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Tag: Afrique du Sud
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La jeunesse se lève, il lui faut s’organiser !
On la disait amorphe, abrutie par la téléréalité et les publicités, toute entière concentrée à contempler son nombril et pourtant… Et pourtant la jeunesse – quelle soit tunisienne, espagnole, grecque ou québécoise – a fait son grand retour sur la scène politique. Elle est telle la cime des arbres ; la première à bouger quand arrive l’orage. Ce n’est pas neuf, l’expérience des luttes a toujours vérifié cette observation, et c’est pourquoi le PSL accorde une place particulière à son travail orienté vers la jeunesse, notamment par les campagnes des Etudiants de Gauche Actifs (EGA).
Par Clément (Bruxelles)
Les jeunes (étudiants dans le secondaire ou le supérieur, travailleurs ou chômeurs) ont derrière eux une énorme tradition de lutte et de sacrifice. Leur lutte a inspiré la grève générale de Mai 68 en France, ils ont mis en marche le mouvement qui a jeté l’Apartheid en Afrique du Sud dans les poubelles de l’histoire, ils ont affronté les chars staliniens en Chine place Tienanmen,… Le développement des nouvelles technologies et la baisse globale des luttes consécutive à l’effondrement du stalinisme et à la victoire de la pensée unique néolibérale dans les années ’90 avait nourri la thèse erronée selon laquelle les nouvelles générations n’avaient en tête que jeux vidéos, MacDo, téléchargements et musiques commerciales.
Mais l’effroyable réalité du monde capitaliste est là, et ses conséquences sont plus fortes que tout. Au tournant du millénaire, le mouvement contre la mondialisation capitaliste avait déjà fortement marqué les esprits par cette inattendue combativité des jeunes et cette profonde implication politique dans un mouvement qui dénonçait le système lui-même et non plus l’un ou l’autre symptôme, comme c’était généralement le cas lors de la décennie précédente. Aujourd’hui, les jeunes sont parmi les premières victimes de la crise et de l’exploitation et n’ont d’autre solution que de se battre pour gagner un avenir qui ne soit pas basé sur la crainte du lendemain.
Cette colère face à ce système sans perspective s’est exprimée par les mouvements des Indignés ou Occupy, ou encore par la large implication de la jeunesse dans les récentes grèves générales qui ont secoué le monde (en Europe, mais aussi en Inde, au Nigéria,…). Même le monde virtuel n’est pas épargné ! L’étude annuelle Data Breach Investigations Report, consacrée aux attaques en ligne, a ainsi conclu son rapport consacré à l’année 2011 en disant que 58% de tous les cas de vol de données étaient des conséquences d’”hacktivisme”, un énorme contraste par rapport aux autres années où les attaques des ‘‘cybercriminels’’ (majoritairement des jeunes) avaient un but lucratif.
ORGANISONS LA COLERE !
La jeunesse a un rôle particulier dans la société, parce qu’elle est depuis moins longtemps sous l’influence de l’idéologie dominante (qui, dit-on, ‘‘assagit’’) et parce qu’elle subit moins fortement le poids des défaites passées. Elle est ainsi très souvent la première à se lever contre le système. Mais il lui faut absolument être rejointe par les travailleurs sous peine de voir son énergie et sa volonté de changement s’épuiser sans résultat durable. La jeunesse toute seule ne peut pas renverser le système capitaliste, elle a besoin de la classe des travailleurs, de ses méthodes et de son organisation. Le processus capitaliste de production, de distribution et de communication dépend totalement des travailleurs : sans eux, rien ne fonctionne. Cette position centrale dans l’économie ainsi que leur organisation collective – imposée par la production capitaliste mais également librement construite dans les luttes – leur donne à la fois les capacités de renverser le capitalisme et de construire une nouvelle société.
Il est absolument nécessaire de nourrir le mouvement des travailleurs par l’énergie, le dynamisme, la combativité et l’idéalisme de la jeunesse, de la même façon qu’il est crucial d’éduquer cette dernière grâce à l’expérience des luttes collectives passées et à la tradition de combat du mouvement des travailleurs. Cette collaboration doit être des plus étroites. L’une des principales critiques à porter au mouvement contre la mondialisation est justement d’être passé à côté de cette collaboration.
POURQUOI UN PARTI REVOLUTIONNAIRE ?
De plus en plus de gens – jeunes et moins jeunes – sont bien conscients de la nécessité de changer de système. Mais toute cette énergie cherche sa voie, et est bien souvent gaspillée. Le PSL et son organisation étudiante, EGA, veulent construire le meilleur outil capable de canaliser la colère pour éviter qu’elle ne devienne simplement frustration et constitue au contraire l’énergie créatrice d’une société débarrassée de l’exploitation, une société où l’économie sera aux mains de la collectivité pour fonctionner à son bénéfice. Selon nous, le meilleur outil qui soit est un parti révolutionnaire basé sur l’échange des expériences pratiques et théoriques présentes et passées des militants marxistes révolutionnaires.
Nos campagnes jeunes visent à nous orienter vers la partie la plus dynamique et la plus ouverte de la société, la jeunesse, pour organiser de nouvelles générations de jeunes marxistes. Les différents thèmes (environnement, antiracisme, antisexisme,…) sont pour nous autant d’occasions d’entrer en discussion sur le système qui permet l’émergence de tels problèmes ainsi que sur la meilleure manière de lutter pour le renverser.
Beaucoup de jeunes, pas uniquement eux d’ailleurs, pensent qu’un parti révolutionnaire n’est pas nécessaire et estiment que le caractère oppresseur du pouvoir est inhérent à tout parti. Mais le type de parti que nous construisons n’a rien à voir avec les appareils antidémocratiques bourgeois ou staliniens : c’est un parti organisé démocratiquement au niveau mondial et qui vise à rassembler une minorité la plus politiquement consciente afin de conduire la lutte pour les idées révolutionnaires au sein du mouvement dans son ensemble : dans les syndicats ou les différents mouvements de contestation. N’hésitez pas à entrer plus en profondeur en discussion avec nous à ce sujet !
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Mardi prochain : Action de solidarité avec les mineurs sud-africains
Le député européen Paul Murphy (élu de notre parti-frère irlandais le Socialist Party) appelle à la tenue mardi prochain d’une action de solidarité avec les mineurs sud-africains, victimes en août dernier d’un massacre perpétré par les forces de l’ordre. Ce 18 et 19 septembre se tiendra à Bruxelles le sommet Union Européenne-Afrique du Sud, en présence du président sud-africains. Le PSL soutient cet appel et vous invite à participer vous aussi.
Par Paul Murphy
Chers camarades et amis,
Tout comme vous tous, j’ai été choqué lorsque j’ai entendu parler du massacre de Marikana, le 16 août dernier, commis à l’encontre des mineurs de Lonmin en Afrique du Sud.
34 travailleurs sont morts et 78 ont été blessés en conséquence d’une violence policière particulièrement brutale. Les revendications justifiées des travailleurs et leur droit d’exiger une amélioration de leurs conditions ont dû faire face aux balles. Cette répression était destinée à briser et à criminaliser cette grève déclenchée pour obtenir de plus hauts salaires et de meilleures conditions de travail dans ce qui est l’une des professions les plus dangereuse et risquée au monde.
La grève et la répression brutale sont des conséquences de l’inégalité croissante dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Au sein de la société sud-africaine se développe le sentiment qu’une riche élite noire a bénéficié de la libération du pays du joug de l’apartheid tandis que la majorité des sud-africains noirs peinent à joindre les deux bouts.
La grève de Marikana ne constitue pas un exemple isolé, des grèves prennent de plus en plus place et, ce mois de septembre, 12.000 mineurs du secteur aurifère ont également déposé leurs outils en déclenchant une grève sauvage, sans l’assentiment de leur direction syndicale, à Johannesburg, en exigeant une augmentation de leurs salaires.
Ce fut un grand soulagement d’entendre que suite à la colère et aux protestations, l’Autorité nationale des poursuites (National Prosecuting Authority – NPA) a laissé tomber les charges retenues contre les 270 mineurs arrêtés après le massacre du 16 août et ont été relâchés.
La semaine prochaine, les 18 et 19 septembre, un sommet Union Européenne-Afrique du Sud se tiendra à Bruxelles, sous la présidence d’Herman Van Rompuy et avec la participation du président sud-africain Zuma.
A l’occasion de ce sommet, je vous demande de me rejoindre pour une action destinée à démontrer la solidarité internationale de la gauche en Europe avec les mineurs sud-africains.
Quand ? : Mardi 18 septembre 2012 entre 13h30 et 14h30
Où ? Place Schuman Bruxelles, Belgique
Fraternellement,
Paul
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Afrique du Sud : Après le massacre de Marikana, les inculpations de meurtres et de tentatives de meurtre contre les mineurs provoquent une explosion de colère
Face à l’étendue de la colère, l’Autorité nationale chargée des poursuites judiciaires en Afrique du Sud (NPA) s’est vue obligée de relâcher les 270 mineurs qui avaient été arrêtés après le massacre de Marikana ce 16 août. De plus, le NPA été forcé d’abandonner les inculpations de meurtres qui pesaient à leur encontre. À de nombreuses reprises, les auditions de jmise en liberté sous caution ont été reportées car le NPA commettait sans cesse des abus. Par exemple, les accusés étaient présentés devant la Cour au compte goutte et on violait ainsi leurs droits à un procès équitable. C’est pourquoi les avocats de la défense des mineurs ont posé un ultimatum à Jacob Zuma, président de la république d’Afrique du Sud. Celui-ci devait relaxer les travailleurs d’ici dimanche ou des actions légales à son encontre seraient entreprises devant la Cour Suprême. 170 mineurs ont été relâchés cette semaine. Le NPA a déjà pris la décision d’abandonner les chefs d’inculpations de violence publique, de possession d’armes dangereuses, de possession d’armes et de munitions ainsi que de rassemblement illégal.
Weizmann Hamilton, Democratic Socialist Movement (CIO en Afrique du Sud)
Les chefs d’inculpation de meurtres et de tentatives de meurtre ont été l’étincelle qui a déclenché l’incendie de colère qui a traversé le pays. Des divisions se sont même créées au sein du Congrès national africain (ANC). Le ministre de la Justice, Jeffe Radeba qui bénéficiait du soutien du chef parlementaire de l’ANC, Whip Mathole Motshekga, a demandé des explications de la part du NPA en déclarant: ”je n’ai aucun doute sur le fait que les décisions du NPA aient créé un choc, de la panique et de la confusion» au sein de la population.” (Sunday Independent, 02/09/2012)
Le trésorier général de l’ANC, Matthews Phosa avait déjà averti dans le passé que le chômage de masse dans la population, et plus particulièrement chez les jeunes, formait le terreau d’un ”printemps arabe” sud-africain. Il a formulé des attaques virulentes à l’encontre du NPA en déclarant : ”Inculper des membres clés du mouvement devant une Commission d’enquête est contraire aux règles de la justice, c’est inconsidéré, incongru et presque absurde. D’ailleurs, les conséquences auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui sont absolument épouvantables. Nous n’avons pas besoin d’un autre Marikana.”
En dehors de l’absurdité légale des chefs d’inculpation, ce qui a exacerbé la colère, c’est que la doctrine d’intérêt commun était l’arme légale q’utilisait le régime de l’apartheid contre les luttes anti-apartheid. De plus, les survivants ont été accusés du meurtre de ceux qui se sont faits faucher par la police en direct des télévisions. Ces accusations ont forcé les leaders du Congrès des syndicats d’Afrique du Sud (Cosatu) à condamner cette décision. Pourtant, à la suite du massacre, ils avaient d’abord décidé de collaborer lâchement avec le syndicat des mineurs (NUM) en abdiquant devant la pression que celui-ci lui infligeait. De cette manière ,le syndicat des mineurs, déjà fortement discrédités, tentait de sauver la face.
Qu’une telle décision puisse même avoir été envisagée montre bien à quel point le gouvernement de l’ANC a été poussé vers la droite sous le mandat de Zuma. Après tout, c’est le NPA qui s’était assuré de ne pas voir Zuma suivre la route de ses bienfaiteurs en prison. Ils avaient tous été condamnés pour corruption. En 2009, les chefs d’inculpation qui pesaient contre Zuma ont été abandonnés par le truchement d’une technicité douteuse. De plus, les actions entreprises par le NPA ont lieu seulement quelques semaines après qu’un procureur fût isolé car il résistait aux pressions qui pesaient sur lui. En effet, le NPA voulait qu’il abandonne les inculpations de corruption contre deux personnages importants du Congrès national africain (ANC) à Kwa Zulu Natal, le foyer de soutien de Zuma. En fait, le NPA n’a personne à sa tête car Menzi Simelane, qui avait été désigné par Zuma, a lui aussi été isolé. La Cour Suprême a déclaré qu’il ne possédait pas ”l’honorabilité et les compétences” d’administrer le NPA, c’est pourquoi sa désignation a été jugée inconstitutionnelle. Un officiel de la police a déclaré qu’aucun des travailleurs qui se sont faits arrêter ne pourrait retravailler un jour à Lonmin. D’ailleurs, les agissements du NPA démontrent à quel point les institutions de l’Etat sous l’ANC ont agit comme des agences de sécurité privée pour les patrons des mines. Ces agissement exposent aussi le rôle de la machine qu’est l’Etat sous le capitalisme.
Ce qui est encore plus choquant, ce sont les éléments de plus en plus nombreux qui prouvent ce qui était évident dès le départ: le massacre était prémédité. La propagande empoisonnée qui a été diffusée par la police, une partie des médias et le Syndicat national des mineurs (NUM) immédiatement après le massacre rapportait que la police avait ouvert le feu sur les travailleurs pour se défendre. Cette idée commence à se dissiper. En effet, des enquêtes montrent que de nombreux travailleurs se sont faits tirer dans le dos alors qu’ils tentaient de fuir.
Le journal Sunday paper City Press (02/09/2012) a visité les lieux du massacre accompagné de Greg Marinovich, vainqueur du prix Pulitzer en journalisme. Celui-ci avait tout d’abord établi qu’il y avait deux lieux de combat. Plus tard, il a pourtant trouvé des preuves allant dans le sens des survivants du massacre. Au moins 14 corps ont été découverts à 300 mètres de Wonderkop, le lieu du massacre qui a été filmé par les caméras des chaînes de télévision, dans un endroit que les locaux appellent Small Koppie. City Press a amené les preuves découvertes au Directorat de la police d’investigation indépendante (Ipid) afin d’obliger ses enquêteurs à retourner sur la scène du crime. Ils ont trouvé des carabines R1 usées, des marqueurs de la police aux endroits où les corps étaient tombés, des traces de sang et ce qui semblerait être une tentative de camouflage des preuves. Les travailleurs ont dit à City Press que les mineurs de Small Koppie s’étaient enfuis là-bas mais que la police les avait poursuivi et que des véhicules blindés avaient écrasé des travailleurs en fuite.
La conduite de la direction de Lonmin, du gouvernement et du syndicat des mineurs (NUM) suggère que la décision de faire couler le sang des grévistes avait déjà été prise au plus haut niveau du gouvernement, de la police et de la direction de Lonmin. Le 15 août 2012, la direction de Lonmin, le syndicat des mineurs (NUM) et le syndicat d’association des mineurs et des travailleurs de la construction (AMCU) se sont engagés publiquement sur la chaîne d’information SAFM à entamer des négociations sur base des revendications des travailleurs. L’AMCU est arrivé à la mine à 9h du matin le 16 août. Lorsque les membres de la direction sont finalement arrivés, avec 90 minutes de retard, ils ont dit à l’AMCU qu’il n’y aurait aucune négociation. Les dirigeants de Lonmin ont dit à la délégation de l’AMCU que ”tout était désormais entre les mains des généraux.”
A quelques centaines de mètres de la mine, et à une certaine distance des camps les plus proches, le regroupement des travailleurs sur le site de Wonderkop ne représentait aucun danger pour la mine ou pour le camps. D’ailleurs, certains travailleurs y vivaient. Les mineurs s’étaient armés et s’étaient retirés à Wonderkop, non pas comme un acte d’agression mais plutôt d’auto-défense. En effet, les massacres avaient déjà causés une dizaine de morts car les dirigeants de la sécurité de la mine et le syndicat des mineurs avaient déjà tenter de casser la grève. Cette grève avait été initiée de manière indépendante par les travailleurs.
Les travailleurs ont affirmé à DSM que la grève avait été menée par un comité indépendant formé par les travailleurs suite au refus du syndicat de soutenir les revendications des mineurs. Ces allégations se sont confirmées lorsque le secrétaire général du syndicat, Frans Baleni qui gagne R100 000 par mois, a dénoncé la revendication des travailleurs qui exigeaient un salaire de R12 500 par mois, la trouvant déraisonnable. Les mineurs ont déclaré à DSM que lorsqu’ils ont tenté une approche auprès du bureau du syndicat à la mine, afin de discuter d’une action commune, la délégation s’est faite tirer dessus, et deux membres du comité sont morts. La direction de la mine a une histoire sanglantes et brutale de répression envers les mineurs qui ont l’impertinence d’essayer de briser leurs chaînes de l’oppression et de l’exploitation. C’est sur cette base que la décision d’occuper Wonderkop Hill a été prise.
Le fait que l’Etat ait décidé de déployer l’équipe d’intervention tactique des services de police sud africain armée de carabine automatique R1, de plusieurs véhicules blindés et de barbelés plutôt que de faire appel à la police anti-émeute indique clairement que le massacre était prémédité.
ANC a décidé de réagir à ces événements en réalisant une étude incompréhensible et en adoptant une attitude indifférente et insensible.Ils n’ont toujours pas publier de déclaration condamnant le massacre. Le générale Riah Phiyega, le commissaire de police qui a été désigné récemment, a communiqué à la police après le massacre: ”la sécurité de la population est non-négociable. Ne soyez pas désolés de ce qui s’est passé.” Susan Shabangu, la ministre de l’énergie et des minéraux, s’est réfugiée derrière ”l’indépendance” (qu’on ignore d’habitude) de l’autorité judiciaire qui a rejeté la requête de libération des mineurs. Dans les instants qui ont suivi le massacre, elle a initiallement refusé d’inviter le syndicat rival, le syndicat d’association des mineurs et des travailleurs de la construction (AMCU) afin de remettre les négociations sur les revendications des mineurs sur la table.
Comme Julius Malema, l’ancien président de la ligue des jeunes de l’ANC l’a affirmé à la radio ce matin (sur Khaya FM), pendant plus de 48h, aucun des chefs de l’ANC n’a mis les pieds sur les lieux de l’incident. Il a ajouté que Zuma lui-même, qui a été obligé d’écourter sa visite au Mozambique à cause du massacre, est tout d’abord arrivé sur les lieux sous le couvert de l’obscurité. Ensuite, il aurait seulement rendu visite aux blessés à l’hôpital mais n’aurait pas daigné parler aux travailleurs qui l’attendaient sur la colline. Lorsqu’il n’a plus pu justifier son absence, les travailleurs ont condamné son échec et son incapacité à agir dans l’urgence alors que la situation l’exigeait. Même lorsqu’il a annoncé la mise sur pied de la Commission d’Enquête, Zuma a clairement fait savoir qu’il ne désignerait pas de coupable. Cela venant d’un président dépeint comme la voix des pauvres à la tête d’un parti qui affirme de manière assez maladroite avoir un ”penchant pour la classe des travailleurs” et qui s’efforce d’être une ”force de la gauche disciplinée”.
L’ANC suffoque. Elle est heurtée par l’approfondissement de la crise économique, les profondes inégalités, les problèmes sociaux qui s’accumulent tels que le chômage de masse, la criminalité et la corruption, l’embarras extrême de ne pas être en mesure de fournir des manuels scolaires aux écoles dans plusieurs provinces alors qu’on arrive au trois-quart de l’année. Cette situation est aggravée par les batailles de factions militaires pour la succession à la présidence. Et l’utilisation de la doctrine d’intérêt commun dans les chefs d’inculpation, même si elle a été abandonnée, a renforcé la crise politique profonde que l’ANC traverse. Avec l’incident de Marikana qui a coûté la vie à plus de 34 travailleurs, l’ANC s’est tiré une balle dans le pied.
Désormais, après quatre semaines de grève, les travailleurs de Lonmin tiennent fermement le piquet face à l’énorme pression qui pèse sur eux afin qu’ils retournent travailler. Le Ministre du Travail, des Minéraux et de l’énergie, la Commission pour un arbitrage, une médiation et une conciliation ainsi que le Conseil des Eglises essayent tous de persuader les partis de signer un Accord de paix. AMCU a rejeté cette proposition en déclarant qu’ils n’étaient pas en guerre avec le NUM. Ils veulent que les négociations sur les revendications des travailleurs soient au centre de l’attention dans les efforts de médiation.
En attendant, inspirés par la résistance des mineurs de Marikana, ”la révolte de la mine de platine” selon l’expression utilisée par le Business Day, s’est étendue au secteur de l’or. En effet, 12 500 mineurs du complexe Goldfield’s Kloof Driefontein ont déposé leurs outils ce mercredi.
Ces actions constituent un réel défi à l’organisation de la classe des travailleurs. Le Cosatu a hésité à dénoncer le rôle réactionnaire que jouait leur plus proche affilié, le NUM. Ce silence n’a servi qu’à encourager la direction dans son attitude. Si Cosatu était sorti pour soutenir les revendications des travailleurs avant l’incident, s’ils avaient mobilisé des travailleurs pour organiser des action de solidarité, il est clair que la direction de Lonmin et la police n’auraient pas osé agir aussi sauvagement qu’ils ne l’ont fait. La faiblesse de Cosatu a laissé le champs libre aux agressions des patrons, du gouvernement et de l’Etat.
Une ligne a été tracée dans le sable avec les os sanguinolents des martyres de Marikana. D’en côté il y a la désintégration de l’ANC et de l’alliance tripartite et de l’autre, d’énormes possibilités. L’expérience de l’intervention de DSM à Rustenberg avant les événements de Marikana, démontre le potentiel qui existe pour le développement des idées socialistes ainsi que pour un soutien à la création d’un parti de masse des travailleurs basé sur un programme socialiste.
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Militantisme internet : Le phénomène “Kony 2012”
Rarement auparavant une idée s’est répandue aussi rapidement à la surface du monde. En quelques jours, des dizaines de millions de gens ont regardé la vidéo “Kony 2012” de l’association Invisible Children, qui s’est propagée telle un virus dans tous l’internet et les réseaux sociaux. Choqués par les histoires de meurtres, viols et d’abus d’enfants soldats, de nombreuses voix se sont élevées pour demander que “quelque chose soit fait” contre Joseph Kony et son Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army (LRA)) en Afrique centrale et orientale.
Robert Bechert, CIO
Comment faire cesser le cauchemar ?
Pendant un moment, Invisible Children semblait mener la danse, au fur et à mesure que le soutien s’accroissait rapidement en faveur de leur appel à une action contre Kony. En quelques jours, cette vidéo a engendré une vague de colère, particulièrement parmi la jeunesse américaine. Invisible Children a fait appel à l’idéalisme de nombreux jeunes désireux de se battre pour un monde meilleur, libéré de l’oppression et de la misère. La vidéo a encouragé de nombreux jeunes à se demander ce qu’ils pouvaient faire eux-mêmes. Toutefois, il est rapidement devenu clair que la campagne d’Invisible Children n’était pas ce qu’elle semblait être de prime abord. Certains ont entre autres commencé à se demander pourquoi, dans son dernier rapport financier, Invisible Children, une association charitable dont le but avéré est d’aider les enfants de l’Ouganda, n’a dépensé en Ouganda que 37,14 % de son revenu total.
L’an dernier, le mouvement “Occupy” contre les “1 %” s’est répandu très rapidement à travers tous les États-Unis et dans le monde, fédérant la méfiance et l’hostilité larges à l’encontre des classes dirigeantes et de l’élite. La colère anti-Kony s’est répandue encore plus vite. Beaucoup plus vite. Toutefois, Invisible Children ne s’oppose pas à l’élite américaine ; le logo de leur campagne “Kony 2012” représente l’âne et l’éléphant symboles des deux partis américains, démocrate et républicain. On retrouve parmi les principaux sponsors d’Invisible Children des groupes chrétiens fondamentalistes qui ont leur propre agenda de droite pro-capitaliste.
Nous ne voulons pas ici dénigrer les millions de gens qui ont été enragés par l’histoire de cette vidéo et qui veulent urgemment faire quelque chose, mais ces événements sont un autre exemple de la manière dont les classes dirigeantes, les 1 %, tentent d’utiliser, voire manipuler, l’authentique colère populaire et ce , dans leurs propres intérêts.
Dans ce cas, la réalité est que Invisible Children appelle les États-Unis à maintenir et à approfondir son intervention militaire contre Kony et la LRA. Jason Russell, producteur et narrateur de cette vidéo, prétend que la décision d’Obama d’octobre dernier concernant l’envoi de 100 soldats américains en Afrique centrale afin de chasser Kony ”était la première fois dans l’Histoire américaine que le gouvernement américain a lancé une action non pas pour sa propre auto-défense, mais parce que le peuple l’exigeait.”
Cette position se trouve au centre de la campagne d’Invisible Children. Elle a d’ailleurs répété cette position dans sa réponse officielle aux critiques qui ont été émises à l’encontre de la vidéo et de la campagne “Kony 2012”.
”La mission d’Invisible Children est de mettre un terme à la violence de la LRA et de soutenir les communautés affligées par la guerre en Afrique centrale et orientale… L’objectif de Kony 2012 est de voir le monde s’unir jusqu’à ce que Kony soit arrêté et jugé pour ses crimes contre l’humanité.”
”La campagne Kony 2012 appelle le gouvernement américain à faire quelque chose concernant ces deux problèmes. Nous sommes pour le déploiement de conseillers américains et pour l’envoi du matériel d’information et autre qui puisse aider à localiser Kony et à le soumettre à la justice ; nous sommes aussi en faveur d’une intensification de la diplomatie afin de voir les gouvernements régionaux se tenir à leurs engagements de protéger les civils de ce genre de violence brutale”. (Déclaration officielle d’Invisible Children postée dans la section “Critiques” de leur site internet)
Les arguments d’Invisible Children ont été exprimés plus en détail dans leur lettre du 7 mars adressée au Président Obama :
”Votre décision de déployer des conseillers militaires américains dans la région en octobre 2011 a été une mesure bienvenue visant à plus d’aide aux les gouvernements régionaux dans leurs efforts afin de protéger le peuple des attaques de la LRA …
”Cependant, nous craignons qu’à moins que les efforts américains déjà entrepris ne soient étendus, votre stratégie puisse s’avérer inefficace … Nous vous encourageons à intensifier le déploiement de conseillers américains jusqu’à ce que la LRA cesse de représenter une menace pour les civils …
”Le gouvernement congolais, en particulier, a cherché de manière active à diminuer l’importance de la présence de la LRA et de son impact sur les communautés congolaises. Qui plus est, l’Ouganda a retiré plus de la moitié des forces initialement déployées dans la traque des commandants et groupes de la LRA, et leurs forces n’ont plus le droit d’opérer au Congo, où la LRA commet la majorité de ses attaques sur des civils. Nous vous implorons de contacter directement les Présidents de chacun des quatre pays concernés – en partenariat avec l’Union africaine – afin de renforcer la coopération régionale, d’accroitre les effectifs et la liberté d’action des troupes déployées dans les zones affligées par la LRA, et de renforcer les efforts visant à encourager les désertions des soldats rebelles.”
Mais la politique du gouvernement américain en Afrique ne part pas de l’idée de défendre les intérêts de la vaste majorité des Africains. Quelques jours seulement après que cette lettre ait été envoyée, le général Carter Ham, commandant du United States Africa Command (Africom, Commandement des États-Unis en Afrique), a entamé ainsi son discours annuel devant le Comité des services armées du Sénat américain : ”Nos opérations, nos exercices, nos programme de coopération à la sécurité continuent à contribuer aux objectifs politiques américains en Afrique, à renforcer le partenariat et à réduire les menaces envers l’Amérique, les Américains, et les intérêts américains basés en Afrique.”
Malgré le taux de croissance relativement élevé de l’Afrique en ce moment, principalement basé sur l’exploitation des matières premières, la majorité de la population n’en tire quasiment aucun bénéfice. Dans de nombreux pays, le niveau de vie ne s’élève qu’à peine ; souvent l’inflation élevée des prix de l’énergie et de la nourriture sape en réalité ce niveau de vie.
Le Nigéria est en ce moment présenté comme étant un des meilleurs “espoirs” du capitalisme en Afrique, mais rien que le mois dernier, l’Office national des statistiques a rapporté que ”Alors qu’en 2004, le taux de pauvreté relative du Nigéria s’élevait à 54,4 %, celui-ci s’est accru à 69 % en 2010, soit 112 518 507 Nigérians ». Ceci, malgré les statistiques officiels qui montrent que le PIB nigérian s’est accru de 7,35 % chaque année entre 2004 et 2010. Et la situation continue à empirer. En même temps que l’annonce de ces chiffres, le Statisticien général du Nigéria a ajouté que « en mesurant la pauvreté en termes relatifs, absolus et en dollars-par-jour, l’Office national des statistiques estime que la pauvreté pourrait s’être accrue respectivement à environ 71,5 %, 61,9 % et 62,8 % en 2011” (The Guardian de Lagos, 14 février 2012).
C’est l’échec permanent de l’Afrique à se développer qui est la cause de tous les troubles, de toute l’oppression et de toutes les guerres qui semblent être la caractéristique de ce continent. Cela n’est pas quelque chose de typiquement “africain” : les autres continents du monde n’ont pas non plus connu une histoire sans guerre ni oppression ; mais aujourd’hui, dans un monde dominé par l’impérialisme, les perspectives pour un développement capitaliste en Afrique sont sévèrement limitées.
Voilà la raison pour les nombreux maux qui affligent le continent.
L’histoire de l’Ouganda
L’histoire sanglante de l’Ouganda et des pays l’environnant n’est qu’un autre triste exemple de ce fait.
Au cours des dernières décennies, l’Ouganda a vu une dictature faire place à une autre, au fur et à mesure que les différentes élites dirigeantes en lutte les unes contre les autres ont cherché à s’accrocher au pouvoir dans une situation où les droits démocratiques étaient réprimés ou limités parce que l’économie capitaliste locale était trop faible que pour pouvoir se permettre la moindre concession durable. Rien qu’en avril et mai dernier, les manifestations contre la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture n’ont reçu pour seule réponse que la répression policière et la censure de la part du régime autoritaire de Museveni. L’inflation galope à près de 44 %, ce qui veut dire que le taux de pauvreté de l’Ouganda va certainement continuer à s’accroitre.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport mondial 2012, a condamné le fait qu’en Ouganda « pendant les manifestations d’avril 2011, à la suite des élections présidentielles de février, l’utilisation non-justifiée de violence mortelle par les forces de sécurité ougandaises ont causé la mort de neuf personnes. Les politiciens de l’opposition et des centaines de leurs partisans ont été arrêtés et condamnés pour réunion illégale et incitation à la violence, tandis que des agents étatiques battaient et harcelaient les journalistes qui relayaient le mouvement » (22 janvier 2012).
Mais ces conflits ne visent pas seulement des enjeux économiques ; s’y retrouvent mêlés également des conflits nationaux et des rixes entre différentes couches rivales au sein de l’élite, tout cela parfois en collusion avec diverses puissances impérialistes rivales.
En Ouganda, le dirigeant actuel, Museveni, est arrivé au pouvoir en 1985 après le renversement de Milton Obote. Au cours de son règne, Obote avait le soutien de la population Acholi du nord de l’Ouganda ; cette population a beaucoup souffert après son renversement.
Human Rights Watch, qui soutient la campagne anti-Kony, a dû admettre que ”L’Armée de résistance du Seigneur a commencé à se battre contre le gouvernement ougandais au milieu des années ’80, en partie en guise de réponse à la marginalisation de la population du nord du pays par le gouvernement” (9 mars 2011).
Kony lui-même est un Acholi. Dans son “Histoire de la guerre”, Invisible Children décrit ce qui est arrivé aux Acholis : ”À partir de 1996, le gouvernement ougandais, incapable de stopper la LRA, a exigé des habitants du nord de l’Ouganda qu’ils quittent leurs villages pour se rendre dans des camps gouvernementaux pour “personnes déplacées en internes” (IDP). Ces camps étaient censés avoir été créés pour la sécurité des populations, mais ils étaient pleins de maladies et de violences. À l’apogée du conflit, 1,7 millions de gens vivaient dans ces camps à travers toute la région. Les conditions y étaient ignobles et il n’y avait pas moyen d’y vivre. C’est ainsi que toute une génération du peuple acholi est né et a grandi dans ces camps.”
Il a été estimé que près de 80 % de la population du nord de l’Ouganda a été déportée de force dans ces camps ou “villages protégés”, et bien que la plupart ait apparemment quitté les camps, les réfugiés qui revenaient chez eux se sont de plus en plus retrouvés confrontés à des conflits ayant pour enjeu leur droit de revenir vivre sur la terre qu’ils ont autrefois habitée et cultivée.
Mais bien que les origines de la LRA tirent en partie leurs racines de la tragédie du peuple acholi à partir du milieu des années ’80, il ne fait aucun doute que la LRA n’a jamais, au grand jamais, été un mouvement de libération visant à protéger les Acholis ; dans les faits, elle n’a été qu’un oppresseur de plus.
La LRA a quitté l’Ouganda en 2006 au moment du démarrage des négociations de paix ; mais ces pourparlers ont finalement échoué à parvenir à un accord. Ceci a mené à l’attaque militaire sur la LRA, la toute première opération organisée par l’Africom récemment créée. Cette attaque, soutenue par Invisible Children, est décrite en ces termes par l’association dans son “Histoire de la guerre” : ”En décembre 2008, lorsqu’il est devenu clair que Kony n’allait pas signer l’accord, l’opération “Tonnerre d’éclair” (Operation Lightning Thunder) a été lancée. Cette opération était le résultat d’une action coordonée de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Soudan, avec le soutien des États-Unis en matière de logistique et de renseignements.”
Il est clair que, vu son silence autour de ce qui est maintenant en train de se passer en Ouganda et son soutien actif pour l’intervention militaire américaine, les organisateurs d’Invisible Children sont en train, intentionnellement ou non, de mobiliser pour des actions qui, tout en pouvant permettre de porter le coup final à ce qui reste de la LRA, ne feront pas pour autant cesser le cycle de violence à l’encontre des enfants et des adultes.
Invisible Children ne peut même pas affirmer que l’administration Obama est sérieuse concernant une de leurs principales revendication – la fin de l’exploitation d’enfants-soldats. Rien qu’en octobre dernier, l’administration Obama a donné son feu vert à une continuation du financement militaire par les États-Unis du Yémen, du Tchad et de la RDC, malgré la persistance de l’utilisation d’enfants-soldats par ces pays. Cela était censé cesser après l’adoption du Child Soldiers Pervention Act en 2008, pour lequel Obama lui-même avait voté en tant que sénateur. Mais maintenant, en tant que président, Obama signe des accords justifiés par “les intérêts de la sécurité nationale” (ABC News, 5 octobre 2011). Le gouvernement américain est d’une hypocrisie monstre concernant les enfants-soldats. Alors que Kony est dénoncé pour son usage d’enfants-soldats, personne ne dénonce le pays dans lequel la LRC est basé aujourd’hui, la RDC !
Tout cela montre bien que, malgré tout le vernis humanitaire, la politique de la classe dirigeante américaine (et d’autres) n’est déterminée que par la défense de ses propres “intérêts nationaux” (càd, les intérêts de ses “propres” capitalistes).
Il est tragique, vu l’énorme soutien qu’ils ont gagné au cours des dernières semaines, de constater qu’Invisible Children suivent la politique étrangère du gouvernement américain sans la moindre critique, et sont très sélectif dans ce qu’ils dénoncent.
Tout en dénonçant Kony, Invisible Children se tait sur les exactions de Museveni en Ouganda, ce qui est cohérent avec la position du gouvernement américain qui le considère comme un allié crucial dans la région.
Ce silence sur la véritable situation en Ouganda pousse Invisible Children à mettre en avant la Cour pénale internationale qui a émis des mandats d’arrêt à l’encontre Kony et de deux autres commandants de la LRA, mais à se taire sur le fait que le gouvernement ougandais a lui-même ignoré une décision de la Cour de justice internationale, prise en décembre 2005, selon laquelle l’Ouganda devrait compenser la RDC pour les exactions et le pillage des ressources qui y ont été commises par sa propre armée entre 1998 et 2003. En ce moment, la RDC réclame 23,5 milliards de dollars à l’Ouganda en guise de réparation pour ses opérations militaires sur le territoire de la RDC.
Par cette mise en question des véritables motivations d’Invisible Children, nous ne voulons en aucun cas nier la brutalité et la barbarie de la LRA, mais nous voulons nous opposer aux tentatives de mobiliser sur cette base un soutien à la politique hypocrite qu’Obama mène en Afrique.
Invisible Children mobilise
Invisible Children prétend avoir « inspiré la jeunesse américaine à faire “plus que simplement observer” ». Il ne fait aucun doute que des millions de gens ont senti qu’ils pourraient faire “quelque chose”. La vidéo “Kony 2012” a eu un énorme effet. La rapidité de son impact n’a jamais été vu auparavant. À peine 4 personnes avaient vu la vidéo le 3 mars, mais ils étaient 58 000 le 5 mars à avoir visionné la vidéo, puis 2,7 millions le 6 mars et 6,2 millions le jour suivant. Aujourd’hui, plus de 80 millions de gens ont vu cette vidéo.
De nombreux jeunes américains ont donné de l’argent à Invisible Children, d’autres achètent le “kit d’action” à 30 dollars ; la journée d’action du 20 avril pourrait générer un large soutien.
Mais, étant donné la politique suivie par Invisible Children, il existe un grave danger que cette énergie sera simplement détournée afin de fournir un soutien à la politique de l’administration Obama qui vise à renforcer son influence en Afrique, à un moment où les autres puissances telles que la Chine ou le Brésil se lancent également dans la course pour ce nouveau repartage de l’Afrique. Malgré toutes les belles paroles contre Kony et la LRA, l’administration Obama, tout comme ces prédécesseurs, est complètement hypocrite dans son soutien à “ses propres” régimes autoritaires et dictatoriaux, tels que l’Ouganda. Tout en comprenant bien le désir de la part des victimes de la LRA de recevoir une aide extérieure contre Kony, les socialistes rappellent que les gouvernements capitalistes extérieurs ont leurs propres intérêts. La BBC a beau faire état maintenant de populations en RDC qui appellent Obama à intervenir contre la LRA, cela ne représente pas une solution durable pour le peuple congolais. N’oublions pas que pendant des décennies, tous les présidents américains, républicains comme démocrates, ont soutenu le règne brutal du bandit Mobutu et l’ont aidé dans son pillage du pays qui est aujourd’hui la RDC.
La seule manière de réellement agir dans les intérêts des enfants, des pauvres, des opprimés et de la population laborieuse de manière générale en Afrique, est d’aider ces gens à construire leurs propres mouvements indépendants, des mouvements qui n’auront aucune confiance dasn les gouvernements capitalistes ou dans la moindre intervention étrangère, mais qui mèneront la lutte pour transformer la société.
Malgré les horreurs de la guerre en Afrique centrale et orientale, nous avons déjà vu cette année de puissants mouvements de masse dans d’autres pays africains contre l’oppression et la misère et pour le changement, tel que les grèves générales au Nigéria et en Afrique du Sud.
La rapidité avec laquelle s’est répandue la colère contre Kony est une véritable source d’inspiration. Le mouvement ouvrier doit tout faire pour s’assure que l’idéalisme enthousiaste et le désir de changement affiché par l’explosion exponentiel de l’intérêt en faveur de la campagne “Kony 2012” puisse être mobilisé en tant que partie prenante d’une véritable lutte contre l’exploitation, la misère et la guerre.
Le défi pour les socialistes authentiques est de contribuer à relier la colère de la jeunesse face aux crimes commis par des groupes tels que la LRA et son désir de faire quelque chose à la construction de mouvement capables de renverser le système capitaliste qui corrompt et empoisonne les vies de tant de gens, au lieu de voir cette colère et ces aspirations se faire canaliser par des personnes qui veulent éviter de voir remis en question l’ordre capitaliste existant.
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Afrique du Sud : Bilan des élections locales de mai 2011
L’ANC garde une large majorité, mais son autorité politique est affaiblie
L’analyse officielle du résultat des élections locales du 18 mai en Afrique du Sud est plutôt ennuyeuse. Bien que les élections aient marqué un développement dans un bien plus grand scrutin pour le plus grand parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), et un léger déclin des voix pour le Congrès national africain (ANC), cela n’est pas en soi une cause de souci pour le parti au pouvoir. L’ANC a, comme d’habitude depuis les premières élections démocratiques en 1994, récolté une écrasante majorité des voix (63%).
Liv Shange, Democratic Socialist Movement, section sud-africaine du CIO
La DA n’est certainement pas en état de rivaliser avec cela, malgré sa percée à 23% (contre 16% lors des dernières élections, en 2006). Cependant, sous la surface, ces élections marquent un important tournant – les mouvements de protestation passifs du passé, tels que l’abstention ou l’apathie pure, ont commencé à se transformer en des tentatives actives d’obtenir une représentation ouvrière indépendante.
Dans un contexte d’intensification des luttes dans les communautés ouvrières pauvres et dans les entreprises, en plus du dégout croissant envers le mode de vie de luxe et de corruption des élites dirigeants, le nombre de candidats indépendants et de nouvelles organisations militantes – la plupart avec une orientation socialiste – s’est élevé à un niveau sans précédent. Plusieurs de ces nouvelles formations ont maintenant obtenu une avancée significative.
Le résultat final des élections a été publié le 24 mai : l’ANC a reçu 63%, contre 66% lors des dernières élections locales en 2006 et des élections parlementaires de 2009. La DA, qui est un parti néo-libéral dominé par des blancs, a gagné des voix après avoir été rejoint par un autre petit parti (les Démocrates indépendants), et a organisé une campagne intense dans le but de se présenter en tant qu’“opposition officielle”. Malgré ses tentatives désespérées de se débarasser de son étiquette pro-apartheid, voter pour la DA est toujours quelque chose d’impensable pour la plupart des noirs. Cependant, il ne faudrait pas exagérer l’importance des gains de la DA, et en particulier sa capacité à construire sur base de cette progression et sans avoir aucune alternative à offrir à la classe ouvrièr. Le fait que la DA soit parvenue à passer la barre des 20% (avec quelques gains dans des quartiers ouvriers noirs) est surtout important pour l’effet que cela a sur la confiance en soi de l’ANC, et pour la manière dont cela va accélérer le processus qui mènera à démasquer ce parti de droite au regard de ceux qui lui ont aujourd’hui donné des votes de protestation ou qui croient réellement que cela va changer quelque chose.
Dans un climat de polarisation sociale et politique croissante, le taux de participation aux élections a été plus élevé que d’habitude lors des élections locales, en même temps que les petits partis d’opposition ont perdu de leur soutien. La chute la plus abrupte a été celle du Parti Inkatha de la liberté (IFP) – un ancien parti séparatiste zoulou anti-apartheid qui avait une forte base dans la province KwaZulu-Natal – qui a maintenant totalement disparu, avec l’effondrement quasi-total de ses voix lors de ces élections. Le parti ne contrôle plus que deux municipalités dans le KwaZulu-Natal ; la plupart seront maintenant dirigées par des coalitions de l’ANC et du NFP (Parti national pour la liberté, une scission de l’IFP).
L’ANC et ses partenaires de l’Alliance tripartite – le Parti communiste d’Afrique du Sud (SACP) et le Congrès sud-africain des syndicats (Cosatu, le plus grand syndicat du pays, et historiquement le plus radical) – ont malgré leur victoire été incapable de cacher leur réconfort, tout en proclamant que les voix en leur faveur prouvent la confiance éternelle que placent les gens dans ce parti. Ils se sont au passage sentis obligés d’annoncer des mesures afin d’endiguer la vague de mécontentement croissante contre la gestion des municipalités par l’ANC. Des politiciens vont être “envoyés” dans les “zones à problèmes” afin d’y écouter le peuple. Un nouveau système de redevabilité va être mis en place aussi vite que possible pour les conseils communaux et les maires.
La nervosité de l’ANC est un signe, malgré la large majorité électorale, de la perte d’autorité politique de plus en plus prononcée de ce parti. De prime abord, un regard de plus près par rapport à l’arithmétique des élections révèle en soi le fait que le parti a reçu sa plus petite part des voix depuis 1994 : 63% des 13,6 millions d’électeurs signifie 8,1 million de voix. 23,7 millions de gens sont inscrits en tant qu’électeurs – en d’autres termes, cela signifie que 10 millions de personnes se sont abstenues ; plus du double des gens qui ont voté pour l’ANC. L’ANC a reçu seulement 25%% des voix de l’ensemble de la population inscrite aux registres électoraux.
Pendant la campagne électorale, il semblait que l’aura de “libérateur” de l’ANC (provenant de son passé de lutte contre l’apartheid, NDT), bien que celle-ci continue à être son meilleur atout, avait perdu une grande partie de son pouvoir d’attraction aux yeux des travailleurs. Dans les derniers jours de la campagne électorale, les tentatives de jouer cette carte ont pris une tournure plus brutale et raciale que jamais – par exemple, Nceba Faku, un dirigeant de l’ANC à Port Elizabeth, a dit que ceux qui n’ont pas voté pour l’ANC (ciblant en particulier les blancs) devraient être “jetés à la mer”. De manière générale, toutefois, la campagne a été caractérisée par une revue à la baisse de l’arrogance habituelle de ce parti, et l’adoption d’une approche plus humble, du style « Nous savons qu’il y a des problèmes mais s’il-vous-plait donnez-nous une autre chance de les résoudre ».
Le meurtre par la police du manifestant Andries Tatane le 13 avril, juste devant les caméras de la télévision, a lui aussi contribué à cette approche plus prudente. Andries Tatane, âgé de 33 ans, faisait partie des dirigeants d’une manifestation pour de l’eau propre pour le township de Meqheleng, dans la petite ville de Ficksburg. Il s’est lui-même désigné comme cible de la démonstration de force de la police en remettant en question l’aspersion d’un vieillard au canon à eau. Les coups et balles des huit policiers qui ont battu à mort un Tatane sans défense ont été vus au journal télévisé par des millions de gens le soir même, ce qui a ému le pays tout entier. Cela a contribué, parmi d’assez larges couches de la population, à une plus grande compréhension de quelle classe le gouvernement représente en réalité.
La violence policière contre les manifestations n’est pas en soi quelque chose de nouveau ; plusieurs manifestants ont été abattus au cours des dernières années. Un délégué du SAMWU (syndicat des travailleurs des administrations communales) avait lui aussi été tué par la police un mois plus tôt lors d’une manifestation des chauffeurs de bus de Tshwane (= nouveau nom de Pretoria, capitale du pays et cinquième plus grande ville avec 2 millions d’habitants, NDT). Après les élections, d’autres manifestants ont encore été abattus par la police, mais bien à l’abri des caméras de télévision cette fois-ci. La répression étatique fait de plus en plus partie d’une tendance générale vers un populisme de droite autoritaire. La police a reçu l’ordre de “tirer pour tuer”, et est entre autres revenue aux grades et à la formation qui étaient en vigueur du temps de l’apartheid.
La manifestation à Meqheleng n’était qu’une des nombreuses actions qui se sont déroulées au cours des mois qui ont précédé les élections, constituant une autre vague de troubles dans ce qui est en réalité un flux général de “protestations concernant la prestation des services” long déjà de plusieurs années – avec des manifestations et parfois de véritables révoltes locales pour de meilleurs services gouvernementaux tels que le logement, l’électricité, l’eau, les égouts ; contre la corruption et les politiciens égoïstes.
L’Afrique du Sud est officiellement le pays le plus inégal du monde. Le pourcent le plus riche de la population possède 70% de l’économie. Les vingt pourcents les plus pauvres en détiennent 1%. Bien que l’Afrique du Sud soit parvenue à éviter les crises bancaires et la crise de la dette d’État qui a frappé d’autres pays pendant la récession économique mondiale toujours en cours, le pays a été fortement frappé par la crise. La production industrielle a chuté de 7% en 2009. Plus d’un million de gens ont perdu leurs emplois entre début 2009 et la mi-2010, s’ajoutant à la masse déjà présente de chomeurs longue durée, faisant passer le taux de chômage à 36% (25% officiellement). Tout comme en ce qui concerne l’économie mondiale dans son ensemble, la récente reprise en Afrique du Sud est faible et limitée. Cette année, on a déjà vu la grève des travailleurs communaux tels que les éboueurs et les chauffeurs de bus ; mais également les positions de plus en plus dures entre les syndicats du métal et des mineurs et leurs employeurs respectifs pourraient vouloir dire que de nouvelles grèves seront bientôt à l’ordre du jour.
La grève des 1,3 millions de travailleurs du secteur public en aout 2010 a été un important tournant dans l’évolution de la manière dont les travailleurs organisés les plus conscients perçoivent le gouvernement ANC de Jacob Zuma. Le président Zuma est arrivé au pouvoir lors des élections générales de 2009 après avoir pris la direction de l’ANC, porté par la quasi révolte du SACP et du Cosatu contre l’ancien président Thabo Mbeki lors de la conférence du parti en décembre 2007. Mais la résistance entêtée du gouvernement Zuma contre les revendications des travailleurs du public, couplée à la dure répression de la grève du public (arrestations de masse, brutalité policière), a porté un coup fatal au mythe de “Zuma, l’ami des travailleurs et des pauvres”.
La pression sur les dirigeants du SACP et du Cosatu, qui avaient guidé leurs membres en troupeau vers le kraal de Zuma, s’est énormément intensifiée dans la période qui a suivi la grève du secteur public. Les divisions au sein du Parti “communiste”, qui fournit au Capital ses ministres les plus fiables dans le gouvernement ANC, deviennent de plus en plus évidentes, comme on l’a vu dans la question des élections. Le SACP ne se présente pas de lui-même aux élections, mais soutient et travaille au sein du parti “progressiste bourgeois” qu’est selon lui l’ANC. Après que les chefs du SACP soient apparemment parvenus à contenir les frustrations de leur base concernant cette question et d’autres, il y a eu plusieurs scissions, avec le départ de groupes qui se sont présentés aux élections par eux-mêmes.
La division entre la direction du SACP et leurs disciples idéologiques du Cosatu devient aussi de plus en plus apparente. En octobre, le Cosatu a organisé une “Conférence de la société civile”, aux côtés de plusieurs mouvements sociaux (comme par exemple la Campagne d’action pour le traitement, qui se bat pour un accès équitable aux soins de santé pour toutes les personnes séropositives). La conférence se présentait comme une tentative d’unir les travailleurs et les pauvres autour d’un nouveau programme politique – et ni l’ANC, ni le SACP n’ont été invités. Cela a provoqué un invraisemblable tollé de la part de la direction de l’ANC, qui a accusé le Cosatu de vouloir effectuer un “changement de régime”.
Un changement de régime et la formation d’un nouveau parti des travailleurs indépendant ne faisait malheureusement pas du tout partie des objectifs des dirigeants du Cosatu. La Conférence de la société civile a été une tentative de relâcher la pression contre toute possibilité d’émergence de véritables efforts de construire une alternative à l’ANC – cette menace étant de plus en plus présente dans l’air. Bien qu’ils soient jusqu’ici en apparence parvenus à éviter ce piège, la conférence a eu à un niveau plus fondamental l’effet opposé, en légitimant l’idée que le mouvement ouvrier pourrait élaborer son propre programme politique sans recourir ni à l’ANC ni à son Alliance.
La réponse paranoïaque de la direction de l’ANC par rapport à la Conférence de la société civile montre bien quel était l’effroi qu’elle ressentait tout en s’avançant vers les élections de mai. Pour éviter l’importante désintégration de sa base électorale et la possible mobilisation hostile des non-électeurs qu’il craignait certainement, le parti au pouvoir a recouru à des mesures extraordinaires : plutôt que de permettre aux structures de l’ANC d’élire elles-mêmes les candidats du parti au gouvernement local comme d’habitude, le processus a été “démocratiquement” ouvert à la participation de communautés entières. Les non-membres de l’ANC ont ainsi reçu l’opportunité de mettre de côté toute une série de politiciens locaux ANC détestés et corrompus et d’élire les candidats de leur choix au nom du parti. Cette soi-disant démocratisation a été dans les faits un coup d’État bureaucratique au sein de l’ANC, privant les membres du parti de leur droit souverain d’élire les représentants de leur propre organisation. Inévitablement, le coup d’État par en-haut du parti a été dans de nombreux endroits accueilli par des contre-coups de la part des couches et factions inférieures au sein de la bureaucratie du parti, ignorant les choix de leurs communautés et mettant en avant leur propre candidat malgré tout. Partout dans le pays, l’imposition des candidats par les structures de l’ANC a été suivie par de violentes manifestations de masse.
Tandis qu’approchait le jour des élections, la situation devenait si instable que le président Zuma s’est senti obligé d’intervenir avec la promesse que les candidats “imposés par l’ANC” seraient remplacés une fois que les élections seraient terminées. Il n’avait probablement même pas un mandat de la part de son parti pour proclamer cette mesure d’urgence, qui, comme on aurait pu s’y attendre, est aujourd’hui en train d’attiser l’incendie du factionnalisme au sein de l’ANC et de l’Alliance plutôt que de l’éteindre. Par exemple, la première réunion du Conseil municipal dans la ville de Bizana (200 000 habitants, NDT) dans la province du Cap-Est a dû être reportée au 1er juin, après que l’Hôtel de ville ait été bloqué par une foule en colère qui a été jusqu’à lancer une bombe au pétrole. La police a répondu par des tirs de balles en caoutchouc et par l’arrestation de 38 manifestants.
Lors des précédentes élections, la position plus ou moins organisée par les organisations basées sur des communautés ouvrières impliquées dans des protestations de “prestation de services” a été de punir l’ANC en boycottant les élections. Cette position a été clairement résumée dans le slogan de l’organisation des habitants de bidonvilles Abahlali Base Mjondolo Movement : « Pas de terrain, pas de maison – pas de vote ! » À côté des tentatives de forcer l’ANC à accepter les candidats “du peuple”, ces élections ont été marquées par un tournant parmi les communautés en lutte vers une remise en question plus active de l’ANC. Le nombre de candidats indépendants s’est accru de 14% comparé aux élections locales de 2006 (parmi de tels candidats il y a bien sûr certains opportunistes, mais ces candidats représentent pour la plupart des communautés organisées et combatives dans leurs districts respectifs). De plus, près d’un millier de candidats ont été présentés par diverses organisations militantes telles que les “forums de communauté” et autres “associations de résidents préoccupés”. Parmi celles-ci, il y avait aussi quelques organisations à orientation socialiste, y compris des scissions du SACP. Par exemple, le parti Mpumalanga à Moutse, dans la province de Mpumalanga, a été formé deux mois avant les élections sur base d’un véritable effondrement local de l’Alliance tripartite. Ce parti a gagné 12 sièges au conseil municipal, avec le soutien d’environ 11 000 personnes ! (sur environ 200 000 habitants, NDT)
Un exemple qui illustre bien notre propos est celui du quartier de Khutsong dans le township de Merafong, au sud de Johannesburg. Ici, les habitants, organisés dans le Forum pour la démarcation de Merafong, ont organisé un boycott total des élections en 2006 (seule une poignée de votes ont été effectués), en protestation contre le “transfert” de leur township, qui est passé de la province de Gauteng (la province de Pretoria, qui est la plus riche du pays) à la province du Nord-Ouest (la plus pauvre du pays), via le redessinement des frontières provinciales. Cela a au final mené à une victoire – l’ANC a reculé et l’ensemble de Merafong a été incorporé dans la province de Gauteng. C’était une importante victoire symbolique – mais concrètement vide de sens, puisque les besoins de la classe ouvrière continuent à être négligés dans toutes les provinces quelles qu’elles soient. En même temps, le Forum pour la démarcation de Merafong s’est transformé en un Forum pour le développement de Merafong, dont la direction a été largement cooptée par l’ANC. Mais il est ici remarquable de constater que les militants impliqués dans ce mouvement de protestation, qui a été un exemple pour l’ensemble des communautés de toute l’Afrique du Sud, se sont basés sur leur expérience pour créer l’Association civique de Merafong (MCA) afin de poursuivre la lutte, y compris en se présentant aux élections plutôt qu’en les boycottant. La MCA a obtenu un score honorable en récoltant les voix de plus de 600 personnes (sur 200 000 habitants, NDT).
Le Democratic Socialist Movement (DSM), section sud-africaine du Comité pour une Internationale ouvrière, a soutenu lors de ces élections les campagnes du Mouvement Opération Khanyisa (OKM) à Thembelihle et à Soweto dans la banlieue de Johannesburg, ainsi que des candidats indépendants à Soweto et la Coalition verte-socialiste à Durban – tous ces groupes étant basés sur des plateformes combatives et acquis aux principes du droit de révocation, d’absence de privilèges, etc. Avec un total de 4400 voix (y compris les voix de listes de représentation proportionnelle et les voix pour les candidats des quartiers), l’OKM est parvenue à conserver son siège de représentation proportionnelle que le parti détient depuis 2006, et a été le principal rival de l’ANC dans les quartiers dans lesquels il s’est présenté. Le DSM est également en contact avec d’autres organisations qui ont présenté des candidats, comme le récemment formé Mouvement citoyen socialiste (SCM), qui s’est construit sur base des mouvements de protestation virulents des dernières années dans la municipalité de Balfour de la province de Mpumalanga. Le SCM est parvenu à obtenir un peu plus de 9% des voix à Balfour ! Le DSM espère pouvoir construire sur base de ces petits pas en avant et de la hausse de la conscience politique qu’ils représentent en prenant l’initiative de rassembler au cours des prochains mois autant de ces organisations que possible, ensemble avec les syndicats de la base, les jeunes et les étudiants, pour établir une stratégie et concentrer la lutte pour une alternative politique pour la classe ouvrière.
Le nouveau Front démocratique de gauche (DLF), qui a été lancé en janvier 2011 et dans lequel le DSM a participé depuis sa création en 2008, a malheureusement manqué l’opportunité de tenter de rassembler les nombreux mouvements de protestation isolés qui continuent à ébranler les communautés ouvrières pauvres, les entreprises et les institutions éducationnelles. À la suite de l’intervention du DSM, le DLF s’est vu contraint d’affirmer son soutien à des candidats indépendants, socialistes et combatifs lors de ces élections, mais dans la pratique, cela n’a pas été plus loin qu’à quelques déclarations de circonstance dans sa mailing list.
Le potentiel pour un nouveau parti ouvrier a cependant été mis en évidence par les succès de, par exemple, le SCM et le parti Mpumalanga. Bien que les dirigeants syndicaux gardent toujours la plupart des travailleurs organisés enfermés au sein de l’Alliance tripartite, il est évident que les tensions que cela crée en son sein, et en particulier à l’intérieur des syndicats Cosatu, deviennent de plus en plus intenables. Le syndicat des travailleurs communaux SAMWU a menacé de lancer une grève nationale quelques jours à peine avant les élections, après avoir annoncé quelques semaines plus tôt qu’il devenait impossible de convaincre les travailleurs d’aller voter pour l’ANC. Le gouvernement est intervenu avec des promesses, et la grève a été annulée à la dernière minute, mais une fois qu’un tel défi politique a été lancé, il ne peut pas être retiré aussi facilement. Quelles que soient les autres considérations qui ont pu influencer cette pirouette de la part de la direction du SAMWU, cela reflète les tentatives de la part des travailleurs de tester la marge de manœuvre politique au sein de leurs syndicats.
L’Alliance avec l’ANC signifie que les dirigeants du Cosatu œuvrent souvent directement à l’encontre des intérêts de leurs membres, en important dans les entreprises les luttes entre les diverses factions pro-capitalistes de l’ANC, et en transférant leur collaboration de classe politique avec le représentant favori des patrons – l’ANC – sur le plan de la collaboration de classe concrète avec les patrons eux-mêmes. Il est honteux de constater que les dirigeants du Cosatu se trouvent souvent en train de se concentrer sur la construction de relations mutuellement bénéficielles avec les capitalistes plutôt que d’élaborer un programme pour une action de front uni des travailleurs contre tous les représentants du patronat. Le dernier de ces développements, qui est aussi le plus révoltant, a été le licenciement de l’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee à Rustenburg par la compagnie Lonmin (le troisième producteur mondial de platine) après que ceux-ci soient partis en grève spontanée – provoquée par la collaboration de leurs propres dirigeants nationaux du Syndicat uni des travailleurs des mines (NUM, la plus grosse centrale du Cosatu) avec la direction de l’entreprise, qui vise à supprimer l’élection démocratique des délégués par les travailleurs. Les travailleurs de Karee ont aussi vu le lien avec l’ANC et ont été chahuter le bureau de vote local le jour des élections en signe de protestation.
Les élections locales de 2011 ont été organisées sur un fond de contradictions de classe croissantes et de fissures dans le mythe selon lequel le gouvernement ANC est l’ami des travailleurs et des pauvres, contradictions qu’elles ont elles-mêmes renforcées. Malgré le soutien et la protection des dirigeants du SACP et du Cosatu, l’ANC se révèle de plus en plus être l’ami du grand patronat et de ses propres comptes en banque – bien loin du changement espéré par de nombreuses personnes lorsque Mbeki a été “révoqué” de la présidence en 2008. Tandis que l’establishment politique célèbre la “maturité” de la jeune démocratie sud-africaine, ce sont dans les faits les illusions de 1994 qui ont mûri en désillusion et confusion, et maintenant de plus en plus en une colère organisée. Une révolte de la base au sein d’une des centrales de Cosatu pourrait être le point tournant dans la recherche d’un nouveau parti capable d’unir les travailleurs en lutte, les jeunes et les chômeurs via un programme socialiste. Le fait que de nouvelles organisations de gauche aient progressé lors de ces élections constitue les premiers pas, bien que petits et dispersés, dans cette direction. Il faut maintenant une force capable d’unir ces organisations de masse et d’élaborer un programme conjoint tout en forgeant les sièges communaux qui ont été gagnés en un fer de lance pointant vers la formation d’un nouveau parti ouvrier socialiste de masse.
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Afrique du Sud – appel à la solidarité : A la mine de Rustenburg, patrons et dirigeants syndicaux unis contre les travailleurs !
L’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee de l’entreprise Lonmin, à Marikana non loin de Rustenburg, en Afrique du Sud, ont été licenciés ce 24 mai pour leur participation à une “grève illégale”. Ils ont eu jusqu’au 31 mai pour demander leur réintégration, en compétition avec de nouveaux candidats. Le licenciement de masse de l’ensemble de la main d’œuvre opéré par Lonmin dans sa mine de Karee, suivi par la réintégration sélective, a clairement pour but d’intimider les travailleurs, de créer des divisions entre les chômeurs et les employés de la mine, et de briser leur esprit militant.
Par Liv Shange, Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Afrique du Sud)
Il est en outre honteux de constater que les patrons sont soutenus par la direction du syndicat de ces travailleurs, la National Union of Mineworkers (NUM – Union nationale des travailleurs des mines).
Les travailleurs ont été licenciés ce 24 mai pour avoir participé à une grève déclarée illégale par le tribunal, et sont maintenant forcés de reproposer leur candidature pour leurs emplois, en compétition avec d’autres travailleurs au chômage. Lundi dernier, 6000 d’entre eux avaient été réengagés ; la direction a fait savoir dans la presse qu’elle allait au final réengager 9000 personnes une fois qu’elle aurait terminé sa chasse aux sorcières.
Les conditions de réembauche sont pour l’instant très floues ; la direction envoie des messages contradictoires (selon la dernière communication, les conditions d’avant le licenciement resteraient les mêmes). Mais une porte-parole de la compagnie a dit que ‘‘La réintégration n’est pas garantie pour les personnes licenciées’’ (journal “The Star” du 26 mai). Les travailleurs ne sont pas non plus au courant des critères utilisés lors du processus de sélection. Jusqu’ici, 325 des travailleurs licenciés se sont vus refuser la réintégration ; les militants syndicaux sont clairement ciblés par ces refus. Alors que des travailleurs nouvellement recrutés commençaient à arriver à la mine lundi, les actions de la direction ont maintenant ajouté la menace d’expulsion des logis de la compagnie en plus de celle du chômage.
La grève spontanée a été provoquée par l’annonce de la direction qu’elle ne reconnait plus la direction de la direction de la section de Karee de la NUM, vu qu’elle a été désavouée par la direction régionale de la NUM. La direction régionale a refusé d’accepter le résultat de l’élection des délégués à Karee, en a informé la direction, et c’est cela qui a dans les faits encouragé la direction à licencier les travailleurs.
Cela faisait quelque temps que les mineurs de Karee étaient en désaccord avec la direction régionale de la NUM. Les délégués de la mine de Karee avaient dénoncé et combattu la corruption qui est devenue beaucoup trop courante dans la relation confortable qui s’est développée entre les patrons et les représentants syndicaux de la régionale de Rustenburg, comme c’est d’ailleurs le cas partout en Afrique du Sud.
Les travailleurs expliquent que c’est le refus de la part de ces délégués de se voir offrir des pots-de-vin en échange de leur “gentillesse”, et leur lutte déterminée pour améliorer les conditions de travail et de vie, qui les ont rendus très populaires parmi les travailleurs, mais aussi persona non grata du point de vue non seulement des patrons de la mine, mais aussi de leur propre direction syndicale.
Lorsque leur mandat a expiré en avril, tous les délégués sauf deux (qui étaient permanents au bureau régional de la NUM) ont été réélus par les travailleurs lors d’un meeting de masse, contrairement à ce qu’affirme la direction de la NUM dans les médias. La direction régionale de la NUM a refusé d’accepter ce fait, a suspendu deux de ces délégués populaires pour “mauvaise conduite”, sans plus de précision, et a tenté d’imposer de nouvelles élections, desquelles étaient exclues les personnes qui avaient déjà été réélues. La grève a été provoquée lorsque la direction de Lonmin a profité de cette occasion pour discipliner sa main d’œuvre dont elle jugeait la combativité inquiétante, en annonçant immédiatement d’elle-même l’action de la direction régionale de la NUM aux travailleurs.
Cela faisait des années que la direction de la mine cherchait à coopérer avec les dirigeants de la NUM, mais à Karee, elle n’y était pas parvenue. Elle a ensuite lancé des attaques draconiennes sur les concessions qui avaient été faites précédemment au syndicat, ce qui du point de vue des travailleurs était une tentative de discréditer la délégation si populaire et si inamovible. Cela incluait entre autres une baisse drastique des primes pour heures supplémentaires, et le renvoi automatique de tout travailleur avec plus de 21 jours de maladie.
Non seulement la direction de la NUM en-dehors de Lonmin n’a pas protesté contre les licenciements, mais il est clair que cette décision de la direction a même bénéficié de son soutien. Malgré leur annonce selon laquelle ‘‘Nous ferons en sorte que tous les travailleurs soient réintégrés’’ (The Star du 26 mai), Lesiba Seshoka, le porte-parole national de la NUM, a été cité dans le magazine Mining Review du 27 mai avec ces mots : ‘‘Malheureusement, la compagnie ne peut pas garder de telles personnes, et doit les laisser partir’’, ajoutant que ‘‘Le syndicat ne peut pas soutenir des gens qui se trouvent du mauvais côté de la loi.’’ Les dirigeants de la NUM affirment également que le conflit à Lonmin était une affaire interne à la NUM, qui n’avait rien à voir avec la direction de la mine – dénonçant de fait la grève et soutenant l’action brutale de la direction contre les travailleurs, se mettant du côté des patrons à l’encontre de leurs propres membres ! Lorsque les patrons attaquent les travailleurs dans le contexte d’une dispute interne au syndicat, le premier devoir d’une direction syndicale digne de son nom est de défendre ses membres, et non pas de collaborer avec l’ennemi de classe.
Lonmin a aussi interdit à son personnel de se réunir en groupes de plus de sept personnes. Plusieurs délégués se cachent, vu que des rumeurs circulent comme quoi on cherche à les tuer. Les dirigeants de la NUM sur les plans régional et national soutiennent dans les faits la répression de la direction, disant aux travailleurs qu’ils n’ont qu’à retourner à leur puits et à accepter les conditions imposées par les patrons, quelles qu’elles soient.
Voici une sélection de ce que les travailleurs ont raconté au DSM lorsque nos camarades ont visité la mine le 27 mai :
‘‘Nous avons tout fait pour pouvoir leur parler. Mais ça fait des années que la direction régionale ne s’est pas adressée à nous, les membres ; ils ne communiquent que via la direction. Ce sont les patrons de la mine qui se sont baladés dans le puits avec un haut-parleur pour nous annoncer que nous avons une délégation, et que les camarades avaient été suspendus.’’
‘‘Lorsque la direction régionale est venue vendredi 20 mai, elle est arrivée à bord d’un Hippo (véhicule blindé utilisé par la police pour réprimer les manifestations du temps de l’apartheid) entouré de policiers ! Ses membres sont revenus lundi lors de notre meeting de masse, à nouveau avec leur Hippo et la police. Nous étions 9000, et nous leur avons demandé de venir discuter avec nous, mais ils ont refusé. Au lieu de ça, ils ont juste passé leur tête par la fenêtre et fait un speech au micro pendant deux heures. Puis ils sont partis, sans nous donner aucune chance de répondre.’’
‘‘Ils ont ensuite raconté qu’ils avaient presque été tués durant ce meeting, mais on ne les a même pas menacés. On a demandé à Vavi, le secrétaire général du Congrès syndical d’Afrique du Sud (Cosatu, duquel la NUM est la plus grande centrale) d’intervenir, mais il a refusé de venir. Au lieu de ça, il a seulement envoyé un sms, qui disait ‘‘Votez ANC, et tout ira bien’’.’’
La grève a commencé le lendemain des élections locales du 18 mai. Le jour des élections, les mineurs de Karee avaient manifesté jusqu’au bureau de vote du coin pour demander l’attention de Vavi.
Trahis par leurs dirigeants syndicaux, et soumis à l’intimidation de la direction de la mine, les travailleurs de Karee sont pourtant déterminés à riposter. La demande de réintégration n’est qu’une retraite tactique afin de maintenir l’unité et de se regrouper.
Le Democratic Socialist Movement et le Syndicat des travailleurs du métal et de l’électricité d’Afrique du Sud (MEWUSA), un syndicat avec lequel nous collaborons étroitement, sont en contact permanent avec les travailleurs. La trahison de ses membres par la NUM est jusqu’ici la preuve la plus flagrante de la corruption qui dévore les syndicats sud-africains de l’intérieur. Avec ses 300.000 membres, la NUM est le plus grand syndicat d’Afrique du Sud, et était jadis la centrale la plus radicale et la plus militante du Cosatu.
Le Cosatu a été formé en 1985 sur base d’un programme socialiste et de contrôle ouvrier. Aujourd’hui, la logique de collaboration de classe avec le parti pro-capitaliste qu’est le Congrès National africain (ANC), et par conséquent avec les grandes entreprises, se reflète de plus en plus sur ses positions politiques et sur sa capacité organisationnelle. Idéologiquement démoralisés après la fin de l’apartheid, où le capitalisme s’est maintenu sans qu’aucune alternative ne soit proposée contre ce système, les dirigeants syndicaux cherchent systématiquement un arrangement avec les patrons. La corruption et la trahison des luttes au jour-le-jour sont devenues les caractéristiques dominantes de la direction de ce syndicat. La NUM se démarque à présent non pas par sa combativité, mais en tant que syndicat le plus ouvertement droitier, qui mène maintenant campagne contre la revendication de la nationalisation des mines de la Ligue de la Jeunesse ANC !
Malgré sa taille, cette dernière dépend aujourd’hui plus de ses investissements dans des entreprises que des cotisations de ses membres. Afin de protéger la relation mutuellement profitable avec les patrons de Lonmin, la direction de la NUM joint donc ses efforts à ceux du capital et de l’État dans sa tentative de forcer les travailleurs de Karee à la soumission, et semblent prêts à aller jusqu’à cannibaliser leurs propres sections afin d’atteindre cet objectif.
Le DSM a une jeune section à Rustenburg après y avoir établi une section de la MEWUSA l’an dernier (là aussi, après que 4000 travailleurs aient été licenciés d’une mine de Murray and Roberts en conséquence directe de la trahison des dirigeants de la NUM), qui intervient dans cette lutte du mieux qu’elle peut avec nos faibles forces. Alors que leur propre syndicat leur est hostile de manière active, les travailleurs de Karee ont désespérément besoin de solidarité. À cause de la lourde répression par leur direction, les travailleurs n’ont pas encore pu se réunir pour décider de revendications, etc. Les messages de solidarité peuvent être envoyés via dsmcwi@gmail.com
Les messages de protestation sont à envoyer à :
Centrale des mineurs NUM: zmakua@num.org.za – ou son porte-parole national, Lesiba Seshoka : +27 (0)82 803 6719
Fédération syndicale Cosatu : Patrick@cosatu.org.za
Lonmin (les patrons de la mine) :
Direction de Londres : contact@lonmin.com / tél. +44 (0)20 7201 6000 – Afrique du Sud : tél. +27 (0)11 2188300 / fax. +27 (0)1 2188310