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Tag: Changement climatique
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Colombie-Britannique : Les changements climatiques sèment la dévastation

Le sud de la Colombie-Britannique (Canada) a été frappé par deux événements météorologiques catastrophiques en quelques mois: d’abord la canicule et le feu, puis la pluie et les inondations. Les 13 et 14 novembre, le ciel s’est ouvert lorsqu’une «rivière atmosphérique» a traversé une grande partie du sud de la Colombie-Britannique. Elle a provoqué le débordement de rivières, des glissements de terrain et la rupture de voies ferrées et d’autoroutes.
Par Leslie Kemp, Socialist Alternative (ASI-Canada)
Tout cela s’est produit après un été accablant, à commencer par le dôme de chaleur du mois de juin, qui a fait 815 morts, et l’incendie de la ville de Lytton. De nombreux habitants et habitantes de la Colombie-Britannique et d’ailleurs ont vécu un été d’incendies et de ciels enfumés. Plus de mille feux de forêt ont fait rage dans la province. Deux mois entiers de pluie se sont ensuite manifestés à partir de septembre.
Routes disparues
Au Canada, toutes les autoroutes qui partent du Lower Mainland (le Grand Vancouver et la région côtière environnante) sont coupées ou ont été emportées par les eaux. Des centaines de personnes ont été piégées sur l’autoroute 7 pendant des heures, entre deux glissements de terrain. En plus d’être sous la menace d’autres glissements provenant de la montagne voisine, elles ont fini par attendre toute la nuit et pendant de nombreuses heures le lendemain pour l’arrivée d’un hélicoptère des Forces canadiennes.
Des conducteurs se dirigeant vers le nord de Lillooet sur l’autoroute 99 ont été confrontés à un glissement de terrain juste devant eux. Ils ont vu des voitures et leurs occupants être emportés hors de la route par la boue et les débris de la montagne, enterrant à moitié les voitures. Les témoins se sont précipités pour secourir les gens, mais au moins une des voitures restait introuvable. Au moins quatre décès ont été confirmés.
L’autoroute transcanadienne (autoroute 1) a été détruite en plusieurs endroits. L’autoroute 3, qui longe la frontière sud (vers les États-Unis), a été fermée dans les deux sens en raison d’un glissement de terrain.
L’autoroute de Coquihalla (autoroute 5), l’une des principales autoroutes de la Colombie-Britannique reliant le Lower Mainland et l’Intérieur, a subi des dommages catastrophiques. Les voies en direction du sud d’une section de l’autoroute ont été emportées dans la rivière. L’autoroute pourrait être fermée pendant des mois. Les secouristes sont toujours à la recherche de véhicules disparus et de personnes bloquées.
Villes inondées
Toute la ville de Merritt, située dans une région sèche et désertique de l’Intérieur, a fait l’objet d’une alerte d’évacuation cet été en raison des feux. Elle a dû être à nouveau évacuée le 15 novembre. La crue des eaux a rendu la station d’épuration des eaux usées de la ville inopérante pour «une période indéterminée». Deux des trois ponts de la ville qui enjambent la rivière Coldwater ont été endommagés par les eaux des crues et le troisième n’est plus praticable.
La majeure partie de la ville de Princeton a été submergée lorsque la rivière Similkameen a fait céder la digue. 295 maisons ont été évacuées et 300 autres sont en état d’alerte. Aujourd’hui, la ville est privée de gaz (en raison des dégâts causés par les inondations). Alors que les températures ont plongé à -6°C, de plus en plus de personnes ont dû partir pour trouver un endroit chaud où dormir.
Plus de 1 100 foyers d’Abbotsford ont été évacués. Les inondations à Abbotsford, Chilliwack et dans d’autres parties de la vallée du fleuve Fraser ont vu des résidents et des résidentes suffisamment chanceux pour naviguer dans les rues sur leurs canots et autres bateaux.
Plus de 20 000 personnes ont été déplacées. Plusieurs ont regardé leur maison être emportée par les torrents.
Les incendies de l’été, ainsi que l’exploitation forestière, ont rendu les pentes plus instables, car il n’y avait plus de racines d’arbres pour retenir le sol. L’absence d’arbres, qui ralentissent normalement le ruissellement, a intensifié les inondations.
Crise du transport des marchandises
Les camionneurs qui vont et viennent du Lower Mainland vers d’autres régions de la Colombie-Britannique et du Canada ne peuvent pas apporter les provisions nécessaires. En plus de la fermeture de toutes les routes sortant du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, les chemins de fer du Canadien National et du Canadien Pacifique sont endommagés. Ce sont les principales voies d’entrée et de sortie des cargaisons dans le port de Vancouver. Le chaos qui règne au port, dû à la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, est maintenant bien pire. Les importations ne peuvent pas être acheminées vers le reste du Canada depuis Vancouver et les exportations, en particulier les récoltes de cette année en provenance des Prairies, sont bloquées.
On craint déjà des pénuries dans les magasins, l’essence manque dans certaines régions. Certaines communautés de l’île de Vancouver n’avaient que trois jours de provisions alimentaires et deux jours se sont écoulés depuis les inondations. Il faudra probablement des semaines, voire des mois, pour réparer certaines routes. On ignore également combien de temps il faudra pour réparer les voies ferrées.
Faire le point
Le 16 novembre, le soleil a brillé sur un paysage dévasté, mais d’autres pluies sont à venir. Les autorités de la Colombie-Britannique font le point sur l’ampleur des dégâts causés aux villes, aux villages, aux routes, aux ponts, aux chemins de fer et aux autres infrastructures. Des personnes ont perdu leur maison à cause des dégâts causés par les inondations. Au cours de l’été, on a estimé qu’un milliard d’animaux du littoral de la mer de Salish pourraient être morts à cause de la vague de chaleur. Aujourd’hui, des milliers d’animaux d’élevage sont morts à cause des graves inondations dans la vallée du Fraser et beaucoup de ceux qui ont survécu ou ont été secourus ont besoin de nourriture et d’eau.
À l’instar de la vague de chaleur qui a battu tous les records en juin, les météorologues qualifient cette tempête de «sans précédent». «Nous avons vu maintenant notre cinquième rivière atmosphérique de la saison. Souvent, nous n’en avons même pas de première avant novembre», a déclaré Armel Castellan, météorologue d’Environnement Canada chargée de la préparation aux alertes. Elle a affirmé que la dernière rivière atmosphérique a généré des «données époustouflantes» et annoncé qu’Environnement Canada devra analyser ces chiffres pendant les jours et les semaines à venir, car ils sont extraordinaires. Comme en juin, de nombreux records ont été fracassés. Cette fois, il s’agit de records de précipitations plutôt que de records de chaleur. Le district de Hope et la ville de Chilliwack ont battu des records historiques de précipitations.
On ne peut échapper à la réalité des changements climatiques. En l’espace de moins de cinq mois, la Colombie-Britannique a connu des événements météorologiques «sans précédent», qui ont battu des records. Ces événements ont et auront un impact sur la vie quotidienne de millions de personnes et sur les moyens de subsistance de milliers de travailleuses et de travailleurs.
Les politiciens de la COP26 éloignés de la réalité
Les leaders politiques ont clôturé la 26e réunion des Nations unies sur les changements climatiques le dimanche 14 novembre, pendant qu’une pluie torrentielle s’abattait dans le sud de la Colombie-Britannique. De nombreux observateurs et observatrices étaient sceptiques dès le départ quant aux chances de parvenir à un accord sur des objectifs significatifs. Ne s’attendant pas à grand-chose, ces personnes ont été déçues, mais ont aussi haussé les épaules. Du bla-bla-bla et de nombreux objectifs encore repoussés à un futur plus ou moins lointain. De nombreuses personnes pleines d’espoir, qui croyaient à moitié aux discours des gouvernements avant la COP26, ont vu leurs espoirs déçus une fois de plus. Comme l’a fait remarquer quelqu’un, plusieurs traversent «un processus de deuil».
Les politiciens et les politiciennes qui se sont réunis à la COP26 semblent éloignés de cette réalité. Une représentante des Îles Marshall a été interrogée sur son amère déception face aux objectifs édulcorés. Les changements climatiques menacent l’existence même des Îles Marshall.
Auimatagi Joe Moeono-Kolio, conseiller politique principal pour le Pacifique auprès de l’Initiative pour un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, a noté que «la première version d’un texte par ailleurs très peu ambitieux comportait un point positif notable : l’élimination progressive du charbon. Ce point a encore été édulcoré. Pour une planète en crise, cela représente un échec monumental dans la reconnaissance du danger clair et imminent auquel sont exposés des pays entiers, y compris le mien.»
«Malgré le brouhaha et l’écoblanchiment d’hier, un fait fondamental demeure : nous nous dirigeons toujours vers un monde de 2°C et plus d’augmentation», a-t-il déclaré.
Le Climate Action Tracker indique qu’avec les engagements de la COP26, le monde sera de 2,7°C plus chaud d’ici 2200. La Colombie-Britannique a été témoin des conséquences d’un réchauffement de 1,1°C (réchauffement estimé à ce jour). Que se passera-t-il avec un réchauffement de 1,5°C ou encore de 2,7°C?
Les élites politiques ne se réveilleront pas
En tant que marxistes, nous comprenons que l’histoire, tout comme une rivière, ne coule pas en ligne droite. Les politiciens et les politiciennes sont redevables à la classe sociale qu’ils représentent : les riches investisseurs, l’élite d’affaires, les oligarques du pétrole et des ressources naturelles. Certaines personnes, comme le premier ministre canadien, disent une chose et agissent de manière totalement incohérente avec leurs paroles. Les libéraux fédéraux continuent de construire l’oléoduc Trans Mountain et de subventionner les combustibles fossiles. Seth Klein les décrit comme les «nouveaux négationnistes du climat». Les libéraux voient ce qui se passe, mais leur refus d’agir est dû à leur allégeance à leur propre classe politique.
On ne sait pas exactement quel sera l’élément déclencheur, mais la colère accumulée à cause de cette inaction va éclater. Le rôle des socialistes est de se préparer: sensibiliser les gens, s’éduquer politiquement et éduquer les autres autour de nous pour ensuite construire des mouvements de résistance. Malgré une mobilisation héroïque lors de la COP26, la voix des résistants et résistantes a été ignorée, noyée dans le bruit du bla-bla-bla plein de fausses promesses qui ne mènent nulle part.
Contrairement à beaucoup de gens de la gauche progressiste, nous avons une réponse claire à la question de savoir ce qu’il faut faire. La seule réponse qui sauvera l’humanité de la catastrophe climatique et des autres calamités du capitalisme est un monde qui n’est pas redevable aux désirs des riches et à l’hypocrisie des élites politiques qui leur obéissent. L’humanité a besoin d’un système qui valorise les personnes plutôt que le profit, qui planifie collectivement et démocratiquement dans l’intérêt du plus grand nombre et non de quelques personnes. Nous devons confisquer les ressources des riches et les utiliser pour le bien public. La seule façon saine d’avancer. Ça s’appelle le socialisme.
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Sommet de Glasgow. Good COP or bad COP?

À l’issue de la COP26 à Glasgow, le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele résumait le bilan en ces termes : « Bien plus que du bla-bla, mais c’est très insuffisant ! ». Notre expert national est donc nettement moins pessimiste que Greta Thunberg qui estime que la COP26 n’était rien d’autre qu’une opération de greenwashing sans aucune avancée réelle. Qui a raison ?
Article de Jean Larock issu de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Pour Jean-Pascal van Ypersele, « la reconnaissance encore plus nette de l’urgence de l’action et un accueil favorable du dernier rapport du GIEC » sont des motifs de satisfaction ainsi que l’appel à réduire l’usage du charbon et des subsides aux énergies fossiles. « L’ensemble des textes adoptés à Glasgow ne diminue pas immédiatement les émissions de gaz à effet de serre, mais crée un cadre et des signaux de plus en plus clairs vers la décarbonisation pour tous les gouvernements, tous les acteurs économiques et tous les citoyens. Maintenant, au boulot !», conclut le climatologue. Il reconnaît donc explicitement qu’aucune mesure concrète et immédiate n’est sortie de la COP26… Ce qui donne implicitement raison à Greta Thunberg.
Sur base des annonces faites lors de la Conférence, les experts parlent d’un réchauffement compris entre 1,8 et 2,4 °C. Soit mieux que les 2,7°C auxquels nous étions condamnés avant la COP. Pour les optimistes, chaque dixième de degré gagné est une victoire. On pourrait le voir comme cela si ces victoires étaient tangibles et garanties. Or elles ne sont encore qu’à l’état de promesses non contraignantes ou d’engagements sans réelles sanctions prévues en cas de non-respect.
Nous ne sommes pas dans un simple débat philosophique entre optimistes et pessimistes. Dire que chaque dixième de degré gagné est une victoire ne doit pas nous faire oublier que chaque dixième de degré perdu représente une menace mortelle pour des dizaines voire des centaines de millions de personnes sur cette planète.
Mais regardons d’un peu plus près les résultats de cette « COP de la dernière chance » dans les domaines clés : réduction globale des émissions, sortie des énergies fossiles, aide aux pays du Sud, méthane, déforestation,… et enfin compensation carbone.
La réduction des émissions globales représente sans doute le plus grand échec de cette COP. Comme indiqué, les efforts supplémentaires n’atténueront que très peu le réchauffement. Une cinquantaine de pays n’ont fait aucun effort pour améliorer leur copie de 2015. La seule minuscule avancée réside dans l’accord de réviser les objectifs plus fréquemment que tous les 5 ans. Mais ce n’est évidemment rien de concret.
Concernant les énergies fossiles, pour la première fois, à Glasgow, une COP a envisagé la fin du pétrole et du charbon. Mais à la dernière minute, l’Inde, soutenue par la Chine et l’Afrique du Sud, a obtenu un affaiblissement notable du pacte : au lieu d’une « disparition progressive » du charbon, l’accord n’appelle qu’à « intensifier les efforts vers sa « diminution progressive » . « Pour la première fois, les énergies fossiles sont pointées du doigt dans un texte de COP. Ce qui ressemble à un pas en avant à l’échelle des négociateurs, reste une lapalissade tragi-comique à l’échelle du monde réel. Aucun calendrier de sortie des hydrocarbures, pourtant principales responsables du réchauffement climatique, n’est en effet évoqué. Les dirigeants des pays riches préfèrent hypothéquer l’avenir des jeunes générations et la survie des pays vulnérables plutôt que remettre en cause les intérêts criminels de leurs industries fossiles », souligne Greenpeace France.
Au niveau de l’aide aux pays du Sud qui sont les plus touchés par la crise climatique, c’est un nouvel échec et les promesses faites déjà en 2009 aux pays pauvres n’ont toujours pas été tenues. Seules l’Écosse et la Wallonie ont brisé un tabou en annonçant respectivement 1,17 million et 1 million d’euros pour répondre aux pertes et dommages. Au pied du mur, les pays vulnérables ont dû se contenter d’un lot de consolation avec l’organisation d’un dialogue de 2 ans pour discuter des arrangements de financements pour éviter, limiter et répondre aux pertes et dommages sans garantie qu’il aboutira à des engagements concrets. Proposeriez-vous à quelqu’un qui est en danger de mort de venir l’aider, mais seulement d’ici deux ans ?
Côté méthane et déforestation, il y a eu de nombreuses annonces en parallèle des négociations, mais leur portée reste incertaine, car des pays clés ont refusé de les signer (comme le Canada, l’Argentine ou la Nouvelle-Zélande dans le cas de l’élevage) tandis que l’on peut douter de la sincérité de certains signataires (le Brésil de Bolsonaro dans le cas de la déforestation).
La révision des mécanismes de compensation carbone est présentée par certains comme une avancée, car l’Article 6 des accords de Paris qui prévoyait un système d’échange des droits d’émission piétinait depuis 2015. La COP26 a donc réussi à mettre au point des règles d’encadrement du marché de la compensation carbones. «Malgré le fait que les marchés carbone peuvent s’avérer dangereux à la fois pour atteindre l’objectif de +1,5 °C et pour le respect des droits humains, les États ont adopté un texte qui donne quelques garanties sur l’intégrité environnementale et les droits humains», estime le Réseau Action Climat. Cette « victoire » en demi-teinte ne doit pourtant pas nous faire oublier les défauts fondamentaux de ce mécanisme de compensation.
Tout d’abord, il crée un décalage entre des émissions de CO2 déjà réalisées, et des projets de compensation qui mettront des années à se construire et dont les résultats restent hypothétiques et fonction de la performance encore incertaine de certaines actions. Par exemple, planter des arbres sur certains types de sols peut engendrer des émissions de CO2 supérieures au volume que les arbres pourront absorber… Ensuite, mettre le CO2 sur un marché, c’est permettre aux entreprises qui en ont les moyens de continuer à polluer, en « rachetant leurs péchés » comme au temps des indulgences. Cela crée également un nouveau terrain de jeux pour les spéculateurs. Bref, c’est un petit pas dans une direction hasardeuse. Il serait beaucoup plus judicieux de mettre en place une planification démocratique de la transition et de la décarbonation de l’économie au lieu de jouer l’avenir de la planète en bourse.
Enfin, la COP26 a battu un triste record : celui de ses propres émissions de CO2. Selon des estimations encore provisoires, son bilan carbone dépasserait les 100000 tonnes de CO2, soit 2 fois plus que pour la COP21 de Paris et 4 fois plus que la COP15 de Copenhague. Autre détail illustrant toute l’hypocrisie du sommet : l’industrie fossile comptait la plus grosse délégation à la COP26, avec 503 délégués, largement devant les pays les plus impactés par le changement climatique.
Notre Internationale ASI (Alternative Socialiste Internationale) avait mobilisé massivement et a réalisé un grand pas en avant dans la construction d’une résistance internationale contre le greenwashing et la destruction capitaliste. Notre énergie révolutionnaire est 100% renouvelable. Alors si le résultat de la COP26 ne vous satisfait pas et que vous voulez sauver notre planète, rejoignez-nous !

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Pollution, gaspillage… Vaincre le chaos de l’économie de marché par la planification socialiste

« Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue » (Victor Hugo)
Les défenseurs du capitalisme présentent leur système comme si c’était l’économie la plus efficace et la plus innovante, comme une mécanique bien huilée à la marche irrésistible vers l’avant. C’est tout l’inverse : une broyeuse qui avance au hasard, qui perd ses pièces et qui exhale une fumée asphyxiante. Loin de représenter une manière efficace d’agencer l’économie, la loi du marché exprime bien plus les sentiments, les intuitions et les fantasmes d’investisseurs fortunés et de fonds d’investissement rapaces incapables d’avoir une réelle perspective à long terme.
Par Constantin (Liège), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Économie de marché ou environnement : il faut choisir
Le capitalisme repose sur la concurrence entre entreprises. Pour écraser leur concurrent, celles-ci devaient à l’origine construire plus solide. Le problème étant le suivant : comment continuer à faire du profit quand le marché est saturé ? Un constat s’est imposé : vendre des objets solides est une aberration. Pourquoi ne vendre un produit qu’une fois par consommateur ou par ménage ? L’énergie qui a dès lors été dépensée pour convaincre qu’il était pratique – et même nécessaire – de posséder certains produits en double ou en plusieurs couleurs, pour produire des objets à usage unique ou pour diminuer la qualité des produits est tout simplement incalculable. Quel gâchis de talents et de moyens. Ceux qui nous parlent de « capitalisme vert » et qui veulent limiter le champ de notre action à ce qui est acceptable dans l’économie de marché veulent nous faire croire que le système qui a élevé l’obsolescence programmée au rang d’art est capable de nous sauver !
Pour avoir une chance face au changement climatique, nous ne pouvons pas nous permettre de subir davantage le chaos du marché. Nous devons nous extraire de la logique de ce système et nous libérer de la tyrannie des capitalistes qui détruisent notre planète. C’est pourquoi nous sommes pour son renversement et l‘instauration d’une économie démocratiquement planifiée, ce que nous appelons le socialisme.
Planifier l’économie ? Il n’en faut pas plus pour que les capitalistes crient « au fou » ! Pourtant, les propriétaires actuels des moyens de production se livrent à une planification extrêmement poussée et tentent de ne laisser aucun détail au hasard pour écraser leurs concurrents. Les multinationales étudient à travers le monde les différences de salaire et de conditions de travail, comment ils peuvent mettre pression pour les faire baisser, comment organiser la production aux quatre coins du monde et gérer le transport de marchandises, etc. C’est ainsi que l’on se trouve dans une situation où du bois wallon est vendu à de grandes entreprises chinoises qui en font des meubles… vendus en Belgique. Tout est calculé avec le plus grand soin.Ce que nous entendons par « socialisme », c’est l’extension des éléments de planification déjà présents à l’échelle de toute la société grâce à l’expropriation des grandes entreprises (les banques, les assurances, les géants pharmaceutiques,…) pour les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques de la collectivité. De cette manière, nous pourrions mobiliser toutes les possibilités existantes pour faire face au péril climatique.
Que pourrait faire une économie socialiste démocratiquement planifiée en quelques mois ?
- 12% des émissions totales de CO2 proviennent du transport routier. En investissant massivement dans des transports publics gratuits dans toutes les villes, en transportant les marchandises par rail et en empêchant que le transport maritime mondial soit utilisé comme un moyen de réduire les coûts de la main-d’œuvre, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire.
- 6 % des émissions proviennent de la déforestation et des incendies. La déforestation pourrait être rapidement transformée en son contraire, tandis que les incendies pourraient être réduits grâce à la gestion des forêts, à une planification urbaine plus responsable et à des investissements publics dans les services de lutte contre les incendies.
- L’industrie et les entreprises énergétiques d’aujourd’hui créent d’énormes émissions (environ 10 % des émissions) exclusivement par des processus inefficaces. Avec une économie planifiée qui élimine les déchets inutiles et avec des investissements permettant d’économiser l’énergie, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire.
- 17,5 % des émissions proviennent de l’énergie utilisée dans les bâtiments. Il n’en resterait quasiment rien avec un ambitieux plan public d’isolation des bâtiments quartier par quartier.
- Des structures capitalistes entières et des industries extrêmement destructrices pourraient être démantelées : l’industrie de l’armement, l’industrie publicitaire, la spéculation financière, y compris les cryptomonnaies.
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Crise climatique. La COP26, festival mondial du Greenwashing

Après deux semaines, 30.000 délégués, observateurs et lobbyistes ont conclu le sommet mondial “COP 26” à Glasgow. Résultat : promesses vides et inaction.Par Per Olsson, Rättvisepartiet Socialisterna (ASI-Suède)
Le sommet climatique de Glasgow fut un « festival mondial de greenwashing et un échec », a déclaré Greta Thunberg lors de son intervention à la manifestation « Fridays For Future » à Glasgow le 5 novembre dernier. Cette manifestation a été suivie le lendemain par une énorme marche pour le climat qui a rassemblé plus de 100.000 personnes dans les rues de Glasgow.
La COP26 à Glasgow restera dans l’histoire pour deux raisons totalement opposées. Premièrement, elle a vu l’intensification du greenwashing par l’élite dirigeante dans le but de cacher ses promesses totalement inadéquates et, surtout, ses actions inadéquates. Deuxièmement, elle a été marquée par l’étonnante mobilisation de celles et ceux qui réclament l’adoption de véritables mesures, ce qui a en réalité permis de relancer à l’échelle internationale le combat contre la crise climatique après la pause causée par la pandémie.
Avec plus de 500 personnes accréditées, la plus grande délégation présente à ce sommet était l’industrie des combustibles fossiles. Ce seul fait confirme que la COP26 a effectivement bien été un festival de greenwashing. Alors que le sommet touchait à sa fin, les négociations se sont poursuivies sur la série de nouveaux engagements visant à limiter les émissions et la hausse des températures.
Il était déjà clair au fur et à mesure que les discussions se poursuivaient que toute proposition serait de toute façon très limitée. Malgré tout, contrairement à ce qui s’est passé après le sommet de Paris de 2015 (la COP 21), où beaucoup de gens croyaient encore que la rencontre conduirait à des actions sérieuses, la plupart des militants pour le climat ne se font aujourd’hui aucune illusion sur le fait que les gouvernements participants tiendront leurs promesses.
L’aggravation rapide de la crise climatique, et la lutte qui en a résulté, a créé une nouvelle prise de conscience croissante : celle qu’il faut changer de système.
Avant le sommet sur le climat, les gouvernements du monde entier devaient soumettre leurs nouveaux engagements en matière de climat. Ces contributions déterminées au niveau national (CDN) se sont avérées loin d’être suffisantes pour atteindre l’objectif d’une augmentation maximale de 1,5 degré de la température mondiale. Les scientifiques ont souligné que si les gouvernements continuent à agir comme ils le font actuellement, une dévastatrice augmentation de la température de 2,7 degrés se produira d’ici 2100.
Ces engagements ont été suivis de nouveaux lors du sommet sur le climat, ce qui a incité l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à espérer que l’augmentation de la température puisse être limitée à 1,8 degré. Mais les calculs de l’AIE sont eux-mêmes coupables de greenwashing.
“Nous avons fait les calculs : le scénario de l’AIE laisse encore un énorme déficit d’émissions en 2030”, déclarent les chercheurs de Climate Analytics. Ils soulignent la nécessité de réduire les émissions mondiales de près de la moitié en l’espace d’une décennie pour que la température de 1,5 degré Celsius reste à portée de main.
Lors du sommet sur le climat, les gouvernements se sont engagés à mettre fin à la déforestation d’ici à 2030, le président brésilien Jair Bolsonaro figurant parmi les signataires. Mais c’est durant son mandat de président que la déforestation en Amazonie a établi de nouveaux records.
“Il y a une très bonne raison pour laquelle Bolsonaro s’est senti à l’aise pour signer ce nouvel accord. Il permet une autre décennie de destruction de la forêt et n’est pas contraignant. Pendant ce temps, l’Amazonie est déjà au bord du gouffre et ne peut pas survivre à des années de déforestation supplémentaires. Les peuples indigènes demandent que 80% de l’Amazonie soit protégée d’ici 2025, et ils ont raison, c’est ce qu’il faut. Le climat et la nature ne peuvent pas se permettre cet accord” a commenté Carolina Pasquali, directrice exécutive de Greenpeace Brésil.
La COP26 est parvenue à un accord visant à réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici à 2030, mais les trois plus grands émetteurs – la Russie, la Chine et l’Inde – n’ont pas signé.
Les principaux consommateurs et producteurs de charbon ont refusé de signer l’accord de la COP26 visant à éliminer progressivement son utilisation d’ici à 2030. Les gouvernements américain, indien et chinois ont tous refusé de le faire, tandis que le gouvernement polonais, qui avait d’abord signé, a changé d’avis en moins d’un jour, affirmant que le charbon ne peut être éliminé que d’ici 2049.
Depuis 2009, les pays riches se sont engagés à aider les pays pauvres par le biais de l’aide climatique, qui devait s’élever à 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Cet objectif n’a pas été atteint ; l’aide climatique, qui est à la fois une aide et des prêts accordées aux conditions des pays riches, a atteint 80 milliards de dollars en 2019. Une goutte d’eau dans l’océan. Les subventions des gouvernements aux énergies fossiles sont 74 fois plus importantes et équivalent à 11 millions de dollars par minute !
Mais à la COP26, cet échec sera couvert par de nouvelles promesses vides. Comme l’a exprimé Greta Thunberg : “Net zéro d’ici 2050. Bla. Blah. Bla. Zéro net. Bla. Bla. Bla. Climat neutre. Bla. Blah. Blah. C’est tout ce que nous entendons de la part de nos soi-disant dirigeants. Des mots qui sonnent bien mais qui, jusqu’à présent, n’ont mené à aucune action. Nos espoirs et nos rêves se noient dans leurs paroles et leurs promesses vides.”
Depuis le sommet de Paris sur le climat en 2015, les températures ont augmenté plus rapidement que jamais et l’augmentation des émissions cette année pourrait être la deuxième plus importante de l’histoire. Le mix énergétique mondial est toujours le même qu’il y a 10 ans.
Les enfants nés en 2020 risquent de connaître en moyenne près de sept fois plus de vagues de chaleur, trois fois plus de mauvaises récoltes et deux fois plus d’incendies incontrôlés que leurs grands-parents, selon un récent rapport de recherche de Save the Children et de climatologues de l’université de Vrije à Bruxelles.
Comme c’est la recherche du profit et de l’exploitation par le capitalisme qui guide les décisions prises par l’élite dirigeante, le monde se rapproche de plus en plus d’une catastrophe mondiale.
Les changements nécessaires ne peuvent être obtenus que par une lutte généralisée à partir de la base, en joignant la force du mouvement pour le climat à celle des luttes ouvrières et des syndicats et en se préparant à lutter par des grèves et des blocages de l’économie.
Seul un tel mouvement serait suffisamment puissant pour mettre fin à l’inaction de l’élite dirigeante, en lui retirant le pouvoir et en permettant la mise en œuvre de plans alternatifs de production et de distribution durables dans le cadre d’une économie publique et démocratiquement planifiée. Il s’agirait d’un véritable “changement de système”, qui remplacerait le capitalisme par le socialisme démocratique et permettrait le développement durable du monde.

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Crise climatique : comment pouvons-nous gagner ?

La crise climatique en cours est le signe le plus clair, parmi beaucoup d’autres, que ce système doit disparaître. « L’Organisation météorologique mondiale a indiqué mercredi que la crise climatique a engendré des conditions météorologiques extrêmes qui ont tué plus de 2 millions de personnes au cours des 50 dernières années, avec des dommages économiques de plus de 3.600 milliards de dollars. Les chercheurs ont constaté que le nombre d’événements météorologiques extrêmes a été multiplié par cinq par rapport à 1970. » (Democracy Now le jeudi 02/09/2020)
Par Philipp Chmel (Autriche), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Cette déclaration réaffirme la sensation que nous voyons, entendons, lisons et vivons dans notre vie quotidienne de plus en plus fréquemment : la situation est désastreuse et elle va empirer. La crise climatique se déroule depuis des années. Elle s’accélère, provoquera inévitablement des destructions sans précédent de notre vivant et conduira à des catastrophes climatiques encore plus graves si nous ne changeons pas radicalement de cap dans les années 2020. Sous le capitalisme, des scénarios cauchemardesques avec des émissions accrues entraînant une augmentation de 3 à 5 degrés de la température moyenne mondiale et une élévation du niveau des mers de plusieurs mètres, sont presque garantis. Cela signifie la conversion de grandes parties de notre planète en zones non compatibles avec la civilisation humaine.
Il y a encore de l’espoir
Cependant, il y a aussi de l’espoir : selon le dernier rapport du GIEC, le réchauffement de la planète peut être limité si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites à la vitesse et à l’échelle nécessaires. Mais pour que cela soit possible, il faut un changement de système révolutionnaire. S’il s’agit sans aucun doute d’un défi majeur, résoudre la crise climatique dans les limites du capitalisme est carrément impossible.
Les gouvernements et les institutions capitalistes, de plus en plus conscients qu’ils doivent au moins donner l’impression d’essayer de faire quelque chose de grand (et de gagner beaucoup d’argent dans le processus), vont sans aucun doute céder à la pression et mettre en œuvre de nouvelles politiques, y compris une intervention massive de l’État similaire à celle observée pendant la pandémie. Mais tout cela ne sera tout simplement pas assez important, ni assez rapide, pour obtenir le changement dont nous avons besoin dans les années 2020.
Les lois de l’accumulation sans fin du capital et de la concurrence, ainsi que de la division et des antagonismes nationaux, font partie de l’ADN du système, elles ne sont pas sujettes à débat et les classes dirigeantes n’hésitent pas à les faire respecter par la violence si nécessaire. Ces contradictions du capitalisme se dressent comme des murs géants sur le chemin du progrès pour sauver le climat.
Il n’y a pas d’autre solution : comme nous l’avons affirmé tout au long de cette brochure, si nous voulons sauver l’humanité de la barbarie et de la catastrophe climatique, nous devons remplacer le système capitaliste destructeur par un système démocratiquement socialiste dans lequel la production, la distribution et l’ensemble de l’économie sont planifiés en fonction des besoins des personnes et de l’environnement, sous le contrôle démocratique et le gouvernement d’en bas.
Une question de classe
Les gens ne sont évidemment pas tous touchés de la même manière par les effets de la crise climatique : les riches peuvent s’offrir des générateurs privés pour sécuriser leur approvisionnement en électricité, isoler correctement leurs maisons contre la chaleur et le froid ou s’éloigner des zones particulièrement touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. Les super-riches ont même leurs bunkers privés en Nouvelle-Zélande pour tenter d’échapper à l’apocalypse climatique.
La classe ouvrière et les pauvres, en revanche, n’ont pas ce choix. Au contraire, les travailleurs (en particulier les personnes de couleur, les femmes et les groupes marginalisés) sont touchés de manière disproportionnée par la crise climatique, alors qu’ils ne contribuent qu’à une fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cependant, le côté positif est que ce sont également ces mêmes personnes – la classe ouvrière mondiale et les opprimés – qui ont à la fois le pouvoir et l’intérêt de défier et finalement de renverser ce système.
Amis et ennemis
Soyons clairs sur ce point : ce n’est pas l’activité humaine dans l’abstrait, le fait qu’il y ait « trop de gens », ou nos choix de consommation qui sont à l’origine de la crise climatique, c’est le système capitaliste. Ce système, qui repose sur l’exploitation des gens et de la nature, engendre la pauvreté, les déplacements de population et les guerres, le racisme et le sexisme, ainsi que d’innombrables autres maux sociaux. Ce système et ses classes dirigeantes sont nos ennemis ! Reconnaître pleinement ce fait est la première étape très importante pour trouver une stratégie gagnante – nous devons savoir distinguer nos amis de nos ennemis.
Cependant, ce n’est pas toujours évident : la crise climatique mettant en danger les profits des capitalistes et la pression du mouvement augmentant, de nombreuses entreprises, gouvernements et politiciens ont commencé à appeler à l’action climatique. Par exemple, lors d’un discours à la Maison-Blanche le 2 septembre 2021, le président américain Biden a déclaré : « Ces derniers jours, l’ouragan Ida, les incendies de forêt dans l’Ouest et les crues soudaines sans précédent à New York et dans le New Jersey nous rappellent une fois de plus que ces tempêtes extrêmes et la crise climatique sont là. » Dans le même discours, il a toutefois précisé : « C’est pourquoi nous n’attendons pas d’évaluer l’impact total que la tempête aura sur la production de pétrole et les raffineries. Nous agissons déjà, rapidement, pour augmenter la disponibilité du gaz [essence] et relâcher la pression sur les prix du gaz dans tout le pays. » Biden intensifie également la guerre froide avec la Chine, en instrumentalisant la crise climatique.
Le capitalisme vert ne peut pas résoudre la crise climatique. Il vise plutôt à accéder à de nouveaux marchés, à obtenir un avantage concurrentiel – le « vert » est un argument commercial – et aussi à tenter de restaurer la légitimité du système, de regagner la confiance de la jeune génération. C’est une tactique de diversion dans la lutte désespérée pour protéger le système. On tente de nous vendre l’illusion qu’un prétendu capitalisme éthique et vert pourrait mettre fin à la crise climatique et que tout ce que nous devons faire est de faire pression pour des réglementations plus strictes et de réduire nos empreintes carbone individuelles en faisant les bons choix de consommation. Qu’il soit déguisé en vert, rose ou arc-en-ciel, le « capitalisme woke » ne vise pas à résoudre les problèmes brûlants de la crise climatique, du sexisme ou de l’homophobie et de la transphobie. Il vise plutôt à coopter les mouvements et les critiques du système et à renforcer la légitimité du pouvoir capitaliste qui s’effrite.
La solidarité de la classe ouvrière, pas le capitalisme vert
Si nous devons bien sûr toujours nous battre pour des améliorations ici et maintenant, nous devons être conscients que ces améliorations sont le résultat de luttes d’en bas et que toutes les victoires que nous obtenons seront bientôt menacées à nouveau tant que le capitalisme existera. Nous devons défendre une combinaison de revendications audacieuses, des méthodes de lutte et un programme qui, ensemble, peuvent mener au-delà du système actuel, exposant ainsi les mensonges du « capitalisme vert ». Le récit « le climat contre l’emploi » ou l’argument selon lequel la « surpopulation » est le moteur de la crise climatique, par exemple, sont des hommes de paille erronés et dangereux qui visent à diviser la classe ouvrière. Nous devons répondre à ces mensonges en construisant l’unité et la solidarité de la classe ouvrière la plus large possible, pas seulement dans l’abstrait, mais de manière concrète. Nous devons construire l’unité de la classe ouvrière, c’est un point de référence central lors de l’élaboration de nos revendications et de nos slogans, ainsi que lors de l’organisation de manifestations et d’actions plus importantes.
Dans de nombreux cas, nous avons déjà vu des jeunes unir leurs forces et construire la solidarité dans le mouvement pour le climat. De nombreux militants pour le climat ont également participé aux manifestations de Black Lives Matter, à la solidarité avec les réfugiés et aux manifestations du 8 mars, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Aux États-Unis, le Sunrise Movement s’est officiellement mobilisé pour les manifestations de Black Lives Matter, et récemment, l’activiste climatique indienne Disha Ravi, Greta Thunberg et d’autres ont soutenu le mouvement de protestation et de grève des agriculteurs indiens.
La prochaine étape consiste à construire ce même esprit de coopération et de solidarité en relation avec le mouvement syndical et ouvrier, car c’est lorsque nous nous organisons en tant que classe ouvrière que nous avons le pouvoir d’arrêter la machine capitaliste de fonctionner. Grâce à des actions de grève organisées collectivement, nous pouvons créer le type de pression politique et économique qui peut imposer de grands changements.
Pour un mouvement de grève militant
Nous avons vu l’importance des grèves économiques des travailleurs lors des récents soulèvements au Belarus, au Chili, au Myanmar, en Colombie et dans de nombreux autres pays. Il en va de même pour le climat : lutter et faire grève pour la protection de l’environnement et de l’écologie ainsi que pour des améliorations sociales est la méthode la plus puissante pour gagner le changement. Les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, telles que la journée de travail de 8 heures, le droit de vote des femmes et les droits démocratiques dans de nombreux pays, n’ont pas été obtenues en étant « pas trop radical » et en faisant appel aux médias et aux décideurs politiques, mais par des actions collectives de grève et de protestation.
La construction d’un mouvement de grève combatif qui lie les revendications climatiques et les autres revendications sociales ne se fera pas principalement par le biais de réunions stratégiques avec les directions des syndicats (dont la plupart n’ont pas été à la hauteur de la lutte pour les travailleurs au cours de la dernière période), mais avant tout en s’engageant et en soutenant les organisations de base existantes et les militants de la classe ouvrière qui mènent déjà des luttes, par exemple dans le secteur social et des soins de santé.
Nous, et l’ensemble du mouvement pour le climat, devons soutenir, nous engager et essayer de relier les luttes ouvrières dans différents secteurs économiques et pays, et faire pression sur les syndicats pour qu’ils agissent. Nos premiers pas dans cette voie, même s’ils sont modestes, seront d’une grande importance.
En fin de compte, nous devons construire des grèves internationales intersectorielles pour le climat visant à améliorer les conditions de travail, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à faire payer les véritables pollueurs. Tout comme les grèves scolaires de 2019 se sont répandues comme une traînée de poudre, l’idée de véritables grèves générales pour les travailleurs et la planète peut devenir plus viable dans la prochaine vague du mouvement.
La classe ouvrière peut prendre le pouvoir et sauver la planète
Sur la base de son rôle dans la production et de son poids dans la société, la classe ouvrière a le pouvoir de prendre le contrôle des secteurs économiques clés tels que l’agriculture, l’énergie, le transport et la mobilité, et le social et les soins de santé, par le biais de la propriété publique et du contrôle démocratique. L’histoire l’a montré à plusieurs reprises : si l’on ne retire pas la propriété des moyens de production des mains privées pour en faire une propriété publique sous contrôle et gestion démocratiques de la classe ouvrière, la gestion des entreprises et de la production ne changera pas fondamentalement de cap.
Dans de nombreux pays européens, les « comités d’entreprise » et les organes représentatifs des travailleurs se sont développés à partir des luttes ouvrières militantes et révolutionnaires après la Première Guerre mondiale. En Autriche, par exemple, les conseils ouvriers (calqués sur les « soviets » de la révolution russe) se sont formés pendant les grèves de janvier 1918, en tant qu’organisations de masse en dehors des portes de l’usine. Lorsque le SDAP (parti ouvrier social-démocrate) a ensuite tenté de les établir sur le lieu de travail, il s’agissait d’une « concession à la bourgeoisie, qui avait peur que les travailleurs, qui occupaient déjà les usines, ne les exproprient », comme l’a déclaré un responsable syndical autrichien. Ainsi, au lieu de prendre le contrôle de la production, ces organes représentatifs des travailleurs se sont institutionnalisés, abandonnant au fil du temps toute idée de changement radical. Aujourd’hui, ils limitent largement leur travail à la défense des droits et des intérêts des travailleurs au niveau de l’entreprise, dans le cadre juridique donné, et forment le « lien entre la main-d’œuvre et la direction », comme le décrit la Chambre du travail autrichienne.
Il ne s’agit pas de diminuer ici le rôle crucial que les délégués syndicaux doivent jouer dans la lutte pour les droits des travailleurs et l’organisation des luttes ouvrières, mais simplement d’avertir des limites de toute idée de « contrôle ouvrier » durable dans un cadre économique capitaliste. Rester dans le cadre capitaliste officiel et « respecter les règles » ne domptera pas la cupidité des entreprises, mais cela va certainement dompter le militantisme des luttes ouvrières.
Parfois, la classe ouvrière organisée devient si forte qu’elle contrôle de facto certains domaines de la société (ce que les marxistes appellent aussi le « double pouvoir »), mais cela ne peut pas durer longtemps. L’un des deux camps, la classe capitaliste ou la classe ouvrière, finira par prendre le dessus. Nous devons préparer et construire le pouvoir et l’organisation de la classe ouvrière. La classe ouvrière peut et doit renverser les États capitalistes et les remplacer par des États ouvriers socialistes et démocratiques.
Les tendances actuellement dominantes dans le mouvement pour le climat n’ont cependant pas encore tiré les conclusions nécessaires. Bien que beaucoup exigent un changement de système ou appellent même à une révolution, ils n’ont pas pleinement saisi ce qui est réellement nécessaire pour y parvenir. De nombreux points de référence du mouvement, qu’il s’agisse d’activistes individuels ou d’organisations telles que Green New Deal Rising, ont de très bonnes revendications, d’une grande portée, concernant par exemple les investissements verts et les programmes d’emploi, et ils savent que l’on ne peut pas faire confiance à la classe dirigeante.
Cependant, lorsqu’il s’agit de savoir comment obtenir ces revendications, ils retombent souvent dans des stratégies de type ONG, se contentant de préconiser de faire pression sur les élus en dénonçant leur inaction. Si de telles campagnes peuvent assurément susciter l’attention nécessaire du public et peuvent également politiser certains jeunes, nous devons aller plus loin. Le mouvement pour le climat doit se concentrer davantage sur le soutien et l’engagement dans les luttes syndicales existantes depuis la base, afin de construire un front uni militant entre les groupes de justice climatique et le mouvement syndical et ouvrier, capable d’imposer les changements nécessaires et de défier le système dans son ensemble.
Pour lutter pour les changements révolutionnaires qui sont nécessaires et combattre efficacement la crise climatique et les nombreux autres maux sociaux, nous devons construire des mouvements de masse et une organisation révolutionnaire avec un programme clair pour relier les luttes, combattre le capitalisme et transformer la société. Pour gagner le changement de système à l’échelle mondiale, une telle organisation doit être construite au niveau international, c’est pourquoi Alternative Socialiste Internationale (ASI), une organisation de travailleurs et de jeunes, lutte activement pour une transformation socialiste de la société dans plus de 30 pays.
Pour obtenir le changement révolutionnaire nécessaire pour mettre fin au capitalisme, à la destruction de notre planète et à toutes les formes d’oppression, rejoignez ASI !
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Construire un mouvement pour le climat capable de vaincre le capitalisme

En 2019, Alternative Socialiste Internationale s’est mobilisée et a participé de tout cœur à la vague mondiale de grèves et de protestations pour le climat dans le monde entier. À son point culminant, le 20 septembre 2019, 4.500 actions ont eu lieu dans plus de 150 pays qui ont fait descendre plus de 4 millions de personnes dans la rue ! Mené par la jeune génération et soutenu par de larges pans de la société, ce mouvement a évoqué un large débat sur la crise climatique et a même remporté quelques victoires limitées. Pourtant, une fois de plus, les catastrophes environnementales que nous avons connues ces derniers mois ont montré qu’il était urgent d’aller plus loin. La bataille du climat n’est pas terminée. Mais comment pouvons-nous la gagner ?
Par Arne Lepoutre (Belgique), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Notre mouvement doit être anticapitaliste
Des conditions météorologiques extrêmes, des sols infertiles et rocheux et même la pandémie : les scientifiques avaient tout prévu. Pourtant, pendant des décennies, les gouvernements et les grandes entreprises ont refusé d’élaborer un véritable plan pour éviter de tels désastres. Au lieu de cela, ils ont mis au point une énorme campagne visant à nier la crise climatique et à rejeter la responsabilité sur les individus en faisant appel à leurs gouvernements. Les multinationales ont investi dans de prétendues « recherches scientifiques » qui tentaient de nier le lien entre les combustibles fossiles et le changement climatique. La compagnie pétrolière ExxonMobil a dépensé environ 40 millions de dollars pour de tels mensonges au cours des 20 dernières années. Depuis l’accord de Paris de 2015 sur le climat, les plus grandes entreprises de l’industrie des combustibles fossiles ont dépensé plus d’un milliard de dollars en lobbying contre les énergies vertes !Pourtant, la pression du mouvement pour le climat a poussé une partie de la classe dirigeante à investir dans des mesures liées au climat et des technologies vertes. La crise climatique est aujourd’hui d’une telle ampleur qu’elle sape la productivité de la société et les profits des capitalistes. Il suffit de penser à la façon dont les catastrophes naturelles font s’arrêter le monde (et l’économie). Alors que certains de ces investissements seront des développements positifs et des victoires du mouvement pour le climat qui pourraient ralentir ou aider à se protéger contre les effets de la crise, nous devons lancer un avertissement clair : ces investissements ne représentent pas une orientation vers un « capitalisme vert » durable. Cela n’existe pas.
C’est pourquoi le mouvement pour le climat doit être anticapitaliste. Nous avons besoin d’un changement de système, d’un plan international qui réponde à cette crise par la solidarité de la classe ouvrière et le socialisme. Tous les moyens possibles doivent être mobilisés pour résoudre cette crise. Mais les contradictions internes du capitalisme, telles que la concurrence entre les États-nations et les super riches, rendent impossible l’élaboration du plan international nécessaire.
Le mouvement jusqu’à présent
Le mouvement de 2019 a introduit certaines méthodes, qui constituent des avancées importantes. Il a été compris que l’action internationale collective et de masse devait être la priorité du mouvement pour le climat, et non plus les choix des consommateurs ou les actions individuelles.
L’idée de la grève a été introduite dans le mouvement, à travers la proposition d’une grève des écoles et des plateformes telles que Fridays For Future. Ces plateformes et d’autres, dont Extinction Rebellion (XR), ont appelé à des journées d’action internationales et à une organisation internationale. Greta Thunberg a également appelé les activistes climatiques à soutenir le mouvement de protestation et de grève des agriculteurs indiens. Si l’on compare ces données à celles de la période précédente, il est clair que ces changements représentent des défaites idéologiques pour le capitalisme, et une avancée dans la compréhension sociale et politique de millions de jeunes à travers le monde.
Dans toute la société, l’atmosphère et la compréhension de la crise climatique ont radicalement changé en raison de l’impact du mouvement, ainsi que de l’impact réel du changement climatique sur nos vies. Le mouvement a permis d’exposer les véritables responsables de la crise et a popularisé des éléments importants tels que le fait que 71 % des émissions industrielles de gaz à effet de serre proviennent de seulement 100 entreprises. Plus important encore, le mouvement ne s’est pas limité à critiquer les pollueurs : il a appelé à un changement de système, à des changements structurels. Le slogan « change the system, not the climate » représente un pas en avant dans la recherche d’une solution radicale à la crise la plus urgente à laquelle l’humanité est confrontée. En réalité, un changement de système implique un changement révolutionnaire.
Des méthodes erronées et une accalmie dans le mouvement
Cependant, force est de constater que de nombreuses personnalités se sont laissées entraîner vers des méthodes qui n’ont pas vraiment profité à notre mouvement. Cela s’est traduit par une volonté de rallier le plus grand nombre possible de personnalités et d’organisations à la cause afin de faire pression sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils changent de cap (voir les exemples belges ci-dessous). Bien que cela semble être un désir logique, dans la pratique, cela a souvent été fait à un prix : en sacrifiant la clarté politique et le caractère antisystème du mouvement et de ses revendications.
Ces méthodes ont finalement commencé à démobiliser le mouvement et, pire encore, ont ouvert la porte aux partis de l’establishment et même aux grandes entreprises pour tenter de coopter notre mouvement. Le « greenwashing » de ceux qui partagent la responsabilité de la crise climatique a souvent été toléré afin de ne pas trop « polariser ».
Cette approche et le déclin de la taille et de la fréquence des mobilisations, avec le Covid-19 comme facteur supplémentaire, ont permis à la classe dirigeante de commencer à riposter. Les entreprises et les gouvernements ont commencé à réintroduire, avec plus d’intensité, leur discours sur la responsabilité individuelle : « comment vous, en tant qu’individu, pouvez lutter contre le changement climatique dans votre vie quotidienne ? » Les confinements ont traversé la lutte sociale pendant la première phase de la pandémie et finalement, le mouvement pour le climat est entré dans une pause relative encore largement en place à l’approche de la COP26. Seules quelques petites actions ont continué à avoir lieu, mais nous savons qu’il en faut beaucoup plus. Que devons-nous donc faire pour reconstruire le mouvement et éviter que la situation ne se reproduise ?
Nous ne sommes pas tous dans le même bateau : la lutte pour le climat est une lutte de classe !
L’incapacité de la classe dirigeante à résoudre la crise climatique a des implications pour la construction du mouvement climatique. Cela signifie que le mouvement doit viser à lutter pour une alternative au système capitaliste de la classe dominante. Le mouvement n’a rien à gagner d’alliances avec les défenseurs « écolos » du système capitaliste et doit viser à construire un mouvement indépendant de la classe capitaliste. Les alliances avec la classe dirigeante permettent à cette dernière non seulement de fuir ses responsabilités, mais aussi de stimuler de dangereuses illusions dans le « capitalisme vert ». C’est pourquoi les capitalistes cherchent à conclure des coalitions avec le mouvement pour le climat, afin de le stopper et de le démobiliser, surtout compte tenu de sa croissance rapide et de sa radicalisation.
En Belgique en 2019, une énorme dynamique a été construite par le mouvement, exerçant une pression énorme contre les grands pollueurs. Les grèves scolaires ont rassemblé jusqu’à 35.000 jeunes et les manifestations ont réuni jusqu’à 100.000 personnes. Puis, au plus fort du mouvement, une coalition appelée « Sign for my future » a été créée, ce qui a considérablement changé la donne.
Des groupes d’action écologistes bien connus ont rejoint cette campagne, ainsi que de grandes entreprises telles que Colruyt, Ikea, Proximus et Solvay, certaines des plus grandes organisations patronales de Belgique et même de grandes banques comme BNP Paribas, KBC et ING, qui investissent des millions d’euros par an dans l’industrie des combustibles fossiles. Si certains ont pu espérer que cette campagne pourrait donner l’impression que le mouvement pour le climat s’élargissait et se renforçait, ce n’était qu’une illusion.
La campagne était prétendument censée faire pression sur les politiciens qui n’étaient pas prêts à agir, mais en réalité, elle n’a fait que donner aux grandes entreprises un nouveau moyen d’éviter d’assumer la responsabilité de la crise climatique. La campagne n’a rien changé à la façon dont les entreprises participantes investissent ou produisent.
De nombreux militants pour le climat ont désapprouvé la mise en place de cette coalition. Mais malheureusement, le mouvement ne disposait pas des structures démocratiques nécessaires pour exprimer leur désaccord avec la direction autoproclamée du mouvement, qui organisait celui-ci du haut vers le bas. Nous avons besoin d’un mouvement de masse dont la stratégie, les revendications, le programme et les méthodes sont discutés de manière démocratique. Seul un mouvement démocratique peut garantir notre indépendance vis-à-vis des grands pollueurs !
Notre mouvement doit être organisé de manière démocratique
Cette anecdote explique pourquoi Alternative Socialiste Internationale a toujours insisté sur la nécessité de s’organiser correctement. Imaginez ce qui aurait été possible si ce mouvement historique pour le climat avait été organisé en comités d’action dans les écoles, les universités, les villes et sur les lieux de travail !
Le mouvement pour le climat aurait pu s’adapter à la pandémie en proposant un programme pour y faire face et rester organisé et actif de manière sûre pendant le confinement. Il faut maintenant discuter des revendications qui permettraient de mobiliser la couche la plus large possible de jeunes et de travailleurs dans les mois à venir. Les revendications les plus populaires du mouvement, qui étaient souvent des revendications sociales anticapitalistes, devraient être mises en avant par des porte-parole élus du mouvement : des investissements massifs pour des transports publics gratuits, plus nombreux et de meilleure qualité ainsi que pour une énergie verte et abordable, attireraient beaucoup d’autres personnes à rejoindre notre combat après cette cruelle pandémie et de nouvelles catastrophes climatiques.
Aujourd’hui, cependant, notre tâche est différente. Nous avons besoin d’un leadership qui ne favorise pas les coalitions avec ceux qui ne font que promouvoir plus de « taxes climatiques » sur les gens ordinaires qui ne sont pas à blâmer, ou qui ne parlent que de changements dans notre comportement personnel de consommation. C’est pourquoi ASI appelle à un mouvement qui puisse décider démocratiquement qui sont nos dirigeants et nos personnalités publiques, en les élisant et en étant capable de les révoquer. De plus, sans de véritables discussions démocratiques sur notre programme et nos méthodes, nous ferons inévitablement des erreurs importantes.
Pour un programme qui vise l’unité de la classe ouvrière !
En 2018, en France, le mouvement des Gilets jaunes a éclaté. Il s’agissait d’une réaction contre une augmentation des taxes sur le carburant pour les gens ordinaires et la hausse du coût de la vie, que le président français Macron a imputé au mouvement pour le climat et à son programme. Pourtant, très vite, les Gilets jaunes ont été repérés dans presque toutes les manifestations pour le climat et la solidarité entre les deux mouvements de lutte s’est rapidement construite.
Cependant, les Gilets jaunes ne sont pas le seul mouvement que la classe dirigeante a tenté de dresser contre le mouvement pour le climat. Aux Pays-Bas, ils ont essayé de le faire avec le mouvement des agriculteurs. Partout, les politiciens et les médias ont tenté de semer la division entre les « jeunes grévistes du climat » et les « vieux pollueurs ». Ces divisions ne sont pas les seules utilisées et renforcées par la classe dirigeante pour affaiblir nos forces : le racisme, le sexisme, la LGBTQI+phobie et d’autres formes de discrimination et d’oppression sont toujours répandus dans nos sociétés et continuent d’être reproduits et renforcés par l’oppression structurelle du système capitaliste.
Pour le mouvement climatique, il s’agit d’une question cruciale. Il n’y a aucun doute sur la nécessité d’utiliser notre programme pour construire l’unité de la classe ouvrière. Nous ne voulons abaisser le niveau de vie de personne, sauf de la classe dirigeante décadente. Les revendications climatiques sont des revendications sociales et seul un new deal vert socialiste peut fournir des emplois de qualité avec de bonnes conditions de travail et de salaire à tous ceux qui en ont besoin. Un véritable programme socialiste internationaliste pour le mouvement climatique peut être un pas décisif vers la construction de l’unité de la classe ouvrière.
Le rôle du mouvement des travailleurs
Les revendications sociales qui composent un tel programme trouvent toutes leur origine dans les luttes du mouvement ouvrier, et ce n’est pas une coïncidence : le mouvement climatique lui-même trouve son origine dans le mouvement ouvrier.
Dès le début du 20e siècle, les travailleurs se sont battus contre la pollution dans leurs quartiers. Au cours des « croisades antismoke » aux États-Unis, les femmes de la classe ouvrière se sont battues contre le smog provenant des usines polluantes. Les métallurgistes ont attaqué Carnegie Steel à la suite du smog mortel de Donora en 1948, qui a tué des dizaines de personnes. Plus tard, et en dehors des États-Unis, c’est le mouvement ouvrier qui s’est chargé de toutes les luttes vitales pour l’environnement, ce qui a permis d’obtenir bon nombre des lois de protection de l’environnement qui existent actuellement.
Aujourd’hui encore, nous voyons comment le mouvement ouvrier se bat au quotidien contre la pollution. Une entreprise appelée 3M, présente dans plus de 70 pays et réalisant des millions de bénéfices chaque année, a utilisé sciemment des substances toxiques depuis des années. L’été dernier, des quantités excessives de ces substances (PFOS et BFAS) ont été détectées à deux reprises dans la zone entourant les activités de 3M dans le port d’Anvers, en Belgique. Depuis bien plus longtemps, les représentants syndicaux de l’entreprise posaient des questions sur la pollution des sols qu’elle provoquait, sans recevoir de réponse de la direction. Le syndicat a également averti qu’il existait des risques de pollution provenant de plusieurs entreprises de la région et que l’on utilisait des matières premières dont les effets sur les gens et l’environnement n’avaient pas encore été entièrement clarifiés.
L’obstacle de la bureaucratie syndicale
D’une manière générale, les syndicats n’ont pas encore joué le rôle moteur qu’ils devraient jouer. Bien que de nombreux syndicats se soient prononcés en faveur des grèves scolaires pour le climat dans le sillage du mouvement, cela est resté largement à un niveau symbolique. Pratiquement aucune structure syndicale importante ne fait activement campagne et ne s’organise autour de la question de la crise climatique. La plupart des dirigeants syndicaux ont, dans une certaine mesure, essayé de cultiver une image « verte », mais sans réellement proposer de réponses cohérentes, que ce soit dans l’action ou sous la forme de solutions politiques.
Dans de nombreux pays, les dirigeants syndicaux qui se disent « verts » ont pris des positions politiques en faveur de projets d’entreprises liés aux combustibles fossiles, reprenant souvent la fausse version selon laquelle cela était nécessaire pour défendre les emplois et les conditions de travail de leurs affiliés. En Allemagne et en Autriche, ils ont notamment soutenu l’expansion des aéroports et les subventions gouvernementales aux constructeurs automobiles privés. Dans l’exemple le plus extrême, l’IG BCE (syndicat industriel des travailleurs des mines, de la chimie et de l’énergie) a organisé, en collaboration avec la société minière RWE, une contre-manifestation de 30.000 travailleurs contre un mouvement de masse visant à mettre fin à la déforestation et à la destruction de l’environnement par les multinationales de l’extraction du charbon dans la forêt de Hambacher !
Des exemples comme ceux-ci montrent à maintes reprises que nous ne pouvons en aucun cas compter sur les directions syndicales conservatrices et bureaucratiques, qui dominent aujourd’hui la plupart des syndicats dans la plupart des pays, pour mener notre lutte. Souvent, l’approche erronée de ces dirigeants vis-à-vis de la crise climatique fait partie d’une approche globale qui ne parvient pas à représenter efficacement la classe ouvrière contre les patrons, en refusant de mobiliser le pouvoir de leurs membres et en empruntant plutôt la voie du lobbying inefficace et de la démobilisation. Pour le mouvement climatique, et pour toutes les luttes de la classe ouvrière, nous devons nous battre pour développer de nouvelles directions syndicales avec une stratégie combative de lutte de masse pour gagner de nouvelles conquêtes sociales.
Le contrôle des travailleurs, pas le chaos du marché !
Dans les années 1970, en Grande-Bretagne, une grande lutte a eu lieu autour du « plan Lucas », lorsque les travailleurs de Lucas Aerospace ont appris en 1976 que des milliers d’entre eux allaient perdre leur emploi. Les travailleurs n’ont pas accepté cela à la légère et ont organisé un comité mixte de délégués syndicaux pour lutter contre les licenciements et pour la reconversion de la production. Le plan Lucas, proposé par le comité mixte des délégués syndicaux en 1976, demandait « le droit de travailler sur des produits raisonnables […], afin de résoudre les vrais problèmes de l’humanité au lieu de les produire ».
Avec le plan Lucas, les travailleurs proposaient qu’au lieu de produire des technologies militaires pour l’État britannique, ils fabriquent, avec le financement public nécessaire, des produits socialement utiles qui répondent aux intérêts de la société. Le plan prévoyait la production de plus de 150 produits environnementaux et sociaux nécessaires. Il s’agissait notamment d’équipements médicaux, d’équipements de chauffage bon marché et écologiques pour les maisons, d’éoliennes et d’un système ferroviaire permettant de relier les zones rurales au réseau public de trains.
Voilà ce qui aurait été possible si les travailleurs avaient eu un contrôle effectif sur leurs lieux de travail. Aujourd’hui, le mouvement pour le climat a besoin de beaucoup d’autres plans comme celui-ci. Et tout comme le Plan Lucas nous l’enseigne, ces plans viendront de la classe ouvrière.
En mars 2020, les travailleurs de General Electric dans trois usines aux États-Unis se sont mis en grève contre les licenciements prévus. Les patrons de GE ont utilisé la pandémie comme excuse pour ces licenciements, mais les travailleurs se sont montrés beaucoup plus intelligents. Ils ont commencé à s’organiser et à faire grève, mais pour obtenir bien plus que les salaires qu’ils méritent. Les syndicats ont posé la question de savoir pourquoi ils ne pouvaient pas commencer à construire les ventilateurs dont on a tant besoin pour lutter contre la pandémie, puisque tous les matériaux nécessaires pour le faire étaient là dans leurs usines.
En Irlande du Nord, en 2019, les travailleurs de Harland & Wolff, un chantier naval historique qui a été placé sous administration judiciaire, mettant en danger des emplois qualifiés, ont fait grève pendant plus de neuf semaines pour exiger la nationalisation de leur chantier afin de préserver son avenir. Mais ce n’était pas leur seule revendication. Pendant des années, les syndicats et les travailleurs ont défendu la nécessité pour Harland & Wolff de devenir un spécialiste de l’énergie verte. Les travailleurs ont fait appel à Mick Barry, membre du Socialist Party (section irlandaise d’ASI) au parlement d’Irlande du Sud, pour l’interroger sur les projets à venir qui pourraient apporter du travail dans le secteur de l’énergie verte.
Que pouvez-vous faire ?
Le mouvement ouvrier n’est pas seulement le mieux placé pour lutter contre la crise climatique parce que les origines de la lutte environnementale se trouvent en son sein ou en raison des exemples de ce qu’il pourrait réaliser s’il en avait le contrôle. La classe ouvrière est également la seule force de la société ayant le pouvoir de renverser le système capitaliste et de le remplacer par une économie socialiste planifiée démocratiquement qui place les besoins réels des gens, de la planète et de toute vie au centre.
Le mouvement pour le climat a besoin de s’orienter vers le mouvement ouvrier et de faire très attention à ce que ses actions ne puissent pas être interprétées à tort comme ciblant la classe ouvrière. Bloquer des stations de métro sans impliquer les travailleurs ne sert qu’à ennuyer les travailleurs qui sont en retard pour leur travail. Les travailleurs des secteurs des combustibles fossiles ne sont pas nos ennemis. Pourquoi ne pas rejoindre la bataille de ces travailleurs pour de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires ET la transformation de leur secteur en un secteur vert, comme l’ont proposé les travailleurs de Harland & Wolff ?
En juillet 2021, une trentaine de militants pour le climat ont bloqué l’entrée des plus grandes banques du pays en Suisse. L’un des manifestants interrogés a déclaré : « nous ne sommes pas ici parce que nous sommes stupides ou que nous n’avons rien d’autre à faire. Nous sommes ici parce que nous ne savons plus ce que nous pouvons faire. Nous nous sommes battus pendant deux ans ». C’est probablement un sentiment partagé par de nombreux jeunes. Notre avenir semble si catastrophique, que pouvons-nous encore faire ?
Notre proposition est très claire : organisons-nous, avec la classe ouvrière de tous les secteurs et industries, avec les habitants de la forêt amazonienne et les autres communautés qui luttent contre l’exploitation des terres par les multinationales polluantes du monde entier. La classe ouvrière est la source de la richesse et des profits de la classe capitaliste. Nous sommes inarrêtables lorsque nous nous organisons ensemble contre eux.
Construire un mouvement pour le climat qui mette en avant ce programme et ces méthodes aujourd’hui reste une grande tâche. C’est pourquoi ASI s’engage dans la bataille. Chaque jour, des membres dans plus de 30 pays s’organisent, protestent et exposent les cruautés du capitalisme. Nous mettons en avant la nécessité du socialisme dans les luttes d’aujourd’hui. Nous sommes un mouvement de lutte international, mais nous sommes encore trop petits pour mener à bien notre mission. Rejoignez-nous, il n’est pas trop tard.
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Pourquoi les féministes doivent s’engager pour le climat et pour un changement de système

Après les millions de morts du Covid-19, la crise climatique a fait grimper le nombre de victimes l’été dernier. Les inondations, les feux de forêt et autres événements météorologiques extrêmes ont dominé l’actualité. Pour imposer une action réelle, nous devons occuper les rues ! Les femmes autochtones nous ont montré la voie, en défilant par milliers dans la capitale brésilienne le 10 septembre 2021 contre les nouvelles attaques du gouvernement de Bolsonaro contre leurs terres ancestrales dans le but de servir les intérêts des sociétés minières et de l’agrobusiness.Par ROSA – International Socialist Feminists, article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
En luttant pour stopper la destruction continue de la forêt amazonienne, elles défendent la vie de leurs enfants, mais se battent aussi contre un système qui rend de plus en plus de parties de la planète inhabitables pour toutes les créatures vivantes. Nous devons suivre leur exemple : nous avons besoin des plus grandes mobilisations climatiques jamais organisées jusqu’à et pendant la COP26 en 2021. Les féministes doivent être à l’avant-garde de ces mobilisations, car la lutte contre le sexisme va de pair avec la lutte contre la crise climatique.
Les femmes sont plus durement touchées
Le système capitaliste repose sur le travail non rémunéré que les femmes effectuent au sein du foyer. Une partie de ce travail consiste à assurer l’éducation et la sécurité des enfants, une tâche cruciale pour le capitalisme, car les enfants sont la prochaine génération de travailleurs qui créeront des profits pour la classe capitaliste. Cela rend les femmes plus vulnérables aux catastrophes naturelles et aux conditions météorologiques extrêmes liées à la crise climatique. Dans les situations d’urgence, les femmes doivent non seulement se sauver elles-mêmes, mais aussi leurs enfants, qui ne savent peut-être pas encore suffisamment marcher ou nager. Après le tsunami qui a frappé le Sri Lanka, l’Indonésie et l’Inde en 2004, Oxfam a indiqué que pour trois hommes ayant survécu à la catastrophe, seule une femme avait survécu.
Non seulement les femmes effectuent une grande partie des tâches ménagères non rémunérées, mais elles sont également surreprésentées dans les emplois mal payés : 70 % des 1,3 milliard de personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes et 40 % des ménages dans les régions urbaines sont dirigés par une mère célibataire. Les mesures « vertes » antisociales telles que les redevances d’eau frappent plus durement les femmes sur le plan économique, tout comme les destructions massives causées par les catastrophes naturelles, telles que l’ouragan Ida qui a récemment balayé les États-Unis. Les femmes n’ont souvent pas, ou très peu, de moyens pour réparer ou reconstruire leur maison, et encore moins pour payer une maison bien isolée ou souscrire une assurance adéquate.
De plus, les abris après ces catastrophes ne sont souvent pas non plus bien équipés pour accueillir les femmes. Après le passage de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans en 2005, les femmes ont été hébergées dans un refuge qui ne disposait pas de suffisamment de produits sanitaires pour le nombre de femmes qui y séjournaient.
80 % des personnes contraintes de fuir en raison des effets de la crise climatique sont des femmes. Elles se retrouvent dans des camps de réfugiés où les gens vivent en rangs serrés et où les femmes sont très vulnérables à la violence sexiste, à la traite des êtres humains, etc. Dans un camp de réfugiés au Pakistan, plus de 79 % des 200 femmes interrogées avaient subi des violences domestiques. Et 46 % des femmes des camps de réfugiés européens ont déclaré se sentir en danger.
Avec un emploi mal rémunéré, de nombreuses femmes sont financièrement dépendantes de leur partenaire ou de leur famille et n’ont pas les moyens d’échapper à une situation de violence. Les crises sanitaires et climatiques du capitalisme font de cette réalité une réalité quotidienne pour de plus en plus de femmes. Dans les périodes de tension accrue, la violence à l’égard des femmes augmente. La déshydratation des terres agricoles et l’accès à de moins en moins d’eau potable obligent non seulement les femmes à voyager plus loin pour avoir accès à ces aliments, mais les conduisent aussi à manger moins ou à ne pas être nourries du tout parce qu’elles sont en bas de la hiérarchie soi-disant « naturelle ». Dans d’autres cas, les femmes doivent vendre leur corps en échange de nourriture. Une catastrophe naturelle est une telle situation de tension accrue. En Australie, les chiffres de la violence domestique atteignent des sommets après les feux de forêt, dont l’intensité et la durée augmentent en raison de la crise climatique.
Il est temps d’agir !
« Nous sommes au début d’une crise climatique et vous ne parlez que d’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle », c’est ainsi que Greta Thunberg a démasqué les véritables tueurs du climat dans son discours à l’ONU en 2019. Et c’est ce que nous devons à nouveau faire maintenant ! Parce que tout comme le sexisme n’est pas un problème qui vient de chaque homme, le réchauffement climatique n’est pas causé par des personnes individuelles. C’est l’ensemble du système qui est à blâmer !
Le mouvement pour le climat, tout comme le mouvement féministe, doit à nouveau descendre dans la rue, organiser de grandes journées d’action et de grève. Et comme en 2019, les femmes et les féministes doivent être à l’avant-garde de ce combat. Les pays les plus durement touchés par la crise climatique aujourd’hui sont des pays où les femmes sont déjà fortement opprimées. La crise climatique réduit encore plus leurs chances d’avoir une vie décente.
Pour imposer un véritable changement, les jeunes et les travailleurs, les hommes et les femmes doivent lutter ensemble et s’organiser autour d’un programme de revendications sociales qui rompt avec la logique de profit responsable de la crise climatique et qui a également besoin du sexisme pour maintenir ses profits.
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Crise climatique, impérialisme et oppression

Comme nous le savons, les conséquences de la catastrophe climatique affecteront tout le monde, mais ce sont les communautés les plus pauvres et la classe ouvrière, en particulier dans les pays les plus pauvres, qui supporteront le plus lourdement le poids de cette situation désastreuse. Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale de l’impérialisme moderne, où les grandes puissances capitalistes mondiales se disputent des ressources qui s’amenuisent avec peu voire aucune considération pour la vie humaine ou la planète.Par Pedro Meade (Brésil), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.
Pour maintenir un flux constant de profits, elles doivent également maintenir un système d’influence en exploitant des pays et des continents entiers et en opprimant leurs populations. Aujourd’hui, alors que les relations interimpérialistes mondiales sont de plus en plus dominées par une nouvelle guerre froide entre le capitalisme chinois et les États-Unis, nous devons examiner comment l’exploitation et l’oppression impérialistes ont accéléré les crises climatiques et environnementales tout en laissant la classe ouvrière et les personnes opprimées en subir les conséquences.Lors de la campagne électorale brésilienne de 2018, Jair Bolsonaro, qui n’était alors encore qu’un candidat, a déclaré : « Si je deviens président, il n’y aura pas un centimètre de plus de terres indigènes ». Ce n’était ni la première ni la dernière fois qu’il tenait des propos similaires et, depuis qu’il est président, il a pesé de tout son poids pour réduire à néant la démarcation des terres des communautés indigènes et autres communautés traditionnelles, tout en encourageant les invasions violentes de ces terres par les bûcherons, les mineurs et les accapareurs de terres.
Le pillage impérialiste
Il affirme que la raison pour laquelle ces communautés ne méritent pas d’avoir leurs propres terres sous leur contrôle est qu’elles « entravent le progrès » et que la richesse supposée en minéraux et autres ressources trouvées sur ces terres est « gaspillée ». Bien entendu, ce qu’il entend par « progrès », c’est l’ouverture de ces terres aux entreprises étrangères pour qu’elles exploitent et exportent tout ce qu’elles pourraient y trouver, sans tenir compte du fait que les territoires indigènes sont les îlots les mieux préservés d’écosystèmes plus sains dans une mer de déforestation et de destruction.
Cette situation n’est pas nouvelle en Amérique latine, ni d’ailleurs dans la plupart des pays du « Sud » (terme communément utilisé pour désigner les pays qui ont souffert du sous-développement dû à la domination impérialiste). Pendant des siècles, la classe dirigeante locale a fait tout ce qu’elle pouvait pour accommoder les multinationales ou les puissances impérialistes afin de pouvoir extraire les ressources avec une main-d’œuvre bon marché ou tout simplement esclave. Toutefois, ce processus s’intensifie aujourd’hui, car les ressources deviennent de plus en plus rares et la concurrence entre les puissances impérialistes s’intensifie.
En Afrique, les opérations minières chinoises ont contesté la domination des entreprises nord-américaines et européennes, en investissant massivement dans des pays tels que la Zambie et la République démocratique du Congo pour s’assurer des sources de cuivre, de lithium et de cobalt. Ces investissements touchent toutefois rarement la population locale, qui souffre d’un manque d’infrastructures et de terribles conditions de travail, et fait parfois appel au travail des enfants.
Gyekye Tanoh, responsable de l’unité d’économie politique du Third World Network-Africa basé au Ghana, a récemment publié des données de la Banque du Ghana qui montrent que, « sur les 5,2 milliards de dollars d’or exportés par des intérêts miniers étrangers depuis le Ghana [de 1990 à 2002], le gouvernement n’a reçu que 68,6 millions de dollars [en] redevances et 18,7 millions de dollars en impôts sur les sociétés. » En d’autres termes, le gouvernement a reçu au total moins de 1,7 % des recettes mondiales provenant de son propre or.
L’industrie aurifère est en soi un symbole du gaspillage des ressources et de la destruction de l’environnement par le capitalisme. Aujourd’hui, jusqu’à 80 % de l’or nouvellement extrait ou recyclé est utilisé pour la fabrication de bijoux, un produit qui n’a en réalité que peu ou pas de valeur d’usage.
L’exploitation minière et forestière et l’accaparement des terres accélèrent la destruction du climat
L’exploitation minière a toujours un effet plus ou moins dévastateur sur l’environnement, la destruction évidente causée par le processus d’extraction étant renforcée par l’empoisonnement des réserves d’eau par les écoulements toxiques. Ce phénomène est encore amplifié par les accidents, ce qui devient de plus en plus courant avec la vente des entreprises d’extraction publiques et la dégradation des normes de sécurité par les entreprises privées. On en a vu les résultats en 2019, lorsqu’un barrage de résidus à Brumadinho, au Brésil, s’est effondré, libérant 12 millions de mètres cubes de boue toxique qui ont tué 270 travailleurs et riverains et empoisonné les rivières environnantes, détruisant des écosystèmes délicats et uniques et privant les pêcheurs locaux de leurs moyens de subsistance.
Outre les activités minières, l’exploitation forestière et l’accaparement des terres détruisent de vastes zones de forêts et d’écosystèmes. Les incendies de forêt massifs que l’on observe en Amérique latine pendant les saisons sèches font généralement partie des dernières étapes du « nettoyage » des zones qui seront revendiquées illégalement. Ces dernières années, les records d’ampleur et de durée de ces incendies n’ont cessé d’être battus. Parfois, des incendies sont allumés délibérément dans des zones de conservation, avec la logique simple et brutale qu’une fois que les incendies ont détruit tous les exemples uniques de biodiversité, il n’y a plus de raison de préserver la zone et les autorités peuvent la vendre. Ces terres sont ensuite utilisées pour d’immenses plantations de soja et d’autres cultures de ce type, ou pour d’énormes élevages de bétail destinés à l’industrie de la viande et des produits laitiers, qui sont tous principalement exportés. Il en résulte que des pays produisent et exportent d’énormes quantités de nourriture alors que la faim fait constamment plus de ravages.
L’Amazonie, un champ de bataille essentiel
La forêt amazonienne est devenue un champ de bataille clé pour différents intérêts impérialistes. Les États-Unis ont depuis longtemps un intérêt direct dans son écosystème, non seulement en raison de ses ressources mais aussi de son importance stratégique. Depuis les incendies, d’autres pays comme la France ont utilisé un vernis écologique pour menacer d’intervenir dans la région, ce qui a conduit les États-Unis à resserrer leurs liens avec les gouvernements locaux et même à envoyer l’ex-secrétaire d’État Mike Pompeio en visite.
La destruction de ces forêts a d’autres conséquences, outre la destruction de la faune et des communautés indigènes locales. Certaines parties de l’Amazonie produisent désormais plus de CO2 qu’elles n’en absorbent, en raison des incendies et de l’activité humaine. Il y a également un impact direct sur la disponibilité de l’eau douce, car les « rivières aériennes géantes » constituées de vapeur d’eau libérée dans l’atmosphère par les arbres qui se dessèchent, entraînent une réduction des précipitations dans d’autres parties de la région ainsi que dans le monde. Les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, entraînant une raréfaction de l’eau et de la production alimentaire, notamment en Afrique et en Amérique latine. Le Brésil et l’Argentine sont confrontés à des sécheresses massives, les réservoirs des États du sud du Brésil s’asséchant et entraînant la possibilité très réelle de pannes d’électricité, la majeure partie de l’énergie du pays étant produite par des centrales hydroélectriques.
De nouvelles guerres de l’eau ?
Nous assistons déjà à des conflits concernant les droits sur l’eau, tant au niveau local qu’à plus grande échelle. Les communautés ont dû se battre pour l’accès à l’eau, qui a généralement été volée par des entreprises privées. Cela a conduit à un soulèvement des agriculteurs pauvres dans la « guerre de l’eau » contre la privatisation de l’eau à Cochabamba en Bolivie au début des années 2000, dans le cadre d’une vague révolutionnaire qui a secoué le pays. Mais nous voyons aussi l’État et le secteur privé travailler ensemble pour sécuriser les réserves d’eau douce avant que les concurrents ne le fassent.
La majeure partie de l’eau douce de la planète provient des glaciers de montagne, qui fondent aujourd’hui à un rythme accéléré, d’où la course pour sécuriser ces « châteaux d’eau ». Une raison importante de l’occupation continue du plateau tibétain par la Chine est de sécuriser ces approvisionnements. Le conflit frontalier avec l’Inde, qui s’est dramatiquement aggravé, est à considérer dans ce contexte.
Bien entendu, cette ruée vers l’eau n’est pas destinée à assurer le bien-être des milliards de personnes qui en sont encore privées, mais à garantir un approvisionnement régulier pour l’industrie et l’agriculture à grande échelle. Un récent rapport de l’OMS et de l’Unicef estime qu’en 2020, 46 % des personnes dans le monde n’auront toujours pas accès à des services d’assainissement gérés de manière sûre et qu’une personne sur quatre n’aura pas d’eau potable traitée de manière sûre à son domicile. Dans la plupart des pays du « sud global », c’est déjà la réalité au sein des nombreux favelas et bidonvilles qui ont toujours été confrontés à ce manque d’infrastructures. C’est particulièrement le cas pour les personnes de couleur et les femmes, qui vivent et travaillent plus souvent dans ces zones, ce qui entraîne une augmentation des problèmes de santé et des maladies, comme nous l’avons encore constaté durant la pandémie actuelle.
Les plus pauvres en subissent les conséquences
Ce sont ces communautés qui subissent les conséquences du pillage impérialiste. Non seulement les milliards gagnés grâce à l’extraction des ressources passent au-dessus de leur tête, mais en plus elles subissent des réductions de salaire, l’érosion de leurs droits et la privatisation des infrastructures. La pandémie a révélé l’ampleur de ces attaques, notamment dans le secteur de la santé, mais aussi des infrastructures sanitaires et dans l’éducation. Les femmes, et surtout les femmes de couleur, subissent les pires conséquences. Elles sont touchées de manière disproportionnée par les pertes d’emploi et sont également plus exposées aux maladies car elles sont les principales pourvoyeuses de soins pour les familles. L’insécurité alimentaire, associée à l’utilisation généralisée de pesticides, dont beaucoup sont interdits dans l’UE et aux États-Unis, ne fait qu’aggraver les problèmes de santé, ainsi que la pollution atmosphérique dans de nombreuses mégalopoles.
La vente et la réduction des coûts des infrastructures signifient également que ces communautés auront beaucoup plus de mal à faire face à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus nombreux et mettront plus de temps à se rétablir chaque fois qu’une catastrophe se produira. Des pays comme Haïti sont frappés par des tempêtes tropicales plus fortes et plus fréquentes, mais ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux conséquences après des siècles de pillage impérialiste.
Il n’est pas surprenant que ces communautés soient donc à la pointe de la lutte contre cette dévastation, notamment les femmes. En 2019, dans le cadre d’une explosion des luttes dans le monde, les mouvements indigènes en Équateur ont mené la lutte contre les politiques néolibérales. Au Chili et plus récemment en Colombie, la jeunesse, avec les jeunes femmes en tête, s’est soulevée contre les attaques et les gouvernements ayant une longue histoire de soutien américain. C’est le mouvement des travailleurs indigènes en Bolivie, en faisant grève et en utilisant des barrages routiers, qui a réussi à renverser le coup d’État soutenu par les États-Unis dans le pays en 2020, et en ce moment même, les femmes indigènes au Brésil sont en première ligne contre les attaques de Bolsonaro contre leurs droits, l’environnement et leurs terres.
Ces exemples – ainsi que les énormes grèves des agriculteurs indiens contre la tentative du gouvernement Modi d’amoindrir les réglementations et d’ouvrir le marché aux grandes entreprises ou encore la grève nationale indonésienne de 2020 contre les attaques contre la classe ouvrière et les protections environnementales – montrent la voie à suivre : résister aux profits capitalistes et impérialistes qui dévastent le monde. La nouvelle guerre froide entre la Chine et les États-Unis aura de vastes répercussions non seulement sur la géopolitique, mais aussi sur l’environnement. Leur lutte pour la suprématie sera payée par la destruction des écosystèmes du monde et de la vie des pauvres et des travailleurs. Nous devons nous assurer que la lutte pour le climat soit aussi une lutte contre l’oppression et l’exploitation. C’est la seule façon de vaincre l’impérialisme et de détruire enfin ce système barbare, en le remplaçant par un socialisme durable, sans exploitation ni oppression.

