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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (3)
La Belgique – un pays riche
68. Nous avons montré dans la partie internationale de ce texte la façon dont la crise a accru les divisions parmi la bourgeoisie, au point qu’elle en arrive à une impasse. Ses diverses factions sont en désaccord sur plusieurs choses, mais surtout sur la question de savoir s’il faut mettre tout de suite le couteau sur la gorge des travailleurs ou s’il ne vaut mieux pas le faire graduellement, afin de ne pas causer de réaction incontrôlée. La bourgeoisie belge s’est heurtée plusieurs fois au mouvement ouvrier belge par le passé. La classe ouvrière belge est une des plus productives au monde, qui combine de plus le degré d’organisation du mouvement ouvrier d’Europe du Nord, à la spontanéité de l’Europe du Sud. De ce fait, elle est l’un des mouvements ouvriers les plus effrayants au monde. Les leçons que la bourgeoisie a tiré de cela est qu’elle ferait mieux d’éviter les confrontations directes, en concluant des accords avec les dirigeants d’au moins un des deux syndicats.
69. Cela a plutôt bien fonctionné pour la bourgeoisie belge. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs belges ont gagné en termes de productivité, passant du dessous au top cinq mondial. Cette position est tenue depuis déjà trente années. À côté de la position géographique de notre pays, de son infrastructure, et de son niveau d’éducation (et en particulier la connaissance des langues), le fait qu’il s’agit d’une porte d’accès pour l’Europe, que les institutions européennes opèrent à partir de Bruxelles, et le régime fiscal extrêmement favorable pour les multinationales expliquent la productivité des travailleurs belges (c’est-à-dire, la quantité de bénéfice obtenue pour chaque euro payé en salaire, NDT) et la force d’attraction de la Belgique pour les investissements étrangers. Notre pays fait déjà depuis des années partie des destinations privilégiées pour les investissements étrangers directs. L’an dernier, il s’agissait de 62 milliards de dollars, ce qui place notre pays à la quatrième position mondiale. Seuls les USA (228 milliards de dollars), la Chine (106 milliards de dollars) et Hongkong (69 milliards de dollars) ont fait mieux.
70. Une partie de ces investissements doit être nuancée parce qu’ils sont liés à la fonction de port de transit de notre pays. De là, le haut montant d’investissements directs de l’étranger sortants (38 milliards de dollars), soit le dixième plus élevé au monde. Et puis, il y a encore la déduction des intérêts notionnels, qui rend très intéressant pour les entreprises d’artificiellement gonfler leur base de capital afin d’utiliser cette déduction de façon maximale. En 2010, la Flandre était la destination de 68% des investissements étrangers en Belgique, Bruxelles de 13%, et la Wallonie de 19%. En Flandre, la moitié de ces investissements seraient constitués de ce qu’on appelle les “greenfields”, de vrais nouveaux investissements et non pas l’élargissement de projets existants, des participations ou rachats. Ce nombre serait encore plus grand si on le prenait à l’échelle de toute la Belgique.
71. Ces bonnes prestations ont fait de la Belgique un pays riche. La fortune financière des familles est de 931 milliards d’euros, à peu près 270% du PIB. Après avoir retiré les dettes (surtout des emprunts hypothécaires), il reste en tout 732 milliards d’euros en net, soit 210% du PIB – de loin le chiffre le plus élevé de toute l’Europe. Dans la zone euro, ce chiffre est en moyenne de 128%. Les 10% des revenus les plus élevés en Belgique représentent 30% de tous les revenus du travail, mais 53% de la fortune financière et même 32% de la “fortune financière à valeur de marché” (obligations, actions, fonds d’investissement, soit tout ce qui n’est pas cash, dépôts, bons de caisse et investissements dans les sociétés d’assurance et fonds de pension). Ces hautes fortunes sont à peine imposées. Selon l’agence “PricewaterhouseCoopers”, le revenu d’un investissement de 5 millions d’euros – une moitié en actions, l’autre moitié en obligations –, est en Belgique imposé de 15%, aux Pays-Bas de 26%, en Allemagne et en Grande-Bretagne de 30% et en France de 37%.
72. Les entreprises payent elles aussi de moins en moins d’impôts dans notre pays. La CSC a démontré que le taux d’impôt réel pour les entreprises a été raboté de moitié en dix ans : de 19,9% en 2001 à 11,8% en 2009, principalement par la déduction des intérêts notionnels. En 2009, les entreprises avaient réalisé un profit avant impôt de 94 milliards d’euros. Elles ont payé 11 milliards d’euros d’impôts d’entreprise. Au tarif de 2001, l’Etat aurait eu 7,6 milliards d’euros supplémentaire et au tarif légal de 33,99% il aurait été question de 21 milliards d’euros supplémentaires. Parce que la déduction des intérêts notionnels peut être transmise durant 7 ans, les grandes entreprises ont un surplus déductible cumulé de 12,6 milliards d’euros. Si elles utilisent cela, le gouvernement rate encore 4 milliards d’euros. Ici aussi, la règle est que les plus riches s’en vont avec les plus grandes pièces. En 2009, 17,3 milliards d’euros d’intérêts notionnels ont été accordés, dont seul 925 millions d’euros, 5% du total, a été attribué aux PME. En moyenne, ces dernières payent un impôt réel de 21%.
73. Tout cela vient en plus de la fraude fiscale, qui est de 30 milliards d’euros par an. Les grands dossiers de fraude débouchent systématiquement sur un cul-desac. Ça a été le cas pour la KBC, ce l’est maintenant pour Beaulieu. Il n’en ira pas autrement pour la fraude récemment dévoilée dans le secteur diamantaire. D’où vient alors cette thèse selon laquelle la Belgique a un taux d’impôts très élevé ? Des 150 milliards d’euros d’impôt que l’État encaisse, seuls 2,5 milliards sont issus des fortunes, et 10 milliards des impôts sur les sociétés. Notre salaire indirect, les contributions sociales ou la parafiscalité indirecte donnent 50 milliards d’euros. Les impôts indirects (surtout la TVA), rapportent encore 44 milliards et l’impôt sur les personnes physique une somme comparable. En bref : la pression fiscale est haute, mais pas pour les fortunes ni pour les entreprises.
D’où provient la dette de l’État ?
74. Dans la période d’après-guerre, les patrons belges étaient prêts à céder aux revendications pour de meilleurs salaires et une plus grande protection sociale. Les profits étaient élevés, la productivité montait rapidement et le mouvement ouvrier avait fait sentir plusieurs fois qu’il n’allait pas se laisser faire. La bourgeoisie belge n’a jamais excellé sur le terrain du renouvèlement de ses outils de production. Quand les secteurs traditionnels sont passés en crise, elle a préféré les voies plus sûres et depuis longtemps utilisées du capital financier, c’est-à-dire vivre de ses rentes. Elle a laissé au gouvernement la construction de l’infrastructure nécessaire et aux syndicats la livraison de la main d’oeuvre par lesquelles étaient attirées les multinationales. Pour la classe moyenne flamande, c’était l’opportunité de promotion sociale par excellence. Quelques-uns sont devenus fournisseurs pour les multinationales, d’autres devenaient managers. De temps en temps, cette classe moyenne se pose en tant que bourgeoisie, mais elle ne s’est jamais libérée de son mélange de jalousie et de flatterie envers la véritable grande bourgeoisie, ni de sa haine pour le mouvement ouvrier.
75. Quand la crise est arrivée dans notre pays en ’75, au début, la bourgeoisie n’osait pas la confrontation avec le mouvement ouvrier. La perte de 250.000 emplois dans l’industrie a été compensée par la création de 350.000 emplois à l’État. Mais cela ne devait rien rapporter à l’État : ainsi, il était interdit à La Poste d’offrir des produits d’épargne à ses clients parce que cela faisait trop concurrence aux banques. Les secteurs en difficulté ont été restructurés aux frais de la collectivité, tandis que les parties intéressantes étaient vendues au plus offrant pour une bouchée de pain. La nationalisation des pertes et la privatisation des profits n’est vraiment pas quelque chose de nouveau qui aurait été inventé pour Dexia. En poussant la facture vers l’État, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates (essentiellement), cherchaient à éviter une confrontation entre patrons et travailleurs. Qui plus est, les politiciens se présentaient de plus en plus en tant que représentants de leur propre groupe linguistique et revendiquaient avec la fameuse politique du “moule-à-gaufre” (c’est-à-dire, que chaque investissement dans une région oblige à faire le même investissement dans l’autre) des compensations à chaque fois qu’ils pensaient que leur communauté avait moins reçu que l’autre. Tous les partis ont participé à cette politique, sauf les verts qui n’existaient pas encore.
76. Ceci explique le haut degré d’endettement de l’État belge. Pour la bourgeoisie belge traditionnelle, cette dette n’était au début pas un très grand problème. Au contraire, la dette du gouvernement belge était un bon investissement. En ce temps-là, 90% de la dette de l’État se trouvait encore entre les mains d’investisseurs institutionnels belges. Avec l’introduction de l’euro, ce chiffre a diminué de plus de moitié. À ce moment-là, on partait encore de l’idée que la dette allait diminuer une fois l’économie relancée. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Les dettes ont bientôt atteint 100% du PIB, et on a commencé à craindre un effet “boule de neige”, par lequel il fallait faire de nouveaux emprunts uniquement pour payer les intérêts des emprunts précédents. Il fallait arrêter de “vivre audessus de ses moyens”. On a d’abord essayé de faire passer cela avec des coalitions de droite reprenant libéraux et chrétiens-démocrates, mais cela a conduit à une résistance du mouvement ouvrier, avec le dirigeant de la CSC Houthuys qui à un certain moment s’est mis à crier que Verhofstadt (qu’il qualifiait de “gamin”) lui rendait impossible la tâche de continuer à contrôler sa base. Après une crise gouvernementale longue de 148 jours (qui était à ce moment la plus longue de notre histoire), la bourgeoisie est revenue à sa vieille tactique éprouvée : arriver à un deal avec les dirigeants syndicaux.
77. Cette tactique éprouvée a donné les résultats espérés. La réduction de la dette de l’État, de son point culminant de 134% du PIB en 1993, à son point le plus bas (provisoirement), de 84,2% du PIB en 2007, est aujourd’hui considérée comme un modèle au niveau international. Avec le Plan global, on nous a imposé de “vivre selon nos moyens”. Le taux de pauvreté officiel est grimpé de 6% à 15%, la partie des salaires dans le revenu national a diminué de 10%, les investissements dans les soins de santé, les logements sociaux, l’enseignement, l’infrastructure, etc., ont été postposés. Mais ce n’était pas tout le monde qui devait assainir. Les profits des entreprises battaient chaque année de nouveaux records sur lesquels elles étaient toujours moins imposées. On entend parfois dire que la Belgique est pays de “citoyens riches avec un État pauvre” : ce n’est pas vrai. Quelques citoyens sont ultra-riches, mais la plupart ne peuvent que rêver de la fortune financière moyenne, valant officiellement la somme de 85.000 euros, dont devrait disposer chaque Belge en moyenne. De moins en moins de familles ouvrières se sentent impliquées quand on dit que “nous” vivons au-dessus de nos moyens. Ils ont jeté l’argent par les fenêtres
78. C’est cependant là-dessus que les politiciens se disputent depuis déjà des années : de quelle manière imposer aux travailleurs et à leurs familles de se serrer la ceinture après des années de haut niveau de vie ? De temps en temps, nos politiciens chuchotent aux oreilles des institutions internationales de pseudo conseils à donner “pour notre pays”. Nous en connaissons le contenu : nos salaires sont trop hauts, nous devons travailler plus longtemps, les chômeurs doivent être activés, les dépenses de l’État doivent être diminuées. Tous les politiciens sont d’accord – avec des nuances certes, mais sans plus. La dette de l’État a recommencé à monter depuis la crise du crédit internationale en 2007. Le gouvernement a dû intervenir pour sauver les véritables grands dépensiers : les banques et les spéculateurs. Ceux-ci ont utilisé notre épargne comme garantie pour, grâce à plusieurs leviers, augmenter leurs comptes jusqu’à un montant valant plusieurs fois le PIB du pays. Quand cela a mal tourné, le gouvernement a dû mettre 25 milliards d’euros et donner des garanties pour 80 milliards d’euros. 20
79. Selon Leterme et les autres politiciens, cela ne va rien coûter aux contribuables : pour ces 25 milliards d’euros, ont a reçu des actions BNP-Paribas et pour les garanties, un dédommagement a été donné. Ces actions sont néanmoins cotées à une fraction du prix auquel le gouvernement les a achetées, et cela va prendre beaucoup de temps pour qu’elles retournent à leur ancien niveau – si toutefois cela peut encore se produire. Entretemps, il faut construire des écoles, soigner des malades et construire des routes. Avec quoi ? Le gouvernement devrait en plus emprunter de l’argent et payer des intérêts. Il est vrai qu’il existe un dédommagement pour les garanties mais, si les choses tournent mal, c’est au gouvernement de payer les couts. Le fait que tout cela pouvait bien mal tourner est illustré par Dexia. Selon Paul De Grauwe, cette banque avait dégénéré en un simple hedgefund qui se contentait de faire de l’arbitrage – ce qui dans ce cas, signifiait jouer entre l’intérêt à long terme et celui à court terme. Dexia maximalisait le risque pour obtenir un rendement aussi haut que possible. 80. Les banques n’ont-elles donc rien appris de la dernière crise ? Le retour des bonus et des salaires variables présageait le pire. Aux USA et au Royaume- Uni, des pas ont été faits afin de séparer les fonctions traditionnelles d’une banque et les activités “business”, mais pas en Europe. Le fait que les actionnaires principaux de Dexia sont le Holding communal, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et le holding coopératif Arco rend tout cela encore plus scandaleux. Le Holding communal a été mis sur pied en 1996 avec comme actionnaires les communes et les autorités provinciales. Arco a 800.000 actionnaires particuliers, avec pour actionnaire de référence les organisations sociales liées au Mouvement ouvrier chrétien. La CDC française est l’ancienne Caisse des pensions d’État, qui a été utilisée pour stabiliser et maintenir entre des mains françaises l’actionnariat des entreprises. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens. Ceux qui pensaient que l’État et une association coopérative seraient plus éthiques en tant que banquiers et prendraient moins de risques sousestimaient la mesure dans laquelle tous ces gens se sont idéologiquement entièrement ralliés à la pensée néolibérale. À l’occasion de l’opération du sauvetage de Dexia – sans doute une nationalisation temporaire dont le coût sera d’environ 4 milliards plus des garanties pour 54 milliards d’euros (15% du PIB !) –, Moody’s a annoncé son intention de diminuer la note de la Belgique. Aucun cout ?
Une peau de banane communautaire
81. Les tendances qui existent à l’échelle internationale existent aussi en Belgique. Mais ici, cela prend une couleur communautaire : assainir d’abord au niveau fédéral, ou au niveau régional ? Le capitalisme belge se base traditionnellement sur un compromis historique entre bourgeoisie, État, et dirigeants syndicaux. L’État fournit l’infrastructure, comme par exemple un climat favorable aux investissements, et achète la paix sociale si nécessaire. La bourgeoisie investit dans l’augmentation de la productivité et est récompensée avec un régime fiscal favorable. Les travailleurs reçoivent un salaire brut raisonnable avec des prévisions sociales relativement bonnes. A côté des couts, cela demande des impôts relativement élevés, essentiellement prélevés sur le Travail, d’ailleurs. Pour le travailleur, c’est un coût que l’on sait supporter si cela donne de bonnes prévisions sociales. Pour les classes moyennes, par contre, c’est une source de grande frustration. Elles n’ont pas la productivité des grandes entreprises, mais payent quand même de haut salaires bruts, et elles ne peuvent pas profiter des mêmes mesures de régime fiscal favorable.
82. La marge économique et la possibilité qu’a l’État de jouer son rôle dans le compromis se rétrécissent déjà depuis la crise de ’74-’75. Pour la bourgeoisie, ce n’est pas un drame. Elle dispose des moyens nécessaires pour utiliser de façon maximale les opportunités qui surviennent avec la crise. Pendant la crise des secteurs industriels traditionnels, elle n’a pas seulement mis les pertes sur le dos du gouvernement mais, avec le développement de holdings, elle a aussi trouvé le moyen de distribuer son capital entre différent secteurs. Ce que quelques uns interprètent comme la disparition de la bourgeoisie belge, n’est rien d’autre que la nouvelle stratégie anticrise de cette bourgeoisie, par laquelle elle distribue son capital également sur le plan international, surtout chez ses partenaires commerciaux les plus importants. Au cours des neuf premiers mois de 2011, il y a déjà eu pour 20 milliards d’euros de rachats et de fusions dans les entreprises belges – il ne s’agit là que des transactions dont le prix est connu, en réalité cette somme est encore plus grande. Dans les quinze plus grandes transactions, il y en avait onze où l’acheteur était belge, bien qu’il y en avait aussi un certain nombre où tant l’acheteur que le vendeur étaient belges.
83. Pour les travailleurs, ça a été un drame. De plus en plus de gens ont dû faire appel aux allocations sociales. Les allocations de chômage, de pensions et d’invalidité ont souvent été démantelées tranche par tranche – en concertation avec les syndicats – afin de “répondre à la demande croissante”. Pour les classes moyennes, ça a aussi été un drame, parce qu’elles ne disposaient ni d’une batterie de spécialistes fiscaux, ni des capitaux nécessaires. Le compromis historique et les partis qui le représentaient, surtout le CVP, ont commencé à perdre des plumes. Chez les travailleurs, surtout en Flandre, on en avait assez de toujours être prévenus de la volonté d’austérité, premièrement du “danger bleu”, puis du Vlaams Belang, puis de la NVA, alors que les partis liés aux syndicats, le CD&V et le SP.a, n’arrêtaient pas d’assainir durant toute cette période. Pendant sa participation au gouvernement, Groen n’est pas non plus apparu comme voulant se battre contre la politique d’austérité. Le “populisme” était le reproche principal fait à ceux qui voulaient répondre aux véritables aspirations de la population. Parce que les directions syndicales continuaient à coller aux partis qui appliquaient les mesures d’assainissement, et que par conséquent, le mouvement ouvrier n’offrait ni alternative, ni perspective, beaucoup de travailleurs ont commencé à voter “merde”, à se détourner des partis traditionnels, et à devenir réceptifs aux ragots des populistes de droite.
84. Chez les couches moyennes, les frustrations étaient encore plus grandes. Les perspectives de promotion sociales semblaient se fermer, les avantages fiscaux de la bourgeoisie et la haute productivité devenaient inatteignables. Aucune des deux classes principales n’offrait une issue : ni la bourgeoisie, ni le mouvement ouvrier. La classe moyenne a été laissée à elle-même et a commencé à tirer sur le gouvernement, qui voulait bien encaisser des impôts élevés, mais qui n’offrait rien en récompense. Puis elle s’est retournée sur les “profiteurs”, qui voulaient bien recevoir les avantages de la protection sociale, mais qui ne voulaient pas y contribuer en travaillant. Puis sur les immigrés, qui minent les moyens de notre système social, et enfin sur les transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie. Les partis traditionnels ont participé à ce petit jeu, avec leur mythe du “flamand travailleur”. Pour eux, l’idée derrière tout ça était de diviser et d’affaiblir les travailleurs. Pas un parti, pas un politicien, pas un dirigeant syndical ne donnait de réponse à cela. De cette manière, on a creusé le lit pour un parti de la classe moyenne, basé sur un nationalisme flamand de droite radicale.
85. Le CD&V n’a pas compris quel monstre de Frankenstein il a fait sortir du placard lorsqu’il a joué la carte flamande de l’opposition, dans le but d’obtenir des profits électoraux. La NV-A a vu son opportunité se profiler. De Wever savait que le CD&V faisait trop partie de l’establishment et était trop lié à la CSC que pour pouvoir continuer à jouer cette carte flamande. Il savait que ce parti allait devoir lâcher cette ligne à un certain moment. L’heure avait sonné pour la N-VA, sur base d’un nationalisme flamand libéral et de droite. Ça fait déjà des années que l’opinion publique en Flandre est principalement formée par cette couche moyenne, faute de réponse du mouvement ouvrier. Celle-ci s’est accrochée à des dossiers symboliques représentant de la meilleure manière l’essence même de leur point de vue. Elle est ainsi bien décidée à ne pas se faire mettre à genoux. Concernant le district électoral de BHV, cette classe moyenne flamande veut une politique d’asile et de migration plus stricte, mais son point le plus important est la question socio-économique. Elle pense pouvoir introduire elle-même en Flandre les assainissements qu’elle ne parvient pas à imposer au niveau fédéral. La classe moyenne flamande est aujourd’hui devenue assez forte que pour pouvoir bloquer le compromis “à la belge” traditionnel, dans lequel il n’y a plus rien pour elle. C’est cela qui a conduit le pays à une impasse politique qui a duré quatre années, et dont la fin n’a commencé à se pointer à l’horizon que lorsque son représentant politique le plus important, la N-VA, a finalement été mis de côté. 86. En Flandre, on répand le mythe selon lequel les politiciens en Wallonie et à Bruxelles ne veulent pas appliquer l’austérité. Pourtant, sur les 8890 chômeurs qui ont vu leurs allocations suspendues durant les six premiers mois de 2011, 5.224 étaient wallons, 2.196 étaient flamands, et 1470 bruxellois. Mais il est vrai que la tendance dominante de l’opinion en Wallonie et à Bruxelles est qu’il faut au moins donner l’impression qu’on assainit de façon équilibrée. Cela s’est exprimé dans la note de Di Rupo (http://www.socialisme.be/psl /archives/2011/07/06/note.html). Il y a là tout un nombre de mesures antisociales orientées contre les chômeurs, lesquels vont avoir plus difficilement accès à leurs allocations ; les régions recevraient même un bonus pour chaque suspension. Les chômeurs vont retomber beaucoup plus rapidement sur le minimum absolu, comparable au revenu minimum d’insertion. Les pensionnés recevront un bonus s’ils continuent de travailler après 65 ans. D’ailleurs, quand on voit le montant actuel des pensions, on se rend compte que la plupart n’auront tout simplement pas le choix. Les prépensions vont être encore plus découragées. Dans les services publics, les pensions des nouveaux arrivés seront calculées sur base des dix dernières années, au lieu des cinq dernières années. Dans les soins de santé, la norme de croissance est limitée à 2% au lieu de 4,5%. En échange de tout ça, Di Rupo veut maintenir l’index et l’âge des pensions à 65 ans.
87. La note Di Rupo représente un “tsunami fiscal”, clament les organisations patronales et les libéraux, NVA en tête. C’est ainsi qu’ils qualifient la proposition d’un impôt temporaire de 0,5% sur les fortunes supérieures à 1,25 million d’euros après déduction de la partie destinée au logement ou à l’activité professionnelle. Sans cadastre de fortune ni abolition du secret bancaire, cette mesure est par ailleurs inapplicable. En plus de cela, il y a le plafonnement de la déduction de l’intérêt notionnel, à 3% au lieu de 3,42%, et surtout, l’abolition de la possibilité de transférer à l’année suivante la partie de la déduction qu’on ne prend pas à une année donnée. Les PME pourraient par contre déduire un demi-pourcent supplémentaire. Le fait que l’exonération fiscale sur les comptes d’épargne soit calculée selon la déclaration d’impôts est une mesure superflue, tout comme d’ailleurs l’augmentation du précompte mobilier sur l’intérêt de 15 à 20%, qui va aussi et surtout toucher les petits épargnants. Tout ceci va être instrumentalisé pour miner la légitimité de l’ensemble des mesures. Un impôt sur les plus-values de 25% sur la vente des effets entre une et huit années après achat, et surtout de 50% pour la vente avant une année, vise les profits des investissements spéculatifs, mais la mesure est minée si l’on accepte le fait que les moinsvalues sont calculées sur la somme des plus-values imposables.
88. Tout cela n’est donc pas grand chose. C’est insuffisant que pour pouvoir faire avaler les mesures antisociales aux syndicats. Mais comparé à ce que revendique la majorité de droite des politiciens flamands, c’est énorme. En Wallonie et à Bruxelles, ils n’ont que le MR pour tenir pareille position. Il y a quelques années, certains pensaient encore que c’en était fini avec le PS, que le MR allait prendre la première place, que Reynders allait devenir le tout premier Premier ministre francophone depuis Van den Boeynants en ’79, qu’une coalition orange-bleue était en préparation, que BHV ne serait jamais scindé sans élargissement de Bruxelles, et que contrairement au cartel CD&V – N-VA, le MR – formé en 1993 par la fusion du PRL, du FDF et du MCC – ne pouvait plus être séparé après toutes ces années, ou encore qu’une scission de la Belgique était à l’ordre du jour pour au tout au plus les cinq années à venir (c’était en 2007), et qu’on allait tous un jour d’une manière ou d’une autre se réveiller dans une confédération. C’est toujours bien de revenir en arrière sur les vieux arguments pour pouvoir les comparer avec ce qui s’est réellement produit.
89. Encore un peu de patience : le gouvernement n’est pas encore là, et un obstacle peut encore arriver. Mais entretemps, le prix d’un échec devient tellement grand qu’il faudrait déjà bien déconner avant de pouvoir stopper la formation de ce gouvernement. Quand cela arrivera, ce sera une tripartite classique, éventuellement combinée aux verts. Ce gouvernement sera dirigé par Di Rupo, et pas par Reynders. Celui-ci a perdu sa dernière chance avec l’annonce du départ de Leterme vers l’OCDE. Postposer la réforme de l’État et élargir les compétences du gouvernement en affaires courantes est dès lors devenu impossible. BHV va être scissionné – pas immédiatement, pas totalement sans compensation, mais sans élargissement de Bruxelles. Le PS reste le parti politique dominant en Wallonie ; la scission du MR n’est certainement pas comparable à celle du cartel CD&V – N-VA, mais la pratique a maintenant prouvé que la scission de vieilles formations est possible. Sur une base capitaliste, il est impossible de garder la Belgique unie sur le long terme. Toute “scission de velours” est cependant exclue tant qu’il n’y a pas de majorité claire en sa faveur ni dans le mouvement ouvrier ni dans la bourgeoisie.
90. La 6e réforme de l’État qui est annoncée est importante – extrêmement importante même, selon Wilfried Martens. Elle fait suite à la plus longue crise politique de l’histoire belge, mais elle n’est pas pour autant copernicienne. Nous ne nous sommes pas encore réveillés dans une confédération. On a fini par trouver un compromis typiquement “à la belge”, où les deux communautés linguistiques peuvent présenter le bilan comme si elles avaient obtenu quelque chose. Cette fois-ci, cela a duré beaucoup plus longtemps que par le passé, presque 500 jours – et cela, après qu’il ait déjà fallu 194 jours en 2007 pour former un gouvernement. Ces longs délais proviennent du manque de moyens pour huiler ces réformes d’État pour les rendre plus faciles à avaler, comme c’était le cas habituellement auparavant. Bref, les Flamands peuvent être fiers d’avoir scissionné la circonscription électorale de BHV avec un minimum de compensations ; les francophones quant à eux peuvent parler du fait que dans les six communes à facilité, on peut maintenant voter pour des listes bruxelloises. En cas de non-nomination, les bourgmestres peuvent aller en appel devant la réunion générale bilingue du conseil d’État, ce que Damien Thierry du FDF appellent la “roulette russe”. Bien qu’elle puisse temporairement aider à supporter le poids écrasant de la surenchère communautaire, cette 6e réforme d’État ne va elle non plus pas conduire à une paix communautaire définitive. Au contraire, le développement des négociations et l’accord final contiennent déjà de nombreux ingrédients pour de nouvelles explosions communautaires.
91. Les inconditionnels du communautaire vont utiliser les frustrations au maximum dans le but d’augmenter les tensions. Par exemple, le fait qu’avec le transfert de la politique du marché de l’emploi, seul 90% du budget est transféré. En Flandre, les 461 millions d’euros prévus pour le refinancement de Bruxelles seront présentés comme un chèque en blanc qui fera que les besoins sociaux en Flandre manqueront des moyens nécessaires. La phase de transition de la nouvelle loi de financement, qui compense Bruxelles et la Wallonie pour leur arriération durant les 10 prochaines années, se traduira par un transfert des moyens flamands vers la Wallonie et Bruxelles. A Bruxelles, le FDF va expliquer le manque de moyens dans l’enseignement, le logement social et l’emploi comme étant une concession de trop à la Flandre. Le FDF va probablement aussi essayer de donner une traduction communautaire au manque de moyens en Wallonie. Libéré de sa volonté d’être acceptable pour l’establishment, le FDF peut mettre sur pied ses propres mobilisations dans la périphérie – contre la circulaire Peeters per exemple, ou à l’occasion de la nomination d’un bourgmestre, ou encore pour revendiquer des moyens pour le social. Il n’est pas non plus exclu que le FDF essaye de présenter des listes francophones – probablement sous le nom de UDF (Union des francophones) – dans la circonscription de Louvain, ce qui, du côté flamand, sera perçu comme étant une provocation.
92. Le FDF va-t-il devenir la N-VA francophone ? Il l’aimerait bien, mais ce n’est vraiment pas probable. À côté d’un sentiment national belge, il vit effectivement quelque chose comme un sentiment d’ensemble parmi les francophones, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, mais il n’existe pas de nationalisme francophone comme il existe un nationalisme flamand. Nous devons d’ailleurs ajouter que ce sentiment national flamand ne se traduit généralement pas en un sentiment anti-belge. Chaque nouveau sondage confirme cela. Même après quatre ans de débats communautaires, il n’y a toujours que 22% des Flamands qui se prononcent résolument pour l’indépendance ; 75% sont contre la disparition de la Belgique, et 42% des Flamands se prononcent résolumment contre l’indépendance. La N-VA se base surtout sur les frustrations de la classe moyenne qui se sent freinée dans son aspiration à la promotion sociale. Son programme est libéral, de droite et flamingant mais, temporairement, la N-VA a réussi à tourner à son avantage électoral le manque d’alternative offert par le mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le FDF puisse, avec une rhétorique anti-austérité, attirer à lui une partie des travailleurs. Après 18 années de participation au MR – et même à l’aile droite du MR –, cela ne sera pas tout de suite crédible. De plus, le poids social des couches moyennes en Wallonie (et, dans une moindre mesure, à Bruxelles) et dans la périphérie n’est pas comparable à celui qu’elles ont en Flandre.
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En bref…
Chaque samedi, nous publions dans cette rubrique quelques faits marquants, des citations, de petites vidéos,… Aujourd’hui, notamment, quelques critiques d’économistes de haut niveau contre les mesures d’austérité et quelques données sur le chômage en Europe et particulièrement en Grande Bretagne.
Près d’un quart des jeunes au chômage en Europe
En ce moment, 22,7% des jeunes européens (sous les 25 ans) sont sans emploi. Il s’agit du double du taux de chômage total de l’Union Européenne (qui est de 9,8%). Une fondation européenne a examiné le coût de cet énorme gaspillage de jeunes travailleurs. La conclusion du rapport suggère que le chômage des jeunes dans les 21 pays de l’UE coûte jusqu’à 2 milliards d’euros par semaine, soit plus de 100 milliards d’euros par an. Les jeunes chômeurs de notre pays coûtent 4,1 milliards d’euros à la société.
C’est pas la crise pour tout le monde…
Sur le site Express.be, on a pu lire ce jeudi: ‘‘Varsano, courtier en jets privés, explique que depuis la crise financière, il y a bien eu un ralentissement de l’activité, notamment pour les avions les moins chers, ceux d’un million de dollars, mais rien de comparable avec ce qui se passe ailleurs. En particulier, les candidats à l’achat des avions les plus chers – 30 millions de dollars – ne sont pas plus rares. « Il y a toujours quelqu’un qui fait de l’argent », explique-t-il. « je ne fais que suivre l’argent ».’’
L’austérité conduit l’Europe au désastre
‘‘Les responsables européens doivent en finir avec leur obsession d’éliminer les déficits’’ a écrit Jeff Madrick dans un article du New York Review of Books intitulé « How Austerity is Killing Europe ». Ce journaliste et consultant économique américain déclare que la situation européenne rappelle celle qui a précédé la crise de 1929 et les coupes budgétaires ne feraient que ‘‘creuser et non pas régler la crise financière et des millions de personnes vont souffrir inutilement.’’ Il poursuit en expliquant que l’austérité qui frappe l’Europe n’est pas sans rappeler les politiques d’ajustement structurel qu’imposaient le FMI et la Banque mondiale en Afrique et en Amérique latine durant les années ‘80 et ‘90. Avec les résultats que l’on connait….
Zone euro: Joseph Stiglitz, austérité et médecine médiévale
Le prix Nobel d’économie américain Joseph Stiglitz dénonce les mesures d’austérité présentées comme des solutions pour la crise des dettes souveraines de la zone euro. A ses dires, les remèdes vont tuer le patient, un peu comme les saignées de la médecine du Moyen Age. C’est ce qu’illustrent des pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande, où l’austérité n’a fait qu’augmenter le poids des dettes publiques, en détruisant les conditions de vie de la population.
L’eau, bientôt un produit de luxe ?
Le prix de l’eau augmentera cette année, et tant en Wallonie qu’à Bruxelles. En Wallonie, les ménages qui sont raccordés au réseau de la SWDE (65% du territoire) paieront 413 euros (TVA comprise) pour avoir consommé 100 m3 en 2012, contre 399 euros l’an dernier (+ 3%). A Bruxelles, la hausse des tarifs s’affichera à 2%. Quant à la hausse de la taxe wallonne sur les captages d’eau, les distributeurs affirment qu’ils n’ont ‘‘pas encore pu la répercuter dans leurs nouveaux prix.’’ L’augmentation devrait donc se poursuivre… Les prix du gaz et de l’électricité sont par contre gelés, avec la très forte probabilité d’une augmentation drastique en 2015. Charmante perspective.
Grande Bretagne : record de chômage depuis 17 ans
Il n’y a jamais eu autant de personnes à la recherche d’un emploi depuis 17 ans en Grande Bretagne, selon les données officielles publiés cette semaine, soit 2,68 millions de personnes, un niveau inconnu depuis 1994. Le chômage touche plus particulièrement les jeunes de 16 à 24 ans, qui sont plus d’un million à rechercher un emploi.
Le Kazakhstan accepte des observateurs électoraux internationaux, mais seulement s’ils se taisent…
Le président-dictateur du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev, a déclaré ce mercredi que les observateurs électoraux critiquant les élections ne seront plus invités au Kazakhstan, en réponse aux observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui avaient estimé que les élections de dimanche dernier n’avaient ‘‘pas respecté les principes fondamentaux d’une élection démocratique.’’ Nazarbayev n’a par contre pas de soucis à se faire, ses très bonnes relations avec les Etats-Unis, la Chine et l’Union Européenne, sur fonds de vente des ressources naturelles du pays, le protègent de lourdes condamnations internationales. Mais la population gronde.
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L’enseignement supérieur, bientôt une usine à diplômes rentable ?
L’accès à l’enseignement en ligne de mire
Au début de cette année universitaire, des deux côtés de la frontière linguistique, les médias ont accordé beaucoup d’attention à l’état de l’enseignement supérieur. Le constat est partout identique: un personnel insuffisant pour le nombre d’élèves, et une infrastructure famélique. A Louvain, une des réponses proposées face au manque d’infrastructure était de suivre les cours chez soi, par internet ! Heureusement, les protestations ont balayé ce projet. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.
L’institut Itinera a publié une étude qui affirme que : “En 1972, les pouvoirs publics octroyaient un subside de 139.000 francs par étudiant”, expliquent-ils. “Ce montant ne s’élevait plus qu’à 78.000 francs en 1998 (exprimé en francs de 1972) soit une baisse réelle de 45% en 25 ans. Depuis 1998, le nombre d’étudiants a encore cru de 26% alors que le budget public n’a cru que d’1% par an, en termes réels. Nous avons calculé, sur base des données de la Communauté Française, que les subsides par étudiant ont connu une décroissance réelle de 8% entre 2001 et 2008. La Belgique est dans les six seuls pays de l’OCDE à avoir diminué la dépense par étudiant sur les 10 dernières années.” Ce manque de moyens, a eu des effets néfastes en terme d’encadrement des étudiants. “En 1975, le taux d’encadrement était de 10,8 étudiants pour un enseignant. Ensuite ce taux est monté à 15,9 en 1998, avant d’atteindre 19,5 en 2008. Il est difficile d’imaginer une réduction du taux d’échec en 1re année d’université (75% en médecine et 60% en économie et gestion en 2011) si on ne cesse de diminuer l’encadrement des étudiants
Ce constat est correct, de nombreux étudiants en subissent très durement les conséquences, mais nous nous opposons à la solution que propose Itinera. Il faudrait selon cet institut augmenter le minerval, le taux d’inscription, mais de le faire payer plus tard, ‘‘pour ne pas nuire à l’accueil d’étudiants provenant de milieux défavorisés’’. Ils ne précisent pas de combien il faudrait augmenter ce taux d’inscription, mais certains recteurs, en Flandre, parlent de rattraper celui qui est d’application en Grande-Bretagne : plus de 10.000 euros par an ! En bref, chaque étudiant sortirait de ses études fortement endetté, sans avoir la moindre assurance de trouver un emploi, ne parlons même pas d’un bon emploi !
Nous sommes pour une autre logique:l’augmentation des moyens publics consacrés à l’enseignement, à tous niveaux. En 1980, 7% du Produit National Brut était consacré à l’enseignement, contre 5,5% aujourd’hui. Nous avons fort à faire pour rattraper ce retard mais, en plus, il faudra lutter simplement pour ne pas voir ce fossé entre les besoins et les moyens accordés se creuser plus encore ! Le climat politique actuel est construit autour du ‘‘nous devons tous assainir’’. Beaucoup est fait pour préparer les esprits à ‘‘l’inévitable diminution des moyens’’ dans divers secteurs, et notamment dans l’enseignement.
Au Chili, depuis des mois, des centaines de milliers de jeunes sont dans la rue pour exiger le droit à un enseignement gratuit et de qualité, financé par la renationalisation du secteur du cuivre. En Grande-Bretagne, l’année dernière, les protestations contre l’augmentation des frais d’inscription ont elles-aussi été massives. Voilà la voie à suivre !
Ce 17 novembre, la Journée internationale de l’étudiant mènera une première action à Gand pour protester contre l’effondrement du caractère démocratique de l’enseignement supérieur. Dans d’autres villes, nous devrons prendre des mesures similaires. Pour défendre notre enseignement et notre avenir, nous allons devoir nous battre !
www.gauche.be
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En Bref…
Cette rubrique est destinée à mettre en avant différents faits, citations, vidéos ou petites nouvelles particulièrement frappantes. Ce samedi, différentes données concernant les ”99%” et les ”1%” sont mises à l’honneur.
Les inégalités aux Etats-Unis
L’économiste américain Paul Krugman a très clairement illustré à l’aide d’un graphique à quel point augmentent les inégalités aux USA, en comparant le développement des revenus des 1% les plus riches à ceux des autres 99%. Les 80% les plus pauvres ont vu leur situation s’empirer. Les 1% les plus riches n’ont fait que s’enrichir encore. Les deux tiers de l’augmentation des richesses sont allés vers les 0,1% les plus riches. La plupart des gens qui composent ce 0,1% sont à la tête de grandes entreprises et de grandes banques. Krugman parle d’une concentration croissante des richesses et des revenus.
Quel changement sous Obama?
Les banquiers de Wall Street ont gagné bien plus sous le mandat présidentiel d’Obama que sous celui de Bush. Sous la présidence de Bush, il y a eu des années de croissance sans précédent pour les salaires et les primes des plus riches. La crise de 2008 est ensuite arrivée mais, ces 2,5 dernières années, les profits et les salaires sont allés encore plus haut. Pourtant, Obama veut épargner, principalement sur le dos de la population. La promesse de ”changement” est restée confinée à de belles paroles, le seul changement que la population peut percevoir est un changement négatif. Pendant ce temps, les riches deviennent encore plus riches.
L’homme le plus riche de tous les temps vit aujourd’hui
Dans le journal britannique The Guardian, George Monbiot a écrit cette semaine que les 10% les plus pauvres de Grande-Bretagne ont perdu 12% de leurs revenus entre 1999 et 2009, alors que les 10% les plus riches ont vu les leurs augmenter de 37%. Monbiot affirme aussi que la personne la plus riche de tous les temps vit aujourd’hui, c’est Carlos Slim, . Par rapport à la quantité des forces de travail qu’il peut acheter dans son pays, il serait 14 fois plus riche que Crésus, l’homme le plus riche de l’histoire de l’empire romain et allié crucial de Jules César. Slim est neuf fois plus riche que Carnegie, le magnat de l’acier du 19e siècle, et quatre fois plus riche que Rockefeller, autre grand capitaliste américain du 19e siècle. Forbes estime la fortune de Slim à 63,3 milliards de dollars.
”La frontière de la faim commence ici”
”La frontière de la faim, qui se situait jadis au nord du Sahara, a gagné le sud de l’Espagne et du Portugal”. C’est ce que déclare un des travailleurs de la Banque alimentaire de Lisbonne (The Guardian, relayé par Courrier International) en commentant un chiffre, celui des 160.000 personnes qui ont bénéficié de l’aide de cette banque alimentaire l’an dernier. Ce nombre augmente d’année en année.
Roger Waters (Pink Floyd) concernant le mouvement “Occupy”
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Une marche des jeunes pour l’emploi de Jarrow à Londres
Après la marche des Indignados d’Espagne vers Bruxelles, voici la marche de Jarrow à Londres en Grande-Bretagne. Cette marche était une initiative de la campagne Youth Fight for Jobs, une campagne contre le chômage massif des jeunes, et faisait référence à une manifestation de 200 chômeurs qui s’est déroulée il y a 75 ans. Partie le 1er octobre de Jarrow (au nord de l’Angleterre), elle est parvenue à Londres le 5 novembre dernier.
Par Thomas B (Gand)
Cette marche des jeunes pour l’emploi a pris place à un moment où le chômage des jeunes a atteint le million de personnes en Grande-Bretagne. Et ce chiffre ne dit encore rien sur le travail temporaire ou les statuts précaires… Quant au gouvernement britannique, il n’a aucune solution à offrir face au chômage et aux problèmes qui en découlent. Bien au contraire ! Toute sa politique ne fait qu’empirer les choses, en détruisant des milliers d’emplois dans les services publics tandis que ceux qui restent doivent travailler plus longtemps et que ceux qui n’ont plus d’emploi doivent travailler gratuitement.
Un certain nombre de syndicats nationaux soutiennent la campagne Youth Fight For Jobs, mais pas le syndicat le plus important (Unison), ce qui est une expression du fait que, souvent, il manque une riposte claire et résolue de la part du mouvement ouvrier. Cela conduit à des explosions spontanées de colère et de frustration, comme lors des émeutes de l’été dernier (voir nos articles ici et ici).
Mais grâce à la pression exercée par la base syndicale, une grève générale aura lieu dans le secteur public le 30 novembre prochain, en riposte aux attaques contre les retraites. Cette action de masse peut constituer un point de cristallisation pour ceux qui s’opposent à toutes les mesures antisociales, tant au niveau national que local. La politique nationale des conservateurs et des libéraux locaux trouve son prolongement dans la politique de tous les partis établis. Les sociaux-démocrates du Parti travailliste ne sont pas un allié dans la lutte contre l’austérité, ils l’appliquent là où ils sont au pouvoir dans les communes.
Le 30 novembre sera l’une des plus grandes grèves générales de l’histoire britannique, avec des millions de participants. Après cette action du secteur public, il faudra poursuivre l’organisation de la résistance, renverser le gouvernement et construire une alternative politique de masse à la gauche des partis traditionnels.
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Enseignement et sous-financement
Septembre, la période de rentrée des classes. Comme chaque année, les médias nous abreuvent d’images sympathiques montrant des élèves joyeux ou nerveux à l’idée de retourner au cours. La réalité est souvent plus inquiétante : manque de place, inégalité scolaire, frais exorbitants…20% des écoles regroupent 80% des élèves défavorisés socialement. La rentrée n’est pas facile pour tout le monde : selon les études Pisa, l’enseignement en Belgique est l’un des plus inégalitaires au monde.
Par Thomas (Namur)
Le budget de l’éducation en communauté française est de plus de 6 milliards d’euros, mais cela est insuffisant car les manques sont partout. Certaines écoles vont jusqu’à couper le chauffage dans les locaux par manque de budget ou à donner cours dans des préfabriqués par manques de locaux. Par manque de moyens disponibles le nombre d’heures de cours particuliers explosent. Les prix varient mais se situent aux alentours de 25-30 euros par heure, à charge des familles.
Comment nos politiciens réagissent-ils à ces carences flagrantes ? De la même manière dont ils gèrent les autres secteurs. La ministre Simonet avait d’abord pensé prendre de l’argent aux écoles pauvres, pour le redistribuer aux écoles encore plus pauvres, le fameux décret robin des bois, mais sans augmentation du budget global de l’éducation il n’y aura pas de solution! Face à la grogne sociale que ce décret avait suscité, la Communauté Française a finalement débloqué quelques millions d’euros et à neutraliser les effets notamment pour l’enseignement libre. Un soi-disant ‘‘grand accord’’ qui est l’équivalent d’une goutte dans la mer du Nord…
40% des enseignants quittent leur profession dans les cinq premières années. La majorité des jeunes profs sont baladés de contrats temporaires en mission de remplacement pendant des années avant de trouver un poste stable. Les classes sont surpeuplées, les installations vétustes. Le manque de moyens affecte beaucoup les activités pédagogiques, visites, excursions. Quelle est la réponse de l’Olivier face à ces conditions de travail extrêmement dures : l’attaque des prépensions et la culpabilisation des profs pour l’état actuel de l’enseignement.
La gestion des groupes-classes pose de plus en plus problème. Par rapport à l’école d’antan, les groupes-classes se sont diversifiés (massification de l’enseignement et arrivée de l’immigration), il y a eu aussi une évolution de la société vers le consumérisme (le tout et tout de suite) et l’individualisme. Il y a aussi les effets de 30 ans d’une période économique aux prises avec des caractéristiques dépressionnaires, aggravé par la crise profonde du capitalisme de ces dernières années. L’Ecole est peu armée pour gérer les conséquences de tout cela. Une réforme de la formation des profs comme d’aucuns le proposent peut constituer un élément de solution et d’amélioration de la qualité d’enseignement mais ne peut à elle seule suffire dans un contexte ou les liens sociaux se désagrègent sous les coups de butoir des capitalistes assoiffés de profit D’après le CRIOC (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs), le prix d’une rentrée scolaire serait de 436 euros en maternelle, 339 euros en primaire et secondaire 609 euros et enfin en supérieur, 1315 euros. Et on ne parle que de la rentrée, le coût d’une année d’étude est bien plus élevé ; plus de mille euros en maternelle, à plus de 2000 euros à la charge des parents en primaire et secondaire. Pour le supérieur, avec 800 euros de minerval, le coût des études est très variable selon la distance de l’université et s’il faut payer un kot au jeune. Entre 2008 et 2011, on voit une augmentation de 15% d’étudiants qui ont eu besoin du revenu d’intégration sociale, soit 16.874 jeunes.
Le déficit budgétaire de la communauté française est de 450 millions d’euros en 2011 et on nous assène que les caisses sont vides. La moyenne d’imposition des entreprises a diminué de 19.9% en 2001 à 11.8% en 2009. Le coût des seuls intérêts notionnels était estimé en 2009 à 5.7 milliards d’euros de pertes pour l’Etat. D’énormes cadeaux fiscaux distribués à des actionnaires qui, soi-disant, font tourner l’économie et créent de l’emploi. Quel emploi rétorquera-t-on, il y a officiellement 700.000 chômeurs dans ce pays, et même réussir de grandes études n’assure pas un avenir stable pour les étudiants. Un think thank libéral, l’Itinera Institute, propose pour pallier au manque budgétaire, d’augmenter le minerval que l’étudiant payera à crédit. Ce genre de fausses solutions qui est déjà en œuvre depuis longtemps en Grande-Bretagne ne ferait qu’accroitre le fossé entres les jeunes issus d’un milieu aisé et ceux des couches moyennes et modestes. Comment étudier sereinement avec une dette de plusieurs dizaines de milliers d’euros ?
Les manques des écoles sont énormes. Il nous faut exiger un refinancement massif du secteur, à hauteur de 7% du PIB, comme cela a déjà été le cas dans les années 80. Ne tombons pas dans le piège de la division : parents, élèves et professeurs et personnel technique et administratif ont en dernière analyse les mêmes intérêts à exiger un enseignement de qualité.
La seule manière d’obtenir ce refinancement est de l’imposer à nos politiciens, grâce à des actions massives et coordonnées. Comme la grève massive du cinq mai dernier, ou douze mille enseignants manifestaient pour de meilleurs salaires, contre l’austérité budgétaire, et contre l’allongement de la prépension. Les différents politiciens en charge de l’éducation ont répondu à cette mobilisation par des effets d’annonces, qui n’ont toujours pas été suivis de mesures concrètes.
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Chemins de fer : Ne croyez pas aux mensonges de Logistics !
La direction de Logistics va expliquer ses conditions de travail lors de différentes réunions. Celles-ci n’ont pas été négociées avec les syndicats. La direction nous approche individuellement ; il faut lui donner une réponse collective. Ensemble, on est plus fort !
Tract de Libre Parcours
SNCB Logistics impose des conditions de travail de manière unilatérale, sans consulter les syndicats
- Les conducteurs du trafic intérieur travaillent maximum 10h.
- Les conducteurs internationaux travaillent 13h, dont 3h de “pause”. Le but est clairement de limiter le nombre de découches et de prestations.
- Une prolongation du temps de travail de 36 à 38h par semaine est prévue, avec en conséquence la perte de 13 jours de compensation.
- Une augmentation de salaire brute de 2%.
- Une prime mensuelle brute de 100 euros pour les conducteurs internationaux, qui ne compensera pas la perte des primes de découche.
- Une voiture d’entreprise avec carte essence (Skoda Break ou Sedan) pour commencer le service dans d’autres dépôts. Au maximum, une demi-heure de trajet sera considérée comme du temps de travail. De plus, nous serons taxés sur la voiture d’entreprise.
Maintien du statut en cas de détachement externe ?
Selon la loi, cela doit être temporaire. Seules deux périodes de 6 mois sont permises. Après, le statut expirera. Même si l’on inscrit le maintien du statut dans le contrat de travail, ou si l’on allonge le détachement, ce n’est pas conforme à la loi. La possibilité est réelle qu’un opérateur privé porte plainte. La direction syndicale doit dissiper cela au plus vite.
Pas de reprise par un opérateur étranger ?
Une fois que suffisamment de contractuels travailleront chez Logistics, la vente est possible. Avec une nouvelle crise qui arrive, et la menace d’une faillite, ce sera présenté comme inévitable.
Ne pas signer = ne plus conduire ?
On vous réutilisera au sein du groupe SNCB, mais vous perdrez votre ancien emploi, et tous les avantages qui vont avec. Pour ceux qui n’ont pas assez d’années d’ancienneté, cela signifie même une perte de salaire. C’est du chantage ! Mais ça ne fonctionne que si les autres signent.
Sécurité de l’emploi ?
L’insécurité des détachés est presque aussi élevée que celle des contractuels. Que fait-on en cas de maladie de longue durée ou de conflits sur des conditions de travail ou la sécurité ? Il suffit d’une signature pour que le Holding te réquisitionne. Fini les indemnités de sommeil et fini la voiture d’entreprise dans ce cas-là. On tombe sur un barème plus bas. Avec la croissance du nombre de contractuels, la position des détachés s’affaiblit. La sécurité de l’emploi, c’est justement le grand atout du statut.
Ce n’est pas clair si SNCB Logistics dispose de suffisamment d’argent pour former les contractuels. De plus, c’est possible que ce ne soit pas moins cher que ‘louer’ des conducteurs statutaires. Logistics ne peux pas nous contourner; dans ce sens, nous sommes forts. A nous de refuser collectivement. Si Logistics se débarrasse du trafic diffus (le trafic diffus consiste à rassembler en un convoi des wagons de différentes entreprises raccordées au réseau ferré), non lucratif, elle aura besoin de beaucoup moins de conducteurs.
Le transport de marchandise ferroviaire devrait donc être transféré au privé mais, en même temps, le gouvernement veut bien donner 4 milliards d’euros pour sécuriser les profits privés de Dexia! Alors qu’ici, on continue sur la voie de la libéralisation et de la privatisation, en Grand-Bretagne, la revendication de la renationalisation du secteur ferroviaire entier se trouve de plus en plus d’écho. Le personnel et les voyageurs revendiquent une nationalisation sous le contrôle des travailleurs et des usagers.
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La crise de la zone Euro vers son dénouement ?
La crise de la zone Euro a atteint son sommet ces dernières semaines, à l’occasion directe de l’annonce que la Grèce serait en défaut si la sixième part du plan de sauvetage (8 milliards d’euros) n’était pas versée dans les semaines à venir. Il est improbable que la troïka laisse les choses en arriver là. Des analystes sont néanmoins convaincus que la question à se poser n’est plus de savoir si la Grèce fera défaut, mais bien quand elle le fera. Les conséquences seront alors catastrophiques pour les Grecs, mais aussi pour les autres pays d’Europe du Sud ainsi que pour le secteur bancaire européen, à cause du danger de contamination. On calcule déjà le coût d’un effondrement de l’eurozone.
Article par Eric Byl
Un défaut de payement signifie que la Grèce n’amortirait pas ses dettes, ou seulement partiellement. Cela déchargerait la pression sur le budget et pourrait libérer des moyens afin d’adoucir la politique d’économies. De plus en plus d’observateurs se demandent d’ailleurs combien de sacrifices on peut exiger d’une population avant qu’elle se révolte. Nouriel Roubini, professeur d’économie à New York, plaide en faveur du défaut et ajoute que, dans ce cas, la Grèce ferait mieux de quitter l’eurozone. Il espère qu’une forte dévaluation monétaire puisse suffisamment rétablir la compétitivité pour assurer la croissance.
Paul De Grauwe, professeur d’économie à la KUL, a écrit en avril dernier qu’il avait jusque là toujours pensé que l’entrée d’un pays dans l’eurozone serait une meilleure protection, mais qu’il s’était trompé. Pour illustrer sa pensée, il comparait l’Espagne à la Grande-Bretagne; tous deux ont des déficits budgétaires comparables, mais sont traités de manière différente sur les marchés financiers. La Grande- Bretagne peut emprunter sur 10 ans à un taux de 2,52%, alors que l’Espagne doit payer le double d’intérêts. Cela s’explique par le fait que la Banque Centrale Britannique peut imprimer de l’argent si nécessaire, tandis que l’Espagne doit se fier à la Banque Centrale Européenne.
Retourner dans le passé n’est toutefois pas gratuit. Quitter la zone Euro, c’est autre chose que de ne jamais l’avoir intégré. Qui va financer la dette si la Grèce réintroduit sa propre monnaie? Il faudrait certainement des mesures pour stopper une panique bancaire et imposer des contrôles sur le capital. Des entreprises avec des dettes extérieures tomberaient en faillite. Des spécialistes estiment que le PIB se réduirait de moitié durant la première année. Les prix des produits importés dégringoleraient et continueraient à miner le bienêtre des foyers. Sur base du capitalisme, cela ne serait pas une solution.
Pour la zone Euro également, mettre la Grèce à la porte ou l’abandonner – ce qui ne laisserait pas d’autre choix à la Grèce que de quitter la zone – n’est pas une option. Les spéculateurs sélectionneraient immédiatement leur prochaine victime jusqu’à la chute de toute la zone. Dès que l’Italie sera menacée, aucun fond ne suffira. Selon beaucoup d’économistes, il ne reste pas d’autre choix que de continuer à financer la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie et qui sait quels autres pays encore. On songe à des obligations européennes ou, comme De Grauwe, à la planche à billets agitée par la BCE. Il est improbable que les pays plus résistants soient d’accord, puisque cette facture aussi sera de plus en plus lourde. Par conséquent, on continuera probablement à trainer jusqu’à ce que s’impose un pénible divorce.
Qu’ils traînent est logique puisque, sur base capitaliste, aucune solution n’existe. Le problème fondamental, c’est que le marché capitaliste sous-utilise et freine les capacités scientifiques et techniques. Il faut libérer l’économie de la course au profit et la mettre au service de la collectivité, de son environnement de travail et de vie, par la gestion collective et libre des secteurs clés de l’économie et du savoir au travers d’une planification démocratique.
Un gouvernement qui agirait ainsi serait probablement éjecté de la zone Euro, mais ce ne serait pas choisir l’isolement. Des jeunes et des travailleurs, partout en Europe, comprendraient vite cette démarche comme étant une tentative de les couper de la seule alternative possible.