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  • DETRUISONS LE CAPITALISME, AVANT QU’IL Ne DETRUISE LA PLANETE !

    Kyoto, énergie nucléaire, taxes écologiques,… Arrêtons de rire !

    Jusqu’à la mi-décembre, un nouveau sommet international de l’ONU pour l’environnement a lieu à Bali. Cette conférence doit débattre d’un nouvel accord sur le climat préparant l’après Kyoto, c’est-à-dire pour une période commençant après 2012. Cependant, même les scientifiques estiment que les objectifs du Protocole de Kyoto étaient largement insuffisants pour fondamentalement améliorer les conditions climatiques.

    G.L.

    L’atmosphère se réchauffe, les océans deviennent de plus en plus acides et les glaces fondent. Au moins un quart des espèces vivantes sont menacées d’extinction sur fond de hausse du nombre de désastres environnementaux et alors que l’ONU prévoit cinquante millions de réfugiés environnementaux pour 2010.

    Le Protocole de Kyoto n’offre aucune solution. Tout au plus a-t-il permis un juteux commerce où les pays les plus riches peuvent acheter des droits d’émissions aux pays les plus pauvres. De plus, ce Traité entré en vigueur en 2004 n’a jamais été ratifié par les USA et l’Australie et les pays signataires n’ont même pas respecté leurs engagements. Selon différents chercheurs, malgré les intentions, ce protocole n’a pas abouti à des réductions démontrables et a même freiné les débats sur les solutions à apporter à la crise environnementale.

    Le problème des alternatives énergétiques reste entier. L’énergie nucléaire est régulièrement mise en avant, sans que l’on ne tienne compte des coûts énergétiques de l’ensemble du cycle de production d’énergie, du stockage des déchets nucléaires ou des ressources limitées d’uranium. C’est la voie suivie par les politiciens belges, sous le prétexte que l’énergie nucléaire est très rentable : priorité aux profits d’Electrabel et aux taxes qui en découlent !

    Tous les politiciens tentent de se positionner comme « écologistes », mais la crise environnementale n’a, en Belgique, été qu’une occasion d’imposer de nouveaux impôts sur les emballages. Au Danemark, de telles taxes ont également été introduites, mais au moins les moyens récoltés ont-ils été versés à un fonds pour les mesures environnementales (sans toutefois que ces mesures n’aient été réellement appliquées).

    Alors que les politiciens défendent avant tout leur image en prétendant prendre le problème des changements climatiques à bras le corps, seuls 2% de l’énergie produite en Belgique provient d’énergies renouvelables. Mais comment arriver à des alternatives sans plus de moyens pour la recherche? Ou encore si cette recherche est totalement contrôlée par les entreprises pétrolières et autres multinationales? En 2006, la multinationale Exxon Mobil a réalisé 39,5 milliards de dollars de profits, soit dix fois plus que les dépenses du gouvernement américain en recherche énergétique la même année.

    De fait, le budget des Etats-Unis pour la recherche consacrée aux énergies alternatives a diminué de moitié depuis 1979. Il s’agit aujourd’hui d’un vingtième des moyens pour la recherche militaire. Et seuls 7,6% de ces moyens financiers sont destinés à la recherche des énergies renouvelables…

    Obtenir un « capitalisme écologique » est aussi réaliste que de tenter de domestiquer un ouragan. Ce système est axé autour de la recherche de profits à court terme, même au détriment de l’environnement. Le constat que le système de production capitaliste sacrifie l’environnement et les conditions de vie des générations actuelles et futures, démontre que le capitalisme ne peut pas se développer de manière durable.

    La seule question est de savoir si le capitalisme s’éteindra en emportant avec lui la planète ou si le mouvement des travailleurs (qui par leur position dans la production sont les seuls à même de renverser ce système) saura apporter sa réponse : une gestion des ressources et de leur utilisation planifiée avec la participation – et donc le contrôle – de chacun. Rejoignez le MAS/LSP pour renforcer cette voie!

  • Gouvernement. Faites vos jeux, rien ne va plus !

    174 jours après les élections, Yves Leterme a dû pour la deuxième fois donner sa démission comme formateur. Son parti avait mené une campagne électorale basée sur le communautaire et reposant sur un cartel avec le petit parti de droite nationaliste N-VA. Il en paie maintenant le prix.

    Anja Deschoemacker

    Chrétiens et libéraux flamands rejetent la responsabilité de l’échec sur le CDH qui refuse toute avancée vers une nouvelle réforme d’Etat tandis que, du côté francophone, on pointe du doigt les revendications jugées inacceptables de la N-VA. Si Leterme semble hors service pour un bout de temps, d’autres se sentent pousser des ailes, en premier lieu Reynders. Mais, pour lui, le temps presse. Plus la formation d’un gouvernement s’éternise, plus Di Rupo se sent à l’aise pour expliquer que les partis de l’Orange Bleue ne peuvent pas réussir sans le PS.

    Tailler dans le vif

    Après les rebondissements en série des dernières semaines, plus personne n’ose tenter de prédire l’avenir. Deux choses sont pourtant claires. Il y a maintenant autant de chances d’avoir un gouvernement avant la fin de l’année que de rencontrer le Père Noël sortant de la chaudière du chauffage central. Et le prochain gouvernement, quel qu’il soit, va se traîner d’une crise communautaire à l’autre tandis que les noms d’oiseau vont voler tout au long des travaux de la future Convention, puisque tous les partis vont vouloir se positionner au mieux pour les élections régionales (et très vraisemblablement fédérales) de juin 2009.

    La fixation sur le projet de l’Orange Bleue – qui reste la formule souhaitée par le CD&V, l’Open VLD et le MR – paraît bizarre de la part des deux partis flamands qui réclament une importante réforme d’Etat. Car cette coalition ne dispose pas de la majorité des deux-tiers au parlement qui est nécessaire pour mener à bien une telle réforme. Certes, des gouvernements ont pu, par le passé, trouver un soutien dans une partie de l’opposition pour faire passer des réformes d’Etat mais un tel coup de main semble peu probable aujourd’hui puisque, pour l’opposition aussi, il y aura des élections en 2009 !

    Cette fixation sur l’Orange Bleue marque en fait la volonté de ces trois partis de gouverner sans le PS pour aller frapper rapidement au coeur des dossiers socio-économiques. Les partenaires de l’Orange Bleue (y compris le CDH) veulent à nouveau imposer une « modération » salariale alors que, selon la Banque Nationale, le « handicap salarial » de la Belgique a disparu (s’il a jamais vraiment existé, ce qui n’est pas le cas à condition d’avoir l’honnêteté d’inclure dans la comparaison avec les pays voisins la productivité du travail – très haute en Belgique – et pas seulement les salaires horaires). Ils veulent aussi imposer une limitation dans le temps ou une dégressivité pour les allocations de chômage, réduire le nombre de fonctionnnaires,…

    Patate chaude

    “L’atterrissage” de l’Orange Bleue s’est donc terminée (momentanément ?) par un crash magistral. Il ne reste pas beaucoup d’autres options : un gouvernement « d’urgence » ou d’ « intérêt national » qui tente de remettre à plus tard le traitement de la patate chaude communautaire ou une tripartite classique qui tente de mettre sur pied une réforme d’Etat. Mais un gouvernement d’urgence va devoir, dans les faits, être une tripartite pour avoir un semblant de représentabilité. Et les questions qui se posent depuis six mois – comment la N-VA et le FDF pourraient-ils coexister dans un gouvernement, jusqu’où le CD&V et le MR sont-ils prêts à aller pour conserver leurs encombrants partenaires ? – resteront aussi dures à résoudre, quelle que soit la formule gouvernementale.

    Même si le PS traîne parfois un peu la jambe, tous les partis traditionnels veulent continuer à mener une politique d’austérité néolibérale. Ils vont utiliser le ras-le-bol devant cette crise politique qui s’éternise – et bientôt aussi le ralentissement de la croissance économique annoncé par la majorité des économistes – pour tenter de convaincre la majorité de la population d’un nouverau « serrage de ceinture » est indispensable.

    Le 15 décembre, les syndicats vont descendre massivement dans la rue pour dénoncer la diminution du pouvoir d’achat. Et selon tous les chiffres et toutes les études, ils ont toutes les raisons d’être mécontents : pendant que les profits explosent, le pouvoir d’achat des travailleurs et de ceux qui vivent des allocations continue à baisser.

    Dans le climat actuel de surenchère communautaire – qui ne risque pas de s’améliorer à l’avenir – on ne peut qu’espérer que les syndicats seront tout à fait sérieux dans la mobilisation pour le 15 décembre. Une manifestation massive peut montrer aux négociateurs gouvernementaux que le mouvement ouvrier ne va pas se laisser diviser et manipuler. Mais le 15 décembre devra être le début d’une mobilisation et d’une lutte plus larges si nous ne voulons pas devoir payer les 10 milliards d’euros d’économies que Leterme estimait nécessaire de trouver pour fabriquer son budget.

  • La Révolution Russe d’Octobre 1917 : quelques leçons, 90 ans après

    Toutes les classes dominantes dans l’histoire ont voulu donner à leur mode de production un caractère éternel. Dans la même idée, les prophètes du capitalisme ont toujours tenté d’empêcher les travailleurs de tirer la conclusion que le capitalisme pouvait être changé.

    Cédric Gérôme

    Rappelons-nous seulement la fameuse phrase du pseudo-philosophe américain Fukuyama annonçant à grands cris « la fin de l’histoire » après la chute de l’URSS, voulant ainsi dépeindre le système capitaliste comme l’horizon ultime de la société humaine. Rien qu’à ce titre, la Révolution Russe d’Octobre 1917 fut un événement d’une portée gigantesque : pour la première fois dans l’histoire après la brève expérience de la Commune de Paris en 1871, les travailleurs russes ont pris le pouvoir entre leurs mains et montré que le capitalisme pouvait être renversé.

    La révolution russe revue et corrigée par la bourgeoisie

    C’est pourquoi étudier la révolution russe est extrêmement important, surtout lorsque l’on voit à quel point, de nos jours, cet événement historique est ‘revisité’ par certains historiens. Marx affirmait que “Les pensées de la classe dominante sont aussi, à chaque époque, les pensées dominantes”. Cette phrase n’a pas vraiment vieillie lorsqu’on voit comment l’anniversaire des 90 ans de la Révolution d’Octobre 1917 est ‘commémorée’ dans la presse et les médias officiels.

    Le magazine ‘L’Histoire’ a édité un numéro spécialement pour l’occasion, intitulé “Les crimes cachés du communisme – de Lénine à Pol Pot”.Tout un chapitre porte le titre “Lénine est aussi coupable que Staline”, dossier dont le fil conducteur sert à accréditer la thèse selon laquelle le stalinisme trouverait ses germes dans le léninisme ; Lénine aurait ainsi enfanté les Staline, Mao, Pol-Pot, Kim-Il-Sung et compagnie…Le quotidien gratuit ‘Métro’ avait quant à lui trouvé une manière un peu plus subtile de fêter l’événement : il y a deux semaines, une petite brève relatait la tuerie dans un lycée en Finlande. L’article finissait par une petite phrase tout à fait innocente : “Il a mis ses menaces à exécution le jour anniversaire de la révolution d’Octobre.” Au début du mois, la chaîne de télévision ARTE a passé un reportage-documentaire sur la vie de Léon Trotsky. Ce reportage se concluait par l’épisode de l’assassinat de Trotsky, commentée par un historien affirmant : “En analysant la mort de Trotsky, je pense qu’il est devenu victime d’une machine qu’il avait lui-même construite.” Sur cette conclusion apparaissait le générique auquel venait se greffer la citation d’un poète allemand : “La révolution est le masque de la mort. La mort est le masque de la révolution.” L’idée qui sous-entend cette conclusion ressort sans ambiguïté : si tu joues avec le feu en essayant de faire comme Trotsky, à essayer de renverser le capitalisme, tu vas faire naître un monstre encore plus grand… Mais point n’est besoin de se choquer de ce genre d’analyses. A l’époque même de la révolution de 1917, les journalistes de la bourgeoisie ne s’encombraient pas de toutes ces subtilités mais allaient directement droit au but, comme le montre un magnifique éditorial du ‘Times’ (le quotidien britannique) paru quelques jours avant l’insurrection qui affirmait, tout simplement : “Le seul remède contre le bolchévisme, ce sont les balles.”

    Les livres d’histoire évoquent souvent l’année 1917 comme « l’année terrible », illustrant le cauchemard qu’elle a représentée pour les classes dominantes. Et c’est bien par crainte du spectre de nouvelles années terribles que la bourgeoisie continue de faire tout, 90 ans après, pour enterrer les véritables leçons de la Révolution d’Octobre, du rôle que Lénine, Trotsky et le Parti Bolchévik ont réellement joué dans ces événements, et pour réduire cette expérience gigantesque à l’horreur du stalinisme et des goulags.

    Une tempête révolutionnaire

    La victoire de la Révolution d’Octobre ainsi que les mots d’ordre des Bolchéviks avaient rencontré un enthousiasme libérateur et stimulé le tempérament révolutionnaire des travailleurs et des opprimés du monde entier. Dans les années qui suivirent la révolution russe, des foyers révolutionnaires s’allumèrent aux quatre coins de l’Europe (en Allemagne, en Hongrie, dans le Nord de l’Italie, en Finlande,…) et rencontrèrent un écho considérable jusque dans le monde colonial : en Corée, en Inde, en Egypte, etc. Tous les écrits et les mémoires des politiciens bourgeois de l’époque témoignent de la panique généralisée qui dominait dans la classe dominante, celle-ci craignant de perdre pour de bon le contrôle de la situation face à cette tempête révolutionnaire. En 1919, le premier ministre britannique Lloyd Georges écrivait : “L’Europe entière est d’une humeur révolutionnaire. Tout l’odre social, politique et économique existant est remis en question par les masses populaires d’un bout à l’autre de l’Europe. Si nous envoyons plus de troupes pour combattre la Russie, la Grande-Bretagne elle-même deviendra bolchévique et nous aurons des soviets à Londres.” Même les Etats-Unis étaient traversés par une vague de grèves sans précédent, au point que le président Wilson disait : “Nous devons absolument agir pour plus de démocratie économique si nous voulons contrer la menace socialiste dans notre pays.” Ce n’est pas pour rien non plus si, en Belgique, les acquis de la journée des 8 heures et du suffrage universel (…pour les hommes) ont été obtenus respectivement en 1918 et 1919 : ce sont des concessions qui ont été lâchées par la bourgeoisie belge à une époque où elle craignait les soubresauts révolutionnaires qui contagiaient l’Europe entière.

    Il existe un courant de pensée que l’on appelle le courant évolutionniste, suivant lequel la société humaine ne ferait pas de bonds, mais évoluerait de manière linéaire de la barbarie vers le progrès et la civilisation. Cette théorie a souvent été utilisée pour fournir une base soi-disant scientifique contre les idées révolutionnaires. En tant que marxistes, nous pensons au contraire que la société ne se développe pas d’une manière lente et évolutive. Les contradictions dans la société conduisent au contraire à des crises sociales et politiques, à des guerres et à des révolutions, autrement dit à des changements soudains et des tournants brusques. Les retombées qu’a eu la victoire de la révolution russe dans toute une série de pays illustrent à quel point les acquis du mouvement ouvrier ne sont pas tombés du ciel, ou par une constante évolution du capitalisme vers plus de progrès, mais ont été obtenus par des batailles acharnées que le mouvement ouvrier a menée pour les obtenir.

    Octobre : un putsch ou une révolution ?

    Il est devenu courant aujourd’hui de présenter la révolution d’Octobre comme un putsch réalisé par une minorité de Bolchéviks conspirateurs. C’est probablement une des contre-vérités les plus répandues sur la révolution russe. Le schéma classique consiste à présenter la Révolution de Février 1917 comme la “vraie” révolution populaire, suivi quelques mois après par le “coup d’état”, le “complot” d’Octobre. Le tout vise à dépeindre le Parti Bolchévik comme un petit groupe de gens mal intentionnés qui ont pris le pouvoir de manière despotique, sans l’assentiment populaire.

    Pourtant, ce qui donna à l’insurrection dans la capitale Petrograd le caractère d’une petite échauffourée nocturne rapide, réalisée au prix de seulement 6 victimes, et non l’aspect d’un grand soulèvement populaire avec des batailles de rue ouvertes, ne s’explique pas par le fait que les Bolchéviks étaient une petite minorité, mais au contraire parce qu’ils disposaient d’une écrasante majorité dans les quartiers ouvriers et les casernes. Si Lénine dira par la suite que “prendre le pouvoir en Russie fut aussi facile que de ramasser une plume”, c’est précisément parce que la prise du pouvoir en elle-même n’était que le dernier acte visant à la destitution d’un régime totalement brisé, isolé et discrédité politiquement en huit mois d’existence, un régime dont la base sociale s’était littéralement évaporée sous ses pieds. Lorsque les Bolchéviks ont destitué le gouvernement provisoire et transmis le pouvoir aux Soviets, beaucoup pensaient que ce pouvoir ne tiendrait pas trois jours. De la même manière, beaucoup pariaient sur l’inévitable défaite de l’Armée Rouge dans la guerre civile. Si tel ne fut pas le cas, c’est bien parce que les Bolchéviks disposaient d’un programme capable de rallier des millions de travailleurs et de paysans pauvres, en Russie et par-delà les frontières, dans une lutte à mort contre leurs exploiteurs.

    La plupart des historiens bourgeois ne comprennent pas -ou plutôt ne veulent pas comprendre- que la révolution n’est pas un processus artificiel créé de toutes pièces, qui peut se fabriquer dans les laboratoire des état-majors des partis politiques, mais est un processus objectif qui a des racines historiques profondes dans la société : les contradictions entre les classes sociales. Pour les marxistes, les révolutions ne sont pas des surprises, mais sont préparées par toute l’évolution antérieure. La révolution arrive inévitablement quand la contradiction entre la structure de la société et les nécessités de son développement arrive à maturité : lorsque l’accumulation quantitative de frustration encaissée pendant des décennies par les classes exploitées atteint un stade qualitatif, lorsque toute cette quantité d’énergie accumulée dans la société augmente jusqu’à faire ‘sauter le couvercle’.

    Dans ce sens, la Révolution d’Octobre 1917 n’a été que l’aboutissement d’un processus révolutionnaire ouvert par l’écroulement du régime tsariste en février, et qui, durant cette période qui sépare la révolution de février de celle d’octobre, va voir se déployer une énergie, une vitalité, un bouillonnement incroyable parmi les masses, et une vie politique intense. 1917 fut une année d’action de masses étonnante par la variété et la puissance des initiatives populaires, témoin du déferlement d’un torrent de politisation générale de la société : partout, les ouvriers dans les usines, les soldats dans les casernes et les tranchées, les paysans dans les villages, avaient soif de politique, soif de s’instruire, soif de lire des journaux, de discuter des idées, de participer aux grands débats,…Chaque ville, chaque village, chaque district, chaque province, développait ses soviets de députés ouvriers, soldats et paysans, prêts à assurer l’administration locale. John Reed, le journaliste socialiste américain auteur du célèbre livre ‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’ expliquait qu’ « à Pétrograd comme dans toute la Russie, chaque coin de rue était transformée en une tribune publique. » L’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel d’une révolution. Toute cette dynamique de masse illustre l’absurdité des arguments sur le soi-disant ‘putsch’ des Bolchéviks.

    Les Bolchéviks et la question de la violence

    Bien sûr, il est aujourd’hui de bon ton de présenter le parti Bolchévik comme des bouchers sanguinaires assoiffés de sang. On se souvient notamment de l’image de Trotsky entourée d’une montagne de crânes et de squelettes, dépeint comme un assassin et un bourreau. Des tonnes d’encres ont été déversées pour dénoncer en long et en large la Terreur Rouge et les exactions de la guerre civile. On parle étrangement beaucoup moins du fait que la guerre civile fut suscitée par la volonté des anciennes classes possédantes de Russie et de l’impérialisme mondial de mettre le pays à feu et à sang pour écraser la révolution par tous les moyens, et que le jeune Etat ouvrier fut réduit à une situation de ‘forteresse assiégée’ par un total de 22 armées.

    Le général blanc Kornilov illustrait à merveille l’état d’esprit peu soucieux d’amabilité des capitalistes face au pouvoir soviétique lorsqu’il disait : “Si nous devons brûler la moitié de la Russie et décimer les trois quarts de sa population pour la sauver, nous le ferons. Le pouvoir est aux mains d’une plèbe criminelle que l’on ne mettra à la raison que par des exécutions et des pendaisons publiques”. On ne peut donc pas faire une analyse un tant soit peu sérieuse si l’on ne tient pas compte qu’il s’agit là du genre de bonhommes que les Bolchéviks avaient en face d’eux. L’ironie de l’histoire est qu’au début, les Bolchéviks étaient même plus qu’indulgents avec leurs ennemis de classe, au point de libérer les généraux contre-révolutionnaires sur base d’un engagement sur parole qu’ils ne prendraient plus les armes contre le pouvoir soviétique! Bien sûr, les marxistes ne sont pas des apologistes de la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’une violence aveugle, réalisée par une minorité isolée et coupée de l’action de masses. Les marxistes russes avaient notamment mené un combat idéologique pendant des années contre les terroristes russes, à commencer par la ‘Narodnaia Volia’ (= ‘La Volonté du Peuple’), organisation terroriste qui voulait combattre l’autocratie par la seule force de la bombe et du revolver. Leur chef disait explicitement : “L’histoire est trop lente, il faut la bousculer”. Cette organisation va perpétrer en 1881 un attentat contre le Tsar Alexandre II, persuadée que cela allait stimuler un soulèvement général des paysans. L’assassinat n’aura aucun écho, les auteurs seront pendus, la répression va s’abattre sur le pays et décapiter la Narodnaia Volia ; Alexandre II, quant à lui, sera simplement remplacé par Alexandre III. Les marxistes ont toujours opposé à ce type de méthodes de terrorisme individuel l’organisation des masses.

    Mais les marxistes ont aussi les pieds sur terre; ils ne raisonnent pas sous forme de catégories abstraites –pour ou contre la violence ‘en général’-, mais prennent comme point de départ de leur analyse la situation concrète. Et une réalité concrète est que lorsque la classe opprimée ose se rebeller pour ses droits, les classes dominantes n’hésitent jamais à recourir à une répression impitoyable, à un déferlement d’une violence inouïe, dépassant parfois toute imagination. Il suffirait par exemple de rappeler la répression des Communards de Paris par les bandes de Thiers, qui culmina dans un carnage effroyable, exécutant à bout portant hommes, femmes, enfants et vieillards. Le fusil ne tuant plus assez vite, c’est par centaines que les ouvriers vaincus furent abattus à la mitrailleuse. On s’apitoie souvent sur le triste sort réservée à la famille tsariste exécutée par les ‘Rouges’. On s’apitoie beaucoup moins sur les 5 millions de soldats envoyés par le régime tsariste se faire charcuter dans la boucherie des tranchées, parfois à pieds nus et sans armes. Il faut s’imaginer que les soldats russes devaient parfois partir à l’assaut avec un fusil pour quatre. Il est d’ailleurs clair que l’horreur de cette guerre impérialiste, dont l’unique but était le partage du monde et des sphères de marché entre les grandes puissances, jouera un rôle décisif d’accélérateur des événements révolutionnaires de l’après-guerre. La combativité des masses, étouffée dans un premier temps par la propagande patriotique, va dans un deuxième temps ressurgir à la surface avec une vigueur et une vitalité exceptionnelle.

    Le développement d’une conscience révolutionnaire : un processus dialectique

    Il n’y a pas de meilleure école que celle de la pratique : l’éducation politique des masses s’effectue à travers leur propre expérience pratique. Ce que l’on constate dans toute période révolutionnaire ou dans toute lutte d’une certaine importance, c’est que dans le feu de l’action, la conscience politique des travailleurs peut faire des bonds gigantesques en avant. Engels disait qu’”il peut y avoir des périodes dans la société humaine où 20 ans apparaissent comme un seul jour, tout comme des moments où une seule journée apparaît comme 20 ans.” L’année 1917 en Russie illustre cette idée : la classe ouvrière russe a plus appris en quelques mois qu’elle n’avait pu le faire pendant des dizaines d’années auparavant. C’est ce qui explique comment un type comme Alexandre Kérensky, très populaire en mars ’17, était unanimement détesté au mois d’octobre. C’est ce qui explique la progression numérique fulgurante du Parti Bolchévik, qui ne comptait que quelques milliers de membres au début du mois de février, déjà 100.000 en avril, près de 200.000 au mois d’août et plus d’un quart de millions au début d’octobre. On voit ainsi que, dans le cours d’une révolution, quand les événements se succèdent à un rythme accéléré, un parti faible peut rapidement devenir un parti puissant : le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), dans les six premières semaines qui suivirent l’offensive révolutionnaire de juillet 1936 en Espagne, était ainsi passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres.

    Cela montre que la compréhension de la nécessité d’un parti révolutionnaire au sein de larges couches de travailleurs n’est pas quelque chose d’automatique. Le processus qui part de l’élaboration d’un programme révolutionnaire et de l’accumulation primitive des premiers cadres révolutionnaires jusqu’à la construction de partis révolutionnaires de masse est un processus qui s’accomplit à travers divers stades inégaux de développement. Mais en dernière instance, ce n’est que lorsque les contradictions du système éclatent au grand jour que les conditions objectives se créent pour une large pénétration des idées révolutionnaires au sein de la classe des travailleurs.

    Le stalinisme et le fascisme étaient-ils inévitables ?

    Une chose est sûre : s’il n’y avait pas eu de Parti Bolchévik en Russie, toute l’énergie révolutionnaire colossale des travailleurs aurait été lamentablement gâchée et aurait repoussé le mouvement ouvrier en arrière pour longtemps au prix d’une défaite catastrophique et sanglante, comme cela s’est d’ailleurs passé en Hongrie avec l’avènement de la dictature militaire du général Horthy, ou en Allemagne et en Italie avec la montée au pouvoir du fascisme. Ces régimes vont liquider avec zèle les syndicats et les organisations ouvrières, torturer et massacrer les communistes et les socialistes par milliers. La communiste allemande Clara Zetkin l’avait compris, elle qui déclarait en 1923 que “le fascisme sera à l’ordre du jour si la Révolution Russe ne connaît pas de prolongement dans le reste de l’Europe.” Le fascisme a été le prix à payer de la trahison des partis de la social-démocratie, et de l’inexistence ou de la faiblesse d’un parti politique de type Bolchévique comme il en existait un en Russie.

    Mais ce prix, les travailleurs russes le payeront également. Car ces défaites vont contribuer à l’isolement de la révolution russe dans un pays extrêmement arriéré, et, en conséquence, à sa dégénérescence vers une dictature bureaucratique et totalitaire. En 1924, Staline mit en avant la théorie du ‘socialisme dans un seul pays’, afin de se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale, et pour protéger les intérêts et privilèges de la bureaucratie montante, notamment en empêchant le développement et l’aboutissement d’autres révolutions ouvrières qui auraient pu mettre ces privilèges en péril. Cette dégénérescence sera elle-même facteur de nouvelles défaites (comme lors de la révolution chinoise de 1926-27).

    Lorsque Lénine arriva à Pétrograd au mois d’avril 1917, le président du soviet (encore un Menchévik à l’époque) va prononcer un discours rituel d’accueil; Lénine va lui tourner le dos, grimper sur un char, se tourner vers la foule des travailleurs et proclamer : “L’aube de la révolution mondiale est arrivée…Vive la révolution socialiste mondiale!” Ce slogan sera gravé plus tard sur le socle d’une statue de Lénine érigée à cet endroit…mais en y retirant le mot ‘mondiale’! La fameuse théorie de Staline du ‘socialisme dans un seul pays’ était une théorie réactionnaire qui allait à l’encontre de tout l’enseignement marxiste et de toute la tradition internationaliste du Bolchévisme; ce ne fut en fait rien d’autre que le couronnement idéologique de la position de l’appareil bureaucratique stalinien qui va s’ériger et se conforter sur les ruines de toutes ces défaites du mouvement ouvrier.

    Le Parti Révolutionnaire : un ingrédient indispensable

    Trotsky expliquait que « Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatilise comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. » La révolution d’Octobre n’aurait jamais pu aboutir sans l’existence d’un tel parti, capable de donner à la force spontanée des travailleurs une expression politique consciente, organisée et disciplinée ou, pour reprendre l’expression de Lénine, pour “concentrer toutes les gouttes et les ruisseaux du mécontentement populaire en un seul torrent gigantesque.” Toute révolution exige une organisation sérieusement structurée pour définir et mettre en application un programme, une stratégie, des tactiques correspondant aux diverses phases de la lutte et à l’évolution des rapports de force. Comment les Bolchéviks ont-ils été capables de conquérir un territoire géographique aussi vaste que la Russie ? Cela s’explique par le vaste réseau de cadres révolutionnaires que Lénine et le Parti Bolchévik avait construit et formé pendant des années. Pendant la révolution, des détachements d’ouvriers et des régiments de soldats envoyaient des délégués au front, allaient conquérir les régiments arriérés, se cotisaient pour envoyer des délégués dans les provinces et les campagnes dont ils étaient originaires, parfois dans les régions les plus reculées du pays. Certains cadres passaient des journées entières à haranguer les usines, le front, les casernes,…sans relâche. C’est comme ça qu’en quelques mois, en s’appuyant sur le développement de la révolution, le parti a été capable de convaincre la majorité des travailleurs de la justesse de ses mots d’ordre. Cela illustre l’importance de la construction préalable d’un parti de cadres formés et préparés aux événements, éprouvés et trempés dans la lutte, prêts au sacrifice, et capables par l’expérience qu’ils ont accumulée, de jouer un rôle décisif au moment fatidique. Là était toute la force du parti Bolchévik.

    Ce dernier n’était pourtant suivi en février 1917 que par une insignifiante minorité de la classe ouvrière. Lors du premier congrès des Soviets en juin, sur 822 délégués, seulement 105 étaient Bolchéviks, montrant qu’une majorité encore imposante des ouvriers soutenait les partis Mencheviks et ‘Socialiste-Révolutionnaire’. Ces partis jouaient littéralement le rôle de commis de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier : soucieux de respecter les engagements pris avec l’impérialisme étranger, ils appuyaient la poursuite jusqu’à la victoire d’une guerre massivement rejetée par la population, s’évertuaient à freiner les revendications sociales, refusaient d’accorder la terre aux paysans. En d’autres termes, ils faisaient tout pour empêcher la réalisation de revendications qui puissent empiéter sur les intérêts des classes possédantes. Ils prônaient la collaboration entre deux formes de pouvoir irrémédiablement incompatibles et s’appuyant sur deux classes antagonistes : d’un côté, les soviets, épine dorsale de la révolution représentant les masses laborieuses en action, et de l’autre, le gouvernement provisoire représentant la bourgeoisie et les propriétaires terriens. Alexandre Kérensky était la forme achevée de ce rôle conciliateur, étant pendant toute une période à la fois vice-président du Soviet de Pétrograd et membre du gouvernement provisoire. Son action, comme celle de tous les politiciens Menchéviks et S-R, était guidée par l’idée de contenir les masses et de maintenir les Soviets dans le giron de la bourgeoisie. Mais au fur et à mesure que les masses populaires devenaient plus radicales, poussaient pour mettre en avant leurs revendications propres et une politique indépendante, autrement dit au plus les masses évoluaient vers la gauche, au plus ces politiciens étaient repoussés vers la droite. Kérensky finira d’ailleurs par dire : “Le gouvernement provisoire non seulement ne s’appuie pas sur les soviets, mais il considère comme très regrettable le seul fait de leur existence.”

    Ce processus illustre qu’il n’y a pas de troisième voie, de solution ‘à mi-chemin’ entre le pouvoir des capitalistes et celui des travailleurs. Et ça, c’est une leçon que les anarchistes espagnols –ainsi que le POUM à leur suite- n’ont pas compris lors de la révolution espagnole de 1936 : dans une situation de dualité de pouvoir, caractéristique de toute situation révolutionnaire, c’est-à-dire au moment crucial où il faut choisir entre deux formes de pouvoir différents, les dirigeants anarchistes de la CNT, refusant a priori toute forme de pouvoir quelle qu’elle soit, vont non seulement accepter de laisser les rênes de ce pouvoir dans les mains de l’ennemi de classe, mais même participer à la reconstitution de l’Etat bourgeois en acceptant des portefeuilles ministériels dans le gouvernement de Front Populaire.

    Marx disait que “Dans toute révolution, il se glisse, à côté de ses représentants véritables, des hommes d’un tout autre caractère; ne comprenant pas le mouvement présent, ou ne le comprenant que trop bien, ils possèdent encore une grande influence sur le peuple, souvent par la simple force de la tradition.” Lors de la révolution russe, ce rôle fut incontestablement joué par les Menchéviks et les S-R. Mais ce n’est que peu à peu, et seulement sur la base de leur propre expérience à travers les différentes étapes de la bataille, que les couches les plus larges des masses ont fini par se défaire de ces partis, et par se convaincre que la direction Bolchévique était plus déterminée, plus sûre, plus loyale, plus fiable, que tous les autres partis. Les 8 mois qui séparent Février d’Octobre ont été nécessaires pour que les travailleurs et les paysans pauvres de Russie puissent faire l’expérience du gouvernement provisoire, et pour que, combiné avec le travail mené par le Parti Bolchévik, les larges masses puissent arriver à la conclusion que ce régime devait être renversé car il n’était pas le leur, mais celui de la bourgeoisie et des grands propriétaires ; à l’inverse, le parti Bolchévik était quant à lui le seul parti prêt à les défendre jusqu’au bout, jusqu’à l’ultime conclusion…c’est-à-dire jusqu’au pouvoir.

    Mais la condition pour cela était évidemment l’existence même d’une organisation véritablement révolutionnaire capable, de par sa lucidité politique et sa détermination, de contrecarrer l’influence des appareils et des politiciens traîtres et réformistes. L’absence d’un tel facteur sera à l’origine de toutes les défaites révolutionnaires ultérieures. En mai’68, dix millions de travailleurs étaient en grève en France, occupant leurs usines, dressant des comités ouvriers dans tout le pays. La classe ouvrière française était à deux doigts du pouvoir .Mais la bureaucratie stalinienne du Parti Communiste Français refusera de prendre ses responsabilités : elle va dénigrer les étudiants en lutte qualifiés pour l’occasion de “renégats gauchistes” ou de “faux révolutionnaires”, nier le caractère révolutionnaire du mouvement, et détourner la lutte vers la voie électorale avec des slogans tels que “rétablissons l’ordre dans le chaos”. La plus grosse grève générale de toute l’histoire va ainsi refluer faute de perspectives politiques, et c’est ainsi que la plus belle occasion pour les travailleurs de prendre le pouvoir dans un pays capitaliste avancé sera perdue.

    La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire

    Marx affirmait que “les révolutions sont les locomotives de l’histoire”. Mais chacun sait qu’une locomotive a besoin d’un bon conducteur pour arriver à destination, sinon elle risque de dérailler rapidement. De la même manière, si la révolution ne dispose pas d’un bon conducteur pour l’orienter, sous la forme d’une direction révolutionnaire, elle déraille aussi. Et une chose dont nous pouvons être sûrs, c’est que la locomotive de la révolution n’attendra pas les révolutionnaires ; elle ne laisse en général que peu de temps à la confusion et à l’hésitation. Le sort des partis qui ne sont qu’à moitié ou au quart révolutionnaires est de passer en-dessous des roues de la locomotive : c’est ce qui est par exemple arrivé au POUM en Espagne, dont beaucoup des militants vont payer de leur vie les erreurs et les hésitations de sa direction. C’est aussi ce qui est arrivé au MIR au Chili en 1973, dont de nombreux militants vont finir leur vie torturés dans les geôles de Pinochet. L’approche et les méthodes gauchistes du MIR vont le rendre incapables de développer une assise significative au sein du mouvement ouvrier. Ce qui met en avant un autre élément fondamental : se dire révolutionnaire est une chose ; mais encore faut-il arriver à transcrire le programme révolutionnaire de manière correcte dans la réalité vivante, avec une approche et des revendications qui soient adaptées à chaque situation spécifique, à chaque étape de la lutte, tenant compte du niveau de conscience, des traditions du mouvement ouvrier dans chaque pays, etc. Lénine disait que “le marxisme, c’est avant tout, l’analyse concrète de la situation concrète.” Il est clair par exemple que le slogan “Tout le pouvoir aux soviets” était un slogan directement adapté aux conditions spécifiques de la Russie de 1917. Lors de la révolution chilienne de 1973, un tel slogan aurait dû être traduit par quelque chose comme “Tout le pouvoir aux cordons industriels” les cordons industriels étant les organismes de classe rassemblant les travailleurs et les habitants des quartiers ouvriers qui étaient apparus pendant le processus révolutionnaire au Chili. Mais lorsque les staliniens du Parti Communiste Espagnol vont lancer au début des années ‘30 le mot d’ordre: «A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » à une période où la république venait d’être proclamée et où il n’existait pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable dans toute l’Espagne, le seul résultat qu’ils pouvaient obtenir était de s’isoler complètement des masses…

    Cette discussion met en évidence une des principales contributions de Trotsky au marxisme, à savoir le ‘Programme de Transition’. Trotsky expliquait qu’il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles, immédiates, et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, qui partent des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de travailleurs pour conduire à une seule et même conclusion : la révolution socialiste et la conquête du pouvoir. C’est-à-dire élaborer un panel de revendications qui, en partant des besoins concrets et du niveau de conscience des travailleurs et de leurs familles, sont par essence incompatibles avec le maintien du système capitaliste. Le slogan des Bolchéviks “Pain, Terre et Paix”, dans une situation où la famine rôdait, où la paysannerie avait soif de terre, et où le ras-le-bol de la guerre était général, faisait ainsi directement appel aux aspirations les plus profondes de la majorité de la population laborieuse, et, tout en même temps, renvoyait implicitement à la nécessité de renverser le pouvoir de la bourgeoisie; cette dernière, pieds et poings liés et avec l’impérialisme étranger et avec les grands propriétaires fonciers, était absolument incapable de satisfaire ne fût-ce qu’une seule de ces revendications.

    Trotsky commençait son programme de transition en disant que “La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire.” Le rôle et la responsabilité de la direction politique dans une époque révolutionnaire sont effectivement d’une importance colossale. Dans une telle époque, en l’absence d’un parti révolutionnaire, les espoirs des masses font place à la désillusion, l’ennemi tire profit de cette désillusion et se remet de sa panique, les masses découragées se lancent dans des explosions désordonnées et sans perspective, et c’est la défaite assurée.

    Bien sûr, la construction d’un Parti Révolutionnaire n’est pas seulement importante dans une époque révolutionnaire. En effet, la construction d’un cadre marxiste révolutionnaire solide et préparé ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain, mais exige au contraire des délais considérables que la rapidité des processus révolutionnaires ne laisse pas le temps d’entreprendre en quelques jours, semaines ou mois. La société connaît, à côté des périodes d’ouverture révolutionnaire, des périodes d’un tout autre caractère : des périodes de réaction, de recul, durant lesquelles la lutte du mouvement ouvrier ainsi que les idées socialistes sont poussées sur la défensive. Nous avons connu une telle période après la chute des régimes staliniens dans les années ’90, période durant laquelle les révolutionnaires devaient complètement nager à contre-courant dans la société pour pouvoir exister. Dans un tout autre contexte, les Bolchéviks avaient connu une période similaire après la défaite de la révolution russe de 1905. Sous les coups de la répression et de la démoralisation, le parti subit une véritable hémorragie en termes de membres, et mêmes certains cadres dirigeants du parti succombèrent à la pression et au défaitisme ambiants ; pour exemple, Lounatcharsky développa un groupe appelé ‘Les Constructeurs de Dieu’, qui se fixait pour idée-maîtresse de présenter le socialisme sous la forme d’une religion, jugée selon eux « plus attractive » que la lutte des classes pour les masses déçues et démoralisées ! Néanmoins, la volonté infatigable de Lénine de s’acharner, même dans ces conditions difficiles, à construire et à former un cadre révolutionnaire pendant cette période va considérablement aider le Parti Bolchévik à pouvoir affronter les défis et les tâches grandioses qui allaient l’attendre quelques années plus tard.

    Lénine avait certes éduqué un cadre sur base de perspectives qui révéleront leur faiblesse dans la pratique en 1917. En effet, jusque-là Lénine croyait encore à l’idée d’une révolution par étapes nettement séparées dans le temps : une première étape à caractère démocratique-bourgeoise, portée par une « alliance démocratique entre le prolétariat et la paysannerie » (c’est-à-dire une révolution prolétarienne dans sa forme, mais bourgeoise dans son contenu), suivie d’une étape socialiste plus lointaine ; ces deux étapes étant entrecoupées d’une période significative de développement capitaliste du pays. Cependant, refusant de s’accrocher aux vieilles formules, et proclamant que « le vieux bolchévisme doit être abandonné », Lénine corrigera ses perspectives à la lumière des événements, lors de l’éclatement de la révolution. Là est toute l’essence de ses ‘Thèses d’Avril’, dans lesquelles il rallie la perspective d’une ‘révolution permanente’ avancée depuis plusieurs années déjà par Trotsky. A partir de ce moment, tout son travail consistera à tenter d’infléchir la ligne du Parti Bolchévik en vue d’une telle perspective : armer politiquement le parti pour le préparer à une rapide prise du pouvoir par les soviets, à l’instauration d’un gouvernement ouvrier et des premières mesures socialistes.

    Avec le recul, on peut aisément affirmer que Trotsky disposait de perspectives plus élaborées que Lénine. Mais le développement théorique plus consistant de Trotsky ne peut se comprendre sans tenir compte du fait que durant toutes les années qui précèdent la révolution de 1917, toute l’énergie de Lénine était concentrée sur la construction du Parti Bolchévik, à une époque où, de ses propres aveux, Trotsky n’avait pas encore saisi toute l’importance d’un parti soudé et centralisé comme condition indispensable pour atteindre le but révolutionnaire, et, jusqu’à un certain point, entretenait encore l’illusion d’une ‘réconciliation’ entre la fraction réformiste (les Menchéviks) et la fraction révolutionnaire (les Bolchéviks) de l’ancien POSDR (Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie). C’est finalement la révolution elle-même qui permettra de rassembler les deux hommes autour d’une même perspective et d’une même conception du type de parti nécessaire.

    Ne laissons pas ces leçons sur le papier !

    A d’innombrables reprises dans l’histoire, les travailleurs ont tenté de suivre la voie des travailleurs russes, de se frayer un chemin vers le pouvoir et vers l’instauration d’une société socialiste. Lors de la révolution portugaise de 1974, les travailleurs en étaient tellement proches que la presse annonçait déjà “la fin du capitalisme” au Portugal ! On pourrait multiplier ces exemples. L’histoire du capitalisme est jalonnée de nombreux combats révolutionnaires héroïques menés par le mouvement ouvrier pour son émancipation. Mais à l’exception de la révolution russe, la défaite a été l’issue de tous ces combats pour la seule raison qu’ils n’avaient pas à leur tête une direction politique expérimentée, préparée à encadrer ces mouvements, à leur donner une perspective, et à les faire aboutir jusqu’à leur conclusion logique et naturelle. Malgré sa dégénérescence ultérieure, malgré les décennies de pourriture du stalinisme, la révolution russe continuera de se distinguer de toutes les autres révolutions ouvrières sur un point essentiel : c’est la seule qui a abouti. Dès lors, s’atteler à la construction d’une organisation révolutionnaire internationale est la leçon la plus générale, mais aussi la plus importante, que l’on puisse dégager d’une telle discussion aujourd’hui, afin d’éviter de nouvelles défaites au mouvement ouvrier et d’assurer un meilleur avenir pour les générations futures.

  • L’unité des travailleurs et des jeunes contre la surenchère communautaire et la casse néo-libérale !

    Aujourd’hui celui qui ouvre un journal ou regarde la télé ne peut pas le rater: Partout des voix parlent de donner plus de compétences aux régions, scissionner la sécurité sociale etc. Même la Belgique comme état fédéral est remise en question. En même temps, on voit apparaitre face à cela toutes sortes d’initiatives pro-belgicaine. Nous ne pensons pas que pour les jeunes et les travailleurs le belgicanisme soit une réponse au flamingantisme.

    Jan Van Olmen

    Les divisions communautaires entre les politiciens flamands et francophones servent à cacher leurs accords sur l’agenda néolibéral : de nouvelles attaques sur les salaires, sur les pensions, les chômeurs, sur le droit de grève, sur les services publiques,… Les politiciens flamands veulent plus de compétences pour les communautés afin d’avoir un instrument mieux adapté pour accélérer cette politique. Les politiciens qui défendent plus de fédéralisme veulent le faire sur le plan national. Il est nécessaire d’avancer une réponse politique face aux nationalismes (tant flamingant que belgicain) et d’organiser la résistance syndicale contre les attaques néolibérales. Cela nécessite l’unité des travailleurs flamands, wallons et bruxellois. La scission des syndicats dans une série de secteurs affaiblit aujourd’hui notre capacité de riposte. La force des syndicats et la sécurité sociale ont depuis toujours été basées sur la solidarité entre les travailleurs des différentes communautés.

    C’est pourquoi nous soutenons la pétition « Sauvons la solidarité » lancée par les syndicats suite aux initiatives des délégations de Total et Dégussa contre la scission de la sécurité sociale. Elle met en avant que les acquis sociaux dans notre pays ont été obtenus par une lutte commune des travailleurs flamands, wallons et bruxellois. Des dizaines de milliers de personnes ont déjà signé cette pétition. Malheureusement, l’implication de chanteurs et d’autres personnalités détourne le contenu de cette initiative par leurs propos pro-Belge dans la presse.

    Certains dans la gauche tombent également dans ce piège. Comac a récemment écrit comme conclusion politique de son journal à l’ULB : « La solidarité entre les jeunes, les vieux, les Flamands, Wallons et Bruxellois, les riches et les pauvres, est la base sur laquelle repose la Belgique, elle doit le rester ! ». L’Etat-Nation Belge au service de sa classe dominante avec son marché, ses politiciens et ses parlements, son armée, sa police et sa justice n’est certainement pas basé sur la solidarité mais bien sur l’exploitation de la grande majorité par les capitalistes. S’ils existent des nationalistes flamands de gauche c’est dû à l’oppression linguistique comme l’interdiction d’utiliser le flamand dans les tribunaux, dans l’administration,… sur laquelle la Belgique a été fondée. S’il existe un nationalisme wallon c’est du au fait qu’on a utilisé les faiblesses du mouvement ouvrier en Flandre pour briser la résistance des travailleurs wallons. C’est cela aussi la Belgique ! L’idée que la Belgique se baserait sur une solidarité entre riches et pauvres est un mensonge. Que 15% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté en est une illustration flagrante que même ceux qui ne se prétendent pas marxistes ont du mal à dissimuler. Les intérêts de la classe des travailleurs sont inconciliables avec ceux de la classe des capitalistes. Les acquis des travailleurs en Belgique, comme la sécurité sociale, ont été arrachés par des luttes sur le plan national. Et ils doivent être défendus ainsi.

  • Stop aux violences conjugales !

    Récemment dans les média était évoquée la libération de Bertrand Cantat (l’ex-chanteur de Noir Désir). Ce sont malheureusement les violences commises par une figure publique qui ont relancé le débat sur les violences conjugales et leurs condamnations. Avant d’évoquer la législation sur les condamnations des violences domestiques, ce sont les causes et les solutions à y apporter dont nous voulons discuter.

    Laure Miège

    Rappelons quelques chiffres: La première cause de mortalité dans les pays de l’OCDE chez les femmes de 16 à 44 ans, ce sont les violences conjugales avant le cancer et les accidents de la route! En Europe, 1 femme sur 5 en est victime et tous les 4 jours, une femme meurt de ces violences. Les causes mises en avant sont souvent l’alcoolisme, la précarité, les violences subies par l’agresseur durant son enfance, la volonté de contrôle par le mari,… Certes la violence sociale exercée par les politiques néolibérales (dont les femmes font partie des premières victimes) est un facteur important qui permet d’expliquer les violences conjugales. Mais ces violences touchent les femmes dans 90% des cas. A la violence sociale, s’ajoute la place attribuée à la femme et son image dégradante véhiculée dans notre société, pour expliquer cette situation.

    L’image de la femme comme être inférieur à l’homme défend les énormes économies sur le travail non rémunéré qu’elles effectuent à la maison. Selon des économistes français, le travail domestique non rémunéré est équivalent aux nombres d’heures de travail prestées rémunérées. Ce travail représente en réalité des milliards d’économies pour les capitalistes et leurs gouvernements, d’où leur intérêt à entretenir cette idée selon laquelle la place de la femme est avant tout au foyer.

    Sur le marché du travail, les femmes gagnent en moyenne 80% du salaire d’un homme. On les retrouve dans les jobs les plus précaires, les moins bien payés et 40% d’entre elles travaillent à temps partiel en Belgique. Là encore, cela représente des gains énormes pour le patronat, puisque les salaires de leurs comparses masculins sont alors tirés vers le bas. C’est ainsi que les revenus des femmes sont souvent considérés dans la famille comme un revenu d’appoint, et que bien souvent elles se retrouvent dépendantes financièrement de leur mari.

    Cette dépendance financière implique évidemment de grosses difficultés pour les femmes de quitter un partenaire violent, celles qui le font se retrouvent alors bien souvent dans une grande précarité (60% des miniméxés en Belgique sont des femmes vivant seules).

    La société actuelle n’offre aucune solution réelle pour les personnes ayant vécu la violence domestique, les refuges qui leur sont proposés sont souvent pleins ou trop chers (17 € par jour, 12€ par enfant). De par ce manque de prise en charge, un sentiment d’insécurité est trop souvent ressenti par les victimes de ces violences. Cette situation implique qu’un seul cas sur 20 est signalé à la police (Enquête Eurobaromêtre- 1999). Bien que la prison ne soit pas une solution sur le long terme pour empêcher les violences conjugales, des garanties doivent être données aux femmes tant concernant leur prise en charge psychologique et physique que concernant leur sécurité.

    Il est en tout cas évident que tant que ce système perdurera, engendrant violence sociale et sexisme, la situation pour les femmes ne s’améliorera pas.

    Ainsi, nous revendiquons un système socialiste permettant à chacun de vivre décemment et non dans un stress permanent dicté par la logique de rentabilité et de bénéfices. Nous défendons la nécessité d’une société basée sur les besoins de chacun et non les profits d’une poignée. Cette société doit prendre en charge les tâches domestiques en proposant des services collectifs qui allègeront les tâches ménagères et elle doit également proposer des refuges gratuits et de qualité aux personnes victimes de violences. Ce n’est que dans une telle société que les femmes pourront réellement être indépendantes financièrement mais aussi psychologiquement de leur conjoint.

  • Sicko: Commercialiser les soins de santé ?

    L’horrible situation des soins de santé privatisés américains révélée par le dernier film de Michaël Moore “Sicko” est une menace qui se concrétise de plus en plus en Belgique. Tandis que le débat sur la privatisation des soins de santé suit son cours, on met de plus en plus de pression sur les patients.

    Un correspondant

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    Action de la CNE à l’avant-première de Sicko à Gand

    A l’occasion de l’avant-première du film “Sicko” lors du festival du film de Gand, la Centrale Nationale des Employés (CSC) a organisé une action devant le cinéma Kinépolis. Depuis un moment déjà, le syndicat mène une campagne sur le thème de la “commercialisation des soins de santé”. Ils ont pris la parole dans la salle et un sosie de Michael Moore a mis en garde le public contre la commercialisation des soins de santé.
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    Le gouvernement intervient de moins en moins

    La Belgique dépense pour l’instant 10,1% de son PIB dans les soins de santé, un peu plus que lors des années précédentes. Raison supplémentaire pour laisser plus d’opportunités aux initiatives commerciales et tant pis si cela menace les plus nécessiteux, cela va de soi. Guy Peeters, président des Mutualités Socialistes, affirme ainsi : “75% des dépenses dans l’assurance-maladie sont allouées à seulement 10% de la population. On sait que, sur un marché privatisé, les profits exigeront une sélection plus poussée des risques. En conséquence, les personnes à risques – les malades chroniques et les personnes agées – seront les premières victimes”.

    Nous avons à payer plus à mesure que le privé s’impose dans les soins de santé. Cette tendance est incontestable. En 1995, le gouvernement prenait encore 78,5% des dépenses des soins de santé à sa charge pour 71,1% en 2003. Mais, en 2005, le gouvernement ne finançait plus que 68% des frais. En d’autres termes : la part des dépenses que nous devons nous-mêmes assurer, via une assurance privée ou non, a augmenté de 20 à 30% (en France, cela s’élève à 24 %, en Allemagne à 22 % et en Suède à 15 %). Nous avons à nous occuper de près d’un tiers des dépenses, le principe de solidarité est miné d’autant.

    Les soins de santé privés en marche

    On remarque aujourd’hui une croissance du nombre de consultations privées de spécialistes au sein même des hôpitaux. C’est un élément révélateur du sous-financement des hôpitaux : des médecins et des spécialistes pallient à l’absence de moyens avec des cabinets privés dans les hôpitaux.

    Seulement, c’est au patient de payer la note. L’hebdomadaire flamand “Knack” a mentionné dans un article dédié aux “soins de santé de classe” l’exemple d’une femme qui a demandé un rendez-vous chez un endocrinologue à l’hôpital (UZ) de Jette. Il lui a été répondu que la liste d’attente était telle qu’il n’était pas possible d’avoir un rendez-vous avant cinq semaines, à moins d’une consultation personnalisée qui lui aurait coûté entre cinquante et soixante euros, sans remboursement intégral (dans certains hôpitaux on passe régulièrement la barre des cent euros).

    Finalement, les soins de santé dépendront du revenu. Déjà actuellement, la santé ou même l’espérance de vie diverge selon les moyens et les possibilités du patient. Un salarié peu qualifié décède en moyenne trois ou cinq années plus tôt qu’un qualifié, un bébé dont les parents sont au chômage a environ deux fois plus de risques d’être mort né qu’un bébé issu d’un couple qui travaille. La commercialisation et la privatisation n’auront pour effet que de renforcer le clivage entre les riches et les pauvres. Il est grand temps de se mettre en action contre la commercialisation !

  • Crise politique : Le théâtre de guignols continue…

    Le mouvement ouvrier doit se préparer pour sa propre lutte

    Lors d’une conférence de presse, Jo Vandeurzen (président du CD&V) et Bart De Wever (président de la NVA) ont donné un message clair : il faut une réforme d’Etat et les partis francophones doivent faire un « geste » en ce sens (alors que ces derniers demandent justement aux partis flamands de rétablir la confiance après le vote de la scission de BHV…)

    Anja Deschoemacker (09/11/07)

    Les libéraux francophones ne doivent pas compter sur une reconnaissance ouverte qu’il ne peut être question d’une grande réforme d’Etat dans ces circonstances. La logique du « compromis à la belge » est justement que tout le monde doit baisser sa culotte au même moment, pour qu’après l’on puisse se lancer des fleurs grâce à ce que chacun a pu obtenir. C’est là la preuve ultime du sérieux politique et du fait d’être un homme d’Etat.

    Les déclarations de Frank Vandenbroucke, le flamingant de service du SP.a, selon lesquelles le cartel CD&V/NVA se donne en spectacle pour éviter de devoir montrer qu’il se met à plat ventre sur la question de la réforme d’Etat, contiennent certainement des éléments de vérité. La nouvelle présidente du SP.a, Caroline Genez, fait aussi allusion au manque de crédibilité du CD&V et de la NVA sur le plan communautaire. Nous ne pouvons qu’espérer – dans l’intérêt même du SP.a – que cela ne devienne pas le message central de leur « opposition », si du moins leur but est de regagner quelques voix chez les travailleurs.

    Tout cet épisode clarifie à nouveau l’évidence que le mouvement ouvrier n’a plus rien à attendre de ce parti. Peut-être prononcera t’il encore quelques mots contre l’introduction du service minimum durant les grèves des services publics (bien qu’un un tel accord a déjà été signé sous leur règne à De Lijn – les TEC flamands). Selon l’ancien chef de cabinet de Vande Lanotte (SP.a lui aussi), Jannie Haeck, actuellement grand patron de la SNCB, il serait préférable de réfléchir à un temps minimum d’annonce pour les grèves. En d’autres mots : les syndicats ne seraient alors plus en état de reconnaître des grèves spontanées ! Même en dehors du gouvernement fédéral, et sans perspective d’en faire partie, le sommet du SP.a ne peut pas s’empêcher de corriger les devoirs de la bourgeoisie !

    De son côté, si le PS va certainement faire plus de bruit (également par rapport aux thèmes sociaux), il aura grande peine à se détacher totalement de la politique néolibérale qu’il a lui-même mené 19 ans durant sur le plan fédéral et qu’il continue d’ailleurs encore à mener sur le plan régional avec, entre autres, le Plan Marshall. Le terrain communautaire va certainement devenir le point central de son opposition. Mais au moins sera-t-il vu comme une équipe de défense alors que son pendant du nord a, dans les faits, rejoint les revanchistes flamands.

    Et quoi maintenant pour la formation ?

    Le vote dans la Commission de la Chambre sur la scission de BHV où la majorité flamande a imposé sa volonté de manière unilatérale avec une seule abstention (du parlementaire bruxellois de Groen ! Tinne Van der Straeten) est un fait sérieux. C’est un véritable problème pour les équilibres qui ont été constitués en Belgique : la protection de la minorité francophone en Belgique en compensation de la protection de la minorité flamande à Bruxelles.

    Les francophones ont maintenant pris en main les mécanismes de protection introduits pour les diverses minorités, en commençant par celui de conflit d’intérêt introduit par le Parlement de la Communauté Française le lendemain du vote sur BHV. Cette procédure signifie que la question de BHV est de nouveau arrêtée au niveau parlementaire et passe à des négociations entre communautés (avec PS, donc). Ce report peut, dans le meilleur des cas, permettre aux différents négociateurs pour la formation du gouvernement, et à Leterme en premier, d’avoir un peu de temps pour mettre enfin sur pied un gouvernement. Dans le passé, un « sentiment de crise » a déjà été nécessaire pour arriver à des accords communautaires.

    Mais tout ne devient pas facile pour autant. Les deux partis les plus forts dans les négociations, le CD&V et le MR, sont liés à des partenaires embêtants qu’ils peuvent à peine contrôler : la NVA et le FDF. Leurs déclarations et provocations sans fin n’ont pour effet que de casser sans cesse l’illusion de « confiance » méticuleusement créée. Qu’importe le nombre de fois où Reynders et Leterme vont aller assister à un match de foot ensemble, ils sont tous deux aussi dépendants de ces partenaires afin de maintenir leur position de parti dominant dans leur communauté.

    Directement après le vote, Reynders est retombé sur ses pieds en répétant à nouveau son plaidoyer pour un gouvernement surtout socio-économique: la cas « BHV » est reparti vers des négociations entre les communautés tandis que la réforme d’Etat avec une majorité des deux tiers peut être le problème d’une « commission de sages ». Cela semblait confirmé par la communication du roi et du formateur, la tantième crisette dans les rangs du CD&V et de la NVA a cependant conduit à la conférence de presse citée au début de cet article. Reynders ne doit pas penser qu’il peut pousser le CD&V dans une position où il sera le seul à baisser sa culotte.

    Au plus dure est ce théâtre de guignols, au plus monte la pression pour obtenir un gouvernement. Le déficit budgétaire commence à faire peur, de mauvaises prévisions économiques sont publiées,… Finalement, une solution va être trouvée, qui peut aller d’un « gouvernement normal » (ce que veut le CD&V) à un « gouvernement socio-économique » (ce que désire le MR, mais qui ferait perdre la face au CD&V) qui sera de courte durée, c’est-à-dire avec un accord gouvernemental jusqu’en 2009. Des variantes plus « exotiques » existent aussi : un gouvernement (partiellement) technocratique (du type « socio-économique »), une coalition fédérale totalement asymétrique, ou encore un gouvernement d’unité nationale : la tripartite classique, qui est presque toujours un gouvernement de crise.

    Une solution arrivera, pour la simple raison que l’alternative voulue par la NVA et le Vlaams Belang, l’indépendance de la Flandre, n’est voulue que par une petite minorité, tant parmi les travailleurs et leurs familles que parmi la bourgeoisie. Cette dernière aime bien utiliser la question nationale pour diviser le mouvement ouvrier au moment de l’attaque, mais elle n’aime pas du tout que la question nationale bloque l’application de son programme – même si ce n’est que pour la raison que, sans gouvernement, elle ne peut pas introduire une attaque sur les restes de l’Etat – providence. Leur opinion, « la voix de la raison », va finalement être reprise par le CD&V comme par le MR, à moins que ces derniers ne veulent perdre la confiance de la classe qu’ils veulent défendre. Ceux qui ne sont pas préparés au compromis vont en payer le prix: Reynders peut encore voir que le PS, qu’il déteste tant, rejoindre le gouvernement alors que le CD&V peut en cas de chaos total payer un prix électoral élevé si il est vu comme responsable du désordre.

    Les deux partis vont devoir apprendre la leçon que le PS et le SP ont appris lors de la précédente grande crise de formation (’87-’88, le précédent record de 148 jours) : pour arriver au gouvernement, il ne faut pas seulement gagner les élections, il faut aussi être préparé à mener la politique de ses maîtres et donc… de temps en temps être préparé à baisser sa culotte en ce qui concerne les promesses électorales. Il faut cependant savoir faire cela tout en le masquant, ce en quoi le CD&V était l’exemple ultime quand il s’appelait encore le CVP. De leur côté, le PS et le SP.a ont chacun prouvé au cours des dernières 19 années que des fesses nues et le rouge de la honte ne sont en rien un problème pour eux.

    Quant à messieurs De Wever et Maingain, leur avenir sera-t-il fait d’un poste de ministre ou de l’isolation politique? Tout comme le CD&V et le MR ont besoin de la NVA et du FDF, ces derniers ont aussi besoin des premiers. La NVA a aujourd’hui 5 sièges au Sénat et la dernière fois qu’elle a participé aux élections indépendamment du CD&V, elle n’a à peine obtenu que 5% ! Le FDF n’est pas non plus au sein du MR par grand amour et par grande unité programmatique, mais bien parce que le MR offre des carrières confortables. Dans cette question, les personnes clefs ne sont évidemment pas De Wever et Maingain (la politique belge n’a jamais eu un manque de fous du roi) : ce sont Leterme et Reynders. Tous deux peuvent dire adieu à leur carrière s’ils perdent aujourd’hui dans le poker politique qui occupe le pays depuis déjà 5 mois.

    Les syndicats ont raison de mettre en garde

    Les directions de la FGTB et de la CSC ont, à juste titre, dévoilé lors d’une conférence de presse commune ce qui se déroule derrière les rideaux – la « colle » entre Leterme et Reynders est clairement leur volonté de lancer un nombre d’attaques structurelles au service des supers profits du patronat. Leur réussite dépendra plus de la lutte du mouvement ouvrier contre une nouvelle attaque sur les restes de « l’Etat – Providence » (Etat – Providence que nous avons acquis par la lutte) que de la division communautaire et du cirque auquel nous sommes forcés d’assister depuis des mois.

    Le climat à venir est déjà visible : des données sont publiées sur un déficit budgétaire de 1,5 milliard d’euros, chiffre qui pourrait augmenter jusqu’à 3 ou 4 milliards pour 2008 « avec une politique qui n’est pas changée ». De plus, les perspectives de croissance économique ont été révisées par le bas pour 2008 et l’on parle dans les médias des « 50 mensonges gris » du gouvernement précédent autour du dossier des pensions. Et il faut encore compter le coût des 2 milliards d’euros nécessaires pour augmenter les allocations les plus basses (une douceur que le CD&V veut offrir) et de nouveau quelques milliards pour les diminutions d’impôts et de charges salariales (entre autres, de nouveau, sur les heures supplémentaires). Par contre, l’intérêt notionnel – qui a, notamment, permis à Electrabel de voir ses impôts diminuer de pas moins de 30 millions d’euros – n’est remis en question par aucun des négociateurs pour le futur gouvernement.

    S’ils arrivent à former un gouvernement – et d’une façon ou d’une autre, ils vont y parvenir- les attaques sur le mouvement ouvrier ne vont être longues à attendre. C’est aussi la raison qui explique toutes ces propositions sur une limitation du droit de grève. Le cirque communautaire va durer avec une commission, avec des séances bruyantes dans la Chambre et le Sénat, avec des déclarations musclées et tout cela au moins jusqu’aux élections de 2009. Si le mouvement ouvrier se laisse dévier ne serait-ce qu’un petit peu par cette division communautaire, nous courrons droit aux défaites.

    Pour cette raison, c’est une bonne chose que la FGTB ait appelé à une concentration des militants ce vendredi 16 novembre. Mais une concentration de 1000 syndicalistes ne va pas faire une grosse impression et n’a de sens que comme point de départ pour une campagne d’information large parmi les membres des syndicats pour les préparer à la lutte qui va devoir être menée. Cela doit à son tour être le point de départ d’un plan d’action et de mobilisation pour réagir collectivement à chaque attaque d’un gouvernement qui sera sans aucune doute un gouvernement instable.

  • Sauvons la solidarité. La défense de la sécurité sociale nous concerne tous

    Plus de 140 jours après les élections, les négociations gouvernementales se compliquent encore avec le refus du gouvernement flamand de nommer plusieurs bourgmestres francophones de la périphérie pourtant démocratiquement élus.

    Anja Deschoemacker

    Le 24 octobre, à l’initiative du SETCa et de la Centrale Générale d’Anvers, quelque 250 militants se sont réunis pour une réunion d’information sur le maintien de la sécurité sociale. Les questions au président de la FGTB De Leeuw et à la dirigeante de la CSC Van Laer ont résonné comme un appel à l’action, mais il y a eu aussi des questions sur un prolongement politique pour ceux qui défendent plus de solidarité

    Cependant, les accords partiels conclus par les négociateurs de l’Orange Bleue illustrent l’entente qui règne dans et entre ces partis pour une droitisation marquée de la politique tandis que les médias manipulent l’opinion publique en expliquant que les pensions « deviennent impayables ».

    Le patronat et ses politiciens vont s’employer à faire retomber sur le dos des travailleurs et de leurs familles les déficits budgétaires qui sont pourtant avant tout causés par les diminutions d’impôts et par les baisses des charges « patronales ». On voit nettement arriver les mesures « structurelles » douloureuses et on peut être certain que celles-ci vont s’accompagner de tentatives pour limiter le droit de grève.

    Les nuages qui s’annoncent à l’horizon économique ne sont pas légers, avec un risque de récession internationale l’an prochain. Si un gouvernement peut être formé, il tentera d’imposer des mesures similaires au Plan Global de 1993. Pour rappel, ce plan imposé par un gouvernement chrétien-socialiste avait introduit l’index-santé et la norme salariale, qui ont eu des effets négatifs durables sur le pouvoir d’achat de la population.

    Cependant, ces attaques ne peuvent se concrétiser que si le mouvement ouvrier n’oppose qu’une résistance limitée. Et comment mieux restreindre celle-ci qu’avec la bonne vieille tactique du « diviser pour régner » ? L’objectif des discussions communautaires actuelles n’est pas de scissionner le pays mais bien de scissionner graduellement les systèmes de sécurité sociale et de fixation des salaires en systèmes régionaux qui seront mis en concurrence de manière à augmenter plus encore la pression vers le bas sur les salaires et les allocations.

    Un grand merci aux délégations de Total et Degussa !

    Avec leur initiative pour le maintien de la sécurité sociale fédérale, les délégations syndicales de Total et de Degussa ont brisé le silence. Contrairement aux directions syndicales, ces délégations ont mené une large campagne d’information et ont pris leurs responsabilités pour mettre la pression sur les directions syndicales afin de passer réellement à l’action.

    Au moment où politiciens et médias parlent sans arrêt de LA Belgique, de LA Wallonie ou de LA Flandre, patrons et travailleurs confondus, la pétition «Sauvons la solidarité» a l’énorme mérite de partir de la défense des intérêts de TOUS les travailleurs du pays, quelle que soit la région où ils habitent. Elle a néanmoins quelques faiblesses, notamment quand elle déclare que : «La solidarité entre les citoyens les plus riches et les plus pauvres, ainsi que la solidarité entre les régions plus riches et les plus pauvres sont des piliers de notre société belge». Cette affirmation est correcte dans la mesure où tous les acquis sociaux et démocratiques en Belgique ont été obtenus par la lutte commune des travailleurs flamands, francophones, germanophones et immigrés. Mais la « solidarité » des riches n’a jamais été obtenue que par une lutte résolue des pauvres. Et, en ce qui concerne la construction de l’Etat belge, on ne peut que constater qu’elle a été extrêmement antidémocratique et que l’Etat continue à servir les intérêts de l’élite dirigeante.

    Le soutien d’un grand nombre de personnalités a permis à cette initiative d’obtenir une large audience dans les médias. Mais quand certains d’entre eux expliquent qu’ils ont signé la pétition parce que « la Belgique est un pays où il fait bon vivre et qu’il ne faut pas trop changer », il faut leur mettre sous le nez le sort des 15% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et de toutes ces familles qui doivent vivre avec un salaire au rabais ou une allocation de misère. Nous luttons à la fois contre l’élite nationaliste flamande qui désire presser plus encore les travailleurs flamands d’abord, wallons ensuite, comme des citrons et contre l’élite belge des Lippens, Frère et Davignon, qui veulent faire la même chose en une fois à l’échelle de toute la Belgique.

    Un plan d’action est nécessaire !

    En remerciant tous ceux qui ont soutenu leur campagne, les délégations syndicales de Total et Degussa ont dit « Espérons que le 24 octobre signifie aussi le commencement de plus de mouvements syndicaux ».

    Le MAS/LSP les rejoint dans cet espoir. La pétition était une bonne chose et doit être poursuivie mais il faut plus. Partout en Europe « l’Etat-providence » est dans le collimateur. Là où les attaques ont été arrêtées ou limitées, cela a été rendu possible par une lutte massive, avec des manifestations et des grèves, y compris des mouvements de grève générale. En Belgique aussi, « négocier » ne suffira pas.

    Les délégations de Total et Degussa ont clairement fait entendre la voix de la solidarité de tous les travailleurs et leurs familles, l’une des meilleures traditions du mouvement ouvrier belge. Sur le terrain politique, par contre, cette voix n’est plus représentée. Tout ce qu’on peut encore attendre des liens entre les deux grands syndicats et leurs partis traditionnels, c’est qu’ils permettent de limer un peu les pointes les plus dures – parce que cela fait longtemps qu’ils n’arrêtent plus les attaques ! Les travailleurs ont besoin de leur voix propre, indépendante des «communautaristes» flamands et francophones ou des «unitaristes» belges. Elle doit se traduire dans une action concrète et un programme. C’est pourquoi le MAS/LSP appelle à rejoindre le Comité pour une Autre Politique qui a fixé à sa dernière conférence nationale le 20 octobre l’objectif de construire un nouveau parti des travailleurs.

    Les capacités du CAP à réaliser cet objectif dans les années à venir dépendent largement des luttes dans la société et de la façon dont le CAP sera capable de se construire dans ce processus. Actuellement, il s’agit de la seule initiative qui travaille dans cette direction et qui est prête à organiser ensemble les travailleurs, les chômeurs, les pensionnés et les jeunes contre la politique antisociale, tout en laissant aux groupes et individus la possibilité de maintenir leur propre identité et de mener des discussions ouvertes sur les positions que le CAP doit prendre.

  • Introduction d’un service minimum en cas de grève à la SNCB

    Après la plus importante grève du personnel ferroviaire français depuis 1995, notre pays a aussi connu des protestations contre l’idée d’un service minimum. En France, la discussion a aussi tourné autour des retraites, Sarkozy voulant diviser le personnel en s’en prenant par la suite à chaque groupe l’un après l’autre.

    L’importante résistance des cheminots français a cependant contrasté avec les actions en Belgique. Dans les chemins de fer, des actions se sont déroulées le 26 octobre. L’appel était confus : on a demandé au personnel d’arrêter le travail pendant une heure selon leur gré. Voilà une excellente recette pour saper l’aspect collectif des grèves, essentiel dans ce type d’action. Conséquence : avant même d’introduire le service minimum, on a eu un service minimum de grève…

    Cette action ne suffit pas. Il est de plus primordial que le personnel et les utilisateurs soient unis dans la lutte contre la vision néolibérale des transports en commun. Stop à la casse sociale !

  • Manifestation antifasciste à Liège: Non à la librairie fasciste !

    Depuis la mi-juillet, la librairie PRIMATICE, diffuseuse d’ouvrages d’éditeurs fascistes français, s’est installée dans le quartier historique de Hors-Château, au n°58, au coin de la rue Velbruck. On peut y trouver des livres comme "La politique sociale du IIIe Reich", "La judéomanie" ou encore "L’Islam devant le National-Socialisme", vendue par un individu partisan du rétablissement de la peine de mort et du droit du sang et donc de la préférence nationale en matière d’emploi…

    Nicolas Croes

    Le Front Anti-Fasciste (FAF) a donc décidé de coupler la commémoration de la nuit de cristal – quand, en 1938, les nazis ont organisé leur premier pogrom d’ampleur – à une mobilisation contre cette librairie. A cet appel, un peu plus de 200 personnes se sont donc rassemblées et ont défilé, sous la pluie et le froid, vers cette librairie.

    Ce sont principalement des organisations politiques qui ont mobilisé et étaient présentes : aux cotés du FAF se trouvaient le Comité pour une Autre Politique et le Mouvement pour une Alternative Socialiste avec son organisation de jeunesse Résistance Internationale, bien sûr, mais aussi Comac (le mouvement de jeunes du PTB) quelques membres du Parti Communiste et des anarchistes. Des sans-papiers étaient également présents, ainsi que quelques syndicalistes, mais à titre individuel uniquement. En vain pouvait-on chercher les partis traditionnels, qui brillaient par leur absence…

    Devant la librairie, les différentes organisations ont pris la parole. Georges Robert, du FAF, a précisé que cette librairie « est une antenne de la librairie parisienne Primatice qui diffuse des ouvrages d’extrême-droite à la tête de laquelle on retrouve Philippe Randa, connu pour être un auteur fasciste. Notre objectif est de mettre la pression pour que cette librairie ferme ».

    Nous avons également eu l’occasion de nous exprimer, en mettant en avant que nous ne devons pas uniquement nous battre contre l’extrême-droite organisée. La majorité des électeurs du FN ou du VB ne sont pas des nostalgiques du IIIe Reich, beaucoup d’entre eux ont des difficultés à trouver un emploi, un logement social,… et face à l’argument « sans les étrangers, il y aurait plus de place pour les belges », les partis traditionnels n’apportent aucune solution (voir notamment notre article sur Di Rupo et l’immigration). Ils sont même responsables de la politique antisociale qui pousse bien des gens vers l’alternative nauséabonde de l’extrême-droite. Il est honteux de remarquer qu’un pays aussi riche que la Belgique a un taux de pauvreté de 15% ! Dans ce cadre, à côté du combat antifasciste « traditionnel », il nous faut également lutter contre ce système d’exploitation qui engendre la frustration sur laquelle l’extrême-droite peut se développer. Tout ce qui nous divise nous affaiblit dans la lutte contre le capitalisme !

    Il est important de mobiliser contre ce genre de librairie. L’absence de réactions face à ce genre de pratique laisse se développer une certaine confiance chez les néo-fascistes, confiance qui pousse certains d’entre eux à devenir des assassins, comme le cas de Hans Van Themsche l’a illustré à Anvers.

    D’autres actions sont prévues, notamment ce 19 novembre devant le conseil communal de Liège.

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