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Tag: Afrique
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Coronavirus. Le capitalisme pousse l’Afrique dans l’abîme

Le capitalisme et l’impérialisme au banc des accusés
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les profondes inégalités sociales qui prévalent dans le capitalisme moderne. Nulle part ailleurs qu’en Afrique.
Par Serge Jordan, Alternative Socialiste Internationale
L’indice de sécurité sanitaire mondiale (Global Health Security) est une évaluation de la capacité de 195 pays à faire face à des épidémies de maladies infectieuses. La majorité des pays classés comme “les moins préparés” sont situés en Afrique, la Somalie et la Guinée équatoriale se trouvant tout en bas de la liste. Seule l’Afrique du Sud, déjà en proie à une crise sanitaire et économique de grande ampleur, occupe un rang relativement élevé. Cela permet d’ailleurs de souligner à quel point la situation est catastrophique dans le reste du continent.
Il est impossible de disposer d’une évaluation réaliste de l’ampleur actuelle de la pandémie de COVID-19 en Afrique en raison du manque d’équipements de test dans la plupart des pays. Si l’Afrique du Sud compte actuellement le plus grand nombre de cas confirmés en Afrique subsaharienne, c’est qu’il s’agit du pays où le plus grand nombre de tests a été effectué. Certains pays, comme la Somalie, ne disposent d’aucun kit de dépistage. Cela signifie que le virus a déjà fait son chemin, hors des radars, de part et d’autre du continent.
Le mot “inadéquation” pour décrire l’état des infrastructures de santé en Afrique serait un euphémisme grotesque. Une récente étude du magazine scientifique britannique Lancet concernant le COVID-19 en Afrique de l’Ouest a constaté que les pays de la région ont “des systèmes de santé mal dotés en moyens, ce qui les rend incapables d’intensifier rapidement une réponse à l’épidémie”, et qu’”une accélération rapide du nombre de cas pourrait rapidement submerger” lesdits systèmes. Le Malawi, par exemple, dispose de 25 lits en soins intensifs pour une population de 17 millions de personnes ; en Somalie, 15 lits en soins intensifs sont disponibles pour 15 millions de personnes. Le Zimbabwe dispose de 7 respirateurs pour une population de 16 millions de personnes, tandis que la République centrafricaine dispose d’un total de trois respirateurs pour 5 millions de personnes. Le Sierra Leone et ses 7,5 millions d’habitants, un seul.
Les conditions de vie de la classe ouvrière et des communautés pauvres rend inaccessible l’adoption de précautions de base pour prévenir la propagation de la pandémie. La moitié des citadins africains vivent dans des maisons de fortune surpeuplées, des bidonvilles et des townships où l’approvisionnement en eau et l’infrastructure sanitaires sont insuffisants.
Les millions de réfugiés, de demandeurs d’asile et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays qui vivent dans des camps, des campements informels et des centres de détention – victimes de guerres, de persécutions et de catastrophes environnementales – dans la région du Sahel, la Corne de l’Afrique, la RDC et d’autres endroits sont particulièrement vulnérables au risque d’infection. Le Sud-Soudan a récemment signalé ses premiers cas de COVID-19. Dans ce pays, plus de la moitié de la population est confrontée à une grave insécurité alimentaire, des années de guerre civile ont forcé des millions de personnes à quitter leur foyer. Seuls 22 % des établissements de santé y sont fonctionnels. La Libye et le Burkina Faso ont tous deux été ravagés par des guerres qui ont déplacé respectivement 200.000 et 700.000 personnes au cours de l’année dernière uniquement. L’infrastructure sanitaire des deux pays a subi des dégâts considérables ; 135 hôpitaux ont fermé en raison de la violence au Burkina Faso.
La malnutrition et les maladies infectieuses sont déjà courantes dans de grandes parties du continent. L’Afrique connaît des taux d’infection parmi les plus élevés concernant le VIH, la tuberculose et la paludisme. Compte tenu du manque de ressources allouées à la santé dans la plupart des pays africains, les moyens limités déployés pour lutter contre le COVID-19 auront un effet paralysant sur la lutte contre d’autres épidémies mortelles. C’est déjà ce qui ressort de différentes études concernant les maladies infectieuses et les campagnes de vaccination dans de nombreuses régions.
Le capitalisme et l’impérialisme sont responsables
Les horreurs que le développement de la pandémie réserve aux masses africaines ne sont en aucun cas la manifestation d’une catastrophe naturelle inévitable. Elles proviennent de décennies de pillage et d’exploitation extrêmes du continent par les puissances impérialistes coloniales puis néocoloniales, avec l’implication directe et la complicité d’élites dirigeantes locales impuissantes et corrompues. Cela s’est traduit, entre autres, par un délabrement généralisé des systèmes de santé et par des niveaux endémiques de pauvreté.
En réalité, les moyens ne manquent pas pour faire face à cette crise, mais ils ont simplement été pillés par les multinationales et les banques, les bourgeois africains et les dirigeants despotiques. L’an dernier, pour souligner cette réalité, Oxfam a écrit que “les pays de la CEDEAO [les États d’Afrique de l’Ouest] perdent environ 9,6 milliards de dollars en raison des incitations fiscales accordées aux multinationales. Cela suffirait pour construire chaque année une centaine d’hôpitaux modernes et bien équipés dans la région”.
Alors que les pays africains ont un besoin urgent d’investissements colossaux pour s’attaquer de front à cette pandémie, une fuite de capitaux colossale hors du continent est en cours, dépassant déjà de loin celle qui a eu lieu lors de la crise mondiale de 2008 – tant en vitesse qu’en volume. Les sorties de capitaux des économies dites émergentes ont totalisé plus de 83 milliards de dollars en mars, selon l’Institut international de la finance. Il ne s’agit pas d’une erreur anecdotique, mais d’un exemple du fonctionnement de l’ensemble du système capitaliste, qui illustre l’incapacité du “marché libre” à mettre en œuvre la riposte nécessaire à l’urgence humanitaire actuelle. Seules la planification économique et la coordination des ressources à l’échelle mondiale pourraient rendre une telle réponse possible.
Mettre un terme au pillage du continent, et exproprier les immenses richesses siphonnées par les super riches, est une question de vie ou de mort pour des millions de gens. Cela permettrait de réorienter les ressources vers le financement de services de santé d’urgence, d’installations de dépistage, de centres de quarantaine et d’isolement, d’équipements médicaux et de personnel qualifié à l’échelle que la situation actuelle exige.
Cela pourrait certainement commencer par l’imposition de contrôles étatiques sur les flux de capitaux, et par l’annulation de l’énorme fardeau de la dette sous lequel s’effondrent de nombreux États africains. Le Nigeria, par exemple, consacre près des deux tiers de ses revenus au remboursement de la dette. Dans 17 pays africains, les frais d’intérêt sur la dette représentent à eux seuls 10 % ou plus des recettes publiques. Un certain nombre d’États africains, comme la Zambie et l’Angola, ne sont qu’à un pas du défaut de paiement, et d’autres suivront probablement.
Sous la pression, les gouvernements occidentaux ont injecté des billions de dollars pour amortir partiellement les effets économiques de la crise dans leurs propres pays et éviter l’effondrement de leur système. Les gouvernements africains n’ont pas la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour déployer des programmes de sauvetage similaires. Ils ont volontairement contribué à l’immense racket de la dette orchestré par les nations impérialistes les plus puissantes. D’énormes portions de revenus des États africains ont été transférées dans les coffres des créanciers financiers internationaux au lieu d’être investies dans les soins de santé, l’enseignement, le logement, les transports publics, les infrastructures et le bien-être des populations en général.
Craignant la révolte des masses, ces mêmes dirigeants africains appellent maintenant à l’aide et à la suspension du paiement de la dette, de moratoires, etc. David Malpass, le directeur de la Banque mondiale, a déclaré qu’il était favorable à une “suspension” de tous les paiements de la dette pour les pays les plus pauvres – mais a ajouté que ces pays devraient en échange appliquer des politiques favorables au libre marché comme l’annulation de certaines réglementations et subventions publiques. Le FMI, pour sa part, a accordé des prêts d’urgence à un certain nombre de gouvernements africains. Ces prêts s’accompagnent d’une mise en garde : une fois la crise sanitaire passée, “l’ajustement fiscal”, la limitation de la masse salariale publique, la réduction supplémentaire des subventions publiques et d’autres mesures d’austérité devront être à l’ordre du jour.
Cette tentative de continuer à rançonner des populations entières au beau milieu d’une pandémie mortelle met à nu ces institutions rapaces et les révèlent pour ce qu’elles ont toujours été. N’oublions pas que l’une des conséquences directes des “plans d’ajustement structurel” imposés par le FMI et la Banque mondiale à la suite de la crise de la dette des années 1980 a été la mise à sac des services de santé existants dans un pays africain après l’autre. La situation actuelle souligne également combien le sort des masses de toute la région est lié à une lutte résolue contre la domination de l’impérialisme mondial et de ses agents locaux sur le continent. Cette lutte devrait exiger rien de moins que l’annulation immédiate et inconditionnelle de tous les remboursements de la dette, ainsi que la nationalisation, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs, des multinationales et des banques. Ces dernières ont extrait une quantité stupéfiante de richesses des classes ouvrières africaines tout en laissant derrière elles la ruine humaine et écologique.
Ces politiques s’avéreront d’autant plus nécessaires, et trouveront un écho accru, qu’un scénario de dévastation économique se dessine pour l’ensemble du continent. La récession économique mondiale qui s’accélère rapidement devrait en effet avoir des conséquences particulièrement dévastatrices pour les masses africaines. La Banque mondiale a récemment prédit que l’Afrique subsaharienne serait confrontée à sa première récession en 25 ans. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a lancé un avertissement selon lequel près de la moitié des emplois en Afrique pourraient être anéantis dans ce contexte. La contraction de l’économie chinoise et l’effondrement des prix du pétrole et des matières premières risquent de précipiter l’effondrement économique d’une série de pays, avec les plus grandes économies exportatrices de pétrole comme le Nigeria et l’Angola dans le champ de tir immédiat.
La chute soudaine du tourisme résultant des mesures d’endiguement, des interdictions de voyage et des fermetures de frontières vient s’ajouter à un mélange déjà explosif. Environ 24 millions d’emplois dépendent des activités touristiques en Afrique, qui, ces dernières années, a été l’une des régions du monde où la croissance du tourisme a été la plus rapide. Ce processus est aujourd’hui brutalement inversé. L’Organisation mondiale du tourisme prévoit une chute du tourisme international de 20 à 30 % (lors de la crise de 2008, la chute du secteur était d’environ 4 %). Pour de nombreux pays africains, cela se traduira par un tsunami de pertes d’emplois.
Le confinement
Dans la plupart des pays africains, des réglementations de confinement ont été imposées pour lutter contre la propagation du virus. En l’absence d’un plan clair pour traiter tous les problèmes sociaux, économiques et sanitaires hérités d’années de mauvaise gestion capitaliste et de politiques anti-pauvres, ces mesures de confinement ne sont que des pansements sur des plaies ouvertes. C’est une façon pour les gouvernements de paraître forts, tout en blâmant les gens ordinaires pour la propagation de l’infection.
En raison du grand nombre de travailleurs qui dépendent entièrement du travail informel pour leur survie quotidienne (plus de 80 % des adultes africains travaillent dans le secteur informel), et de l’absence de mesures d’aide bien planifiées pour les personnes dans le besoin, les fermetures ont privé des millions de personnes de leur source de revenus pendant la nuit. À Kinshasa, la capitale de la RDC, un dicton populaire résume le dilemme auquel sont confrontés de nombreux travailleurs et pauvres en Afrique : “si vous ne sortez pas, vous ne mangez pas”. Des centaines de manifestants tunisiens dont la colère a éclaté dans les rues des quartiers pauvres d’Ettadhamen et de Mnilha après une semaine de confinement à la fin du mois de mars, n’ont rien exprimé de différent : “Laissez-moi apporter du pain à mes enfants, peu importe si je meurs” ont été les mots rapportés par un travailleur du bâtiment occasionnel parmi eux. Cela laisse présager les explosions sociales que cette crise entraînera sur son chemin.
L’ordre d’”auto-isolement” empêche pratiquement les vendeurs de rue, les chauffeurs de transport informels, les travailleurs domestiques et bien d’autres de gagner leur pain quotidien, et les contraint à mourir de faim chez eux. Il empêche souvent les gens de se rendre sur les marchés pour s’approvisionner en produits vitaux et, dans certains cas, même d’accéder aux points d’eau.
Pour éviter d’être pris au piège de cette situation cruelle, de nombreux travailleurs migrants désespérés ont tenté de quitter les grandes villes pour retourner dans les zones rurales d’où ils proviennent, en espérant y avoir une vie moins chère et bénéficier de leurs liens familiaux dans leur village ou leur ville natale. L’agence de presse Reuters a rapporté le 26 mars que “les voyageurs des villes africaines – de Nairobi à Kampala, Johannesburg et Rabat – se dirigent vers la campagne, inquiétant les fonctionnaires qui disent que cela a contribué à la propagation de maladies comme le virus Ebola dans d’autres foyers”. Cet exode a sans aucun doute propagé l’infection dans des endroits où l’offre de soins est encore pire que dans les centres urbains – si tant est qu’elle existe. Mais la responsabilité de cette situation devrait être imputée aux classes dominantes et à leur mépris impitoyable pour la vie et la santé des gens ordinaires.
Rien n’illustre mieux cette situation que la brutalité avec laquelle les forces de l’État ont imposé le confinement et le couvre-feu. Au fil des jours, le nombre de morts dans les assassinats liés au confinement et les exemples d’abus et de traitements humiliants de la part de la police et de l’armée s’accumulent.
Bloomberg a rapporté que deux jeunes hommes ont été abattus par la police rwandaise pour avoir violé l’ordre de rester chez soi pendant 14 jours donné par le président Paul Kagame. En Afrique du Sud, huit personnes ont été tuées à la suite d’actions policières au cours de la première semaine de confinement national ; lorsqu’il a été rapporté, ce chiffre était supérieur au nombre de décès liés au COVID-19. Au Kenya, un garçon de 13 ans jouant sur son balcon a été tué par la police dans la capitale Nairobi, et au moins trois autres personnes ont été tuées dans des incidents distincts. Un Nigérian a été abattu par un soldat dans la ville de Warri, dans le sud du pays, pour avoir refusé de rester chez lui et avoir voulu acheter des médicaments à sa partenaire enceinte. Au Zimbabwe, près de 2 000 personnes ont été arrêtées au cours de la première semaine de confinement. Et la liste continue.
Dans ce contexte, la violence de genre exercée par les forces de l’État a également augmenté, avec des cas de viols signalés concernant des soldats rwandais et des dizaines de personnes LGBTQ+ rassemblées par la police en Ouganda sous le couvert de la prévention du coronavirus.
Les gouvernements de toute l’Afrique ont réaffirmé les frontières arbitraires post-coloniales de leurs États en fermant rapidement les ports d’entrée dans une nouvelle poussée de nationalisme réactionnaire. L’Afrique du Sud a alloué 2,1 millions de dollars à l’érection d’une clôture de 40 km le long de sa frontière avec le Zimbabwe, avant même que des cas de COVID-19 n’y soient signalés, pour empêcher les “personnes sans papiers ou infectées” de passer la frontière sans être dépistées pour le coronavirus. Des sentiments xénophobes ont également fait surface au sein de la police, qui a harcelé les propriétaires immigrés de boutiques après qu’un ministre ait faussement annoncé que seules les boutiques appartenant à des Sud-Africains seraient autorisées à rester ouvertes. En outre, seules les petites entreprises détenues à 100 % par des Sud-Africains peuvent bénéficier de l’aide financière mise en place par l’État, et les travailleurs sans papiers ne peuvent pas prétendre à l’assurance chômage pour perte de revenus.
Dans de nombreux autres pays africains, des cas de racisme à l’encontre des Asiatiques ont été signalés. Une vidéo largement partagée a montré un couple de Chinois au Kenya être harcelés par une foule. Cette vidéo a reçu le soutien d’un député pour qui la lapidation de tout visiteur chinois est envisageable si le gouvernement ne fait pas assez pour lutter contre le COVID-19. En République centrafricaine, les menaces et la violence à l’encontre des étrangers et de la minorité musulmane du pays auraient augmenté ces dernières semaines, alimentées par les tabloïdes réactionnaires locaux qui les accusent d’être responsables de l’infection.
Comme partout ailleurs, les classes dirigeantes d’Afrique exploitent sans vergogne la propagation du coronavirus pour renforcer leurs machines étatiques et pour rapidement éroder les droits démocratiques. Au Burkina Faso, une fois que le coronavirus a été officiellement déclaré dans le pays, la première cible des mesures gouvernementales a été les manifestations syndicales, qui ont culminé par une grève générale de 120 heures à la mi-mars. Pendant ce temps, les ministres et hauts fonctionnaires infectés ont continué à organiser de grands rassemblements dans le cadre de leur campagne pour les élections présidentielles prévues en novembre ! En Algérie, la clique au pouvoir a exploité à la hâte une période où les gens ne peuvent pas facilement remplir les rues afin de régler ses comptes avec le mouvement révolutionnaire. Malgré la pandémie, les tribunaux travaillent 24 heures sur 24 pour condamner les militants politiques et les journalistes qui critiquent le régime.
Un plan d’action socialiste pour résister à la crise
La classe ouvrière et le mouvement syndical à travers l’Afrique doivent s’organiser sans délai contre ce harcèlement, cette répression et ces abus de l’État, et résister à toute tentative d’utiliser le confinement pour miner les droits démocratiques et syndicaux, la liberté d’expression, etc. Il faut s’opposer aux arrestations arbitraires et aux licenciements de travailleurs pour des motifs politiques, et libérer tous les militants détenus.
Mais en dernier lieu, la violence croissante de l’État est une protubérance des divisions de classe qui s’accentuent. Si les passages à tabac et les assassinats sont un moyen de “persuasion”, c’est parce que le système capitaliste auquel s’accrochent les élites dirigeantes africaines et leurs régimes corrompus a lamentablement échoué pour l’écrasante majorité de la société. Les intérêts de cette majorité doivent être placés au centre de la réponse à la catastrophe qui menace le continent.
Les paroles du milliardaire égyptien Naguib Sawiris, qui a exhorté les autorités à ordonner le retour au travail des gens “quelles qu’en soient les conséquences”, nous donnent un aperçu de l’avenir si on le laisse aux mains de la classe capitaliste. En Afrique, comme ailleurs, cette oligarchie parasitaire est prête à envisager la mort de centaines de milliers de personnes à condition que leurs profits priment. “Même si les gens tombent malades, ils se rétabliront”, a-t-il déclaré. “Elle ne tue qu’un pour cent des patients, qui sont pour la plupart des personnes âgées”.
Au-delà de la misère économique qu’ils infligent aux pauvres, les mesures de confinement et d’auto-isolement n’ont aucun sens si, dans des secteurs non essentiels pour le contrôle de la pandémie, les travailleurs sont obligés (ou contraints) de travailler dur sans qu’aucune mesure sérieuse de sécurité ou d’éloignement social ne soit en place, comme c’est le cas dans les mines d’or du Mali, alors que le nombre d’infections augmente de manière exponentielle sur tout le continent. Le droit des travailleurs d’arrêter la production dans tous les secteurs non essentiels, avec un revenu garanti, devrait donc être proclamé, ainsi que leur droit de décider démocratiquement quand et dans quelles conditions la production devrait reprendre. Toute perte d’emploi ou réduction de salaire due à l’épidémie de COVID-19 devrait être combattue, et toutes les entreprises qui réduisent leurs effectifs, ne paient pas leurs travailleurs ou menacent de fermer devraient être nationalisées.
Dans les secteurs de première ligne essentiels à la lutte contre la pandémie, les travailleurs devraient exiger des équipements et des procédures sanitaires optimaux, une couverture d’assurance vie et une rémunération spéciale pour tous ceux qui continuent à travailler. Des milliers d’infirmières, de médecins et d’autres travailleurs de la santé ont déjà montré la voie en faisant grève pour exiger la fourniture d’équipements médicaux et de protection individuelle indispensables dans plusieurs pays africains, notamment au Zimbabwe et au Kenya, où les grèves pour obtenir du personnel et des équipements adéquats dans ce secteur ont été nombreuses au cours des dernières années.
En outre, des aides au revenu viables devraient être accordées aux travailleurs précaires et informels, aux chômeurs et à toutes les personnes contraintes de rester chez elles et dans le besoin, ainsi que la fourniture gratuite de nourriture, de médicaments et d’autres produits essentiels pour ceux qui sont confrontés à la faim et à la misère. Le paiement des loyers, des factures d’eau, d’électricité et de téléphone devrait être suspendu et toutes les expulsions de logements devraient être arrêtées. Les hausses de prix sur le dos des plus pauvres ne devraient pas non plus être autorisées. Dans la capitale soudanaise Khartoum, par exemple, on rapporte que le prix des masques faciaux a été multiplié par dix. Pour contrer les profits tirés de la pandémie de COVID-19, des contrôles de prix devraient être imposés sur tous les produits de première nécessité. La distribution gratuite de masques faciaux, de désinfectants pour les mains et de savon devrait être exigée dans tous les espaces publics, les lieux de travail et les communautés.
Les hôpitaux privés et autres établissements de soins de santé, ainsi que ceux qui appartiennent aux hauts responsables de l’armée et de l’État, devraient être placés sous la propriété publique et le contrôle démocratique des représentants élus des travailleurs, et la gratuité des soins de santé devrait être garantie pour tous – y compris pour les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les sans-abri. Des plans ambitieux d’investissement public dans les infrastructures médicales, y compris la construction de cliniques locales et de centres de dépistage dans toutes les régions qui en ont besoin, devraient être immédiatement lancés. Les unités d’usines concernées devraient être réquisitionnées et leurs outils convertis pour produire des kits de test, des équipements médicaux et des équipements de protection. Les compagnies privées d’eau et d’électricité devraient être nationalisées et l’eau propre devrait être fournie gratuitement à tous les ménages. Des programmes de logement à grande échelle devraient être mis en place pour répondre aux besoins de logement énormes et désastreux, et pour éliminer le surpeuplement – un facteur important pour augmenter la probabilité d’infection.
L’auto-organisation démocratique
En réalité, la lutte contre la catastrophe imminente de COVID-19 exige un plan d’action d’urgence coordonné au niveau international que les élites capitalistes africaines et leurs homologues occidentaux sont totalement incapables et peu disposés à mettre en œuvre. Malheureusement, dans de nombreux cas, les dirigeants des syndicats sont loin de ce que les travailleurs sont en droit d’attendre dans une crise d’une telle ampleur historique. Tout en faisant pression pour que les syndicats, les organisations d’étudiants, les organisations sociales et communautaires fassent campagne pour une lutte commune contre la crise, il sera souvent laissé aux travailleurs et aux jeunes d’engager la lutte pour obtenir ce dont ils ont besoin. À cet effet, des comités démocratiques pourraient être mis en place au niveau des quartiers et du lieu de travail pour s’organiser et lutter pour le type de revendications décrites ci-dessus – car elles ne tomberont tout simplement pas du ciel.
En Algérie et au Soudan, pays qui ont été secoués par des luttes révolutionnaires de masse depuis l’année dernière, des mesures ont été prises dans ce sens : certains comités populaires et de résistance ont recalibré leur intervention pour lutter contre la pandémie COVID-19, la crise économique et ses conséquences. Au Soudan, les comités de résistance locaux, qui sont apparus l’année dernière comme les principaux moteurs du mouvement révolutionnaire, interviennent pour tenter de combler le vide laissé par les inepties de l’État capitaliste : campagnes de sensibilisation du public au virus, assainissement des marchés, des boulangeries, des mosquées, des cafés… Des exemples similaires ont été observés en Algérie, où des comités ont été formés dans certains quartiers ouvriers pour organiser l’approvisionnement alimentaire des pauvres, centraliser et distribuer des masques de protection, etc. S’ils sont coordonnés et si leurs prérogatives sont étendues, ces comités peuvent devenir un pilier central d’une future résistance de masse contre les dirigeants capitalistes corrompus, les patrons et les propriétaires, qui feront inévitablement payer à la majorité de la population le maintien de leur système pourri et en crise.
En travaillant main dans la main avec les travailleurs de la santé et les professionnels de la santé, ces comités peuvent également mener des campagnes pour éduquer les gens sur le COVID-19, et repousser la désinformation généralisée, les mythes et les théories du complot sur la pandémie, comme cette idée qui ne repose sur rien selon laquelle les personnes à la peau foncée ne meurent pas du virus, que le virus ne survit pas par temps chaud, que les kits de test propagent l’infection, et autres “fake news”. La colère qui couve contre l’impérialisme occidental et les dirigeants locaux à travers l’Afrique a ouvert la voie à ces théories, se nourrissant de la méfiance établie de longue date à l’égard des autorités au pouvoir et du récit “officiel”. En Côte d’Ivoire, un centre de dépistage de COVID-19 récemment construit dans la capitale Abidjan a même été saccagé le 6 avril par les habitants locaux, paniqués à l’idée que la maladie puisse être introduite dans leurs communautés.
Dans certains cas, les gouvernements africains eux-mêmes ont encouragé pénalement des mensonges similaires, notamment en utilisant l’obscurantisme religieux pour compenser leurs propres échecs politiques. Une déclaration du gouvernement du Burundi a déclaré que le pays “est une exception car c’est un pays qui a fait passer Dieu en premier”. Le président de la Tanzanie, John Magufuli, a encouragé les gens à s’entasser dans les églises, car “le coronavirus ne peut pas survivre dans une église”. Selon le ministre de la défense du Zimbabwe, son pays avait été exempt du virus car la maladie était une punition divine contre l’Occident pour avoir imposé des sanctions à son gouvernement…
Ces idées régressives sont propagées par des couches des classes dominantes africaines pour manipuler les craintes des populations désespérées par la misère et la barbarie déclenchées par la société capitaliste. Cependant, la pandémie COVID-19 livre un nouveau réquisitoire contre cette société.
Elle pose de manière plus aiguë que jamais aux masses de tout le continent l’urgence de lutter pour “mettre le capitalisme en quarantaine”, comme le dit le Workers and Socialist Party (section d’Alternative Socialiste Internationale en Afrique du Sud) et pour une refonte radicale de la manière dont la société humaine est gérée. Alors que cette maladie va précipiter des pays entiers dans des niveaux de misère, de maladie, de violence et de mort indicibles, elle réaffirmera également aux yeux de millions de personnes la nécessité critique de s’organiser et de lutter pour une société socialiste : une société où les ressources naturelles, humaines et technologiques du monde seraient détenues par l’État et planifiées démocratiquement pour satisfaire les besoins de la grande majorité des habitants de la planète.
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Afrique : ou le socialisme, ou une barbarie sans cesse plus grande
L’Afrique est ravagée par un ouragan de pauvreté. C’est le seul continent devenu plus pauvre depuis 1980. Près de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour. La faim s’étend presque comme une maladie. Des millions d’africains sont mort faute de nourriture. Et l’avenir s’annonce plus triste encore. Le rapport de l’UNDP/UNICEF dit qu’en 2015 l’Afrique pourra nourrir moins de la moitié de sa population.
Dagga Tolar et Peluola Adewale (2006)
2015 est aussi l’année que les dirigeants du monde ont fixé comme date pour réduire la pauvreté et la faim de moitié entre autres « Objectifs du Millénaire pour le Développement » (OMD). Ces objectifs incluent également la réduction de la mortalité infantile de 75% et l’arrêt de l’extension de l’épidémie de SIDA/HIV. Cependant, la Banque Africaine de Développement a déclaré que l’Afrique est la région la moins prête à réaliser ces objectifs. Les Nations Unies ont exposés que si les indices de développement sociaux continuent sur leur voie, l’Afrique ne pourra rencontre les OMD qu’après 150 ans ! Plus de trois quarts des décès dû au SIDA se situent en Afrique sub-saharienne, et 65% des malades du SIDA vivent sur ce continent. Pour rendre les choses pires encore, l’histoire post-coloniale de l’Afrique est remplie des horreurs de la guerre qui ont pris la vie de millions de travailleurs.
Les statistiques ci-dessus qui démontrent largement le sous-développement de l’Afrique sont horribles. Qu’est ce qui a bien pu se passer pour que la situation soit si épouvantable malgré des richesses stupéfiantes ? Les Socialistes disent que le capitalisme est coupable. Lénine le qualifiait d’horreur sans fin. Ce système basé sur les inégalités répand ses méfaits en Afrique plus encore que partout ailleurs. En terme de ressources naturelles, l’Afrique est peut-être le continent le plus riche au monde. Mais le capitalisme, à toutes ses étapes de développement, a extirpé du continent ses ressources, du commerce trans-Atlantique d’esclaves à travers le colonialisme à l’époque impérialiste. Les politiques néo-libérales d’aujourd’hui n’ont fait qu’empirer la situation des masses. Le continent est pillé de ses ressources pour financer son développement et pourvoir aux besoins basiques de la population. Les gouvernements comptent sur le capital étranger, pour la plupart sous forme de prêt avec des intérêts exorbitants qui sont autant de fardeaux étouffants.
A présent, l’impérialisme mondial utilise la triade de la dette, de sa domination sur le commerce mondial et de la corruption des dirigeants africains comme armes pour forcer l’Afrique à se prosterner face au pillage impudent de ses richesses à travers les politiques néo-libérales.
Les fardeaux de la dette et le néo-libéralisme
En octobre 2005, l’Afrique avait remboursé 580 milliards de dollars à ses créditeurs (les nations et institutions impérialistes) pour une dette originale de 540 milliards de dollars, et il reste encore 330 milliards de dollars à payer. En luttant pour rembourser ces dettes, les gouvernements négligent l’éducation, la santé, l’approvisionnement en nourriture et autres besoins basiques des travailleurs. Les gouvernements ont pris le poison du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) ou les politiques néo-libérales de privatisation, de commercialisation, de libéralisation du commerce, de coupes dans les dépenses publiques, etc., comme conditions pour récupérer les possibles restes de la souffrance due à une dette largement fictive et odieuse.
Ce n’est donc pas accidentel si l’Afrique a le plus haut taux de malades du SIDA. Africa Action a dénoncé qu’en 2003 les pays africains ont dépensés plus de 25 milliards de dollars en remboursement de dettes, et ce même si 2,3 millions d’Africains ont perdu leur vie à cause du SIDA. Cette année, l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que 4,1 millions d’Africains touchés par la maladie ont un besoin urgent de médicaments anti-rétroviraux, mais seulement 50.000 personnes peuvent en avoir.
Le capitalisme et les politiques néo-libérales sont les causes majeures de faim en Afrique. Craig Timberg, du Washington Post a écrit que, bien plus que les désastres naturels comme la sécheresse ou le changement de climat, la famine que connaît le Niger est principalement due à la politique de libre marché débridée appliquée par le gouvernement nigérien. A la demande de la Banque Mondiale, le Niger a abolit le contrôle des prix avec pour conséquence que les prix de la plupart des denrées comestibles sont maintenant au-dessus des moyens d’une large part des travailleurs. Les taxes imposées sur la nourriture ont menés à deux actions de protestation massives pour le seul mois de mars 2005. Tout cela dans la lignée des demandes de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International concernant les « Pays Pauvres Hautement Endettés », initiatives entraînant le néo-libéralisme. Ceci explique pourquoi les autres pays pauvres, comme le Burkina Faso, la Mauritanie, l’Ethiopie et le Mali sont dans la même angoisse face à la faim que le Niger et neufs autres pays africains, récemment assurés de l’annulation de leur dette extérieure après des années de soumission ininterrompues aux dictats du FMI et de la Banque Mondiale.
Commerce inéquitable
A travers le commerce inéquitable, l’Afrique a été pillée de ses énormes ressources. Entre 1980 et maintenant, la part du continent dans le commerce mondial a chuté de deux tiers, de 6% en 1980 à moins de 2%. Le prix de ses principales exportations ne cesse de plonger. Une étude a révélé qu’entre 1980 et 2001, les prix du café ont plongé de 85%, ceux du cacao de 67%, d’huile de palme de 60% et ceux du cuivre de 41%. Les autres exportations du continent à l’exception du pétrole, suivent la même tendance. Les pays impérialistes qui prêchent le dogme du libre commerce, libéré de tout subsides, etc. imposent des barrières artificielles aux produits africains et subsidient lourdement leurs riches fermiers. On estime que les pays développés dépensent 200 milliards de livres sterling par an pour subsidier leurs agriculteurs, soit 17 milliards de livres sterling en plus que le Produit Intérieur brut de l’entièreté des pays africains. La Banque Mondial déclare que si l’Amérique du Nord, le Japon et l’Europe laissaient tombés leurs barrières aux produits africains, les exportations africaines augmenteraient de 1,5 milliards de livres sterling par an.
Mais pourquoi l’Afrique est-elle dans cette situation? Fondamentalement, la réponse est que l’économie mondiale est depuis longtemps dominée par les classes dirigeantes et compagnies des pays riches. Les 500 plus grandes compagnies internationales contrôlent 70% du marché mondial, alors que les 50 plus grosses banques et compagnies financières contrôlent 60% du capital global. Aujourd’hui, 300 multinationales et banques importantes effectuent 70% des investissements directs à l’étranger.
Cette domination bloque le développement de rivaux indépendants de ces monopoles. Là où de nouvelles technologies et produits se développent, ils sont rapidement dominés par les pouvoirs impérialistes. Les exceptions à cette règle générale, comme la Corée du Nord ou la Malaisie, furent aidés par l’Ouest durant la guerre froide pour des raisons stratégiques. Dans le cas unique de la Chine, les bases économiques de son récent développement furent construites sur les avancées initiales dans l’infrastructure et l’éducation rendues possibles par une économie nationalisée et planifiée, malgré les effets de la direction anti-démocratique du stalinisme maoïste.
Dirigeants corrompus
La douleur de l’Afrique est combinée à la corruption caractéristique de ses dirigeants. Il est intéressant de voir que la corruption n’est en rien limitée à l’Afrique ou aux pays en voie de développement. La chute d’Enron, le géant américain de l’énergie, par exemple, démontre que la corruption est universelle sous le capitalisme. La plupart des ressources qui échappent au commerce inéquitable ou au remboursement de la dette sont volées par les dirigeant pro-occidentaux corrompus et placés dans des comptes privés en Europe et en Amérique du Nord. Ce vol montre aussi qu’ils n’ont aucune confiance envers le développement des pays africains sur une base capitaliste. Le capitalisme néo-libéral, philosophie régnante de gouvernance, a donné plus d’assises aux dirigeants africains pour le pillage, car ils n’ont plus à utiliser ses ressources pour les besoins basiques de la population. Les gains initiaux qui suivirent l’indépendance et avaient procurés des investissements relatifs de la part des gouvernements nationaux dans les services sociaux et entreprises publiques ont été érodés par les politiques néo-libérales de privatisation, de commercialisation et de coupes dans les dépenses publiques.
La guerre et la question nationale
Le néo-libéralisme pousse la masse de la population vers la pauvreté et la marginalisation et ne peut résoudre les questions nationales, héritage du colonialisme, qui sont dans la majorité des cas aux racines des guerres qui ravagent le continent. La plupart des pays africains sont des créations artificielles des maîtres coloniaux pour leurs intérêts stratégiques et économiques sans regards pour les différentes nations, histoires, traditions et langages qu’ils ont réunis.
Il est clair que l’élite bourgeoise africaine est incapable de résoudre la question nationale. Les sections mécontentes de l’élite dirigeante capitalisent le désenchantement des masses laborieuses pour assoir leurs gouvernements et exploitent les différentes ethnies pour les mobiliser dans des guerres, qui sont en fait dirigées pour servir leurs seuls intérêts. Hors de ces conflits, ils tirent des avantages excessifs pour prendre directement le pouvoir ou négocier pour être intégrer dans la classe dirigeante, au détriment des masses laborieuses utilisées comme chair à canon. Ces guerres ont laissés des millions de travailleurs sans vies, blessés pour le restant de leurs jours, ou encore sans logements. Les statistiques révèlent qu’il y a eu 4 millions de morts au Congo, 2 millions au Soudan, et 1 million au Rwanda, sans parler du Sierra Leone, du Liberia, de l’Ethiopie/Erythrée, de la Côte d’Ivoire, etc. où les guerres ont récemment coûtés des centaines de milliers de morts.
Seule les masses laborieuses peuvent résoudrent les questions nationales en supportant les droits des nations et minorités, en incluant l’autodétermination des peuples, tout en luttant pour des mouvements unifiés contre les ennemis communs. Une caractéristique d’un réel mouvement des travailleurs est de voir des personnes issues de différentes nationalités marchant côte à côte contre les attaques capitalistes contre leurs conditions de vie. Cela montre le potentiel pour construire des mouvements unifiés capables de transformer la société.
Le rôle des travailleurs
La descente actuelle de l’Afrique vers la barbarie est une expression de la faillite de l’impérialisme et des élites capitalistes locales à développer l’économie africaine et les standards de vie de la population. Pour toute la période qui suivit l’indépendance de l’Afrique, tant les militaires que les sections civiles de la classe capitaliste ont dirigés le continent avec les mêmes effets contre-productifs et ruineux. En terme de développement économique général et de niveau de vie des travailleurs, l’Afrique aujourd’hui est encore plus loin derrière l’Europe et les pays capitalistes avancés que ce n’était le cas il y 4 ou 5 décennies.
Cependant, une infime partie de la population africaine est aussi indécemment riche que les capitalistes des pays développés. C’est le résultat du vol des budgets gouvernementaux, et de la collaboration avec l’impérialisme pour piller le reste des africains et les ressources matérielles.
Il ressort de l’histoire du capitalisme, et en particulier de l’histoire limitée du capitalisme en Afrique, que seule la classe ouvrière possède le potentiel de mettre fin à ce système qui signifie la misère pour les masses à côté d’une abondance indescriptible.
Les progrès de la civilisation moderne restent pour une large part une application des connaissances technologiques pour convertir les ressources naturelles en produits fini consommables. Sous la logique capitaliste qui prévaut actuellement, la plupart de ces connaissances technologiques et des ressources mondiales sont passées sous la propriété privée d’une poignée de corporations ou de propriétaires capitalistes. Et c’est là que ce situe la contradiction majeure. Alors qu’au niveau international et même dans plusieurs secteurs de l’économie, continents ou pays, il existe une abondance de connaissance techniques et de ressources pour donner une vie décente à toute personne sur terre, la nature d’égoïsme et de profit du capitalisme fait que dans la majorité des cas, ces potentiels sont irréalisés.
Pourtant, le côté positif du capitalisme est le développement et l’existence de la classe ouvrière. C’est la classe sociale qui a en main les clefs des opérations journalières du système sans lesquelles rien ne peut se passer et qui est également capable d’actions collectives.
Pour pourvoir aux besoins de tous, et non d’une minorité, la classe ouvrière, supportée par d’autres couches de pauvres, doit mener une révolution sociale. Cela entraînera la propriété commune et un contrôle démocratique des commandes de l’économie et des ressources avec une planification et une organisation centralisée vers l’utilité, et non le profit.
Il est extrêmement important de remarquer que l’histoire contemporaine de l’Afrique est en elle-même très riche en mouvements de masses et de luttes. Uniquement l’an dernier se sont déroulées des protestations de masse contre les politiques néo-libérales et capitalistes au Mali, au Liberia, au Burkina Faso, au Niger, en Afrique du Sud, au Nigeria etc.
Des années ’90 au début des années 2000, c’est la classe ouvrière qui a mené les protestations/luttes/révoltes qui aidèrent à la défaite des gouvernements capitalistes impopulaires de Kerekou en République du Bénin, et de Kenneth Kaunda en Zambie. Le Mouvement pour des Changements Démocratiques au Zimbabwe dirigé par Morgan Tsvangirai s’est initialement développé à partir des syndicats et de la résistance de la classe ouvrière contre le gouvernement de Robert Mugabe. En Afrique du Sud, seul le COSATU a mené des grèves et des manifestations de masse contre la politique anti-pauvre et néo-libérale du gouvernement capitaliste de l’ANC.
Au Nigeria, l’actuel pro-impérialiste et anti-pauvre gouvernement du président Olusegun Obasanjo a été ébranlé jusqu’aux racines en plusieurs occasions par une série de grèves et de protestation massives menées par le mouvement syndical.
Malheureusement cependant, toutes ces luttes, nombreuses et collectives, ont montré la faiblesse qui doit être dépassée pour passer de la protestation et de la défensive vers le changement du système. Cela requiert la construction d’un mouvement avec un programme clair et une direction n’ayant pas peur d’affronter le capitalisme.
Les socialistes disent que l’Afrique sortira seulement du cercle vicieux de déclin en rompant avec le capitalisme et en prenant les ressources économiques du continent des griffes de l’impérialisme et des capitalistes locaux. C’est seulement sur base d’une économie démocratiquement planifiée que les ressources seront utilisées dans les intérêts de la majorité de la population. Ce n’est pas l’ancien système où l’élite locale pille l’Etat et les entreprises nationalisées à leurs propres fins. Au contraire les socialistes luttent ils pour une nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs pour prévenir de la corruption et assurer que les ressources sont utilisées dans l’intérêts des masses laborieuses.
L’Afrique n’est pas seule à avoir un avenir incertain sous le capitalisme. La santé de l’économie mondiale aujourd’hui est de plus en plus précaire. Internationalement, les travailleurs, y compris d’Europe et des USA, ne voient qu’un avenir fait d’attaques continuelles envers leur niveau de vie et leurs emplois. Dans cette situation si, même dans un pays africain, une cassure socialiste avec le capitalisme est effectuée, cela aura un écho gigantesque dans les autres pays africains et au-delà. C’est à travers cet impact international que l’isolement d’un pays en rupture avec le capitalisme pourra être dépassé. C’est sur cette base que les socialistes voient l’unité réelle des peuples d’Afrique.
Mais pour faire cela, un programme et une politique clairement socialiste ainsi qu’une classe ouvrière disciplinée sont nécessaires. Sans cela, il y a le danger que les luttes ne mènent qu’à un simple changement du gang de voleurs au pouvoir. C’est ce qui s’est produit dans la Zambie de Chiluba, un gouvernement formé d’anciens activistes des syndicats, qui mène une politique néo-libérale. Bien sûr les travailleurs peuvent lutter aux côtés d’autres forces sociales dans certaines luttes, quand cela concerne des buts économiques, sociaux ou politiques. Cependant, à l’intérieur de ces mouvements, les socialistes défendront qu’un changement fondamental, la fin du capitalisme, est nécessaire pour rendre permanente n’importe quelle victoire obtenue lors de ces luttes partielles.
En République du Bénin, les mouvements de masse de la classe ouvrière furent assez fort que pour mettre fin au gouvernement de Kerekou, mais par manque de leurs propres organisation et dirigeants, il n’y eu d’autre choix que d’investir Mr Soglo, un dissident de la classe dirigeante capitaliste, qui ne fit naturellement que continuer la politique antisociale au pouvoir.
Tristement également, la tentative de créer un parti des travailleurs au Zimbabwe ne s’est soldée que par la fondation du parti pro-capitaliste MDC, ce qui a enlevé à la population une opportunité de combattre et de vaincre le parti capitaliste du dirigeant Mugabe. De façon similaire, c’est le manque d’alternative, de politique socialiste et de détermination pour chasser le gouvernement Obasanjo qui a permis que le très haï président du Nigeria soit capable de comploter pour s’assurer de revenir au pouvoir après la fin de sa législation, en mai 2007.
Pour arrêter le déclin économique et les horreurs de la guerre qui ravagent l’Afrique, la création de mouvements politiques et d’organisations de luttes pan-africaines de la classe ouvrière jointes à la tâche ultime de l’abolition du capitalisme, la cause principale de l’inégalité sociale et des troubles. Cette tâche ne peut être transposée par les masses laborieuses africaines, les jeunes et les révolutionnaires.
Rejoignez nous!
“Tout spectateur est autant un lâche qu’un traître”– Amica Cabra. Si vous êtes mécontent des politiques anti-pauvres menées par les gouvernements africains pro-impérialistes et intéressés de lutter contre ces politiques, l’organisation à rejoindre est le Comité pour une Internationale Ouvrière. Le CIO (CWI en anglais) est une organisation socialiste internationale présente dans près de 40 pays et qui travaille à l’unité de la classe ouvrière et les peuples opprimés contre le capitalisme et pour lutter pour un monde socialistes. Le CIO a des sections au Nigeria et en Afrique du Sud.
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Soudan : colère contre l’abolition de subsides pour le gaz
Solidarité avec les travailleurs en lutte, les jeunes et les femmes !
Les travailleurs, la jeunesse et les femmes opprimées sont sortis dans les rues du Soudan après que le régime tant haï d’el-Béchir (Front National Islamique) ait doublé les prix du fuel et du gaz de cuisine par l’abolition des subsides accordés auparavant. Les manifestants ont scandé des slogans comme ‘‘Le peuple veut la chute du régime !’’ et ‘‘Liberté, liberté !’’
Par Halema, Socialist Party (CIO-Angleterre & Pays de Galles)
La fin des subsides a aussi entraîné l’augmentation des prix de la nourriture. Les manifestants ont subi une répression violente des forces de l’Etat. La police a réagi en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Jusqu’à présent, le régime a fait 60 victimes, et on ne compte plus les blessés. Dans les régions de Wad Nubawy, d’al-Thawra, et de al-Kalaklat, au sud de Karthoum, les manifestations ont été violemment réprimées par la police.
Les manifestants ont été traqués par des voitures de polices pour ne pas qu’ils bloquent la rue principale d’al-Thawra. Des témoins disent avoir vu la police utiliser des balles réelles et des gaz lacrymogènes à Wad Nubawy et à al-Kalakat. Ils ont ajouté que des arrestations massives de jeunes ont eu lieu dans les quartiers sans que leurs parents en soient informés. Pendant 48 heures, Internet a été désactivé dans le pays.
La situation des masses était déjà critique. Le taux de chômage atteint les 20%. Plus de 2 millions d’habitants vivent dans la pauvreté et on estime que 300.000 personnes n’ont aucun accès à l’eau potable et à la nourriture.
Un régime répressif
Le Front National Islamique de Béchir est un régime répressif de l’aile droite de l’Islam politique. A son accession au pouvoir en 1989, sa première initiative a été de décréter le Public Order Act (loi sur l’ordre public), créé pour opprimer les femmes. L’article 152 du Criminal Act autorise la lapidation des femmes. Cela accorde un pouvoir disproportionné à l’exécuteur, qui devient à la fois juge, juré et bourreau.
Le 27 septembre, les syndicats des médecins et des avocats au Soudan ont appelé à une grève générale après la prière du vendredi.
Les syndicats, les organisations d’agriculteurs et les étudiants doivent armer leur lutte contre les hausses des prix et exiger que les ressources et l’économie du pays soient placées dans les mains de la collectivité, et réclamer un gouvernement où seraient présents les travailleurs et les pauvres.
Il est urgent de construire un mouvement de masse de la classe ouvrière qui réunisse tous les opprimés de la société.
Un programme socialiste sera aussi essentiel pour la classe ouvrière et les masses oppressées pour commencer à résoudre les problèmes du Soudan que sont le sous-développement, les ravages de la guerre, l’endettement et la pauvreté (le revenu moyen est de 1$ par jour). Un tel programme proposerait des solutions durables aux divers conflits ethniques et religieux du pays.
Pour le retour des subsides au gaz et aux prix d’avant leur annulation, pour la construction d’un mouvement de masse des travailleurs et des pauvres !
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Nigeria, un pays saigné à blanc et c’est le peuple qui paie.
Rapport de la commission consacrée au Nigeria lors de l’école d’été du CIO

Voici le rapport de la Commission sur le Nigeria qui s’est tenue lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu du 21 au 26 juillet dernier à Louvain. L’introduction a la discussion a été réalisée par Kola Ibrahim, permanent du secrétariat du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO au Nigeria) de la province d’Osun et responsable du travail étudiant, qui nous a fait part de la situation sociale et économique dans laquelle se trouve ce pays d’Afrique de l’ouest et ses 170 millions d’habitants.
Par Yves (Liège)
Partout dans le pays les gens éduqués ou non parlent de révolution, des mouvements indépendants se lancent spontanément, il y a plus de 12 grèves générales annuellement depuis quelques années, mais bien qu’une volonté de changement est clairement présente dans la conscience collective, les directions syndicales du Congrès des syndicats TUC (Trades Union Congress – qui regroupe principalement les cadres) et du Congrès du travail du Nigéria NLC (Nigeria Labour Congress – le syndicat principal des ouvriers et employés) démobilisent quand ils n’arrêtent pas purement et simplement les mouvements sociaux.
Les inégalités économiques s’accentuent malgré 13 ans de gouvernement civil (principalement le PDP – Parti démocratique populaire) après plus de 30 ans de gestion militaire. Dans ce contexte, les camarades du DSM s’attèlent au lancement d’une plateforme politique : le ‘‘Socialist Party of Nigeria (SPN)’’, une alternative socialiste face à la corruption, aux politiques capitalistes anti-pauvres et néolibérales ; un parti des travailleurs, de pauvres et de jeunes prêt à redistribuer équitablement les richesses du pays pour le bénéfice de la majorité.
Une pauvreté endémique en pleine abondance de ressources naturelles et humaines
Le Nigéria est le 6ème pays exportateur de pétrole brut au monde, et le premier du continent africain, mais faute de raffineries, il exporte son pétrole brut pour importer son carburant. L’exportation de pétrole brut et de gaz participe à hauteur de 80% aux revenus du gouvernement. L’industrie minière y est encore balbutiante malgré des ressources en fer, zinc, étain, or, pierre à chaux et marbre car les investissements miniers sont principalement absorbés par le secteur des hydrocarbures. Malgré une croissance de plus de 7% en moyenne du PIB depuis plusieurs années (le Produit Intérieur Brut était de 262 milliards de dollars en 2012 selon les données de la Banque Mondiale), et d’énormes revenus dus à l’exportation du pétrole et du gaz, le Nigéria présente un déficit budgétaire dû à la corruption (139ème sur 176 pays en 2012 d’après Transparency International) et des problèmes de gouvernance endémiques et chroniques.
Bien qu’au Nigéria certains pasteurs soient millionnaires en dollars, et que le pays abrite de nombreux millionnaires (hommes d’affaires mais surtout hommes d’Etat) et milliardaires (dont Aliko Dangote magnat du ciment devenu 25e fortune mondiale dépassant ainsi Mittal), le rêve Nigérian, lorsqu’on ouvre les yeux, c’est plus de 70% de la population (54% en 2004) qui vit sous le seuil de pauvreté (1) et plus de 40% des jeunes sans emploi qui vivent de débrouillardise quotidienne. Encore une fois, le schéma capitaliste se répète, ces chiffres sont l’illustration de la main mise d’ 1% de la population qui contrôle 80% des richesses du pays, ceci vient s’ajouter à la corruption endémique du gouvernement qui – toutes fonctions administratives confondues – absorbe 30% du budget de l’Etat. Les législateurs nigérians sans aucun scrupule se payent mieux que Barack Obama, les sénateurs touchent 720.000 $ contre 400.000 $ l’année pour le président US. Non content de se payer grassement, les brigands du gouvernement détournent allègrement les bénéfices dus aux revenus du pétrole. En effet, le secteur des hydrocarbures perd en moyenne 30 milliards $ par an avec la complicité des multinationales et de courtiers indépendants, le tout ajouté aux opérations de sabotage de groupuscules de plus en plus violents (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger). Il faut dire que les mouvements non-violents des années ‘90 se sont fait réprimés dans la violence et beaucoup de leurs activistes ont soit été assassinés soit emprisonnés (Ken Saro-Wiwa du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni -MOSOP-par exemple).
Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, alors que sa population s’élevait à 55 millions d’habitants en 1970, elle est aujourd’hui estimée à un peu plus de 170 millions de vies humaines dont 2/3 ont moins de 25ans. D’ici 2050 le Nigéria devrait être le 3ème pays le plus peuplé au monde. Un potentiel énorme en termes de mouvements de masses qui vont certainement continuer à se produire.
Le gouvernement de Good Luck Jonathan, comme les gouvernements précédents, pratique un clientélisme dans la «redistribution» des revenus du pétrole. Le président Goodluck est un chrétien du sud (les régions pétrolifères) et les membres de son gouvernement font prioritairement manger leurs proches, le taux de pauvreté atteint 80% dans certains Etats du nord du Nigeria. Cette politique de ‘‘diviser pour mieux régner’’ aggrave le problème de la question nationale qui n’a jamais été résolu.
Mais il ne faut pas se mentir, la pauvreté est aussi très présente dans le sud, le peu de revenus qui y parvient est détourné par les dirigeants locaux et le reste sert à y corrompre les activistes, les militants et les membres de la société civile. Le nord a peur de ne plus avoir accès au fédéral et l’entourage du président fait tout pour garder le pouvoir. Pour s’accrocher à leur pouvoir, ils corrompent ceux qu’ils peuvent (et sécurisent ainsi leurs intérêts) et combattent les autres (opposants, objecteurs de conscience, activistes) sans distinction, ce qui accentue la crise nationale.
En plus de la confession et de la provenance géographique, vient s’ajouter une mosaïque ethnique des plus complexes, avec plus de 374 ethnies présentes, dont 3 (Igbo, Yoruba, Hausa) représentent 58% de la population (2). Cette situation est héritée du processus non démocratique par lequel les différentes ethnies ont été soumises au joug de l’impérialisme britannique en 1914 avec la fusion des provinces du nord, du sud, et de la colonie de Lagos en une colonie du Nigéria. L’indépendance de 1960 a simplement remplacé l’impérialisme britannique par une minorité dirigeante capitaliste de Nigérians qui, de génération en génération, a aggravé les conditions de vie et l’exploitation de la vaste majorité des Nigérians.
La guerre du Biafra de 1967 à 1970 a failli conduire à la scission du pays, d’ailleurs il y a 8 ans, une étude de l’ONU envisageait une balkanisation du Nigéria. Le pays n’en est peut être pas encore à ce stade, mais les crises répétées, la mauvaise gestion et les contradictions du pouvoir menacent effectivement l’existence du Nigéria. Le DSM est avant tout pour une unité de la classe ouvrière, mais soutient le droit de chaque ethnie à l’autodétermination, jusqu’à la sécession si elle a été voulue par référendum et soumise à un vote démocratique direct.
Le secteur agricole est le premier employeur du pays avec près de 70% de la population qui en dépendent. Malgré une énorme superficie de terres fertiles souvent sous-exploitées, cette proportion tant à baisser avec un exode rural sans précédent (Lagos est passé de 300.000 habitants en 1950 à 15 millions aujourd’hui) et la prolifération de méga-fermes qui, contrairement aux petits paysans qui ont toujours des méthodes de récolte primitives, bénéficient de subsides de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’a pas atteint l’indépendance alimentaire pourtant possible avec des investissements cohérents. Pour l’instant, le Nigéria importe pour 200 millions $ de nourriture américaine par an. Le ministère fédéral de l’agriculture et du développement rural a récemment proposé de distribuer plus de 10 millions de téléphones portables à des petits fermiers pour une valeur d’à peu près 20 € chacun (3). Encore une fois, cette initiative semble être un moyen de siphonner les fonds publics. Les agriculteurs ont prioritairement besoins de fonds, pas de téléphones, d’investissements dans le réseau routier, de puits de forages pour une meilleure irrigation, de services médicaux de bases pour eux et leurs familles qui sont leur main d’œuvre principale.
Pour rester dans le secteur de la téléphonie mobile, l’explosion du nombre de numéros de téléphones ces 11 dernières années (10 millions par an) est en fait une croissance superficielle du secteur de la communication. En réalité, seuls 30 millions de personnes sur 170 ont accès au téléphone. La défectuosité du réseau fait que ceux qui ont les moyens d’avoir un numéro en ont généralement 3 ou 4 pour être joignables. Il faut ajouter que cette ‘‘success story’’ nigériane ne profite qu’à 1% de la population active qui travaille dans le secteur des télécoms. Les 50 milliards $ engrangés par le secteur ces 10 dernières années ne participent pas à la croissance mais plutôt à une extraction ou plus précisément une exportation d’une partie des revenus des Nigérians.
En plus de l’éducation et de la santé, qui ensemble n’égalent pas la part du PIB dédiée au remboursement de la dette (30%), l’électricité est un autre de ces secteurs qui a et qui continue de manquer cruellement d’investissements malgré les belles promesses de Goodluck et 24 milliards $ censés avoir été investis durant l’ère Obasanjo dans l’amélioration de l’approvisionnement en électricité…
Pour exemple, l’Afrique du Sud, qui en nombre d’habitants équivaut à un tiers de la population nigériane, produit un peu plus de 40.000 mégawatts d’électricité annuellement et ce n’est même pas assez pour toute la population dont la majorité de toutes façons ne peut pas se permettre l’accès au réseau. Le Nigéria, lui, produit annuellement 4000 mégawatts d’électricité dont 1000 ne peuvent pas être distribués à cause de ‘‘lignes électriques qui sont restées faibles depuis des années’’ d’après les termes du président Jonathan en déplacement au Pakistan. Le Nigéria se retrouve avec 30% de sa population ayant possiblement accès à l’électricité mais sans garantie de livraison, ceux qui le peuvent n’ont donc d’autre choix que d’acheter un générateur… Pour régler le problème, la stratégie du gouvernement a été une augmentation de 100% des tarifs d’électricité pour rendre le secteur attractif aux investissements privés, suivi de la revente des plans de productions à 10% de leurs valeurs d’investissements. (4) Inutile de préciser que le problème est toujours plus que présent, et que même la capitale vie dans le noir.
’‘Ne trahissez pas la lutte !’’ (5)
En janvier 2012, le gouvernement Jonathan a décidé d’implémenter 4 mois à l’avance l’arrêt des subventions sur l’essence, pensant profiter du réveillon du nouvel an, pour faire monter le prix du pétrole du jour au lendemain de 30 à 66 cents. Dès le lendemain, le Nigéria a montré que les mouvements révolutionnaires observés en Tunisie et en Egypte n’étaient pas uniquement l’apanage du Maghreb ou du Moyen Orient. L’augmentation des prix de l’essence resserrant le nœud autour de la corde déjà au cou de nombreux Nigérians a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère qui a abreuvé les Nigérians en soif de changement.
La chute des revenus des Nigérians, l’extrême pauvreté généralisée, les transports en commun éventrés, le délabrement du système de santé, l’éducation abandonnée, sont autant de facteurs qui ont ouvert la boîte de pandore. Mais c’est surtout l’écart de richesse de plus en plus grandissant entre les 1% des plus riches, généralement des politiciens devenus millionnaires du jour au lendemain grâce aux revenus du pétrole qui devraient servir à améliorer les conditions de vie de la population, et cette même population exsangue, qui ont poussé les masses dans la rue dès le 2janvier 2012.
Pendant sept jours les jeunes et les masses désorganisées étaient dans la rue, mais c’est le 9 janvier, avec l’entrée en jeu de la classe ouvrière organisée et le mot d’ordre de grève générale indéfinie – qui en plus de poser la question du pouvoir est l’équivalent d’une insurrection -, que la donne a complètement changé.
Le mouvement est parti de quelques dizaines de milliers de manifestants par ville à plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues par manifestation (1 million rien qu’à Lagos), celles-ci se sont rapidement étendue à plus de 10 Etats et ont rassemblées plus de 40 millions de personnes nationalement. Malgré seulement 10% de travailleurs syndiqués, c’est le pays tout entier qui était en suspend, l’activité économique était à l’arrêt, mais surtout, le régime (et même l’opposition) ainsi que le système capitaliste faisaient face à un vrai risque d’effondrement. Même Boko Haram (islamistes fondamentaux du nord qui ont fait plus de 3000 morts ces 4 dernières années) était isolé et a préféré faire profil bas pendant toute la durée des manifestations, voyant clairement qu’avec la montée de la lutte des classes, l’action de masse collective était préférée par tous et ne laissait aucune place au actions terroristes individuelles. Comme en Egypte, on a vu des groupes de manifestants chrétiens, débout, protégeant les musulmans pendant leurs prières. Les divisions ethniques, géographiques, linguistiques ont elles aussi disparues pour laisser place à une conscience de classe.
Avec la propagation du mouvement, les travailleurs et les masses ont réalisé qu’il fallait plus de détermination pour vaincre le régime. Des slogans tels que ‘‘Jonathan doit partir !’’, ‘‘we want good gouvernance not Goodluck’’ étaient scandés en cœur, les masses avertissaient les dirigeants syndicaux de ‘‘ne pas trahir le combat !’’ La classe dirigeante, dos au mur, a fait ce qu’elle fait dans ce genre de situation, elle a brandit la menace d’une répression à grande échelle menée par l’armée. C’était sans compter que beaucoup de policiers et de membres de l’armée (généralement les moins gradés) montraient de la sympathie au mouvement, allant jusqu’à applaudir certaines manifestation.
Néanmoins, les dirigeants syndicaux (TUC et NLC) ont pris cette menace de répression comme excuse pour mettre fin à la grève générale le 16 janvier, unilatéralement bien évidemment, renforçant ainsi le régime et diminuant la confiance des travailleurs en leur capacité de combattre face à l’oppression.
Il y a eu au total 20 morts et 600 blessés sur l’ensemble des manifestations, ce qui est ‘‘moyen’’ selon les standards de répression nigérians. Malgré cela, certaines manifestations ont continué ici et là, mais il manquait une alternative politique crédible et combattive vers laquelle les mouvements toujours combattifs auraient pu se tourner.
Alors que la grève aurait pu mener à un changement de régime et pourquoi pas de système si la direction avait été courageuse, le but du NLC et du TUC était avant tout de récupérer le mouvement, ils ne s’attendaient pas à être dépassés par son ampleur ni à la tournure qu’il a pris. Alors que celui-ci commençait à remettre globalement le système en question, les directions syndicales ont préféré simplement jouer la carte de la frayeur afin d’avoir des concessions rapides du pouvoir. Au final, la grève aura simplement mené à une remise en place partielle des subventions sur l’essence, ramenant le prix à 45 euro cents par litre, après être monté de 30cents initialement à 66ç/L le 1er janvier 2012.
Face à la menace d’utiliser la répression, une direction syndicale plus combative aurait dû lancer un appel de classe aux militaires et aux policiers aussi concernés par les problèmes des manifestants.
Et pour être plus productif encore, il aurait fallu former des comités démocratiques de défense (armés si nécessaire) pour protéger et défendre les rassemblements et les manifestants.
Encore mieux, avec une direction audacieuse, la menace du régime d’utiliser la répression aurait pu permettre au mouvement et aux travailleurs de passer à l’offensive et de fermer la production de pétrole, prendre le contrôle des transports aériens, maritimes, routiers ainsi que des services et des échanges de biens. Cela aurait complètement changé le rapport de force en faveur du mouvement et isolé le gouvernement.
Une direction téméraire aurait permis d’enfin mettre sur la table la possibilité d’une transformation profonde du Nigéria, de le retirer des mains des capitalistes locaux et étrangers qui pillent le pays depuis des décennies, et de se diriger vers un gouvernement socialiste de pauvres, de jeunes et de travailleurs afin que les ressources du pays soient utilisées dans l’intérêt de tous et non d’une poignée de kleptocrates.
Mais c’était sans compter que le TUC et le NLC attendent de pouvoir manger leur part du gâteau, ils n’ont pas d’idée d’alternative à apporter au capitalisme, d’où leur approche contre productive lors des évènements de 2012, et leurs positions pro-capitalistes en général.
Grève générale de 48h pour la mise en œuvre effective du salaire minimum
En mars 2011, quelques jours avant les élections présidentielles, le Président Goodluck Jonathan a ratifié la loi garantissant le salaire minimum à 18.000 Niaras (83,5 €), une mesure clairement électoraliste pour pousser les travailleurs à voter pour son parti, le PDP (le Parti démocratique populaire). Un fifrelin à côté des revenus du pétrole et surtout encore plus quand on voit ce que gagne un sénateur indemnités comprises : 720.000 $/ans. 3 ans auparavant, le NLC avait demandé à ce que le salaire minimum soit de 58.000 Niara (269 €), le syndicat s’est finalement contenté d’accepter sans revendications la baisse de celui-ci à 18.000 Niaras malgré le fait qu’avec l’inflation (13% l’an passé et jusqu’à 50% pour certains biens de consommation), les augmentations du prix de l’électricité, des frais scolaires etc. ça n’est clairement pas suffisant.
Cependant, 2 ans après, les gouverneurs des Etats s’abritent derrière un soi-disant manque de financement de l’Etat fédéral pour ne pas payer ce salaire minimum. Pire encore, récemment, le Sénat (Chambre haute de l’assemblée nationale) a voté l’exclusion de la loi sur le salaire minimum de la ‘‘liste législative exclusive (Exclusive Legislative List)’’, permettant ainsi à chaque Etat de déterminer ce qu’il veut (le gouverneur dira ‘‘ce qu’il peut’’) payer aux travailleurs. Encore plus, ça empêcherait dans le futur toute lutte sur le plan national pour une augmentation du salaire minimum, celui-ci étant devenu une compétence des Etats. L’insensibilité du Sénat veut que les sénateurs se soient octroyés une pension à vie le jour-même où ils ont voté le retrait de la loi sur le salaire minimum de la Liste Exclusive de la Constitution. Certains gouverneurs se targueront certainement de payer le salaire minimum, après l’avoir baissé dans leur législation évidemment… L’argument derrière ce retrait, est la volonté d’un ‘‘véritable fédéralisme’’ qui n’est pas mis en avant lorsqu’il s’agit de payer les gouverneurs dont le salaire est déterminé par une agence fédérale au niveau national. Heureusement pour l’instant il y a un statu quo car la chambre des représentants (chambre basse de l’assemblée nationale) a voté contre le retrait de la loi sur le salaire minimum de la List Exclusive Legislative.
Alors que cette attaque du Sénat sonne comme un coup de semonce au TUC et au NLC pour défendre résolument les droits et conditions de vies des travailleurs, encore une fois, la direction du NLC et du TUC ne fait rien pour mobiliser les travailleurs et rien non plus pour expliquer pourquoi la loi doit rester sous la Liste Exclusive de la Constitution. Dans les Etats où les travailleurs ont combattu ardemment pour l’implémentation effective du salaire minimum, les directions du NLC et TUC ont fermé les yeux (et les oreilles, et la bouche). Au lieu de lancer un appel à la grève générale, les travailleurs sont abandonnés aux désidérata de leurs gouverneurs. La seule grève annoncée par les directions syndicales nationale a été annulée le 20 juillet 2011 alors que la détermination des travailleurs avait atteint son paroxysme. Pire, Abdul Wahed Omar, président du NLC, a avoué que dans certains Etats, les directions syndicales négociaient à la baisse le salaire minimum si les gouverneurs de ceux ci arrivaient à prouver leur inhabilité à payer les 83€ (6). Certaines entreprises privées refusent tout simplement de payer le salaire minimum sans aucune justification si ce n’est celle du profit maximum pour l’entreprise et les actionnaires. Encore une fois les directions syndicales ne font rien. Au mieux, celle-ci se lamentent et se contentent de lancer des menaces dénuées de tout contenu.
C’est ce manque de combativité du NLC et du TUC qui implicitement donne carte blanche aux législateurs pour sabrer encore plus les acquis des travailleurs.
Le Parti Socialiste du Nigeria (SPN) appelle le Congrès du travail du Nigéria (NLC) et le Congrès des syndicats (TUC) à commencer dès à présent une mobilisation pour une grève générale nationale de 48 heures ainsi qu’à organiser un mouvement de masses pour s’opposer à cette décision du Sénat de retirer la loi sur le salaire minimum de la liste Exclusive qui va à l’encontre des droits des travailleurs, et aussi de commencer sans plus attendre la lutte pour une mise en œuvre complète et effective du salaire minimum de 83€ à tous les niveaux.
Les directions syndicales doivent aussi aller dans les entreprises privées qui refusent de payer le salaire minimum avec un plan d’action et des meetings pour sensibiliser puis mobiliser les travailleurs pour des piquets de grèves et des manifestations massives en cas de refus de paiement. Les droits sont rarement donnés, ils sont arrachés !
‘‘L’éducation est un droit ! Le changement de système est notre but !!!’’

L’investissement du gouvernement dans l’éducation au Nigeria ne représente que 8% de la part du PIB alors que celui-ci devrait atteindre 26% d’ici 2020 pour rejoindre les normes internationales, mais encore une fois rien n’est fait.
Comme dans beaucoup de pays du monde, les étudiants ont du mal à payer leurs frais d’inscription à l’université, donc beaucoup n’y mettent jamais les pieds. Par exemple, le minerval de l’université d’Etat de Lagos (LASU) est passé de 120 € à 1.500 €. Ceux qui y ont accès et qui parviennent à payer leurs études jusqu’à la fin de leur parcours académique se retrouvent presque systématiquement au chômage (quelques centaines sur 10.000 trouvent un emploi). Et même ceux qui travaillent n’ont pas la garantie d’avoir un salaire qui leur permettra de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille par la suite.
Les hommes d’affaires et propriétaires terriens du Sénat et de la Chambre des représentants font ce qu’ils font le mieux, ils privatisent et commercialisent l’éducation. Bien que la plupart des membres de l’assemblée nationale ont été formés à l’école publique, leurs enfants allant dans des écoles privées (99%), l’éducation publique est abandonnée à son sort.
Plutôt que de rénover les bâtiments, certains sont détruits prétextant de nouvelles constructions qui souvent ne voient jamais le jour. Il s’agit là encore de chantiers de détournements de fonds publics. Le trop faible investissement dans l’éducation (infrastructures et programmes de cours), l’irresponsabilité de la classe dirigeante pousse depuis des années les étudiants et les professeurs à manifester, malheureusement souvent passivement, leur mécontentement.
Un peu partout dans le pays, le NUT (National Union of Teachers) est en grève passive/casanière (sit-at-home strike) depuis le 1er juin dans les Etats où l’indemnité particulière des professeurs (TPA – Teacher’s Peculiar Allowance) n’est pas effectivement payée. La direction de l’ASUU (Academic Staff Union of Universities – Syndicat du personnel académique des universités) a lancé une action de grève indéfinie car le gouvernement rechigne à mettre en place les accords de 2009 pris avec le syndicat concernant le financement (et la rénovation) d’infrastructures, de locaux, et des programmes de cours académiques ainsi que l’augmentation de leurs salaires. Deux des syndicats du polytechnique (secteur des sciences et des technologies, génie civil) sont en grève depuis 3 mois, il s’agit de l’ASUP (Academic Staff Union of Polytechnics – syndicat dupersonnel académique du polytechnique) et du SSANIP (Senior Staff Association of Nigeria Polytechnics – association du personnel senior des polytechniques du Nigeria). Ils ont mis en suspend leur grève après 78 jours avec menace de la reprendre si le gouvernement ne montrait pas concrètement qu’il s’attelait à répondre à leurs demandes. Cette grève a d’ailleurs surpris le gouvernement qui ne s’attendait pas à voir les élèves de polytechnique soutenir leurs professeurs. (7)
Nos camarades du DSM (Mouvement démocratique socialiste) ont lancé le ERC (Education Rights Campaign – Campagne pour les droits à l’éducation) en 2004 afin de pourvoir une plateforme qui soutient le droit à une éducation gratuite (via un financement adéquat), efficace et gérée démocratiquement.

C’est par le biais d’affichages massifs, de distributions de tracts, de rassemblements, de conférences et de meetings qu’ils mènent campagne contre l’augmentation brutale des frais scolaires et la médiocrité des conditions d’étude et de logement.
Ils sont contre la victimisation des étudiants activistes et l’interdiction des syndicats étudiants dans certaines universités, quand ils ne sont pas récupérés ou infiltrés par des agents du gouvernement. Il supportent les travailleurs de l’enseignement dans leurs demandes pour de meilleures paies et conditions de travail, et ils mènent campagne pour que les étudiants puissent construire leurs syndicats comme des organismes de lutte, démocratiques, basés sur la masse, avec une direction courageuse et révocable à tout instant.
L’association nationale des étudiants du Nigéria, le NANS, est l’organe qui est censé représenté les étudiants au niveau national. Mais celui-ci est pro establishment, corrompu et la plupart de ses dirigeants ne sont mêmes pas des étudiants. Dans certaines zones des motions de censures contre le président ont d’ailleurs été votés. Souvent contre productif lors de mouvements de grèves, le syndicalisme au NANS est monétisé et politisé. Localement, les syndicats d’étudiants ont généralement à leur tête des personnes inexpérimentées ou pro capitalistes. Et d’autres syndicats d’étudiants sont tous simplement interdits par certaines directions scolaires.
Il faut une lutte commune du corps professoral et estudiantin afin d’éviter que l’un ne soit contreproductif ou se plaigne de l’autre et il est nécessaire qu’une prise de conscience globale des professeurs et des étudiants qu’une avancée pour l’un est une avancée pour l’autre émerge.
Il ne faut pas des grèves passives où les professeurs et étudiants restent chez eux, mais des manifestations où ils sont actifs et marchent côte-à-côte ; pour ça, il faut des meetings, des distributions de tracts des conférences afin de conscientiser les plus larges couches possibles d’étudiants de professeurs mais aussi de la population (les parents d’élèves notamment).
C’est pourquoi le Parti Socialiste du Nigéria lance un appel à la direction du NLC et du TUC pour une mobilisation en vue d’une grève générale de 48h et des mouvements de masses qui réuniraient les pauvres, les jeunes au chômage, les étudiants, et les travailleurs afin de transformer le Nigéria.
Les étudiants sont les travailleurs de demain, il est donc indispensable que les principaux syndicats de travailleurs se joignent à la lutte pour le sauvetage de l’éducation nigériane et par la même occasion face pression sur le gouvernement pour l’implémentation effective du salaire minimum et la fin des violences policières (certains étudiants qui manifestaient contre les mesures d’austérités prises par les gestionnaires de l’éducation se sont fait tuer lors de manifestations). (8)
Le Parti Socialiste du Nigeria, l’alternative socialiste qui se construit : ‘‘Un parti pour les millions (pauvres, jeunes et travailleurs ndlr) et non pour les pillards millionnaires’’

Pour paraphraser Mark Twain : ‘‘Les chiffres et les faits montreraient probablement qu’il n’existe pas de classe criminelle Nigériane distincte à part l’assemblée nationale.’’ (9) La population en a marre de voir ses richesses pillées par les kleptocrates au pouvoir en collaboration avec les multinationales présentent sur le terrain. Non content de siphonner les ressources naturelles, le pouvoir en place vampirise son peuple en augmentant tour à tour, le prix de l’électricité, les frais d’inscriptions, l’essence tout en attaquant le droit des travailleurs à un salaire décent et des étudiants à des syndicats démocratiques.
En plus de ces problèmes économiques dont on ne parle que trop peu dans nos médias occidentaux, le Nigéria est devenu tristement célèbres ces dernières années par les attentats répétés de Boko Haram dans le nord du pays.
Le problème de Boko Haram est à mettre en lien avec la question nationale non résolue depuis l’indépendance. Alors que la gauche petite-bourgeoise esquive la question nationale, nos camarades du DSM plaident pour une conférence de souveraineté nationale avec une majorité de représentants élus de travailleurs pour parler de la question nationale ainsi que des problèmes économiques, afin de décider de la marche à suivre, car ceux ci doivent être réglés pour pouvoir régler, entres autres, le problème de Boko Haram.
L’Islamisme fondamental qui a fait 3600 morts depuis 2009 selon Human Rights Watch, est le résultat de l’échec de la prise en main sérieuse de la question nationale par les gouvernements successifs, de l’état délabré de l’économie nigériane, du manque d’investissement dans l’éducation, de la pauvreté abjecte de certaines région, de l’abandon de certaines régions par l’administration qui n’est là que pour s’enrichir, en somme de la mauvaise gouvernance qui définit la classe dirigeante nigériane depuis son indépendance.
Boko Haram se présente comme une réponse à la politique dirigeante, d’ailleurs, ce groupuscule est le plus enraciné au nord dans les provinces les plus pauvres et s’est développé le plus facilement après une catastrophe naturelle ignorée par l’Etat. Ce groupe terroriste n’est pas une création récente mais est une entité qui s’est développée graduellement par effet boule de neige jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Boko Haram, qui signifie littéralement ‘‘la société occidentale est diabolique’’, reflète rien que dans son nom une haine de tout ce que représente l’occident, cette haine est alimentée par le Big Business de la capitale et la richesse exubérante des dirigeants. Le gouvernement, utilise Boko Haram comme alibi pour augmenter la militarisation du pays (la loi martiale est déjà effective dans 2 Etats sur 3) et ainsi harceler et intimider toute personne ou groupe qui serait critique envers le gouvernement. On voit comment les attaques contre les droits démocratiques de la population vont de pair avec la protection des intérêts capitalistes de la classe dirigeante. (10)
Le TUC et le NLC ont échoué à la construction d’un authentique parti démocratiquement géré par les travailleurs, les masses et les pauvres, et dévoué à la répartition équitable des ressources humaines et naturelles pour le bénéfice de tous. Le Parti Travailliste (Labour Party), créé par le NLC et dont nos camarades du DSM ont aidé à la construction dans les années ‘90 avant de s’en faire exclure, est aujourd’hui une autre de ces factions politiques qui se dit ‘‘l’alliée des travailleurs’’ tout en dinant à la table du grand capital, protégeant ses intérêts et se désolidarisant du peuple lorsque les politiques anti pauvres s’acharnent sur la population. L’organisation interne du parti n’a plus rien de démocratique non plus. Pour qu’un aspirant ait une chance de se faire élire à un poste, il doit mettre la main à la poche et payer les leaders du parti jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Niaras (jusqu’à 5000€) afin de pouvoir concourir pour le poste.
En 2003, nos camarades se sont présentés avec un programme socialiste en tant que candidats du Parti de la Conscience Nationale (NCP) qu’ils ont permis de transformer en un véritable parti politique alors qu’il n’était qu’une conscience, un mouvement de protestation balbutiant. Ils ont obtenu d’impressionnants résultats, 2ème avec plus de 77.000 voix officiellement dans le district sénatorial ouest de Lagos, malgré des preuves de bourrages d’urnes, d’achats de voix, et autres fraudes électorales. On a fait les meilleurs scores du NCP à l’échelle nationale sur base d’un programme résolument socialiste. Malheureusement, l’histoire a fait que nos camarades ont dû quitter ce parti après le virage à droite de sa direction et de son programme. Nos camarades ont néanmoins pu recruter des éléments désabusés du parti qui aujourd’hui jouent un rôle de cadre important dans le DSM. (11)
Le Mouvement Socialiste Démocratique (DSM) n’est pas officiellement reconnu comme un parti politique au Nigéria. Pour ce faire, il faut que les membres du Comité National Executif viennent de 24 des 36 Etats du pays, il faut avoir son quartier général à Abuja (ce qui coûte 5000€), et payer 5000€ en plus uniquement pour enregistrement du parti (contre 25€ en Afrique du Sud).
En plus des difficultés financières, la répression à l’encontre de nos camarades est grandissante. Lors des rassemblements du 1er mai, 15 de nos camarades se sont fait arrêtés pour avoir distribué des tracts du SPN et vendu leur journal (Socialist Democraty), leur matériel politique a bien entendu été détruit. Il a fallu que les camarades se mobilisent internationalement et localement pour faire pression sur les autorités locales pour que nos camarades aient finalement été libérés.
L’Implosion et les conflits internes du parti travailliste et des autres partis « de gauche » en plus de leur soutien tacite aux politiques d’austérité du gouvernement, envoient des messages contradictoires aux électeurs et à leurs membres qui ne savent plus vers qui se tourner. Sans alternative sérieuse, certains envisagent même parfois l’armée, en cas de crise prolongée, comme solution salvatrice malgré les 3 décennies de juntes militaires au pouvoir qui n’ont pas amélioré la situation du pays et les problèmes ethniques qui s’y retrouvent comme dans le reste du pays.
C’est pour toutes ces raisons que l’activité politique principale de cette dernière année de nos camarades du DSM a été la construction d’un parti plus large, le SPN.
La seule façon de régler la question nationale, de mettre fin à la corruption des élites dirigeantes, d’avoir des salaires décents, de pousser les investissements massifs dans la santé, les transport, les infrastructures, l’éducation et d’arrêter leurs démembrement et privatisations ; la seule voie pour mettre fin à la misère dans laquelle vie la grande majorité de la population Nigériane malgré l’extraordinaire abondance de ressources humaines et naturelles, est de mettre en place un système socialiste ou le propriété des secteurs clés de l’économie est collective et sous la gestion démocratique des travailleurs eux-mêmes. C’est à cela que s’attèlent nos camarades du DSM avec la construction du SPN, avec le soutien moral, physique et financier des autres sections du Comité pour une Internationale Ouvrière qui militent pour donner corps à un véritable socialisme partout dans le monde.
Notes :
(1) http://www.bloomberg.com/news/2011-01-18/nigeria-s-poverty-ratio-rises-to-70-of-population-trust-says.html
(2) http://www.unrisd.org/80256B3C005BCCF9/search/C6A23857BA3934CCC12572CE0024BB9E?OpenDocument&language=fr
(3) http://www.punchng.com/news/we-need-funds-not-phones-farmers-tell-fg/
(4) http://www.reuters.com/article/2013/06/03/nigeria-electricity-privatisation-idUSL5N0EF27H20130603
(5) « Socialist Democracy » March/April 2013 (et 2012) p.7, Nigeria’s general strike/mass protest against fuel price hike, Vital lessons for the working class and youth, by H.T. Soweto,
(6) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2195
(7) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2192
(8) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2188
(9) It could probably be shown by facts and figures that there is no distinctly native American criminal class except Congress. – Pudd’nhead Wilson’s New Calendar
(10) http://pmnewsnigeria.com/2013/08/14/how-boko-haram-was-created-arogundade/
(11) Marx is back, CWI Summer School 2013 Monday 22nd July Daily bulletin, building in Nigeria, for a party that truly represents working class people.

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Après les aveux, changement de cap au FMI ? Hum hum…
Le FMI admet s’être trompé
Les ‘aveux’ des responsables du Fonds monétaire international (FMI) ont fait la une des médias du monde entier en juin dernier. Ils admettaient que leurs projections économiques concernant la Grèce avaient été trop optimistes (en termes de croissance et de réduction de la dette) et que le premier ‘plan de sauvetage’ (hum) accordé en 2010 par la Troïka en échange d’économies budgétaires drastiques s’était soldé par des “échecs notables”. Les centaines de milliers de victimes de la crise apprécieront.
Par Stephane Delcros
Le FMI en a même profité pour critiquer la Troïka, dans laquelle il serait difficile de négocier et de lire la réelle répartition des rôles entre les 3 organisations la composant : la Commission européenne, la Banque centrale européenne et, donc, le FMI. Les propos de l’institution tiennent visiblement surtout ici à mettre en avant que les institutions européennes n’avaient pas les ‘compétences’ pour mener une telle politique ‘d’aide’, contrairement à elle. Elle leur reproche de n’avoir pas accepté une restructuration de la dette grecque dès 2010. La Commission, bien sûr, a tout rejeté en bloc et défendu la politique de la Troïka. Les chômeurs grecs apprécieront à nouveau.
Cela faisait plusieurs mois que le FMI, par la voix de certains de ses économistes, tentait de montrer qu’il remettait en cause la politique d’austérité. Dans une étude publiée en début d’année, son économiste en chef Olivier Blanchard reconnaissait que l’austérité était plus destructrice de croissance et d’emploi que prévu.
La politique du FMI ne change pourtant pas. Dans une conférence de presse donnée le lendemain de la sortie médiatique des ‘aveux’, Gerri Rice, du département Communications du FMI, a rappelé que la Troïka avait bien fonctionné et fonctionnait toujours bien. Et que l’aveu d’échec concernait seulement le plan de 2010, et certainement pas celui de 2012. C’est donc dans ce cadre qu’il faut regarder les récentes visites de la Troïka en Grèce, venant vérifier la situation avant de décider si la Grèce a droit à un nouveau déblocage de plusieurs milliards d’euros d’aide. Vérifier la situation ? Vérifier en fait que la réforme de l’appareil d’Etat (lire: les coupes budgétaires et la diminution du nombre de fonctionnaires) et la libéralisation du secteur de l’énergie se poursuivent bien.
On s’est trompé, mais pas de raison que ça change
L’économiste Xavier Timbeau, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), nous avait déjà prévenus : “Il y a deux FMI, la tête et le corps. En Grèce, c’est lui le plus ferme sur l’austérité, encore plus que la Commission et que la BCE. Quoi que disent Blanchard ou Lagarde, sur le terrain, le Fonds applique le plan décidé entre le pays et ses créanciers.” (1)
La décision du gouvernement grec de fermer la partie télévisuelle du groupe audiovisuel public (ERT) s’inscrivait d’ailleurs parfaitement dans la lignée de l’énorme pression budgétaire exercée par le FMI et les autres institutions défendant la classe capitaliste.
Deux semaines seulement après avoir avoué s’être trompé concernant le plan d’austérité de 2010 en Grèce, le FMI a imposé à l’Espagne une deuxième réforme du marché du travail, après celle adoptée en février 2012, avec pour objectifs de baisser les salaires et de flexibiliser le marché du travail, soi-disant pour diminuer le chômage de masse (27%). Et l’institution va même plus loin dans l’hypocrisie en préconisant la poursuite de la cure d’austérité “mais à un rythme assoupli”. Cela va de soi. Dans les pays du monde néocolonial, principalement en Afrique et en Amérique latine, les politiques d’ajustement structurel du FMI continuent à ravager les populations à coup de privatisations et de limitations des dépenses budgétaires, notamment dans la santé et l’éducation.
Alors, changement de cap ? On voit d’ici la scène : arrivant à un carrefour dans leur auto de luxe appelée FMI, le copilote Blanchard lit les injonctions des classes dominantes du monde entier et confirme le chemin à suivre au pilote Lagarde : “Keep it that way”.
(1) Libération, “Oups, le FMI s’est trompé sur l’austérité”, 8 janvier 2013.
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10 ans après le début de la guerre en Irak
La moisson impérialiste de la mort et la destruction
Il y a dix ans de cela, sous la dénomination, la coalition dirigée par les États-Unis attaquait l’Irak. Malgré une énorme opposition publique, symbolisée par dix millions de manifestants anti-guerre à travers le monde le 15 et 16 février 2003, la campagne ‘‘choc et effroi’’ de bombardement débuta le 20 mars suivie, quelques heures plus tard, de l’invasion territoriale.
Par Niall Mulholland, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)
L’énorme force militaire envahissait une population qui avait souffert de 35 ans de dictature sous Saddam Hussein, de la guerre du Golfe de 1991, et de 13 ans de sanctions cruelles des Nations Unies, qui ont détruit l’économie irakienne, réduit des millions de gens à la pauvreté et couté de un demi-million à un million de vies irakiennes.
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‘‘Ravager, massacrer, usurper sous de faux noms, ils appellent cela l’empire ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont donné la paix.’’ Caius Cornelius Tacitus (Tacite, 56-117), historien romain.
La fiction des armes de destruction massive
La guerre de 2003 fut « justifiée » par un torrent de propagande et de mensonges émanant de Washington et de Downing Street, relayé par la complicité de l’appareil médiatique de droite.
Le président Bush accusait alors le dictateur irakien, Saddam Hussein, de tenter d’acquérir de l’uranium pour développer des « armes de destruction massive ». Le secrétaire d’État américain, Colin Powell, annonça aux Nations Unies que l’Irak se munissait de capacité d’armes biologiques. Tony Blair, le premier ministre anglais du Labour Party, proclama que les armes de destruction massive irakiennes pouvaient être prêtes à être utilisées « dans les 45 minutes ». Saddam fut aussi accusé de soutien à Al-Qaida.
Tout ceci n’était que mensonges. Très vite après l’invasion, les forces occupantes ne purent apporter les preuves d’existence des armes de destruction massive de Saddam ou des liens entre l’ancien régime de Saddam et le « terrorisme ». En fait, ce fut l’occupation qui causa le ressentiment qui permit à la terreur d’Al-Qaida de s’installer en Irak.
A la veille du 10ème anniversaire de la guerre, l’ancien premier ministre déclarait encore à la BBC : « Quand vous me demandez si je pense aux pertes de vie depuis 2003, bien sûr. Je serais inhumain de ne pas le faire, mais pensez à ce qui serait arrivé si on avait laissé Saddam en place. »
Les commentaires habituels de Blair ne s’attachent pas à l’énorme coût humain de la guerre. Selon plusieurs études ; de 2003 à 2011, de 150.000 à 400.000 irakiens ont violemment perdu la vie. The Lancet, journal médical réputé, a estimé un chiffre encore plus gros de 600.000 morts violentes entre 2003 et 2006 seulement. Ajouté à cela, il y a des milliers d’irakiens qui sont toujours portés disparus et des milliers d’américains, d’anglais et d’autres soldats de la coalition militaire qui ont péris ou ont été sévèrement blessés.
La moisson de la mort en Irak a laissé 2 millions de veuves qui doivent, seules, rapporter le pain dans leur foyer et 4 à 5 millions d’orphelins (dont 600.000 qui vivent dans les rues). La guerre a poussé 4 millions de personnes à fuir, dont 1 million vers la Syrie. 1,3 millions d’irakiens ont dû fuir ailleurs en Irak. Depuis 2008, de ceux-ci, seule 1 personne sur 8 de a pu rentrer chez elle.
L’aventure irakienne de Bush et Blair a également eu un énorme coût pour l’économie américaine. Selon l’économiste Joseph Stiglitz, ancien chef de la Banque Mondiale, cela a prélevé 3 trillions de dollars hors de l’économie américaine. Alors qu’il y a toujours des fonds pour mener des guerres à l’étranger pour le compte des profits et des intérêts commerciaux, les travailleurs anglais et américains voient leur niveau de vie tomber dramatiquement.
Les justifications de Blair continuent
Les interviews de Blair n’arrivent pas à lui faire avouer les véritables raisons de l’invasion. A la place de la guerre d’agression impérialiste, c’est « l’intervention humaniste » et les tentatives de Blair et de Bush d’exporter la démocratie libérale de type occidentale au Moyen Orient qui est présentée.
Les classes dirigeantes internationales étaient divisées quant à l’Irak. Les pouvoirs mondiaux et régionaux étaient craintifs quant aux conséquences de l’invasion et aux gains que les États-Unis allaient se faire sur leur dos. Les néo-conservateurs de Bush ont tout de même poussé à la guerre.
Les impérialismes américain et britannique, qui avaient précédemment soutenu Saddam, ne sont pas partis en guerre pour arrêter l’oppression, introduire des droits démocratiques ou améliorer les niveaux de vie.
Pendant des décennies, le régime sadique de Saddam a tué et terrorisé les irakiens tout en profitant du soutien occidental. Après le renversement d’un autre despote favori des occidentaux, le Shah d’Iran, l’occident encouragea Saddam à envahir son voisin. Des millions de personnes périrent ou souffrirent de terribles blessures à la suite de cette guerre qui dura 8 années.
Mais Saddam, en envahissant le Koweït voisin en 1991, est allé à l’encontre des intérêts des impérialistes occidentaux. Le potentiel qu’avait Saddam de contrôler l’approvisionnement vital en pétrole a terrifié les pouvoirs occidentaux qui ont très rapidement constitué une force militaire massive.
Lors de la première guerre du Golfe, la coalition menée par les États-Unis a vite repris le petit État riche en pétrole mais fut arrêtée aux frontières irakiennes. Peu d’intérêt fut porté à l’opposition à Saddam en 1991. Les forces militaires occidentales croisèrent les bras alors qu’un soulèvement des chiites et des kurdes fut brutalement réprimé par le dictateur.
Exploitant cyniquement l’attaque terroriste atroce d’Al-Qaida du 11 septembre 2001, la Maison Blanche et Downing Street ont avidement sauté sur l’opportunité d’une intervention militaire directe pour renverser Saddam et pour imposer un régime docile pro-occidental.
S’emparer du contrôle des réserves abondantes de pétrole irakien, estimé à 9% du total mondial, était un objectif clé pour l’impérialisme américain, en tant qu’intérêts géostratégiques vitaux dans le Moyen-Orient.
Peut-être était-ce pour éviter que ces véritables intentions ne deviennent de notoriété publique que le Cabinet a insisté pour que le rapport Chilcot publié tardivement ne contienne aucune preuve évidente qui pourrait révéler de quoi discutaient Bush et Blair avant l’invasion.
Appui aux dictateurs
Avant la première guerre du Golfe et les années de sanction, le taux d’alphabétisation en Irak dépassait les 90%. 92% des irakiens avaient accès à l’eau potable et 93% bénéficiaient de soins de santé gratuits.
En 2011, après l’occupation impérialiste, 78% des adultes sont instruits et 50% de la population vit dans des bidonvilles (17% en 2000).
Plus d’un million d’irakiens sont exilés à travers l’Irak. Près de la moitié des 400.000 réfugiés dans la capitale (personnes déplacées victimes de la terreur sectaire) vivent dans la misère des bidonvilles.
Selon la Banque Mondiale, un quart des familles irakiennes vit sous le seuil de pauvreté. Moins de 40% des adultes disposent d’un emploi. Des millions de personnes manquent d’électricité, d’eau potable et d’autres services essentiels.
[/box]Bush et Blair n’ont pas été confrontés à la justice pour leurs crimes de guerre irakiens. La Cour pénale internationale, tout comme les Nations Unies, est dominée par les intérêts des Etats-Nations les plus puissants. Seuls les anciens despotes et les seigneurs de guerre des Balkans et d’Afrique, qui s’étaient confrontés à l’impérialisme, ont été poussés devant la Cour à La Haye.
Parmi toutes ses justifications pour ses massacres de guerre, Blair a demandé « Si nous n’avions pas retiré Saddam du pouvoir, pensez juste, par exemple, ce qui serait arrivé si les révolutions arabes s’étaient poursuivies à l’heure actuelle et que Saddam, qui est probablement 20 fois pire qu’Assad en Syrie, essayait d’écraser un soulèvement en Irak ?
Il est incontestable que Saddam était un tyran brutal et que son régime a massacré de nombreuses personnes dont des communistes et des syndicalistes. Mais l’ancien premier ministre n’a aucun problème avec les dictateurs en-soi. Les associés de Tony Blair conseillent aujourd’hui le despote du Kazakhstan, Nazarbayev, le boucher des travailleurs du pétrole en grève. Et l’Irak « libérée » de Blair est actuellement dirigée par le Premier Ministre Nouri al-Maliki, que même le journal de droite The Economist accuse de « tendances dictatoriales ».
L’invasion de 2003 a considérablement augmenté parmi les arabes le sentiment d’humiliation et d’injustice vis-à-vis de l’impérialisme. Cela a été un facteur important qui a conduit aux révolutions de 2011 contre les dictateurs soutenus par l’occident dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Tout comme cela a semé la colère contre l’absence de droits démocratiques, le chômage de masse et la pauvreté dans ces sociétés.
Le « Printemps arabe » ne justifie pas du tout l’aventure néocoloniale de Blair mais confirme en fait nos positions dans le déroulement de la guerre en Irak : que le renversement du tyrannique Saddam était la tâche de la classe ouvrière irakienne par un mouvement de masse unifié.
Fin 2010 et début 2011, le renversement des proches alliés de l’occident, Ben Ali et Moubarak – qui étaient des dictateurs soi-disant « imprenables » tout comme Saddam – a montré que c’est aussi une voie d’action possible pour les masses irakiennes.
« Résoudre le conflit israélo-palestinien ? »
John Prescott, Vice-Premier ministre du Royaume-Uni (Labour) en 2003, aujourd’hui Lord Prescott, a admis récemment à la BBC que l’invasion de l’Irak en 2003 « ne pouvait être justifiée ». Il a déclaré avoir soutenu l’invasion parce qu’il croyait que George Bush avait un plan pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Bush et Blair ont proclamé que la défaite de Saddam Hussein pouvait être une impulsion pour un nouveau plan pour la paix en Israël et en Palestine. Mais comme nous l’avions prévu en 2003, l’oppression des palestiniens allait continuer sans relâche après l’invasion irakienne. Pour ses propres intérêts impérialistes géostratégiques, les États-Unis continuent de soutenir Israël, son plus proche allié dans la région, pendant que l’indépendance et l’auto-détermination palestiniennes sont plus éloignées que jamais.
Dans une interview accordée à l’édition nocturne de la BBC, Blair a consenti que « la vie quotidienne en Irak aujourd’hui n’est pas ce qu’il souhaitait qu’elle soit » quand il a mené son invasion dix ans plus tôt. Il poursuivait en disant qu’il y avait des « améliorations significatives » mais que « c’était loin d’être ce que ça devait être ».
C’est un euphémisme ! Nous nous sommes résolument opposé à l’intervention impérialiste en 2003 et prédisions très justement que cela mènerait à l’oppression et au chaos – ouvrant les portes à une conflit sectaire – et que l’impérialisme serait englué dans un long conflit.
La politique impérialiste de dé-Baasification du régime de Saddam largement basé sur les sunnites et la dislocation de l’armée irakienne, a entraîné des purges sectaires des sunnites. Cela a enflammé la résistance de ceux-ci.
L’occupation coloniale brutale, incluant la torture et l’abus systématique des civils dans les prisons comme celle d’Abu Ghraib, le siège de la ville de Falloujah et le massacre de combattants de la résistance et de beaucoup de civils dans des villes comme Haditha et Balad, ont provoqué une opposition de masse croissante – non exclusivement sunnite – contre l’occupation menée par les États-Unis. Le sentiment anti-guerre a grandi aux États-Unis, en Angleterre et partout dans le monde.
En dépit de son impressionnante machine militaire et de son trésor de guerre, la coalition fut incapable d’écraser la résistance et a recouru à la technique de « diviser pour mieux régner ». Ils ont soutenu les chiites contre les sunnites, créant une orgie de sang.
Conséquences
En 2004, selon des enquêtes du Guardian et de la section arabe de la BBC, l’administration Bush s’est tournée vers « l’option salvadorienne » – nommée ainsi suite au rôle joué par les États-Unis dans la gestion des escadrons de la mort d’extrême droite au Salvador dans les années ‘80. Les milices chiites ont été armées et financées par les États-Unis. Des centaines de milliers d’irakiens ont été tués et des millions exilés par la suite. Les sunnites furent les grands perdants de la guerre civile sectaire.
Une constitution imposée par les États-Unis a institutionnalisé les divisions sectaires et ethniques. Les élections en 2005 ont vu les partis chiites remporter la majorité au parlement et le poste de premier ministre.
Une classe dirigeante corrompue et réactionnaire et des partis politiques sectaires se battent pour les ressources naturelles irakiennes pendant que la majorité de la population vit dans la pauvreté. Bien que l’Irak dispose de 100 milliards de dollars annuels en revenus pétroliers, très peu de cet argent est alloué à la population. L’Irak est le 8ème pays le plus corrompu au monde selon Transparency International.
La Capitale Bagdad, qui héberge un cinquième des 33 millions d’irakiens, est toujours une ville en guerre, divisée par les postes de contrôle militaires et en proie aux attentats sectaires. Bagdad et le centre du pays souffrent quotidiennement de bombardements, d’assassinats et d’enlèvements.
L’héritage de Bush et de Blair comprend un quintuplement des malformations congénitales et une multiplication par quatre du taux de cancer dans et autour de Falloujah. Ce sont des conséquences de l’utilisation par les forces de la coalition de munitions radioactives appauvries en uranium.
Les politiciens occidentaux aiment différencier Bagdad à la paix relative qui règne dans la région kurde riche en pétrole et dans les provinces majoritairement chiites. Mais ce n’est qu’illusion.
Les chiites dans le sud sont relativement protégés car une communauté domine largement. Le chômage y est cependant élevé et la plupart des chiites vivent encore dans une pauvreté effroyable.
Les Kurdes
Des tensions entre les Kurdes, les Arabes et d’autres minorités sont toujours présentes dans le gouvernement régional kurde semi-indépendant. Au grand dam du gouvernement central de Bagdad, le régime kurde a conclu 50 accords pétroliers et gaziers avec des compagnies étrangères et exporte directement du pétrole en Turquie.
Après des décennies d’oppression brutale, beaucoup de Kurdes espèrent pouvoir obtenir une véritable auto-détermination. Mais le gouvernement régional kurde est entouré d’états qui ont une longue histoire dans l’oppression kurde. Les dirigeants réactionnaires kurdes se sont alliés aux États-Unis et à la Turquie, qui fut l’un des pires auteurs de leur oppression.
Un élément indicateur du conflit grandissant autour du pétrole et des territoires entre le gouvernement régional turc et le régime central irakien est l’affrontement entre les combattants peshmerga kurdes et les troupes irakiennes.
Le retrait de Saddam n’a pas transformé le monde en « un lieu sûr » comme l’avaient promis Bush et Blair. Dans les faits, le monde est devenu encore plus violent et instable. Saddam ne possédait pas d’armes de destruction massive mais, après l’invasion de 2003, les « Etats voyous », comme la Corée du Nord, ont conclu que le seul moyen d’arrêter les attaques menées par les États-Unis contre eux était d’acquérir ces armes.
Malgré la déroute de l’impérialisme en Irak, les États-Unis et la Grande-Bretagne continuent de mener des conflits partout dans le monde pour servir leurs intérêts vitaux. Tentant de maintenir une distance avec la guerre de Blair, Ed Miliband a déclaré que la guerre en Irak avait été une erreur mais il continue à soutenir les troupes britanniques en Afghanistan et ne plaide pas pour la fin des frappes de drones américains.
La guerre de 2003 et l’occupation ont eu des conséquences à long terme pour la région. Installer des forces occidentales en Irak visait à isoler et à encercler davantage l’Iran. Mais Téhéran a compris qu’elle avait une influence sur le gouvernement irakien dominé par les chiites et « l’arc chiites » a été renforcé.
En partie pour contrer l’Iran, les États réactionnaires du Golf et l’impérialisme occidental sont intervenu en Syrie, exploitant l’opposition sunnite à Assad. Le conflit syrien se répercute au Liban et en Irak, ou un « Printemps sunnite » a vu des manifestions d’opposition de masse dans les zones sunnites.
Révolution
La majorité des irakiens ne veulent pas être replongés dans les horreurs de la guerre civile. Mais pour empêcher d’autres conflits, pour en finir avec l’interférence impérialiste et pour se débarrasser des élites dirigeantes réactionnaires et corrompues, les travailleurs ont besoin d’une alternative.
L’Irak avait une gauche forte jusqu’à ce qu’elle soit écrasée par la CIA dans les années ‘60 et par le régime de Saddam par la suite.
La plus importante leçon de cette tragédie et des horreurs de la dernière décennie est la nécessité pour les travailleurs d’avoir un parti de classe indépendant pour lutter pour leurs intérêts. Un tel parti revendiquerait la nationalisation des richesses pétrolières, sous la propriété publique démocratique au bénéfice de la population.
Comme les révolutions de 2011 en Égypte et en Tunisie l’ont montré, des luttes de masse peuvent se développer contre les tyrans et, malgré les limites du mouvement, peuvent les démettre du pouvoir. Mais pour parvenir à un véritablement changement de société, les travailleurs ont besoin d’un programme socialiste dans chaque pays, régionalement et internationalement.
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Mali : l’intervention impérialiste n’offre aucun espoir à la classe des travailleurs
Du Libéria au Congo et à la Somalie, de la Sierra-Léone au Rwanda et au Burundi, du Soudan au Sud-Soudan et au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et maintenant au Mali, une grande proportion de pays post-coloniaux et néo-coloniaux d’Afrique sont victimes de faillites étatiques. Comme le Démocratic Socialist Movement (DSM) l’a toujours défendu, la raison sous-jacente de cette faillite (qui se manifeste par des guerres, des rébellions, des coups d’états et l’instabilité gouvernementale), c’est l’incapacité des Etats à satisfaire les besoins essentiels des masses.
Par Lanre Arogundade, Démocratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
- Rubrique de ce site consacrée à l’Afrique
Mais le glissement vers le chaos et l’anarchie est encore plus appuyé par, de temps à autre, des questions ethniques non-résolues, dont les racines se trouvent dans la volonté de s’accaparer des ressources naturelles et dans le dessin de frontières artificielles par les anciennes puissances colonisatrices.
Il y a également l’intégration des pays africains néo-coloniaux dans le giron du capitalisme mondialisé – ce qui correspond de facto à l’agenda de re-colonisation – qui est venue avec l’imposition de politiques publiques néo-libérales et anti-pauvres à travers lesquelles la richesse se concentre en un nombre toujours plus restreint de mains pendant que l’immense majorité des pauvres et des travailleurs souffre de privations.
La vraie tragédie de l’Afrique, c’est que ces pays sont riches en ressources humaines et naturelles, à tel point qu’une telle pauvreté devrait être une abhérration. Cependant, comme nous le voyons tous les jours, ces ressources sont sources de beaucoup plus de maux que d’aides. Ainsi, parfois, plus riche en minérai est le pays (comme la RDC ou le Nigéria) plus grand est le nombre de guerres, de guerres civiles ou le chaos de ce pays.
Au dela de cela, la crise qui secoue le Mali n’est que le dernier chapitre d’un conte sordide. La réalité reste qu’en dépit de l’intervention de l’impérialisme francais et des forces de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce ne sera pas la dernière crise à cause de la fragilité croissante des soi-disantes démocratie africaines. C’est cette fragilité qui a fait que la classe dirigeante malienne (civile ou militaire) s’est jetée dans les bras des forces d’intervention étrangères. Les jeunes officiers formés par les Etats-Unis, qui avaient préalablement planifié un coup d’état contre le gouvernement civil, ont dû se rétracter quand ils se sont rendus compte du sous-équipement et de la sous-motivation de leurs troupes.
Aucune défaite des forces islamistes au Nord Mali ne pourra sortir la grande majorité des maliens de la pauvreté aussi longtemps que le système d’oppression capitaliste se maintiendra aux commandes.
Bien que la cause immédiate de la crise actuelle est la pression des restes des forces touaregs (qui ont conservés leur loyauté d’autrefois à l’ex-régime de Muhammar Khadafi) pour obtenir par la force leur Etat propre, le facteur déterminant dans cette crise reste le fait que le gouvernement de Bamako a pratiquement perdu toute légitimité à cause de son incapacité à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels est confrontée la population malienne. En lancant un appel à l’intervention militaire étrangère, la classe dirigeante malienne a agit de facon à classer l’affaire, après avoir précipité l’économie dans un état de dépendance envers l’aide étrangère qui lui permet à peine de survivre. Comme Walter Rodney le disait dans son livre Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique, “Si le pouvoir économique est situé en dehors des frontières nationales de l’Afrique, alors le pouvoir politique et militaire est de fait situé en dehors des frontières nationales jusqu’à ce que les masses des paysans et des travailleurs se mobilisent pour offrir une alternative à ce système de parodie d’indépendance politique.”
En effet, c’est cette dépendance économique qui rend le Mali si vulnérable à n’importe quelle crise sur le marché des matières premières puisque les deux piliers de son économie restent la production agricole et la prospection d’or. En 2001, le Mali est devenu le 3° plus grand extracteur d’or d’Afrique avec 41 tonnes par an (après l’Afrique du Sud et ses 391 tonneset le Ghana avec 72 tonnes). Il n’est pas exclu que les riches réserves d’or du pays aient été une motivation majeure pour les rebelles, de même que l’étalage des vastes ressources minérales de RDC continue d’encourager des rébellions armées répétées et tout comme les “diamants du sang” constituent le facteur central dans la guerre menés par les rebelles de Charles Taylor qui toucha la région de la rivière Mano (Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire) des années ’90 jusqu’à tout récemment.
Pourtant, le Mali figure dans le classement des 25 pays les plus pauvres au monde selon l’Observatoire Economique Africains. La croissance économique s’est écroulée pour atteindre 1,1% en 2011, une situation économique attribuée en partie “ à la crise post-électorale de la Côte d’Ivoire, à la guerre en Lybie et à la flambée des prix du pétrole, du gaz et de la nourriture”, avec comme conséquence un boom de la pauvreté pendant que le chômage frappe les catégories les plus jeunes de la population dont 15,4% des 15-39 ans. “Les jeunes sans emploi représentent 81,5% du total des sans emlplois du pays.” Tout cela est arrivé après que le pays ait accepté le prêt du FMI qui précède chronologiquement l’incursion rebelle au Nord-Mali
Malheureusement, ce niveau de pauvreté n’arrêtera pas les impérialistes dans leur volonté de faire payer au pays les frais liés à l’entrée en guerre, tout comme l’Irak a dû le faire et doit toujours le faire pour la guerre du Golfe, via ses ressources pétrolières, ou comme le Libéria a dû payer sa propre guerre avec ses abondantes plantations de caoutchouc qui sont désormais vendues insouciamment à des intérêts économiques étrangers. Le plus grand propriétaire mondial de caoutchouc peut se vanter de ne pas détenir sur son territoire national la moindre usine de caoutchouc ne serait-ce même que pour les semelles de pantoufles…
Au Mali, cette volonté se présente sous la forme de nouvelles exploitations impitoyables des gisements d’or et de la politique économique néo-libérale via la privatisation des principaux secteurs de l’économie.
Des pays comme le Nigéria sont extrêmement désireux de contribuer à l’envoi de troupes au Mali, car ils sont confrontés à leurs propres crises internes. La classe dirigeante Nigériane s’appuie sur les services secrets étrangers (américains, israëliens et anglais) pour faire face aux campagnes de bombardements de Boko Haram (organisation islamiste nigériane qui est en rébellion armée dans ce pays et est également présente au Mali, ndlr ). Apparemment, cette intervention est aussi un moyen d’envoyer l’avertissement que l’utilisation de la force brute soutenue par des puissances étrangères peut devenir une option au Nigéria.
Cependant, nous devons mettre en garde contre cette réponse musclée et militaire qui échouera à enrayer la menace posée par l’insurrection de Boko Haram. Il convient de rappeler que ce sont les brutales réponses militaires – avec le meurtre de sang-froid du leader de Boko Haram, Mohammed Yusuf, en 2009 – qui ont conduit à l’escalade des activités de Boko Haram avec son cortège de massacres insensés et de destructions debridées des institutions d’Etat et de bâtiments l’Eglise, tous deux percus comme des ennemis.
Pareillement, après des années d’expéditions militaires par les pouvoirs capitalistes mondiaux menés par les Etats-Unis – et qui ont coûté des milliards de dollards et la vie de centaines de milliers (si ce n’est de millions) de soldats et de personnes sans défenses – des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, le Pakistan ou encore la Lybie où les forces impérialistes ont mené une guerre contre les soi-disant terroristes, restent les pays les plus instables, où la pauvreté règne, des pays non-démocratique et plus divisés que jamais.
Evidemment, les conséquences de l’actuelle expédition impérialiste au Mali ne va qu’empirer la situation politique et sociale du Mali et du Nigéria qui a donc envoyé des soldats commme composantes des troupes de la CEDEAO. Les insurgés tuant déjà beaucoup de soldats déployés au Mali.
Les véritables socialistes et les véritables militants de la classe ouvrière continueront de s’opposer à l’intervention impérialiste au Mali et dans d’autres parties de l’Afrique car elle n’offre aucune perspective d’espoir pour les travailleurs. Mais les forces de la désintégration continueront d’être présentes tant qu’il n’y aura pas d’intervention décisive de la classe ouvrière agissant de concert avec les paysans pauvres et les fermiers.
Il est donc devenu impératif de faire croître la conscience sociale des travailleurs à travers la construction d’un puissant mouvement politique avec l’objectif de conquérir le pouvoir sur base des idées socialistes.
Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres pourra opposer la garantie du droit à l’autodétermination aux tentatives des groupes armés de s’imposer non démocratiquement et par la force aux populations.
Du Mali au Nigéria, au Libéria, au Kenya et au Soudan, un tel gouvernement devra prendre les décisions pour aller vers la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique et la gestion des travailleurs dans l’objectif de libérer les ressources nécessaire à la réalisation d’un programme d’investissement public massif dans l’éducation, la santé, les logements et les infrastructures rurales.
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Intervention au Mali : Impérialisme ou "guerre humanitaire" ?
Face aux terribles méthodes réactionnaires des djihadistes qui ont pris le pouvoir au Nord du Mali, aux côtés du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), l’intervention militaire française (qui reçoit entre autres l’appui logistique de l’armée belge) s’est présentée comme une aide extérieure – à la demande des Maliens "eux-mêmes" – pour défendre la ‘’démocratie’’ et les ‘’droits de l’homme’’. Il est certains que les terribles méthodes des groupes djihadistes réactionnaires révulsent à juste titre. Doit-on pour autant soutenir cette intervention ? Quelles solutions sont réellement capables de pacifier la région ?
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste
- Sahel : Non à la guerre au Mali ! L’intervention impérialiste va approfondir la crise et l’instabilité
Une situation sociale désastreuse
Malgré ses grandes ressources naturelles (le Mali est le troisième producteur d’or d’Afrique), ce pays est aujourd’hui l’un des plus pauvres au monde. En 2011, il s’est classé 175e sur les 187 pays pris en compte par l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Le taux de mortalité infantile est faramineux, de même que la malnutrition, l’analphabétisme… ce à quoi s’ajoute aussi la pratique largement répandue de l’excision.
Toute la région au Nord du ‘’Mali vert’’ connait une situation plus dramatique encore. Cette région a toujours été défavorisée en termes d’investissements et d’infrastructures, tant durant la période de la colonisation française qu’après l’indépendance (en 1960), et plus particulièrement encore sous la dictature du général Moussa Traoré (à partir de 1968). De plus, les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique, une catastrophe pour tous les peuples de la région qui dépendent quasi uniquement de l’élevage et de fermes. Cette situation globale liée à la chute du tourisme (en conséquence de la crise et de l’augmentation des violences) a laissé des villes comme Tombouctou totalement sans ressources à l’exception de l’aide humanitaire limitée – et souvent intéressée – venue de l’occident et d’ailleurs (notamment, précédemment, de la Libye de Kadhafi).
Il n’est pas exagéré de dire que les zones désertiques du Nord constituent un véritable océan de misère, de colère et de désespoir. Voilà le terreau pourri sur lequel ont pu proliférer mafias de trafiquants de drogue, milices armées, combattants de type Al-Qaïda, kidnappeurs, etc.
La responsabilité du régime de Bamako
Les problèmes dans le Nord du Mali sont connus de longue date. Les révoltes y ont été nombreuses, particulièrement en 1990. Ce fut d’ailleurs l’un des facteurs (mais ni le seul, ni le plus important) qui a conduit à la chute de la dictature de Traoré en 1991. Il a fallu attendre 1996 pour que les différents groupes touaregs brûlent symboliquement leurs armes en échange de promesses d’investissements destinés à améliorer les terribles conditions de vie en vigueur dans cette région. Mais ils ont largement été trahis, et ne furent pas seuls dans ce cas.
La dictature de Traoré s’est effondrée à la suite d’une véritable révolte des masses, avec une mobilisation extraordinaire de la jeunesse (qui a connu de régulières explosions de colère depuis 1977), des femmes et de la base de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM). Grèves générales et manifestations de masse ont déferlé sur le pays pour réclamer la fin de la dictature, mais aussi plus de justice sociale.
Faute de prolongement politique résolu à s’en prendre aux racines du système, un vide a été laissé pour qu’une aile de la hiérarchie militaire opère un coup d’État afin d’assurer une ‘’transition démocratique’’ avant tout destinée à préserver la structure de l’État et le système d’exploitation tout en sacrifiant le dictateur (gracié en 2002). Malgré tout, le régime présidentiel autoritaire a eu du mal à être installé, et les protestations de masse se sont poursuivies (notamment en 1993).
Le régime a continué à se plier en quatre pour servir les intérêts de l’impérialisme, essentiellement français, et s’est soumis de bonne grâce aux diktats du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale en appliquant un politique néolibéral sauvage qui a détruit les services publics existants. Ce fut plus particulièrement le cas dans les années 2000, sous le règne d’Amadou Toumani Touré, le putschiste de 1991 élu à la présidence en 2002.
Socialisme ou barbarie
Ni en Afghanistan, ni en Irak, ni ailleurs, la guerre n’a été la solution pour instaurer la démocratie, mais, par contre, la ‘’lutte pour la démocratie’’ a systématiquement servi à masquer la défense des intérêts impérialistes. Dans le cas du Mali, il s’agit de s’assurer le contrôle des ressources de la région, au Mali, mais aussi au Niger voisin. La France puise plus d’un tiers de l’uranium nécessaire à ses centrales nucléaires au Niger. Elle vient d’ailleurs de décider d’envoyer ses troupes spéciales pour protéger l’uranium du géant français du nucléaire, Areva (c’est la première fois que les forces spéciales servent de milice pour une entreprise privée). La ‘’Françafrique’’ existe toujours bel et bien, comme l’avait encore illustré l’Opération Licorne en Côté d’Ivoire, pays lui aussi voisin du Mali. Si une grande partie de la population peut aujourd’hui favorablement accueillir les troupes étrangères face au danger du djihadisme réactionnaire, la réalité du ‘’Malifrance’’ ne va pas être bien longtemps masquée. Aujourd’hui, de nombreux rapports font déjà état de crimes de guerre des deux côtés du conflit, tandis que les troubles se sont étendus jusqu’en Algérie, où les braises du sanglant conflit interne des années 90’ n’ont jamais été éteintes.
Seul un mouvement organisé sur une base de classe et résolu à livrer aux masses le contrôle des ressources du pays est apte à résoudre les divers problèmes entre ethnies (Touaregs, Bambaras, Dogons, Bozos…), en éliminant la division fratricide que peut entraîner la lutte pour la survie en désespoir de perspectives communes.
Les travailleurs et les pauvres du Mali jouissent d’une longue tradition de lutte, un tel mot d’ordre n’a rien d’un fantasme.
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Sahel : Non à la guerre au Mali ! L'intervention impérialiste va approfondir la crise et l'instabilité
La crise des otages de quatre jours qui a eu lieu dans le complexe gazier d’In Amenas dans le Sud-Est de l’Algérie ainsi que son issue sanglante a constitué un véritable choc au niveau international. Ce raid et la riposte de l’armée algérienne ont tué au moins un travailleur algérien, 37 otages et 29 preneurs d’otages. Ces derniers étaient membres de la brigade Al Multhameen, la ”Brigade des Masqués”, qui a annoncé de nouvelles attaques contre des intérêts étrangers à moins que ne cesse l’offensive militaire étrangère au Mali. Dans la foulée, le Premier ministre britannique, David Cameron, a averti que la lutte contre le terrorisme en Afrique du Nord pourrait continuer "des décennies".
Cédric Gérome, Comité pour une Internationale Ouvrière
Nombreux sont ceux qui sont légitimement repoussés par les actions des groupes djihadistes réactionnaires tels que celui qui a effectué cette opération en Algérie. Cela s’est ajouté aux nombreux rapports faisant état des horribles méthodes qui prévalent sous le joug imposé par les combattants islamistes dans le Nord du Mali (exécutions sommaires, torture, amputations, lapidations, interdiction de la musique, destruction de lieux saints,…). Cette barbarie constitue la principale réserve de munitions idéologiques aux défenseurs de l’intervention militaire de l’armée française dans cette région, qui semble actuellement avoir un important taux de soutien dans l’opinion publique. Les derniers sondages indiquent que le soutien pour "l’Opération Serval" au sein de la population française est actuellement de plus de 60%. Néanmoins, les récents développements en Algérie indiquent que cette offensive militaire terrestre, contrairement aux arguments officiels, est susceptible de générer davantage de crise et de violence dans la région.
Pour le moment, la plupart des rapports des médias indiquent que les Maliens, dans leur grande majorité et en particulier dans le Sud, accueillent favorablement l’intervention française. Avec la propagande qui accompagne inévitablement ces épisodes de guerre, à ce stade, beaucoup de maliens pourraient véritablement penser et espérer que l’intervention du gouvernement français pourrait les protéger contre certains des groupes armés qui terrorisent la population du Nord.
L’état d’esprit de la population dans les différentes régions du pays est toutefois difficile à estimer de façon indépendante, surtout dans le Nord, puisque tant le ”gouvernement de transition” malien (qui est essentiellement la façade politique d’un régime militaire) que les militaires français interdisent l’accès aux zones de combat aux journalistes. Dans ces zones, les soldats ont reçu l’ordre de ne pas laisser passer les journalistes, certains ont même vu leur matériel être saisi par les autorités.
Le fait que tant d’efforts soient effectués afin d’éviter toute libre information est en soi une raison suffisante pour faire naître de sérieux soupçons quant au véritable agenda des dirigeants maliens et de l’impérialisme français. Cela pourrait-il être lié d’une façon ou d’une autre avec l’accumulation de rapports qui parlent d’atrocités commises par l’armée malienne ? Quelques jours seulement après le début des opérations militaires, la Fédération internationale des droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International dénonçaient déjà des cas d’exécutions sommaires du fait de l’armée malienne et des milices pro-gouvernementales.
Représailles ethniques et violations des droits de l’homme par l’armée malienne
Lors de la reprise de villes précédemment perdues par l’armée malienne, soutenue par les forces françaises et de la CEDEAO (la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), les punitions collectives contre la population locale et les règlements de comptes sanglant avec les minorités touareg et arabe, en particulier, on connu une escalade.
Dans les villes de Sévaré et de Niono, au centre du Mali, les preuves de massacres, de ”chasse à l’homme”, de cadavres jetés dans les puits par l’armée, de soldats empêchant les témoins de quitter la ville et d’autres graves violations se sont amassées depuis quelques jours. Deux jeunes habitants interrogés par un journaliste français ont expliqué que "Etre arabe, touareg ou habillé de façon traditionnelle pour quelqu’un qui n’est pas de Sévaré suffit à vous faire disparaître. Le port de la barbe est un suicide."
Le Modèle malien
Ces exemples dévoilent le côté sombre d’une guerre engagée sous la bannière des ”droits de l’Homme” et de la ”démocratie”. Tout cela porte un sérieux coup à la version d’une guerre du ”bien contre le mal” telle que décrite par les politiciens capitalistes occidentaux. Un rapport d’Amnesty International a par exemple mis en lumière, avant même que l’offensive militaire n’ait commencé, que le recours à des enfants-soldats n’est pas la pratique exclusive des combattants djihadistes. Des officiers maliens et des milices pro-gouvernementales font de même.
La réalité est que l’exemple malien de ”démocratie” et de ”stabilité” tant vanté n’a jamais existé. Le régime d’Amadou Toumani Touré ("ATT") était corrompu, clientéliste et autoritaire. Beaucoup de ses propres hauts fonctionnaires ont directement été impliqués dans le trafic de stupéfiants et ont trempé dans des trafics et des enlèvements de toutes sortes, avec l’aide de certains de ces gangsters du Nord et du Sahara actuellement désignés comme étant des ”terroristes” et contre qui se mène la guerre actuelle.
La vérité qui dérange, c’est que les activités d’AQMI (Al Quaïda dans la Maghreb Islamique) et d’autres groupes armés a été tolérée des années durant par le régime de Bamako. Ces groupes ont été un élément essentiel dans les circuits criminels qui ont contribué à l’enrichissement personnel et à la corruption de hauts fonctionnaires du gouvernement et de l’armée (d’après le Bureau de lutte contre la drogue des Nations Unies, 60% de la cocaïne présente en Europe aurait transité par le Mali). Ces groupes avaient également l’avantage de pouvoir être utilisés comme un contrepoids à l’influence et aux exigences des Touaregs.
Dans l’armée, les généraux siègent dans des bureaux richement décorées tandis que les soldats ont parfois envoyés au champ de bataille sans matériel appropriés, sans bottes par exemple. Le ressentiment et la colère des soldats du rang contre la corruption de la hiérarchie et contre le refus du régime d’ATT de mener une lutte sérieuse contre les groupes armés du Nord ont constitué un élément clé dans le processus qui a conduit au coup d’Etat militaire de mars 2012 réalisé par des officiers subalternes. Ce coup d’État, ironiquement, a été dirigé par un capitaine de formation américaine, Amadou Sanogo, et a entraîné la disparition du ”régime démocratique” d’ATT.
Les puissances occidentales, dans un premier temps, ont craint que la nouvelle junte au pouvoir n’échappe à leur contrôle et l’ont donc rejeté. Ils ont même décidé, après le coup d’Etat, de suspendre l’aide au Mali, entraînant toute la société dans une pauvreté plus grande encore. Ils ont ensuite changé d’attitude en se rendant compte que Sanogo, qui avait tout d’abord adopté une rhétorique anti-élite et populiste afin de s’attirer du soutien, était hésitant et s’est finalement montré prêt à collaborer avec l’impérialisme.
Le Nord du Mali: un désastre social et humanitaire en cours
Les effets dévastateurs provoqués par les politiques néolibérales du régime d’ATT, soutenu par l’Occident, ont permis au capital français de dominer des pans importants de l’économie malienne, ont ruiné la vie de beaucoup de gens et ont considérablement augmenté le chômage de masse, la pauvreté, la précarité.
Le Mali est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde, se classant 175e sur 187 pays en 2011 selon la grille de l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies. Ce pays a un taux de mortalité infantile et maternelle, de maladies et de malnutrition plus élevé que dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, et un taux d’analphabétisme de 75%.
La marginalisation sociale de longue date du Nord du pays ainsi que le manque d’investissements et d’infrastructures dans cette région ont créé un océan de misère extrême et un niveau très élevé de ressentiment et de désespoir.
En outre, tous les experts affirment que la sécheresse va s’approfondir dans le Sahel et que les pluies se tarissent en raison du réchauffement climatique. Il s’agit d’un désastre environnemental de grande ampleur pour tous les peuples de la région, car ils dépendent presque entièrement de l’élevage et de fermes.
La forte baisse de l’activité économique touristique suite à l’augmentation du niveau de violence a été un facteur aggravant, avec un impact désastreux sur certaines régions et villes complètement dépendantes du tourisme pour leur survie (comme Tombouctou).
Ce cocktail a créé une catastrophe sociale monumentale qui fut le terreau fertile du développement d’un territoire quasiment sans droit, fait d’une interaction complexe de mafias de trafiquants de drogue et de milices armées, aux côtés de combattants de type Al-Qaïda, de kidnappeurs et de bandits de toutes sortes.
Une guerre pour la domination et le profit
Une série de turbulences politiques ont été connues depuis l’épisode du coup d’État de Sanogo, qui a reflété la crise politique organique du pays et est l’acte de naissance de l’actuel gouvernement intérimaire. Formellement, la légitimité démocratique de ceux qui détiennent le pouvoir à Bamako est réduite à zéro. Cela n’empêche pourtant pas le gouvernement français d’exploiter le fait que ce régime militaire a ”demandé” à la France d’intervenir. Il ne s’agit que de la propagande destinée à alimenter l’idée que l’intervention militaire a été décidée suite à la demande d’aide du ”peuple malien” !
Mais combien de temps sommes-nous censés croire que cette guerre n’a rien à voir avec le fait que le Mali possède de l’or, de l’uranium, du bauxite, du fer, du manganèse, de l’étain et du cuivre ? Ou avec le fait que ce pays est voisin du Niger, la source de plus d’un tiers de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires françaises ?
La dure réalité est que cette escalade militaire dans le Sahel, sous la bannière de la ”guerre contre le terrorisme”, ne vise à rien d’autre qu’à servir les intérêts impérialistes de la France : garantir la poursuite du pillage des immenses ressources de la région aux avantages de ses multinationales et de ses institutions financières.
Les entreprises françaises ne sont pas les seules à avoir un appétit croissant pour cette région du monde. Les investissements directs chinois au Mali ont été multipliés par 300 de 1995 à 2008. Le Mali occupe effectivement avec la Zambie, l’Afrique du Sud et l’Egypte le sommet de la liste des pays africains où la Chine réalise ses plus gros investissements.
Un rapport conjoint de l’office allemand des Affaires étrangères et du ministère de la défense montre qu’un budget de plus de trois millions d’euros a été alloué aux activités allemandes au Mali depuis le début de l’année 2009. Une dépense supplémentaire de 3,3 millions d’euros est prévue pour les années 2013 à 2016. De toute évidence, cette guerre s’inscrit dans un contexte plus large de compétition entre les différents puissances afin d’étendre leur influence régionale et de garantir leur accès à des ressources et des marchés importants.
Vers un ”Sahelistan” ?
Politiciens et commentateurs capitalistes ont prévenu du danger de l’instauration d’un ”Sahelistan”, un paradis pour les groupes terroristes de la région du Sahel.
Bien entendu, aucun militant marxiste ou progressiste ne peut éprouver de la sympathie pour les djihadiste d’Al-Qaïda et d’autres groupes de ce type, dont l’idéologie et les méthodes constituent un danger mortel pour le mouvement ouvrier et les masses pauvres en général. Un lieu où les couples d’adolescents risquent la mort par lapidation s’ils se tiennent la main en public est une perspective répulsive pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes.
Ces groupes prétendent appliquer la volonté de Dieu, mais ne sont pas exempts de contradictions. Ainsi, ces groupes ont des pratiques telles que l’amputation ou le fouettement de gens qui fument des cigarettes tout en étant eux-mêmes impliqués dans la contrebande de cigarettes et de drogue. Pour certains de ces groupes, l’idéologie religieuse n’est qu’une préoccupation de second ordre, et parfois tout simplement une couverture pour leurs activités mafieuses.
Ces groupes réactionnaires ne sont que des champignons naissant sur un organe pourri qui est incapable de fournir à la majorité de la population, et surtout aux jeunes, un moyen d’aller de l’avant et d’avoir une vie décente. La peur, le manque de moyens de survie, l’absence de ressources financières, le besoin de protection, ou tout simplement l’absence d’alternative intéressante pour lutter contre la corruption des élites locales et les envahisseurs étrangers sont autant de motivations pour rejoindre ces groupes. En l’absence d’un mouvement fort et indépendant de la classe ouvrière uni aux pauvres des villes et des campagnes qui se mobilise pour offrir une perspective et un programme de changement social et politique, ces groupes armés peuvent continuer à exister et à se développer.
Tout cela ne rend pas l’intervention militaire plus justifiable, de même que cela n’enlève en rien la responsabilité des puissances impérialistes bellicistes et de leurs marionnettes au pouvoir à Bamako face à cette situation.
Les premiers rapports des frappes aériennes françaises contre les villes de Gao et de Konna, la semaine dernière, faisaient état d’entre 60 et 100 personnes tuées dans ces deux villes, y compris les enfants déchiquetés par les bombes. Les responsables militaires français ont eux-mêmes averti que des dizaines de morts parmi les civils sont presque ”inévitables”, puisque les rebelles vivent parmi la population et utilisent une tactique de guérilla pour se cacher.
L’intervention militaire: une solution miracle?
Tout cela jette de sérieux doutes sur l’objectif d’une brève campagne militaire de "quelques semaines". Encore une fois, c’est une chose d’envahir un pays et d’engranger de premiers succès militaires, mais c’en est une autre de se retirer et de compter sur une armée faible, impopulaire, fragmentée et corrompue pour reprendre le contrôle d’un territoire immense sans s’en prendre à la moindre des causes de la situation sociale explosive qui prévaut. La comparaison avec le bourbier afghan vient légitimement à l’esprit: selon le dernier rapport du Pentagone sur les progrès des forces afghanes, une seule des 23 brigades de l’armée afghane est "capable de fonctionner sans aucune aide extérieure".
Peter Chilson, des Affaires étrangères américaines, a écrit : ”Le vaste désert du Nord du Mali est un endroit difficile à vivre, sans même parler de guerre. Pendant huit mois de l’année, la température y dépasse 120 degrés Fahrenheit en journée (48 degrés Celsius), dans un pays vaste et peu peuplé où il est facile de se cacher, surtout pour les forces djihadistes qui connaissent bien le terrain. Toute armée, qu’importe sa taille et son équipement, aura difficile à les chasser."
La France peut être incapable d’éviter un engagement à long terme avec ses propres forces militaires. Au fur et à mesure que le nombre de blessés civils augmentera et que l’occupation occidentale et ses abus réveilleront les amers souvenirs de la période coloniale, cette intervention pourra précisément fertiliser le sol pour les djihadistes et d’autres groupes réactionnaires et leur attirer de nouveaux candidats pour participer à la ”croisade contre le maître colonial".
A mesure que se poursuivra le conflit et que ses dramatiques conséquences seront exposées, l’atmosphère de relative acceptation cèdera place au doute, à la réticence et à l’hostilité. L’opposition va grandir et devenir plus audible. En France, les illusions envers la politique étrangère du gouvernement soi-disant ”socialiste”, qui serait fondamentalement différente de celle de Sarkozy, aura du mal à se maintenir. Toute l’idée défendue par François Hollande de la fin de la ”Françafrique” sera de plus en plus considérée pour ce qu’elle est : une plaisanterie cynique.
Par ailleurs, ce qui s’est passé dans le Sud de l’Algérie n’est peut-être que le premier exemple d’une longue série d’effets boomerangs. En conséquence de cette intervention, plusieurs choses peuvent revenir à la face de l’impérialisme. Le chaos se répand et les problèmes de la région vont s’accumuler.
Socialisme ou barbarie
Un mouvement organisé sur une base de classe qui lierait la lutte contre la réaction fondamentaliste à un programme économique audacieux visant à exproprier les grandes entreprises et les grandes propriétés foncières ainsi qu’à résoudre les problèmes sociaux et la corruption pourrait rapidement obtenir un large soutien parmi la population malienne.
Un tel mouvement pour l’égalité sociale devrait respecter les revendications et les droits de toutes les minorités ethniques et culturelles de la région afin de gagner en sympathie dans le pays comme sur la scène internationale.
La construction d’un tel mouvement de masse peut apparaître comme une solution lointaine pour beaucoup de gens. Mais il s’agit du seul moyen de sortir de ce cauchemar grandissant. Le système capitaliste a montré à maintes reprises, partout sur le continent africain et au-delà, que le seul avenir qu’il a à offrir est de plonger la majorité de la population dans un cycle de barbarie, de crise économique, de guerre et de misère.
- Non à l’intervention impérialiste dans le Nord du Mali ! Retrait des troupes étrangères du Mali – retrait des troupes françaises du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Burkina Faso, du Tchad,…
- Non à l’Etat d’urgence, pour le rétablissement de toutes les libertés démocratiques au Mali !
- Pour la construction de comités de défense multiethniques démocratiquement organisés par la population malienne afin de chasser toutes les milices réactionnaires, mais aussi de résister à toute tentative d’occupation néocoloniale militaire du Nord !
- Pour l’autodétermination des Touaregs! Tous les peuples du Sahel et du Sahara, ainsi que tous les peuples au sein de chaque pays, doivent avoir l’égalité des droits, et doivent décider de leur propre avenir !
- Les richesses du Mali appartiennent au peuple malien ! Pour le contrôle et la gestion démocratique des grandes propriétés foncières, de l’Office du Niger, des mines et des secteurs stratégiques de l’économie malienne par les travailleurs et les pauvres, et non pas des gestionnaires corrompus ! Pour la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique !
- Pour le financement d’un plan de développement économique basé sur les besoins des masses maliennes et contrôlées par elles !
- A bas le régime de Bamako ! Pour un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres, afin de commencer la mise en œuvre de politiques socialistes pour développer le pays, sur base de la lutte commune des masse, organisées démocratiquement de la base.