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  • Afrique du Sud : 5000 travailleurs du géant laitier Clover en grève depuis le 22 novembre

    Une importante grève est en cours en Afrique du Sud. Elle concerne Clover Entreprises, un géant de l’alimentation impliqué dans les produits laitiers, les snacks et diverses boissons. Un certain nombre de marques très connues en Afrique du Sud lui appartiennent. L’entreprise emploie globalement environ 50.000 personnes. Dans un certain nombre de ses sites de production, où travaillent 5.000 personnes, une grève a éclaté le 22 novembre dernier en riposte à l’annonce de plusieurs centaines de licenciements ainsi que pour exiger une augmentation des salaires. Les grévistes dénoncent également la reprise en main de Clover par la société israélienne Milco SA, qui a acheté une participation majoritaire dans la société. Notre section-sœur sud-africaine, le Workers and Socialist Party (WASP), joue un rôle de premier plan dans cette lutte. L’article ci-dessous est une de leurs déclarations.

    En tant que WASP, nous réaffirmons notre solidarité avec les 5.000 travailleurs de Clover en grève depuis le 22 novembre. Nous soutenons pleinement leurs revendications et appelons à l’intensification des manifestations pour donner le coup d’envoi à cette nouvelle année de lutte, de la part des travailleurs eux-mêmes et des forces qui leur sont solidaires ici en Afrique du Sud et à l’échelle internationale.

    Des meetings de masse se sont tenus le 8 janvier dernier à Johannesburg et à Cape Town pour réunir les syndicats, les organisations communautaires et de jeunesse ainsi que d’autres formations progressistes. Dans ce contexte de pandémie, d’aggravation de la crise économique et d’hécatombe d’emplois, il est crucial de marquer la nouvelle année par une lutte unifiée de la classe ouvrière contre le système néolibéral et austéritaire défendu par le gouvernement de l’ANC et les patrons.

    Milco SA investit pour augmenter ses profits au mépris de l’emploi

    La grande majorité des travailleurs de Clover gagnent moins que le salaire minimum vital en dépit des profits faramineux dont Clover s’est vanté au fil des ans. Milco SA, un consortium dirigé par la Central Bottling Company d’Israël, s’est offert une participation majoritaire dans la société très rentable Clover en 2019. Malgré l’objection des travailleurs à cet égard – reposant sur la solidarité avec le peuple palestinien dans sa lutte contre l’impérialisme israélien – les autorités de l’État sud-africain ont approuvé la fusion au nom de la « création d’emplois » dans le cadre du projet Masakhane. La direction avait promis la création de 500 nouveaux emplois, mais la réalité fut un plan de restructuration (le projet Sencillo) qui a liquidé 2.000 emplois. Clover veut maintenant licencier 300 travailleurs et fermer quatre sites (ce qui représente 350 emplois supplémentaires de perdus), ce à quoi s’ajoute encore toute une série de travailleurs qui ont accepté une indemnité de départ « volontaire » qui s’apparente bien plus à autant de licenciements forcés. Le Syndicat général des travailleurs de l’industrie sud-africaine (GIWUSA) a en outre révélé que l’entreprise compte délocaliser sa succursale de City Deep à Boksburg, ce qui menace 812 autres emplois.

    La propagande médiatique défend que Clover serait incapable de poursuivre ses activités en raison de la pandémie et du manque de services dans divers endroits. Cependant, Clover a réalisé un chiffre d’affaires de 10,8 milliards de rands (610 millions d’euros) en 2020, contre 7,4 milliards de rands (420 millions d’euros) en 2019. En dépit de ces chiffres et de l’hécatombe d’emplois, le gouvernement sud-africain – dont la victoire aux dernières élections n’a été remportée que de justesse et sur base de promesses de création d’emplois – refuse de tenir Clover pour responsable.

    Cette fusion n’a jamais eu pour but d’investir dans la croissance de Clover et la sécurité d’emploi. Elle fait partie d’une stratégie impérialiste visant à accéder aux marchés sud-africains avec des marchandises produites par une société appartenant à Israël qui se trouve dans la Palestine occupée.

    La nature antisociale et prédatrice de Milco est soulignée par sa complicité avec le vol de terres en Palestine occupée, où se trouvent ses usines. En témoigne également le fait que chaque année depuis la fusion, les travailleurs de Clover ont été contraints de faire grève pour des revendications élémentaires et des plus raisonnables : des salaires qui permettent de vivre, la sauvegarde des emplois, des allocations de transport et de logement.

    Intensifier la grève sur base des luttes précédentes

    En octobre 2020, les travailleurs de Clover ont entamé une grève qui s’est terminée le 9 décembre. Des concessions cruciales telles qu’une augmentation salariale de 6,5 % et l’internalisation de près de 400 travailleurs ont été obtenues grâce à des piquets de grève quotidiens incessants dans les dépôts de Clover, des piquets de grève volants et des manifestations de masse devant le siège social de l’entreprise.

    Des actions de solidarité ont permis un boycott national des produits Clover, grâce notamment à une forte campagne sur les réseaux sociaux où les partisans de la grève affichaient leur soutien avec des autocollants “Boycott Clover” placés sur les produits de l’entreprise dans des épiceries stratégiques à travers le pays. Des manifestations avaient eu lieu à l’ambassade d’Israël à Pretoria tandis qu’un piquet de solidarité avait été organisé devant l’usine Coca Cola à Bnei Brak, à Tel Aviv, à l’initiative de membres de Socialist Struggle (Lutte Socialiste, section d’Alternative Socialiste Internationale en Israël et Palestine et parti-frère du WASP). Mais comme nous l’avions prédit alors, Milco SA fera tout pour revenir sur ces victoires. Nous devons utiliser les leçons des combats précédents pour voir comment intensifier la grève actuelle de la manière la plus efficace qui soit.

    Jusqu’à présent, Clover s’est engagé à réintégrer les presque 800 travailleurs illégalement licenciés au cours de cette grève. Mais l’entreprise refuse de céder du terrain sur les autres revendications des travailleurs :

    • Le retrait de toutes les mesures d’austérité
    • Une augmentation de salaire de 10%.
    • Le désinvestissement de MILCO/CBC
    • La nationalisation de Clover sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs comme alternative à la prise de contrôle hostile et impérialiste de MILCO et au démembrement de Clover, aux fermetures d’usines et aux pertes d’emplois.

    En tant que marxistes, nous savons qu’afin que les entreprises restent compétitives dans un système capitaliste, elles doivent toujours augmenter leurs profits pour étendre leur part de marché. Pour la classe ouvrière – qui souffre à la fois des réductions de salaires, des pertes d’emplois et de l’augmentation des prix – cela signifie un nivellement par le bas et une aggravation des inégalités. C’est pourquoi la revendication de nationalisation de Clover constitue une étape importante vers le contrôle par les travailleurs de l’ensemble de l’économie. Il faut abolir ce système capitaliste malade qui place le profit au-dessus des gens et le remplacer par une économie socialiste basée sur les besoins des masses.

    La situation à Clover est critique et exige que toutes les formations de la classe ouvrière exercent une pression sérieuse sur le gouvernement de l’ANC pour qu’il intervienne. Les syndicats GIWUSA et FAWU (Syndicat des travailleurs de l’alimentation et des secteurs connexes) ont rencontré le ministre du Commerce et de l’Industrie, Ebrahim Patel, ainsi que la Commission de la concurrence la semaine dernière. Leur réponse fut qu’ils ne peuvent rien faire, sauf enquêter sur le non-respect des conditions vagues de la fusion par la Commission de la concurrence. Il n’est pas surprenant que l’ANC, néolibéral et favorable aux entreprises, assiste sans rien faire à la fermeture de la plus grande fromagerie d’Afrique. Dans le contexte de l’escalade du chômage – qui frôle désormais la moitié de la population – cela va toutefois à l’encontre de la promesse du gouvernement de l’ANC de conserver autant d’emplois que possible.

    Sécurité alimentaire et sécurité de l’emploi

    Soyons clairs : si ces usines laitières ferment et se restructurent de cette manière brutale, les effets seront également durement ressentis par les exploitations laitières locales et le secteur agricole dans son ensemble. Cela marquera le début de la fin de l’industrie laitière sud-africaine qui, depuis 1996, a souffert des pressions de la déréglementation du secteur agricole en faveur de l’anarchie du marché libre international. Cette situation a eu des conséquences dévastatrices pour les petits agriculteurs, leurs travailleurs et les communautés locales.

    Nous avons vu les effets du “dumping” du poulet en Afrique du Sud. Cette pratique consiste à vendre en Afrique du Sud l’excédent de poulet de pays tels que les États-Unis à des prix inférieurs à ceux du marché local afin de maintenir des prix plus élevés dans ces pays. À l’heure actuelle, des milliers d’emplois ont été perdus dans le secteur de la volaille et de la culture céréalière (qui alimente les élevages de volailles), et 6,1 milliards de rands (345,5. millions d’euros) quittent le pays chaque année en raison des importations de volailles, selon l’Association sud-africaine de la volaille. La production locale de volaille et de céréales est stoppée car elle est incapable de concurrencer les importations internationales qui font baisser le prix de la volaille. Ainsi, les salaires des travailleurs sont réduits, des emplois disparaissent constamment et la production est démantelée. Une fois que toute la production locale sera perdue, les prix augmenteront de manière significative car il n’y aura plus de concurrence.

    Dans le système capitaliste, la concurrence conduit au monopole. Cette situation et les OPA hostiles comme celle de Milco, qui accélèrent la concentration du capital en période de crise économique, résident dans l’ADN du capitalisme. Un avenir similaire attend de nombreuses industries à travers l’économie, comme l’a notamment illustré le sort de l’entreprise brassicole SA Breweries. Des milliers de travailleurs sont confrontés à des pertes d’emploi en raison de rachats similaires. En fin de compte, c’est la classe ouvrière et les pauvres qui en paient le prix et non les propriétaires capitalistes. A Clover, cela le PDG a reçu un “prêt” de 107 millions de rands (6 millions d’euros) pour acheter des actions de Milco, tandis que les travailleurs sont brutalisés pour « récupérer » 300 millions de rands (12 millions d’euros) sur les coûts de main-d’œuvre.

    Comme nous l’avons déjà dit, il s’agit également d’un problème de sécurité alimentaire en Afrique du Sud. La pandémie a révélé les graves points faibles de l’économie de marché et la façon dont les chaînes d’approvisionnement mondiales peuvent rapidement tomber dans le chaos, ce qui souligne la nécessité d’une planification démocratique de l’économie. Compter de plus en plus sur les importations pour fournir au pays l’alimentation nécessaire pour vivre et être productif est un sérieux risque à prendre.

    La demande de nationalisation des travailleurs concerne à juste titre la totalité de l’entreprise Clover et de ses lignes de distribution, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Il s’agirait d’une première étape cruciale vers la nationalisation de l’ensemble de l’industrie laitière afin d’assurer l’avenir des travailleurs et des communautés qui en dépendent. Il est vital que tous les travailleurs impliqués dans l’industrie laitière soient solidaires des travailleurs de Clover. Les syndicats qui organisent cette industrie, comme le syndicat des métallurgistes NUMSA à Nampak (spécialisée dans la fabrication et la conception d’emballages), doivent faire pression pour que les actions de solidarité, y compris de grève, s’intensifient.

    L’unité de la classe ouvrière est essentielle

    L’unité entre les travailleurs des syndicats GIWUSA et FAWU à Clover est une différence qualitative dans la lutte en cours à Clover. Cela doit être salué. Alors qu’auparavant, ces divisions sapaient la force de la lutte collective, cette unité de classe augmente considérablement les chances de victoire. Le comité de grève conjoint de délégués syndicaux FAWU-GIWUSA est une structure cruciale qui peut garantir que toutes les négociations se fassent collectivement, et non par le biais de réunions séparées avec des syndicats distincts. Il est également important d’utiliser cette unité pour lutter pour que le GIWUSA soit réaffilié à la fédération sud-africaine des syndicats (SAFTU), ce qui permettrait d’élargir le potentiel de lutte militante de la classe ouvrière. Une injection de la combativité de la base démontrée par les travailleurs de Clover est un antidote essentiel à la paralysie bureaucratique qui affecte la SAFTU pour la réorienter dans la voie du syndicalisme de combat.

    La SAFTU doit également prendre la direction active de la grève de Clover et faire campagne pour étendre cette lutte à SA Breweries. Le WASP appelle les camarades du FAWU (le syndicat de l’industrie alimentaire) à appeler à la grève dès maintenant afin de maximiser le potentiel de victoire par des grèves coordonnées et un front uni de travailleurs confrontés aux pertes d’emploi.

    En fin de compte, la question ne concerne pas que les travailleurs de Clover, ou même le mouvement ouvrier plus large. Il s’agit d’une question qui affecte tous les jeunes et les communautés de la classe ouvrière. Nous devons tous prendre position contre l’offensive permanente de Milco SA et lutter pour exproprier Clover afin d’arracher le contrôle de l’industrie laitière des mains de la classe capitaliste internationale pour la placer sous le contrôle démocratique des travailleurs.

    Comme l’a déclaré Mametlwe Sebei, membre du WASP et président du GIWUSA : « Il n’y a pas d’autre alternative aux pertes d’emplois et aux fermetures massives d’usines dans ce pays ». Le gouvernement et la commission de la concurrence serviront les patrons, comme ils l’ont fait jusqu’à présent avec Clover, jusqu’à ce qu’une pression suffisante soit exercée sur eux pour les obliger à faire des concessions. Seule la classe ouvrière détient le pouvoir de le faire, et nous devons exercer cette pression de manière démocratiquement organisée, avec une stratégie, pour défendre les conquêtes obtenues par les luttes passées, mais aussi pour remporter de nouvelles victoires dans la lutte des classes.

    L’impuissance du gouvernement expose la faillite de l’ANC face à la pire crise depuis des décennies. La SAFTU doit de toute urgence prendre des mesures concrètes en vue de la création d’un parti ouvrier de masse sur un programme socialiste, ce qui, pour le WASP, signifie le lancement immédiat d’une campagne visant à mettre en place des structures de pré-parti afin de mobiliser les communautés pour des grèves vitales comme celle de Clover. Plus que jamais, nous devons utiliser ces luttes pour construire un mouvement combatif de la classe ouvrière contre le système capitaliste dans son ensemble, et construire un monde socialiste basé sur une économie planifiée en fonction des besoins.

  • Emeutes de la faim en Afrique du Sud : la classe ouvrière doit s’organiser contre la classe capitaliste criminelle

    L’Afrique du Sud est actuellement en proie à des émeutes de la faim. On a vu au KwaZulu-Natal (KZN), à Gauteng, au Cap-Oriental et au Nord-Ouest des masses de gens se précipitant pour obtenir le peu qu’ils peuvent dans les centres commerciaux, les chaînes d’épicerie et autres magasins.

    Déclaration du Comité national du WASP (Workers and socialist party, section sud-africaine d’ASI)

    De nombreux bâtiments ont également été incendiés. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 70 personnes ont été tuées dans ce chaos et plus de 1.200 arrestations ont été effectuées. Il est presque certain qu’avec le déploiement de la Force de défense nationale sud-africaine (SANDF) et d’une force de police de plus en plus désespérée à l’idée de “rétablir la loi et l’ordre”, ces chiffres vont augmenter de manière significative dans les jours à venir.

    Les actions de protestation ont commencé après que la décision de la Cour constitutionnelle a ordonné à l’ancien président, Jacob Zuma, de se présenter dans un établissement correctionnel pour commencer sa peine de 15 mois après avoir été reconnu coupable d’outrage au tribunal. Les mobilisations en faveur de la libération de Zuma ont adopté une autre tournure aux premières heures du dimanche 11 juillet, lorsque plus de 20 camions ont été incendiés dans la région de Mooi River, dans le KZN. Les manifestants se sont alors livrés à des incendies et à des pillages dans plusieurs régions du KZN, puis à Johannesburg, alors que les troubles s’étendaient à l’ensemble du pays. Lundi, certaines parties de Pretoria étaient également en feu, tandis que des centres commerciaux de Mamelodi étaient incendiés. Dans un discours public lundi soir, le président Ramaphosa a appelé au calme, tout en annonçant le déploiement de l’armée sud-africaine pour renforcer une force de police débordée.

    Des émeutes pour la nourriture, pas pour Zuma

    Dimanche, il était déjà clair que ces manifestations s’étaient transformées en émeutes de la faim, bien que les médias aient continué à les qualifier de “pro-Zuma”. Cela n’a toutefois pas empêché la faction pro-Zuma d’utiliser opportunément la situation pour jeter de l’huile sur le feu, les enfants de Zuma menant la charge sur les médias sociaux. Les dommages causés par les pillages, l’incendie de camions et d’infrastructures dans le seul KZN avaient dépassé les 100 millions de rands à ce stade. La Special Risks Insurance Association (Sasria) s’attend à ce que les sinistres résultant des troubles actuels se chiffrent en “milliards de rands”. Durban, Umbilo, Umhlanga, Springfield Park sont parmi les villes les plus touchées du KZN. Certaines parties de Gauteng sont également touchées, notamment Soweto, Berea, Katlehong, Jeppestown, Daveyton, Benoni, Tembisa et Mamelodi. Les journalistes qui ont essayé d’obtenir des commentaires sur Zuma ont été complètement ignorés par les gens qui se sont précipités pour prendre de la nourriture pour leurs familles ou des articles qui pourraient être vendus ou échangés plus tard.

    Les facteurs motivant les émeutes de la faim ont peu à voir avec la demande de libération de Zuma. De nombreux manifestants accusent le gouvernement d’être responsable de la crise économique. Le chômage de masse, le manque d’opportunités pour les jeunes et la corruption au sein du gouvernement font partie des griefs exprimés par les manifestants. Cependant, de nombreuses personnes ont également rejoint les émeutes par pur désespoir. Le fait que les supermarchés aient été les premiers visés indique que ces émeutes visent à obtenir les produits de première nécessité pour survivre.

    Avec le déploiement de l’armée pour aider la police, le gouvernement a signalé qu’il avait perdu le contrôle. Il faut souligner que cela a été fait pour protéger la propriété privée et les profits, et non pour protéger les gens ordinaires et les communautés. Au lieu d’utiliser les infrastructures et les ressources de la SANDF pour lutter contre l’inégalité et la faim en distribuant des produits de première nécessité à ceux qui en ont besoin, Ramaphosa – conformément à sa réponse à la pandémie – a eu recours au déploiement des forces de l’État avec leurs armes tournées vers les masses. Ils ont averti les communautés de “ne pas les provoquer” et qu’ils ne toléreraient pas “l’indiscipline”.

    La violence d’un système capitaliste

    Il peut être tentant de considérer les troubles actuels comme des actes de “violence insensée”, mais il est important de comprendre la violence systémique permanente que la classe capitaliste et ses représentants au sein du gouvernement sud-africain exercent sur la classe ouvrière et les pauvres depuis des années. Près de 500 jours de confinement ont accéléré le ralentissement économique qui était déjà évident en 2019.

    Au cours des 10 derniers mois, le coût de la vie est monté en flèche avec une inflation galopante, le coût du panier alimentaire du ménage moyen ayant augmenté de 7,1 %. Des hausses de prix de l’électricité allant jusqu’à 17,8 % sont entrées en vigueur au début du mois, malgré les périodes continues de délestage à l’échelle nationale. Cette situation s’est produite après une contraction de 7 % de l’économie sud-africaine en 2020 et un gonflement du taux de chômage élargi à un niveau historique de 43,2 %, plus de 1,5 million de personnes ayant perdu leur emploi dans la pandémie. Les retombées de cette dévastation économique ont traversé toutes les couches de la classe ouvrière, les Sud-Africains s’endettant de plus en plus pour assurer leur subsistance.

    Il y a plus d’un an, M. Ramaphosa a été félicité pour sa gestion de la crise du COVID, avec la mise en œuvre d’un confinement sévère et d’un plan de relance de 500 milliards de rands pour en contrer les effets. Un an plus tard, moins d’un tiers des mesures de relance ont été utilisées, malgré la situation précaire persistante engendrée par la pandémie. À la fin du mois d’avril, les allocations mensuelles de secours social de détresse (SRD) de R350 destinées aux chômeurs ont été interrompues alors que l’ANC faisait valoir que l’économie sud-africaine était sur la voie de la reprise. Cela s’ajoute au fait que le Trésor déclare qu’il va réduire le budget au cours des trois prochaines années. Si l’on tient compte de l’augmentation de la population et de l’inflation, cela équivaut à une diminution de 10 % des dépenses par personne.

    Nous assistons également à des vagues d’infection de plus en plus graves, malgré les annonces prématurées que le gouvernement ne cesse de faire sur la manière dont l’économie est sur la voie de la reprise. Cette situation n’est pas du tout favorisée par une campagne de vaccination bâclée, qui a conduit à ce que seuls 2,3 % du pays soient entièrement vaccinés, soit l’un des taux les plus bas au monde à l’heure actuelle.

    Les fractions de l’ANC : deux faces d’une même pièce capitaliste

    Les fractions ont creusé un profond fossé au sein de l’ANC au fil des décennies. Ramaphosa est entré en fonction avec la tâche impossible de débarrasser l’ANC de la corruption, une tâche qui, selon nos prévisions, conduirait à la destruction complète du parti. La profondeur de la corruption au sein de l’ANC a été illustrée par les scandales de corruption qui continuent d’émerger depuis l’année dernière – au lieu de débarrasser l’ANC de la corruption, la gestion bâclée de la pandémie par Ramaphosa a créé de nouvelles voies pour celle-ci. Les contradictions de l’ANC sont peut-être les plus évidentes lorsque les plus grands pillards de la société appellent les désespérés et les pauvres à ne pas piller !

    Ni la fraction de Zuma ni celle de Ramaphosa n’ont le soutien des masses. Et de nombreux manifestants ont exprimé leur colère envers l’ANC dans son ensemble. Il existe une méfiance évidente entre la classe ouvrière et l’ANC. La faim, le désespoir et les inégalités continuent d’éroder la crédibilité de l’ANC, qui continue de faire peser le coût de la pandémie et des récessions précédentes sur le dos de la classe ouvrière avec des mesures d’austérité brutales. En 2019, pour la première fois depuis 1994, moins de la moitié de la population votante a voté, et l’ANC a même eu du mal à obtenir une majorité. Cela a signalé une sérieuse désillusion dans l’establishment politique.

    Alors que la brigade RET [RET – Radical Economic Transformation] dirigée par Jacob Zuma utilise ce moment pour poursuivre son programme de discrédit de Ramaphosa en semant l’anarchie et la confusion, le président fera tout ce qu’il peut pour apaiser les intérêts du secteur privé. Le massacre des mineurs en grève de Marikana en 2012 ne nous donne qu’un aperçu des mesures que Ramaphosa pourrait prendre pour s’assurer la confiance de la classe des investisseurs. Aucune de ces fractions ne s’attaquera à la racine des bouleversements actuels – les échecs du système capitaliste et le projet d’austérité partagé par l’ANC. Les deux fractions sont mariées au système capitaliste qui leur donne accès au pouvoir. La pandémie nous a fait entrer dans une nouvelle ère politique et la confiance dans l’ANC pour surmonter les tempêtes qui continuent s’érode plus rapidement que jamais.

    La formule d’une classe ouvrière de plus en plus angoissée et la trahison totale des partis au pouvoir dans la gestion de la pandémie amèneraient quiconque à se demander pourquoi de tels événements explosifs n’ont pas encore eu lieu au cours de l’année écoulée. Mais en tant que marxistes, nous reconnaissons qu’il doit d’abord y avoir une étincelle. Ces événements ont montré que rien n’arrête la classe ouvrière une fois que toutes les craintes ont été écartées. Les accusations du ministre de la police, Bheki Cele, selon lesquelles les émeutes auraient été provoquées par des “instigateurs”, passent totalement à côté de l’essentiel.

    Le chaos et l’anarchie ne sont pas la solution

    L’économie capitaliste représente un crime sanglant contre la classe ouvrière et elle ce système doit être renversé. Cependant, la nature destructrice et inorganisée des émeutes continue d’aliéner les masses. Et ce, bien que la majorité de la classe ouvrière partage les mêmes frustrations que ceux qui ont recours à ces tactiques.

    Les communautés de la classe ouvrière s’inquiètent sérieusement de la sécurité alimentaire et des pertes d’emplois supplémentaires dues aux destructions. L’obstruction des lignes d’approvisionnement et l’incendie d’installations liées aux soins de santé posent un problème encore plus grave alors que l’Afrique du Sud est en proie à sa troisième et pire vague de COVID-19 à ce jour. Dans tout le pays, les magasins et les centres commerciaux vident leurs stocks et ferment leurs portes à titre préventif, demandant aux travailleurs de rester chez eux, sans être payés. Les grandes chaînes verront les dommages et les stocks perdus remboursés par leur assurance, tandis que les petites entreprises subiront les pires effets. Non seulement cela accélérera le transfert de richesses et de capitaux vers les grandes entreprises, mais cela pose un risque sérieux de diviser encore plus les communautés.

    Bien que ces émeutes puissent être efficaces pour garantir les besoins de base dans l’immédiat, la seule façon de garantir que les besoins de base de toutes et tous soient satisfaits est de transformer l’économie capitaliste parasitaire en une économie démocratiquement planifiée. Pour cela, la classe ouvrière doit prendre sous son contrôle les sommets de l’économie. Au lieu de voler le pain sur les étagères, nous devons saisir les boulangeries, les moulins et les fermes commerciales ! Au lieu de détruire les lieux de travail et les services, nous devons mener une lutte de masse organisée et disciplinée afin de placer les usines, les lignes de distribution et les infrastructures essentielles sous le contrôle démocratique des travailleurs et des différentes communautés ! Ce n’est qu’en retirant les patrons de ces industries vitales que nous pourrons garantir que la nourriture et les produits de première nécessité soient accessibles à tous et non vendus pour le profit. Au lieu de voler du pain pour un jour, nous pouvons garantir la continuité de ce pain et mettre entièrement fin à la faim.

    Construire une lutte de masse organisée, disciplinée et démocratique pour le socialisme !

    Les couches organisées de la classe ouvrière doivent jouer un rôle de premier plan en donnant des orientations politiques susceptibles de déboucher sur des solutions tangibles, telles que la demande d’investissements massifs dans les infrastructures, les emplois et les services publics, ainsi que l’octroi d’un revenu de base pour soulager la misère qui touche de plus en plus toutes les couches de la classe ouvrière.

    La classe dirigeante s’est révélée incapable de mettre fin à cette souffrance. La nécessité de construire une alternative politique, un parti de masse de la classe ouvrière qui soit pour et par la classe ouvrière et les pauvres, est plus urgente que jamais. Nous appelons la Fédération sud-africaine des syndicats (SAFTU) et les dirigeants de la classe ouvrière à convoquer immédiatement les organisations de la classe ouvrière, la jeunesse organisée, les organisations civiques et les syndicats dans une Assemblée nationale de la classe ouvrière pour discuter de la voie à suivre. Les frustrations et la colère légitimes de la classe ouvrière et des pauvres doivent être canalisées vers des actions constructives qui remettent en question le système capitaliste et ses catalyseurs – les partis au pouvoir. Alors que les médias et l’ANC diffusent des récits de divisions au sein de la classe ouvrière – entre les pilleurs et les travailleurs, les tribus, les nationalités et la couleur de peau – il appartient aux couches organisées de la classe ouvrière de forger un front uni capable de canaliser la colère de masse en actions susceptibles de garantir des gains sérieux pour la classe ouvrière. Nous ne saurions trop insister sur le danger que représentent les divisions raciales, tribales et nationales pour la libération de la classe ouvrière.

    Nous devons également lier nos luttes aux couches militantes de l’ Eswatini (appelé royaume du Swaziland jusqu’en 2018, situé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique) qui se révoltent contre le dernier monarque absolu d’Afrique, motivé par une inégalité similaire à celle que nous observons en Afrique du Sud. Nous pouvons nous inspirer des soulèvements qui ont lieu en Amérique latine, comme en Colombie, où une grève générale d’une journée lancée par la direction des syndicats a déclenché un mouvement de masse contre le gouvernement, avec des slogans marquants comme “Nous en avons assez de survivre, nous voulons vivre”. Ces protestations continues ont forcé le retrait de réformes fiscales hostiles à la classe ouvrière et la démission du ministre des finances. Elles ont montré au monde entier que même dans des conditions désespérées, la classe ouvrière peut et doit se battre. Par-dessus tout, nous devons construire un mouvement de masse de la classe ouvrière qui garantira que ces soulèvements inévitables seront organisés démocratiquement, dirigés par la classe ouvrière et engagés dans la lutte pour un programme socialiste international.

    • L’ensemble du mouvement ouvrier, des communauté et de la jeunesse doivent être mobilisés dans une journée nationale d’action.
    • Instauration d’une allocation de base pour celles et ceux qui sont au chômage et dans le besoin ; augmentation des allocations pour tous les travailleurs affectés par le confinement, y compris ceux du secteur informel ; d’un programme d’emplois de masse dans le secteur public avec un salaire vital garanti pour tous ; et d’un moratoire sur les pertes d’emplois et les réductions de salaires et d’allocations. Non au salaire minimum esclavagiste : R12.500 par mois pour tous les travailleurs MAINTENANT !
    • Construction de comités d’autodéfense communautaires organisés et démocratiques au lieu de s’appuyer sur les méthodes répressives ; nous nous opposons à tout déploiement de l’armée dans nos communautés !
    • Les petites entreprises doivent être soutenues par des aides publiques pour les aider à se remettre des pillages et des effets des confinements.
    • La pandémie doit être éradiquée le plus rapidement possible ! Nationalisation des entreprises pharmaceutiques, des laboratoires, des hôpitaux privés et des compagnies d’assurance afin de garantir que toutes les ressources soient consacrées à la fin de la pandémie et non aux profits. Suspension des brevets et mobilisation des ressources nécessaires pour une vaccination rapide de toutes et tous – pour une mise à niveau massive de l’industrie médicale afin de produire des vaccins en faisant payer les grandes entreprises et les super riches. La distribution et la production de tous les vaccins, y compris le vaccin Johnson&Johnson conditionné à Gqeberha, devraient être contrôlées démocratiquement par la classe ouvrière afin d’obtenir une immunité collective.
    • Nationalisation des fermes commerciales, du secteur de la grande distribution et des industries hôtelières sous le contrôle démocratique des travailleurs. Cela garantira que personne vivant dans ce pays n’aura faim !
    • Les vrais pilleurs sont les membres du gouvernement et les patrons. Un siège au gouvernement ne devrait pas être un ticket pour s’enrichir grâce à des relations d’affaires et au pillage des fonds publics ! Les élus ne devraient percevoir que le salaire moyen d’un travailleur qualifié. Construisons un parti ouvrier de masse armé d’un programme socialiste.
  • Afrique du Sud. Luttons pour un monde libéré de la violence de genre et de la xénophobie !

    Manifestation à Tshwane à la suite du viol et du meurtre d’une étudiante de 19 ans, Uyinene Mretywana.

    Le texte ci-dessous est issu d’un tract distribué par nos camarades du WASP (Workers and Socialist Party, section du CIO en Afrique du Sud).

    L’Afrique du Sud est, une fois de plus, ravagée par d’horribles attaques xénophobes contre des migrants venus de toute l’Afrique – dix d’entre eux ont été tués la semaine dernière au cours d’actes de violences collectives. Au même moment, le viol et le meurtre d’Uyinene Mretywana constituent un nouvel appel à lutter contre la violence sexiste – contre la violence infligée aux femmes, aux LGBTQI+ et aux enfants. La liste des victimes de crimes de haine s’allonge de jour en jour. Pendant que la population cherche des réponses, le gouvernement dîne avec les riches au Forum économique mondial et se contente de twitter que les femmes doivent « s’exprimer pour ne pas être des victimes de leur silence ».

    Le gouvernement n’a-t-il donc pas entendu les voix du puissant mouvement dirigé par des femmes qui a émergé ces dernières années pour s’opposer aux violences sexistes ? Nous sommes allés dans la rue et devant les tribunaux pour exiger d’être entendues ! Partout dans le monde, des femmes ont manifesté sous les bannières de #MeToo, #NotOneMore, #TheTotalShutdown. Toutes sortes de plateformes militent sans relâche contre la violence sexiste. Le président Ramaphosa a convoqué des conventions sur cette thématique. Pourtant, on nous dit à présent que c’est le silence des femmes qui permet leur victimisation ? Cette remontrance à l’égard des victimes est un des principaux éléments du problème, que l’on retrouve d’ailleurs dans la réponse du gouvernement aux meurtres et pillages xénophobes : ainsi, le ministre de l’Intérieur M. Bheki Cele a déclaré que la police « ne s’excusera pas » pour ses propres descentes xénophobes sur les petites entreprises dirigées par des étrangers.

    Le gouvernement affirme également que la prévention est la clé pour renverser cette vague de violence sexiste. Il promet des peines plus sévères. Pourtant, ces peines ne mettront pas fin à cette violence qui est systémique. Le gouvernement prévoit également une réduction générale de 10 % des salaires dans le secteur public, en plus d’autres compressions budgétaires : c’est cette politique qui condamne la population, et notamment les femmes, à la pauvreté, ce qui encourage la violence et l’oppression.

    Ne nous limitons pas à la prévention : nous voulons l’éradication des violences !

    Pour éradiquer la violence sexiste, il faudrait un renforcement considérable des services publics, la création d’emplois décents et de logements. Sans revenu, sans accès aux services essentiels, sans foyer où se sentir en sécurité, comment une femme victime de violence pourrait-elle envisager de « s’exprimer » ? Et quand la société toute entière ne cesse de confirmer le mythe selon lequel les femmes sont des êtres humains de seconde classe, qui ne perçoivent qu’un salaire de seconde classe, dont la plus grande partie du travail est non rémunéré, tandis que leur corps et leur sexualité souffrent de la marchandisation et du contrôle exercé par autrui, est-il étonnant que de nombreux hommes croient avoir droit de décision sur chaque aspect de notre corps et de notre vie ?

    Quand le gouvernement traite les migrants comme des criminels en refusant l’asile aux réfugiés, par le biais du harcèlement policier et des contrôles des passeports qui rappellent l’apartheid ; quand il empêche les migrants d’accéder au logement, à l’emploi, aux services ; quand les soi-disant «dirigeants » comme M.. Mashaba (DA), M. Ramaphosa (ANC) et même le roi des Zoulous, M. Zwelithini, accusent les étrangers d’être la cause du chômage et de la pauvreté ; quand les patrons exploitent cette situation en n’offrant aux étrangers que des emplois précaires et mal rémunérés, de même que les fonctionnaires corrompus qui leur vendent des services et des logements « gratuits », n’est-il pas clair que les élites dirigeantes renforcent consciemment les divisions qui entrainent les violences dans la rue ?

    Nous devons tous être en colère

    Beaucoup de gens sont fâchés, et il y a de quoi ! Nous voyons devant nous se dérouler une véritable guerre contre les femmes, dans une situation où règnent le chômage de masse, le manque de logements, le dysfonctionnement de nos écoles, le manque de ressources pour les soins de santé, la faim et le désespoir, une épidémie de drogue, le racisme toujours latent et la corruption de fonctionnaires qui détruisent notre planète et jouent avec notre avenir. Nous devrions tous être fâchés que l’Afrique du Sud soit le pays le plus inégal au monde, fâchés de ne toujours pas nous être libérés de ce système capitaliste défaillant. La solution n’est pas de nous en prendre à nos frères et sœurs d’Afrique qui ont été forcés de fuir la guerre et la faim à cause de l’échec du même système capitaliste mondial. La solution, c’est une grève générale, pour nous attaquer aux cause de tous ces manquements. Aucun pauvre autochtone d’Afrique du Sud ne gagnera quoi que ce soit à tuer ou à chasser des travailleurs migrants. Tous les travailleurs, résidents, petits commerçants et étudiants doivent au contraire s’unir pour lutter pour des salaires décents, des emplois, un logement et l’éducation pour tous. Afin de remplacer ce système capitaliste par une société où les richesses du pays appartiendront à nous tous, seront contrôlées démocratiquement et utilisées pour répondre aux besoins de la majorité.

    La violence n’est qu’un symptôme : la maladie, c’est le capitalisme !

    La violence d’aujourd’hui est la conséquence directe du déclin du système capitaliste. Ce système encourage des rapports de domination entre les différentes couches des travailleurs afin de masquer les siècles de violence perpétrés par les détenteurs du pouvoir. Cette violence est l’héritage de la colonisation, de l’impérialisme et du néocolonialisme. Encore aujourd’hui, les divisions au sein de la population permettent aux 1 % les plus riches de poursuivre leur extraction du profit par l’exploitation de la force de travail des 99 % de la population. L’État de l’apartheid a tenté de diviser les travailleurs selon l’ethnie, l’origine et la tradition. Aujourd’hui encore, les politiciens capitalistes essaient de survivre à la crise de leur système en continuant à nous diviser. Ils attisent les flammes de la xénophobie et du sexisme, de sorte que beaucoup d’entre nous vivent dans un climat de peur. Nous devons refuser cette logique de “diviser pour mieux régner”. Nous devons lutter ensemble pour mettre fin aux viols et aux meurtres, pour mettre fin au sexisme, au racisme et au capitalisme.

    Les patrons ne nous sauveront pas !

    Nous n’avons rien à attendre du gouvernement. Ce n’est pourtant pas le travail qui manque : il faut construire des maisons, des écoles, des cliniques, des routes, des moyens de transport ; il faut produire de la nourriture. Cependant, les ressources qui devraient nous permettre de répondre à ces besoins humains restent bloquées dans les grandes banques et dans les entreprises privées. Personne n’a besoin d’être au chômage ou d’avoir faim dans ce pays. Nous devons nous battre pour prendre le contrôle de l’économie.

    Prendre le contrôle de l’économie, ça ne veut pas dire lutter pour chaque boutique ou logement social, mais confisquer les mines, les banques, les grandes plantations et les grandes entreprises, nationalisées sous le contrôle démocratique des travailleurs et de la population. Ainsi, on dégagerait enfin les moyens pour mettre en place un véritable programme de travaux publics à grande échelle, offrant des salaires décents et sans appel d’offres. Il est temps que toutes les femmes et tous les hommes de la classe des travailleurs s’unissent autour d’un programme qui s’attaque à la racine de la crise. Nous devons nous battre pour que notre combat, qui s’inscrit en définitive dans une tendance mondiale à lutter contre l’oppression des femmes et la violence de genre, ébranle jusqu’aux fondements du système qui cautionne et perpétue cette oppression et cette violence.

    C’est à nous qu’il revient de forger l’unité de la classe des travailleurs dans un même parti de lutte de masse, en reliant entre elles toutes les luttes menées dans les entreprises et la fonction publique, dans les quartiers et parmi la jeunesse, au moyen d’un même programme de lutte socialiste. Notre objectif doit être une Afrique du Sud socialiste, une Afrique socialiste et un monde socialiste. Seul un changement fondamental de système nous permettra de nous débarrasser de toute oppression et de toute violence.

    En menant ce combat de masse, nous repousserons à la fois la xénophobie et la violence sexiste, en démontrant clairement que l’unité et la solidarité sont notre seule force pour changer réellement cette société malade et en forçant les 1 % de superriches à des concessions.

    LE WASP MILITE POUR :

    • Des manifestations de masse pour unir les travailleurs, les populations et les étudiants dans la lutte contre les crimes haineux tels que la xénophobie et les violences de genre.
    • Renforcer les services publics pour assurer un abri et des soins de santé gratuits et surs aux victimes des violences ; investir dans des soins de santé spécialisés pour les victimes et les auteurs de violences liées au genre.
    • Tolérance zéro contre la violence sexiste, le harcèlement sexuel et la violence xénophobe : créer des comités de surveillance dans les rues et les quartiers pour prévenir, condamner et faire cesser la violence.
    • Formation sur les violences sexistes pour tous les agents des forces de l’ordre et des tribunaux, investissement dans des tribunaux spéciaux et purge de la police de tous les auteurs d’actes de victimisation secondaire.
    • À travail égal, salaire égal ! Non à la baisse de 10 % des salaires et à la course vers le bas. Les syndicats doivent organiser les femmes et les travailleurs migrants et agir contre les patrons qui abusent des travailleurs migrants vulnérables.
    • Pour un véritable programme de travaux publics à grande échelle et un salaire minimum de 12.500 rands.
    • Mettre fin au harcèlement policier des commerçants de rue et des immigrés ; amnistie pour les « clandestins ».
    • Assurer le droit d’asile, réformer les systèmes d’immigration du ministère de l’Intérieur sous le contrôle démocratique des travailleurs et des communautés, y compris les réfugiés et les migrants ; chasser les fonctionnaires corrompus.
    • Un enseignement gratuit et de haute qualité pour tous, du préscolaire à l’enseignement supérieur. Congé parental rémunéré et garde d’enfants gratuite et de qualité pour tous.
    • Nationaliser les secteurs stratégiques de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs et les populations ; utiliser les ressources ainsi dégagées pour mettre fin au chômage, au sans-abrisme, à la pauvreté, au sexisme, au racisme et à la xénophobie.
    • Un monde socialiste sans division de genre, de nationalité, de « race » ou d’ethnie, débarrassé de la guerre, de la persécution et de la pauvreté.
  • Afrique du Sud. Le capitalisme ne mettra pas fin à l’inégalité et la violence. Il faut le socialisme !

    Le 22 mars, les étudiants d’extrême droite du NSV sont descendus dans les rues de Gand pour protester contre le meurtre de boers (blancs) en Afrique du Sud. Une septantaine de boers ont été tués l’an dernier, sur un total de 18 000 meurtres en Afrique du Sud. Peter Luykx (N-VA) a tenu une conférence à ce sujet au Parlement. Que se passe-t-il réellement en Afrique du Sud ?

    Par Tina, actuellement en Afrique du Sud

    Inégalité extrême

    Pendant la domination coloniale britannique, 87 % des terres d’Afrique du Sud ont été attribuées aux blancs. Après l’indépendance, il y a eu un régime d’apartheid au cours duquel les ‘‘Afrikaners’’ blancs ont pris le pouvoir et ont instauré un régime profondément raciste. La classe capitaliste n’était composée que de blancs et la minorité blanche (représentant 9% de la population) contrôlait 87% des terres. Et ce, jusqu’à la chute de l’apartheid en 1994.

    En 1994, la majorité de la population espéraient assister à un changement radical. Mais le Congrès National Africain (ANC) a refusé de rompre avec le capitalisme. Certes, au sein la classe capitaliste et de la classe moyenne, une infime présence noire a émergé, mais l’inégalité s’est maintenue. De plus, selon le coefficient de Gini (qui indique combien de ménages s’écartent du revenu moyen), l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire au monde. Aujourd’hui, 27% des Sud-Africains sont sans emploi, et, chez les jeunes, ce chiffre dépasse les 50%. Il y a environ 200.000 sans-abri et 15 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les trois Sud-Africains les plus riches possèdent autant que les 50% les plus pauvres. La liste des 20 Sud-Africains les plus riches comprend très peu de noirs. Le nouveau président, Cyril Ramaphosa, avec une richesse personnelle de 500 millions d’euros, figure au 14e rang.

    Les blancs ne détiennent sans doute plus 87 % du pays. Par contre, la plupart des 70% des terres privées restent aux mains des Blancs. Il s’agit des terres les plus fertiles disposant des meilleures machines agricoles et des meilleurs savoir-faire. 30.000 grands propriétaires terriens blancs gèrent chacun en moyenne 1.500 hectares de terres agricoles.

    Une épidémie de violence

    Dans ce contexte d’inégalité extrême sévit une épidémie d’agressions, de toxicomanie et de criminalité. Avec plus ou moins 18.000 meurtres par an, les victimes de violence sont nombreuses. Le changement espéré n’a pas été concrétisé par l’ANC. Le parti des Combattants de la Liberté Économique (EFF), le parti populiste de l’ancien membre corrompu de l’ANC Julius Malema, s’insère dans le vide politique. L’EFF exige des nationalisations partielles des secteurs minier et bancaire, mais ne défend pas une rupture avec le capitalisme. La privatisation de l’électricité a mené à des conditions de vie pires que sous l’apartheid. La privatisation imminente de l’eau (sous prétexte qu’il s’agirait d’une réponse à la sécheresse du Cap) aggravera cette situation.

    La répartition inégale des richesses et des terres conduit à une colère justifiée. La revendication de l’EFF qui appelle à l’expropriation des agriculteurs sans indemnisation est largement soutenue. L’absence d’un programme de changement social radical est par contre occultée derrière une approche nationaliste qui identifie les blancs à la petite classe capitaliste. En décembre 2017, L’ANC a décidé de permettre l’expropriation sans compensation, mais veut d’abord organiser un débat large avant que des mesures concrètes ne soient prises. Il est possible que rien ne change, tout au plus le remplacement de quelques grands propriétaires terriens par d’autres avec une couleur de peau différente.

    Nous sommes opposés à la violence – y compris contre les boers – et nous défendons un programme qui combat la profonde inégalité qui génère la violence. La misère de la classe ouvrière majoritairement noire en Afrique du Sud ne prendra fin lorsque l’emprise des capitalistes sur l’économie sera brisée. Cela vaut aussi pour les grands propriétaires terriens, qui sont la petite élite utilisant 95% des terres agricoles sud-africaines pour générer des profits colossaux aux dépens de la masse de la population.

  • Zimbabwé : Une révolte de masse ébranle le régime dans ses fondations

    zimbabwe

    Le Parti ouvrier et socialiste d’Afrique du Sud (Workers and Socialist Party, WASP) salue les travailleurs et les jeunes du Zimbabwé pour leur courage et pour leur détermination dans leur résistance contre la dictature du régime de Robert Mugabe.

    Nous condamnons la déclaration du secrétaire général de l’ANC qui décrit cette révolte des masses comme étant l’œuvre de « forces obscures » : cela ne fait que démontrer que l’élite dirigeante de l’ANC considère les masses zimbabwéennes avec le même mépris qu’elle a pour son propre peuple en Afrique du Sud. Pour ce régime, comme pour le régime de l’apartheid avant lui, la population est incapable de comprendre son oppression et de se dresser contre elle.

    En vérité, les « forces obscures » qui ont poussé le peuple à la lutte ne sont personne d’autre que le chômage, la misère, la corruption et l’effondrement de l’économie orchestrés par le régime capitaliste ZANU-PF lui-même.

    Déclaration du Parti ouvrier et socialiste d’Afrique du Sud (section sud-africaine du CIO)

    Le Zimbabwé décrit par les Combattants pour la liberté économique (EFF, le parti de Julius Malema) dans leur discours pour les 40 ans d’indépendance de ce pays n’existe que dans l’imagination enfiévrée de leur direction. Cette image est bien loin de la réalité de la vie pour les masses sous la dictature de Mugabe – un des modèles favoris de Malema pour son art de la rhétorique pseudoradicale.

    Le chômage au Zimbabwé touche 90 % de la population : seuls 700 000 habitants sur 12 millions gagnent une forme de travail. La pire sécheresse depuis des décennies a poussé à la famine 4 millions de gens (un tiers de la population). Un pays qui était autrefois le grenier de l’Afrique australe a été transformé en désert. La dislocation économique, le chômage, la corruption, la répression ont mené à un exode massif hors du pays, réduisant la population de plus d’un tiers.

    L’économie stagne, avec une croissance de 0 % en 2014 et une « hausse » de 0,9 % en 2015. Les prédictions « optimistes » de la Banque mondiale misent sur un petit 3 % en 2018, qui, quand bien même il serait réalisé, n’offrirait que peu de réconfort à la population par rapport à la politique capitaliste désastreuse mise en place par Mugabe.

    Mugabe, un dirigeant révolutionnaire ?

    Depuis sa prise du pouvoir, la politique capitaliste de la ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwé – Front populaire) a été un désastre pour l’économie du Zimbabwé comme pour les masses. Les dernières mesures économiques ne font que compléter la longue liste de toutes les trahisons des objectifs de la lutte de libération telle que le peuple l’avait envisagée. Les premières étapes de cette histoire de trahisons ont été la signature des accords de Lancaster House en 1979, dont l’essence était la promesse de Mugabe de préserver la dictature économique de la classe capitaliste.

    Par ces accords, Mugabe acceptait de ne pas toucher à la propriété capitaliste, d’honorer la dette d’État contractée par le régime blanc de Smith, de fermer les bases à partir desquelles l’ANC organisait sa lutte armée en Afrique du Sud, et de ne pas toucher aux terres des riches planteurs blancs. Tout au long de ces 36 ans de revirements brusques et variés, allant de la capitulation totale face aux intére?ts des capitalistes aux réformes pseudoradicales entreprises par son régime bonapartiste bourgeois, on constate que ce qui a dicté et dicte au final l’ensemble de la politique de la ZANU-PF depuis lors, est toujours la subordination des intérêts des masses à ceux de l’élite post-libération et à ceux des capitalistes nationaux et internationaux.

    Alors qu’aux débuts du règne de la ZANU-PF, la rhétorique politique de Mugabe était pleine d’éléments de langage radicaux, voire socialistes, sa politique gouvernementale n’a jamais dévié de la ligne capitaliste dans ses fondements. Au départ, les illusions que la population pouvait avoir envers le règne de Mugabe étaient renforcées par les importantes réformes entreprises : la reconstruction du pays après la fin de la guerre civile, l’annulation du budget de guerre du régime de la minorité blanche en faveur d’une politique sociale, ainsi que l’arrêt des sanctions internationales qui avaient lourdement frappé le régime Smith.

    Tout cela avait notamment permis au gouvernement de la ZANU-PF de doubler le nombre d’élèves scolarisés et de construire des milliers de nouvelles écoles dans les cinq ans qui ont suivi l’indépendance. Dans cette première période, Mugabe dénonçait systématiquement les ministres ZANU-PF qu’il accusait d’imiter les capitalistes parasites, allant jusqu’à comparer la bourse à un bordel.

    Mais malgré leur animosité envers les discours radicaux de Mugabe, les capitalistes ont bien vite réalisé que ces discours n’étaient jamais suivi de la moindre action correspondante. Comme le dit Leo Zeilig dans son ouvrage Crisis in Zimbabwe, « selon, un des plus grands banquiers des États-Unis, les dirigeants des principales entreprises du pays (TA Holdings, Lonrho, Anglo American, etc.) lui paraissait impressionnée et satisfaite de la gestion de Mugabe et de la compréhension croissante du gouvernement envers les considérations commerciales … Il me semble que cela devient comme une tradition pour Mugabe de se lancer dans un grand discours radical et anticapitaliste juste avant que son gouvernement ne prenne de nouvelles décisions favorisant les grandes entreprises ».

    Un député ZANU de gauche, Lazarus Nzareybani, concluait en 1989 que « Le programme socialiste a été reporté à une date indéterminée. Comment parler de socialisme dans un parti dirigé par de riches propriétaires terriens, qui emploient en masse une main-d’œuvre bon marché ? Lorsque les combattants étaient en brousse avec les armes, ils luttaient non pas pour déranger le système, mais pour le démanteler complètement. Et que voyons-nous aujourd’hui ? Des dirigeants qui s’empressent de faire appliquer les mêmes mesures qu’ils combattaient auparavant. »

    Quel repartage des terres ?

    Mugabe avait évidemment tout à fait raison lorsqu’il dénonçait l’hypocrisie du gouvernement britannique, qui n’a jamais envoyé les fonds prévus par les accords de Lancaster House pour dédommager les planteurs blancs dont les terres devaient être redistribuées. Mais en quoi cela l’empêchait-il d’accomplir sa réforme ? Si la redistribution des terres avait été appliquée dans le cadre d’un programme socialiste de transformation de l’économie, le manque de financement n’aurait même pas pu constituer un obstacle !

    Mais, fidèle à sa politique utopiste qui cherchait à satisfaire les intérêts des masses tout en tentant en même temps de maintenir le capitalisme et de fournir à la classe bourgeoise noire toutes les opportunités d’enrichissement dont elle rêvait, Mugabe a fini par faire de son programme de réforme agraire un véritable fiasco tant politique qu’économique.

    Les confiscations de terre qui ont finalement été accomplies ont couté 200 000 postes de travailleurs agricoles. Même si beaucoup de paysans noirs ont pu avoir accès à ces terres, Mugabe a surtout utilisé son programme pour affermir son soutien politique en distribuant les meilleurs terrains à ses amis politiciens, juges, généraux d’armée et commissaires de police. Mugabe était ainsi déterminé à s’assurer que ses amis, déjà privilégiés, se retrouvent en tête de la file d’attente.

    Une gestion calamiteuse de l’économie

    La crise actuelle découle en premier lieu directement des mesures désespérées prises par le régime Mugabe pour tenter de sortir son pays du marasme économique profond dans lequel il s’était retrouvé au début des années ‘2000. L’inflation a atteint 231 millions % (la deuxième plus forte inflation de l’histoire) – ce qui veut dire que certains jours, les prix doublaient d’heure en heure ! La seule solution avancée par la banque nationale pour tenter de contrer ce déluge océanique a été d’introduire le billet de 100 millions de milliards de dollars zimbabwéens – le record historique de chiffres sur un billet, pour une monnaie qui ne valait absolument plus rien du tout.

    Mais, tout comme la « cure » d’austérité brutale censée servir de remède à la crise provoquée par le Plan d’ajustement structurel, lui-même imposé en 1991 pour résoudre la crise des années ’80, s’est finalement avérée pire que le problème, les mesures censées résorber cette hyperinflation ont transformé le désastre en une catastrophe.

    Finalement, contre le poison de l’hyperinflation, le régime a opté pour l’équivalent économique d’une transfusion sanguine : faire disparaître le dollar zimbabwéen de la circulation pour le remplacer par le rand sud-africain et par le dollar étasunien. Cette humiliation auto-infligée signifiait la perte d’un aspect critique du pouvoir de la banque nationale (la possibilité de dévaluer la devise nationale afin de renforcer la compétitivité et donc accroitre les exportations). L’avenir de l’économie zimbabwéenne s’est retrouvée désormais encore plus liée à celui de l’économie sud-africaine et de l’économie mondiale.

    Cette mesure a causé une forte hausse des prix, handicapant l’industrie locale et forçant les consommateurs et les entreprises à ne plus compter que sur l’importation de marchandises bon marché provenant d’Afrique du Sud et de Chine. Les parrains politiques du Zimbabwé en Chine n’ont montré que peu de sympathie à leur allié de longue date, laissant Mugabe rentrer de Beijing les mains vides, incapable de rembourser sa dette envers le FMI.

    L’inondation du marché national sous les marchandises importées à bon marché a provoqué une aggravation de la crise de la balance de paiement et des tensions insoutenables sur la demande de devises pour financer les importations. Sans aucun contrôle sur les devises qui circulent dans le pays ni sur l’impression ou l’approvisionnement de monnaie, il n’en fallait pas plus pour que le pays soit bientôt dépourvu de la moindre liquidité.

    Mais ça, c’était avant la crise financière internationale de 2007-2008 – la pire crise du capitalisme mondial depuis 70 ans ! Suite à cette Grande Récession, l’économie zimbabwéenne a coulé tout droit jusqu’au fond de l’océan économique. Le fameux « supercycle des matières premières » s’est avéré n’avoir été rien d’autre qu’un mirage pour les marchés émergents.

    Enfin, comme s’il faisait un concours avec lui-même pour le prix de l’incompétence en matière de gouvernance, le régime Mugabe a cherché le salut dans une aventure militaire, en envoyant l’armée zimbabwéenne se battre au Congo-Kinshasa, pour participer aux côtés d’autres forces au pillage des ressources de ce pays, réduisant l’armée de libération nationale au rang de mercenaires au service d’une élite corrompue. Loin de récupérer, l’économie est entré dans une nouvelle phase de dépression prolongée.

    Les masses endurent une crise après l’autre…

    Un peuple fier d’avoir vaincu la minorité blanche, qui avait atteint le plus haut niveau d’alphabétisation du continent dans la période qui a suivi l’indépendance, se voit maintenant réduit à la mendicité, forcé de devenir une nation d’émigrants économiques prêts à accepter n’importe quel petit travail, transformé en un réservoir de main-d’œuvre bon marché pour les pays voisins. Pendant ce temps, le service de soins de santé qui était relativement décent est à présent détruit, dépassé par une épidémie de sida qui touche désormais plus d’un million de Zimbabwéens.

    Pendant que les masses s’enfoncent dans la pauvreté, le régime Mugabe et ses disciples ont poursuivent leur orgie d’enrichissement personnel : la corruption s’est répandue comme un virus dans chaque secteur de l’économie. En pleine crise, le gouvernement s’est vu contraint d’avouer qu’il était incapable de dire où étaient passés les 15 milliards de dollars (9000 milliards de FCFA) issus de l’exploitation des diamants du pays. Cette somme a tout simplement « disparu » !

    Le fil rouge dans toutes ces tentatives de résoudre les nombreuses crises économiques survenues tout au long de ces 36 ans est qu’à chaque nouveau soubresaut, le fardeau de la crise a été placé sur le dos de la population. Depuis l’austérité imposée par le plan d’ajustement structurel de la Banque mondiale (que Mugabe, en bon disciple de l’impérialisme, a appliquée malgré l’importante contestation populaire), jusqu’aux retards des salaires et aux restrictions actuelles sur les importations, c’est toujours le prolétariat qui a payé le prix de ces mesures « anticrises ».

    En plus des limites aux importations et du manque criant de liquidités, le régime a décidé d’introduire des « obligations d’État » dont la valeur est fixée par rapport à celle du dollar mais qui n’ont aucune valeur en-dehors du Zimbabwé. Cette proposition a été perçue comme une tentative secrète de restaurer le dollar zimbabwéen que personne ne veut plus voir ! Ce qui a suscité un vent de panique : des foules se sont précipitées pour retirer leur argent à la banque, aggravant en fait la pénurie d’argent liquide.

    La majorité de la population dépend aujourd’hui de transferts d’argent de l’étranger ou du commerce transfrontalier : lorsque le gouvernement a décidé de placer des restrictions aux montants pouvant être retirés au guichet, cela a encore allongé les banques ; lorsqu’il a décidé d’interdire l’importation de toute une série de produits de base tels que le lait pour café, les pommades, les mèches artificielles, les matelas ou les engrais, cela a privé les masses du dernier gagne-pain qui leur restait.

    Les restrictions à l’importation signifient que ce régime qui se trouve à la tête d’une économie incapable de donner un travail à 90 % de la population empêchait désormais tous ces sans-emplois de gagner leur vie d’une autre manière. Pour la population, les dernières réserves de patience et de courage face à l’adversité ont été épuisées. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le mouvement de masse actuel. Le dos au mur, le peuple n’a plus d’autre choix que de se lever pour résister.

    La manipulation pour réprimer les masses

    Ce renouveau de la lutte de masse suit plus de quinze ans de réaction politique et de marasme économique. Ébranlé par l’étroitesse de sa victoire frauduleuse sur le MDC (Mouvement pour le changement démocratique) aux élections législatives de 2000, Mugabe est résolu à conserver le pouvoir par n’importe quel moyen. Il a « gagné » depuis chaque élection présidentielle et législative en recourant à la manipulation (notamment en supprimant des registres électoraux les nombreux Zimbabwéens de l’étranger) accompagnée de campagnes de violences et de brutalités exercées par l’armée et les vétérans de la guerre, devenus les ennemis du peuple alors qu’ils étaient censés être ses libérateurs.

    Les dirigeants du MDC et autres militants ont été chassés, persécutés, enlevés et tués. Mugabe a exploité et abusé de la loyauté des vétérans de guerre qui avaient participé à la répression des mouvements de masse dans les années ’90, a transformé les membres de la jeunesse de la ZANU-PF en loubards tout juste bons à agresser les opposants. Au même moment, Mugabe continue ses discours pseudoradicaux dans lesquels il accuse l’impérialisme occidental de tous les maux, que ce soit la crise économique, le mécontentement populaire ou même la sècheresse.

    Dans notre sous-région d’Afrique australe, Mugabe bénéficiait de l’autorité d’un dirigeant qui avait dirigé un mouvement de libération nationale tel qu’il avait forcé l’impérialisme à s’assoir à la table des négociations ; il traitait d’ailleurs avec mépris Mbeki et Zuma, incapables de prétendre à de tels faits d’armes. À l’exception de Seretse Khama Ian Khama, le dirigeant du Botswana (lui-même loin d’être un démocrate), les dirigeants de la CDAA (Communauté de développement de l’Afrique australe) se contentaient de se courber devant Mugabe, lui renouvelant à chaque fois son siège de chef de la Sécurité et de la Défense de la CDAA, un organe dont la véritable fonction est l’écrasement de toute contestation dans les différents pays de la sous-région.

    Le président sud-africain Mbeki ainsi que son successeur Zuma n’ont jamais livré les conclusions de la commission d’enquête constituée autour des élections présidentielles de 2002 au Zimbabwé. Le rapport des juges de la cour constitutionnelle Kampempe et Moseneke, dont la révélation s’est faite sous la contrainte d’une décision de justice portant sur la liberté d’information, n’a fait que confirmer ce qui était bien connu mais qui était officiellement tu depuis plus de dix ans, c’est-à-dire que ces élections n’avaient pas été transparentes ni honnêtes.

    Le gouvernement de l’ANC a joué un rôle très important dans le maintien de Mugabe au pouvoir contre la volonté du peuple, entrainant dans la foulée tous les dirigeants de la CDAA. Un fameux exemple de sa collusion avec la ZANU-PF est la manière dont il a couvert le coup d’État parlementaire dénommé « élections législatives » de 2005 : le ministre sud-africain des Mines et de l’Énergie de l’époque, Phumzile Mlambo-Ngcuka, qui dirigeait alors l’équipe des observateurs de la CDAA au Zimbabwé, a déclaré ces élections « ouvertes, transparentes et professionnelles, … avec une importante attention portée sur l’égalité des genres et sur la représentation de la jeunesse ». C’est cet acte répugnant qui a valu à Mlambo-Ngcuka son poste de vice-président de la république sud-africaine. Parallèlement à cela, l’ANC avait envoyé son propre représentant du parti à la tête de sa propre mission d’observation, en la personne du ministre du Travail Membathisi Mdladlana, qui a lui aussi déclaré ces élections libres et transparentes, s’étant selon lui « déroulées dans un climat politique apte à la bonne tenue de la campagne électorale ».

    Comme les camarades du CIO en Afrique du Sud l’ont fait remarquer, ces « rapports d’observation » ont été émis malgré le fait que la ZANU-PF avait remporté les voix d’environ 3 millions d’électeurs fantômes, après avoir gonflé le nombre d’électeurs à 6 millions – un nombre extraordinaire dans un pays qui compte 12 millions d’habitants mais dont 4 millions, qui vivent à l’étranger, n’avaient pas le droit de prendre part au scrutin. Dans un flash-info à la télévision nationale, la ZANU-PF avait même au départ annoncé recevoir un nombre de voix supérieur à la population en âge de voter du pays !

    La cour suprême du Zimbabwé avait aussi autorisé sept candidats de la ZANU-PF à se présenter malgré le fait que ces candidats avaient été déclarés coupables de fraudes lors des élections de 2000. Comme notre correspondant à Harare nous l’a rapporté, le MDC s’est vu interdire d’organiser des meetings et se trouvait sous de nombreuses pressions visant à l’intimider.

    Les limites des circonscriptions électorales ont été retracées afin d’accroitre le nombre de sièges des zones rurales et de diminuer ceux des zones urbaines. Les votes des forces armées n’ont pas été supervisés ni vérifiés ; de nombreux soldats se sont plaint de ne pas avoir voté ou qu’on ait voté à leur place. Les médias ont refusé de diffuser les publicités du MDC ; tous les journaux indépendants ont été fermés.

    Un dirigeant discrédité parmi ses soutiens traditionnels

    Mugabe, irrévocablement marié au capitalisme, est désormais à cours d’options. Chaque mesure adoptée par lui au cours des trente-cinq dernières années n’a fait qu’aggraver la crise, que ce soient les plans de privatisation, d’africanisation, de réforme monétaire ou de contrôle sur les importations. Mugabe, face à cette crise à la fois politique et économique, est comme pris au piège de sables mouvants : plus il se débat, plus il s’enfonce.

    L’incapacité de Mugabe à payer les salaires des soldats à temps, le sentiment généralisé qu’il n’a pas la moindre solution à offrir face à la crise politique, économique et sociale qui étrangle le pays, les grondements clairement audibles de l’éruption à venir de la révolte des masses… tout cela va contraindre l’armée à se tourner vers des solutions radicales et jusque là, impensables. Mugabe ayant épuisé toutes ses dernières réserves de crédibilité politique, il n’est plus le maitre de son univers. Les masses ne sont pas les seules à s’en être rendu compte : la classe dirigeante en est elle aussi bien consciente.

    La déclaration émise par les vétérans de guerre le 22 juillet 2016 a été adoptée à l’unanimité par l’ensemble de leurs structures dans les dix provinces du pays, et signée par chacun des présidents d’arrondissement et des représentants de branches économiques. Cela représente un point tournant, que Mugabe prend visiblement très au sérieux puisqu’il s’est empressé de faire arrêter le porteparole et le secrétaire général des vétérans.

    Cette déclaration confirme l’évaporation des dernières illusions qui avaient liés ces combattants à Mugabe et qui avaient fait d’eux le principal pilier de son pouvoir pour la répression des masses et pour le maintien de sa dictature. Ce pilier fait à présent défaut à Mugabe ; la prise de position des vétérans de guerre en faveur des masses aura des répercussions à tous les échelons de l’armée, ce qui va accroitre les tensions entre l’armée et la faction toujours loyale à Mugabe. Il n’est pas impossible que Mugabe, face à des pressions provenant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur (via l’Afrique du Sud, la CDAA et l’UA), ne finisse par accepter de démissionner « pour le bien du pays », afin d’éviter la descente dans le chaos.

    De profondes divisions au sein de la ZANU, paralysée sur la question de la succession, ont été révélées par la formation de la faction G40 dont le but est d’assurer la continuation de la dynastie Mugabe via sa femme, Grace Mugabe (pourtant très peu populaire) et l’élimination de tout candidat rival à la succession. Emmerson Munangwaga, dont la promotion au poste de vice-président semblait à l’époque être le signe d’une désignation en tant que successeur favori de Mugabe, s’est retrouvé marginalisé au point qu’il aurait été exclu d’une récente réunion du bureau politique de la ZANU. Mugabe s’accroche autant que possible au pouvoir, annonçant même qu’il sera encore candidat aux élections de 2018 alors qu’il aura 94 ans, de peur que son départ ne provoque une guerre de succession ouverte et l’éclatement de la ZANU.

    Comment en sommes-nous arrivés là ? Mouvement populaire, direction petite-bourgeoise

    Cette vague de manifestations et de grèves représente la plus grande contestation au Zimbabwé depuis le mouvement de masse qui a ébranlé le régime ZANU-PF en 1996-98 et qui a failli le renverser. D’importantes leçons doivent être tirées de l’expérience de ces luttes, du rôle du MDC et, en remontant plus loin, des résultats de la lutte de libération elle-même.

    À chaque fois, la classe ouvrière n’a pas pu s’organiser de manière indépendante en tant que classe, se laissant représenter par des éléments issus d’autres classes qui, toutes, partageaient la conviction que le système capitaliste pourrait être géré d’une manière telle qu’il puisse bénéficier à la société dans son ensemble.

    Pourtant, tant la ZANU, qui avait émergé en tant que force la plus militante du pays et qui a joué le premier rôle dans la lutte contre le régime de la minorité blanche, que la ZAPU de laquelle elle était issue, ont été en fait les produits directs de la lutte du prolétariat, et particulièrement de la grève générale de 1948. Mais malgré son caractère plus radical, la ZANU, tout comme la ZAPU, étaient dirigées par des éléments originaires de la classe moyenne, qui n’avaient aucun programme de renversement du capitalisme en tant que partie prenante de la lutte pour la libération nationale.

    Dans les années ’90 tout comme aujourd’hui, les travailleurs du secteur public étaient à la tête du mouvement. Ils avaient été rejoints par les travailleurs de l’industrie et du commerce, par les femmes qui ont organisé les trois jours de « révolte du pain » contre la hausse du prix des denrées alimentaires, par les étudiants, par les travailleurs agricoles qui ont organisé des occupations de terres, par des vétérans de guerre, le tout accompagné d’une grève générale.

    Ce mouvement a appelé à la formation d’un nouveau parti des travailleurs, ce qui a forcé la direction du Congrès syndical zimbabwéen à fonder (à vrai dire contre son gré) le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) en septembre 1999.

    Malheureusement, la direction du MDC, l’enfant politique de la révolte des années ’90, a été incapable de résister aux nombreuses attaques lancées par Mugabe et s’est avérée indigne du mouvement qui l’avait fait naitre. Compromis dès le départ par l’influence d’hommes d’affaires libéraux, le MDC a adopté une politique économique procapitaliste en vérité à droite de celle de la ZANU-PF.

    Jusqu’au lancement officiel de cette organisation en septembre 1999, ce parti était dominé par des syndicalistes, mais un bloc de classe moyenne, représentant les intérêts du patronat local et international, a rapidement commencé à s’implanter dans la direction du parti. C’est ainsi qu’Eddy Cross, un important homme d’affaires, est devenu le porteparole du MDC sur les affaires économiques. Lors des élections législatives de juin 2000, les travailleurs ne constituaient déjà plus que 15 % des candidats.

    La politique du parti s’est également rapidement modifiée : le parti a commencé à se chercher des parrains parmi les dirigeants occidentaux et annonçait, dans son programme électoral, vouloir promouvoir le « libre marché », la « privatisation », les « investissements directs » et une réforme agraire qui était encore plus à droite que celle de la ZANU-PF, n’offrant que très peu de redistribution de terres à destination des pauvres. Le MDC est devenu le poulain de l’Occident, ne faisant en fin de compte qu’étayer la rhétorique anti-impérialiste pseudoradicale de Mugabe.

    Une fois élu dans plusieurs conseils municipaux, le MDC s’est retrouvé infecté de la même corruption, du même factionnalisme et de la même autocratie que la ZANU-PF. Après d’innombrables scissions, aucune de ces factions rivales issues du MDC n’a été capable de mettre en avant une direction apte à trouver l’issue à l’impasse dans laquelle se trouve la société zimbabwéenne. Accablées par la misère, l’indigence et la famine, les masses se sont retrouvées forcées de supporter encore la dictature de Mugabe jusqu’à ce qu’elles n’en puissent décidément plus.

    Vers où aller ?

    Les masses reprennent une lutte que l’on peut dores et déjà qualifier de nouveau « Chimurenga », excepté que cette lutte vise à présent la libération de la ZANU-PF et du système capitaliste qu’elle représente. Elles le font dans des conditions qui sont infiniment plus compliquées sur le plan économique qu’il y a quinze ans, mais dans un contexte politique qui présente une nouvelle opportunité pour les masses de construire sur la base des acquis de la formidable révolte des années ’90. Il leur faut cette fois bâtir un parti révolutionnaire des prolétaires et des paysans armé d’un programme socialiste pour dégager non seulement le régime Mugabe mais aussi le système capitaliste pourri de crises qui leur inflige misère sur misère.

    La révolte en cours montre toutes les caractéristiques inévitables des mouvements spontanés qui font leurs premiers pas : la reconnaissance du problème central, qui est la dictature du régime ZANU-PF dirigé par Mugabe et l’unanimité sur le fait que toute solution à la crise sociale doit commencer par son retrait de la scène politique. Mais à côté de ça, justement à cause de son caractère spontané, différentes forces mettant en avant différents programmes et appelant à suivre des trajectoires différentes se sont également dressées – certaines allant dans le sens des conclusions que les masses ont tirées, d’autres se trouvant à la traine, mais aucune n’étant encore parvenue à présenter un programme proposant l’idée d’un Zimbabwé socialiste en tant qu’objectif pour après que Mugabe ait quitté le pouvoir.

    La personne qu’on nous présente comme étant le leader du mouvement #Thisflag, le pasteur Evans Mwariri (lequel s’est retrouvé sous les projecteurs de manière purement accidentelle), intimidé par les accusations selon lesquelles il serait un agent au service de forces étrangères avides d’obtenir un changement de régime, appelle maintenant à un « dialogue national » au cours duquel Mugabe et son parti accepteraient de quitter le pouvoir par la négociation.

    Nous ne pouvons accorder la moindre confiance à la CDAA, à l’UE ou à l’ONU. Tous les gouvernements membres de la CDAA sont tout aussi terrifiés du mouvement de masse au Zimbabwé que Mugabe lui-même. Toute intervention de la CDAA sera calculée afin d’étouffer l’incendie révolutionnaire. Même si les gouvernements de la sous-région commençaient à appeler Mugabe à laisser le pouvoir, ce serait dans le but de pouvoir organiser une « transition » vers un nouvel ordre procapitaliste post-Mugabe.

    L’UA a prouvé à de nombreuses reprises n’être rien d’autre qu’un club pour l’arbitrage des rivalités entre les différents chefs d’État procapitalistes, composé de blocs rivaux dont les allégeances sont basées sur les liens économiques et politiques persistants vis-à-vis de leurs anciens maitres coloniaux ou d’intérêts économiques régionaux. L’UA est incapable de résoudre le moindre problème qui se pose aux masses africaines où que ce soit en Afrique ; dans chaque crise majeure, elle se contente la plupart du temps de rester là à observer bouche bée, n’agissant qu’en cas de couverture pour des interventions françaises ou états-uniennes. L’ONU, une agence qui a contribué à l’assassinat de Patrice Lumumba, est elle aussi connue pour son impuissance lors du génocide qui a tué des millions de gens au Rwanda en 1994.

    Les masses ne peuvent avoir confiance qu’en leurs propres organisations, en leur propre pouvoir et en leur propre programme. Leur expérience de la lutte va elle-même certainement finir d’achever les dernières illusions et idées erronées qu’elles pourraient avoir et forcer les différentes forces à converger autour d’un programme d’action commune.

    Mais pour s’assurer que le processus de clarification dans la conscience aille jusqu’à une compréhension de la nécessité de renverser le capitalisme et d’opérer la transformation socialiste de la société, la tâche absolument prioritaire reste la création d’un parti révolutionnaire des prolétaires et des paysans, armé d’un programme socialiste. Dirigées par un tel parti, les masses zimbabwéennes pourront briser la chaine du capitalisme mondial à un de ses maillons les plus faibles, et joindre leurs forces à celles de la puissante classe ouvrière sud-africaine et à travers toute la sous-région pour créer un Zimbabwé socialiste, en tant que première étape vers la fédération socialiste d’Afrique australe, l’Afrique unie socialiste et un monde socialiste.

    L’action du peuple zimbabwéen est déjà en train d’inspirer les masses dans toute la sous-région. Une victoire de leur part représenterait une avancée considérable pour les travailleurs de toute la sous-région et du continent, tout en instillant une crainte terrible dans les cœurs des régimes de la CDAA. Nous applaudissons la déclaration de soutien au peuple zimbabwéen émise par le Cosatu (Congrès des syndicats sud-africains) ; même si, vu comme l’action de cette fédération syndicale est limitée par sa participation à l’alliance tripartite au pouvoir en Afrique du Sud aux côtés du Parti « communiste » et de l’ANC, il est improbable que cette motion soit suivie d’une action conséquente.

    Tandis que l’ANC insulte les masses zimbabwéennes et que les Combattants pour la liberté économique, qui soutiennent Mugabe, se trouvent du mauvais côté des barricades, le WASP, Parti ouvrier et socialiste d’Afrique du Sud, est fier de suivre les traditions internationalistes de sa classe ouvrière révolutionnaire et d’organiser la solidarité avec la lutte au Zimbabwé et en Afrique du Sud.

    Nous disons :

    – Mugabe dégage ! Pour la démission immédiate du régime Mugabe.

    – Soutien aux manifestations frontalières de masse. Luttons pour mettre un terme à toutes les restrictions aux importations ! Construisons un mouvement de masse des travailleurs des transports et des petits commerçants pour bloquer le pont de Beit et autres points frontaliers tant que les restrictions n’auront pas été levées.

    – Luttons pour le paiement immédiat de tous les arriérés salariaux ! Pour un plan tournant de luttes et de manifestations de masse jusqu’à ce que les salaires soient payés, sous la direction de comités d’action élus par les travailleurs.

    – Exigeons la libération immédiate de l’ensemble des prisonniers politiques. Libérez tous les prisonniers politiques à la suite du pasteur Marawire. Organisons des manifestations de masse devant les commissariats de police et les prisons pour exiger leur libération.

    – Construisons des comités d’action prolétariens regroupant les travailleurs, les jeunes, les sans-emplois, les petits commerçants et les paysans dans chaque quartier ou village afin de coordonner la contestation de masse. Toutes les décisions concernant le mouvement des marchandises, la prestation des services et autres décisions concernant la gestion de la société doivent être prises par des comités démocratiques de masse du peuple zimbabwéen.

    – Ces comités d’action doivent organiser des unités d’autodéfense soumises au contrôle démocratique des masses afin de protéger les protestations et les militants de l’intimidation et de la violence du régime ; confisquons les biens de Mugabe, des cadres de la ZANU-PF et autres cadres du régime en les plaçant sous le contrôle des comités d’action ; interdiction de voyage pour Mugabe et les cadres de son régime !

    – Faisons perdre tous ses moyens au régime Mugabe ! Construisons des comités d’action des simples soldats, policiers et pilotes, avec élection des sous-officiers et des porteparoles ; désobéissance vis-à-vis de toute ordre provenant d’officiers attachés au régime ! Associons ces comités de corps habillés aux comités d’action populaires pour organiser une lutte unie. À bas les barrages et le racket policier !

    – Relions les comités d’action du peuple zimbabwéen des différentes villes, départements et régions en une structure nationale qui assurera la fondation d’un gouvernement des travailleurs et des paysans, et qui organisera le jugement démocratique de Mugabe et des laquais.

    – Aucune confiance dans les institutions de l’impérialisme que sont l’ONU, l’UA et la CDAA. Construisons des liens avec les travailleurs de toute l’Afrique australe. Organisons des comités d’action en-dehors du Zimbabwé dans toutes les communautés zimbabwéennes à l’étranger, en lien avec les communautés locales et les organisations syndicales et de la jeunesse des différents pays. Pour une lutte unie contre la xénophobie. Luttons pour les droits des immigrés. Organisons les travailleurs immigrés dans les syndicats partout où ils se trouvent.

    – Construisons un parti révolutionnaire de masse des jeunes et des travailleurs pour un Zimbabwé socialiste, dans lequel se retrouveront l’ensemble des militants du mouvement de masse contre Mugabe.

  • Afrique du Sud : Six mois après la lutte étudiante qui a fait reculer Zuma

    South-A-students-protestsRéorganiser le mouvement autour d’une direction et d’une ligne cohérente pour pouvoir progresser !

    Le mouvement contre la hausse des frais d’inscription (FMF) a marqué l’année 2015 en obtenant l’annulation de la hausse prévue des fins d’inscription dans les universités en Afrique du Sud. Cependant, la « deuxième » phase de la lutte pour l’enseignement gratuit piétine. Cela pour diverses raisons. Les trois assemblées organisées par les représentants du mouvement à la fin 2015, auxquelles ont participé une vingtaine d’institutions, constituent un des plus importants facteurs de progrès depuis l’arrivée de la démocratie capitaliste libérale en 1994. Mais certaines de ces assemblées ont également montré d’importantes faiblesses qui expliquent la stagnation actuelle de FMF, en particulier au niveau du programme et de la direction.

    Par Trevor Shaku, Mouvement des jeunes socialistes d’Afrique du Sud (organisation jeune du CIO en Afrique du Sud)

    Le programme

    fees+protest+Union+Buildings+18+October+23+2015Un programme est un guide pour l’action : la stratégie et la tactique requises pour accomplir les objectifs programmatiques et la fondation à partir de laquelle un plan d’action peut être élaboré. En tant que tel, le programme est toujours un point de référence à la lueur duquel évaluer les réussites et les échecs du mouvement pour l’enseignement gratuit, afin de pouvoir mettre en œuvre une réflexion stratégique ; pour évaluer la progression, tirer les leçons de la dernière période et tracer des perspectives pour le futur.

    Le but de ce genre d’évaluations ne peut être simplement de partager des expériences comme des anecdotes concernant des bagarres avec la police. Un programme peut concrétiser ces expériences en leur donnant une forme concrète et en les traduisant en un guide pour l’action au cours de la prochaine confrontation avec les directions des universités et le gouvernement.

    Malgré le fait que la revendication de l’enseignement gratuit bénéficie d’un immense soutien parmi la population, les actions de la « deuxième phase » du FMF se sont concentrées sur les problèmes d’inscription, d’hébergement, du racisme et de langage utilisé. Cependant, les conflits sur ces questions ont pris la forme d’escarmouches entre une minorité d’étudiants actifs et la direction plutôt que d’une confrontation de masse, comme cela a été le cas en octobre 2015. Le soutien de la masse des étudiants s’est refroidi et est devenu passif plutôt qu’actif.

    Prenant bonne note de ce fait, le gouvernement a tenté d’utiliser à son avantage la concession qui lui avait été arrachée afin de forcer une division entre la masse et la minorité d’activistes, dans une tentative de restaurer l’autorité de l’Alliance des jeunes progressistes (PYA, une organisation de jeunes de l’ANC) et de rétablir l’ordre en encourageant les directions des universités à recourir à la force.

    C’est dans ces circonstances que le FMF s’est retrouvé incapable de conserver son unité et sa cohérence. Le mouvement n’a pas de programme clair, n’a pas de structures contrôlées par la base, n’a pas de direction démocratiquement élue. En fait, certains avancent même l’idée selon laquelle le mouvement serait rendu plus démocratique du fait qu’il ne possède aucune structure démocratique, qu’il ne suit aucune vision idéologique déterminée par un débat démocratique et qu’il ne dispose d’aucune programme d’action décidé démocratiquement. Tout cela a semé beaucoup de confusions quant à la voie à suivre pour pouvoir avancer.

    Sans une perspective partant de la reconnaissance de la relation entre les luttes étudiantes et les luttes ouvrières contre la politique capitaliste néolibérale menée par le gouvernement et pour le socialisme, le FMF a été privé de toute possibilité d’atteindre une clarté idéologique ; de ce fait, il n’a pas pu obtenir la moindre cohésion programmatique et organisationnelle.

    Sans un programme cohérent pour nous guider dans l’action, le FMF est resté inconsistant, sans le moindre programme coordonné sur le plan national. Malheureusement, les quelques rencontres interprovinciales ou nationales qui ont été organisées ne se sont pas penchées sur cette question cruciale.

    Par exemple, les quelques camarades du Mouvement des jeunes socialistes (mouvement jeunes du CIO en Afrique du Sud) qui ont participé à la rencontre du 11 décembre 2015 ont averti du fait que l’absence d’un programme allait créer une situation où les décisions seront prises campus par campus. Certains campus commencent ou terminent une grève à tout moment, en fonction du rapport de forces du moment sur chaque campus. Même s’ils décidaient de ne pas organiser d’action, cela serait également décidé localement sur chaque campus, et non de manière concertée avec l’ensemble du mouvement.

    Cette approche est extrêmement problématique, car elle nous empêche d’organiser un front uni étudiant au niveau national pour exercer une pression assez grande que pour contraindre le gouvernement à répondre à nos revendications en faveur de la gratuité de l’enseignement. L’absence d’un programme, comme l’ont dit nos camarades, fait qu’on voit apparaitre des poches de contestation qui ne bénéficient de presque aucune solidarité au plan national de la part des étudiants ou de la population de manière générale, ce qui fait que le gouvernement a vite fait de les réduire au silence. Cette perspective a d’ailleurs déjà été confirmée par la tournure qu’ont pris les évènements depuis janvier de cette année.

    Même si des victoires peuvent être gagnées sur base de campagnes et actions locales, on ne peut combattre un problème éminemment structurel uniquement à partir de petites luttes isolées.

    Certains camarades ont le sentiment que l’adoption d’un programme reviendrait à imposer des « résolutions » aux différents regroupements FMF. C’est pourquoi ils préfèrent laisser ces instances locales décider de tout de manière séparée. Mais en réalité, cela signifie que nous privilégions les petites actions spontanées sur les différents campus plutôt qu’une révolte globale et coordonnée au niveau national, organisée autour d’un plan d’action commun.

    Tout ce qui s’est passé depuis janvier n’a fait que confirmer nos appréhensions. Le mouvement n’a pas été capable de revenir au stade où il se trouvait en octobre 2015, où on a vu la plus forte implication des masses. Au lieu de ça, il a fluctué, avec des poches de contestation éclatant sur différents campus de manière désordonnée. Nous ne voulons absolument pas ici dénigrer le rôle héroïque des camarades qui participent à ces mouvements. Mais il faut bien se rendre compte que ces actions ont toutes finies par être isolées et étouffées par la police, les compagnies de sécurité et le ministère de l’Enseignement supérieur, avec l’aide des médias et de l’Alliance des jeunes progressistes (PYA). En l’absence d’un programme issu d’un débat démocratique à travers l’ensemble des universités du pays, il a été impossible d’unifier les différents groupes de lutte autour d’un objectif et d’un plan d’action communs.

    Pour le dire autrement, l’absence d’un programme fait que le FMF se retrouve dépourvu d’une colonne vertébrale. Un programme ne résout évidemment rien de lui-même ; il faut également installer des structures et une direction responsables pour le faire appliquer et respecter.

    La direction

    Le refus d’apprécier l’importance cruciale d’un programme fait aussi oublier l’importance d’une direction. Il est évidemment tout naturel d’être dégouté par tous ces mouvements où la « direction » est surtout responsable d’étouffer la voix des membres de la base, d’isoler les mécontents, ne rend des comptes à personne et contraint ses membres à suivre aveuglément la ligne dictée par cette même direction.

    Mais cela ne veut cependant pas dire qu’il faille rejeter le concept d’une direction dans son entièreté. Car cela revient à jeter le bébé avec l’eau du bain ! En effet, il est impossible de faire appliquer un programme sans qu’il n’y ait de structures composées d’individus auxquels on a donné la responsabilité de jouer ce rôle – c’est ce que nous entendons par le terme de « direction ».

    Noter modèle de direction doit être basé sur le principe d’élections, avec des leaders soumis au droit de révocation. La ressemblance entre ce que nous proposons et le modèle « traditionnel » d’une direction ne se trouve donc que dans l’appellation. La direction que nous voulons fonctionnera de manière complètement différente. Toutes les décisions doivent être débattues et adoptées de manière démocratique par l’ensemble des camarades. Le seul objectif derrière l’idée de direction est d’éviter que notre mouvement se retrouve désorganisé, ou au final dirigé par des « volontaires » sur lesquels la base n’a finalement aucun contrôle.

    Le contrôle sur les dirigeants garantit l’exécution du programme et, lorsque nécessaire, la redéfinition de la tactique adoptée. Sans une direction, nous restons désorganisés sur le plan national. Cela veut dire que le FMF perd la capacité de lutter contre le gouvernement et de gérer la riposte, ou même de mobiliser des ressources légales et financières de manière efficace.

    Cette grave faiblesse résultant de l’absence d’une direction, on la voit dans notre incapacité à répondre aux accusations selon lesquelles le FMF ne serait qu’une agence téléguidée par les États-Unis. Aucune réponse formelle n’a été donnée à ces accusations répugnantes, tout simplement parce qu’on a laissé chacun y répondre de son côté s’il le désirait.

    Cette approche du « tout le monde est responsable » signifie au final que personne ne se sent responsable. Ces accusations, qui seront utilisées plus tard pour justifier la répression de notre mouvement, appelaient pourtant une réponse ferme et claire de notre part. Nous ne sommes pas un groupe de conspirateurs qui préparent un coup d’État. Nous sommes simplement des jeunes préoccupés par notre situation, qui désirons un avenir meilleur et le droit à l’enseignement gratuit.

    Ce qu’entrainent ces faiblesses

    L’histoire ne se déroule pas selon notre bon vouloir ; c’est plutôt nous qui sommes soumis au rythme qu’elle nous impose. La science révolutionnaire, exprimée dans la langue de Shakespeare, le démontre bien : « Il y a une marée dans les affaires des hommes qui mène à la fortune ceux qui embarquent à temps ».

    Dans les faits, cette citation souligne bien l’importance du temps et de l’action. Il est important de comprendre que la démoralisation est tout autant une caractéristique de cette période historique que le sont la confiance et l’optimisme. Le mécontentement des étudiants suscité par leurs conditions matérielles immédiates (l’inaccessibilité des études et la difficulté de payer les frais d’inscription) ne sera pas toujours présent. Le gouvernement capitaliste et ses maitres d’économie néolibéraux vont chercher à réduire l’ampleur de la pression de ces conditions matérielles immédiates. Ils l’ont d’ailleurs déjà fait en annonçant une augmentation du budget alloué aux bourses pour l’année 2016. Cet aspect a joué un rôle crucial dans la démobilisation des étudiants en janvier, ce qui a affaibli le potentiel de contestation.

    Cela veut dire que si nous ne nous préparons pas en mettant en place une direction et un programme concret, nous serons certainement incapables d’embarquer lorsque la prochaine marée révolutionnaire arrivera. Il y a un immense potentiel de luttes devant nous, qui seront provoquées par l’expulsion des étudiants qui n’auront pas payé leurs frais d’inscription et par les difficultés financières qui vont, de manière générale, s’accumuler sur les étudiants vu le définancement de l’enseignement. Nous devons améliorer notre position afin de pouvoir surfer sur la nouvelle vague qui viendra, parce que si nous échouons, cela signifie que notre bateau risque de s’échouer lui aussi.

    La tendance à éviter une direction et un programme semble liée à l’idée de détacher les luttes des étudiants des luttes menées de manière plus globale par l’ensemble des couches exploitées et opprimées de la société. Nous devons cependant refuser de nous laisser entrainer dans ce discours de professeur libéral qui sépare les différentes disciplines de manière artificielle au lieu de privilégier les approches inclusives qui considèrent la vie dans sa totalité. Le fait est que nous luttons contre un système extrêmement organisé, le capitalisme impérialiste. L’enseignement gratuit n’est jamais qu’une ligne de front dans cette guerre. Exiger la gratuité de l’enseignement revient à soulever une question structurelle ; il faut donc lier cette lutte à une tactique d’agitation en faveur de la lutte globale contre le capitalisme impérialiste. Toute tentative de détacher la lutte pour l’enseignement gratuit de la lutte générale de l’ensemble du prolétariat va inévitablement entrainer une tactique incorrecte et engendrer d’énormes faiblesses, qui seront exploitées par tout ceux qui cherchent à déstabiliser notre mouvement.

    C’est cette même situation qui a encouragé l’intolérance réactionnaire du regroupement EFF/Pasma (Combattants pour la liberté économique / Mouvement étudiant panafricain d’Azanie), qui a décidé d’organiser ses propres meetings au nom du FMF tout en tenant des discours dignes de l’apartheid pour exclure du mouvement les militants homosexuels. Le fait est que, en l’absence de la moindre direction officielle, n’importe qui a le droit d’appeler à un meeting au nom du FMF à notre place !

    Le Mouvement des jeunes socialistes condamne de la manière la plus forte l’exclusion et l’agression physique des militants homosexuels. Une telle intolérance réactionnaire n’a rien à faire au sein de notre mouvement. Mais la défense la plus efficace contre ce type de dégénérescence est de refonder le FMF sur une base démocratique, en le dotant d’une cohérence stratégique et organisationnelle, en débattant d’un programme d’action qui sera adopté et appliqué par des structures.

    Et ensuite ?

    Il faut nous réorganiser. Les regroupements progressistes de la communauté étudiante partout dans le pays ont commencé à organiser des débats pour réorganiser les sections les plus combattives du FMF en un Mouvement pour l’enseignement gratuit (FEM) avec une position idéologique claire et une cohérence programmatique et organisationnelle. La confusion théorique et les illusions qui ont caractérisé le FMF et qui caractérisent toujours ce qui reste de ce mouvement doivent être rangées au placard par le nouveau FEM.

    À ce stade, la tâche hautement révolutionnaire reposant sur les épaules des étudiants issus de la classe prolétaire, doit être de mettre en place une large organisation radicale qui leur appartiennent à eux seuls. Le FMF a jeté la base pour la fondation d’un nouveau mouvement étudiant large. Le Mouvement des jeunes socialistes va pleinement participer à la création de ce nouveau mouvement étudiant progressiste large ; nous invitons les autres forces progressistes à faire de même. Nous ne pouvons permettre à des aventuriers et à des populistes de continuer à se servir de la cause des étudiants pour servir leurs propres intérêts. En même temps, nous devons offrir aux étudiants une alternative progressiste à la PYA.

  • Afrique du Sud : La fédération syndicale Cosatu se scinde en deux

    vavi_afriquedusudL’expulsion de Vavi ouvre un nouveau chapitre dans la lutte des classes

    Vingt ans de collaboration de classes dans le cadre de l’Alliance tripartite (qui réunit le parti ANC, le parti « communiste » SACP et la fédération syndicale Cosatu, Congrès des syndicats sud-africains) ont finalement mené à une scission irréversible au sein de la fédération syndicale Cosatu. Le 30 mars, le comité exécutif central (CEC) du Cosatu a exclu son secrétaire général Zwelinzima Vavi, un fervent critique de la politique antisociale menée par le gouvernement ANC (Congrès national africain, le parti de feu Nelson Mandela) tout au long des seize années qu’il a passées à la tête de la fédération. De plus, le CEC du Cosatu a décrété que l’expulsion du Numsa (Syndicat des travailleurs du métal d’Afrique du Sud) serait désormais permanente. Le Cosatu a admis en son sein le Syndicat libéré des travailleurs du métal d’Afrique du Sud (Limusa), un syndicat « jaune » (« amagundwane », c’est-à-dire « les rats» en langue zouloue) dirigé par l’ancien président du Numsa, Cedric Gina.

    Par des correspondants du Workers and Socialist Party (Wasp, CIO-Afrique du Sud)

    Cette scission survenant au sein du Cosatu est la conclusion logique de ces vingt dernières années. Le journal du WASP, Izwi La Basebenzi (« La Voix des travailleurs »), a toujours souligné le fait que l’Alliance tripartite reposait sur des classe sociales dont les intérêts sont diamétralement opposés ; que loin d’être nécessaire pour l’unité de la classe des travailleurs comme le SACP (Parti « communiste » sud-africain) l’a toujours défendu, cette Alliance garantissait sa désunion. Izwi a donc appelé la base du Cosatu à reconquérir l’indépendance politique de classe de leur fédération en faisant sortir le Cosatu de l’Alliance.

    La contradiction était qu’une fédération syndicale à l’histoire militante et à l’idéologie socialiste ne pouvait rester dans une alliance avec l’ANC, un parti pro-capitaliste, et avec les chantres du capitalisme sud-africain regroupés au sein du Parti « communiste » sud-africain. Cela ne faisait que menacer l’unité des travailleurs. La fédération syndicale fut déchirée par des pressions irréconciliables : la loyauté et la soumission politiques à l’ANC d’une part et les intérêts des travailleurs qui ont édifié le Cosatu par leur sueur et leur sang d’autre part.

    De fait, cela fait des années que l’on assiste à un processus de scission du Cosatu au ralenti, au vu des nombreuses scissions à petite échelle au niveau des syndicats membres du Cosatu. Le massacre de Marikana en 2012 (la police tirant sur des grévistes et faisant de nombreux morts) a été le choc final qui a ébranlé les fondations de l’Alliance et qui a tracé une ligne nette entre les forces qui s’alignaient du côté du gouvernement ANC ainsi que des patrons des mines et les revendications des comités de grève indépendants mis en place par les mineurs qui aspiraient à une indépendance politique de classe. Marikana a constitué le point tournant qui a fait se transformer la quantité en qualité. Depuis ce moment charnière, la scission définitive du Cosatu était garantie ; la seule chose que nous ne pouvions prédire était de savoir exactement comment et quand elle allait se produire. Les réponses à ces deux questions ont maintenant été données.

    Une nouvelle fédération en voie de constitution

    Depuis l’expulsion du Numsa en novembre dernier, Vavi et les dirigeants de divers syndicats (Syndicat des travailleurs du secteur public et alliés – Pawusa, Organisation démocratique des aides-soignants d’Afrique du sud – Denosa, Syndicat des travailleurs de l’alimentaire et alliés – Fawu, Syndicat des travailleurs de l’État d’Afrique du Sud – Sasawu, Syndicat des travailleurs de la communication – CWU, Syndicat des footballeurs sud-africains – Safpu, Syndicat des travailleurs du commerce et de l’hôtellerie d’Afrique du Sud – Saccawu) boycottent les réunions du Cosatu en solidarité avec le Numsa.

    La question d’une nouvelle fédération syndicale se pose aujourd’hui ouvertement et les discussions sont déjà en cours en vue de sa réalisation. Vavi a déclaré qu’une réunion des alliés du Numsa au sein du Cosatu se tiendra les 5 et 6 mai prochain afin de discuter de la suite des évènements et de préparer un « Congrès des travailleurs » au mois de juin. On dit aussi que le Numsa est en train de discuter avec la fédération Nactu (Conseil national des syndicats), avec l’Amcu (Association des syndicats des travailleurs des mines et de la construction) et avec d’autres syndicats indépendants.

    Les défenseurs des idées du socialisme se battent pour l’unité la plus large possible de la classe des travailleurs. Mais à certains moments de l’histoire, une scission telle que celle qui est à présent en train de se produire au sein du Cosatu a le potentiel d’être progressiste à partir du moment où elle donne la possibilité d’accroitre la combativité de la classe des travailleurs.

    Cela fait maintenant deux ans que le Cosatu est paralysé. Malgré des résolutions en vue de mener des campagnes et des luttes sur divers thèmes tels que le personnel de sous-traitance et les péages routiers, rien ne s’est concrétisé. Nous reprenons l’appel de Vavi : « Arrêtez de pleurer, organisez-vous ! » En outre, Vavi a également déclaré : « Vous me trouverez partout, en train de marcher avec les travailleurs, en train de les mobiliser, en train de renforcer le recrutement des travailleurs (…) en train de négocier, de mener des campagnes contre la sous-traitance, contre les péages, contre l’exploitation, contre les licenciements (…) » Il est clair que les meilleures traditions de combativité ont quitté le Cosatu en même temps que le Numsa et Vavi. La lutte doit se trouver au cœur de la nouvelle fédération.

    Le WASP soutient le plan proposé pour aller de l’avant. Nous avons constamment appelé le Numsa et ses alliés à convoquer un tel congrès, surtout vu le mépris ouvert de la direction pro-ANC du Cosatu par rapport à ses propres statuts, qui exigent notamment la tenue d’un congrès extraordinaire pourtant exigée par les textes en pareilles circonstances. Nous écrivions en novembre dernier : « Une date doit être donnée pour une conférence au début de l’an prochain afin de discuter de l’avenir du mouvement syndical. Cette conférence devra être ouverte non seulement au Numsa et à ses alliés, mais à tous les membres et structures des autres centrales membres du Cosatu, aux membres de la fédération syndicale Nactu, aux syndicats indépendants et à des groupes de travailleurs non organisés qui luttent pour fonder de nouveaux syndicats. » Il est très important que tout « Congrès des travailleurs » cherche à lancer un pont vers tous les travailleurs qui sont encore détenus comme otages dans ce qui reste du Cosatu et fasse tous les efforts possibles pour les rallier.

    La question pressante est maintenant l’orientation et le caractère politiques de cette éventuelle nouvelle fédération. Toute nouvelle centrale syndicale devra se baser sur des syndicats démocratiques et contrôlés par les travailleurs, comme cela était d’ailleurs l’intention des fondateurs du Cosatu en 1985.

    Le mouvement doit se purger de la corruption envahissante des dernières vingt années. Une leçon cruciale à tirer de la chute du Cosatu est de reconnaitre l’impact nocif de la collaboration de classes. Vavi insiste sur la corruption en tant que cause première de la chute du Cosatu, mais en réalité, cette corruption n’est qu’un symptôme, la conséquence inévitable de la politique de collaboration de classes. La nouvelle fédération doit restaurer les idées socialistes de départ du Cosatu pour donner une fondation aux luttes qui s’ouvrent devant nous.

    La désintégration du Cosatu va accélérer les divisions au sein du SACP, la parti « communiste » sud-africains. Elle va aussi continuer à saper l’autorité de l’ANC, ce qui s’est déjà reflété dans les élections générales de l’année passée, où la soi-disant majorité de 62 % attribuée à l’ANC masque en réalité le fait qu’à peine 34 % des électeurs sont venus voter pour lui. Toute nouvelle fédération devra lutter pour regagner l’indépendance de classe des travailleurs non seulement sur le plan syndical mais aussi politique. L’objectif du « Congrès des travailleurs » qui est proposé doit être non seulement de lancer une nouvelle fédération syndicale, mais aussi un nouveau parti des travailleurs de masse armé d’un programme socialiste. Le lancement d’un parti des travailleurs de masse est absolument impératif : il y a déjà un large soutien pour l’idée d’un tel parti.

    Le fantôme du Cosatu

    Il ne reste plus du Cosatu qu’une poignée de « dirigeants » corrompus qui tiennent le reste des membres en otage. Ces « dirigeants » considèrent les syndicats comme leur moyen d’enrichissement personnel et rien de plus. L’alignement sur l’ANC est la meilleure façon de réaliser leur appât du gain personnel. Qu’est-ce qui reste du Cosatu ? Le Numsa, le plus grand syndicat du continent africain, y a été remplacé par le Limusa, une organisation d’à peine 1600 membres, qui n’est rien de plus qu’une « boite postale » quand on la compare aux 340 000 membres du Numsa ! Le Num (Syndicat national des mineurs), dont les mains des dirigeants sont encore rouges du sang de leurs anciens membres à la suite du massacre de Marikana, voit son influence restaurée à l’intérieur du Cosatu.

    Ceux qui restent au Cosatu ne sont pas unis derrière leurs dirigeants et leurs actions. Un travailleur du Samwu (Syndicat des travailleurs des communes d’Afrique du Sud) a téléphoné à une émission de Radio 702 pour expliquer que le Samwu ne soutient pas l’exclusion de Vavi et que lui et ses camarades attendent la convocation d’un congrès extraordinaire pour pouvoir venir y défendre leur ancien secrétaire général. Ce syndicaliste représente sans doute l’opinion de dizaines de milliers de travailleurs. Il faut s’attendre à de nouvelle scissions au sein des syndicats qui font encore partie du Cosatu.

    Le Cosatu va devenir encore plus dépendant de l’ANC. Vavi a révélé que la fédération fait désormais face à un déficit budgétaire de 300 000 rands par mois (23.200 euros) vu qu’elle ne reçoit plus les cotisations du Numsa, qui s’élevaient à 11 millions de rands par mois (850.000 euros). Ce qui reste du Cosatu n’est plus qu’une « cinquième colonne » de traitres au sein du mouvement syndical.

    Perspectives

    Depuis des années, la politique de la direction de l’ANC a été de chercher à transformer le Cosatu en un simple « bureau du travail ». Cela ne veut pas dire que la direction de l’ANC est contente de l’exclusion de Vavi, pas plus qu’elle n’a été contente de l’exclusion du Numsa. L’ANC a tout fait pour maintenir l’unité du Cosatu, non pas avec le soucis de l’unité des travailleurs, mais parce que l’ANC comprend bien qu’une opposition de la classe des travailleurs pourrait se rassembler autour du Numsa indépendant. Tous ses efforts de médiation n’avaient pour but que le maintien du Numsa en tant que prisonnier de l’Alliance tripartite. Le secrétaire général de l’ANC, M. Gwede Mantashe, a déjà exprimé sa déception par rapport à l’expulsion maladroite de Vavi. Toute la « stratégie » de l’ANC s’effondre comme un château de cartes.

    La manière dont la scission du Cosatu se déroule à présent ne peut qu’accélérer la chute de ce qui restait de soutien à l’ANC parmi la classe des travailleurs. Vu l’intensification de la rivalité entre syndicats qui s’ensuivra après la naissance d’une nouvelle fédération, les patrons, encouragés par les services que l’ANC leur a rendu à Marikana, s’attendront à ce que ces méthodes se poursuivent, surtout au vu de la grave crise de l’économie du pays. Sous cette pression, l’ANC va à son tour mettre la pression sur ce qui reste du Cosatu pour l’aider à « gérer les attentes » qui existent au sein de la classe des travailleurs.

    Dans l’immédiat, la première épreuve seront les négociations salariales du secteur public. Le petit groupe pro-ANC qui contrôle encore le Cosatu ne pourra trouver nulle place où se cacher. L’ANC, le maître politique du Cosatu, se fait passer pour son allié alors qu’il est en même temps son employeur. Si le Cosatu est perçu comme étant de manière trop flagrante dans la poche de l’ANC et des patrons, il va perdre ce qui lui restait de crédibilité, et l’hémorragie de membres vers la nouvelle fédération va le saigner jusqu’à ce que mort s’ensuive. D’un autre côté, si le Cosatu tente une offensive par opportunisme, il va endommager ses relations avec l’ANC, qui y verra un acte de déloyauté. À ce moment, puisque le Cosatu ne lui sera plus d’aucune utilité, il sera écarté et le gouvernement ANC aura à accomplir lui-même le sale travail en attaquant frontalement la classe des travailleurs.

    L’ANC est donc à présent confronté à une situation « perdant-perdant ». La scission du Cosatu va aggraver les pertes de l’ANC au cours des élections locales de 2016, qui se dérouleront dans moins d’un an. L’idée d’un nouveau parti indépendant des travailleurs va se poser de plus en plus clairement dans l’esprit de la classe ouvrière. Nous avons anticipé cela dans notre déclaration du nouvel an où nous écrivions que « Le réalignement du mouvement syndical va se poursuivre en 2015 et la bataille pour le Cosatu va entrer dans sa phase finale ». L’expulsion de Vavi et l’admission du Limusa au Cosatu a enfoncé le dernier clou dans le cercueil de cette fédération.

    Lorsque le Numsa s’est embarqué dans l’aventure de son congrès national extraordinaire de décembre 2013, il était seul. Il a à présent été rejoint par sept membres du Cosatu dans la lutte pour une nouvelle fédération, par de nombreuses formations politiques et par toute une série d’organisations de quartier, d’associations étudiantes et de jeunes, et d’autres formations dans le cadre d’un front uni pour préparer le Mouvement pour le socialisme auquel le Numsa appelle. A la base de toutes ces organisations se trouve un ardent désir d’unifier les différentes luttes au sein et à travers des trois arènes de lutte que sont les services publics, l’enseignement supérieur et les entreprises sous la direction d’un parti de masse des travailleurs. Un nouveau chapitre de la lutte de la classe des travailleurs s’ouvre donc. L’histoire nous attend. En avant pour un nouveau parti de masse des travailleurs armé d’un programme socialiste !

  • Afrique du Sud. Le WASP refondé en tant que parti révolutionnaire

    waspLe 14 Février 2015, à la veille de son deuxième anniversaire, les militants du Worker and socialist party se sont réunis à Johannesburg pour un bosberaad (réunion nationale) afin de faire le point et de discuter de l’avenir du parti. La réunion a pris la décision historique d’entamer une nouvelle étape dans la vie du parti: Le WASP va poursuivre sa construction en tant que parti révolutionnaire pour mieux poursuivre la lutte pour une société socialiste.

    Cela nécessite de mettre les structures de WASP en concordance avec son programme politique révolutionnaire en construisant le parti sur les principes d’un véritable centralisme démocratique. En outre, le WASP va s’affilier au Comité pour une internationale ouvrière (CIO) afin de contribuer à la lutte pour la création d’un parti révolutionnaire mondial. Ce processus débutera immédiatement et aboutir à une re-fondation du Congrès à la fin de l’année.

    Qu’a pu concrétiser le WASP?

    Durant la courte vie de WASP, beaucoup d’objectifs ont pu être réalisés. Les grèves suite au massacre de Marikana ont trouvé leur expression politique dans la création du WASP. De nombreux dirigeants du comité de grève ont été les fondateurs et premiers membres, dont le Comité de grève nationale qui s’est affilié au WASP en Mars 2013. Au plus fort de la grève, ce Comité national de grève a représenté 150 000 mineurs. Des mineurs de Nord-Ouest, Gauteng, du Cap Nord, Mpumalanga et Limpopo ont assisté au lancement de WASP le 21 Mars 2013.

    Le WASP a dirigé des protestations de masse des commerçants de rue à Johannesburg et des communautés locales à Limpopo. Nous avons gagné l’affiliation de membres importants, dont le syndicat radical des transports NTM et Moïse Mayekiso, le premier secrétaire général du NUMSA (National Union of Metalworkers of South Africa, la plus grande centrale professionnelle d’Afrique du Sud, NDT). Le WASP a donné naissance à une aile jeune : le Mouvement des jeunes socialistes qui est maintenant une force puissante sur les campus. Surtout, le WASP a démontré son sérieux en participant aux élections de 2014. L’existence de WASP a aiguisé les débats au sein de la classe ouvrière et a servi à l’orienter vers la création d’un parti ouvrier de masse.

    Pourquoi le WASP avait-il été fondé?

    Nous avons fondé le WASP pour aider la classe ouvrière à franchir une étape vers la création d’un parti ouvrier de masse. Pour réunir autant de militants que possible, le WASP a été fondée comme un parti fédéral permettant à ceux qui s’identifiait avec la bannière du WASP de conserver leur propre identité tout en collaborant dans le cadre du WASP. La base politique pour s’affilier au WASP était l’accord avec les principes suivants: (1) Le WASP est un parti ouvrier, (2) il est socialiste, et (3) il est basé sur les luttes de la classe ouvrière. Le WASP serait une «large église» tant qu’il y aurait accord sur ces idées de base.

    Mais pour le Mouvement démocratique socialiste (DSM) – les co-fondateurs de WASP aux côtés des mineurs – WASP n’est pas une fin en soi. Le DSM estime que l’inégalité, le chômage et la pauvreté ne seront éradiqués par la classe ouvrière qu’en menant une révolution mettant fin au capitalisme et créant une société socialiste. Pour cela, la classe ouvrière a besoin d’un parti de masse révolutionnaire basé sur le marxisme et de cadres du parti disciplinés. Cependant, tandis que les couches dirigeantes de la classe ouvrière en particulier aspirent à une alternative à la gauche de l’ANC, la majorité de la population n’a pas encore une idée claire sur les tâches qu’impose la révolution socialiste.

    C’est pourquoi le DSM a plaidé pour la création d’un parti rassemblant une large masse des travailleurs afin d’aider la classe ouvrière à tirer les conclusions révolutionnaires nécessaires. En lançant le WASP, nous avons franchis une étape pour aider à un tel parti à voir le jour. Un parti qui pourrait unir les luttes de la classe ouvrière – la lutte ensemble est a meilleure des écoles- et qui permette des débats sur la société dont la classe ouvrière a besoin, le programme, la tactique et la stratégie pour y parvenir. Mais cela ne permettrait pas nécessairement, dans un premier temps, de développer une compréhension claire de ce que la lutte pour la transformation socialiste de la société implique. Pour cela, la combinaison de l’expérience de la lutte et de la présence au sein de ce parti d’un cadre marxiste révolutionnaire est nécessaire. Un tel noyau marxiste révolutionnaire ferait en sorte que les débats au sein de ce large parti de masse permettent à la classe ouvrière de comprendre la nécessité du socialisme et du marxisme. Ceci permettant de poser les bases d’un parti révolutionnaire de masse à l’avenir.

    Comment la situation a-t-elle changé en deux ans?

    Lorsque le WASP a été créé, il était seul. Mais maintenant, le FEP et NUMSA, deux organisations de masse très différentes, remplissent partiellement le paysage anti-ANC. ON doit compter aussi sur l’AMCU est une nouvelle force de masse reposant sur les travailleurs des mines avec une direction hostile au WASP. La lutte des classes ne va jamais de l’avant d’une manière linéaire. L’émergence de la FEP, de l’AMCU, et surtout la rupture du NUMSA d’avec l’ANC ; les initiatives que le NUMSA a prises à ce jour, y compris le lancement de son Front uni et les préparatifs pour un Mouvement pour le socialisme et un parti ouvrier, représentent un pas en avant pour la classe ouvrière. L’ancien soutien à l’ANC a disparu parmi les principales sections de la classe ouvrière et de la jeunesse et il y a une aspiration à une alternative. Mais aucune de ces organisations post-Marikana ne répond encore à ce dont la classe ouvrière a vraiment besoin. Au contraire, ils s’agit de premières expériences.

    Nous devons aider la classe ouvrière à éviter nombre d’impasses. Dans le NUMSA, il y a déjà deux positions opposées qui ont été adoptées sur les questions fondamentales de la nécessité du socialisme et d’un parti ouvrier. Dans le Front uni, la classe moyenne et la gauche académique jouent un rôle anti-parti et anti-marxiste, avec même des arguments anti-socialistes. Et même si le reste de la direction en faveur du lancement d’un nouveau parti a rompu de façon claire avec le Parti communiste d’Afrique du Sud, elle croit encore que la Révolution nationale démocratique (aboutissant à l’égalité des droits entre noirs et blancs, NDT) est “le plus court chemin vers le socialisme». Pour elle, il est juste nécessaire que la Charte de la Liberté (déclaration de principes adoptée entre autre par l’ANC et le parti communiste en 1955 et se prononçant pour l’égalité des droits et un programme de réformes sociales, NDT ) soit «radicalement» mise en œuvre. Pourtant, la révolution nationale démocratique est une révolution bourgeoise et la charte de la liberté n’est pas non plus un programme socialiste, ce que la direction du NUMSA reconnaît elle-même. En d’autres termes, la direction du NUMSA qui est en faveur de la création d’un nouveau parti (indépendant de l’ANC, NDT) est encore sous l’influence de la théorie des deux étapes stalinienne qui a conduit à des défaites désastreuses pour la classe ouvrière dans un certain nombre de pays au cours du siècle dernier.

    Dans le FEP, on trouve les positions erronées de l’ancienne direction de la ligue des jeunes de l’ANC, tel que la politique de nationalisation partielle. Il y a aussi les positions explicitement anti-ouvrières du nationalisme noir et des idées panafricanistes au sein de la FEP. La direction de l’AMCU explique aux mineurs que la leçon de Marikana est que les syndicats ne devraient pas être politiques. Au contraire, nous pensons que pour aider la classe ouvrière à continuer à aller vers le socialisme, nous devons l’aider à comprendre le nouveau paysage politique en s’engageant dans le débat d’idées tout en restant à la pointe de la lutte.

    Vers la révolution socialiste!

    Pour lutter efficacement dans la bataille des idées qui est devant nous, le WASP ne peut pas être une trop «large église ». Le WASP doit être un parti avec une identité politique claire. Cette identité doit être fondée sur un programme politique explicitement marxiste révolutionnaire qui montre sans crainte à la classe ouvrière dans le chemin de la révolution socialiste. Étant donné que les forces du WASP ont, au cours du travail en commun, développé un haut degré d’unité politique illustré dans le document clé du WASP Only Socialism means Freedom, the beginnings of a programme for the socialist revolution, il n’a plus de raison de maintenir le WASP comme une organisation large.

    Il est nécessaire de refonder le WASP comme un parti révolutionnaire pour fonder notre travail de masse sur des bases plus solides, ce qui nous permettra d’intervenir efficacement avec notre programme dans la confusion politique actuelle. Nous allons éclairer la route vers le socialisme en aidant la classe ouvrière à établir son indépendance politique et à fusionner autour d’idées socialistes claires. Re-fondé comme un parti révolutionnaire, le WASP s’est fixé pour tâche de former un cadre capable d’influencer sur le processus historique et de pousser sans relâche dans le sens d’un nouveau parti ouvrier. Nous devons continuer à défendre la création d’un parti ouvrier de masse sur base des meilleurs éléments de la classe ouvrière, en particulier autour du NUMSA, qui a été politiquement réveillé par les développements dramatiques de ces deux dernières années. Une telle conquête représenterait une avancée majeure sur la voie de la révolution socialiste.

    Nous étions les premiers à faire face à la nouvelle situation politique issue des événements de Marikana et nous avons été les premiers à agir sur ces changements avec le lancement du WASP comme un parti large. A nouveau, nous sommes à même de reconnaître les changements de la situation politique qui nécessitent un changement dans le caractère du parti. Unir les forces organisées dans le WASP sur de nouvelles bases révolutionnaires permettra la création du parti révolutionnaire le plus important d’Afrique du Sud et de la région et nous permettra de rester à la pointe de la lutte de classe.

  • Afrique du Sud. En défense des métallos : stop aux mensonges!

    Les patrons, les politiciens capitalistes de l’ANC (Congrès national Africain) et la DA (Alliance Démocratique) et les médias hurlent d’une même voix contre les travailleurs du métal. Ils dénoncent leur grève en coeur et blâment les métallurgistes d’être responsables de tous les problèmes de l’économie capitaliste sud-africaine. Les médias fourmillent d’experts pour se prononcer à ce sujet, mais ce ne sont en fait qu’un ramassis de porte-paroles du capitalisme.

    Ces «experts» affirment tous que la grève des métallurgistes va « paralyser l’économie » et causer la ruine de l’Afrique du Sud. Cela est-il vrai ? Non! Il s’agit d’un non-sens. Ces mensonges visent à tenter de monter la population contre la grève, les métallurgistes et leurs syndicats. La réalité, c’est que ce sont les patrons qui sabotent l’économie.

    La “violence” des gréviste ?

    Afin d’aider à faire entrer ces mensonges dans la tête des gens, la grève est dépeinte dans les médias comme étant “violente”. Les “experts” aiment à parler du “droit au travail”, c’est-à-dire le droit à recourir à des jaunes, des briseurs de grève, et à saper la grève! L’Alliance Démocratique veut même faire adopter une loi disant que si une grève est “excessivement” violente, elle ne serait alors plus protégée par la loi, ce qui permettrait aux patrons de licencier les grévistes sans le moindre problème.

    Cette proposition de la DA ouvre grand la voie à l’utilisation d’agents provocateurs de la part des patrons et des politiciens capitalistes. Si une telle loi est adoptée, tout ce qu’il conviendra de faire pour briser une grève sera d’envoyer des voyous engagés par les patrons pour causer des problèmes afin de pouvoir déclarer la grève non-protégée et permettre ainsi de menacer les grévistes de licenciement s’ils ne reprennent pas le travail. L’Alliance “Démocratique” n’est intéressée que par la défense des droits et privilèges des patrons.

    Qui crée les richesses de la société ?

    D’où provient toute la richesse de l’économie ? Fondamentalement, il s’agit de la nouvelle valeur ajoutée par les travailleurs dans le processus de leur travail – en particulier dans le secteur de l’industrie manufacturière. Les “experts” affirment que cette grève sera grandement dommageable puisque l’industrie manufacturière représente 15% de l’économie sud-africaine. Cela signifie donc que 15% de la production économique du pays est générée par 230.000 métallurgistes uniquement dans un pays de 52 millions de personnes !

    Pourquoi les “experts” ne louent-ils pas cette énorme contribution à la richesse du pays et aux profits des patrons de la part d’un si petit nombre de travailleurs ? Les métallurgistes doivent être les plus généreux du pays pour être responsables de 15% de l’économie en recevant des salaires si misérables… Ces données illustrent en réalité l’extraordinaire surexploitation dont sont victimes les métallurgistes, exploités par des patrons si avides de profits qu’ils se battent bec et ongles pour éviter une modeste augmentation salariale de 12 à 15% !

    De quoi parlent-ils lorsqu’ils se réfèrent à “l’économie” ?

    Dans le cadre de la lutte des patrons contre les travailleurs, ils essaient de nous rendre la situation plus confuse à l’aide de prétendus “experts” économiques. Les “experts” adorent parler “d’économie”. Mais à chaque fois qu’ils utilisent cette expression, les travailleurs doivent entendre sonner l’alarme! Les “experts” ne sont parlent pas vraiment de “l’économie”, mais plutôt des intérêts patronaux au sein de l’économie. Ces intérêts ne sont pas identiques à ceux des travailleurs au sein de cette même économie. Le secteur manufacturier représente 15% de l’économie. Après la grève, même si les métallos parviennent à arracher leur augmentation de salaire et la satisfaction d’autres revendications, ce secteur représentera toujours 15% de l’économie. La seule chose qui va changer, c’est que la part de ces 15% qui revient aux patrons du secteur en tant que profits sera plus faible et la part revenant aux métallurgistes sous forme de salaire sera plus élevée.

    La seule raison pour laquelle le secteur se contracterait en raison de salaires plus élevés pour les métallurgistes, ce serait à cause du sabotage des patrons. Les patrons peuvent décider de se séparer de travailleurs ou de fermer des usines afin de restaurer leurs profits. Ils chercheraient, en d’autres termes, à saper les acquis de la grève. Ce serait là l’œuvre des patrons, et en rien une conséquence de la grève.

    La grève empêche-t-elle les patrons d’investir ?

    La réponse habituelle des “experts” est de dire que si les patrons ont de plus faibles bénéfices, alors ils ne seraient pas en mesure d’investir et de créer de nouveaux emplois. Eh bien, tout ce que nous pouvons dire à cela est : qu’est-ce qu’ils peuvent bien encore attendre maintenant ? La part de la richesse produite nationalement qui va aux salaires n’a cessé de diminuer ces dernières années. Les entreprises sud-africaines disposent d’une réserve de liquidités de 500 milliards de rands sud-africains (environ 34 milliards d’euros, NDT). Ils ont tellement d’argent qu’ils ne savent pas quoi faire avec ! Cette somme pourrait être investie pour créer des emplois. Mais pour les capitalistes, il est plus rentable de spéculer avec cette somme sur les marchés financiers. Tout ce qu’ils veulent, c’est des bénéfices, encore plus de bénéfices.

    Comment se fait-il que la grève des métallurgistes, qui a commencé il y a peu, soit subitement devenue l’excuse expliquant pourquoi les capitalistes ne peuvent pas investir ? Cet argument est bien évidemment un non-sens. En réalité, les capitalistes sont en grève de l’investissement depuis des années : les investissements des entreprises d’Afrique du Sud dans l’économie sont maintenant 3% inférieurs à ce qu’ils étaient en 2008! Est-ce la faute des métallurgistes? Non, tout ce temps, les patrons ont simplement saboté l’économie.

    La grève rendrait-elle le pays moins compétitif ?

    Les “experts” rétorqueront que des salaires plus élevés pour les métallurgistes rendraient l’Afrique du Sud “moins compétitive”, et que des délocalisations s’ensuivraient vers des régions du monde où les salaires sont plus bas. Les “experts” présentent ce phénomène comme s’il était tout aussi inévitable que le lever du soleil à l’Est. C’est un mensonge. Encore une fois, les patrons menacent de saboter les gains de la grève. Ce qu’ils disent vraiment, c’est qu’ils vont fermer leurs entreprises en Afrique du Sud et les déplacer à l’étranger pour obtenir des profits plus élevés pour eux-mêmes plutôt que de payer les métallos avec un salaire équitable.

    Les capitalistes veulent être gagnants sur les deux tableaux. L’ANC, soutenue par les grandes entreprises sud-africaines, est allé très loin dans la défense et l’application des idées dominantes néolibérales du capitalisme mondial, qui affirment que les obstacles au commerce doivent être supprimés, les services publics privatisés, les marchés ouverts et que la loi de la concurrence doit être élevée au dessus de tout. Globalement, cette stratégie a permis aux grands capitalistes d’Amérique et d’Europe de transférer le pouvoir et la richesse de la classe des travailleurs à leur propre classe sociale. Quand cela les arrange, les patrons sud-africains soutiennent ce processus, et quand ce n’est pas le cas, ils en blâment les travailleurs. Pour les travailleurs, le néo-libéralisme est synonyme de nivèlement des salaires par le bas. C’est ainsi que des usines qui avaient été délocalisées en Chine parce que les salaires y étaient plus bas qu’ailleurs sont en train d’être transférées vers des pays aux salaires encore plus faibles en Asie du Sud-Est.

    Le socialisme peut répondre à ces mensonges

    Ces problèmes sont liés au système capitaliste. C’est pourquoi les travailleurs doivent être armés d’idées socialistes. Les problèmes des capitalistes n’ont aucune raison d’être nos problèmes. Nous devons disposer d’une claire compréhension que la seule alternative est une alternative socialiste. Les travailleurs doivent exiger la transparence de la comptabilité des sociétés sud-africaines qui prétendent qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec les entreprises étrangères. Des comités de travailleurs doivent ensuite examiner leurs profits, les rémunération de la direction, les frais d’entretien, les salaires versés aux travailleurs et les prix qu’ils facturent pour leurs produits ou services. Mais même dans les cas où les entreprises parviendraient à prouver qu’elles ne peuvent pas rivaliser avec leurs concurrents, les travailleurs ne devraient pas soutenir les profits capitalistes en demandant à la classe ouvrière de payer des prix élevés pour des biens et des services ou en maintenant les salaires au plus bas au nom de la classe capitaliste.

    Si les entreprises ne peuvent véritablement pas rivaliser, dans un premier temps, nous allons exiger leur nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ce doit être la revendication essentielle du mouvement syndical en lutte pour défendre les emplois. Mais au final, seule une société socialiste peut mettre fin à la course vers le bas des conditions de travail et de salaire et sera capable de donner de bons emplois et un bon niveau de vie à tous les travailleurs et leurs familles.

    De la même manière qu’ils sont organisés dans les syndicats, les travailleurs doivent être politiquement organisés, dans des partis comme le Workers and Socialist Party (WASP) afin de lier la lutte sur les lieux de travail à une lutte commune de la classe des travailleurs pour une société socialiste.

  • Afrique du Sud. Victoire de la grève des mineurs du platine !

    Un important pas en avant dans la lutte pour un salaire minimum vital pour tous

    Déclaration du Workers’ And Socialist Party (WASP)

    Le WASP salue aujourd’hui la résolution de cinq longs mois grève dans le secteur du platine ; une victoire non seulement pour les mineurs et leur syndicat l’AMCU, mais pour tous les travailleurs et les pauvres. Les augmentations pour les travailleurs les moins payés de 1000 rands (70 euros) dans la première et la deuxième année et 950 rands (65 euros) pour la troisième représentent des gains sans précédent et une étape importante dans la lutte pour un salaire décent pour tous.

    L’accord qui a été accepté par les travailleurs est la preuve que la lutte unie et déterminée paie. Les concessions importantes que les compagnies minières ont été forcées de faire ont révélé au grand jour leurs mensonges sur le fait qu’ils ne pouvaient pas payer ces augmentations.

    La détermination qui a permis aux travailleurs de tenir pendant ces cinq mois difficiles est une source d’inspiration pour les travailleurs, les communautés en lutte et les jeunes à travers l’Afrique du Sud et au-delà. La grève a polarisé la société sur des bases de classes et a clarifié la position de chaque camp sur le front des classes. Le WASP, tout au long de cette grève, a clairement montré son soutien aux travailleurs. Les partis politiques tels que l’ANC et le PC ont eux prouvé qu’ils étaient indubitablement du côté des patrons. Les syndicats jaunes comme le NUM, Solidarity et le WAU ont également imprimé leur trahison dans les esprits de centaines de milliers de travailleurs. L’accord signé aujourd’hui est aussi une victoire sur la quasi-armée de détracteurs qui a tenté de diaboliser non seulement les travailleurs en grève et l’AMCU, mais également quiconque qui oserait soutenir activement leur action, qui ruinerait soi-disant l’économie sud africaine.

    Cette grève, inspiré par les martyrs de Marikana a été la plus importante depuis les grèves des mineurs de 2012. Elle a posé les contradictions fondamentales du système économique capitaliste : la nécessité de nationaliser l’industrie minière afin que les ressources minérales massives puissent être utilisés pour en finir avec les salaires de misère, créer des emplois et développer les communautés minières et la société dans son ensemble. L’étape d’aujourd’hui devrait servir de plate-forme à partir de laquelle le mouvement ouvrier dans son ensemble prendrait la direction donnée par l’AMCU pour continuer la lutte jusqu’à ce but.

    Les mineurs doivent se préparer à repousser les tentatives probables par les patrons des mines de récupérer demain ce qu’ils ont concédé aujourd’hui. Aucun retour en arrière n’est acceptable : la richesse minérale de cette terre est suffisante pour fournir des emplois à beaucoup plus ! La victoire des travailleurs du platine va certainement renforcer la confiance des métallos, des travailleurs de la construction et du secteur public, pour lesquels la grève se profile et qui doivent affronter des négociations salariales difficiles pour ne citer que quelques exemples. Le WASP continuera à se tenir fermement en première ligne de ces luttes et de travailler à maximiser son niveau d’organisation, d’unité et de clarté.

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