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Tag: Chine
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Les premiers pas du mouvement communiste en Chine

Chen Duxiu Au cours de cet été 2021, les médias ont évoqué le 100e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois. Mais à part la date de fondation du parti (28 juillet 1921), le lieu (une petite maison située dans la concession française de Shanghai) et une référence à la Longue Marche (1934-1935) emmenée par Mao Zedong, rien de significatif n’a été publié. Il est vrai qu’en Europe on connaît en général très peu l’histoire de la Chine, son passé lointain et les bouleversements révolutionnaires qui ont ébranlé ce pays au 20e siècle. Impossible, dans le cadre d’un court article, de retracer le cours de tous ces événements en une fois. Aussi, la suite paraîtra dans le prochain numéro de ce journal.
Par Guy Van Sinoy, texte paru en 2 partie dans le mensuel Lutte Socialiste (édition de septembre et octobre 2021)
1911: l’empire chinois tombe en miettes
L’empire chinois remontait à 20 siècles avant J-C(1). Au 19e siècle, la Chine faisait l’objet de la convoitise des puissances impérialistes. La Grande-Bretagne mène de 1839 à 1842 une guerre pour ouvrir la Chine au trafic de l’opium produit en Inde. Ensuite une coalition impérialiste (Grande-Bretagne, France, États-Unis) mène une deuxième guerre de l’opium, de 1856 à 1860. Ces expéditions militaires impérialistes visaient à dépouiller le pays et arracher des concessions territoriales. D’autre part, plus de 1.500 seigneurs de la guerre, grands et petits, se battaient les uns contre les autres, district contre district, en empochant les impôts avec des années d’avance.
En octobre 1911 à Wuhan, le cœur économique de la Chine centrale, quatre bataillons de l’armée menés par de jeunes officiers républicains, qui s’opposaient depuis des années à la dynastie Quing, occupent l’arsenal, attaquent le palais et forcent le gouverneur à fuir. En moins d’un mois, la plus grande partie de la Chine méridionale passe du côté de la révolution. L’empire s’écroule comme un château de cartes. Puyi, dernier empereur de la dynastie Quing, abdique le 10 octobre 1911 et un gouvernement provisoire, présidé par Sun Yat-sen, est formé à Nankin, la capitale.
En 1912 Sun Yat-sen fonde un parti nationaliste bourgeois, le Kuomintang (Parti national du Peuple). La bourgeoisie chinoise prônait la réunification du pays, l’unification du marché national et l’élimination de tous les obstacles, comme l’avait fait la bourgeoisie en Europe au cours des siècles de son ascension. Malgré sa volonté de débarrasser le pays des vestiges féodaux, la bourgeoisie chinoise redoutait la montée en puissance de la classe ouvrière.
La lutte de classes secoue le pays
La situation misérable du prolétariat chinois rappelait, en pire, la situation de la classe ouvrière anglaise décrite par Engels en 1844. Les grèves éclatent le plus souvent spontanément pour des motifs économiques et pour l’amélioration des conditions de travail. Des grèves de masse marquent la période 1922-1923. En janvier 1922 120.000 marins de Hongkong font grève pendant 56 jours pour améliorer les salaires. Les armateurs étrangers doivent céder. En octobre, 50.000 mineurs à Kailan (une mine gérée par la Chine et la Grande-Bretagne) cessent le travail pendant 25 jours pour arracher une hausse de salaire. La répression est souvent brutale. Lors de la grève générale des cheminots en 1923, Lin Xiangqian, secrétaire du syndicat, est décapité au sabre pour avoir refusé d’appeler à la reprise du travail.
23 juillet 1921: fondation du PC chinoisA son congrès de fondation le Parti communiste chinois est une organisation très petite : quelques dizaines de membres! Il a comme figures de proue Li Dazaho et Chen Duxiu, un intellectuel prestigieux qui est élu Secrétaire général. Mao Zedong, bien que présent au congrès, n’a eu aucune part active dans les débats. A partir de son expérience en Indonésie, l’envoyé du Komintern, Maring (2), propose, contre l’avis de Chen Duxiu, que le PCC soutienne le Kuomintang. Au début des années 1920, le Kuomintang est désorganisé et Sun Yat-sen demande à Moscou(3), qui répond favorablement, à renforcer son organisation.
En 1923 le PC chinois compte 420 membres. Il entre dans le Kuomintang qui, de son côté, a 50.000 membres ! Sun Yat-sen meurt en mars 1925. Tchang-Kaï-Chek, un militaire de carrière, manœuvre pour prendre la direction du Kuomintang…
Shanghai, 1927: l’écrasement de la révolution chinoise (2e partie)
Dans le numéro de septembre 2021 j’ai brièvement fait le portrait de la Chine au début du XXe siècle : pays semi-colonial avec une économie où les masses paysannes étaient exploitées par de grands propriétaires terriens. La dynastie Qing, liée à l’aristocratie terrienne, vivait repliée sur la Cité interdite en déléguant le pouvoir en province à des gouverneurs locaux et cédait aux grandes puissances impérialistes des « concessions » territoriales où se concentraient les industries.
Le Kuomintang (KMT)
Un parti nationaliste et républicain (Kuomintang), fondé en 1905 par Sun Yat-Sen, un intellectuel occidentalisé, portait les aspirations des couches intermédiaires de la société. Le KMT prit la tête d’un soulèvement initié par le corps des officiers et la république fut proclamée en 1911. Le Nord de la Chine resta aux mains des seigneurs de la guerre tandis que l’influence du KMT s’étendait dans les villes du Sud où se concentraient les industries : Canton, Shanghai, Hongkong, Wuhan.
Le Komintern, le PCC et le KMT
À sa fondation, en 1921, le Parti communiste chinois (PCC) ne comptait que quelques dizaines de membres. Sous les recommandations des envoyés du Komintern, les membres du PCC durent s’affilier individuellement au KMT pour tenter de l’orienter. À la mort de Sun Yat-sen, en 1925, Tchang Kaï-chek, un officier de carrière, prit la tête du KMT. Le PCC était alors devenu un parti de masse et comptait 60.000 membres. L’aile droite du KMT prit peur et, avec l’accord de Tchang Kaï-chek, décida de combattre les communistes.
Après l’échec de la révolution allemande en 1923, les responsables du Komintern portaient leurs espoirs révolutionnaires sur la Chine afin de briser l’isolement de la Russie soviétique. À Moscou, Staline et Boukharine soutenaient la participation du PCC au KMT, dans le cadre de la pseudo théorie du « bloc des quatre classes » (bourgeoisie nationale, petite bourgeoisie, prolétariat, paysannerie). Alertés par le suivisme du PCC à l’égard du KMT, Trotsky et Zinoviev tiraient la sonnette d’alarme et recommandaient au PCC de rompre avec le KMT.
Canton 1926, Shanghai 1927
À Canton en 1926, la quasi-totalité du pouvoir était aux mains du comité de grève qui, depuis juin 1925, organisait les travailleurs et disposait de milices armées. Le 20 mars 1926, Tchang Kaï-chek proclama la loi martiale, fit désarmer les piquets de grève, arrêta les communistes qui dirigeaient la grève. Le PCC, paralysé par les consignes du Komintern, ne réagit pas.
Shanghai regroupait alors la moitié des ouvriers d’usine du pays. Tchang Kaï-chek, appuyé par les seigneurs de la guerre, prit alors contact avec les puissances impérialistes pour obtenir leur soutien. Le 12 avril 1927 les troupes de Tchang Kaï-chek attaquèrent les syndicats et toutes les organisations ouvrières de la ville. Des milliers de communistes furent exécutés (fusillés, décapités, ou encore brûlés vifs dans les chaudières des locomotives). Cet épisode tragique de la lutte de classes marqua la fin de l’influence de masse du PCC dans la classe ouvrière chinoise. La révolution chinoise qui aura lieu des décennies plus tard sous la direction de Mao Tsé-toung, s’appuiera sur les campagnes.
Après coup, l’Exécutif du Komintern a rendu Chen Du-xiu, secrétaire du PCC, responsable de la défaite. Écarté de la direction, puis exclu, Chen Du-xiu se rallie à Trotsky et à l’opposition de gauche. Condamné à 13 ans de prison par le KMT en 1932, il meurt en prison. Peng Shu-zhi, bras droit de Chen Du-xiu, avait proposé à plusieurs reprises de rompre avec KMT. Exclu de la direction, puis du PCC, avec Chen Du-xiu, il rallie l’opposition de gauche puis, en exil, la 4e Internationale où il restera politiquement actif jusqu’à sa mort en 1983.
Notes :
1) Ainsi, l’armée des guerriers en terre cuite enterrée à Xian, remonte à l’empire Quin (220 ans avant J-C), une époque antérieure à l’empire romain.
2) Maring était le pseudonyme de Henk Sneevliet, un militant communiste néerlandais qui avait lutté contre le colonialisme en Indonésie de 1913 à 1918.
3) Le 28 août 1921, Sun Yat-sen écrit à un responsable bolchevik : « Je suis extrêmement intéressé par votre œuvre, en particulier par l’organisation de vos soviets, de votre armée, de votre éducation. Avec mes meilleurs vœux pour vous-même, pour mon ami Lénine et pour tous ceux qui ont tant œuvre pour la cause de la liberté humaine. » (Lénine, Œuvres, tome 45, p. 747)Pour en savoir plus…
– L’envol du communisme en Chine (mémoires de Peng Shuzhi), Ed. NRF, Paris, 1983, 488p.
– Origines et défaite de l’internationalisme en Chine 1919-1927, Anthologie, Ed. Science marxiste, Montreuil-sous-Bois, 2021, 560p.
– Histoire de l’Internationale communiste 1919-1943, Pierre Broué, Fayard, Paris ; 1997, 1120 p. -
Motion de solidarité de la CGSP ALR Bruxelles contre la répression en Chine/Hong Kong

Nous publions ci-dessous une importante motion de solidarité qui se situe dans la fidèle tradition de la solidarité internationale entre travailleurs. Nous vous invitons à faire de même et à envoyer cette déclaration à info@socialisme.be
La CGSP ALR Bruxelles, exprime sa plus totale opposition à la répression contre les syndicalistes et les militants pour la démocratie à Hong Kong. Notre syndicat, qui représente les travailleurs du secteur public régional bruxellois, soutient les campagnes de solidarité avec ceux qui luttent pour des syndicats véritablement indépendants et les droits démocratiques des travailleurs à Hong Kong et en Chine.
Nous exprimons notre solidarité avec les syndicalistes et le peuple de Hong Kong qui font face à des attaques sans précédent contre les droits démocratiques. Notre syndicat note que depuis 2020, Hong Kong a été le théâtre d’une sévère répression politique de la part du gouvernement, qui a imposé une loi de sécurité nationale assortie de sanctions draconiennes. Cette loi est utilisée pour écraser les droits démocratiques à Hong Kong.
D’éminents syndicalistes sont pris pour cible. Winnie Yu Wai-ming, infirmière et fondatrice de l’Hospital Authority Employees Alliance (HAEA), est actuellement en prison dans l’attente d’un procès pour “subversion”, tout comme Carol Ng du HKCTU. La HAEA a été formée pendant les manifestations pour la démocratie de 2019 et a été le premier syndicat hospitalier au monde à faire grève pour obtenir davantage de ressources pour lutter contre Covid-19.
Les développements à Hong Kong sont “un assaut brutal contre les droits humains fondamentaux : la liberté d’association, la liberté d’expression, la liberté de se réunir”, déclare Sharan Burrows, secrétaire générale de la ITUC. L’Union for New Civil Servants a annoncé sa dissolution en 2021 sous les menaces du gouvernement. En Chine, le régime ne tolère pas les syndicats indépendants ni les droits démocratiques fondamentaux et étend désormais ce système politique à Hong Kong.
Nous appelons tout le mouvement syndical et social à :
– Exiger l’abolition de la loi répressive sur la sécurité nationale et abandonner les accusations infondées contre les militants de la démocratie.
– Soutenir les campagnes de solidarité avec ceux qui luttent pour des syndicats véritablement indépendants et pour les droits démocratiques des travailleurs à Hong Kong et en Chine.
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Le capitalisme chinois et la crise climatique

Allemagne, Canada, Chine,… inondations et méga-feux annoncent une nouvelle ère de catastrophes climatiques
Depuis le 20 juillet, 302 personnes sont mortes dans les inondations de Zhengzhou, la capitale de la province du Henan. La dictature chinoise du Parti « Communiste » chinois parle d’une inondation “qui se produit une fois par millénaire”. Mais la vérité est claire et nette : la crise climatique s’est installée pour durer.
Par Hong Liuxing, chinaworker.info
- Bruxelles, mardi 21 septembre, 19h, meeting des Etudiants de Gauche Actifs : Capitalism kills! Luttons pour un changement de système (ULB Solbosch, Auditoire H2213)
- Liège, jeudi 23 septembre, 18h30, à l’ULG, meeting des Etudiants de Gauche Actifs : Capitalism kills! Luttons pour un changement de systèmeplace du XX Août (salle Wittert)
Avec l’élévation des températures et du niveau de la mer, la côte orientale de Chine, densément peuplée, est sérieusement menacée de se retrouver sous l’eau. On estime que 43 millions de personnes en Chine vivent sur des terres qui pourraient être submergées si les températures moyennes mondiales augmentent de 2°C. Pire, des projets d’infrastructure massifs comme le barrage des Trois Gorges pourraient être menacés par l’augmentation des précipitations et la fonte du permafrost.
L’essor frénétique de l’énergie au charbon
La Chine est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre, avec 27 % du total mondial. Xi Jinping vante le projet de la Chine de devenir neutre en carbone d’ici 2060. Les médias d’État ne cessent de souligner que la Chine était le premier producteur mondial d’énergies renouvelables. Mais rien de ce que le régime du PCC prévoit ne permet d’atteindre ces objectifs, et encore moins la diminution de carbone requise d’ici 2025 pour éviter les “points de basculement climatique” majeurs, qui pourraient accélérer le processus et laisser des impacts irréversibles pour la vie humaine sur terre. En fait, d’après une étude de 2020 coordonnée par l’Université du Maryland et la Fondation chinoise pour l’énergie, la Chine doit atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Malgré tous les objectifs climatiques proclamés haut et fort, le 14e plan quinquennal du PCC ne donne pas d’objectifs spécifiques en matière d’énergies renouvelables et ne prévoit pas de plafonner les émissions de carbone. En 2020, la Chine a construit plus de trois fois plus de capacités de production d’électricité au charbon que le reste du monde réuni. Des centaines de nouvelles centrales à charbon vont être “autorisées” par l’Administration nationale de l’énergie. Plus de 66 % de l’électricité chinoise provient du charbon. Cela s’explique en partie par le fait que les sociétés à but lucratif State Grid et China Electricity Council ont réussi à faire pression pour la construction de centaines de nouvelles centrales à charbon dans le cadre du 14e plan quinquennal en défendant le mythe du charbon “propre et efficace”.
Ceci est révélateur de la structure de gouvernance de type « chambre de commerce » capitaliste du PCC, où de puissantes sociétés d’énergie publiques à but lucratif utilisent l’État pour amasser des milliards de dollars de bénéfices. Mais c’est aussi parce que la position de Xi sur la scène mondiale et au sein du parti-État a été sérieusement menacée par la nouvelle guerre froide et la stagnation économique consécutive à la pandémie. Avec son plan 2022 visant à s’assurer un pouvoir à vie, les tentatives de Xi pour relancer l’économie nationale l’ont conduit à s’appuyer sur le charbon sale, qui emploie des millions de personnes et dont l’offre est abondante en Chine, contrairement au gaz naturel, au pétrole ou au lithium (pour les énergies renouvelables) qui doivent être importés d’ailleurs.
En outre, les chiffres relatifs aux dépenses en énergies renouvelables sont “tout simplement impossibles”, selon Jonathan Luan Dong, analyste de BloombergNEF basé à Pékin. Si le gouvernement déclare avoir installé 120 gigawatts d’énergie éolienne et solaire en 2020, il n’y a guère de preuves à l’appui, car on ne trouve aucun impact ultérieur sur les chaînes d’approvisionnement. L’Administration nationale de l’énergie a également choisi de ne pas fournir de chiffres concernant les installations éoliennes pour 2020. La falsification des données pour impressionner les investisseurs et les potentiels alliés dans la nouvelle guerre froide impérialiste provoquera la destruction mutuelle des puissances capitalistes concurrentes lorsque l’écosystème de la planète commencera à s’effondrer.
Le problème, c’est l’économie de marché
L’élan de la Chine vers les énergies renouvelables est en grande partie déterminé par le marché. La Chine possède désormais le deuxième plus grand marché de “finance verte”, où la classe capitaliste chinoise pourrait engranger des bénéfices massifs. Cependant, à mesure que les énergies renouvelables se développent, le prix de l’énergie solaire ou éolienne commence à baisser jusqu’à ce qu’il ne soit plus rentable de déployer de nouvelles centrales électriques renouvelables. Cette logique de profit empêche en fin de compte le capitalisme d’effectuer une transition complète vers une économie neutre en carbone et c’est pourquoi une économie planifiée démocratiquement est le seul moyen de lutter contre le changement climatique.
Le deuxième mécanisme que le PCC a introduit est un marché national du carbone, qui deviendra le plus grand marché du carbone au monde. Le soi-disant marché du carbone impose des plafonds d’émission de carbone aux usines, les obligeant à acheter des “permis de pollution par le carbone” sur le marché pour émettre davantage de pollution. Cette politique présente de sérieuses limites, avec une “amnistie de la pollution” en place pour tous les pollueurs qui rend le marché entièrement spéculatif. Des modèles similaires et plus restrictifs existent déjà ailleurs, comme dans l’UE, et ont été appliqués pendant 15 ans sans que les émissions n’aient diminué.
La raison intrinsèque pour laquelle les marchés du carbone ne fonctionnent pas est qu’il s’agit essentiellement d’une tactique de diversion qui permet aux grands pollueurs de tirer encore plus de profit de leurs clients. Ils permettront à des entreprises comme Sinopec (la plus grande compagnie pétrolière et gazière de Chine) de justifier l’augmentation des coûts des produits de base, engrangeant des milliards de bénéfices supplémentaires alors que les combustibles fossiles continuent d’être extraits du sol.
Début août, Sinopec a acheté 100.000 tonnes de quotas d’émission de carbone tout en annonçant une augmentation de 60 % de sa production de gaz naturel d’ici 2025. Bien que la compagnie affirme qu’il s’agit d’une réduction nette des émissions comparé au charbon et au pétrole, le gaz naturel est souvent plus polluant que les autres combustibles fossiles en raison des fuites lors du processus d’extraction. Pire encore, la raison de l’augmentation de la production de gaz naturel de Sinopec est directement liée aux énormes nouveaux flux de gaz découverts au Xinjiang l’année dernière, ouvrant la voie à davantage de dépossession et d’exploitation coloniale dans cette région occidentale rétive.
Le rêve de Xi : la capture du carbone
Jusqu’à présent, aucun plan réel n’a été annoncé ou mis en œuvre pour atteindre l’objectif d’une Chine neutre en carbone en 2060. Les modèles de mix énergétique de l’université de Tsinghua prévoient que même en 2060, le mix énergétique idéal sera composé de 16 % de la consommation d’électricité provenant encore de combustibles fossiles. Prévoyant un doublement global de la consommation d’énergie, le PCC prévoit de “compenser” d’énormes quantités d’émissions de carbone grâce à la technologie de capture du carbone.
Comme beaucoup parmi la classe des pollueurs du monde entier, le PCC considère la capture du carbone comme la “grâce salvatrice” du capitalisme et de l’écosystème de la planète, censée permettre et “compenser” la poursuite de la croissance économique dans les industries d’extraction des combustibles fossiles, qui représentent des milliards de dollars. Toutefois, les systèmes de capture du carbone existants ne permettent actuellement de capturer que 0,1 % des émissions mondiales, et le développement de cette technologie s’annonce extrêmement difficile. Ce taux minuscule s’explique en partie par l’absence de marché pour le carbone recapté, car il est en concurrence avec le carbone naturel.
Là encore, la logique du capitalisme a fait que presque tous les grands investissements dans la capture du carbone ont été réalisés par d’énormes sociétés pétrolières, d’Exxon Mobil à la société chinoise Sinopec, qui vient de lancer un “projet de capture du carbone à l’échelle de la mégatonne”. En effet, 81 % des systèmes de captage du carbone sont en fait utilisés pour raffiner le pétrole brut, ce qui montre que le captage du carbone n’est qu’un moyen pour les pollueurs d’extraire davantage de combustibles fossiles du sol. Que ce soit dans une dictature de milliardaires ou dans une “démocratie” capitaliste, les intérêts de milliers de milliards de dollars des entreprises de combustibles fossiles sont intimement liés à leurs systèmes politiques et économiques, ce qui freine la toujours insaisissable “volonté politique” de lutter contre le changement climatique.
Même si les gouvernements capitalistes devaient mettre en place des systèmes de capture massive du carbone, on estime que cela nécessiterait une masse terrestre égale à toutes les terres cultivées actuellement dans le monde. Cela donnerait lieu à des réquisitions massives de terres et à des déplacements de populations pauvres et indigènes dans le monde entier, réduisant le niveau de vie des travailleurs pendant que la classe capitaliste poursuit ses activités habituelles.
Le capitalisme et les dommages environnementaux
Jusqu’à présent, le régime du PCC a justifié les dommages environnementaux massifs par la nécessité d’une croissance économique rapide. Bien que nous sachions que les gains réels ont été très faibles pour les travailleurs, la majeure partie allant au nombre croissant de milliardaires chinois (plus de 1 000 selon la liste Hurun de 2021), la prise en compte des coûts de nettoyage de l’environnement dans l’équation atténue encore ce récit.
Selon le ministère de la Protection de l’environnement du PCC en 2015, le coût de la dépollution de l’air, de l’eau et du sol s’élèvera à 6 000 milliards de yuans (960 milliards de dollars). Dans un rapport de l’ONU de 2018, la croissance du PIB par habitant de la Chine entre 1990 et 2015 était de 58,4 %. Toutefois, si l’on tient compte de la perte de ressources naturelles et de la déstabilisation des écosystèmes, l’indice de “richesse inclusive” de l’ONU montre que le PIB chinois par habitant n’a augmenté que de 10,2 %. Le capitalisme d’État du PCC, bien qu’il soit capable de mobiliser des ressources économiques comparativement énormes, souffre toujours de la course aveugle aux profits à court terme qui infligent des dommages irrévocables à notre environnement.
La réponse du PCC à l’urgence climatique croissante a consisté en une série de mesures d’austérité, notamment les nouvelles règles de tri des déchets mises en œuvre à Shanghai en 2019. Si les déchets ménagers constituent un problème, ce n’est rien comparé à la pollution industrielle non réglementée qui continue à s’échapper des usines et des centrales électriques dans le cadre de l’”amnistie de la pollution”.
Pourtant, les autorités de Shanghai ont décidé d’obliger les travailleurs à supporter le poids de la crise climatique, en instaurant des amendes de 200 yuans (soit 1,5 heure de travail pour le salaire moyen à Shanghai) chaque fois qu’ils ne respectent pas un système labyrinthique de tri des déchets. Les os de poulet sont des déchets humides, mais les os de porc sont des déchets secs, selon la longue liste de règles bureaucratiques dénuées de sens. Les travailleurs de l’assainissement de Shanghai sont les plus durement touchés, car ils doivent faire des heures supplémentaires pour trier les déchets, le gouvernement municipal refusant de collecter les déchets non triés. En l’absence d’incitation au profit, la classe capitaliste dirigeante en Chine n’a aucun intérêt à garantir un environnement vivable pour les masses, mais va ensuite imposer une éco-austérité brutale lorsque les coûts de la gestion des déchets deviennent trop élevés.
L’impérialisme climatique
La nouvelle guerre froide entre la Chine et les États-Unis définira les lignes de bataille du capitalisme mondial pour les décennies à venir. Dans ce domaine, les deux parties sont devenues de plus en plus hypocrites. La Chine a financé plus de 300 centrales à charbon étrangères, de l’Égypte aux Philippines, alors que Xi prétend que l’initiative Nouvelle Route de la Soie (Belt and Road initiative, BRI) sera “propre et durable”. Avec plus de 60 % des investissements de la BRI vers les énergies non renouvelables, l’administration Biden a accusé la Chine d’externaliser la pollution. Mais les États-Unis ne font pas mieux, puisqu’ils continuent à dépenser des milliards de dollars pour subventionner les combustibles fossiles à l’étranger. Alors que Biden a rédigé un décret visant à cesser de subventionner les centrales au charbon, les États-Unis continuent de financer des centrales au gaz naturel dont les émissions de carbone sont plus élevées que celles du charbon, créant ainsi une dépendance à l’égard d’une source de combustible que les États-Unis exportent désormais massivement.
La concurrence pour les ressources en énergies renouvelables, comme le lithium et le cobalt, devrait également s’intensifier. La Chine a obtenu les droits d’exploitation d’une importante mine de cobalt en République démocratique du Congo, où le travail des enfants et l’esclavage sont monnaie courante et où les polluants miniers causent souvent des dommages permanents aux communautés locales.
De même, la Chine a investi 4,2 milliards de dollars US dans des contrats de lithium en Amérique du Sud au cours des deux dernières années. Cela a alimenté la lutte des classes sur les conditions de travail et les droits fonciers des indigènes dans les Andes, les grandes entreprises d’État chinoises étant résolument du côté de la bourgeoisie locale. La demande de lithium par les deux parties, vital pour la fabrication de batteries, a été l’un des facteurs qui ont conduit au coup d’État contre le président bolivien Evo Morales en 2019, le milliardaire Elon Musk ayant tweeté : “Nous ferons un coup d’État à qui nous voulons.” Le PCC est resté largement silencieux sur l’éviction du gouvernement de Morales par les forces de droite.
La lutte des classes pour sauver la planète
La seule façon de sortir de la catastrophe climatique mondiale passe par le pouvoir de la classe ouvrière. Cela signifie qu’il faut renverser la dictature pourrie des milliardaires du PCC, qui fait passer les superprofits et son pouvoir incontesté avant la population et la planète. Sans une économie planifiée démocratiquement, aucune transition vers une société écologique n’est possible, car le capitalisme s’est construit sur base des combustibles fossiles et continue de s’appuyer sur eux.
Le régime de Xi craint de plus en plus les manifestations environnementales, sachant le potentiel explosif qu’elles peuvent avoir sur la lutte et la conscience de la classe ouvrière. Les manifestations passées contre les incinérateurs et les usines chimiques polluantes ont rassemblé des dizaines de milliers d’habitants ouvriers dans des manifestations de rue vibrantes de colère, la dernière en date étant la manifestation contre l’incinérateur de Wuhan en 2019.
L’internationalisation des mouvements de masse a commencé à s’infiltrer en Chine également, avec une couche croissante de jeunes radicalisés par les dangers du réchauffement climatique. La grève du climat de Greta Thunberg a inspiré Howey Ou, une étudiante chinoise de 16 ans incroyablement courageuse, à tenter de mener une grève scolaire similaire. Howey Ou représente une prise de conscience croissante chez les jeunes en faveur d’une approche ouvrière de la lutte pour la planète, déclarant : “La plupart des organisations environnementales s’adressent à une classe moyenne éduquée dans les villes. Mais je veux me concentrer sur ceux qui sont immédiatement touchés par le changement climatique et qui ne peuvent pas s’exprimer.”
Le talon de la répression étatique s’est rapidement retourné contre elle, le PCC l’ayant arrêtée, interrogée et lui ayant interdit de retourner à l’école. L’”environnementalisme” de Xi Jinping s’est révélé être une imposture, et le PCC craint le jour où l’immense classe ouvrière chinoise se soulèvera contre son pillage dictatorial de la nature. Les travailleurs et les étudiants chinois doivent s’organiser, créer des syndicats indépendants et des organisations étudiantes, et lutter pour le contrôle démocratique de masse de toutes les industries des combustibles fossiles et des autres secteurs économiques dominants, afin d’assurer la transition vers une société écologique et véritablement socialiste.
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La Chine, l’impérialisme et la gauche

Seconde moitié d’un article en deux parties de Per-Åke Westerlund sur la montée de l’impérialisme chinois, d’abord publié par Chinaworker.info. La première partie, L’impérialisme capitaliste d’Etat de la Chine est disponible ici.
Par Per-Åke Westerlund, Exécutif International d’Alternative Socialiste Internationale
A mesure que le conflit impérialiste entre les États-Unis et la Chine s’exacerbait ces dernières années, certaines couches de la gauche internationale ont adopté une attitude de moins en moins critique envers le régime du PCC (soi-disant communiste), niant sa répression à l’intérieur du pays et son exploitation à l’étranger, par exemple dans les pays liés à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative, BRI).
Les partisans de « gauche » du régime chinois ne remettront probablement pas en question la plupart des faits économiques présentés dans la première partie de l’article. Ils défendent les actions de facto impérialistes du régime chinois, en soutenant soit que le régime a agi par nécessité, soit que ses actions bénéficient aux citoyens ordinaires des pays concernés. Ces commentateurs, généralement issus d’un milieu politique stalinien ou maoïste, sont également connus sous le nom de “tankies”, parce qu’ils ont soutenu les chars envoyés contre les travailleurs en Hongrie en 1956, à Pékin en 1989, etc. Malgré la restauration capitaliste en Russie et en Chine, les tankies pensent qu’il y a quelque chose de “progressiste” dans ces régimes aujourd’hui.
Les apologistes du PCC ont eu du mal à accepter que les dirigeants chinois semblent s’entendre très bien avec les présidents américains et les multinationales étrangères. Xi Jinping a reçu une ovation debout lorsqu’il s’est exprimé devant le parlement australien en 2014. Un an plus tard, le premier ministre britannique de l’époque, David Cameron, a parlé de “l’âge d’or” des relations entre le Royaume-Uni et la Chine. En 2015, Xi Jinping a partagé une calèche avec la reine Elizabeth et a appelé la Grande-Bretagne conservatrice « le meilleur ami de la Chine en Occident », tandis que George Osborne, le ministre britannique des Finances, a conduit une délégation commerciale au Xinjiang et s’est attiré les louanges des médias contrôlés par l’État chinois pour n’avoir parlé que d’opportunités commerciales et n’avoir rien dit des mauvais traitements infligés aux Ouïghours ou à d’autres minorités. Et pas plus tard qu’au début de l’année 2020, Donald Trump a fait l’éloge de Xi comme d’un ami proche. Rien de tout cela ne peut être expliqué par les tankies, qui prétendent maintenant que Pékin est en première ligne de la lutte contre l’impérialisme américain.
Pendant que les politiciens et les économistes capitalistes sont accueillis en Chine, les socialistes et tous ceux qui tentent d’entrer en contact avec les travailleurs et les jeunes en lutte sont arrêtés ou expulsés. C’est parce que les vrais socialistes et marxistes, dans la même tradition que Marx, Luxemburg et Lénine, s’opposent à tous les gouvernements capitalistes et aux puissances impérialistes. Dans son livre l’Impérialisme, Lénine a tenu à souligner que même la Russie tsariste était une puissance impérialiste en développement, même si la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis et l’Allemagne étaient plus avancés. Dans son avant-propos de 1920, Lénine souligne l’oppression de la Russie sur “la Finlande, la Pologne, la Courlande, l’Ukraine, Khiva, Bokhara, l’Estonie ou d’autres régions peuplées de non-Grands Russes” et explique qu’en écrivant son livre en 1916, il avait utilisé l’exemple de l’impérialisme japonais au lieu de la Russie pour éviter la censure tsariste.
Aujourd’hui, les tankies et les apologistes du PCC prétendent que les personnes déportées ou arrêtées, et ceux qui les soutiennent, ne peuvent pas vraiment connaître les faits. C’est en soi un aveu du rôle de la dictature et de ses méthodes pour supprimer la vérité. Ils prétendent également que les socialistes ne peuvent pas utiliser les médias libéraux, bourgeois ou publics comme sources. En fait, l’argument selon lequel tous les reportages des grands médias capitalistes sont de la propagande de la CIA est souvent le seul argument des partisans du PCC. Alors, quelle est la tradition marxiste ? Karl Marx n’a jamais hésité à citer des journaux bourgeois, par exemple la presse britannique conservatrice relatant la répression de la contre-révolution après la défaite de la Commune de Paris. Marx lui-même a été pendant dix ans le correspondant du plus grand journal de New York, the Tribune, qui était lié au parti républicain. Les marxistes ne se font aucune illusion sur l’impartialité des médias capitalistes et, de même, des médias chinois contrôlés par le régime – il s’agit d’étudier les faits et les sources de manière critique.
Les critiques des tankies d’aujourd’hui ne sont rien comparées aux campagnes des partis communistes dirigés par les staliniens contre Léon Trotsky dans les années 1930. Ceux-ci assimilaient sa critique scientifique de la dictature de Staline à celle de la droite et même des nazis. Ils passaient totalement sous silence la divergence de classe – les critiques bourgeoises voulaient une contre-révolution capitaliste, tandis que le programme de Trotsky était une nouvelle révolution ouvrière pour établir un État ouvrier socialiste et démocratique. Cette division fondamentale de la critique sur la base des classes ne signifie toutefois pas que les camps de travail du Goulag ne sont qu’une invention de la droite. Les tankies critiquent l’origine des sources, alors que la véritable discussion porte sur leur soutien aux régimes staliniens, maoïstes et aujourd’hui capitalistes d’État.
L’apartheid chinois au Xinjiang
L’immense réseau de camps de concentration, les disparitions, la torture et les viols subis par la population ouïghoure et majoritairement musulmane au Xinjiang ne sont pas une invention, mais la dure réalité. L’oppression des Ouïghours s’est accrue au rythme de la restauration capitaliste en Chine et de la montée de l’impérialisme chinois. Les ressources naturelles et l’emplacement stratégique du Xinjiang, éléments clés de la BRI de Xi Jinping, combinés à la peur de l’opposition de la population non-han, ont fait augmenter d’un cran la répression de la part de Pékin contre le Xinjiang/Turkestan oriental.
Jusque dans les années 1950, les Hans représentaient 5 % de la population du Xinjiang. Cela a changé avec la restauration et l’exploitation capitaliste dans les années 1990, lorsque des millions de migrants han sont arrivés. Aujourd’hui, les Ouïghours, environ 12 millions de personnes, représentent moins de la moitié de la population du Xinjiang, tandis que les Han en représentent plus de 40 %.
D’après l’universitaire Darren Byler, qui a vécu pendant deux ans à Ürümqi et a continué à étudier le Xinjiang, la domination du PCC dans le Xinjiang se manifeste par “la mise en place d’un système de laissez-passer, la construction de camps d’internement, un système de contrôle par quadrillage policier, [qui] émule les tentatives des régime d’apartheid en Afrique du Sud de l’apartheid et d’Israël de contrôler systématiquement les minorités indésirables”. Un autre tournant a été la guerre contre le terrorisme déclarée par George W. Bush après le 11 septembre. Le PCC a rapidement adopté la rhétorique de l’Occident et a désigné collectivement les Ouïghours comme des terroristes présumés.
Un article paru dans la revue américaine de gauche Monthly Review accusait ceux qui rendaient compte des camps et de la répression au Xinjiang de soutenir l’impérialisme américain ; il a suscité une réponse ferme de Byler et de 35 autres universitaires du monde entier. La réponse disait que les politiques de la Chine étaient “une appropriation délibérée des pratiques occidentales de lutte contre le terrorisme”, et que les deux camps devaient être condamnés, de même que l’islamophobie aux États-Unis et en Chine.
Cette réponse pointait également clairement les racines capitalistes des politiques de Pékin : “Le lien entre l’expansion capitaliste et l’oppression des communautés indigènes est connu de la gauche depuis longtemps. Ne pas reconnaître et ne pas critiquer cette dynamique est une forme d’aveuglement volontaire.” Byler lui-même s’est déclaré dans une interview “profondément critique du militarisme américain”. Il décrit la Chine comme un pays capitaliste d’État et le système au Xinjiang comme un “capitalisme de la terreur”. Le gouvernement du Xinjiang a accusé Byler d’être un “agent de la CIA”. Il s’agit d’une accusation souvent lancée par les nationalistes chinois et parfois par leurs partisans étrangers contre quiconque critique le régime de Xi, y compris les féministes et les militants syndicaux chinois.
Les émeutes de juillet 2009 ont marqué un tournant décisif dans l’histoire moderne du Xinjiang. Elles ont été déclenchées par les meurtres racistes de deux travailleurs migrants Ouïghours dans une usine de la province de Guangdong. Quelques jours plus tard, une manifestation initialement pacifique de jeunes Ouïghours à Ürümqi, qui défilaient derrière le drapeau de la RPC et demandaient une enquête sur les meurtres de Guangdong, a été prise pour cible par des policiers armés. L’émeute a été provoquée par la montée de la répression et de la discrimination, comme le remplacement du ouïghour par le chinois comme seule langue dans les écoles, l’accaparement des terres ouïghoures et la réglementation de la pratique religieuse et du code vestimentaire.
“La guerre du peuple contre le terrorisme”
En réponse à certaines attaques terroristes désespérées, l’État chinois a déclaré en mai 2014 la “guerre du peuple contre la terreur”, dirigée contre les Ouïghours en tant que groupe. Les socialistes se sont toujours opposés au terrorisme individuel, une méthode qui ne mène jamais à rien si ce n’est à encore plus de répression, et ne fait pas avancer la lutte contre l’oppression, comme l’a montré cet exemple. 300 000 Ouïghours ont été forcés à quitter Ürümqi par un système de passeport interne et les déplacements sont restreints par des points de contrôle. Le système des camps a été introduit. En 2017, le Xinjiang était devenu un État policier complet.
“Au début de 2017, l’État avait recruté “près de 90 000 nouveaux policiers” et augmenté le budget de la sécurité publique du Xinjiang de plus de 356% pour atteindre environ 9,2 milliards de dollars”, rapporte Byler. “En raison du sous-emploi généralisé, un grand nombre d’Ouïghours ont été attirés dans les forces de police”.
Un système de vérification des téléphones et des ordinateurs de chaque Ouïghour a été mis en place, parallèlement à une surveillance avancée. “À elles seules, deux entreprises technologiques basées à Hangzhou, Dahua et Hikvision, ont obtenu des contrats d’une valeur de plus de 1,2 milliard de dollars pour construire l’infrastructure de sécurité dans l’ensemble de la patrie ouïghoure. Ces techniques de sécurité sont devenues des produits d’exportation chinois vers les régimes autoritaires.
Pendant cette même période, le pétrole et le gaz naturel représentaient plus de la moitié du PIB du Xinjiang. L’agriculture industrielle à grande échelle, principalement le coton et les tomates, s’est également développée. Il ne s’agit pas d’un “conflit ethnique” mais d’une attaque unilatérale de l’État. Ainsi, le Xinjiang est marqué à la fois par un système raciste d’apartheid contre les Ouïghours et par une exploitation économique coloniale. Les Ouïghours sont discriminés par rapport aux colons han en matière de logement, d’emploi et de salaire. De vastes projets d’infrastructure sont construits pour assurer les profits futurs et renforcer le contrôle de Pékin.
Il existe d’innombrables témoins oculaires de viols et de tortures, ainsi que d’enfants enlevés à leur famille. Avec environ un million de Ouïghours envoyés dans des camps, tout le monde connaît quelqu’un qui a été détenu. L’objectif est de briser mentalement les Ouïghours, en les obligeant à subir des procédures extrêmement humiliantes pour prouver leur loyauté envers le PCC et le chef suprême Xi Jinping. En outre, Pékin choisit des “leaders” uïghours pour représenter le régime au Xinjiang.
Le caractère raciste et anti-Ouïghour des politiques du PCC apparaît le plus clairement dans leurs programmes de contrôle des naissances, y compris la coercition (par la perte de droits économiques et juridiques, et pire encore) des femmes Ouïghoures pour qu’elles acceptent l’implantation d’un DIU (dispositif intra-utérin). Malgré le démenti de ces actions, même l’annuaire statistique officiel de la Chine et l’annuaire statistique du Xinjiang montrent que le taux de natalité dans le Xinjiang a diminué de moitié en deux ans. Cela inclut la population han. Dans les deux plus grandes régions ouïghoures, le taux de natalité a chuté de 84 % entre 2015 et 2018.
À l’échelle internationale, ces faits ont d’abord été publiés par le chercheur Adrian Zenz, un fondamentaliste chrétien de droite. Mais ceux qui utilisent la politique de Zenz pour discréditer ses rapports, y compris les médias contrôlés par l’État chinois, passent sous silence le fait que ses sources sont constituées de statistiques officielles chinoises. La propagande pro-CCP veut se concentrer sur cet individu, mais les faits sont également étayés par les récits de femmes qui ont elles-mêmes été dans les camps.
Le système des camps est structuré selon différents niveaux de normes carcérales, depuis l’”éducation” de propagande contre la langue et la culture ouïghoures, le travail forcé dans les usines, jusqu’aux dispositifs contraceptifs forcés, la stérilisation des femmes et la torture.
L’État dirigé par le PCC ne nie plus l’existence des camps, mais prétend qu’ils sont destinés à la “rééducation”, à la “formation professionnelle” et à la promotion de la “santé reproductive” des femmes. Il présente toute critique des camps comme une campagne de l’impérialisme américain, mais ne donne jamais accès aux camps aux reporters crédibles. Le fait que l’impérialisme américain critique maintenant le traitement des Ouïghours relève de la pure politique de pouvoir et de l’hypocrisie. Ce que subissent les Ouïghours est loin d’être nouveau. En 2002, les États-Unis, en coopération avec la Chine, ont capturé 22 Ouïghours en Afghanistan et au Pakistan et les ont emmenés dans le célèbre camp de torture américain de Guantanamo Bay. Aucun d’entre eux n’a été identifié comme djihadiste ou lié à Al-Qaïda, mais les trois derniers n’ont été libérés qu’en 2013. En 2017, l’interdiction de voyager aux musulmans décrétée par Trump a également été très appréciée par les dirigeants du PCC.
Lorsqu’il a été demandé aux 48 plus grandes entreprises américaines en Chine de commenter la politique menée contre les Ouïghours, seules six d’entre elles ont répondu et une seule a exprimé certaines critiques. Il est clair que l’impérialisme américain veut utiliser les camps et le traitement des Ouïghours dans sa guerre froide contre la Chine, mais qu’il n’est en aucun cas un allié dans la lutte des opprimés.
Taïwan, la Chine et les États-Unis
Taïwan est un point chaud de la guerre froide entre la Chine et l’impérialisme américain. C’est également un pays et un État de facto comptant plus de 23 millions d’habitants. Lorsque Chiang Kai-shek et son Kuomintang se sont réfugiés à Formose (Taïwan) après la victoire de la révolution chinoise en 1949, le Kuomintang a baptisé l’île “République de Chine”, dans le but de la réunir à terme avec la Chine continentale. Cette position a depuis lors été défendue tant par le régime du PCC à Pékin que par les successeurs de Chiang Kai-shek au sein du Kuomintang. À Taïwan, les capitalistes et le Kuomintang se sont subordonnés depuis des décennies au régime du PCC sur le continent, en raison de la forte attraction de l’économie chinoise. Même les politiciens nationalistes taïwanais du Parti démocratique progressiste (DPP), aujourd’hui au gouvernement, se sont abstenus d’aller trop loin dans leur critique de Pékin.
Telle a également été la position des gouvernements américains depuis les années 1970, lorsque Nixon et les ses successeurs ont officiellement reconnu la “République populaire” plutôt que la “République”. La priorité était aux profits et au commerce. Sur le plan militaire, cependant, l’impérialisme américain a maintenu une alliance étroite avec Taïwan en raison de sa position stratégique et comme point de pression sur le régime de Pékin.
En réalité, Taïwan est devenu un État et un pays distinct. L’ancienne idée de “réunification” a perdu la plupart de ses partisans sur l’île. C’est l’une des raisons de l’implosion électorale du Kuomintang, qui est aujourd’hui contraint de prendre ses distances avec le PCC. L’introduction de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, qui abolit les droits démocratiques, a fini de détruire toutes les illusions d’un arrangement “un pays, deux systèmes” pour la “réunification” de Taïwan. Aujourd’hui, seuls 12,5 % des Taïwanais sont favorables à l’unification, tandis que 54 % sont favorables à l’indépendance formelle et 23,4 % au statu quo, c’est-à-dire à l’indépendance de facto.
En raison de ses politiques durement répressives, notamment à Hong Kong, la seule façon pour la dictature du PCC de maintenir sa position selon laquelle Taïwan fait partie de la Chine est l’action ou la menace d’action militaire. Au cours de l’année dernière, les forces aériennes et navales chinoises ont multiplié les exercices autour de Taïwan, accompagnés de déclarations politiques militaristes. Il s’agit en partie d’une tentative de Xi Jinping de montrer sa force, et en partie d’une réponse à l’avancée de l’impérialisme américain en Asie de l’Est, qui a commencé sous Obama et s’est intensifié sous Trump. Cela s’est manifesté par de nouveaux contrats d’exportation d’armes, une présence militaire plus fréquente et, l’année dernière, la publication du pacte de défense entre les États-Unis et Taïwan, jusque là secret. La tentative du PCC de faire peur aux Taïwanais pour qu’ils soutiennent l’unification est vouée à l’échec. Le seul résultat sera une montée du soutien à l’indépendance.
Les marxistes défendent l’unité de la classe ouvrière et des masses opprimées. Cette unité ne peut être atteinte qu’avec une position correcte sur la question nationale. Cela signifie qu’il faut comprendre l’état d’esprit et la conscience des travailleurs. Une fois encore, Lénine et les bolcheviks ont montré la voie, en déclarant que l’opposition au “droit à l’autodétermination ou à la sécession signifie inévitablement, dans la pratique, le soutien aux privilèges de la nation dominante.” Le fait d’être perçu comme des partisans d’un État oppresseur bloquera toute tentative de construire l’unité de la classe ouvrière.
La révolution russe de 1917 a libéré les nations opprimées mais n’a en aucun cas soutenu l’impérialisme étranger. Au contraire, les puissances impérialistes sont intervenues en Russie contre la révolution, qui avait libéré la Finlande, l’Ukraine et d’autres nations.
De même, le soutien à l’indépendance ne signifie pas le soutien à l’impérialisme américain, et l’indépendance de Taïwan ne sera jamais acquise avec l’aide des États-Unis. À l’ère de l’impérialisme, les mouvements de libération nationale réussis n’ont jamais été dirigés par des nationalistes bourgeois et, bien sûr, encore moins par l’impérialisme. Dans le cas de Taiwan, l’indépendance ne peut être obtenue que par une lutte de masse contre les capitalistes et les partis politiques de l’establishment – et surtout en combinaison avec la lutte de la classe ouvrière en Chine continentale contre la dictature du PCC et le capitalisme chinois. Dans aucun conflit national, les socialistes ne soutiendront les classes dirigeantes d’aucun des campas. A Taiwan, cela signifie aucun soutien aux Etats-Unis, à la Chine ou aux partis politiques capitalistes taïwanais, DPP et le Kuomingtang.
Hong Kong
Pour les perroquets de la dictature du PCC – qui ne voient que les quelques drapeaux rouges et le nom “Parti communiste” et non la réalité de la brutale dictature capitaliste et impérialiste – les mouvements de masse à Hong Kong, en particulier en 2019, sont des « révolutions de couleur » parrainées par les États-Unis.
Les faits démontrent le contraire. Le 4 octobre 2019, alors que le mouvement de masse à Hong Kong durait depuis quatre mois, le Guardian écrivait: “Les responsables américains ont été interdits de soutenir les manifestations pro-démocratie à Hong Kong, après que Donald Trump aurait promis que les États-Unis n’en parleraient pas pendant les négociations commerciales. Selon CNN, Donald Trump a pris cet engagement auprès de son homologue chinois, Xi Jinping, lors d’un appel téléphonique en juin. (…) En raison de cette consigne de silence, le consul général américain à Hong Kong, Kurt Tong, a été prié d’annuler une apparition dans un groupe de réflexion américain ainsi qu’un discours sur les manifestations qui ont secoué le territoire…”
Donald Trump lui-même a donné la position américaine : “Quelqu’un a dit qu’à un moment donné, ils vont vouloir arrêter cela. Mais c’est entre Hong Kong et la Chine, car Hong Kong fait partie de la Chine. Ils devront s’en occuper eux-mêmes. Ils n’ont pas besoin de conseils”. Le même article souligne également que Trump n’a pas voulu faire de commentaires sur le Xinjiang et le traitement des Ouïghours. Dans ses mémoires, John Bolton, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, a affirmé que ce dernier avait dit à Xi Jinping que les camps de prisonniers du Xinjiang étaient “exactement la chose à faire”.
D’une manière générale, l’impérialisme américain n’encourage pas les mouvements de masse, ni ne les soutient. Chaque fois qu’il parle positivement d’un mouvement de la base, Washington se concentre sur les éventuels leaders fiables qu’il peut amadouer et sur la manière de désamorcer le mouvement.
Lorsque le mouvement a explosé à Hong Kong en 2019, avec des manifestations rassemblant un ou deux millions de participants, il a exprimé la colère, la frustration et la crainte que les promesses de réformes démocratiques soient remplacées par de nouvelles limitations des droits. Les droits démocratiques étaient considérés à juste titre comme les moyens nécessaires pour améliorer la vie des gens ordinaires dans une société où les inégalités sont extrêmes et où le système de protection sociale est quasiment inexistant. L’immense mouvement a été déclenché par un amendement juridique impopulaire, mais il s’est rapidement transformé en un appel à la démission du gouvernement local, fidèle à Pékin, et à des élections “une personne, un vote”. Les promesses de retirer l’amendement juridique (permettant les extraditions) n’ont eu aucun effet.
Ce mouvement a pris par surprise toutes les forces et tous les partis de l’establishments. Les pan-démocrates, que les masses considéraient comme des dirigeants ayant échoué dans la lutte pour les droits démocratiques, n’ont pratiquement joué aucun rôle. Le véritable leadership est revenu aux jeunes non organisés.
Le régime de Xi Jinping considérait le mouvement comme une menace, craignant qu’il ne s’étende au continent. Toutefois, lorsque le mouvement de Hong Kong était à son apogée, Pékin s’est abstenu d’intervenir avec ses propres forces d’État. Mais il a toujours été clair que sans victoire, le PCC organiserait ses représailles. C’était également important pour Xi, pour montrer au monde, y compris aux factions plus conciliantes au sein de l’État du PCC, qui dirige Hong Kong.
La victoire de ce mouvement impressionnant n’était possible que s’il s’étendait à la Chine, et si la classe ouvrière, par le biais de mouvements de grève générale, montrait la voie. Sinon, l’épuisement et la confusion, renforcés par les restrictions imposées par la pandémie, finiraient tôt ou tard par faire des ravages. C’est dans cette dernière phase que les drapeaux américains et les appels à l’intervention de Trump ont commencé à apparaître plus largement à Hong Kong. L’impérialisme américain est également devenu plus critique à l’égard de la politique chinoise à Hong Kong, en raison de l’intensification de la guerre froide. C’était aussi par volonté de maintenir Hong Kong comme principal centre d’affaires et financier de la région. Des sanctions symboliques à l’encontre de certains dirigeants éminents de Hong Kong et de quelques responsables du PCC n’est pas la même chose qu’un soutien réel aux demandes des masses à Hong Kong.
La dictature du PCC est en train d’imposer les conditions de la Chine continentale à Hong Kong, d’interdire les droits des démocrates, de renforcer la surveillance et les forces répressives, d’emprisonner les politiciens de l’opposition et les dirigeants syndicaux, et d’utiliser tout cela pour répandre la terreur. Pékin sait qu’il ne dispose d’aucune base sociale à Hong Kong. Lors des élections locales de novembre 2019, les partisans du PCC ont subi des pertes historiques. Les mesures récentes, dont le remaniement complet du système politique de Hong Kong, visent à empêcher qu’une telle chose ne se reproduise.
Il n’y a rien de progressiste ou d’anticapitaliste dans les actions du PCC à Hong Kong. La plupart des magnats milliardaires du territoire les soutiennent, ainsi que les grandes banques. HSBC, anciennement la plus grande banque d’Europe mais qui est en train de transférer son siège social de Londres à Hong Kong, a déclaré publiquement son soutien à la loi sur la sécurité nationale. Tout comme une autre banque britannique, Standard Chartered : “Nous pensons que la loi sur la sécurité nationale peut contribuer à maintenir la stabilité économique et sociale à long terme de Hong Kong.”
Combattre l’impérialisme et les méthodes fascistes
Non seulement les tankies, mais aussi d’autres personnes de gauche, ont peur des comparaisons entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois, ou entre les méthodes du PCC et les dictatures fascistes ou militaires. Il n’y a aucune raison pour les socialistes de faire un classement de la violence des différentes puissances impérialistes. Lors de la Première Guerre mondiale, Lénine et les bolcheviks ont mis l’accent sur l’opposition à toutes les puissances impérialistes, tandis que la majorité des dirigeants des partis sociaux-démocrates en Europe ont soutenu leur “propre” État, en faisant valoir qu’il était plus “démocratique” ou que l’autre camp était l’”agresseur”.
S’opposer à tous les impérialismes ne veut toutefois pas dire que tous sont identiques. Là où la lutte des travailleurs et des pauvres a imposé des réformes démocratiques, la possibilité d’organiser d’autres luttes est évidemment bien meilleure. La démocratie capitaliste a de sérieuses limites, le pouvoir réel étant entre les mains des capitalistes, mais elle offre la possibilité de s’organiser en syndicats et en partis, de s’exprimer et d’imprimer (et de poster sur Internet), de faire grève et d’organiser des manifestations. Ces droits sont limités sous le capitalisme et doivent être continuellement combattus, contre les nouvelles tentatives de l’establishment de reprendre les victoires antérieures, contre le démantèlement des syndicats, la propagande réactionnaire et les lois répressives.
Dans les années 30, Léon Trotsky a comparé les méthodes de Staline à celles d’Hitler, écrivant que Staline avait appris de ce dernier. Commentant le pacte au début de la Deuxième Guerre mondiale, Trotsky a rappelé à ses lecteurs qu’il avait, pendant un certain temps, averti que “Staline cherche à s’entendre avec Hitler”.
Trotsky a soulevé ces similitudes malgré des caractéristiques sociales différentes, l’URSS étant un État ouvrier dégénéré et l’Allemagne une dictature capitaliste fasciste. Le fascisme s’est bien sûr développé en tant que mouvement de masse utilisé pour écraser toutes les organisations ouvrières et démocratiques en Italie et en Allemagne. Peu après sa prise de pouvoir, le mouvement de masse du fascisme a été remplacé par une machine d’État violente.
Des dictateurs militaires brutaux tels que Pinochet au Chili et Suharto en Indonésie ont utilisé des méthodes fascistes pour écraser les organisations de la classe ouvrière – partis communistes et socialistes, syndicats, etc. Aujourd’hui en Chine, le PCC utilise les mêmes méthodes répressives brutales contre les travailleurs en lutte et les autres expressions d’opposition en Chine. Au Xinjiang, la campagne d’État contre les Ouïghours combine des mesures brutales visant à exterminer leur culture, leur langue et leur religion, avec le colonialisme de peuplement. C’est l’impérialisme capitaliste d’État de la Chine.
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L’impérialisme capitaliste d’État chinois

Dans cette première partie, Per-Åke Westerlund examine la croissance de l’impérialisme chinois et ce que cela signifie pour la construction de la solidarité internationale des travailleurs contre le capitalisme international. La seconde partie sera publiée demain.Par Per-Åke Westerlund, Exécutif international de l’ISA
Ces dernières décennies, la Chine, devenue l’atelier du monde, a été le principal moteur de la mondialisation capitaliste. Les entreprises multinationales, en particulier celles des États-Unis, ont réalisé des superprofits sans se soucier de la dictature et des conditions de travail en Chine. Il s’agissait d’un processus gagnant-gagnant pour les classes dirigeantes des deux États – la croissance économique et la faible inflation ont contribué à masquer et à atténuer l’accumulation des contradictions.
Ce processus ne pouvait pas durer éternellement et a commencé à s’inverser. A l’instar de l’impérialisme allemand contre l’Empire britannique jusqu’à la Première Guerre mondiale, l’impérialisme américain est aujourd’hui concurrencé par Pékin dans tous les domaines – économie, technologie, finances, armée et relations internationales. L’impérialisme “engendre des contradictions, des frictions, des conflits particulièrement aigus et violents”, expliquait Lénine, et à son époque, cela a débouché sur une guerre ouverte. Aujourd’hui, nous avons une guerre froide.
Une confrontation impérialiste à long terme
Le bilan de l’impérialisme américain est clair comme de l’eau de roche. Washington n’a jamais hésité à recourir à la guerre et à la force pour maintenir son pouvoir. C’est la plus grande puissance militaire que le monde ait jamais vue. Son concurrent, l’impérialisme chinois, est une dictature brutale contre les travailleurs et toute opposition. Ces deux forces sont maintenant positionnées pour une confrontation impérialiste mondiale à long terme. La guerre froide variera en intensité, comportera de nouveaux rebondissements et alliances, mais ne disparaîtra pas. En parallèle, la course aux armements s’intensifie, et les dépenses militaires et exportations d’armes atteignent des records.
Les socialistes et la classe ouvrière doivent avoir une position socialiste indépendante et révolutionnaire et organiser la lutte contre toutes les forces impérialistes. Aucune puissance impérialiste, et encore moins les forces militaires, ne pourront jamais “libérer” les opprimés. Les politiciens capitalistes américains qui, aujourd’hui, condamnent soudainement la dictature en Chine, ont fermé les yeux sur celle-ci pendant des décennies – et font encore de même avec des régimes dictatoriaux comme celui de l’Arabie Saoudite. De même, la lutte contre l’impérialisme américain ne peut en aucun cas justifier le soutien au régime de Pékin. Cependant, certains groupes de “gauche” ont soutenu les bombardements américains en Libye en 2011 et d’autres qualifient la critique de la dictature chinoise de soutien à l’impérialisme américain.
Il n’y a aucun doute sur qui profite du régime en Chine aujourd’hui. C’est une société extrêmement inégalitaire qui compte 878 milliardaires en dollars, soit une augmentation de 257 en 2020 et bien plus que les 649 milliardaires américains. Dans la même veine, l’éducation, les soins de santé et le logement sont largement privatisés et les travailleurs n’ont aucun droit sur les lieux de travail. L’accaparement des terres par les autorités et les scandales environnementaux sont fréquents.
Les vrais socialistes se définissent par leur soutien aux luttes des travailleurs partout dans le monde. En Chine, les travailleurs qui luttent pour leurs droits subissent une répression sévère de la part du régime, y compris des enlèvements, la torture et la prison. La machine étatique d’oppression est énorme – des millions de personnes sont employées dans la police, l’armée, les agences de renseignement et l’énorme appareil de surveillance. Ce système fonctionne en coopération avec des entreprises chinoises privées et publiques – mais aussi avec les entreprises américaines et occidentales présentes dans le pays. Les capitalistes et les gouvernements internationaux craignent les mouvements révolutionnaires, quel que soit le pays – s’ils apportent parfois un soutien hypocrite, c’est pour faire dérailler ces luttes et les étouffer de leur étreinte.
Alternative Socialiste Internationale défend la solidarité et le soutien à la lutte des travailleurs en Chine, à Hong Kong et dans le monde. Toute lutte pour les conditions de travail, les emplois, les salaires, l’environnement, l’éducation et d’autres questions importantes devient immédiatement une lutte contre la dictature du PCC (Parti Communiste Chinois) à Pékin. La répression brutale de l’État finit par être utilisée contre toute plaintes et manifestations locales. Par conséquent, les revendications démocratiques – le droit de manifester, d’organiser des syndicats, la liberté d’Internet et des médias – sont au cœur de toute lutte en Chine et à Hong Kong, et sont intimement liées à la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de l’environnement. Les revendications démocratiques deviennent révolutionnaires car elles constituent une menace pour le régime et ne peuvent être obtenues que par une lutte de masse révolutionnaire de la classe ouvrière.
Les socialistes doivent être préparés à la confrontation entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois. Le véritable internationalisme de la classe ouvrière signifie solidarité et lutte contre le système capitaliste et impérialiste mondial, pour que les travailleurs et les opprimés prennent le pouvoir.
Qu’est-ce que l’impérialisme ?
Le classique de l’analyse marxiste est « l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme » de Lénine, écrit en 1916. Pour comprendre et expliquer cette nouvelle phase, il analyse le capitalisme mondial plutôt qu’un ou deux pays, et les processus sur une plus longue période. C’est ce que les marxistes appellent aujourd’hui des perspectives. L’impérialisme se développe avec la concentration du capital. Les entreprises géantes en croissance deviennent des monopoles, « une loi générale et fondamentale du stade actuel de développement du capitalisme ». Cela signifie qu’en s’associant avec les banques et en étant contrôlé par elles, le capital financier prend le pouvoir. C’est un capitalisme en décomposition et parasitaire : « l’essentiel des profits va aux “génies” de la manipulation financière ». Il n’y a plus de “frontière” entre le capital spéculatif et le capital productif.
Toutes les caractéristiques de l’impérialisme décrites par Lénine existent depuis des décennies en Chine. L’économie produit pour un marché de masse, en Chine et dans le monde, mais l’appropriation des bénéfices est privée, pour les capitalistes étrangers et chinois. Quelques monopoles dominent dans toutes les sphères de l’économie – finance, énergie, internet, etc – et, en Chine, avec des caractéristiques de capitalisme d’État. Lénine, dans L’impérialisme, a montré les « liens personnels » des grandes entreprises avec les banques et le gouvernement, en Allemagne et ailleurs. C’était également le cas pour la confiscation de terres et la spéculation foncière, une question qui a suscité de nombreuses contestations en Chine.
En Chine, les entreprises privées et les puissants capitalistes travaillent main dans la main avec la dictature d’État du PCC. Les plus grands milliardaires sont membres du PCC et les ministres, généraux et dirigeants du parti sont plus riches que n’importe quel autre gouvernement dans le monde. Le concept de “ploutocratie et bureaucratie” de Lénine – les super riches et l’État – a atteint sa perfection en Chine sous la forme du capitalisme d’État. Cependant, comme dans toutes les sociétés capitalistes, cela ne crée en aucun cas la stabilité, mais empile les contradictions et prépare de nouvelles crises.
Pas de super-impérialisme
Lénine s’est fermement opposé à la théorie de Karl Kautsky, selon laquelle l’impérialisme fusionnerait en une seule union, “l’ultra-impérialisme”. Selon cette théorie, les guerres et les conflits cesseraient, tandis que l’exploitation financière se poursuivrait. C’était un argument contraire au marxisme, qui définit la bourgeoisie comme des classes capitalistes nationales, incapables de surmonter leurs intérêts nationaux. En outre, la théorie du super-impérialisme entretenait l’illusion d’un développement pacifique de l’impérialisme. C’était la théorie de Lassalle qui considérait la bourgeoisie comme “une masse grise”, au lieu de comprendre ses conflits internes et ses scissions, sur une scène mondiale.
Selon Lénine, “une caractéristique essentielle de l’impérialisme est la rivalité entre plusieurs grandes puissances dans la lutte pour l’hégémonie, c’est-à-dire pour la conquête de territoires, non pas tant directement pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie”. L’impérialisme moderne signifie “la compétition entre plusieurs impérialismes”. Après la Seconde Guerre mondiale, l’impérialisme américain était le leader du bloc capitaliste, dans une guerre froide contre l’Union soviétique principalement, mais aussi contre la Chine. Ces deux derniers pays étaient des économies planifiées bureaucratiques non capitalistes dirigées de manière dictatoriale par des partis “communistes” qui n’étaient pas de véritables partis, mais l’appareil d’État. Lorsque le stalinisme s’est effondré en Union soviétique et que le capitalisme a été rétabli en Chine, l’impérialisme américain semblait rester la seule superpuissance.
Toutefois, le rapport de forces entre les puissances évolue au fil du temps, principalement en fonction de la puissance économique. La croissance de l’économie chinoise par rapport à celle des États-Unis et le développement de l’Asie comme principale arène de croissance économique ont entraîné un changement progressif et une concurrence. Dans un certain sens, c’est devenu comme la concurrence du capitalisme allemand contre les Britanniques à partir des années 1870. Dans des domaines de production clés tels que l’acier, l’Allemagne est passée de la moitié du niveau de production britannique à une production deux fois plus importante. Sur la base de l’expérience de la Première Guerre mondiale, Lénine a demandé : “sous le capitalisme, quelle autre résolution des contradictions peut être trouvée que celle de la force ?” Aujourd’hui, bien que les États-Unis et la Chine soient tous deux capitalistes, il y a une guerre froide. Ce qui empêche une guerre chaude, c’est l’existence d’armes nucléaires qui pourraient détruire le monde entier. Une raison toute aussi importante est qu’une grande majorité de la population s’oppose à la guerre.
Des incidents militaires et des guerres par procuration, comme en Syrie, sont possibles, mais une guerre totale entre les États-Unis et la Chine n’est pas sur la table pour le moment. La guerre froide se poursuivra et, contrairement à de nombreuses prédictions, les classes dirigeantes des deux camps risquent de perdre du terrain en conséquence. Le soutien initial au nationalisme sera contrecarré par le coût du conflit et les graves crises politiques, économiques, environnementales et sociales internes dans les deux pays et blocs.
Diviser le monde
Dans la définition de l’impérialisme de Lénine, le développement des monopoles et le rôle du capital financier sont liés à la mondialisation : l’exportation de capitaux, le développement des entreprises multinationales et transnationales, et “la division territoriale du monde entier entre les plus grandes puissances capitalistes”. En quelques décennies, à la fin des années 1800, les principales puissances impérialistes se sont partagé le monde. Lénine les appelle “deux ou trois puissants pillards mondiaux armés jusqu’aux dents”. [Ce partage du monde] était le résultat d’un « énorme “surplus de capital”… dans les pays avancés ». Les capitalistes y ont été forcés par la concentration du capital et du monopole. Celle-ci a conduit à une course aux ressources et aux marchés, aux profits et au pouvoir, dans les pays moins développés où “le prix de la terre est relativement bas, les salaires sont bas, les matières premières sont bon marché”. Il s’agissait également d’une “lutte pour les sphères d’influence”.
Dans les années 1800, l’Empire britannique était le premier producteur pour le marché mondial. Sa supériorité technologique dans la production de textiles, de machines, etc., a ruiné la production locale à petite échelle dans d’autres pays, par exemple en Amérique latine. Bien que Lénine ait décrit le processus comme un partage définitif du globe, il a également souligné que “des repartages sont possibles et inévitables”. Cela s’est bien sûr avéré à maintes reprises depuis lors, notamment lors des deux guerres mondiales impérialistes. Les années 1900 ont également vu l’impérialisme américain devenir la puissance impérialiste dominante, reléguant les autres puissances impérialistes au second plan.
Pendant une période relativement longue, l’impérialisme américain a accepté la croissance économique de la Chine, car Pékin semblait accepter de rester une sorte de sous-traitant. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, alors que l’économie chinoise est en passe de devenir la plus importante au monde, plusieurs processus ont modifié l’équilibre entre les deux puissances. Le modèle capitaliste d’État chinois semblait moins endommagé par la crise mondiale de 2008-09 et le régime a pris des mesures audacieuses. En 2015, le programme “Fabriqué en Chine 2025” a été publié : il vise à ce que la Chine devienne le leader dans les domaines de la technologie et à devenir moins dépendant de l’Occident et des États-Unis.
L’initiative Nouvelle Route de la Soie (Belt and Road Initiative, BRI) est un réseau géant d’accords entre la Chine et les gouvernements de plus de 100 pays sur tous les continents. Son lancement montre que la Chine suit la loi générale du capital qui dépasse les frontières nationales. Les routes, les chemins de fer, les ports, les aéroports, les pipelines, etc. de la BRI relieront les États participants à l’économie chinoise par le biais du commerce, de prêts et de dettes. La BRI donne à la Chine un accès aux infrastructures, aux sources d’énergie et aux terres. Elle augmentera l’utilisation de la technologie chinoise dans les pays participants. Les investissements directs étrangers annuels de la Chine ont quadruplé entre 2009 et 2016, atteignant près de 200 milliards de dollars. Au total, les sorties d’Investissement Direct à l’Etranger de la Chine entre 2005 et 2020 s’élèvent à près de 2100 milliards de dollars. Un tiers de cette somme a été investi dans les ressources énergétiques.
Les chemins de fer
Dans L’impérialisme, Lénine écrit : « La construction des chemins de fer semble être une entreprise simple, naturelle, démocratique, culturelle, civilisatrice : elle apparaît ainsi aux yeux des professeurs bourgeois qui sont payés pour masquer la hideur de l’esclavage capitaliste, ainsi qu’aux yeux des philistins petits-bourgeois. En réalité, les liens capitalistes, qui rattachent par mille réseaux ces entreprises à la propriété privée des moyens de production en général, ont fait de cette construction un instrument d’oppression pour un milliard d’hommes (les colonies plus les semi-colonies), c’est-à-dire pour plus de la moitié de la population du globe dans les pays dépendants et pour les esclaves salariés du capital dans les pays “civilisés”. 200 000 kilomètres de nouvelles voies ferrées dans les colonies et les autres pays d’Asie et d’Amérique représentent plus de 40 milliards de marks de capitaux nouvellement investis à des conditions particulièrement avantageuses avec des garanties spéciales de revenus, des commandes lucratives aux aciéries, etc., etc. »
Au cours des dix dernières années, 34 pays ont signé des contrats avec des sociétés chinoises pour la construction de nouveaux chemins de fer. Il s’agit notamment des lignes Chine-Laos, Addis-Abeba-Djibouti, Mombasa-Nairobi, Lagos-Ibadan, et de nombreux autres chemins de fer spectaculaires. Ils sont construits par les principales entreprises chinoises de construction ferroviaire, financés par des prêts de la Chine et faisant également appel à un grand nombre d’ouvriers et de techniciens chinois. Au total, des projets ferroviaires d’une valeur de 61,6 milliards de dollars ont été signés entre des gouvernements et des entreprises chinoises entre 2013 et 2019. Les projets d’infrastructure ne sont pas des œuvres de bienfaisance, mais sont construits pour transporter plus efficacement les importations et les exportations, donnant accès au pétrole, aux minéraux et aux autres ressources naturelles, et établissant un lien politique entre le régime du PCC en Chine et les gouvernements du monde entier.
Les dettes
Déjà en 1916, Lénine soulignait également que le capital financier avait une forte emprise sur les pays dans le besoin. « De nombreux pays étrangers, de l’Espagne aux États des Balkans, de la Russie à l’Argentine, au Brésil et à la Chine, se présentent ouvertement ou secrètement sur le grand marché monétaire avec des demandes de prêts parfois très persistantes. » En outre, il a montré comment les prêts étaient liés à des demandes d’exportation : « La chose la plus habituelle est de stipuler qu’une partie du prêt accordé doit être consacrée à des achats dans le pays créancier, notamment à des commandes de matériel de guerre, ou de navires, etc. »
Dans les années 2000, la Chine est devenue le principal créancier et exportateur de capitaux. Une étude des économistes Sebastian Horn, Carmen M. Reinhart et Christoph Trebesch (Harvard Business Review, février 2020) a révélé que « l’État chinois et ses filiales ont prêté environ 1 500 milliards de dollars en prêts directs et en crédits commerciaux à plus de 150 pays dans le monde. Cela a fait de la Chine le plus grand créancier officiel du monde – dépassant les prêteurs traditionnels et officiels tels que la Banque mondiale, le FMI ou tous les gouvernements créanciers de l’OCDE réunis. »
La plupart des prêts sont liés à des investissements dans les infrastructures et les ressources naturelles par l’État chinois et les entreprises chinoises. Il en résulte une dépendance extrême des pays débiteurs vis-à-vis de la Chine. La plupart des prêts sont basés sur des conditions commerciales ; moins de cinq pour cent seulement sont sans intérêt.
« Pour les 50 principaux pays en développement bénéficiaires, nous estimons que le stock moyen de la dette due à la Chine est passé de moins de 1 % du PIB des pays débiteurs en 2005 à plus de 15 % en 2017. Une douzaine de ces pays ont une dette d’au moins 20 % de leur PIB nominal envers la Chine (Djibouti, Tonga, Maldives, République du Congo, Kirghizistan, Cambodge, Niger, Laos, Zambie, Samoa, Vanuatu et Mongolie). » (Horn, Reinhart et Trebesch).
L’enquête sur les prêts accordés par la Chine, jusqu’en 2017, souligne son rôle majeur dans le capital financier mondial. « Si l’on ajoute les dettes de portefeuille (dont les 1 000 milliards de dollars de dette du Trésor américain achetés par la banque centrale chinoise) et les crédits commerciaux (pour acheter des biens et des services), les créances globales du gouvernement chinois sur le reste du monde dépassent 5 000 milliards de dollars au total. En d’autres termes, les pays du monde entier devaient plus de 6 % du PIB mondial en dettes à la Chine en 2017. » (Horn, Reinhart et Trebesch).
En novembre 2020, la Zambie est devenue le premier pays au cours de la pandémie à faire défaut sur le paiement de sa dette. Sur sa dette de 11,2 milliards de dollars, 3 milliards sont dus à la Chine, mais en réalité ce qui est dû à la Chine est bien plus. Le régime chinois s’est particulièrement intéressé à ce pays qui est le deuxième producteur de cuivre d’Afrique. Pendant la pandémie, Pékin a également promis des prêts pour couvrir l’achat de vaccins chinois, par exemple 500 millions de dollars au Sri Lanka.
Le but des prêts et des connexions chinoises avec les gouvernements et présidents n’est pas d’améliorer la vie des masses pauvres de ces pays. Au contraire, le paiement des dettes prend une part croissante dans les dépenses publiques, les conditions de travail se dégradent et l’exploitation et la pauvreté augmentent, comme c’est le cas actuellement en Zambie. De nombreux régimes de l’initiative “Nouvelle Route de la Soie” sont autoritaires et s’attaquent constamment aux droits démocratiques. Le régime et le système chinois font partie intégrante du système capitaliste mondial.
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Accord sino-iranien – La «nouvelle guerre froide» remodèle les relations internationales

Au ministère des Affaires étrangères d’Iran, après la signature de l’accord de coopération de 25 ans entre la Chine et l’Iran, mars 2021. Photo : Fars News Agency, sous licence Creative Commons Paternité 4.0 International. Un accord de « partenariat stratégique » a été signé entre la Chine et l’Iran fin mars. Il marque une nouvelle étape dans les tensions croissantes entre les impérialismes chinois et états-unien.
Par Nina Mo, Sozialistische LinksPartei (Parti de gauche socialiste, section autrichienne d’ASI)
L’accord récemment signé entre l’Iran et la Chine pour une durée de 25 ans augmente encore les tensions impérialistes entre les États-Unis et la Chine, tout en les révélant au grand jour. Il témoigne de l’influence croissante qu’exerce la Chine au Moyen-Orient, tout en démontrant le déclin l’impérialisme états-unien, en particulier dans cette région. Bien que l’on ignore encore le contenu exact de l’accord final, ses premières moutures prévoyaient que la Chine investisse jusqu’à 400 milliards de dollars dans l’économie iranienne au cours des 25 prochaines années en échange d’une réduction sur ses achats de pétrole iranien. La majeure partie de ces investissements se feront dans le secteur gazier et pétrolier.
L’Iran aurait également promis d’importantes concessions économiques à la Chine, allant jusqu’à lui laisser des monopoles, notamment dans le secteur des technologies, ainsi que dans la mise en œuvre de la stratégie de sécurité de la Chine pour l’initiative « Nouvelle route de la soie ». Avec le renfort de la coopération militaire, l’Iran devrait devenir un important débouché pour les armes chinoises au Moyen-Orient.
Il est difficile de prédire les effets réels de cet accord sur l’économie iranienne elle-même, d’autant plus que les données concrètes n’ont toujours pas été entièrement révélées. Mais cet afflux important de capitaux chinois pose la question de savoir si les entreprises publiques iraniennes s’ouvriront à la privatisation ou si, en général, la présence de capitaux chinois pourrait repousser la part de marché détenue par les entreprises « nationales ». Cela pourrait entraîner encore plus de luttes de classe autour d’enjeux tels que la privatisation, les conditions de travail, etc., ainsi qu’une hausse des conflits au sein du régime lui-même. Le fait que certaines personnalités membres des factions ultra-orthodoxes du régime, liées au corps des Gardiens de la révolution islamique (qui contrôle, par exemple, une grande partie du secteur de l’énergie), se soient opposées à cet accord en est un indice parmi d’autres. Bien sûr, cet accord n’en est encore qu’à un stade précoce, et il reste à voir comment sa mise en œuvre se déroulera.
Incidences politiques et politiques nationales
Certains analystes bourgeois ont tendance à exagérer l’ampleur réelle de l’accord ; en effet, son effet principal et immédiat ne concerne pas tant ses aspects économiques que les stratégies politiques de ses deux parties dans le contexte de la crise du capitalisme mondial et des revirements dans les relations internationales.
Contrairement à ce qu’affirment certaines personnes, cet accord n’apportera pas une nouvelle croissance économique et des investissements économiques permettant de reconstruire massivement l’Iran et d’y créer un grand nombre d’emplois. Étant de plus en plus isolé sur le plan international, et faisant face à une pression grandissante de la part des États-Unis (l’élection de Joe Biden n’ayant en rien contribué à la réduire), le régime iranien considère le partenariat politique avec la Chine comme un contrepoids nécessaire. En outre, avec la forte diminution des exportations de pétrole au cours des dernières années, le régime fait également face à un déficit budgétaire record, ce qui renforcera l’inflation (les premiers effets s’en ressentent déjà).
Vu l’intensification des luttes ouvrières à propos de questions politiques et économiques ces dernières années, le renversement du régime islamique est une menace sérieuse et réelle. Pour le régie, sa propre survie est une de ses préoccupations les plus vitales. Le régime tente de jouer sur la division entre les puissances mondiales pour sortir de sa stagnation économique et éviter une grave crise politique et sociale. Le pays est miné par la pauvreté, la faim et de graves problèmes économiques. La crise de la COVID a été extrêmement mal gérée par le régime ; d’après les autorités, plus de 60 000 personnes sont mortes de la COVID-19 dans le pays. Des évaluations indépendantes suggèrent que les chiffres réels seraient environ quatre fois plus élevés.
Éviter les faux amis : la nécessité d’une riposte propre à la classe ouvrière
Non seulement cet accord a accru les tensions au sein de la classe dirigeante iranienne (les forces ultra-islamistes utilisent leur opposition à l’accord pour renforcer leur propagande nationaliste), il a aussi déclenché une vaste controverse au sein des forces opposées au régime, en Iran comme en-dehors. Une campagne intitulée « Non à la République islamique » (#No2IR), qui s’oppose à l’accord tout en appelant au boycott des élections cette année, a récemment pris de l’ampleur. Il est dominé par des célébrités et des monarchistes tels que Reza Pahlavi, l’ancien prince héritier iranien, l’une des figures les plus en vue de la campagne. Le but de ces forces réactionnaires et monarchistes, en s’opposant à l’accord, n’est pas de défendre les intérêts des travailleurs, des travailleuses et des pauvres, mais d’agir dans leurs propres intérêts et dans les intérêts de l’Occident et de l’impérialisme états-unien. Ils affirment par exemple que le régime iranien a « vendu aux enchères les ressources naturelles et la richesse nationale de l’Iran à la Chine ».
Ce type de propagande nationaliste est particulièrement dangereux, car il se fait l’écho de préoccupations justifiées au sein de la classe ouvrière concernant les interventions économiques étrangères. Après la signature de l’accord, des manifestations ont été organisées par des travailleurs et travailleuses dans diverses villes iraniennes, ainsi que dans d’autres pays par la communauté iranienne en exil, sous des slogans tels que « Ne vendons pas l’Iran ». Ces manifestations ont une perspective nationaliste, et bien qu’elles n’aient pas d’impact majeur pour le moment, elles représentent tant l’opposition à toute politique et mesure prise par le gouvernement qu’une opposition à toute forme d’intervention étrangère. Mais à mesure que la propagande des forces pro-impérialistes s’intensifie, avec des campagnes telles que #No2IR, elles contiennent aussi le danger d’accroitre les illusions envers l’impérialisme occidental ; ce facteur ne doit pas être sous-estimé.
Il est très clair que la nature de cet accord est de consolider les intérêts des classes dirigeantes et des régimes chinois et iranien afin de stabiliser leur régime. En tant que géant économique, la Chine, tout comme les autres puissances impérialistes, cherche à se développer en exploitant une main-d’œuvre bon marché et en s’assurant un accès aux marchés des matières premières et de l’énergie. Il ne faut pas se faire d’illusions : l’attitude des entreprises et du capital chinois n’est en rien différente de celle des entreprises et du capital occidentaux en Iran. Toutes les entreprises occidentales et orientales qui opèrent dans des pays comme l’Iran le font en exploitant les travailleurs et travailleuses et en leur imposant de rudes conditions de travail. Il n’y a aucune véritable différence entre capitaux chinois, états-uniens, russes ou européens ; il n’y pas non plus une combinaison idéale de capitaux « nationaux » et « étrangers » en Iran.
Le mouvement ouvrier d’Iran devrait éviter de tomber dans le piège de considérer l’impérialisme chinois ou états-unien comme offrant une véritable libération pour la classe ouvrière et pour les pauvres. À la place, il doit s’opposer à l’influence néfaste des forces monarchistes, nationalistes et bourgeoises, qui tentent d’utiliser cet accord pour concrétiser leur propre programme. Pour renverser le régime iranien, la classe ouvrière doit adopter un point de vue indépendant de toutes ces forces, pour s’opposer au régime ainsi qu’au système capitaliste lui-même.
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Hong Kong : Actions internationales de solidarité le 31 mai contre le procès de la “subversion”

Leung Kwok-hung Libération de “Cheveux longs” et des prisonniers politiques de Hong Kong !
Lundi 31 mai, Leung Kwok-hung, dit “Cheveux longs” (en raison de son refus de se couper les cheveux jusqu’à la reconnaissance du massacre de Tienanmen par le régime de Pékin), et 46 autres accusés seront jugés pour “incitation à la subversion du pouvoir d’État”. Il s’agit de la deuxième audience du plus grand procès organisé à ce jour en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée l’année dernière par la dictature du Parti « Communiste » Chinois (PCC) dirigé par Xi Jinping. S’il « Cheveux Longs » est reconnu coupable, la peine maximale encourue est la prison à vie.
La première audience de l’affaire, qui a débuté le 1er mars, a constitué un sinistre avertissement sur la manière dont la nouvelle loi sera utilisée pour écraser la dissidence politique. Trente-six des 47 accusés, dont “Cheveux longs”, se sont vu refuser la libération sous caution et ont été placés en détention durant l’enquête de la police. Auparavant, à Hong Kong, la libération sous caution était normalement accordée, sauf dans des cas très graves tels que les procès pour meurtre, en vertu du principe selon lequel l’accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire. L’audience du mois de mars s’est prolongée pendant quatre jours, les accusés n’ayant pas eu la possibilité de se doucher ou de recevoir des vêtements de rechange. Dix des accusés se sont évanouis et quatre ont été envoyés à l’hôpital, dont “Cheveux longs”, qui souffre de problèmes cardiaques.
Avec ce procès pour subversion, le régime chinois a rassemblé la quasi-totalité des dirigeants de l’opposition issus de tous les courants politiques antigouvernementaux, y compris les syndicalistes, les libéraux pro-occidentaux et les localistes de droite (un mouvement nationaliste de Hong Kong). Parmi eux figurent d’anciens législateurs (élus au Conseil législatif, Legco) comme “Cheveux longs”, qui a été élu cinq fois au Legco. Le régime de Xi a imposé un nouveau système politique en vertu duquel quatre cinquièmes des sièges du Legco seront désignés par un comité contrôlé par le PCC ou par des lobbys d’entreprises, et tous les candidats seront d’abord passés au crible par la police secrète afin de s’assurer que seuls les “patriotes” peuvent se présenter. Ces “patriotes” sont ceux qui obéissent servilement au régime de Xi et ne critiquent jamais ses politiques répressives.
L’accusation de subversion contre les 47 repose sur leur participation à une “primaire” électorale non officielle en juillet 2020, quelques semaines seulement après l’imposition de la loi sur la sécurité nationale. Plus de 610.000 électeurs, soit un taux de participation incroyablement élevé, avaient participé à cette “primaire” pour choisir les candidats pro-démocratie qui se présenteraient aux élections du Legco (annulées par la suite) de septembre 2020. Le PCC affirme que ces “primaires” constituent une conspiration visant à renverser le gouvernement de Hong Kong.
Chaque candidat, victorieux ou non, est accusé de subversion. “Cheveux longs”, par exemple, n’a pas gagné sa primaire et n’aurait donc pas été candidat sur la base du résultat de juillet. Le fait qu’un combattant ayant fait ses preuves dans la lutte ait été éliminé illustre le caractère contradictoire (voire chaotique) de la conscience politique du mouvement pro-démocratie à Hong Kong.
Les leçons du mouvement de 2019
Les manifestations de masse de 2019 ont atteint des sommets incroyables, avec jusqu’à deux millions de personnes rejoignant les manifestations. Elles ont fait preuve d’une créativité et d’une bravoure extraordinaires face à d’énormes obstacles.
Les jeunes qui étaient la force motrice de cette lutte ont largement rejeté les politiciens pro-démocratie dont l’action reposait sur le compromis et qui dominaient précédemment l’opposition. Ceux-ci ont de plus en plus été considérés comme “trop mous” et représentant un frein à la lutte. Ce jugement est tout à fait correct. Malheureusement, l’accent mis par le mouvement sur l’”action” militante à l’exclusion de la politique, et sa foi dans la “spontanéité” au détriment de la construction de structures de masse organisées (des comités démocratiques, des syndicats, des comités de grève et un parti politique de la classe ouvrière), ont conduit à l’émergence de nombreuses figures et groupements “nouveaux” mais politiquement très limités et confus (à consonance radicale, mais sans stratégie ni idée de ce qui est nécessaire pour gagner).
Ces derniers comprenaient également des groupes dont la seule “stratégie”, surtout vers la fin de la période où le mouvement s’épuisait, consistait à placer leurs espoirs dans des sanctions (en réalité superficielles) des États-Unis et des gouvernements occidentaux de droite. Au lieu d’un moyen efficace d’aller de l’avant, cela représente une impasse totale et une dangereuse incompréhension de ce que sont réellement les gouvernements capitalistes étrangers.
« Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong » et Alternative Socialiste Internationale (ASI) demandent à nos camarades et à nos sympathisants de marquer la date du 31 mai par une action de solidarité contre le procès sur la sécurité nationale. Dans les grandes villes, les manifestations devant les ambassades ou les consulats de Chine seraient une bonne option, mais les bureaux de la méga-banque anglo-hongkongaise HSBC pourraient aussi, dans certains pays, être un bon point de mire pour les manifestations, même dans les petites villes (les patrons de HSBC sont complices de l’introduction de la loi sur la sécurité nationale – le directeur général de HSBC pour l’Asie-Pacifique, Peter Wong Tung-shun, est membre du PCC et a fait campagne pour cette loi).
Nous exigeons la suppression de la loi de sécurité nationale de Hong Kong et la libération des prisonniers politiques. Nous soulignons la nécessité de reconstruire la lutte révolutionnaire de masse contre la dictature et d’étendre celle-ci à la Chine, en la reliant à la lutte contre le capitalisme et l’impérialisme qui menace partout les droits démocratiques.
Ce qui suit est le texte d’un nouveau tract de la campagne « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong ».
Stop à la répression en Chine et à Hong Kong
Pour la solidarité et l’internationalisme de la base – Aucune confiance dans les politiciens et les gouvernements capitalistesÀ Hong Kong, depuis que les manifestations antigouvernementales de masse ont éclaté en 2019, 10.200 personnes ont été arrêtées. Plus de 600 ont jusqu’à présent été condamnées pour des délits politiques, notamment pour “émeute” et “rassemblement illégal”, et beaucoup ont écopé de peines de prison extrêmes de cinq ans ou plus. La dictature chinoise (du PCC) qualifie les manifestants de “terroristes” et d’”agents étrangers” et a imposé une nouvelle loi sur la sécurité nationale pour écraser le mouvement démocratique. En vertu de cette loi, la peine maximale est la prison à vie.
Hong Kong était autrefois la seule partie de la Chine à disposer de quelques droits démocratiques limités. Depuis que la loi sur la sécurité nationale a été imposée, la ville est devenue un État policier de facto. Le dictateur chinois Xi Jinping veut éradiquer le “virus” de la démocratie, dont il craint qu’il ne se propage de Hong Kong à la Chine, mais il veut également faire preuve de fermeté à l’égard des États-Unis et des gouvernements occidentaux dans le cadre de leur conflit de guerre froide qui s’aggrave.
La répression à Hong Kong
– À ce jour, plus de 100 militants ont été inculpés d’infractions graves en vertu de la loi sur la sécurité nationale.
– La liberté d’expression est effectivement écrasée par la loi sur la sécurité nationale. Le slogan “Mettre fin au régime du parti unique”, qui a été pendant de nombreuses années une revendication essentielle du mouvement démocratique et des manifestations d’un million de personnes, est désormais considéré comme de la subversion, passible de la prison à vie.
– Le 4 juin, date anniversaire du massacre de Pékin de 1989, où des centaines de personnes ont été massacrées par l’armée, est un sujet interdit en Chine. Le 4 juin n’a jamais été commémoré qu’à Hong Kong, où 180.000 personnes ont participé à la veillée de 2019. Mais en 2021, la veillée de Hong Kong est interdite pour la deuxième année consécutive.
– Les syndicats de Hong Kong sont les cibles de la répression chinoise. Le syndicat des nouveaux fonctionnaires, fort de 3.000 membres, a été dissous en janvier. Deux dirigeants syndicaux, Carol Ng Man-yee du HKCTU et Winnie Yu Wai-ming du HAEA, ont été accusés de subversion. Ng a démissionné de son poste de présidente du syndicat et a coupé ses liens avec le Parti travailliste dans le but de réduire sa peine. Plusieurs autres accusés ont également rompu tous leurs liens politiques.
– Leung Kwok-hung, vétéran de la gauche et militant pour la démocratie, “Cheveux longs”, fait partie des personnes inculpées en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Il a déjà été condamné à 18 mois de prison pour “rassemblement illégal” en vertu d’une loi datant de l’époque coloniale britannique – ce qui rappelle que le gouvernement chinois n’a pas le monopole des lois répressives.
La répression en Chine
La situation en Chine est encore pire. Les syndicats sont illégaux, à l’exception d’un faux syndicat géré par le gouvernement, l’ACFTU, qui n’a jamais (pas une seule fois) soutenu une grève des travailleurs. Les travailleurs sont souvent jetés en prison s’ils font grève ou protestent, surtout s’ils essaient de s’organiser. Les dirigeants des travailleurs sont accusés d’être “manipulés par des forces étrangères”. Les féministes sont également attaquées comme étant “antipatriotiques” et “corrompues par des idées étrangères”.
En 2018, lors de la célèbre lutte de Jasic, des dizaines de jeunes de gauche et de maoïstes autoproclamés ont été emprisonnés et torturés pour avoir organisé la solidarité avec des ouvriers d’usine en grève. Ainsi, une dictature qui se prétend faussement “communiste” attaque et emprisonne les véritables communistes et travailleurs, et pas seulement les politiciens libéraux et les militants pro-démocratie comme à Hong Kong.
Au Xinjiang, où vivent 12 millions de musulmans ouïgours, une répression horrible a lieu au nom de la lutte contre le “terrorisme”. La dictature chinoise a soutenu la “guerre contre le terrorisme” menée par l’Occident après 2001 et s’en est servie pour faciliter sa propre répression antimusulmane et renforcer son contrôle sur le Xinjiang, riche en ressources. Les Ouïghours sont soumis à des lois racistes discriminatoires et à un système de surveillance hi-tech massif comprenant des camps d’internement de masse. Le régime de Xi a d’abord nié l’existence de ces camps, puis a changé de position lorsque les preuves sont devenues indéniables, les qualifiant d’”écoles de formation professionnelle” !
« Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong (Solidarity Against Repression in China and Hong Kong, SARCHK) » est une campagne internationale lancée par Alternative Socialiste Internationale (ASI) et nos camarades en Chine, à Hong Kong et à Taiwan. Nous avons une longue expérience de la lutte pour les droits démocratiques et du soutien aux luttes des travailleurs.
SARCHK expose le rôle réel de la dictature chinoise, qui est dominée par des milliardaires – la Chine compte désormais plus de milliardaires que les États-Unis – et présente l’un des pires bilans au monde en matière de droits des travailleurs. Nous exposons également l’hypocrisie de la rhétorique anti-chinoise des gouvernements occidentaux, qui est souvent utilisée pour attiser le racisme, pour provoquer la division, et qui prétend en vain promouvoir la “démocratie” et les “droits humains”.
Démocratie contre dictature
– Les États-Unis fournissent une aide militaire à 73 % des dictatures du monde. La Chine ne peut pas faire mieux !
– La Grande-Bretagne a dirigé Hong Kong pendant 154 ans et n’a jamais organisé d’élections.
– Les gouvernements des pays “démocratiques” soutiennent et appuient toujours les régimes qui leur permettent de faire des profits. Comme le montre le Myanmar, pour combattre la dictature, il faut une lutte de masse révolutionnaire menée par les travailleurs et les jeunes.
Les États-Unis, l’Union européenne et d’autres gouvernements occidentaux ainsi que leurs grandes entreprises ont travaillé main dans la main avec la dictature chinoise pendant de nombreuses années. Ensemble, ils ont étouffé les plaintes pour violation des droits de l’homme, aidant même l’État policier chinois à développer certaines de ses technologies de surveillance les plus avancées. Leur seule préoccupation était de tirer profit de la main-d’œuvre non syndiquée de la Chine et d’exploiter le marché chinois en pleine croissance. La nouvelle guerre froide marque la fin de cette relation confortable, laissant place à une hostilité croissante entre le capitalisme occidental et chinois.
La lutte pour la démocratie – pour les droits démocratiques tels que la liberté d’expression, la liberté de réunion, le droit de s’organiser en syndicats et en groupes politiques, de faire grève, de se présenter ou de voter à des élections libres, et de chasser un gouvernement – ces droits n’ont jamais été conquis que par la lutte de masse, en particulier celle des travailleurs, avec la classe capitaliste de l’autre côté des barricades, comme c’est le cas à Hong Kong aujourd’hui.
La lutte de masse est la seule voie !
Les droits démocratiques n’ont jamais été accordés par un groupe ou un régime au pouvoir, ni par un gouvernement étranger ou la “communauté internationale”. C’est parce que les droits démocratiques réels et la lutte de masse nécessaire pour les obtenir constituent une menace sérieuse pour le système capitaliste dans lequel une infime minorité détient tout le pouvoir réel.
C’est pourquoi « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong » construit une solidarité de base active avec la lutte anti-autoritaire en Chine et à Hong Kong, et s’oppose fermement à tout soutien à un gouvernement capitaliste. Le mouvement des travailleurs, les mouvements sociaux des femmes, des jeunes et des minorités opprimées, ce sont les seules forces qui peuvent vaincre les régimes répressifs.
Pour soutenir notre campagne, discuter des actions et obtenir des informations sur nos activités dans votre pays et votre localité, prenez contact avec hk.repression@gmail.com (pour la campagne internationale) et info@socialisme.be (pour la Belgique).
Ce que nous défendons :
- Abolition de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.
- Libération des prisonniers politiques à Hong Kong et en Chine. Reconstruisons et étendons la lutte de masse pour la démocratie.
- Non à la détention de masse, au travail forcé et à la discrimination contre les Ouïghours et les minorités nationales. Pour un mouvement multiethnique uni contre la dictature.
- Pour des syndicats indépendants et le droit de grève. Organisons la solidarité syndicale avec les travailleurs de Chine et de Hong Kong.
- *Solidarité internationale – non au nationalisme, à l’impérialisme et à la nouvelle guerre froide.
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[DOSSIER] Solidarité contre la répression à Hong Kong et en Chine !
Une nouvelle campagne de solidarité lancée par Alternative Socialiste InternationaleLes luttes contre l’imposition de la dictature du régime chinois à Hong Kong ont tenu le monde en haleine durant de longs mois. Aujourd’hui, nous assistons avec effroi à l’imposition brutale d’un régime dictatorial directement aux ordres de Pékin. En Chine également, la répression atteint des sommets alors que se profile le 20e Congrès du Parti « communiste » chinois (PCC) qui devrait couronner Xi Jinping pour un troisième mandat, une décision sans précédent. Sa crainte des troubles sociaux est d’autant plus grande.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste
Un coup d’État sans tanks
L’année 2019 avait connu une impressionnante vague de soulèvements (au Chili, en Équateur, au Liban, en Irak, en Iran,…). Au milieu de ces multiples irruptions des masses sur le devant de la scène pour défendre leurs droits, Hong Kong avait tout particulièrement attiré l’attention. Mais, en dépit de mobilisation dont l’ampleur et l’ingéniosité ont frappé les esprits, la dictature chinoise a imposé une loi de sécurité nationale qui signifie que celle-ci prend le contrôle politique direct du territoire. L’autonomie politique limitée de Hong Kong dans le cadre du système « un pays, deux systèmes » mis en œuvre après la rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni en 1997 a de facto été abolie.
Les fragiles libertés qui existaient à Hong Kong mais étaient refusées dans le reste de la Chine, telles que la liberté d’expression et la liberté de réunion ou encore le droit de grève, sont maintenant menacées comme jamais auparavant. Les accusations de “subversion” et de “séparatisme” peuvent aujourd’hui conduire à une peine d’emprisonnement à vie, voire à l’extradition pour être jugé en Chine continentale, où la peine de mort est toujours d’application pour de telles infractions.
L’imposition de cette nouvelle loi ressemble à un coup d’État militaire ou à un second « 4 juin » (date du massacre de Tienanmen en 1989), mais en utilisant des lois, la police secrète et des technologies de surveillance pointues à la place des tanks. Cela représente bien entendu une défaite pour le mouvement antiautoritaire à Hong Kong et en Chine. Elle n’était toutefois pas inévitable. En réaction aux trahisons successives des dirigeants officiels autoproclamés du mouvement prodémocratie à Hong Kong, notamment lors de la « révolution des parapluies » de 2014, le mouvement se méfiait de toute structuration. Cette hostilité à l’organisation de la lutte avait été résumée dans le slogan « sois comme l’eau », tiré d’une citation de Bruce Lee.
Mais si des comités de lutte démocratiques avaient été mis sur pieds et avaient choisi de s’orienter vers l’arme de la grève pour paralyser Hong Kong et toucher les capitalistes pro-Pékin au portefeuille, à l’instar des masses au Myanmar dans leur combat contre le coup d’État militaire, et s’il avait été décidé de s’orienter vers les masses en Chine, la crainte ultime du régime de Pékin, une tout autre issue aurait été possible. Sans cette orientation, le mouvement de masse s’est épuisé dans une guérilla urbaine désespérée tandis que certaines couches du mouvement faisaient appel à l’impérialisme américain, également sous la pression du désespoir.
Ni Washington, ni Pékin
C’est dans ce contexte qu’Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) a décidé de lancer une campagne de solidarité internationale d’autant plus concrète que nous disposons de forces sur le terrain qui, à Hong Kong, doivent aujourd’hui fonctionner dans la semi-clandestinité en se préparant pour le pire.
Les événements de Hong Kong ont joué un rôle important dans l’accélération de la guerre froide entre l’impérialisme chinois et l’impérialisme américain/occidental. Mais la campagne « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong » ne soutient aucun de ces deux camps. Aucun d’eux ne défend véritablement les droits démocratiques ni ne représente de voie progressiste pour les travailleurs et les opprimés. Cette lutte est un combat sans scrupule pour les marchés, les sources de main-d’œuvre bon marché et les matières premières. Elle n’a rien à voir avec la « démocratie » et les « droits de l’homme », comme le prétendent les un, ou le « patriotisme » et la « sécurité nationale », comme le prétendent les autres.
Le cas des Oïghours
L’abominable répression qui s’abat sur la province du Xinjiang, à l’ouest de la Chine, et sur les Ouïghours, communauté turcophone et musulmane, est également cyniquement utilisée dans ce cadre. De multiples organisations de défense des droits humains dénoncent des actes de torture et des viols systématisés, des camps de travail forcé et de rééducation,… Les États-Unis ont beau crier au scandale aujourd’hui, ils ont derrière eux une longue histoire de soutien à des régimes dictatoriaux et de trahison des peuples opprimés. Ce sont les Kurdes du nord de la Syrie (le Rojava) qui en ont encore tout récemment fait les frais après avoir fait l’erreur tragique de s’allier à l’impérialisme américain. Une fois que Daesh, le prétendu « État Islamique » ne représentait plus de danger, Washington a abandonné le Rojava et l’a dans les faits livré à l’armée turque.
En Belgique, la question a été portée devant divers parlements du pays afin de reconnaître le génocide commis par le régime chinois contre les Oïghours. Plusieurs parlementaires et partis y voient également une manière bien pratique d’attaquer le PTB, dont les positionnements politiques sont bien souvent scandaleux dès lors qu’il s’agit de la Chine. Encore une fois, il s’agit d’une belle hypocrisie. Quand, suite à la visite du Premier ministre Charles Michel à Pékin, il a fallu procéder à un vote à la Chambre en 2018 concernant un traité d’extradition pour « coopérer efficacement dans la lutte contre la criminalité » avec la Chine – avec une dictature, donc – le projet de loi a été adopté par 76 votes positifs et 61 abstentions. Pas une seule voix ne s’y est opposée.
Dans sa déclaration concernant la situation au Xinjiang(1), le PTB explique que « La manière dont la Chine a pris en main la situation au Xinjiang est problématique » (difficile de dire moins…). Le parti anciennement maoïste compare la situation aux « mensonges concernant les armes de destruction massive qui ont précédé la guerre en Irak ou les mensonges visant à justifier la guerre en Libye » et cible l’impérialisme américain sans jamais se prononcer sur le caractère dictatorial de la Chine ni sur la machine de répression inouïe du pays. Ce « deux poids, deux mesures » est injustifiable. Cette déclaration se termine en disant : « nous ne rentrons pas dans la logique de guerre froide. Au contraire, nous avons besoin d’un large mouvement qui défend le dialogue et la paix. » Mais dialogue entre qui et qui ? Entre l’impérialisme américain et la dictature chinoise ? Et quelle paix ? Celle qui permet à chacun d’exploiter les masses dans son coin à sa manière ?
À l’opposé de l’approche qui vise à choisir un camp impérialiste contre l’autre, nous entendons faire reposer notre campagne de solidarité sur une solidarité de classe entre les travailleurs et les couches opprimées en Chine et à Hong Kong et ailleurs à travers le monde, y compris aux États-Unis, au travers des diverses sections d’Alternative Socialiste Internationale. L’instauration d’une véritable démocratie des travailleuses et travailleurs, une société socialiste démocratique, est la seule manière d’obtenir une paix qui ne soit au détriment d’aucun opprimé.
Prenez contact avec nous pour participer à cette campagne et participez à notre meeting en ligne en présence de camarades de Hong Kong le 14 mai, 19 heures.
1) https://www.ptb.be/la_r_pression_des_ou_ghours_en_chine_et_la_nouvelle_guerre_froide
Libérez Leung Kwok-hung, dit « Cheveux longs »
Notre campagne de solidarité vise notamment à mettre en lumière la situation de l’ancien législateur (député) de Hong Kong Leung Kwok-hung, surnommé « cheveux longs » car il a décidé d’arrêter de se couper les cheveux tant que le régime de Pékin n’aura pas présenté ses excuses pour le massacre de Tienanmen. De même que plus de quarante autres candidats au Conseil législatif (Legco) de Hong Kong, aujourd’hui dissous, il est détenu et risque la prison à vie.
Nous exigeons la libération de tous les prisonniers politiques de Hong Kong, même si nous ne partageons pas leurs idées politiques, car les accusations portées contre eux ne sont qu’un grossier coup monté. Nous souhaitons accorder une attention particulière à “Cheveux longs”, l’une des figures les plus célèbres de la contestation à Hong Kong, car il est le seul représentant de gauche parmi les dirigeants les plus éminents du mouvement démocratique. “Cheveux longs” a activement soutenu les causes des travailleurs en Chine et à Hong Kong, les droits des femmes, des personnes LGBTQI+ et des réfugiés. Il s’est également opposé à l’impérialisme américain. -
Solidarité internationale : défendons les féministes en Chine !

Les attaques de la droite nationaliste et de l’État tentent de faire taire la vague féministe grandissante – des millions de personnes expriment leur solidarité
Déclaration de la campagne « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong »
Les activistes des droits des femmes en Chine sont à nouveau attaqués. La dictature chinoise du Parti « communiste » chinois (PCC) se sent menacée par la radicalisation croissante des femmes, qui s’inscrit dans une tendance plus large de radicalisation de la société et des jeunes.
Les attaques suivent un schéma similaire. Tout d’abord, les féministes sont traquées par des trolls internet nationalistes pro-PCC dans le cadre d’une campagne coordonnée. Une vague d’antiféminisme en ligne est directement encouragée par l’État. Deuxièmement, les comptes de réseaux sociaux et les pages de groupe d’éminentes porte-parole sont fermés. Celles-ci sont vilipendées comme ennemies de l’État, puis réduites au silence !
Fin mars, une attaque a eu lieu dans un restaurant de la ville de Chengdu, dans le sud-ouest du pays. Deux femmes ont été agressées par un client après s’être plaintes qu’il fumait. Le fumeur enragé a jeté du liquide bouillant sur les deux femmes qui ont filmé l’agression et l’ont postée sur Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Sa remarque selon laquelle « les hommes qui ne fument pas ne sont pas de vrais hommes » n’a pas aidé son cas.
Les deux femmes en question étaient Xiao Meili et Zheng Churan, deux militantes féministes bien connues. Zheng faisait partie des Feminist Five, qui ont été arrêtées et détenues pendant un mois à la veille de la Journée internationale de lutte pour les droits des femme en 2015. Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) à Hong Kong a organisé diverses actions de protestation pour exiger la libération des cinq dans le cadre d’une campagne mondiale qui a défendu leur cause.
Les trolls d’extrême droite
Le post de Xiao sur l’agression du restaurant de Chengdu est devenu viral sur Internet, suscitant une écrasante majorité de commentaires favorables, y compris de la part de certains comptes officiels liés au gouvernement. Le lendemain, le compte Weibo d’un important groupe nationaliste a lancé une attaque contre les femmes, en publiant des photos « historiques » de Xiao datant de 2014, dans lesquelles elle exprimait sa solidarité avec le « mouvement des parapluies » de Hong Kong (des mobilisations pro-démocratie). Les trolls ont prétendu à tort qu’elle soutenait « l’indépendance de Hong Kong ». Ce n’était pas le but du Mouvement des parapluies, mais cette étiquette est utilisée par les nationalistes chinois pour attaquer toute personne qui soutient ou montre de la sympathie pour la lutte en faveur de la démocratie à Hong Kong. Un déluge d’attaques en ligne a suivi (en Chine, il peut s’agir de 100.000 ou même de millions de messages).
Zheng a été montrée sur une autre vieille photo portant un ruban jaune, symbole des manifestations pour la démocratie à Hong Kong. Elle a été accusée d’être une « partisane de l’indépendance de Taiwan » (autre sujet tabou sous le régime du PCC). Ces deux femmes et d’autres féministes ont fait l’objet de menaces violentes et d’accusations telles que « xénocentrique », « anti-chinois » et « espionne de la CIA ». Peu après, le compte Weibo de Xiao a été fermé par l’entreprise, ce qui a provoqué les célébrations de la machine à troller.
Ces attaques s’inscrivent dans un schéma familier associant misogynie et nationalisme. Les forces nationalistes de droite à l’origine de ces attaques de trolls sont de facto des auxiliaires de l’État-PCC et bénéficient de sa protection. Leurs thèmes centraux sont le nationalisme, mais aussi le conservatisme social. Le féminisme est donc un anathème. Ils accusent les féministes d’être « corrompues » par des valeurs étrangères. Tout à leurs yeux est un complot de l’Occident pour détruire la Chine. Les nationalistes soutiennent la dictature, une Chine forte (l’impérialisme) et la suprématie des Han. Ils incitent au racisme contre les minorités comme les musulmans. Certaines de ces couches évoluent vers le fascisme. En plus de cette armée en ligne « non officielle », l’État-PCC emploie directement deux millions de policiers Internet à plein temps et 20 millions d’employés à temps partiel.
Plus de 20 comptes de féministes et de groupes de défense des droits des femmes ont depuis été fermés par Weibo avec l’explication que leur contenu est « nuisible », « illégal » ou pourrait « inciter aux antagonismes ». « Nous avons été collectivement réduites au silence par une répression à sur Internet qui a frappé comme un tsunami », a déclaré l’une de ces femmes à CNN. Il est clair que l’État-PCC se trouve derrière cette répression. La question est de savoir pourquoi.

Liang Xiaomen, à gauche, Xiao Meili et Zheng Churan font partie des nombreuses féministes chinoises attaquées et réduites au silence par des trolls nationalistes sur les réseaux sociaux (CNN). Le mouvement 6B4T
Dans un développement séparé mais lié, plus de dix groupes féministes ont été retirés de Douban, une autre plateforme en ligne. Douban est un site de critiques de livres et de films qui sert de forum de discussion pour différents groupes, principalement des jeunes. L’un des groupes de discussion féministes fermés dans le cadre de cette répression comptait 40.000 membres.
Les groupes visés étaient principalement des adeptes de la culture radicale 6B4T, encore très marginale au sein de la vague croissante de féminisme chinois, qui prône le boycott ou la « grève » des relations avec les hommes, du mariage et de la procréation. Le mouvement 6B4T a vu le jour en Corée du Sud, société confucéenne comme la Chine, où le capitalisme est profondément patriarcal et où l’oppression des femmes prend des formes extrêmes.
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le message du mouvement 6B4T a attiré un grand nombre d’adeptes, principalement des jeunes femmes, en Chine, dans un régime capitaliste totalitaire aussi dur, où aucune forme de protestation collective, d’organisation ou de politique n’est autorisée et où de nombreuses couches de la société éprouvent un profond sentiment d’impuissance. Le PCC a ressuscité de nombreuses structures de contrôle patriarcales qui avaient partiellement disparu ou avaient été reléguées à l’arrière-plan pendant l’ère révolutionnaire des années 1950-70, avant le début de la restauration capitaliste.
Le PCC d’aujourd’hui considère les droits des femmes comme un obstacle à son pouvoir et à sa mission de grande puissance. Cette dynamique est renforcée par l’intensification de la guerre froide avec l’impérialisme américain. Plutôt que de s’ouvrir et de devenir plus démocratique, et plus tolérant à l’égard des divers courants de protestation, le régime de Xi continue de devenir de plus en plus répressif.
L’attitude du régime à l’égard du mouvement naissant des femmes et de la conscience féministe est contradictoire. C’est devenu une tendance majeure, comme en témoigne l’attention suscitée par le mouvement #MeToo en Chine, malgré les tentatives des autorités pour le limiter. Le dernier exemple en date est le licenciement, le 15 avril, d’un professeur de l’université de Wuhan qui avait harcelé sexuellement au moins 18 étudiantes. L’affaire a attiré l’attention de tout le pays sur les réseaux sociaux parce que les femmes se sont dressées contre leur agresseur et ont refusé que l’affaire soit étouffée.
Le régime a peur de lancer directement une vaste campagne de répression, avec des arrestations et des persécutions massives de féministes, car cela le mettrait en conflit avec une partie importante de l’opinion publique, qui n’est pas satisfaite de la situation actuelle des femmes. Mais en même temps, le PCC craint le soutien croissant dont bénéficie le féminisme, comme il craint tous les processus sociaux qui échappent à son contrôle. Même lorsqu’un mouvement n’est pas une force organisée, comme ce n’était pas le cas à Hong Kong en 2019, une fois que les idées entrent dans la conscience de masse, elles deviennent une menace pour toute élite dirigeante, comme c’est le cas ici avec la dictature chinoise.

Manifestations à l’université de Wuhan après la révélation des cas de harcèlement sexuel d’un professeur associé alors que les féministes sont intimidées pour être réduites au silence. La crise démographique
Un autre facteur clé qui explique les attaques contre les féministes chinoises est la chute catastrophique du taux de natalité en Chine, qui est le plus bas depuis 1949 et a encore baissé de 15 % l’année dernière. Le nombre de naissances pourrait passer sous la barre des 10 millions par an au cours des cinq prochaines années, selon Dong Yuzheng, directeur de l’Académie du développement démographique du Guangdong. Ce chiffre est à comparer aux 25 millions de naissances enregistrées en 1987 (sept ans après l’imposition de la politique de l’enfant unique).
La population chinoise entre dans une phase de déclin, ce qui devient encore plus gênant pour Xi Jinping dans le contexte de la rivalité historique entre les États-Unis et la Chine. La taille de la main-d’œuvre de « l’usine du monde » a diminué pendant huit années consécutives. Les causes du malaise démographique chinois sont complexes, en partie un héritage de la politique de l’enfant unique, qui a été abrogée en 2016 sans toutefois inverser le déclin des naissances. Cela est d’autant plus dû au coût punitif d’avoir un enfant en Chine, l’éducation, le logement et les soins de santé étant tous extrêmement chers.
Ayant réadopté une vision confucéenne dépassée, le régime de Xi promeut le mariage hétérosexuel et « l’harmonie familiale » comme un moyen de contrôle important pour assurer la « stabilité » politique et sociale. En conséquence, les femmes – tout comme les minorités nationales non han et les Hongkongais avides de démocratie – doivent être contrôlées. Le PCC, lorsqu’il était une force révolutionnaire, était militairement anti-confucéen, une idéologie qui met l’accent sur l’obéissance à l’autorité des citoyens au gouvernement et des femmes aux hommes. La restauration d’un capitalisme brutal en Chine a sapé la position des femmes au travail et à l’école et a fait renaître des idées réactionnaires et des structures sociales même précapitalistes.
Les jeunes Chinois mènent un style de vie sous haute pression et financièrement précaire, avec des niveaux d’endettement des ménages qui montent en flèche, notamment en raison du coût du logement. Cette situation dissuade de plus en plus de se marier et d’avoir des enfants. Selon les statistiques officielles, le nombre de personnes se mariant a chuté de 41 %, passant de 23,8 millions en 2013 à 13,9 millions en 2019. L’héritage de la politique de l’enfant unique et la pratique illégale mais répandue des avortements sélectifs selon le sexe ont fait que les hommes sont désormais 30 millions de plus que les femmes. Le trafic « d’épouses » importées en Chine depuis des pays plus pauvres comme le Myanmar, le Cambodge et même l’Ukraine se chiffre désormais en milliers de victimes chaque année. Ces dernières années, le régime envisage également des campagnes plus agressives pour convaincre les femmes d’avoir plus de bébés.
Le gouvernement prévoit une réforme des retraites dans le cadre du dernier plan quinquennal (2021-25) qui conférera une « égalité » en augmentant l’âge de la retraite des femmes de cinq ans. L’année dernière, le pays a adopté une nouvelle loi sur le divorce, qui impose une période de « réflexion » obligatoire de 30 jours – une politique largement critiquée par les féministes et la gauche. Cette politique rend le divorce plus difficile car si l’une des parties décide de faire marche arrière pendant la période de 30 jours, le processus doit recommencer avec une nouvelle demande.
Woment Unite !
Au moment où nous écrivons ces lignes, le blocage des plateformes féministes se poursuit. La chasse aux sorcières nationaliste contre le féminisme ne se calme pas. Certains spéculent même que cette campagne peut avoir un autre motif : le régime de Xi veut détourner l’attention alors qu’il tente de désamorcer les tensions avec les États-Unis (une démarche peu populaire chez les nationalistes chinois).
Les attaques contre les comptes féministes sur les réseaux sociaux ont attiré l’attention à grande échelle. Xianzi, une féministe très en vue qui a porté plainte pour agression sexuelle en 2018 contre une célébrité de la télévision, a déclaré sa solidarité avec les sœurs de Douban. Le hashtag “Women Unite” en protestation contre les fermetures de compte a germé sur Weibo et a été vu 50 millions de fois.
La suppression des groupements féministes est également un avertissement que le régime de Xi s’apprête à élargir sa répression contre toutes les couches d’opposition potentielles. Cela peut conduire à de nouvelles attaques contre les luttes des travailleurs, les jeunes de gauche, les minorités ethniques, les journalistes d’investigation, etc. Pour Xi, le 20e Congrès du PCC de l’année prochaine et son couronnement pour un troisième mandat (il en espère d’autres, alors qu’un 3e mandat est un événement inédit) sont les priorités absolues et sa crainte de troubles sociaux et politiques est encore plus grande. L’association de la lutte des femmes, de la défense des droits des minorités ethniques et de la construction d’un mouvement ouvrier indépendant est la clé pour changer la situation. Non pas en tant que « questions individuelles », mais en tant que mouvement uni des opprimés contre le capitalisme, le patriarcat et le totalitarisme.
La campagne « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong » et Alternative Socialiste Internationale protestent contre les attaques contre les féministes en Chine. Nous exhortons nos sympathisants et nos lecteurs à agir. Partagez largement cet article et traduisez-le, notamment pour alerter le mouvement des femmes dans votre pays. Veuillez également montrer votre soutien par des photos et des vidéos en utilisant ces pancartes, que vous pouvez télécharger ici.
- Solidarité avec les féministes en Chine !
- Non à la persécution et à la répression des féministes sur Weibo et Douban. Nous exigeons la liberté d’expression !
- Pour une lutte unifiée contre le capitalisme et la dictature !

