrophe ambulante, a avoué que ses “erreurs” ont causé “d’énormes ravages”. Après la débâcle des élections du conseil de district, Carrie Lam a affirmé qu’elle va “réfléchir sérieusement” au message des électeurs. Personne ne doit se faire d’illusion ! La dictature chinoise interdit toute retraite politique significative, c’est pour cela que le gouvernement de Lam est devenu un “grand déstabilisateur” qui a enragé la population avec sa brutalité et son arrogance.
Le régime de Xi craint que toute faiblesse ou disposition à faire des concessions à Hong Kong n’incite les masses continentales à s’organiser et à se soulever en faveur de leurs propres revendications. Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes chinois sont similaires à ceux propres à Hong Kong : bas salaires, emplois précaires, horaires de travail inhumains, logements inabordables, pollution suffocante et régime dictatorial qui persécute toute opposition.
Carrie Lam
Le maintien des élections pour les conseils de district est une autre erreur de calcul monstrueuse de la part du gouvernement de Carrie Lam et de ses partisans. Ils ont débattu jusqu’au tout dernier moment de l’opportunité d’annulation les élections (un coup d’Etat de facto) mais ont craint que cette manœuvre ne suscite une sympathie renouvelée pour le mouvement de protestation tout en augmentant la pression internationale. Ils se doutaient bien qu’ils auraient un mauvais résultat, sans imaginer que le désastre puisse avoir cette ampleur. Aujourd’hui, comme on pouvait s’y attendre, une file de “perdants” pro-gouvernementaux condamnent Carrie Lam pour leur avoir fait perdre leurs positions politiques et avoir créé la plus grande crise dans le camp pro-Pékin depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997.
Le principal parti pro-Pékin, la DAB (Democratic Alliance for the Betterment and Progress of Hong Kong), a été décimé, ne remportant que 21 sièges contre 119 lors de l’élection précédente. Son dirigeant, Starry Lee, a proposé de démissionner, mais il a été persuadé de rester en place puisque personne ne veut le poste. La FTU (Fédération des syndicats) n’a remporté que 4 sièges, contre 27 en 2015, ce qui signifie qu’elle n’est plus le deuxième plus grand parti du camp pro-Pékin, étant même dépassée de 5 sièges par le petit Parti libéral.
Ce résultat est un coup dur pour le gouvernement et un sérieux revers pour le régime du PCC. Cela aura des répercussions jusqu’à l’intérieur de la Chine, tant sur le terrain que dans la lutte pour le pouvoir au sein du régime lui-même. La propagande nationaliste antidémocratique anti-Hong Kong chauvine de Pékin a toujours prétendu que les manifestations anti-gouvernementales n’étaient soutenues que par une minorité de la population. La meilleure censure d’Internet au monde n’empêchera pas les résultats électoraux de pénétrer et de se faire connaître en Chine, ce qui peut miner considérablement la propagande de l’État contre le mouvement.
D’autres facteurs pourraient encore jouer en faveur du régime pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Une partie des dirigeants pan-démocratiques sera sensible aux pressions du régime et des capitalistes pour désamorcer le mouvement de protestation. Le plus grand vainqueur des élections au sein du bloc pan-démocratique est le Parti démocrate, avec 91 sièges (contre 43 la dernière fois). Ce parti a l’habitude de conclure des accords en coulisse avec les représentants du PCC et de freiner la lutte pour les droits démocratiques.
Le président de ce parti, Wu Chi-wai, a d’ailleurs déclaré : “La division de la société doit être gérée avec prudence”. Il y a un réel danger que les politiciens du compromis pan-démocratique – largement marginalisés par la lutte de masse jusqu’à présent – tentent d’utiliser leurs positions renforcées lors des élections pour revendiquer une plus grande influence et réclamer un passage de l’action de masse à la “négociation”. Cela signifierait un retour à l’approche et à la stratégie ratées des luttes précédentes. Le mouvement peut repousser cette menace avec une organisation démocratique de la lutte au niveau local, comme nous l’expliquons ci-dessous.
Construire la lutte
Le mouvement de masse de Hong Kong doit s’intensifier et faire valoir l’avantage politique que ces élections ont procuré – une injection géante d’énergie nouvelle. Pour vaincre la dictature chinoise, qui est le seul moyen de remporter les cinq revendications du mouvement et de mettre fin à l’autoritarisme à Hong Kong, un mouvement exclusivement basé sur Hong Kong ne suffit pas.
La lutte doit s’étendre à la Chine continentale en établissant des liens avec les travailleurs et les jeunes opprimés – une force que le PCC craint plus que tout – et en faisant appel à la solidarité dans le monde entier. Cela signifie la solidarité des travailleurs ordinaires et en particulier de ceux qui luttent héroïquement contre une oppression similaire du Chili à l’Iran en passant par la Catalogne. Nous ne devons entretenir aucune illusion envers Trump ou dans d’autres politiciens capitalistes aux États-Unis ou en Europe. Leur attitude envers la Chine et Hong Kong est dictée par des accords commerciaux plutôt que par des droits démocratiques. Ils représentent la voie rapide vers la trahison et la défaite.
L’étonnant tsunami électoral de Hong Kong est l’occasion de relancer la lutte de masse, qui a grand besoin d’un changement de direction pour gagner. La lutte doit être basée sur la classe des travailleurs, la force sociale la plus efficace pour paralyser et renverser un régime autoritaire. La mise en place de comités démocratiques – sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les communautés locales – pour organiser le mouvement de manière plus solide et efficace est également une priorité absolue.
Il est donc nécessaire d’adopter une nouvelle approche politique pour lier la lutte démocratique à la lutte pour les droits des travailleurs et des pauvres, car l’un ne peut gagner sans l’autre. Il s’agit d’élargir les cinq revendications pour y intégrer les besoins des travailleurs et de la jeune génération : un programme d’urgence pour la construction de 100.000 logements sociaux par an, une augmentation spectaculaire des salaires, un système de retraite universel et une journée de travail de huit heures.
Briser le pouvoir des milliardaires
Les magnats capitalistes, dont le gouvernement autoritaire sert les intérêts, ont toujours résisté à ces exigences. Nous voulons le droit d’élire un gouvernement, au suffrage universel à partir de 16 ans, mais nous devons aussi prendre le contrôle démocratique des grandes entreprises et des banques, qui bloquent tout progrès social et concentrent la richesse de la société dans les mains d’une élite minuscule, dans une plus large mesure encore que presque toute autre économie au monde. Une étude récente montre que les 50 milliardaires les plus riches de Hong Kong ont une richesse combinée de 300 milliards de dollars US (le PIB de Hong Kong est de 362 milliards de dollars US). Les superprofits des magnats de Hong Kong sont possibles grâce au système autoritaire de Hong Kong et de la Chine.
Ceux qui sont d’accord avec ces propositions pour renforcer la lutte anti-autoritaire devraient rejoindre Socialist Action, le CIO à Hong Kong. Nous faisons campagne pour la formation d’un nouveau parti de la classe ouvrière, unissant toutes les couches opprimées dans la lutte contre le capitalisme et la dictature, à Hong Kong, en Chine et dans le monde.
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A Hong Kong, le régime de Xi Jinping prépare un nouveau Tiananmen

Les travailleurs doivent s’organiser d’urgence pour résister à la répression. Construisons une véritable grève générale !
Le gouvernement de Carrie Lam à Hong Kong a fait exploser le niveau de violence policière contre le mouvement de protestation pro-démocratique. Cette escalade, évidente depuis le début du mois de novembre, a été clairement ordonnée par la dictature chinoise. C’est l’un des résultats de la Quatrième session plénière du Comité central du Parti “communiste” (PCC) qui s’est tenue fin octobre. Xi Jinping a tenu une rare réunion avec Carrie Lam à Shanghai peu après pour signifier au monde le soutien du régime à des mesures plus brutales contre les manifestations de masse qui font rage depuis presque six mois.
Par Dikang, Socialist Action (Hong Kong)
Le PCC craint les conséquences économiques, politiques et géopolitiques du lancement d’une opération de répression à Hong Kong par l’Armée populaire de libération (APL). Il ne voit là qu’une “solution finale” à éviter dans la mesure du possible et préfère donc utiliser les outils “internes” de Hong Kong, en élevant à des niveaux extrêmes la violence policière dirigée contre les manifestants, qu’il s’agisse des “radicaux” qui ont riposté aux attaques de la police avec des briques et des bombes à pétrole, ou encore des dizaines de milliers de manifestants pacifiques. Ces dernières ont à nouveau été mobilisées ces derniers jours par le biais d’appels urgents en ligne pour descendre dans la rue.
Les occupations d’université
Au cours de la semaine dernière, la lutte s’est concentrée sur les universités, dont six ont été occupées à un moment donné. Ces occupations étaient des actions défensives des étudiants visant à empêcher la police d’entrer sur les campus pour y procéder à des arrestations massives. La mort d’un étudiant de 22 ans, Chow Tsz-lok, le 8 novembre, a été le déclencheur de ce qui est devenu l’un des affrontements les plus graves de la lutte à ce jour. Chow est décédé des suites de blessures subies lors d’une opération de police dans un garage. Les circonstances de l’incident sont suspectes.
Alors que la colère des jeunes explosait, des appels ont été lancés en ligne sur les plateformes de messagerie – le principal centre d’organisation de la lutte – pour une “grève générale”. En réalité, il ne s’agissait pas d’une grève des travailleurs, mais d’une série d’actions directes de jeunes manifestants visant à saboter et à fermer des artères de circulation centrales, comme les tunnels et les ponts. Une grande partie de Hong Kong a été paralysée la semaine dernière, ce qui a causé la plus grave perturbation économique de la lutte jusqu’à présent. La bourse de Hong Kong a chuté de 5 % au cours de la semaine. Les écoles et les universités ont été fermées et elles le sont toujours.
De nombreuses universités sont situées à proximité des grands axes routiers ou ferroviaires et l’objectif des manifestants était de sécuriser les universités tout en perturbant au maximum les voies de transport à proximité. La réponse de la police a été de lancer des attaques inédites et lourdement armées avec des canons à eau, des véhicules blindés et “plus de tout”, c’est-à-dire plus de gaz lacrymogènes, plus de balles en caoutchouc, etc. sur les universités occupées afin d’éliminer les “sources” de la lutte.
L’action du gouvernement n’est pas de “rétablir l’État de droit” comme il le prétend, mais d’utiliser la terreur d’État pour réprimer les étudiants et les jeunes qui ont été l’épine dorsale de la lutte. Les autorités suivent le manuel de Tiananmen, avec une méthode moins mortelle jusqu’à présent, mais avec exactement le même objectif. Comme en juin 1989, l’objectif est de rétablir l’autorité de la dictature avec une démonstration écrasante de violence d’Etat pour dissuader ceux qui voudraient défier son pouvoir.
En une seule journée, dimanche dernier (17 novembre), alors que la police assiégeait l’Université polytechnique (Poly U), mille grenades lacrymogènes ont été tirées sur le campus. La police a également utilisé des grenades assourdissantes et certains officiers portaient pour la première fois des fusils d’assaut. Une déclaration de la police a averti que les munitions réelles pouvaient être utilisées à moins que les occupants ne se rendent. Les jeunes occupants ont affiché leurs dernières volontés sur les médias sociaux, car beaucoup s’attendent à un massacre, ce qui est toujours une terrible possibilité.
Les arrestations de masse
Le siège et l’occupation de la Poly U se poursuivent au moment de la rédaction du présent rapport, bien qu’il y ait encore beaucoup moins de manifestants à l’intérieur. Plus de 1.100 étudiants et leurs partisans ont été arrêtés sur une période de 24 heures. Des centaines de mineurs d’âge ont été libérés après avoir été enregistrés mais ils risquent de faire l’objet de graves accusations par la suite. Tous les jeunes de plus de 18 ans qui ont été arrêtés sont maintenant détenus dans le cadre de la plus grande arrestation massive du mouvement à ce jour. Plusieurs centaines de ces jeunes font face à des accusations d’émeutes.
Des images vidéo montrent des policiers en train de battre des étudiants arrêtés. De nombreux occupants ont subi des blessures graves, notamment une hyperthermie et des fractures osseuses, et 280 d’entre eux ont été hospitalisés. Pourtant, la police a refusé aux volontaires médicaux l’accès aux étudiants blessés, les menaçant de les traiter de la même manière que les “émeutiers”. Ce n’est que sous la pression croissante de l’opinion publique que la police a été forcée d’autoriser une équipe de la Croix-Rouge à entrer sur le campus de l’Université polytechnique.
Un noyau dur d’une centaine de jeunes refuse d’abandonner. La police a clairement indiqué que tous ceux qui sont arrêtés seront poursuivis pour émeute, ce qui entraîne une peine de 10 ans de prison. D’autres sont parvenus à s’échapper au cours d’évasions audacieuses et désespérées, en utilisant parfois des cordes pour descendre en rappel des ponts jusqu’à l’endroit où des “parents” (citoyens volontaires) les ont emmenés en voiture et en moto pour échapper à la police. Des dizaines de personnes se sont échappées par d’étroits tuyaux de drainage souterrains, à peine assez larges pour s’y faufiler, avant que la police ne découvre la pratique et bloque cette voie d’évacuation.
Des groupes de défense des droits humains et même des gouvernements étrangers (qui restent normalement silencieux) ont condamné la violence policière. Beaucoup de gens ont été stupéfaits et émus par ces scènes. Parents, politiciens et travailleurs sociaux, souvent en larmes, sont venus plaider et faire pression sur la police pour qu’elle lève le siège et permette aux jeunes de sortir indemnes.
Les tactiques de la jeunesse
‘‘Avant, je me demandais si les manifestants, ou ceux qui semblaient être des protestataires, avaient franchi une ligne rouge d’une quelconque manière. Mais maintenant, je comprends mieux pourquoi ils ont dû utiliser ces tactiques’’, a déclaré un père qui essayait de sauver sa fille de 17 ans de l’université Poly U. “Les cocktails Molotov qu’ils lancent visent principalement à créer une distance entre eux et la police”, a-t-il déclaré au New York Times.
“Je ne comprends pas pourquoi la police doit réprimer les étudiants de cette façon”, a déclaré à un journaliste du South China Morning Post une mère en larmes dont les deux filles sont coincées dans le campus. “Ça ne me dérange pas de mourir. Pourquoi devrions-nous rester à Hong Kong alors que nos enfants n’ont pas peur de la mort ?”
Le gouvernement estime – à tort selon nous – que les manifestants de première ligne ont perdu le soutien massif dont ils disposaient, ce qui leur donne l’occasion d’intensifier la répression et d’écraser le mouvement de protestation dès que possible. La stratégie du régime du PCC a consisté à créer délibérément le chaos par des mesures policières brutales – en interdisant les manifestations pacifiques, en provoquant une réaction violente chez les jeunes, en infiltrant les manifestations – pour tenter d’épuiser et de désintégrer le mouvement.
Mais la violence débridée de l’État a eu un grand retentissement dans l’opinion publique. A l’heure du déjeuner tous les jours pendant plus d’une semaine, des milliers de personnes ont participé à des barrages routiers et des manifestations dans le quartier central des affaires, pour la plupart des cols blancs et des employés du secteur financier. Beaucoup d’entre eux portaient des masques, ce qui était illégal jusqu’à hier en vertu d’une loi d’urgence qui a maintenant été rejetée par la Haute Cour.
Il y a une semaine, l’Université chinoise de Hong Kong a été le théâtre des affrontements les plus violents avec la police. Une bataille pour le contrôle d’un pont sur une grande autoroute a fait rage sans interruption pendant 30 heures. À ce moment-là, des milliers de personnes sont venues sur les lieux pour soutenir les manifestants. Lorsque, quelques jours plus tard, Poly U a été encerclée, des dizaines de milliers de personnes ont répondu aux appels en ligne pour “sauver les étudiants”, se précipitant vers les lignes de police près du campus et dans la zone voisine de Yau Tsim Mong pour essayer de distraire la police. Ces manifestations de solidarité se sont heurtées exactement à la même violence frénétique de la part de la police, qui a notamment lancé des bus à grande vitesse vers les manifestants. Ce sont des méthodes terroristes employées contre la population.
Depuis trois jours, des unités spéciales de police d’élite, connues sous le nom de “Raptors”, encerclent la Poly U, en permettant aux manifestants de ne sortir que par une issue pour se rendre, toutes les autres sorties étant soumises à de lourds bombardements de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Dans l’Université chinoise et l’Université polytechnique, une fois les occupations commencées, les manifestants ont commencé à organiser des cantines autogérées surnommées “Café Resistance”, des barricades de sécurité, la production en série de bombes à essence et de projectiles.
Le soutien aux manifestants parmi les couches importantes de la société et l’atmosphère pour “défendre” les étudiants repose sur la peur généralisée que le gouvernement et la police se préparent à une répression sanglante : une “version de Hong Kong du 4 juin” (date du massacre de 1989 à Pékin). Les rapports de première ligne de l’Université chinoise la semaine dernière, et maintenant de Poly U, confirment ces craintes. Un policier à l’extérieur de Poly U a dit à la mère en pleurs d’une jeune fille de 16 ans enfermée à l’intérieur : “Il n’y a aucune chance que cela se termine pacifiquement”.
Face à une force armée aussi extrême et écrasante, les étudiants ont utilisé des armes simples comme des bombes à essence, des catapultes et même des arcs pour tenter d’empêcher la police d’avancer, de prendre d’assaut les campus et de procéder à une arrestation massive.
L’auto-défense du mouvement
Alors que la police et certains médias font beaucoup de bruit au sujet de la violence des manifestants, le fait est qu’il s’agit de luttes défensives avec la police qui, dans tous les cas, est à l’origine de la violence. Il s’agit d’une lutte incroyablement unilatérale et, en tant que telle, malgré un niveau inspirant d’héroïsme et de sacrifice, ce n’est pas le fondement sur lequel une lutte réussie peut finalement être construite. La lutte a le droit de se défendre contre la brutalité policière. Mais pour qu’elle soit couronnée de succès, cette autodéfense doit être sous contrôle démocratique. Malheureusement, la lutte de masse jusqu’à présent n’a pas produit d’organisations de masse capables d’exercer un tel contrôle démocratique. Plutôt que d’être au centre de la lutte, toutes les questions de tactique “militaire” devraient être subordonnées à la question principale de la mobilisation et de la construction d’un mouvement organisé.
La police et certains médias accusent les jeunes d’être à l’origine de la violence. Ce n’est pas vrai. Les premières semaines du mouvement – avec des millions de manifestants en juin et en août – ont été largement pacifiques. Même le vandalisme de la chambre du Conseil législatif (Legco) en juillet n’a pas causé de blessures graves. C’était en grande partie le cas jusqu’à ces dernières semaines. Les bombes à pétrole n’ont été lancées qu’en août, lorsque le régime avait déjà commencé à interdire toutes les manifestations appelées par l’”aile pacifique” du mouvement : les politiciens pan-démocratiques et leurs alliés des ONG.
C’est l’État – la police de Hong Kong sous les ordres du PCC – qui, à chaque étape, a élevé le niveau de violence pour terroriser les masses et ainsi les soumettre. C’est la stratégie que l’Etat a choisie comme politique calculée pour provoquer d’abord une destruction massive et ensuite l’utiliser pour discréditer et isoler les jeunes.
La seule façon de déplacer l’accent de la lutte hors des affrontements physiques et du vandalisme – qui ne s’avéreront en fin de compte pas des méthodes efficaces contre une force de police militarisée bien entraînée – c’est une stratégie de mobilisation des masses et, surtout, de la classe ouvrière de Hong Kong afin qu’elle construise ses propres organisations. Ce sera le “ciment” politique qui permettra d’assurer le succès d’une lutte de masse.
La classe ouvrière est la clé
Les socialistes ne sont pas les seuls à comprendre que la classe ouvrière est la force décisive dans les grandes luttes politiques contre les régimes autoritaires. C’est la conclusion sans équivoque d’une étude récente d’universitaires norvégiens publiée dans le Washington Post (24 octobre 2019), qui portait sur les mouvements démocratiques de masse au cours des cent dernières années : “Dans une nouvelle étude, nous examinons systématiquement comment les citoyens ont cherché à promouvoir la démocratie dans environ 150 pays. Voilà ce que nous avons trouvé : Les travailleurs de l’industrie ont été des agents clés de la démocratisation et sont même plus importants que les classes moyennes urbaines. Quand les travailleurs de l’industrie mobilisent une opposition de masse contre une dictature, la démocratisation a de grandes chances de suivre.”
C’est la leçon que le mouvement de Hong Kong doit tirer s’il veut gagner.
La situation après les occupations universitaires est compliquée. Beaucoup d’étudiants ont l’impression d’avoir été vendus et abandonnés, ce qui cause de graves divisions parmi les jeunes militants. Cela souligne le fait que plus la lutte arrive à un moment critique – comme aujourd’hui – plus elle a besoin d’une organisation démocratique.
L’opposition de nombreux jeunes à un mouvement plus organisé et traditionnel découle du rôle passé de politiciens pan-démocratiques qui ont utilisé leur contrôle de la “scène politique” pour monopoliser la direction des manifestations. Les dirigeants pan-démocratiques ne voulaient pas que ces luttes se développent et se radicalisent, c’est pourquoi, dans la plupart des cas, ils ont stoppé les luttes avant qu’elles n’obtiennent des gains concrets. Mais rejeter les structures formelles et organisées au profit d’une lutte totalement décentralisée et informe ne protège pas contre le “hi-jacking” de quelques dirigeants autoproclamés, bien que cela ait aussi produit de nombreuses méthodes de protestation innovantes et ingénieuses.
Il faut une organisation de masse
La stratégie pour vaincre une dictature puissante et cruelle doit être formulée consciemment, par les représentants élus des masses et à travers le débat et la discussion sur les objectifs politiques. Les tactiques devraient toujours découler d’une ligne politique claire. Pour cette raison, le mouvement de Hong Kong a un besoin urgent de construire des structures démocratiques et une organisation réelle de masse. C’est pourquoi des comités démocratiques devraient être mis en place dans les écoles, les lieux de travail et les communautés locales.
Le PCC et le gouvernement de Carrie Lam préparent des attaques encore plus graves contre les droits démocratiques. L’Assemblée populaire nationale de Chine a déclaré la guerre à la Haute Cour de Hong Kong après sa décision cette semaine d’annuler la loi anti-masque de Carrie Lam. Si l’APN fait respecter sa position, elle émasculera complètement le système judiciaire indépendant de Hong Kong, qui est l’un des derniers éléments du principe “un pays, deux systèmes” qui existe encore. La loi anti-masque a été imposée en octobre parce que le gouvernement voulait tester le terrain pour une utilisation plus large de l’Emergency Regulations Ordnance de l’époque britannique. Il s’agit d’une “arme nucléaire” juridique ancienne et draconienne, utilisée pour la première fois en 1922 contre la grève historique des marins de Hong Kong, qui paralysa le territoire pendant plus d’un an et joua un rôle important dans l’émergence des organisations ouvrières en Chine dans les années 1920.
La dernière attaque de l’APN vise à davantage entraver le pouvoir judiciaire à Hong Kong. Les élections des conseils de district prévues pour dimanche (24 novembre) peuvent encore être annulées, sous prétexte des derniers affrontements. Ces élections à des conseils locaux plutôt insignifiants et impuissants sont considérées comme un référendum sur la lutte antigouvernementale et pourraient entraîner des pertes historiques pour les partis pro-Pékin.
En outre, sept législateurs pan-démocratiques risquent à présent d’être arrêtés à la suite d’une manifestation qui a eu lieu au siège du conseil législatif Legco il y a six mois. Cela ressemble au début d’une nouvelle tentative de transformer le Legco semi-élu en une forteresse du camp pro-PCC.
Il n’y a pas de retour en arrière possible pour la lutte initiée en juin. Mais pour aller de l’avant, il faut une nouvelle stratégie et surtout un appel organisé aux masses chinoises. Un appel aux masses chinoises exige une approche différente, amicale et politique. Nous voulons une lutte unie contre le règne brutal de Xi Jinping. Si la moitié de l’énergie investie par certaines sections du mouvement de protestation pour faire appel au Congrès américain (qui, nous le prédisons, n’apportera pas grand-chose) est investie dans des manifestations et des actions coordonnées pour appeler les travailleurs et les jeunes du continent à rejoindre notre lutte, cela pourrait représenter une renaissance explosive du mouvement de masse dans une direction qui terrifiera le PCC.
Des divisions dans la classe dirigeante
La cohésion interne de l’establishment capitaliste pro-Pékin a été sérieusement ébranlée. Récemment, l’ancien président du Conseil législatif Jasper Tsang Tsang Yok-sing a accordé une interview remarquablement franche à un sinologue français. Tsang a déclaré que le principal parti pro-gouvernemental, la DAB (Democratic Alliance for the Betterment and Progress of Hong Kong) avait déjà demandé à Carrie Lam d’accepter une commission indépendante pour enquêter sur la police – une des cinq demandes du mouvement. Bien que cela ait été favorablement accueilli par la majorité des dirigeants de l’establishment pro-Pékin, Carrie Lam a rejeté la proposition en invoquant le moral “fragile” des forces de police. La véritable raison est l’intransigeance du PCC et sa Quatrième réunion plénière pour intensifier la répression et préparer une répression brutale.
Les politiciens de l’establishment comme Tsang portent l’entière responsabilité de la crise actuelle. Ils ont appuyé la loi sur l’extradition et les purges, les arrestations et la répression contre le mouvement démocratique qui ont eu lieu au cours des trois dernières années. Mais maintenant, le camp de l’establishment est profondément divisé, beaucoup exhortant le gouvernement à faire des concessions pour désamorcer la colère générale. Ils craignent une instabilité permanente à Hong Kong, qui pourrait paralyser son statut de centre financier mondial autrefois très rentable.
Le PCC ordonne à Carrie Lam d’ignorer toutes ces idées de concessions. Son point de départ n’est pas ce qui se passe à Hong Kong, mais leur crainte que toute faiblesse à l’égard de Hong Kong ne provoque une instabilité encore plus grande en Chine continentale.
Construisons une véritable grève générale !
Il est plus important que jamais de se tourner vers la grève comme meilleur moyen d’organiser la résistance. Pour une véritable grève, nous devons nous baser sur les travailleurs, leur organisation et la construction de syndicats plus forts. Les manifestants de Hong Kong ont depuis longtemps en tête l’idée d’une grève, mais parce que la classe ouvrière ne dispose pas de syndicats de masse, elle n’a jusqu’à présent pas effectivement lancé une grève collective. Une grève doit être organisée, elle ne peut pas simplement “se produire”. Elle doit être enracinée dans les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers et pas seulement sur internet. Les applications de messagerie et les forums peuvent être un outil puissant, mais ils ne sont qu’un outil. L’organisation des travailleurs doit devenir une réalité physique en incitant tous les travailleurs à adhérer à un syndicat ou à en créer un.
Les congés de maladie et les jours de vacance ne remplacent pas l’action collective lancée par un syndicat contre la terreur blanche des patrons. Malheureusement, au cours des derniers mois, les dirigeants syndicaux officiels sont restés largement silencieux.
Pour organiser et diriger un tel mouvement, il faut créer des structures adéquates : des comités démocratiques où toutes les questions peuvent être débattues et votées. Il est beaucoup plus difficile pour la police et les agents du gouvernement d’infiltrer des réunions publiques et des comités démocratiquement élus que de s’insérer dans des forums en ligne et des foules anonymes afin de semer le chaos. Des structures organisées et ouvertes signifient que toutes les idées peuvent être remises en question et contrées par d’autres propositions et chacun déclare qui il est et quel groupe il représente.
Le Front civique des droits humains (le réseau pan-démocratique qui a lancé l’appel pour les manifestations historiques des 9 et 16 juin) a été mis de côté à la suite de l’interdiction des manifestations par la police. Il doit cependant montrer la voie dans cette situation et devrait annoncer une assemblée de masse d’une journée ouverte aux représentants des lieux de travail, des écoles et des groupes locaux pour discuter de la voie à suivre pour la lutte de masse et de la manière de résister aux projets des autorités pour une répression “du 4 juin” à Hong Kong.
Après plus de cinq mois de lutte de masse, de plus en plus de manifestants reconnaissent l’importance des organisations ouvrières. Dans de nombreuses industries, il est possible de commencer à organiser des syndicats, qui devraient ensuite se coordonner et assumer le rôle principal dans la lutte de masse.
– Organisons les syndicats et les comités de grève ! Préparons une véritable grève générale !
– Changeons le mode de lutte et faisons de la lutte ouvrière l’épine dorsale du mouvement !
– Cinq revendications et pas une de moins, mais ces revendications doivent aussi être élargies pour intégrer les besoins urgents de la classe ouvrière !
– Exportons la révolution en Chine pour une lutte de masse unie des travailleurs du continent et de Hong Kong pour vaincre la dictature du PCC !
– Démantelons le régime capitaliste antidémocratique de Hong Kong ! Remplaçons le Legco antidémocratique par une véritable Assemblée du peuple, basée sur le suffrage universel à l’âge de 16 ans, pour mettre en œuvre immédiatement des politiques en faveur de la classe ouvrière et briser le pouvoir économique des capitalistes !
Une nouvelle campagne lancée par Alternative Socialiste Internationale