Tag: Belgique

  • Il faut passer à l’action … pour défendre la Sécurité Sociale !

    Les négociateurs du gouvernement de l’Orange bleue veulent s’en prendre à plusieurs pans de la sécurité sociale. Alors que les recettes de l’Etat diminuent suite aux nombreux cadeaux faits aux patrons, les chefs de la droite cherchent à combler le manque à gagner en puisant dans les poches des travailleurs et de leurs familles. Ils veulent ainsi poursuivre et renforcer les transferts des pauvres vers les riches. Sous la menace d’un déficit budgétaire grandissant, la droite prépare une attaque de grande ampleur.

    Geert Cool

    Le débat communautaire qui permet de « diviser pour mieux régner » est utilisé afin de pouvoir mener une politique néolibérale de plus en plus dure. Ceux qui exigent une régionalisation de la sécurité sociale ne le font pas pour étendre les acquis sociaux mais pour les réduire plus rapidement. Car le patronat veut économiser sur les pensions, augmenter la flexibilité des travailleurs, limiter les allocations de chômage dans le temps et poursuivre les privatisations dans le secteur des soins de santé,…

    C’est par la lutte que les travailleurs ont obtenu la sécurité sociale. Aujourd’hui, celle-ci a déjà fortement été entamée. Le secteur privé a investi le domaine des soins de santé, avec pour conséquence que l’accent est mis non sur les soins mais sur le profit. « Sicko », le film de Michael Moore, devient de plus en plus une réalité chez nous aussi.

    En matière de pensions, on constate que la tranche des 20 % les plus hautes sont en moyenne 16 fois plus élevées que celle des 20 % les plus basses. C’est une des conséquences de la privatisation partielle provoquée par le recours à l’épargne-pension individuelle ou au niveau de l’entreprise. Le résultat de cette privatisation est qu’en 1980, 12 % des pensionnés vivaint sous le seuil de pauvreté et qu’ils sont 23 % actuellement.

    Les nouvelles attaques contre la sécurité sociale vont continuer à faire grimper le nombre de pauvres. Aujourd’hui déjà , 15 % des Belges sont pauvres. Selon des chiffres récents, il y a 3 % de pauvres parmi les travailleurs. En Allemagne, un des effets des attaques successives contre les salaires et la sécurité sociale est que 10 % de travailleurs se retrouvent sous le seuil de pauvreté. Est-ce que le même sort nous attend en Belgique ?

    Pour éviter cela, il va être indispensable de répondre aux attaques. Les travailleurs vont devoir résister. L’appel à une concentration nationale des militants, comme celui qui a été lancé par le président de la FGTB De Leeuw lors d’un rassemblement à Anvers le 24 octobre, est une bonne initiative. Mais, pour arriver à une véritable mobilisation, il va être nécessaire d’expliquer ce que signifient concrètement les attaques planifiées contre la sécurité sociale et de mettre en avant un programme clair. Et d’expliquer que cette concentration de militants doit être vue comme un premier pas dans la construction d’un rapport de forces pour aller à la confrontation.

    Au cours de ces mobilisations, la discussion sur la nécessité d’un prolongement politique aux luttes syndicales ne disparaîtra pas, bien au contraire. Pratiquement tous les partis traditionnels ont soutenu le Pacte des Générations il y a deux ans et se laissent à présent entraîner dans la surenchère communautaire. Si nous voulons un parti qui défende activement les intérêts des travailleurs et de leurs familles, nous devrons participer nous-mêmes à la construction d’un tel parti. Le Comité pour une Autre Politique (CAP) peut être l’outil qui nous permettra de le faire.

    Signez la pétition “Sauvons la solidarité”

    > www.sauvonslasolidarite.be

  • La FEB de nouveau à l’attaque: Retraités et fonctionnaires dans le colimateur!

    Pour la première fois depuis vingt ans, les partis sociaux-démocrates (SP.a et PS) pourraient ne plus participer au prochain gouvernement. Malgré les loyaux services que la social-démocratie a rendu au patronat ces deux dernières décennies, les organisations patronales comme la Fédération des Entreprises Belges (FEB) espèrent que leurs revendications pourraient être encore mieux rencontrées par un gouvernement de “centre”-droite.

    Karel Mortier

    Ceux qui ont imaginé que les organisations patronales allaient stopper leur offensive sur les retraites après le Pacte des générations en sont pour leurs frais. Cette fois-ci, les fonctionnaires sont aussi menacés.

    Les fonctionnaires représentent la plus importante cible des organisations patronales. Celles-ci affirment que notre pays gaspille son argent en entretenant trop de fonctionnaires. Ainsi, une suppression de 25.000 fonctionnaires équivaudrait à une économie de 10 milliards d’euros, argent qui pourrait servir à une nouvelle diminution des charges patronales. Toujours selon les organisations patronales, les fonctionnaires continuent à coûter de trop même quand ils sont retraités, ce qui serait injuste par rapport aux personnes travaillant dans le secteur privé, où les retraites sont plus basses. Bien entendu, il est pour eux hors de question de rehausser les pensions du privé; alors, autant niveller par le bas à l’exemple des mesures annoncées par Sarkozy en France.

    Voici un exemple édifiant de la politique de diviser-pour-mieux-régner afin de pouvoir réduire les acquis des travailleurs dans notre pays en montant un secteur contre l’autre, qui plus est sous couvert de lutte contre « l’injustice » !

    Les retraites ne seraient d’ailleurs pas seules à être trop élevées chez les fonctionnaires. Pour le même travail, mais pour un salaire moindre, une bonne partie des emplois peuvent être remplacés par des travailleurs du privé. La cerise sur le gâteau est la possibilité pour les patrons de pouvoir de cette manière encore amplifier leurs bénéfices en « offrant » au gouvernement des services précédemment rendus par les fonctionnaires.

    Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les organisations patronales revendiquent un nouveau calcul des retraites afin de diminuer également les retraites du privé ! Selon eux, il ne faudrait dorénavant plus prendre en compte les périodes où les travailleurs ne sont pas actifs pour diverses raisons. Cette réforme s’attaque principalement aux femmes qui sont plus enclines à stopper le boulot un moment pour l’éducation de leurs enfants.

    Les attaques sur les fonctionnaires et les retraites ne sont pas un phénomène propre à la Belgique. Partout en Europe, les gouvernements au pouvoir voient les fonctionnaires comme autant de proies pour l’application de leurs plans d’austérité. La discussion sur la réduction du nombre de salariés dans la fonction publique est en première instance pour le patronat une discussion sur les services publics à la population. Les acquis sociaux sont en péril et surtout les statuts des fonctionnaires nommés ainsi que les retraites, choses qui dérangent particulièrement les patrons.

    Les propositions de la FEB et autres organisations patronales ne servent aucunement à rendre les retraites payables par l’Etat, mais bien à financer une enième diminution de charges patronales. Les entreprises belges se rangent pourtant parmi les plus rentables en Europe, mais cela n’est visiblement pas encore suffisant.

  • 90 années après la révolution russe… Une expérience toujours d’actualité !

    1917-2007

    En ce mois d’octobre, nous commémorons le 90ème anniversaire de la révolution russe de 1917. Bien trop souvent, cet événement est présenté comme une « aberration de l’histoire » ou comme le résultat des sinistres desseins d’une poignée d’hommes malfaisants. Nous voulons au contraire profiter de l’occasion pour réaffirmer la légitimité historique et la portée gigantesque de ce qui fut la première révolution socialiste de l’histoire.

    Cédric Gérôme

    Le développement inégal et combiné

    Dans son livre La révolution permanente, Trotsky dira de la révolution d’Octobre qu’elle fut « la plus grandiose de toutes les manifestations de l’inégalité de l’évolution historique. » Au début du siècle dernier en effet, la Russie présente une situation historique pleine de contradictions. Réduit à un état semi-barbare, le pays est sous le joug d’un régime tsariste autocratique, tandis que l’immense majorité de la population ( 87%) vit dans les campagnes, le plus souvent dans un état de misère et d’arriération lamentable. Le sous-développement culturel est latent : l’analphabétisme atteint un niveau supérieur à celui existant en France au 18ème siècle avant la révolution ! Les tentatives de moderniser les structures de la vie nationale se heurtent aux lourdes survivances du féodalisme, à la faiblesse de la bourgeoisie nationale, au système archaïque de gouvernement et à la dépendance économique de la Russie à l’égard du capital étranger. Ce sont pourtant ces investissements de capitaux étrangers qui permettent, dans le dernier quart du 19ème siècle, un développement capitaliste accéléré et la formation de centres industriels importants. L’arriération du pays contraste dès lors avec l’apparition rapide d’un prolétariat moderne concentré dans de grosses entreprises, et dont la combativité n’a rien à envier au mouvement ouvrier occidental. Rien qu’entre 1865 et 1890, le nombre d’ouvriers d’usine double, passant de 700.000 à 1.430.000. A la veille de la révolution de 1917, ils sont 4,5 millions. Rosa Luxembourg, révolutionnaire allemande, en déduit : « La situation contradictoire de la Russie se manifeste par le fait que le conflit entre la société bourgeoise et l’absolutisme est déjà surpassé par le conflit entre le prolétariat et la société bourgeoise. » (1)

    1905 : la répétition générale

    En 1905, la Russie est traversée par une première onde de choc révolutionnaire. L’année débute par une grève à l’usine Poutilov à Saint-Pétersbourg, qui, rapidement, s’élargit. L’épisode du Dimanche Rouge, lorsque des milliers de travailleurs et leurs familles se rendant vers le Palais d’Hiver du Tsar pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail et davantage de libertés publiques se font accueillir à coups de fusils, de sabres et de baïonettes, au prix de centaines de morts, a pour effet de dissiper la confiance obscure de centaines de milliers de travailleurs dans le tsar, et enflamme le pays par une vague de grèves. Celle-ci atteint son apogée par la grève de masse du mois d’octobre, qui voit la constitution des premiers Soviets (conseils des députés ouvriers), véritables embryons d’un gouvernement ouvrier révolutionnaire. Mais le pouvoir d’Etat tsariste a finalement raison de ce déferlement révolutionnaire, qui, insuffisamment préparé et réduit à ses seules ressources, reflue à partir de décembre. Trotsky conclut : « Cet épisode n’a pas seulement montré que la Russie des villes était une base trop étroite pour la lutte, mais aussi que, dans les limites de la révolution urbaine, une organisation locale ne peut assumer la direction du prolétariat. La lutte du prolétariat au nom de tâches nationales exigeait une organisation de classe d’envergure nationale. » (2) Si la défaite de cette première révolution ouvre une ère de répression féroce qui pousse le mouvement ouvrier dans le repli pour plusieurs années, cette expérience révèle néanmoins pour la première fois le prolétariat comme une force avec laquelle il va falloir compter, et restera ancrée dans la conscience collective des travailleurs russes.

    Trois conceptions de la révolution

    Le caractère de la révolution en gestation fut l’objet d’âpres divergences au sein du mouvement ouvrier russe. Dès 1904, ces divergences aboutissent à la formation de deux tendances fondamentales : le menchevisme et le bolchevisme.

    Pour les menchéviks, la Russie devait passer par une révolution démocratique portant au pouvoir la bourgeoisie, laquelle développerait le capitalisme et instaurerait un régime parlementaire. Le rôle du parti ouvrier devait donc se limiter à « donner plus de vaillance à la bourgeoisie libérale » (3) pour l’aider à s’engager dans cette voie. « Les conditions historiques objectives font que la destinée de notre prolétariat est irrémissiblement de collaborer avec la bourgeoisie dans sa lutte contre l’ennemi commun » (4) , résumait le dirigeant menchévik Axelrod. La lutte pour le socialisme était ainsi renvoyée à un avenir indéfini, le contenu de la révolution étant d’avance limité à des transformations acceptables pour la bourgeoisie libérale. Cette perspective partait davantage d’une transcription mécanique, sur le sol de la Russie, du schéma suivi par la révolution française de 1789 que d’une analyse réelle des conditions sociales et politiques existant en Russie à cette époque.

    Jusqu’à un certain point, les bolchéviks admettaient également que la révolution aurait un caractère bourgeois. Lénine expliquait : « Nous ne pouvons sauter par-dessus le cadre démocratique bourgeois de la révolution russe… Pour le prolétariat, la lutte pour la liberté politique et pour la république démocratique au sein de la société bourgeoise est simplement un stade nécessaire dans sa lutte pour la révolution socialiste. » (5). La vision des bolchéviks se distinguait cependant de celle des menchéviks sur deux points : d’une part, ils ne renvoyaient pas la révolution socialiste aux calendes grecques mais voyaient au contraire la révolution bourgeoise comme un « stade nécessaire » vers la réalisation de ce but ; d’autre part, ils ne portaient aucune illusion quant à la capacité de la bourgeoisie russe à diriger jusqu’au bout sa propre révolution. L’existence de fait d’un prolétariat moderne contestant l’ordre capitaliste, ainsi que les attaches existant entre l’aristocratie foncière et la bourgeoisie, rendaient cette dernière incapable, selon les bolchéviks, d’entreprendre la moindre initiative sérieuse vers la conquête des droits politiques des travailleurs et la réalisation d’une véritable réforme agraire. L’évolution des rapports de forces pousserait tout au contraire la bourgeoisie vers un compromis avec l’absolutisme. C’est pourquoi, à la position des menchéviks préconisant une alliance entre le prolétariat et la bourgeoisie, les bolchéviks opposaient l’idée d’une alliance entre le prolétariat et la paysannerie. Cette position était résumée dans la formule de Lénine : « la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie. »

    Léon Trotsky, quant à lui, n’adhèrait à l’époque ni à l’une, ni à l’autre de ces conceptions. Tirant le bilan de l’expérience de 1905, il élaborera dans sa brochure Bilan et perspectives, une analyse clairvoyante qui se verra brillamment confirmée par le développement ultérieur des événements révolutionnaires en Russie, analyse par la suite connue sous le nom de Révolution Permanente. D’accord avec les bolchéviks sur l’analyse qu’ils font du rôle du libéralisme bourgeois, Trotsky cernait néanmoins les faiblesses de la formule de Lénine. Il soulignait d’une part l’incapacité historique pour la paysannerie, de par son morcellement géographique et social, de jouer un rôle politique indépendant ; la passivité des villages et l’inertie des éléments paysans dans l’armée fut en effet une des raisons principales de l’écrasement de la révolution de 1905. Dautre part, il insistait sur l’impossibilité objective pour le prolétariat de se maintenir dans le cadre d’un programme démocratique bourgeois : « Il serait du plus grand utopisme de penser que le prolétariat, après avoir accédé à la domination politique puisse borner sa mission à créer les conditions démocratiques et républicaines de la domination sociale de la bourgeoisie. » Une fois au pouvoir, la classe ouvrière serait irrésistiblement poussée à entreprendre ses propres tâches, à savoir l’expropriation des capitalistes et la socialisation de l’économie. «La perspective des bolchéviks était incomplète; elle indiquait correctement la direction générale de la lutte, mais caractérisait incorrectement ses stades…La victoire complète de la révolution démocratique en Russie est inconcevable autrement que sous la forme d’une dictature du prolétariat appuyée sur la paysannerie. La dictature du prolétariat mettra inévitablement à l’ordre du jour, non seulement des tâches démocratiques mais aussi des tâches socialistes, et va en même temps donner une puissante impulsion à la révolution socialiste internationale. » (6)

    La guerre mondiale : la trahison historique de la social-démocratie

    En août 1914, la nécessité latente pour les Etats impérialistes d’engager un nouveau partage des marchés et des colonies éclate en une puissante conflagration mondiale. Les belles résolutions contre la guerre de l’Internationale Socialiste sont d’un seul coup rangées au placard : presque tous les partis sociaux-démocrates capitulent devant la guerre, en s’alignant sur leurs gouvernements respectifs et leurs discours bellicistes. Le 4 août, le groupe parlementaire social-démocrate allemand, unanime, vote les crédits de guerre. Les députés socialistes français les imitent avec enthousiasme. Lorsqu’en Belgique, le roi Albert se présente devant les Chambres et que le gouvernement catholique demande le vote de crédits militaires, les députés socialistes du POB applaudissent le souverain et, à leur tour, se rallient à l’union sacrée en votant les crédits de guerre. Emile Vandervelde, alors président de l’Internationale, part, sur la demande du roi, haranguer les troupes sur le front de l’Yser. Celui que l’on considérait comme « le père du marxisme russe », Plékhanov, comme la majorité des menchéviques, se rallie au discours de « la guerre jusqu’à la victoire ». De tous les partis sociaux-démocrates de l’époque, les bolchéviques seront les seuls à rejeter l’effort de guerre de façon radicale et conséquente. Rosa Luxembourg qualifie l’Internationale de « cadavre puant » (7). Lénine affirme : « Dès aujourd’hui, je cesse d’être social-démocrate et deviens communiste. » (8)

    Si, dans un premier temps, la vague de chauvinisme entraîne tout sur son passage et terrasse des millions de travailleurs, la guerre deviendra par la suite un puissant catalyseur de la colère ouvrière, qui se répandra comme une tempête sur tout le continent. La combativité des masses, enfouie sous la boue et le sang des tranchées, remontera à la surface avec d’autant plus de vigueur. « La première vague des événements a élevé les gouvernements et l’armée à une puissance jamais encore atteinte. D’autant plus effrayante sera la chute des dirigeants, quand le sens réel des événements se révélera dans toute son horreur », commentait Trotsky dans La guerre et l’Internationale.

    Février 1917 : l’explosion

    Un peu partout, la prolongation du massacre impérialiste excite les sentiments de révolte. La discipline se relâche parmi les troupes, le mécontentement gronde dans les quartiers ouvriers. En Russie, la crise éclate en février 1917 : le 23 de ce mois, à l’occasion de la journée internationale des femmes, des ouvrières du textile de Saint-Pétersbourg débrayent et défilent dans des manifestations de masse en criant : « Du pain ! Du pain ! » Cet événement met le feu aux poudres ; le lendemain, la moitié du prolétariat de la capitale -200.000 ouvriers- a cessé le travail. Le 25, la grève devient générale. Rapidement, le conflit prend un caractère insurrectionnel ;les mutineries des soldats, entraînées par la marée révolutionnaire, sonnent le glas du régime impérial. Ce dernier, incapable de faire obstacle au soulèvement des masses, ne pouvant s’appuyer sur des troupes sûres, vole en miettes. Le 27 au soir se tient la séance constitutive du Soviet des députés ouvriers et soldats de Pétrograd. Le 2 mars, le Tsar Nicolas II, lâché par ses alliés de la veille, abdique. Le même jour les députés de l’opposition libérale constituent à la hâte un gouvernement provisoire présidé par le prince Lvov, grand propriétaire terrien : les classes possédantes, paniquées, cherchent à rebâtir un appareil d’Etat capable d’endiguer la révolution des masses ouvrières. L’Eglise orthodoxe, pourtant vieille complice du tsarisme, voit dans la chute du régime « la volonté de Dieu » et invite les fidèles à « soutenir le gouvernement provisoire » (9). Loin d’être un aboutissement, la révolution de février ne marque pourtant que le début d’un processus de révolution et de contre-révolution qui verra se défier sur l’arène politique deux prétendants à la direction de la société.

    Les soviets : organes de pouvoir d’un type nouveau

    La révolution a fait naître une dualité de pouvoir : à côté du gouvernement provisoire bourgeois s’érige et se développe un autre type de pouvoir : les Soviets des députés ouvriers, élus dans les usines et les quartiers ouvriers. « La dualité de pouvoirs se manifeste là où des classes ennemies s’appuient déjà sur des organisations d’État fondamentalement incompatibles – l’une périmée, l’autre se formant – qui, à chaque pas, se repoussent entre elles dans le domaine de la direction du pays (…) Par sa nature même, une telle situation ne peut être stable… » (10) En effet, une société ne peut pas plus avancer sous la houlette de deux pouvoirs opposés qu’un train ne peut avancer s’il est guidé par deux conducteurs voulant chacun aller dans des directions opposées !

    Dès le début mars, des soviets surgissent dans toutes les principales villes et les centres industriels du pays ; la révolution commence à gagner les campagnes, tandis que les soviets de soldats se multipient dans l’armée pour contester le diktat des officiers. Lénine affirme très justement : « Les parlements bourgeois ne sont jamais considérés par les pauvres comme des institutions à eux. Tandis que, pour la masse des ouvriers et des paysans, les soviets sont à eux et bien à eux. » (11). Ces soviets, organes d’auto-organisation des masses opprimées, véritables parlements ouvriers, reprennent en main la gestion de tâches normalement dévolues à l’appareil d’Etat officiel (ravitaillement, ordre public, armement des travailleurs…) et contribuent à engager les larges masses de la population laborieuse dans le débat et l’action politique, loin des basses manoeuvres et des intrigues des bourgeois. Pourtant, et c’est là ce que Trostky appelle le « paradoxe de février », les soviets sont initialement composés d’une majorité de délégués des partis menchévik et socialiste-révolutionnaire, qui n’ont pas la moindre intention de renverser le gouvernement provisoire, appuient la poursuite des hostilités sur le front, et s’évertuent à freiner les revendications sociales. « Non seulement dans les soviets de soldats, mais également dans les soviets ouvriers, les bolchéviks disposaient généralement de1-2%, au mieux 5%. Les menchéviks et les prétendus ‘socialistes-révolutionnaires’ s’assuraient le soutien de 95% des travailleurs, des soldats et des paysans engagés dans la lutte » (12)

    Les thèses d’avril : la révolution permanente en pratique

    Dictée par leur ancienne analyse des tâches de la révolution, l’attitude initiale de la direction nationale du parti bolchévik, en ces premiers mois de révolution, est sujette à maintes hésitations et confusions. Staline et Kaménev, à la tête du parti en l’absence de Lénine exilé en Suisse, adoptent une position de soutien critique au gouvernement provisoire et de rapprochement avec les menchéviks. La conférence bolchévique qui se tient à la fin du mois de mars décide par exemple, sous proposition de Staline, que le rôle des Soviets est de « soutenir le gouvernement provisoire dans son action aussi longtemps qu’il marche dans la voie de satisfaire la classe ouvrière. » (13). Fort heureusement, le retour de Lénine, le 3 avril, va retourner la situation dans les rangs bolchéviques. S’adaptant à la nouvelle réalité au lieu de s’accrocher aux vieilles formules, il rejoint implicitement la perspective avancée par Trostky : « La formule inspirée du ‘vieux bolchévisme’, comme quoi ‘La révolution démocratique bourgeoise n’est pas terminée’, a vieilli : elle n’est plus bonne à rien (…) Le trait distinctif de la situation actuelle en Russie consiste en la transition de la première étape de la révolution, qui remit le pouvoir à la bourgeoisie à cause de l’insuffisance de la conscience et de l’organisation prolétariennes, à sa seconde étape, qui remettra le pouvoir aux mains du prolétariat et des couches les plus pauvres de la paysannerie. » (14). Lénine formula sa position dans les Thèses d’Avril, véritable réquisitoire contre le gouvernement provisoire et plaidoyer en faveur du pouvoir des Soviets « seul pouvoir révolutionnaire viable » (15). Par un travail patient et tenace, soutenu par la radicalisation du mouvement révolutionnaire, il parvient à ressaisir le parti. Trotsky, quant à lui, ralliera formellement les bolchéviks au mois d’août

    Les journées de juillet

    Les 3 et 4 juillet s’opère un tournant décisif : les ouvriers et soldats de Petrograd manifestent leur impatience en exigeant des dirigeants du soviet qu’ils prennent le pouvoir. Les bolcheviks s’opposent à une insurrection, qu’ils estiment prématurée et suicidaire : la capitale est en avance sur le reste du pays, et les larges couches de travailleurs et de paysans ne sont pas encore prêts à soutenir activement le renversement du gouvernement provisoire. Ce n’est pas parce que l’avant-garde est gagnée au programme révolutionnaire que la situation est déjà mûre pour la prise du pouvoir. N’ayant pas réussi à contenir le mouvement, les bolchéviks ne tournent pas le dos aux travailleurs déterminés à descendre dans la rue : ils descendent avec eux tout en leur expliquant le caractère aventuriste de l’opération. Karl Radek expliquera par la suite : « En juillet 1917, nous avons de toutes nos forces retenu les masses, et, comme nous n’y avons pas réussi, nous les avons conduites au prix d’efforts inouïs, vers la retraite, hors d’une bataille sans espoir. » (16) Les désordres qui s’ensuivent font des centaines de victimes, et une vague de répression s’abat sur le parti bolchévik.

    Le putsh de Kornilov

    Le reflux de juillet semble rétablir un certain équilibre entre les classes antagonistes. La polarisation des classes est à son comble, et la base sociale du gouvernement provisoire, emmené par le socialiste-révolutionnaire Kérenski, s’évapore sous ses pieds. Le dirigeant Mililoukov, du parti cadet (le parti de la bourgeoisie) affirme : « La vie poussera la société et la population à envisager l’inéluctabilité d’une opération chirurgicale ». Il ajoute : « le pays n’a le choix qu’entre Kornilov et Lénine » (17).

    Les classes possédantes, en effet, face à l’apathie du gouvernement provisoire et des partis conciliateurs, sentent venu le moment de frapper à la tête le mouvement révolutionnaire : c’est le généralissime ultra-réactionnaire Kornilov qui est choisi comme sauveur suprême, l’objectif étant d’organiser une marche punitive vers Petrograd afin d’écraser la révolution dans le sang…mais le coup d’état s’effondre en quelques jours. Face à l’incapacité du gouvernement provisoire à organiser la résistance, les bolcheviks prennent en main la défense de la capitale. En définitive, même les soldats des troupes de Kornilov se mutinent contre leurs officiers et se rallient à la cause de la révolution : le complot se décompose sans combat. Fouettées par la tentative de la contre-révolution, les masses se radicalisent davantage encore : cet événement a pour effet de renverser la situation en faveur des bolchéviks, qui relèvent la tête et gagnent un prestige, une audience et une confiance parmi les masses jusque-là inégalés.

    Octobre : la prise du pouvoir

    Le 31 août, le soviet de Petrograd vote une résolution réclamant tout le pouvoir aux soviets et, tout comme 126 soviets de province, accordent la majorité aux bolcheviks. Les uns après les autres, les soviets des grandes villes alignent leur position sur celle du soviet de la capitale. « Avant septembre, l’avant-garde des masses était plus bolchévik que les bolchéviks. Après septembre, ce sont les masses qui sont plus bolchéviks que l’avant-garde. » (18) Lénine, quant à lui, parle de la « rapidité d’un ouragan incroyable » (19). Dès la mi-septembre, il martèle : « L’Histoire ne nous pardonnera pas si nous ne prenons pas le pouvoir dès maintenant. » (20) L’irrésistible ascension des bolchéviks culmine finalement dans l’insurrection et la prise du Palais d’Hiver, qui ont lieu dans la nuit du 24 et 25 octobre 1917 sous la direction de Trotsky, et ce presque sans effusion de sang. Le 26 du même mois, le deuxième congrès pan-russe des soviets ratifie le premier Etat ouvrier de l’histoire.

    Le rôle du Parti Bolchévik

    La révolution d’Octobre n’aurait jamais pu aboutir sans l’existence d’un parti capable, comme le disait Lénine, de « concentrer toutes les goutelettes et les ruisseaux de l’effervescence populaire qui suintent à travers la vie russe en un seul torrent gigantesque. » (21). La progression numérique du Parti Bolchévik est saisissante : ne comptant guère plus de 3.000 membres en février 1917, le parti, qu’on qualifiait encore en juillet d’une « insignifiante poignée de démagogues », verra en quelques mois ses effectifs exploser, atteignant en octobre le quart de millions d’adhérents. L’éducation politique des masses s’effectue à travers leur propre expérience ; dans le feu de l’action d’une période révolutionnaire, la conscience des masses évolue à la vitesse grand V. Le Parti Bolchévik a, mieux que les autres, su exprimer les aspirations profondes de la population laborieuse de Russie, et formuler les moyens concrets pour les mettre en œuvre. Un monarchiste moscovite de l’époque reconnaissait sobrement : « Les bolchéviks sont le vrai symbole du peuple. » (22). La construction d’un parti à même de grouper et d’organiser les masses ouvrières, et de les amener avec audace jusqu’à la prise effective du pouvoir, tel fut et reste le mérite et l’apport essentiel du bolchévisme dans l’histoire.


    1. Rosa Luxembourg : Grève de masse, parti et syndicat (1906)
    2. Léon Trotsky : Le conseil des députés ouvriers et la révolution (1906)
    3. Jean-Jacques Marie : Lénine 1870-1924 (2004)
    4. Léon Trotsky : Bolchévisme contre stalinisme (1939)
    5. Ibidem
    6. Ibidem
    7. Rosa Luxembourg : La crise de la social-démocratie (1915)
    8. Marcel Liebman : Le léninisme sous Lénine : 1.La conquête du pouvoir (1973)
    9. Ibidem
    10. Trotsky : Histoire de la Révolution Russe : 2.Octobre (1932)
    11. Jean-Jacques Marie : Lénine 1870-1924 (2004)
    12. Trotsky : Histoire de la Révolution Russe :1.Février (1932)
    13. Pierre Broué : Le Parti Bolchévique : Histoire du P.C. de l’U.R.S.S. (1962)
    14. Ibidem
    15. Ibidem
    16. Jean-Jacques Marie : Lénine 1870-1924 (2004)
    17. Jean-Jacques Marie : Lénine 1870-1924 (2004)
    18. Marc Ferro : La révolution russe (1976)
    19. Pierre Broué : Le Parti Bolchévique : Histoire du P.C. de l’U.R.S.S. (1962)
    20. Ibidem
    21. Lénine : Que faire ? (1902)
    22. Jean-Jacques Marie : Lénine 1870-1924 (2004)
  • Soins de santé de qualité contre marché « libre »

    Le film ‘Sicko’ de Michael Moore nous offre une belle occasion de discuter plus profondément des soins de santé aux Etats-Unis. Comment fonctionne ce système? Et y a-t-il des alternatives?

    Par Bart Van der Biest

    Le choc des chiffres

    Une enquête, réalisée dans treize pays industrialisés a comparé 16 indicateurs médicaux. Les Etats-Unis y ont reçu une cote très basse : l’avant-dernière position du classement. Ainsi, les USA ont-ils obtenu le pire résultat en ce qui concerne l’insuffisance pondérale à la naissance et la mortalité infantile pendant le premier mois suivant la naissance. La durée moyenne du séjour en maternité y est très basse : seulement deux jours. En Belgique, en 2000, la moyenne était de plus de cinq jours ; dans les pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique), quatre jours.

    Selon une enquête de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur un total de 25 pays, les Etats-Unis se classent 15e au niveau de la qualité des soins de santé. Cette enquête de l’OMS a tenu compte de l’état de santé général de la population. La caricature du mauvais style de vie du «gros Américain» n’a donc pas d’impact sur le classement. Divers paramètres ont été utilisés pour mener l’étude: le pourcentage de la population qui fume, la consommation d’alcool, l’utilisation de graisses animales saturées, le taux de cholestérol,…

    Si l’on jugeait selon le ‘mauvais’ style de vie, les Japonais emporteraient la première position! Le Japon connaît notamment un pourcentage élevé de fumeurs : 61% des hommes et 14% des femmes. Mais malgré cela, le Japon est en première position en ce qui concerne les soins de santé. Un autre chiffre alarmant: les Etats-Unis sont en 27e position en ce qui concerne la longévité.

    Les “listes d’horreur” des soins de santé américains

    Le Journal of the American Medical Association du 26 juillet 2006 a donné un exemple saisissant de la mauvaise qualité des soins de santé aux Etats-Unis. Dans ce pays, les erreurs médicales constituent la troisième cause de mortalité. Chaque année, 225.000 Américains meurent d’erreurs médicales dont 12.000 pour cause de chirurgie superflue, 80.000 suite aux infections dans les hôpitaux, 106.000 à cause des effets secondaires des médicaments, etc.

    4 à 18% des patients qui subissent un traitement polyclinique en subissent des effets négatifs qui nécessitent à leur tour un traitement supplémentaire chez un autre médecin. En chiffres bruts, cela signifie:

    • 116 millions de consultations supplémentaires chez un autre médecin
    • 77 millions de prescriptions supplémentaires
    • 17 millions d’interventions supplémentaires de premiers secours
    • 8 millions d’hospitalisations supplémentaires
    • 3 millions de traitement supplémentaires de longue durée
    • 199.000 décès suite à un traitement supplémentaire (donc une succession d’erreurs)
    • un total de 77 milliards de dollars de frais médicaux supplémentaires

    D’après les chiffres de l’OCDE, en 2001, la Belgique a dépensé 9% de son produit intérieur brut (PIB) en soins de santé. Les USA étaient en première position de ce classement avec 13,9% du PIB. Etrange lorsque l’on sait que les Américains doivent payer eux-mêmes la majorité de leurs frais médicaux. Seulement un quart de la population jouit d’une assurance garantie par des programmes d’aide publics et près de 47 millions d’Américains ne disposent d’aucune forme d’assurance maladie. La part des dépenses publiques dans le total des dépenses de soins de santé s’élève en moyenne à 72% dans les pays de l’OCDE, mais à seulement 44% aux Etats-Unis. Et ce sont pourtant les USA qui dépensent le plus en soins de santé (4.900$ par habitant), malgré leur inefficacité et leur coût élevé.

    Caisses de soins de santé: D’abord les actionnaires, puis les patients

    Aux Etats-Unis, les soins de santé sont en principe régulés par le soi-disant « marché libre ». Résultat: chaos total. Il existe d’innombrables formes d’organisation, chacune ayant sa propre dynamique économique, ses frais, son lot d’assurances, sa qualité et son accessibilité. Les clients concluent des contrats avec des clauses de soins auprès de prestataires bon marché répartis sur de vastes territoires. Les gens sont orientés vers le centre A pour les soins de première ligne, vers l’hôpital B pour l’aide médicale d’urgence, vers le bâtiment C pour les hospitalisations, vers la polyclinique D pour les diabètes, vers la maison de repos E, etc.

    Les sociétés d’assurance et les prestataires de soins (hôpitaux, médecins de famille, maisons de repos,…) sont organisés dans les Health Maintenance Organisations (HMO). Ces industries concluent aussi des contrats avec les employeurs pour leurs salariés. Certaines font partie du secteur non-marchand, d’autres sont commerciales, cotées en Bourse et emploient les managers les plus cher du pays.

    L’unique but des soins de santé aux Etats-Unis est la réalisation de profits. Plus on dépense pour soigner les patients, moins il y a de dividendes à distribuer aux actionnaires. Dans le film de Michael Moore, ce mécanisme est mis à nu. Les assurances-maladie privées font tout pour éviter de rembourser un assuré. On va jusqu’à recruter des détectives qui enquêtent sur le passé médical du patient afin de pouvoir lui réclamer de l’argent en cas de « rétorsion d’informations » lors de la conclusion du contrat. Ainsi, un cancéreux peut se voir refuser le remboursement de ses frais médicaux pour avoir omis de signaler une infection bactérienne.

    D’un point de vue médico-technique, l’offre de soins professionnels est satisfaisante. Du moins pour ceux qui y ont accès. En pratique, les soins de santé de bonne qualité aux Etats-Unis sont un privilège des riches. Ceux qui n’y ont pas droit doivent en appeler à la charité et aux soi-disant ‘dispensaires collectifs’ (‘community health centers’).

    Aux Etats-Unis, la médecine préventive est quasi-inexistante et se limite à la diffusion de dépliants informatifs, des vaccinations et des enquêtes auprès de la population. Les soins de santé sont entièrement centrés sur les individus et se limitent en fait à des soins curatifs. Si on veut vendre la maladie et la santé sur un marché économique, les soins de santé doivent être regroupés en paniers de ‘produits’ négociables à un certain prix. La prévention n’y trouve pas sa place.

    L’approche commerciale a pour effet de déresponsabiliser les individus et les collectivités. L’impossibilité d’investir dans la santé et dans l’usage rationnel des possibilités génère le consumérisme, la surconsommation et l’usage inapproprié. Tout ceci contribue à gonfler la facture qui se répercute finalement dans la médecine curative, d’où les coûts élevés aux Etats-Unis.Aux Etat-Unis, mais également en Europe, l’idée de “liberté de choix” n’est qu’un alibi pour le marché des soins de santé. Mais la plupart des gens n’ont pas la possibilité d’y faire leur marché. Tout y est régulé par l’offre et la demande de soins.

    La santé publique en Europe : Terre promise ?

    Ces dernières années, en Europe également, la tendance est à la commercialisation des soins de santé. Les avocats du système américain affirment que le ‘libre’ marché dans les produits de soins aboutira à l’efficacité, à la maîtrise des coûts, au libre choix et à la qualité.

    Plusieurs tentatives ont été faites pour donner les soins de santé en pâture aux vautours du privé par le biais des institutions internationales (entre autres l’OMC et l’UE). Par exemple, seule la pression syndicale a permis d’éviter (provisoirement ?) que le secteur de la santé (et ses dérivés) tombe dans le champ d’application de la directive “Bolkestein”.

    Bien loin de la vision idyllique qu’en donne “Sicko”, les soins de santé en Europe souffrent de graves carences. A l’instar d’autres secteurs, la politique néo-libérale y a laissé des traces profondes. Les mesures d’économie n’épargnent pas ce secteur et les problèmes sont donc le plus souvent dus à un manque de moyens qui met sous pression les systèmes de soins de santé universels comme le NHS (National Health Service) en Grande-Bretagne.

    Et en Belgique ?

    La pression financière accrue sur les soins de santé qui deviendrait intenable pour les pouvoirs publics sert d’argument massue pour justifier l’ouverture du secteur au privé. Ainsi, les longues listes d’attente dans le secteur des maisons de repos constituent l’alibi parfait pour des initiatives privées. Dans ce secteur, les maisons de repos commerciales sont en train de gagner du terrain : il y a déjà 7 grandes sociétés d’investissement qui sont actives sur le terrain. Elles y font évidemment des bénéfices, ce qui implique des économies sur le personnel, les bâtiments, l’infrastructure,… L’engagement de ces sociétés d’investissement n’est évidemment pas dicté par l’amour des personnes âgées…

    Dans les hôpitaux, on sous-traite les tâches secondaires (comme les services de nettoyage) et on privatise les activités les plus lucratives. Dans certains hôpitaux (publics), il y a plusieurs catégories de personnel qui coexistent : à côté du personnel nommé en voie d’extinction, il y a les contractuels qui sont engagés dans des entités juridiquement distinctes où les salaires et les conditions de travail sont nettement inférieures…

    Une commercialisation accrue ne peut qu’aboutir à terme à un système de soins de santé à deux vitesses : une offre de base accessible à tous et des soins de luxe pour ceux qui peuvent se le permettre.


    David et Goliath…

    Les soins de santé à Cuba et aux USA

    Le cauchemar des soins de santé aux Etats-Unis contraste avec la situation à Cuba. Malgré les critiques que l’on peut faire au régime cubain, il est frappant de constater que la santé publique y est meilleure qu’aux Etats-Unis. A Cuba, les soins de santé sont gratuits et universels. Il y a un système de soins intégrés qui met l’accent sur la prévention. Les médecins soignent leurs patients mais agissent aussi sur les causes. Ils appliquent un politique médicale au niveau des quartiers. Dans les laboratoires cubains, la recherche sur les vaccinations est très poussée.

    Des milliers de médecins cubains travaillent dans 68 pays différents. Rien qu’au Venezuela, il y a près de 20.000 travailleurs de la santé cubains. Pas mauvais pour un pays du Tiers-Monde avec autant d’habitants que la Belgique. Les médecins compétents ne deviennent donc pas forcément des vampires assoiffés d’argent…


    Ce que nous proposons

    Notre remède à la soif de profit de l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et au cancer de la médecine de presta-tion: la création d’un service de santé public et national qui coiffe, organise et coordonne les différents services de santé dans l’intérêt de la santé publique et pas du profit ou du prestige de quelques individus et institutions.

    La mise en oeuvre d’un tel système se heurte au fonctionnement du capitalisme. Une autre santé publique n’est possible que dans un autre monde : un monde socialiste.

  • Bye Bye Belgium? Questions / réponses sur la crise communautaire

    La crise politique paralyse la Belgique

    Plus de cent jours après les élections, aucune issue n’est en vue. Journalistes et politiciens étrangers regardent ce spectacle avec stupéfaction, comme The Economist qui a prédit la fin de la Belgique. On peut être plus que certain que les classes dirigeantes des pays européens confrontés à des régions qui aspirent à plus d’autonomie – la Grande-Bretagne, l’Espagne, la France ou encore l’Italie – suivent ces développements avec grande attention.

    Dossier par Anja Deschoemacker

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    Fédéralisme responsable?

    Alors que les deux syndicats juraient leurs grands dieux avant les élections qu’ils s’opposeraient à toute régionalisation du marché de l’emploi, les dirigeants flamands de la CSC – maintenant que “leur” parti a de nouveau la possibilité d’avoir le Premier ministre – laissent désormais la porte ouverte sur cette question. Les déclarations de Cortebeeck prouvent que la direction de la CSC pourrait donner son accord à, par exemple, une proposition de Bea Cantillon (Centre pour la Politique Sociale de l’Université d’Anvers), pour qui on peut transférer partiellement le budget de la sécurité sociale en fixant des objectifs. « Un Etat régional qui par sa politique diminue les dépenses de la sécurité sociale serait recompensé. Un Etat régional qui augmente les coûts sera financièrement puni. » (Knack, 25/07). Elle appelle ça « un fédéralisme social responsable ». Cela serait – suivant la veille tradition belge – présenté comme une victoire à la fois par les nationalistes flamands (« un premier pas vers une régionalisation ») et par les partis francophones (« pas de régionalisation »).

    Les syndicats ne doivent pas se battre pour une division de de la pénurie –résultat de l’écrémage systématique de la richesse produite qu’opèrent patrons et actionnaires – mais doivent mener une lutte contre contre chaque démantèlement social et pour plus de moyens.
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    Mais si la discussion sur l’éclatement de la Belgique se mène ouvertement, les prises de positions en faveur du maintien du pays gagnent en force. A la surenchère communautaire répond le sentiment grandissant que « la récréation est terminée » et qu’il est temps de faire appel à un « véritable homme d’Etat».

    Comment un tel chaos a-t-il pu arriver ? Et que va-t-il arriver maintenant ? Pour nous, socialistes révolutionnaires, s’ajoute la question du programme à défendre. Les revendications nationalistes flamandes – caractérisées par la suffisance, et l’égoïsme – ne sont en aucun cas une option. Mais les « belgicistes » ont-ils pour autant une solution valable ? Pas vraiment… Le MAS/LSP ne défend ni l’élite nationaliste flamande – qui ne veut rien d’autre qu’exploiter plus encore les travailleurs flamands – ni les intérêts de patrons comme Albert Frère (la plus grosse fortune de Belgique) ou encore de la monarchie.

    D’où vient la surenchère communautaire?

    Dans le passé, l’oppression passée de tout ce qui avait trait au flamand a ouvert la voie à l’amertume et la méfiance. Les écoliers flamands apprennent dans leurs cours d’histoire que les Flamands ont dû se battre pour acquérir le simple droit d’utiliser leur langue et ont été souvent trompés quand la lutte imposait des concessions. Dans cette logique, « les francophones » reçoivent aujourd’hui, selon les flamingants, la monnaie de leur pièce.

    Ici, c’est à dessein que « les franco-phones » sont entre guillemets, car il n’existe pas de groupe linguistique homogène. L’élite francophone qui a jadis laissé la Flandre stagner dans le sous-développement est la même que celle qui a durement exploité et opprimé les travailleurs wallons. Ce n’est pas par hasard si Marx a décrit le jeune Etat belge – créé par les grandes puissances européennes comme Etat-tampon contre la volonté d’expansion de la France qui suivit la révolution française – comme un vrai « paradis pour le patronat ».

    La majorité du mouvement flamand a toujours recherché une solution au sein de la Belgique. Aujourd’hui encore, seuls la N-VA et le Vlaams Belang sont séparatistes, mais les études sur l’électorat de ce dernier démontrent paradoxalement qu’il comprend plus d’unitaristes et de monarchistes que d’indépendantistes. La surenchère communautaire n’est donc en rien une lutte consciente pour une Flandre indépendante.

    De l’autre côté, le régionalisme wallon – dont la direction se référait au programme de réformes de structures de la FGTB – est depuis longtemps déjà en déclin. Il faut dire que le rêve d’une Wallonie autonome et « donc plus sociale » a viré en cauchemar face à la croissance du chômage, aux salaires et au niveau de vie en général plus modeste qu’en Flandre, etc.

    La surenchère communautaire est à la fois le résultat de cette histoire et du jeu de poker politique de la classe dirigeante belge. Cette dernière possède le pouvoir économique – et donc le réel pouvoir politique – et mène les partis traditionnels par le bout du nez. Elle a toujours su manipuler les différences de langue et de mode de vie pour faire payer ses profits et ses privilèges à la majorité de la population. Le but n’a jamais été la scission finale de l’Etat. Comme l’expliquait l’écrivain flamand Geert Van Istendael au Soir, on peut tout faire avec un bouc émissaire sauf le tuer, à moins de devenir soi-même responsable. Mais, combinée à la politique antisociale qui engendre toujours plus de manque et de frustration, la surenchère communautaire peut mener à l’exacerbation des tensions nationales.

    Comme l’écrit le journal néerlandais HRC Handelsblad: si le pays se désintègre aujourd’hui, ce sera plus à cause du désintérêt de la population que pour de véritables tensions nationalistes dans les couches larges. Nous sommes du même avis et voyons surtout un jeu politique où la population est réduite à l’état de simple spectateur dans les développements actuels.

    Quels sont jusqu’ici les résultats de la régionalisation?

    La scission de diverses compétences – la communautarisation de l’enseignement ou la régionalisation partielle des villes – a donné d’excellents résultats… pour la classe dirigeante ! Tous les commentateurs politiques sérieux admettent que cela a été une aide précieuse pour « l’assainissement du pays », c’est-à-dire le démantèlement de « l’Etat providence ».

    Depuis presque 20 ans, les partis flamands ont été obligés de gouverner avec le PS. S’ils veulent aller plus loin dans la satisfaction de leurs revendications aujourd’hui, ce n’est que pour améliorer la situation du patronat: un marché de l’emploi encore plus flexible, des conditions de travail et de salaire encore pires, moins de sécurité sociale,… Ce jeu se joue également de l’autre côté de la frontière linguistique. Le PS a de cette manière réussi à être considéré comme un parti d’opposition tout en étant au gouvernement : «nous devons assainir», «nous devons couper dans le budget de l’enseignement», «nous devons chasser les chômeurs», etc «sinon la Flandre scissionnera la sécurité sociale ou même le pays».

    Pendant ce temps les riches restent en dehors du collimateur et reçoivent cadeaux sur cadeaux: diminutions de charges et d’impôts, amnistie fiscale,… Les revenus du capital prennent une place toujours plus grande dans la richesse nationale au détriment des revenus salariaux. Mais tant que dure le show communautaire, personne ne pense aux poches qui engloutissent réellement la richesse nationale ! Ce ne sont pas celles des travailleurs, chômeurs et pensionnés wallons, flamands ou bruxellois !

    Dans une situation de ralentissement de la croissance économique mondiale suite à la crise du crédit hypothécaire américain, la surenchère communautaire ne va pas disparaître de si tôt car car il faut bien en faire payer le prix à quelqu’un.

    Le scénario d’une séparation est-il réaliste?

    Cette question se pose surtout à cause de l’impasse actuelle dans les négociations entre les deux « communautés » pour le gouvernement. Mais une séparation devra également être négociée, notamment pour les frontières des Etats, l’avenir de Bruxelles, la division de la dette nationale et de ce qui reste encore du patrimoine national après Verhofstadt I et II. Sans scission négociée, le seul autre scénario est celui d’une guerre civile autour des questions territoriales et surtout autour de Bruxelles et sa périphérie.

    Car une Flandre sans Bruxelles est immédiatement beaucoup moins intéressante. La région bruxelloise est responsable de 20% du PIB belge et sur les 340.000 navetteurs qui travaillent à Bruxelles, il n’y a pas moins de 230.000 flamands. De plus, la Wallonie et Bruxelles sont les partenaires commerciaux les plus importants des entreprises flamandes.

    Une Flandre indépendante qui voudrait garder Bruxelles devrait par contre accepter que cette Flandre soit un Etat bilingue. Et afin d’être acceptée comme membre de l’Union Européenne, la Flandre devrait très probablement souscrire au traité sur les minorités, ce qu’elle refuse de faire jusqu’à présent. Elle devrait alors accorder à la minorité nationale francophone en Flandre des droits ou des facilités et pas seulement dans les communes à facilités actuelles, mais partout où il y a une minorité francophone importante.

    Et là, c’est encore dans l’hypothèse où la population bruxelloise voudrait rejoindre une Flandre indépendante, ce qui est déjà extrêmement improbable dans le cadre d’une scission négociée, mais devient totalement impensable dans un scénario de déclaration unilatérale d’indépendance.

    C’est pour cela que le groupe De Warande (auteur d’un Manifeste pour une Flandre indépendante) ne men-tionne pas Bruxelles et que Bart De Wever (N-VA) place l’indépendance de la Flandre dans un avenir lointain dans lequel la Belgique se serait « vaporée » entre des Etats régionaux presque autonomes et l’Union Européenne.

    Selon le MAS/LSP, ce dernier scénario est utopique : la création d’un véritable Etat européen n’est pas possible dans le cadre du capitalisme car elle présuppose que les différents Etats européens (et les élites économiques qu’ils représentent) stoppent leur concurrence entre eux alors que l’objectif actuel de l’UE est justement un projet dans lequel cette concurrence peut s’effectuer de façon encore plus brutale, entre autres en libéralisant et démantelant totalement les services et les systèmes de sécurité sociale. Et ces dernières années ont été les témoins de bien des problèmes dans la construction de l’UE: le Pacte de stabilité n’est presque plus respecté, il n’existe pas de politique extérieure unifiée, la Constitution est momentanément enterrée, le protectionisme économique réapparaît,…

    Nous pensons donc qu’une scission de la Belgique n’est pas une perspective probable à court terme. D’ailleurs aucune partie du pays ne compte une majorité qui y soit favorable, ni dans la classe dirigeante ni dans le mouvement ouvrier.

    Au contraire des nationalistes flamands, le MAS/LSP n’est pas non plus convaincu de l’inexistence d’un « sentiment belge » ou du fait que les différences culturelles entre la Flandre et la Wallonie soient insurmontables. La différence linguistique masque justement de fortes similarités, des choses qui tombent directement sous le sens des étrangers mais que beaucoup de Flamands et de Wallons ne voient plus derrière les institutions, les politiciens et les médias. On ne connait pas le nombre de « familles mixtes » entre les régions et une scission ferait du tissu économique un gigantesque gruyère.

    Un divorce n’est facile qu’avec consentement réciproque et accord sur la séparation des biens. Sans accord, la scission de la Belgique ne saurait être qu’une grande bagarre. Et dans un tel type de divorce, les politiciens doivent pouvoir compter sur une réelle volonté de séparation auprès de la majorité de leur population, ce qui n’est pas le cas.

    Cette question nationale peut-elle être résolue?

    Le seul lieu où reste encore des traces de l’oppression et de l’humiliation nationale est la périphérie de Bruxelles, où la population d’origine, flamande et moins aisée, est sous pression depuis déjà longtemps, mais ce phénomène est plus une donnée socio-économique qu’une invasion francophone consciente.

    Tout d’abord, les nouveaux arrivants plus aisés ne sont pas seulement des francophones, mais aussi des eurocrates ( il faut noter que les eurocrates néerlandais ne choississent qu’exceptionnellement le côté flamand, vu comme « provincial » et « borné »). Pour arrêter ce développement, la politique actuelle du logement – qui partout donne priorité au plus grand portefeuille – doit être remplacéé par une politique qui offre des habitations sociales confortables et abordables comme garanties à ceux qui veulent rester dans la région. Cependant, tous les nouveaux arrivants ne sont pas riches; bon nombre d’entre eux sont des familles de travailleurs qui souhaitent élever leurs enfants dans une environnement plus vert et plus agréable. Une politique sociale de logement, combinée à une masse de stimulants pour permettre aux populations parlant d’autres langues de s’intègrer dans la communauté locale donnerait de biens meilleurs résultats que la politique actuelle de harcèlement qui a pour effet de pousser tous les francophones dans les bras des partis francophones dont la politque antisociale ne diffère en rien de celle de leurs collègues flamands.

    Le MAS/LSP n’est pas d’accord avec les nationalistes flamands pour qui la cohabitation des différents peuples au sein d’un Etat est impossible. En soi, le MAS/LSP n’a rien contre un élargissement des compétences des autorités régionales et locales. Mais à la condition que cela soit demandé par une majorité de la population dans la région impliquée et que le but soit d’arriver à une meilleure politique, à une politique sociale qui pourvoit aux besoins de tous.

    Le MAS/LSP défend une démocratie aussi large que possible. Nous reconnaissons le droit à l’autonomie et même à la séparation si cela est demandé par la majorité de la population de la région impliquée. Le MAS/LSP s’oppose par contre à une régionalisation si le but est d’arriver à une politique d’austérité encore plus dure, imposée dans une région pour l’être ensuite dans l’autre. La scission de l’enseignement illustre cette tactique. Pour cette raison, nous nous opposons de façon résolue à la scission de la sécurité sociale, de la politique d’emploi et de la concertation sociale.

    Nous sommes pour un élargissement des droits démocratiques, ce qui signifie entre autres lutter pour le droit à un travail et à des services dans sa propre langue. Le bilinguisme ne peut pas être imposé, seulement stimulé, notamment avec un enseignement de bonne qualité pour tous les élèves. Le MAS/LSP pense que les droits linguistiques des minorités nationales – flamande à Bruxelles et en Wallonie, francophone dans la périphérie de Bruxelles, en Flandre et en communauté germanophone, germanophone en Wallonie – doivent être inscrit dans la Constitution. Une politique linguistique démocratique n’est possible qu’avec assez de moyens. C’est la seule manière de faciliter la cohabitation. La contrainte n’entraîne qu’une résistance aigrie.

    Les droits des immigrés – sur le plan linguistique, mais aussi dans l’enseignement et les autres services – doivent être également inscrits dans la Constitution. Les travailleurs autochtones y ont aussi grand intérêt : c’est justement leur manque de droits qui fait la présence de travailleurs étrangers sur le marché de l’emploi qui fait peser une pression sur tout les salaires.

    Bruxelles-Hal-Vilvorde est le dossier symbolique par excellence. N’importe quelle « solution » – scission et/ou élargissement de Bruxelles – n’en est pas une si on ne tient pas compte des droits de la minorité qui s’y trouve. Ce n’est que si les minorités voient leurs droits garantis qu’on peut arriver à une solution bénéfique pour tous.

    Plus de moyens pour une vraie politique sociale et des droits pour chaque groupe de la population sont les seules véritables conditions pour une cohabitation harmonieuse. Notre pays possède plus qu’assez de richesses pour pourvoir aux droits et besoins de tous les travailleurs et de leurs familles. Mais nos gouvernements choisissent de donner des milliards au patronat sous forme de baisse des soi-disants charges patronales, de diminutions d’impôts pour les riches et de toutes sortes de manoeuvres fiscales.

    En manipulant la question nationale dans le passé et aujourd’hui, la bourgeoisie crée des problèmes de société plus grands encore qu’elle est incapable de résoudre ensuite. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils ne peuvent pas être résolus: avec assez de moyens et une démocratie aussi conséquente que possible les travailleurs peuvent faire en sorte que la cohabitation ne soit pas seulement viable, mais aussi agréable.

    Dans un système où la production des biens et de la richesse est basée sur la soif de profit d’une petite élite qui règne en Belgique à travers les divers gouvernements, il y aura fatalement toujours des besoins non-satisfaits qui mèneront à des luttes diverses. Mais la seule lutte qui peut offrir une issue est celle du mouvement ouvrier pour une société basée sur la satisfaction des besoins de la majorité et qui mette en oeuvre une planification démocratique de l’économie afin de répondre de la façon la plus efficace aux besoins de tous, c’est-à-dire une lutte pour le socialisme.


    La question nationale en Belgique:

    Une réponse du mouvement ouvrier est nécessaire!

    Fin 2005, une Conférence Nationale du MAS/LSP a mené une discussion sur la question nationale en Belgique sur base d’un texte retravaillé par la suite.

    Vous pouvez trouver cette brochure sur www.marxisme.org ou demander une version papier de ce texte à la rédaction!

  • Travailleurs wallons, bruxellois et flamands. Tous ensemble contre la droite

    Au moment de la parution de ce journal, nous n’avons toujours pas de gouvernement. Après plus de cent jours, les négociations ne semblent pas bouger. Les politiciens du Nord montrent du doigt « les Francophones » tandis que ceux du Sud dépeignent « la Flandre » comme un bloc homogène égoïste obnubilé par la scission du pays.

    par Peter Delsing

    Pourquoi les revendications communautaires sont-elles devenues si importantes? Le pays est-il vraiment en voie de scission, comme certains médias et politiciens amateurs de sensations fortes le disent ? Avec la crise politique qui se développe autour de la (non-) formation du gouvernement, c’est devenu un sujet de discussion partout parmi la population, à la maison, dans le train ou au boulot.

    Les politiciens bourgeois, de part et d’autre de la frontière linguistique, ne peuvent pas se vanter d’avoir réalisé grand’chose sur le plan social. Il leur serait difficile d’affirmer que notre pouvoir d’achat a augmenté. Bien au contraire, les manipulations de l’index, la hausse continue du coût du logement et aujourd’hui l’augmentation du prix de beaucoup de produits de base (pain, oeufs, bière, etc.), les salaires et les allocations des travailleurs et de leurs familles ont systématiquement perdu de leur valeur.

    Les politiciens ne peuvent pas dire non plus qu’ils ont amélioré la sécurité de l’emploi: une entreprise rentable comme Janssen Pharmaceutica vient de licencier 688 salariés. Ont-ils contribué à réaliser une combinaison meilleure entre le travail et la famille? La pression au travail, le stress et le manque d’épanouissement individuel sont devenus la norme. A la fin de la route toujours plus longue (à cause du Pacte de Solidarité), c’est une pension au rabais qui nous attendra.

    Le seul thème sur lequel la plupart des politiciens, y compris ceux du PS et du SP.a, souhaitent encore se positionner, c’est le thème communautaire. Tout serait la faute, selon les cas, des Flamands ou des francophones. Ce jeu politique est scandaleux, si on prend en compte les problèmes sociaux réels qui existent dans la société et le clivage toujours plus important entre les riches et les pauvres.

    Nous ne pensons pas qu’une scission de la Belgique est aujourd’hui à l’ordre du jour, même si cela peut devenir un scénario bien réel si nous laissons faire les politiciens actuels. Suite à l’excitation que font monter les médias, le soutien à la division du pays aurait, selon les sondages, augmenté de part et d’autre de la frontière linguistique. C’est un développement bien inquiétant pour les travailleurs. La majorité de la population n’a rien à gagner dans les jeux communautaires qui dominent le débat actuel.

    Du côté flamand, les partis de droite, et derrière eux beaucoup de petits patrons, espèrent pouvoir imposer des mesures d’austérité importantes en Wallonie, à Bruxelles… et en Flandre par le biais de la régionalisation. Le VOKA (l’organisation du patronat flamand) veut scissionner les caisses de chômage avec une politique envers les chômeurs differenciée selon les régions. Ils espèrent ainsi briser plus facilement la résistance des syndicalistes à leur politique antisociale.

    Mais, du côté francophone, le front « communautaire » n’est pas plus « social » : tant le MR et le CDH que le PS se sont déjà prononcés en faveur de restrictions au droit de grève, comme chez Ryanair. Leur résistance à une régionalisation accrue vient des difficultés économiques que connaissent la Wallonie et Bruxelles et de leur inquiétude face au rythme élevé et à l’ampleur des mesures d’austérité que veulent imposer les partis flamands. Mais pas du tout d’une opposition de fond à cette politique d’austérité.

    Il est clair que la période à venir sera marquée par des crises économiques et de nouvelles et dures mesures d’austérité. Tous les salariés de Belgique, qu’ils soient flamands ou francophones, doivent se préparer aux attaques du patronat. Cela ne sera pas possible si la droite et ses laquais nous divisent. Pour un nouveau parti des travailleurs, contre la droite et la politique antisociale, participez au CAP dans votre région, informez-vous des idées du MAS/LSP. Organisez-vous pour défendre les intérêts de tous les travailleurs. Rejoignez-nous !

  • « Le travail produit, la grève nuit » : La bourgeoisie se prépare à des temps plus difficiles

    Dans plusieurs pays européens, la discussion sur le droit de grève est à nouveau à l’agenda, sans bien sûr le clamer du haut des toits aux travailleurs. En France, par exemple, le Parlement a, sous la baguette de Sarkozy et de son gouvernement Fillon, voté tout une batterie de lois antisyndicales. Le vieux slogan du Vlaams Blok/Belang « le travail produit, la grève nuit » semble être adopté par bien des « démocrates »…

    En Allemagne, un tribunal a décidé d’imposer l’interdiction de faire grève au syndicat des machinistes. Le juge, soi-disant « impartial » comme de bien entendu, a annoncé que cette interdiction serait en vigueur jusque fin septembre.

    En Belgique, les atteintes aux droit de grève s’accumulent également, comme illustré par l’initative de l’avocat Cafmeyer qui veut rendre les grévistes de Zaventem personnellement responsables des dommages encourus par les voyageurs. En cause de cette première en Belgique: les actions du personnel de securité de l’aéroport du 13 avril dernier.

    D’autres nuages s’accumulent au-dessus du droit de grève. Ainsi, dans la deuxième version de la note de l’ancien formateur Yves Leterme, il est fait mention d’un service minimum garanti dans les secteurs publics. Comment, alors que les travailleurs ne font déjà pas facilement usage de la grève, peut-on encore faire usage de cet instrument ?

    Hélas, la direction de la CGSP a elle-même posé le ballon devant le but et n’a vraiment pas amélioré les choses. Aussi bien au sein de la direction de la FGTB que de la CGSP – toutes deux encore sous le choc de la giffle électorale encaissée par le SP.a et le PS – la crainte d’actions de grève spontannées est bien présente. Ils veulent à tout prix éviter un mouvement géneralisé comme lors des luttes contre le Pacte des génerations.

    Ce mouvement avait été stoppé de façon bureaucratique par le sommet hierarchique. Mais ce même sommet est-il encore capable de réaliser un tel coup d’arrêt contre un gouvernement orange-bleue à la politique durement et ouvertement néolibérale?

    En France, les travailleurs des transports publiques doivent présenter un préavis de grève 48h avant le début de celle-ci, ce qui laisse le temps à la direction de pratiquer quelques intimidations de la part des supérieurs tandis que les autorités peuvent organiser un service minimum. En d’autres termes : autant d’opportunités de casser la grève. Pire encore, Sarkozy et Fillon prévoient d’organiser après 8 jours de grève un vote sur sa continuation, selon les modalités imposées par la direction. Le gouvernemant français a déjà laissé entendre que cette loi pourrait être élargie à l’enseignement et à tout le secteur privé.

    Des grévistes qui doivent se denoncer eux-mêmes, sous menace de sanction, une direction qui organise des votes sur les grèves en lieu et place des syndicalistes, etc. Vraiment, le gouvernement Sarkozy est un modèle de la droite chaleureuse, comme le quotidien flamand soi-disant de gauche De Morgen l’a encore qualifié. Si ce journal représente officiellement la gauche, comment alors s’étonner que la Flandre vote tellement à droite ?

    Les attaques de la bourgeoisies européenne sur le droit de grève ne sont en rien dues au hasard. Nous sortons d’une période de croissance économique qui n’a donné aux travailleurs que quelques fruits amers (une plus grande fléxibilité, une baisse du pouvoir d’achat, une intensification de l’exploitation,…). La baisse du pouvoir d’achat fut si grave ces 25 à 30 dernières années que même des ménages à deux revenus se sentent menacés. La perte d’un revenu réduit un ménage à vivre juste au niveau, ou en dessous, du seuil de pauvreté.

    A peu près un tiers de la population belge est maintenant touchée par la pauvreté ou la précarité. Une nouvelle crise économique ou une récession (dont les signes avant courreurs sont d’ailleurs visibles sur le marché immobilier américain) touchera aussi les classes moyennes de la societé, cette couche qui jusqu’ici s’accommodait de la logique du patronat.

    Les travailleurs n’auront pas d’autre choix que d’entrer en action pour la défense de leurs conditions de travail et de vie. C’est parce que la bourgeoisie est bien consciente qu’en cas de récession elle sera poussée à lancer des attaques plus brutales sur les classe laborieuses qu’elle se taille déjà maintenant des armes pour parrer à toute résistance. Le filet de sûreté qu’était la sécurité sociale, après 25 ans de politique antisociale, a des mailles bien trop élargies.

    La bourgeoisie et ses propagandistes ne se rendent pas toujours ni assez bien compte qu’ils s’enfoncent plus profondément chaque jour dans l’ornière des mesures antidémocratiques contre les jeunes et les travailleurs. Dans les années ‘30, le fascisme a rempli cette tâche en liquidant les syndicats et les partis ouvriers. Aujourd’hui, ce sera plutôt le rôle de l’appareil d’Etat existant – les tribunaux, la police etc – d’accomplir la tâche d’opprimer et de limiter les droits démocratiques de la grande masse de la population.

    Sapper le droit de grève est un important test dans ce processus. Dans ce cadre, faire confiance aux dirigeants syndicaux qui font l’impossible pour éviter tout mouvement génrealisé, c’est aller droit au démantellement social !

    Nous devons reconstruire un nouveau parti des travailleurs pour donner aux syndicalistes combatifs, aux travailleurs et aux jeunes un instrument pour favoriser le rapport de force en faveur du travail, et non du capital, dans la societé. Le Comité pour une Autre Politique (CAP) peut devenir cet instrument à la condition de se construire dans les meilleures traditions combatives et socialistes.

  • GB : 900 emplois menacés

    Fin juin, la direction du groupe Carrefour a annoncé sa décision de fermer 16 Supermarchés GB cette année (8 en Flandre, 1 à Bruxelles et 7 en Wallonie), supprimant ainsi d’un coup 900 emplois (dont 800 dans ces magasins).

    Jean Peltier

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    DU N°1 BELGE AU N°2 MONDIAL

    Le premier Grand Bazar ouvre en 1885 à Bruxelles, d’autres magasins sont ensuite ouverts à Liège, Anvers et Gand. Après la deuxième guerre mondiale, l’expansion est rapide : en 1958 naît la formule actuelle du supermarché ; en 1970, le groupe GB commence à se diversifier avec l’ouverture du premier Brico GB ; en 1974, GB fusionne avec Immo-BM- Priba et devient GIB. En 2000, GIB est absorbé par le groupe français Carrefour (devenu actionnaire à 100% de GIB).

    Le groupe Carrefour Belgium compte aujourd’hui 561 magasins en Belgique, dont 56 hypermarchés Carrefour, 280 supermarchés GB, 133 GB Contact, 91 GB Express et 1 Rob. Il emploie 17.000 personnes en Belgique dont 5.502 dans les GB intégrés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires commercial de 5.380 milliards d’euros.

    L’ensemble des 78 supermarchés GB intégrés ont réalisé, sur les quatre premiers mois de l’année, un bénéfice de 9 millions d’euros, 15% de plus que pour la même période l’an dernier. Le groupe international Carrefour est le 2e groupe de distribution au niveau mondial. Il est présent dans 29 pays où il possède un total de 12.000 magasins et emploie 430.000 personnes.
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    La direction du groupe considère que « ces supermarchés sont structurellement non rentables » et qu’ « il est temps de stopper l’hémorragie si on ne veut pas risquer de mettre l’ensemble de la chaîne en péril ». Mais, derrière ces déclarations catastrophistes (alors que le groupe Carrefour Belgium de même que le sous-groupe des supermarchés GB en son sein réalisent des bénéfices confortables), il semble clair que Carrefour n’a pas l’intention de fermer définitivement ces magasins et encore moins de les revendre à la concurrence.

    UN RECUL SOCIAL PLEIN DE FRANCHISE

    En réalité, la direction du groupe a un objectif beaucoup plus vicieux : il s’agit de fermer des magasins intégrés au groupe pour les revendre ensuite à des gérants indépendants qui pourront les rouvrir dans le cadre d’une franchise – avec une convention collective moins favorable et sans représentation syndicale ! – en engageant du personnel plus jeune (le personnel des GB intégrés à en moyenne 17 ans d’ancienneté) à des salaires moindres (de l’ordre de 30 à 35%), des horaires de travail plus longs (38 heures/semaine au lieu de 35) et dans des conditions de travail plus dures (notamment avec des ouvertures le dimanche matin).

    A l’heure actuelle, 202 des 280 supermarchés GB sont déjà exploités par des franchisés. Et on peut redouter que Carrefour cherche à faire passer le plus rapidement possible les 78 magasins restants sous ce statut.

    Lorsqu’en février dernier, le patron de Carrefour Belgium, Marc Oursin, a annoncé la restructuration du groupe en 3 niveaux (les Hypermarchés Carrefour de très grande surface, les Super GB de taille moyenne et les petits GB Express de proximité), il avait aussi annoncé l’ouverture de 8 à 10 Supermarchés et 40 Express… tous sous franchise. Car les magasins sous franchise connaissent, grâce à la pression mise sur le personnel, une augmentation de leur chiffre d’affaires de 8%, alors que les magasins intégrés ne progressent guère.

    Voilà donc comment Carrefour compte augmenter encore plus ses plantureux bénéfices. Une fois de plus, c’est la logique du profit maximum en faveur des grands actionnaires qui s’impose au détriment des travailleurs, des clients et des habitants des quartiers.

    Car ce n’est pas un hasard non plus si la grande majorité des magasins visés sont installés dans des quartiers populaires et ont le plus souvent un grands nombre de clients fidèles mais qui ne sont plus considérés par Carrefour comme des clients privilégiés parce qu’ils ne dépensent pas assez !

    Et c’est encore moins un hasard si Carrefour a annoncé ce plan radical de fermetures et de licenciements juste avant les vacances, sachant très bien qu’il serait difficile de mobiliser le personnel pendant les deux mois d’été.

    Ces fermetures pourraient enfin n’être qu’un avant-goût : en décembre, la direction de Carrefour Belgium avait annoncé aux syndicats que la moitié des GB intégrés n’étaient pas rentables ou juste à l’équilibre. Cela veut dire qu’une vingtaine d’autres magasins pourraient aussi être menacés de fermeture par la suite !

    NÉGOCIER… MAIS SUR QUELLES BASES ?

    Devant le coup de force de la direction de Carrefour, les syndicats ont directement répliqué qu’il n’était pas question de discuter pendant les vacances. Les négociations doivent donc commencer à la rentrée de septembre.

    Dès l’annonce des fermetures, des actions spontanées de grève ont eu lieu dans certains magasins menacés, notamment aux GB de Quiévrain et Termonde. Des grèves de solidarité ont aussi eu lieu dans des GB qui ne sont pas directement menacés de fermeture, comme à Gilly, ainsi que dans des hypermarchés, comme ceux de Mouscron et Froyennes qui ont fait grève le samedi 30 juin en solidarité avec le GB de Tournai. Des actions de solidarité ont également eu lieu parmi les clients. Le Comité de Quartier de Rocourt a réuni plusieurs centaines de signatures contre la fermeture du GB. A Tournai, une manifestation locale de 500 personnes a réuni travailleurs du GB, habitants du quartier et syndicalistes d’autres entreprises.

    Malgré le choc provoqué par l’annonce des fermetures, le potentiel pour une forte réaction unissant travailleurs et clients existe donc. Malheureusement, la réponse des directions syndicales paraît jusqu’ici très limitée.

    Elles ont tout d’abord refusé d’organiser une journée nationale de grève contre les fermetures fin juin ou début juillet. Certes, le délai était court pour organise la mobilisation dans les GB et Carrefour mais une journée de grève au début des soldes aurait eu un impact énorme.

    La CNE et le SETCa se sont contentés d’organiser une mobilisation de quelques centaines de travailleurs le 2 juillet devant le bâtiment où se tenait le Conseil d’entreprise de Carrefour qui devait annoncer officiellement les fermetures. Pendant ce temps, une partie des GB menacés étaient ouverts, les gérants ayant fait appel à des étudiants et des intérimaires pour assurer un service minimum !

    D’autre part, le tract commun SETCa-CNE diffusé fin juin met l’accent sur deux exigences vis-à-vis de Carrefour : « des garanties sur un maintien du volume de l’emploi chez Hyper et chez Super » et le fait que « ce plan de restructuration ne pourra se traduire par des licenciements secs ». Il déclare aussi que « Le drame social ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des travailleurs : la direction doit mettre sur table un vrai plan commercial susceptible de relancer l’activité des supermarchés de manière durable tant en garantissant des salaires décents et des conditions de travail acceptable pour le personnel (le même raisonnement vaut aussi pour les hypers…) ».

    Nulle part n’est avancée la revendication centrale du refus des fermetures qui est le seul moyen de réellement maintenir l’emploi ! Il semble que les directions syndicales se soient résignées à la fermeture des GB avant même de mener un vrai combat et qu’elles s’apprêtent à se concentrer sur deux objectifs minimum : reclasser le maximum de personnel dans d’autres GB et hypers et négocier de bonnes conditions de départ (notamment par la prépension) pour les autres . Or, en 1999, un plan de restructuration accepté par les syndicats prévoyait déjà de tels reclassements internes mais les syndicats se lamentent aujourd’hui de ce que la direction de Carrefour n’a guère respecté ses engagements. Si aucune lutte n’est menée contre les fermetures, la direction de Carrefour se sentira encouragée à mettre la pression dans les négociations et à ne pas mieux tenir ses futures promesses.

    Pour imposer le maintien de l’emploi, il faut que monte rapidement de la base l’exigence du refus des fermetures. C’est la seule base sur laquelle un combat efficace pourra être mené.


    Solidarité active avec le CAP

    Dès l’annonce de la décision de Carrefour, le CAP (Comité pour une Autre Politique) s’est mobilisé pour s’opposer à ces fermetures, réclamer le maintien de l’emploi et appeler à la solidarité des travailleurs de tout le secteur de la grande distribution et des clients.

    Il a ainsi organisé du lundi 25 juin au mercredi 27 juin une tournée à travers le pays de son Bus de la Solidarité avec, comme points d’étapes, neuf des GB menacés par la fermeture. L’équipe du bus et les groupes locaux du CAP ont ainsi pu participer à des Assemblées du personnel, discuter avec les clients et les habitants des quartiers. Une affiche a été diffusée largement et la pétition lancée par le CAP a recueilli plus d’un millier de signatures en trois jours. Le CAP était également présent le 2 juillet lors de la manifestation devant le siège de Carrefour. Vous pouvez trouver un résumé complet de cette « tournée » et des interviews de militants sur le site du CAP (www. autrepolitique.be) (documents postés le 1er juillet).

    La campagne de solidarité reprend début septembre. Le Bus de la Solidarité va repartir sur la route et des interventions sont prévues sur plusieurs GB avec la pétition. Pour plus de renseignements, pour recevoir la pétition, pour participer aux actions, contactez le CAP ou les militants du MAS.

  • Droit d’asile. 766 Angélica enfermées en Belgique

    L’affaire Angélica a fait souffler un vent d’indignation à travers le pays cet été. L’Equatorienne Ana Cajamarca (28 ans) et sa fille Angelica (11 ans) séjournaient « illégalement » en Belgique depuis 2003.

    Emiel Nachtegael

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    UN LYCÉEN DE TURNHOUT RISQUE D’ÊTRE EXPULSÉ VERS LE TIBET

    Francesco Picqueur

    Alors que la majorité des lycéens profitaient encore de leurs vacances, Tenzin, un de mes camarades de classe et demandeur d’asile tibétain, a vécu ces dernières semaines un véritable enfer. Il a reçu un avis lui annonçant que sa demande de régularisation était refusée ainsi qu’un ordre de quitter le territoire.

    Cela fait trois ans que Tenzin séjourne dans notre pays comme candidat réfugié et qu’il suit les cours à Turnhout. Il a terminé sa 5e année en secrétariat et devait rentrer en 6e. Il parle couramment le néerlandais, aime l’école et est un élève studieux comme le montrent ses résultats. Mais, pour l’Office des Etrangers, il n’était qu’un numéro de dossier sans avenir dans ce pays.

    A la rentrée, nous allons organiose rune réunion avec les lycéens pour organiser une manif et une action de protestation. Nous espérons que l’école et la direction collaboreront avec nous et, au-delà, une solidarité aussi large que possible. Belge ou immigré, luttons ensemble contre cette politique antisociale !
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    Angélica avait de bons résultats scolaires et allait chez les scouts. Leur présence ne semblait gêner personne, jusqu’à la fin du mois de juin. Elles ont été arrêtées, emprisonnées dans un centre fermé et ont failli être expulsées vers l’Equateur.

    L’enfermement d’Ana et d’Angelica a suscité beaucoup de protestations. Même le nouveau président équatorien, Rafael Correa, et sa femme qui est de nationalité belge se sont prononcés nettement contre la politique répressive de la Belgique en matière de droit d’asile. La Belgique a d’ailleurs déjà été condamnée deux fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme parce qu’elle enferme des mineurs dans des centres et à cause de sa politique d’extradition. Selon le rapport du psychologue qui l’a suivie, Angélica, comme beaucoup d’autres enfants enfermés, souffre de dépression et de cauchemars suite à la détention et à la tentative d’expulsion.

    Quant aux circonstances de cette tentative d’expulsion, elles demeurent floues. Un médecin a constaté des contusions aux genoux et des blessures aux tibias et aux mains. Le 31 juillet, Ana a montré quelquesunes de ses blessures à la presse. Le Service de l’Office des Etrangers et la Police Fédérale ont nié les faits. La police a prétendu ne pas avoir touché Ana et sa fille.

    Apparemment, la détention d’enfants dans des centres fermés (c’est-àdire en fait des prisons), est une donnée normale dans ce pays. L’année dernière, 242 familles avec 537 enfants ont été enfermées dans le centre fermé 127 bis à Steenokkerzeel (près de l’aéroport de Bruxelles National),. A Merksplas, ce sont 229 enfants qui ont été enfermés. Au total, il s’agit donc de 766 enfants en un an !

    A l’exception des Verts et d’une poignée de députés PS et CDH, aucun parti ne réclame clairement une modification sérieuse de la politique d’extradition et de régularisation (lorsque les Verts étaient au gouvernement, il n’y a du reste pas eu beaucoup de changements…). Ils préfèrent rejeter la responsabilité sur les demandeurs d’asile eux-mêmes. Ainsi, on a reproché à Ana Cajamarca de ne pas avoir introduit de demande d’asile. Mais les Equatoriens ont peu de chances d’être régularisés. Des quelque 8.000 Equatoriens dans ce pays, seuls 2.000 sont en situation légale. Nous revendiquons la suppression immédiate des centres fermés et des expulsions et nous défendons la régularisation de tous les sans-papiers.

    Aujourd’hui, certains patrons avancent l’idée d’ouvrir l’accès au travail à des demandeurs d’asile mais uniquement dans certaines catégories professionnelles parce que cela pourrait leur rapporter une main d’oeuvre bon marché et flexible. Nous revendiquons au contraire que chaque emploi soit un véritable emploi déclaré et qu’à travail égal, le salaire soit le même pour tous, étrangers ou Belges.

    Ce n’est qu’ainsi qu’on pourra éviter qu’un groupe de travailleurs soit utilisé pour faire pression sur les conditions de travail et les salaires d’autre groupes.

  • Pas d’élections sociales en mai 2008?

    Après Verhofstadt et Reynders, Leterme s’est lui aussi prononcé contre la présence de conseils d’entreprise dans les entreprises comptant entre 50 à 100 travailleurs. Avec cette prise de position, il se distancie de ses promesses à l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) de soutenir leur demande d’une représentation syndicale dans les PME.

    Mais, à partir de la mi-octobre 2007, l’Etat belge risque de devoir payer une amende de 2,9 millions d’euros et des astreintes de 209.106 euros par jour si les règles de la directive européenne concernant la représentation syndicale ne sont pas appliquées.

    En plus des amendes et astreintes, c’est l’organisation même des élections sociales en mai 2008 qui est menacée. La procédure préparant les élections est assez compliquée et commence 150 jours avant celles- ci. En principe, elle doit donc commencer en décembre 2007 pour aboutir à des élections sociales entre le 5 et le 18 mai 2008. La procédure ne peut pas démarrer si la directive européenne n’est pas reconnue. Sinon le risque existe qu’un patron ou un travailleur individuel puisse réclamer la nullité des résultats !

    Un ajournement des élections créera des problèmes concernant la protection des délégués et augmentera le problème des postes qui ne sont plus occupés dans la représentation syndicale (à cause du départ en pension, de changements de boulot,…).

    En comparaison avec les pays voisins, les seuils pour la représentation syndicale dans les entreprises sont très élevés en Belgique. Les partis de droite veulent négliger les règles et les lois européennes qui prévoient des seuils moins élevés. Même si cela met en péril les droits démocratiques de 1,6 million de travailleurs !

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