Tag: Accord Interprofessionnel (AIP)

  • La concertation sociale à nouveau au point mort… Assez de blablas, pour un syndicalisme de combat !

    Photo : grève du 29 mars, piquet de TNT à Liège

    Les négociations pour un accord interprofessionnel (AIP) sur les salaires, les fins de carrière, la flexibilité, les heures de travail, le salaire minimum, etc. sont terminées. Une partie de la direction syndicale considère ces négociations comme le point culminant du pouvoir syndical en Belgique, puisque les accords conclus dans ce cadre concernent des millions de personnes.

    Par Thomas (Gand)

    Le plus gros problème, cependant, est que les accords de ces dernières années étaient surtout des cadeaux aux entreprises, alors qu’il n’y avait pratiquement rien pour les travailleurs. Les mauvais accords sont défendus avec l’argument que leur rejet signerait l’arrêt de mort du dialogue social. Une grande partie de la base syndicale ne se laisse plus berner: au sein de la FGTB, en dépit des manipulations dans le comptage, il n’y a eu aucune majorité pour l’accord social tandis que la marge était très faible à la CSC. Et même parmi celles et ceux qui ont voté en sa faveur, l’enthousiasme était limité, tout en soulignant généralement l’augmentation (quasiment symbolique) du salaire minimum.

    Qu’est-ce que la concertation sociale peut encore bien apporter aujourd’hui ? La marge de négociation n’a cessé de se réduire ces dernières décennies, du moins en ce qui concerne les travailleurs et leur famille. Sous le gouvernement Michel, la loi sur les salaires leur est devenue encore plus défavorable. La concertation n’est désormais plus possible qu’au sujet de questions acceptées par les patrons.
    Obtenir la moindre avancée pour les travailleurs est extrêmement difficile en respectant ce cadre. La norme salariale de 0,4 % d’augmentation a été à juste titre considérée comme une gifle et les actions syndicales ont été bien suivies. La détermination pour briser non seulement cette norme salariale, mais aussi purement et simplement la loi sur les salaires de 1996, était de plus en plus forte.

    À l’approche du 1er Mai, les partis Vooruit et PS ont bombé le torse et n’ont pas économisé leurs déclarations contre la loi sur les salaires. Il semblait même y avoir une crise au sein du gouvernement fédéral. Le calme est revenu une fois le 1er mai passé. Les sociaux-démocrates ont à nouveau rangé leurs promesses au vestiaire en présentant la prime unique de 500 euros (négociable par entreprises) comme une grande victoire. Comme la résistance contre la norme salariale n’a pas été sérieusement organisée, la loi sur les salaires de 1996 menace de rendre les prochaines négociations pour des Accords interprofessionnels également impossibles. La concertation sociale ne débouchera pas sur un accord concernant la norme salariale et le gouvernement en imposera une sans autre forme de procès.

    L’initiative d’une manifestation contre la loi de 1996 après l’été est une bonne chose, mais elle ne doit pas simplement servir à se défouler. Les négociations qui n’apportent aucun résultat significatif sapent la position des syndicats. Face à cela, le cynisme n’est pas une option. Il nous faut une stratégie syndicale alternative. La meilleure façon d’y parvenir est de mettre l’accent sur des campagnes actives autour desquelles une dynamique peut être créée, par exemple autour du salaire minimum de 14 euros de l’heure et de l’abolition de la loi sur les salaires de 1996.

    Si nous ne voulons laisser personne de côté, la campagne autour des salaires les plus bas devra se poursuivre. En cas de reprise de l’inflation, cette question reviendra de toute façon à l’ordre du jour et la remise en cause de l’index sera également plus sensible. Le nombre de burn-out et l’espérance moyenne de vie en bonne santé sont également des exemples de situations où nous avons depuis longtemps dépassé les limites en matière de fin de carrière ou de flexibilité accrue.

    Construire un rapport de force autour de ces problématiques est une tâche de longue haleine. Cela exige d’organiser les militants, de les impliquer dans les discussions sur les revendications et les propositions nationales et sectorielles, d’organiser des assemblées du personnel et d’y débattre des enjeux ainsi que du plan d’action.

    Des négociations qui reposent sur une large participation de la base placeraient d’ailleurs les représentants syndicaux dans une position beaucoup plus forte.

    Le syndicalisme de lutte ne part pas de ce qui est acceptable pour les patrons, mais de ce qui est nécessaire pour les travailleurs, les chômeurs et leurs familles. S’y mettre vraiment signifie de penser en dehors des lignes du système et de chercher les moyens de se faire respecter.

  • Un accord social aussi faible qu’éloigné de ce pour quoi nous avons fait grève le 29 mars

    Pour le gouvernement, cet accord social est un soulagement. Les mobilisations du mouvement ouvrier mettent après tout pression sur le gouvernement, tout particulièrement sur le PS qui ne peut se permettre d’être vu trop ouvertement comme l’auxiliaire du patronat. Le 1er mai, Frédéric Daerden proclamait à Liège : “avec le PS, le tout pour le patronat: c’est fini!” En même temps, ces dernières années, même lorsque le PS était au gouvernement, les règles ont systématiquement été ajustées de sorte que les contours dans lesquels des accords étaient possibles étaient taillés sur mesure pour les patrons.

    L’accord actuel ne déroge pas à la règle. Ce qui est positif, ce sont les avancées en termes d’emploi de fin de carrière à 55 ans, une forme de crédit-temps (mi-temps ou quatre cinquièmes). De nombreuses travailleuses et travailleurs plus âgés éprouvent des difficultés à rester au boulot à temps plein. A partir d’un certain âge, il est indispensable de travailler moins. Depuis le début de cette année, il n’était plus possible pour les travailleurs de moins de 60 ans de demander à bénéficier d’un emploi de fin de carrière en raison du non-renouvellement de la convention collective de travail. Aujourd’hui, la possibilité est de retour et il est possible de travailler un cinquième ou une moitié de moins à partir de 55 ans (contre 57 ans précédemment) en recevant une allocation compensatoire, pour autant que certaines conditions soient remplies. Cela a immédiatement suscité les protestations du chef de groupe N-VA à la Chambre, Peter De Roover. Ce n’est pas une surprise, il faudrait travailler jusqu’au cercueil pour ce parti de droite.

    Cette concession concernant suffit au gouvernement et aux patrons pour justifier le blocage de toute concession concernant l’assouplissement des fins de carrière (anciennement : les prépensions) (l’ancienne pension de retraite anticipée). Le principe des “RCC”, des pensions avec complément d’entreprise, restera en place tel quel, avec un accès possible à partir de 60 ans alors que les syndicats exigeait un retour à 58 pour les entreprises en restructuration et les professions lourdes.

    Les « socialistes » soulignent que les salaires minimums seront augmentés. La revendication syndicale de 14 euros minimum par heure correspond à 2.300 euros brut par mois. On en est loin, très loin. L’accord prévoit une augmentation du salaire minimum à 1.702 euros brut à partir d’avril prochain, une augmentation de 76 euros brut pour les jeunes de 18 ans, puis une augmentation de 35 euros par mois en 2024 et 2026. En d’autres termes, même dans cinq ans, on sera bien loin encore des 14 euros de l’heure ! L’accord prévoit même qu’une augmentation ne sera possible qu’à partir du 1er avril 2028, en fonction de l’évolution de la situation dans les pays voisins. De plus, le prix de cette augmentation salariale ne sera pas payé par les patrons, mais par la collectivité. Nous payons donc nous-même notre augmentation de salaire, alors que parallèlement la sécurité sociale est encore mise à mal par les réductions de charges patronales.

    Rien n’est dit concernant la norme salariale très limitée de 0,4 %. Les négociations se concentrent maintenant sur toutes les autres questions, mais en attendant, cette norme salariale reste sur la table avec seulement la possibilité d’une prime unique de 500 euros. En revanche, ce qui a été retenu, c’est l’augmentation de la flexibilité avec une facilité d’accès aux heures supplémentaires. Cette année et l’année prochaine, il est possible d’effectuer 120 heures supplémentaires “volontaires”. Cela revient à 2,5 heures par semaine. La semaine de 38 heures devient donc à nouveau une semaine de 40,5 heures sans devoir payer le surplus pour les heures supplémentaires. Les patrons bénéficieront même d’exonérations de cotisations sociales !

    Dans l’ensemble, il s’agit d’un accord très faible. Nous sommes bien loin des raisons pour lesquelles la grève du 29 mars a eu lieu. Il faut en débattre dans toutes les structures des syndicats pour le rejeter, et également discuter des prochaines étapes de la lutte qui s’imposent. De quel plan d’action et de quelle plate-forme de revendications avons-nous besoin pour mobiliser suffisamment dans le but d’obtenir de réelles victoires ?

  • Négociations salariales au point mort ? Poursuivons le combat pour de meilleurs salaires !

    Grève du 29 mars.

    La marge proposée de 0,4% maximum d’augmentation salariale en plus de l’indexation est une insulte pour tous les travailleurs. Les patrons ne veulent toutefois pas s’en écarter. Le gouvernement a prétendu offrir une ouverture sous la forme de primes uniques, mais même sur ce point, les patrons ne veulent pas négocier sérieusement. Ils s’en tiennent à la norme salariale fixée par la loi sur les salaires et ils savent que le gouvernement, même avec le PS en son sein, n’est pas prêt à toucher à celle-ci.

    Le PS est dans l’embarras : le parti s’est engagé à respecter la loi sur les salaires de 1996 dans le cadre de l’accord de coalition. Le mieux que le parti peut proposer est de “contourner” la loi par des primes uniques. Les patrons sont résolument opposés à des négociations libres sur ces dernières dans les entreprises et les secteurs. En fait, cette proposition n’a jamais eu la moindre chance d’aboutir. Une autre mesure, qui représente un réel progrès, consiste à séparer l’enveloppe sociale des allocations et pensions les plus basses, l’enveloppe bien-être, de la discussion sur la norme salariale. Ces allocations les plus faibles n’ont en soi rien à voir avec la norme salariale, il est donc naturel de les séparer. Les patrons ont utilisé cette liaison pour faire chanter les syndicats : faute d’accepter l’inacceptable au niveau des salaires, les allocations et pensions les plus basses n’augmenteraient pas non plus. Les allocations les plus basses étaient prises en otage par la cupidité des patrons peu enclins à montrer à leur personnel le moindre respect.

    Les patrons étaient dans une position confortable pour les négociations salariales : le gouvernement a annoncé qu’il imposerait la norme de 0,4% en l’absence d’accord entre partenaires sociaux. Si vous pouvez obtenir ce que vous voulez sans accord, pourquoi se donner la peine d’essayer d’en conclure un en accordant des concessions moins favorables que ce qui sera de toute façon imposé ? Les négociations sont bloquées parce que cette proposition de 0,4 % est inacceptable. Les règles relatives à la norme salariale ont été modifiées ces dernières années de sorte que les patrons n’ont pas à formuler de revendications : ce qu’ils veulent est devenu la règle. Idem avec le PS au gouvernement. La solution des primes uniques dans certains secteurs est insuffisante. Pour briser des normes salariales inacceptables, la loi sur les salaires doit disparaître.

    “S’il y a quelque chose d’inquiétant dans l’échec des négociations salariales, c’est ce manque de compréhension de la manière dont se construit la prospérité”, a-t-on pu lire hier dans l’édito de De Tijd. Selon le journal économique, ce sont les entrepreneurs qui créent la richesse en investissant. Le fait est que la valeur est créée par notre travail. Sans notre travail, leur capital ne vaut pas un balle. Toute discussion sur les salaires vise à déterminer qui obtient quelle part de la valeur que nous produisons. Les patrons souhaitent une part aussi importante que possible pour eux-mêmes et leurs actionnaires. Avec plus de 5 milliards d’euros de dividendes, les actionnaires des entreprises du BEL20 n’ont pas à se plaindre de l’année 2020. Les patrons et leurs porte-parole veulent nous faire oublier au plus vite que ce sont les salariés qui font tout fonctionner et portent le monde sur leurs épaules.

    Le directeur général de la FEB, Timmermans, a déclaré : “Lorsqu’il y a de l’argent à distribuer, les syndicats sont toujours au premier rang. Chaque fois que les choses deviennent difficiles, ils font un pas de côté. Je le déplore.” Timmermans aurait-il oublié qui nous tire d’affaire en ces temps difficiles ? Ce sont les travailleurs ordinaires de la santé et d’autres secteurs vitaux. Il est scandaleux que les patrons agissent maintenant comme si rien ne s’était passé l’année dernière. 40 % des contaminations sont liées aux lieux de travail. Ce sont les travailleurs qui prennent les plus grands risques dans cette crise. Mais pour la FEB, risquer sa santé est secondaire par rapport au risque qu’un actionnaire ne puisse pas transférer des millions dans des paradis fiscaux.

    L’argument le plus souvent invoqué est celui de la crise. “Si quelqu’un doit faire preuve de solidarité, ce sont les employés”, écrit Bart Haeck dans De Tijd. On connaît donc les porte-voix des patrons : ce n’est pas le directeur avec 2,64 millions d’euros par an qui doit être solidaire, mais la vendeuse avec 12 euros de l’heure. Par ailleurs, le même journal faisait remarquer avant-hier que les chefs d’entreprise n’ont jamais été aussi optimistes en dix ans. Ils s’attendent à une relance de l’économie aux deuxième et troisième trimestres, en partie grâce aux plans de relance du gouvernement. Les patrons constatent le virage de la politique menée : soudainement, de l’argent est disponible. Ils veulent que tout cet argent aille directement dans leurs poches. Bien entendu, ils passent sous silence les mesures prises aux États-Unis, qui permettent aux travailleurs ordinaires de recevoir une petite part de l’argent disponible. Le but de ce chèque de 1400 dollars par Américain est de maintenir l’économie à flot, de sauver le système capitaliste, et non de soutenir ceux qui luttent. Les patrons belges espèrent bénéficier de la croissance économique résultant de ce type de mesure. Dans le même temps, ils ne veulent pas voir le pouvoir d’achat de leur propre personnel s’améliorer.

    Que devons-nous faire maintenant ? Le ministre PS Dermagne est prêt à réunir à nouveau les partenaires sociaux, mais seulement s’il y a une chance de succès. Tant qu’il n’y a que 0,4% sur la table, aucun accord n’est possible. Parmi les travailleurs, il y a une détermination pour entrer en action. C’est apparu clairement lors des journées d’action de février et lors de la grève nationale du 29 mars. Sans accord salarial national, pas de paix sociale. De nouvelles actions seront nécessaires, sinon les patrons resteront simplement assis à leur table pendant que le gouvernement leur fait le service.

    Nous devons poursuivre notre lutte sur la lancée de la grève du 29 mars. Comment faire? On se souvient du plan d’action de 2014 contre le gouvernement Michel, qui a malheureusement été arrêté par le sommet syndical après le succès retentissant de la grève générale du 15 décembre. Un tel plan d’action doit être discuté et préparé de toute urgence. Cela démontrerait clairement à quel point nous sommes sérieux. C’est aussi nécessaire pour convaincre les couches de travailleurs hésitantes à rejoindre le mouvement. De cette manière, nous pouvons briser la norme salariale et la loi sur les salaires.

  • 29 mars : Retour en images sur une grève nationale réussie

    Nous avons déjà publié hier un rapport écrit de la grève (Grève nationale du 29 mars, un succès sur lequel construire), voici ici divers reportages-photos qui donnent un meilleur aperçu visuel de cette mobilisation. Les militantes et militants du PSL/LSP étaient présents sur les piquets soit auprès de leurs collègues, soit dans les diverses équipes qui ont effectué des tournées de solidarité en Wallonie, en Flandre et à Bruxelles.

    Vous voulez en savoir plus sur le PSL/LSP ? L’occasion idéale se présente ce samedi après midi avec notre meeting national en ligne “TO CHANGE THE SYSTEM, LET’S ORGANISE”.

    Bruxelles
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    Liège
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    Action de solidarité d’EGA à Liège en solidarité avec la grève
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    Région du Centre
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    Anvers
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  • Grève du 29 mars. Le personnel des supermarchés en action

    Lidl-Deurne (Anvers)

    Le personnel des supermarchés s’est mobilisé dans de nombreux endroits du pays. Dans ce secteur, les salaires sont traditionnellement bas. Parfois, même après dix ans, les travailleurs n’atteignent toujours pas un salaire horaire de 14 euros. La scandaleuse norme salariale de 0,4% et le refus d’augmenter les salaires les plus bas frappent durement le personnel des supermarchés qui travaille en mettant sa santé en danger depuis un an.

    Les chaînes de supermarchés ont réalisé d’énormes profits. Dans un tract distribué par le SETCA/BBTK chez Lidl se trouvait l’exemple du patron, Schwarz, qui s’enrichit d’un milliard d’euros chaque année, soit un montant mensuel de 83 millions d’euros. Une augmentation de salaire de 0,4 % signifie moins de 8 euros bruts par mois pour le personnel des magasins de la chaîne. Et qui sont celles et ceux qui ont gardé les magasins ouverts pendant toute la crise sanitaire ?

    Les mesures de sécurité dans le contexte de la pandémie ont suscité le mécontentement de certains magasins. Limiter le nombre de personnes dans un magasin tel qu’Ikea représente une toute autre chose que de restreindre le nombre de visiteurs dans un supermarché moyen. Dans un supermarché de, disons, 200 mètres carrés, avec rayonnages et caisses enregistreuses, il est souvent difficile de respecter la distance nécessaire entre personnes. Dans les magasins, la colère se concentre principalement sur les salaires et les conditions de travail, dont la difficulté d’obtenir un contrat de travail permanent, sans parler d’un contrat à temps plein. Mais ce sont bien sûr les bas salaires qui retiennent pour l’instant l’attention après une année très difficile.

    Dans les magasins où la grève a pris place, les réactions des clients et des passants étaient nombreuses et positives envers les grévistes. Cela était remarquablement plus fort que lors de nombreuses grèves précédentes. Les clients savent bien que le personnel n’a pas économisé ses efforts ces derniers mois. De plus, la pression sur le pouvoir d’achat est présente auprès de chacune et chacun. Combien nous reste-t-il encore en poche après le loyer ou l’hypothèque ? Tout devient plus cher, mais nos revenus ne suivent pas. Un salaire minimum de 14 euros de l’heure serait à peine suffisant pour s’en sortir, mais même ce salaire minimum est inacceptable pour les actionnaires des grandes chaînes.

  • Lutter pour nos salaires avec un plan d’action qui n’abandonne personne

    Photo prise à Liège durant la grève de ce 29 mars.

    La bataille salariale met pression sur le gouvernement De Croo. L’accord de coalition (cosigné par le PS/SP.a et ECOLO/Groen) stipule que rien ne peut être modifié dans la loi de 1996 sur les salaires, à la grande joie des libéraux. Briser la scandaleuse norme salariale de 0,4 % exige de s’en prendre à cette loi. Et pour cela, nous ne devons compter que sur nos propres forces, celles mises en branle par la grève du 29 mars.

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    Du côté patronal, cette grève est considérée comme une aberration (dans quel cas ne l’ont-ils pas dit ?). A l’Union wallonne des entreprises, on crie : « La grève du 29 mars, c’est un véritable scandale. On sort de la crise la plus importante qu’on ait eue depuis la deuxième guerre et on demande aux gens de faire grève pour qu’ils soient mieux payés? Il y a un décalage total entre les syndicats et l’ampleur de la crise. » Tout en prévenant : « Le jour où le chômage temporaire ne sera plus là, cela va saigner. » Mais pas question de s’apitoyer sur le sort des travailleurs qui seront jetés à la porte : l’UWE trouve que le coût d’un licenciement est trop important en Belgique et qu’il faudra s’attaquer à ce dossier.

    Les patrons tordent et déforment la réalité pour la faire coller à leurs intérêts. Des augmentations de salaires soutiendront évidemment infiniment plus l’Horeca et les petits commerces que les juteux dividendes versés aux actionnaires qui atterriront dans des paradis fiscaux. Ce n’est pas neuf, le patronat cherche bien plus la soumission que l’adhésion. Le chantage compense son manque d’argument. Vous voulez plus de salaire ? Il y aura encore plus de licenciements.

    Construire la solidarité

    De cette manière, les patrons espèrent nous diviser. La meilleure riposte est de construire une solide unité dans l’action qui repose sur la farouche détermination de ne laisser personne de côté. Pour cela, nous avons besoin de l’unité des travailleurs, francophones ou néerlandophones, rouges ou verts. La lutte ne commencera pas partout au même niveau, c’est certain, cela n’a d’ailleurs jamais été le cas. Mais évitons de nous focaliser sur ce qui ne fonctionne pas. Soulignons plutôt les éléments positifs en cherchant à les généraliser. De cette manière, nous pourrons combattre le cynisme, assurer une base plus large au syndicalisme de combat et nous diriger vers des victoires.

    Les directions syndicales, le PTB et Marc Goblet (député fédéral PS et ancien président de la FGTB) défendent une réforme de la loi sur les salaires de 1996 afin de rendre la norme salariale facultative et non plus contraignante, en supprimant les sanctions prévue pour son éventuel dépassement (voir en page 2). La logique est dangereuse, car elle suppose que plus peut être obtenu dans certains secteurs sans rien prévoir ailleurs, là où les conditions salariales sont souvent pires. La proposition peut toutefois être utilisée pour participer à la mobilisation de l’ardeur de la base syndicale et ainsi permettre d’aller plus loin.

    Les secteurs les plus forts, où les travailleurs sont mieux organisés, devraient utiliser leur rapport de force pour assister les autres. Le salaire minimum de 14 euros de l’heure devrait absolument être lié à la conclusion du moindre accord. Dans le secteur chimique ou pharmaceutique, où les salaires sont parfois élevés, il ne manque pas de syndicalistes qui comprennent qu’ils doivent se battre pour leurs camarades aux salaires les plus bas. Construire un tel rapport de force les aidera d’ailleurs à protéger leur propre emploi s’il est menacé.

    C’est pour TOUS les salaires et pour CHAQUE emploi que nous devons nous battre. Il nous faut un plan d’action sérieux, avec l’implication maximale de la base, pour rassembler toute la force du mouvement ouvrier et balancer la loi de 1996 à la poubelle tout en imposant le salaire minimum à 14 euros de l’heure et une norme salariale qui représente un MINIMUM d’augmentation salariale, pas un maximum. Si des entreprises se disent incapables de supporter les augmentations, qu’elles ouvrent d’abord leur comptabilité que cela puisse être vérifié. Quant à la menace d’une avalanche de licenciements, popularisons dès maintenant la revendication de la nationalisation sous contrôle des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui ferment ou procèdent à des licenciements collectifs.

  • Un plan d’action pour une réelle augmentation et un minimum de 14 €/h !

    Ne nous battons pas pour des miettes !

    On nous manque de respect, et la norme salariale le confirme une fois de plus. Il nous faut un plan d’action visant à augmenter tous les salaires et à mettre fin aux salaires de misère inférieurs à 14 euros brut de l’heure. En nous battant, nous pouvons gagner. Sans rien faire, nous avons déjà perdu !

    Brisons la camisole de force

    La loi sur les salaires nous impose une camisole de force qui empêche à ces derniers d’augmenter de plus de 0,4 % pour les deux prochaines années. Voilà ce que proposent les patrons puisque, comme ils le justifient, nous traversons la plus grande crise économique depuis la guerre. Ils jugent irresponsable de parler d’augmentations de salaire et d’entrer en grève. Et puisque les arguments manquent, ils recourent au chantage. Vous voulez un salaire plus élevé ? Alors il y aura des licenciements. Les médias traditionnels leur emboîtent le pas sans critiques. Il faut avouer qu’ils estiment déjà en temps normal que les grèves sont irresponsables.

    Mais nous sommes dans une période différente. Après la dernière crise économique, les mesures d’austérité et les cadeaux aux grandes entreprises et aux riches n’ont fait que rendre la reprise plus lente et plus difficile. La FEB propose pourtant la même recette dans ces négociations salariales. Cela n’a pas de sens. Le plan de relance américain de Joe Biden est très limité, mais il comprend un chèque de 1.400 dollars pour chaque Américain. Quel plan de relance les gouvernements de ce pays proposent-ils pour stimuler l’économie ? Abolir la loi sur les salaires pour mettre en œuvre une sérieuse augmentation des salaires pour toutes et tous ainsi qu’un salaire minimum de 14 euros brut de l’heure serait un bon premier pas !

    Mener la lutte

    Cela ne tombera pas du ciel, nous devons nous organiser et lutter. Chaque conquête sociale a été arrachée en nous organisant pour nous battre. Cela était et reste toujours possible, même en période de difficultés économiques. L’arme de la grève est essentielle car elle démontre qui produit les richesses : nous, la classe ouvrière !

    Les dirigeants syndicaux, le PTB et Marc Goblet (député du PS et ancien président de la FGTB) veulent rendre la norme salariale facultative au lieu d’obligatoire et assortie de sanctions en cas de dépassement, comme c’est le cas actuellement. Ce serait un pas en avant, surtout si cette loi est obtenue par la lutte dans la rue. Après la lutte, les secteurs les plus forts pourraient jouer le rôle de locomotive pour impliquer les secteurs à bas salaires. Si le débat sur le projet de loi Goblet-Hedebouw reste confiné au parlement, cela sera considéré comme une simple pression du PTB sur le PS. Les autres partis voteront alors tout simplement contre.

    Les actions d’aujourd’hui garantissent que le gouvernement et les patrons ne peuvent pas tout simplement dominer l’agenda. Mais il en faudra davantage. Une campagne d’information liée aux mobilisations permettrait d’accroître la pression extra-parlementaire. Hedebouw et Goblet, avec les syndicats, pourraient prendre des initiatives en cette direction avec des assemblées générales ouvertes dans toutes les régions suivies d’actions. Ces assemblées générales pourraient être utilisées pour élaborer une plate-forme de revendications basée sur les besoins des travailleurs et de leur famille, et non sur ce qui est acceptable pour l’establishment capitaliste.

    Les secteurs les plus forts, où les travailleurs sont mieux organisés, devraient utiliser leur rapport de force pour assister les autres. Le salaire minimum de 14 euros de l’heure devrait absolument être lié à la conclusion du moindre accord.

    Lutter pour tous les salaires et pour chaque emploi

    C’est pour TOUS les salaires et pour CHAQUE emploi que nous devons nous battre. Il nous faut un plan d’action sérieux, avec l’implication maximale de la base, pour rassembler toute la force du mouvement ouvrier et balancer la loi de 1996 à la poubelle tout en imposant le salaire minimum à 14 euros de l’heure et une norme salariale qui représente un MINIMUM d’augmentation salariale, pas un maximum.

    Si des entreprises se disent incapables de supporter les augmentations, qu’elles ouvrent d’abord leur comptabilité que cela puisse être vérifié. Face à la menace d’une avalanche de licenciements, ripostons par la nationalisation sous contrôle des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui ferment ou procèdent à des licenciements collectifs. S’il n’y a pas assez de travail pour tout le monde, répartissons-le par la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires.

    La construction d’un rapport de forces est nécessaire non seulement pour remporter une victoire, mais aussi pour la défendre par la suite. En période de crise, toute réforme progressiste sera immédiatement mise sous pression. C’est pourquoi le PSL lie toujours la lutte pour de nouvelles conquêtes à la nécessité d’une alternative socialiste. Le socialisme n’est pas un mot à mentionner le 1er Mai, c’est au cœur de nos campagnes de tous les jours. Pour obtenir des salaires, des pensions et des services publics dignes de ce nom, la classe ouvrière doit gérer et contrôler l’économie par elle-même.

  • Battons-nous pour plus de salaire, pas pour des miettes !

    Après les applaudissements, la gifle

    Nos salaires ne pourraient augmenter que de 0,4 % maximum au cours des deux prochaines années ? C’est ce que proposent les patrons. Ils justifient cela en disant que nous traversons la plus grande crise économique depuis la guerre et qu’il serait irresponsable de faire grève pour de meilleurs salaires. Les médias traditionnels marchent à leur suite mais il faut dire qu’ils trouvent toujours qu’une grève est irresponsable.

    Par Thomas

    Tous sur le même bateau ? Mon oeil !

    Les patrons essaient encore de nous faire croire que nous sommes tous sur le même bateau et que nous avons des intérêts similaires. Rien n’est plus faux. Les entreprises du BEL20, les sociétés belges cotées en bourse, ont déjà versé plus de 5 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Ces entreprises font encore de gros bénéfices. Ce n’est pas le résultat du travail des actionnaires, mais celui du personnel qui travaille chaque jour, parfois au risque d’être contaminé. Sans nous, il n’y aurait tout simplement pas de bénéfices !
    Le propriétaire de Lidl, par exemple, se paie 1 milliard d’euros chaque année. Cela représente 83 millions d’euros par mois. Pour le personnel belge de Lidl, 0,4 % d’augmentation équivalent à environ 8 euros bruts par mois. C’est pourtant lui qui a gardé les magasins ouverts pendant la crise sanitaire, pas le patron.

    Nous travaillons de plus en plus dur. Depuis 1996, nos salaires ont accusé un retard de 12 % vis-à-vis de la croissance de la productivité. De là découle une augmentation de l’épuisement au travail, le coût des burnouts et des maladies étant répercuté sur la collectivité. Pour plus de profits, chaque situation est une opportunité. Pour augmenter les salaires, ce n’est jamais le bon moment.

    Il nous faut un plan d’action

    Comment faire en sorte d’être récompensés pour notre travail ? Que les profits que nous produisons finissent aussi dans nos poches ? Cette question, nous l’avons souvent posée, avec parfois plus de détermination qu’à d’autres. La lutte a permis d’aller plus loin : en 2019, la norme salariale a été portée de 0,8 % à 1,1 % après une grève. Seulement menacer d’entrer en action ou mener des actions symboliques n’impressionne guère la FEB et les autres organisations patronales.

    Les furieuses réactions patronales à l’annonce de la journée de grève nationale du 29 mars illustrent que nos grèves leur font mal. Nos salaires sont présentés comme un « coût », mais les jours de grève, nous entendons toujours dire combien l’action syndicale leur « coûte ». Implicitement, ils reconnaissent ainsi que c’est nous qui produisons les richesses. Depuis la crise sanitaire, c’est d’ailleurs plus évident pour un plus grand nombre de gens.

    Les journées d’action de février ont démontré l’étendue du mécontentement à l’égard de la norme salariale. La grève du 29 mars a été préparée avec une excellente « Gazette des salaires ». Informer les collègues est essentiel, il est d’ailleurs préférable de le faire collectivement lors des réunions du personnel et d’assemblées interprofessionnelles. C’est l’occasion idéale d’y discuter et d’y voter les revendications et les prochaines étapes de la lutte. Car une journée de grève ne suffira peut-être pas à obliger les patrons à faire des concessions. Avec un mouvement déterminé qui dispose d’une stratégie claire, nous pouvons vaincre.

    Lutter pour une alternative

    La colère est grande. A la hauteur de l’arrogance patronale. Sans combat et sans alternative, le mécontentement se transformera en cynisme, ce sur quoi la droite et l’extrême droite peuvent se régaler. Un plan d’action visant à augmenter tous les salaires et à mettre fin aux salaires de misère inférieurs à 14 euros brut de l’heure est nécessaire. Si nous nous battons, nous pouvons gagner. Si nous ne faisons rien, nous avons déjà perdu.

    Dans le système capitaliste, les patrons essayeront toujours de reprendre d’une main ce qu’ils ont dû concéder de l’autre. De Tijd prévient déjà : « augmenter les salaires aujourd’hui, c’est contribuer à organiser les licenciements de demain. » Nous connaissons déjà la meilleure manière de riposter : la nationalisation sous contrôle des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui ferment ou procèdent à des licenciements collectifs.

    Dans le bras de fer entre travail et capital qui s’engage sur fond de crise économique, sanitaire et écologique, nous devons nous armer d’un programme global de transformation socialiste de la société. Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui font tourner le monde et sont la source des richesses produites. La seule manière de sortir de l’impasse capitaliste est qu’ils se saisissent des leviers principaux de l’économie et organisent démocratiquement le fonctionnement de ces secteurs clé de la production selon une planification démocratique respectueuse de l’environnement.

  • [Grève nationale du 29 mars] La lutte contre les bas salaires est aussi une lutte féministe

    La Campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) appelle à faire de la grève nationale du 29 mars le plus grand succès possible. La Campagne ROSA organisera des visites de solidarité aux piquets de grève, participez-y ! Contactez-nous ! (contact@campagnerosa.be / 0474 35 30 36 Emily Burns)

    Une marge maximale d’augmentation salariale de 0,4%, c’est tout simplement scandaleux. Cela ne représente que 6€ bruts par mois pour les bas salaires, attribués à 70% de femmes, 9€ bruts par mois pour le personnel des métiers dits « essentiels » qui comptent là aussi une écrasante majorité de femmes : distribution (supermarché), soins santé, aide aux personnes, enseignement,… Essentiels mais précaires, voilà en gros ce qui nous est proposé. A contrario, le patron de Delhaize, lui, a vu son salaire augmenter de 34%. Ce n’est pas la crise pour tout le monde !

    Il existe toujours un écart salarial entre femmes et hommes. Les femmes gagnent 23,1% de moins que les hommes. Il aura fallu attendre jusqu’au 25 mars pour que les femmes gagnent l’équivalent obtenu par les hommes gagnent durant l’année précédente. Et pour celles ayant travaillé à temps partiel (faute d’emplois à temps plein ou en raison de l’absence de services publics permettant de concilier travail et vie de famille), l’écart entre femmes et hommes explose pour atteindre environ 30% à la pension. Le problème n’est évidemment pas que les hommes bénéficient de trop bons emplois. Le problème, c’est que les femmes ne gagnent pas assez pour être financièrement indépendantes. Elles sont deux fois plus nombreuses à se retrouver dans une situation de dépendance financière.

    Les femmes sont surreprésentées dans les emplois précaires. Si le chômage temporaire offre en Belgique un certain effet d’amortissement, il suffit d’observer d’autres pays pour se rendre compte que les femmes constituent encore et toujours une main-d’œuvre de réserve. En décembre, pratiquement 100% des pertes d’emplois aux USA et 98% en Italie concernaient des femmes. Dans le monde, avec cette crise, le revenu des femmes chute deux fois plus que celui des hommes. Tout cela contribue largement à aggraver le manque de considération dont pâtissent les femmes dans la société, ce qui alimente le sexisme.

    Il nous fait des campagnes de syndicalisation

    Le salaire minimum de 14€/h arrive à l’Université de Gand. C’est le fruit du travail de longue haleine porté par la délégation syndicale CGSP, qui a cherché l’implication du personnel et des étudiantes et étudiants avec une pétition, puis une manifestation et enfin une grève soigneusement préparée en mars 2020. La Campagne ROSA s’est pleinement engagée dans ce combat.

    Les femmes ont un rôle crucial à jouer dans la lutte. Elles doivent activement y prendre part, dénoncer l’hypocrisie du gouvernement et construire un mouvement combatif capable d’arracher la concrétisation de nos revendications. Pour cela, nous avons besoin d’être organisées ! Actuellement, en Belgique, ce sont les mouvements syndicaux qui réunissent le plus de femmes dans la lutte. Ne sous-estimons pas le potentiel du syndicat à lutter contre l’oppression spécifique des femmes. C’est pourquoi la Campagne ROSA encourage les campagnes de syndicalisation de femmes ainsi que le renforcement des commissions femmes dans les syndicats comme outil d’implication plus large des femmes dans les luttes et de discussion sur leurs problématiques spécifiques. Cela essentiel pour construire un puissant mouvement de lutte, tout particulièrement dans les secteurs précaires où elles sont majoritaires.

  • 29 mars : mobilisation et grève générale pour une réelle augmentation des salaires

    « Après les applaudissements, la gifle. » La CSC et la FGTB ont raison de considérer comme scandaleuse la proposition d’une marge maximale d’augmentation salariale de 0,4%. Cela représente à peine 6 euros bruts par mois pour les salaires les plus bas. A peine 9 euros brutes par mois pour le personnel des métiers dits « essentiels ». L’équivalent de quatre gros pains.

    On dirait que le patronat oublie qui produit les richesses…

    Sans surprise, on crie au scandale du côté patronal face à l’annonce de la grève. De meilleurs salaires ? « On dirait que les syndicats ont oublié qu’on était en crise ! », comme on a pu le lire dans De Tijd. « Appeler à la grève maintenant n’est pas constructif », dit-on au Standaard. La version « progressiste » dans De Morgen : « Une grève n’est pas exactement une réponse très inspirée aux questions sociales après le coronavirus. » Non, les médias n’ont pas eu beaucoup d’inspiration dans leur propagande anti-grève qui semble remonter à l’époque où les travailleurs n’étaient pas encore reconnus comme les héros sans qui rien ne fonctionne.

    A écouter les patrons, ce n’est de toute manière jamais le moment d’augmenter les salaires. Enfin, les nôtres plus précisément. En 2019, un dirigeant d’une entreprise du BEL20 (l’indice boursier belge) gagnait en moyenne de 2,46 millions d’euros : 30% de plus que l’année précédente! Chez Delhaize, qui a réalisé 14% de chiffres d’affaires en plus en 2020, on a accordé 34% d’augmentation au patron. Non, nous ne sommes pas tous sur le même bateau.

    Quant aux actionnaires, pas de marge maximale pour eux non plus. La majorité des entreprises du Bel20 s’apprête à distribuer plus de 5 milliards d’euros de dividendes en 2021. Le service d’étude du PTB a d’ailleurs calculé qu’une augmentation salariale de 5 % dans ces entreprises ne coûterait que 25 % des dividendes annoncés. Si des patrons affirment que les augmentations de salaire sont « impayables », qu’ils le prouvent en dévoilant leur comptabilité.

    Les actionnaires de Colruyt, par exemple, vont se partager 183 millions d’euros cette année. Mais les travailleuses et travailleurs de l’entreprise devront se contenter de miettes après avoir été en première ligne depuis le début de la crise sanitaire. Ce vendredi 12 mars, Yves Van Laethem a encore souligné que « Le nombre de clusters est toujours plus élevé sur le lieu de travail ». On se souvient que chez InBev, il avait fallu une dizaine de journées de grève pour imposer un nouveau protocole sanitaire après qu’une dizaine de travailleurs aient été contaminés ! Mais les médias préfèrent passer cela sous silence et pointer du doigts les jeunes dans les parcs.

    La loi sur les salaires de 1996 repose sur un calcul du « coût du travail »… Mais c’est lui qui rapporte ! Le jour de la grève, quand les médias dominants parleront de « ce que coûte la grève », ils parleront en fait de ce que les travailleuses et travailleurs produisent comme richesses en temps normal. La productivité n’a d’ailleurs cessé d’augmenter ces dernières années. En réalité, les les salaires belges accusent depuis 1996 un retard de 12% sur la croissance de la productivité. En d’autres termes, nous travaillons de plus en plus dur. Il en découle une augmentation de l’épuisement au travail, le coût des burnouts et des maladies étant répercuté sur la collectivité. Pour accroitre les bénéfices, aucune opportunité n’est manquée. Pour augmenter les salaires, ce n’est jamais le moment.

    La lutte paie !

    Il y a actuellement 5% de travailleurs qui vivent sous le seuil de pauvreté en Belgique. En 2020, environ un quart de tous les Belges (actifs et inactifs) n’étaient pas en mesure de faire face à une dépense imprévue. 5,7% d’entre eux ne parvenaient pas à payer leurs factures à temps. Et 20% des Belges n’ont pas les moyens de partir une semaine en vacances. Un meilleur salaire minimum, c’est une absolue nécessité. Et cet argent là ne partira pas sur des comptes en banque de paradis fiscaux…

    Une victoire importante vient d’être arrachée sur ce point : le salaire minimum de 14€/h arrive à l’Université de Gand. C’est le fruit du travail de longue haleine porté par la délégation syndicale CGSP, qui a cherché l’implication du personnel et des étudiantes et étudiants avec une pétition, puis une manifestation et enfin une grève soigneusement préparée en mars 2020.

    Les premières journées d’action du front commun syndical les 12 et 25 février derniers avaient clairement illustré la détermination qui vit à la base. La grève du 29 mars a été annoncée bien à l’avance et la mobilisation sera soutenue par l’édition de la « Gazette des salaires ». Celle-ci va être produite à un million d’exemplaires et distribuée en entreprises à l’image du fameux « Journal des pensions » qui avait assisté la mobilisation réussie contre le système de pensions à points de la bande à Michel.

    Il s’agit d’une bonne opportunité pour que les délégations mobilisent des réunions de sensibilisation, y compris en ligne, pour affiner notre argumentation en faveur de meilleurs salaires et allocations sociales, mais aussi pour débattre des prochaines étapes de notre plan d’action contre le patronat et le gouvernement. Il nous faut un sérieux plan d’action capable de rassembler toute la force du mouvement ouvrier pour imposer une norme salariale qui représente un MINIMUM d’augmentation salariale, pas un maximum. De cette manière, la combativité des secteurs les plus forts permettrait d’assurer un meilleur minimum pour toutes et tous.

    Nous avons besoin de l’unité des travailleurs, francophones ou néerlandophones, rouges ou verts. Il est certain que la lutte ne commencera pas au même niveau partout, cela n’a jamais été le cas. Mais nous devons éviter de de nous focaliser sur ce qui ne fonctionne pas, ne tombons pas dans ce piège. Nous devons au contraire accentuer les éléments positifs et chercher à voir comment les généraliser pour assurer la base la plus large possible au syndicalisme de combat.

    C’est de cette façon que nous pourrons construire le rapport de force nécessaire non seulement pour abattre la norme salariale de 0,4% et repousser tout compromis boiteux qui s’en prendrait à notre sécurité sociale, mais aussi et pour en finir avec la loi de 1996 sur les salaires. En mars dernier, le professeur libéral Paul De Grauwe (London School of Economics) affirmait lui-même dans les pages du quotidien De Morgen : « La loi de 1996 est basée sur des considérations économiques obsolètes qui ne jurent que par la compression des coûts. Cela nous entraîne dans une spirale négative vers des salaires insuffisants et des emplois peu attrayants. Nous ferions mieux de nous affranchir de ce paradigme économique complètement dépassé et de jeter la norme salariale à la poubelle. » Gardons toutefois en tête que De Grauwe est bien capable de retourner sa veste dans le feu de la bataille pour défendre sa classe sociale.

    Un autre système est nécessaire

    Il n’y a d’ailleurs pas que la norme salariale à balancer aux ordures. Dans le système capitaliste, les patrons essayeront toujours de reprendre d’une main ce qu’ils ont dû concéder de l’autre. De Tijd prévient déjà : « augmenter les salaires aujourd’hui, c’est contribuer à organiser les licenciements de demain. » Nous connaissons déjà la meilleure manière de riposter : la nationalisation sous contrôle des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui ferment ou procèdent à des licenciements collectifs.

    Certains comptent sur les sociaux-démocrates (SP.a-PS) et les verts (Groen-Ecolo). Mais le gouvernement actuel, avec ces partis, a inscrit le carcan de la modération salariale dans l’accord de coalition. Nous verrons ce qu’ils valent lorsqu’ils seront soumis à la pression d’une classe ouvrière déterminée et en lutte. Mais la meilleure manière de repousser le danger de la droite, de la droite populiste et de l’extrême droite, c’est d’en finir avec cette politique du « moindre mal » qui a placé la Belgique à la 16e place des paradis fiscaux, selon le rapport 2021 du Tax Justice Network. La Belgique, un paradis pour les capitalistes, un enfer pour les travailleurs, comme le disait déjà Marx à son époque.

    Dans le bras de fer entre travail et capital qui s’engage sur fond de crise économique, sanitaire et écologique, nous devons nous armer d’un programme global de transformation socialiste de la société. Ce sont les travailleuses et les travailleurs qui font tourner le monde et sont la source des richesses produites. La seule manière de sortir de l’impasse capitaliste est qu’ils se saisissent des leviers principaux de l’économie et organisent démocratiquement le fonctionnement de ces secteurs clé de la production selon une planification démocratique respectueuse de l’environnement.

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