Tag: Yves Leterme

  • NON au bricolage de l’indexation !

    On nous dit régulièrement que nos salaires sont trop élevés et que la compétitivité de nos entreprises croule sous l’indexation des salaires. A ce sujet, les politiciens traditionnels, les patrons et leurs médias varient entre abolition pure et simple et modification de l’index. Mais malgré leur campagne de propagande, un sondage a dévoilé que 56% de la population souhaite maintenir l’index tel qu’il est. L’abolition ne remporte que 13% des opinions.

    Par Geert Cool

    Dans le cadre du sondage (La Libre Belgique/RTBF), la question d’un “bricolage” de l’index était posée. L’allongement de la période précédant la réalisation de l’indexation ne convainc qu’un tiers de la population. La limitation de l’index aux bas salaires est soutenue par une couche plus large : 47%. Le message est clair : une majorité préfère maintenir l’index tel qu’il est. Un bricolage de notre pouvoir d’achat et de notre niveau de vie serait inacceptable pour ceux qui souffrent déjà.

    Ceux qui proposent aujourd’hui de modifier le système d’indexation des salaires n’ont pas pour objectif de le rendre plus représentatif des augmentations des prix réels ou de faire une meilleure évaluation des divers produits et services. Par exemple, le logement, l’eau, l’électricité et le gaz ne comptent que pour 16% de l’index. Ils veulent s’attaquer à notre pouvoir d’achat. Moins nous gagnons, meilleure est la compétitivité des entreprises. Telle est leur logique.

    Aujourd’hui, l’index fait souvent l’objet d’un simulacre de bataille dans lequel le maintien de l’index est toujours présenté comme une “victoire” et même invoqué comme une contrepartie à des concessions dans d’autres domaines. Cela permet parfois aux dirigeants syndicaux d’utiliser une rhétorique plus radicale. Dans le cadre de “Rerum Novarum”, c’était au tour du nouveau président de la CSC, Marc Leemans : il a attaqué ces volontés de toucher à l’index comme étant “des recours de charlatans qui ne tiennent pas compte de la maladie, de notre taux d’inflation élevé, et qui veulent donc jeter le thermomètre. Pourquoi la créativité d’innovation des patrons ne se développe-t-elle pas autant que celle dont ils font preuve lorsqu’ils s’en prennent aux poches des travailleurs ?” Leemans a reçu en retour des réactions hystériques d’Alexander De Croo, mais aussi de sa “camarade” des sociaux-démocrates flamands Caroline Ven (ex-collaboratrice d’Yves Leterme et par ailleurs directrice du département économique de la Fédération des Entreprises Belges).

    Une attaque frontale contre l’index est peu probable. Néanmoins, la discussion au sujet des adaptations de la méthode de calcul ou sur le panier de produits reste ouverte. Patrick Dewael (Open VLD) et Jan Jambon (N-VA) ont déjà proposé de revoir le panier de produits et ont été rejoints en partie par Karin Temmerman (SP.a). L’objectif des libéraux est clair : l’index peut persister, mais uniquement avec modifications et s’il ne conduit pas à des “augmentations salariales” (en réalité, des ajustements du salaire à la hausse du coût de la vie). La vigilance contre toute remise en cause de l’index est nécessaire. Pourquoi ne pas la lier à une lutte offensive en vue de rétablir un index complet qui reflète le coût de vie réel ?

  • [DOSSIER] Dexia: aux travailleurs et à leurs familles de payer pour les bénéfices du privé ?

    Pour la nationalisation de Dexia, première étape vers un secteur financier public

    Dexia Banque Belgique est actuellement aux mains de l’Etat belge. La France a aussi repris une partie de Dexia, et le reste est placé dans une ‘‘bad bank’’. Début octobre, l’Etat danois a repris la banque Max et l’Etat grec la banque Proto. Ces interventions des gouvernements sont une expression de l’énorme nervosité qui règne dans les milieux économiques et politiques partout en Europe. Certains disent même qu’il faut une intervention européenne coordonnée pour sauver le secteur bancaire avec une injection de 200 milliards d’euros, de l’argent de la collectivité bien entendu.

    Dossier, par Bart Vandersteene

    En un weekend, le gouvernement belge a trouvé quatre milliards d’euros pour acheter Dexia Banque Belgique. Selon le premier ministre Yves Leterme et le ministre Reynders, cela ne va rien coûter aux contribuables. Dexia doit immédiatement payer une prime de 270 millions d’euros pour la garantie destinée à la ‘bad bank’, tandis que les intérêts annuels pour le prêt de 4 milliards sera de ‘seulement’ 160 millions d’euros. Bien sûr, ils passent très vite sur le fait que les 4 milliards empruntés doivent être remboursés. Par ailleurs, le gouvernement a engagé la collectivité pour un garantie de 54 milliards d’euros pour la ‘bad bank’. Cela représente 15% du PIB et environ 5.000 euros par Belge.

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    Est-ce qu’une banque publique pouvait éviter la crise actuelle ?

    Il est illusoire de penser qu’une banque publique qui n’a pas participé à des investissements risqués serait restée debout dans la période qui a précédé 2008. Cette illusion, qui était aussi entrée dans la gauche, suppose qu’une banque avec un taux d’intérêt de 2% sur les épargnes pouvait rivaliser avec les 4 à 6% promis par les autres banques, bien que cela fût fondé sur les grands risques.

    Si une banque publique avait existé, cela aurait été une île au milieu d’un océan de logique capitaliste, et les vagues spéculatives l’auraient immergé. Qui serait resté à la banque publique face au bombardement de propagande des médias et des experts avec leurs projections de rendements attrayants ? La pression aurait été rapidement là complètement s’inscrire dans une logique de spéculation.

    C’est pourquoi le Crédit Communal et la CGER ont été vendus au secteur privé. Les banques publiques ne pouvaient pas répondre de façon adéquate à la vague de spéculation financière néolibérale.


    Qui gère une banque publique ?

    Comment pouvons-nous assurer que la gestion des banques éviter de retourner vers la logique capitaliste, avec des managers dont la tâche est de faire des profits rapides pour gagner des bonus ? Nous plaidons pour que le contrôle et la gestion soient aux mains d’un comité de représentants démocratiquement élus des travailleurs du secteur, des clients et du monde du travail en général. Ces élus ne devraient avoir aucun privilège pour l’exercice de leurs fonctions. Les travailleurs devraient être exemptés de leur boulot pour exercer cette tâche, les représentants des gouvernements sont déjà payés pour leur mandat public.

    Mais ce n’est pas juste une question de nouvelle structure. La nationalisation de Dexia et de l’ensemble du secteur financier devrait faire partie de la construction d’une autre société dans laquelle les profits d’une minorité ne seraient pas centraux, mais bien les besoins de la majorité.

    Ce n’est pas ce que les ‘‘représentants’’ de la collectivité ont défendu au sein de Dexia ces dernières années. Non, ils ont délibérément défendu l’illusion néolibérale que les risques ont été réduits en les répartissant. Ils ont été bien payés pour défendre ces mensonges. Ces représentants ont-ils représenté la collectivité au sein de Dexia, ou plutôt Dexia au sein de la collectivité ? Aucun représentant public chez Dexia – et ils n’étaient pas des moindres avec le président de l’Europe Herman Van Rompuy ou le presque nouveau premier ministre Elio Di Rupo – n’a averti des dangers du secteur. Est-ce que ces politiciens vont maintenant se limiter à une nationalisation de Dexia pour que la collectivité doive payer pour les mauvaises dettes pendant que le privé peut s’en aller avec les bons morceaux pour leurs profits ?

    Une fois que le secteur financier sera dans les mains publiques, le secteur ne peut pas suivre la même voie que les directions précédentes qui étaient toujours inscrites dans la logique du capitalisme. Le secteur doit être mis sous le contrôle direct et la gestion des travailleurs et des clients. Cela devrait permettre de s’assurer que le secteur bancaire et de crédit joue un rôle socialement utile.


    Nous demandons que :

    • Tous les représentants politiques au sein du conseil de Dexia remboursent leurs honoraires pour les 10 dernières années
    • Tous les bonus pour les managers, comme Mariani, soient récupérés
    • Que Dexia soit enfin complètement placé aux mains du public
    • Un audit public soit réalisé sous contrôle ouvrier pour déterminer quels actionnaires et détenteurs d’effets ont droit à une indemnité équitable au nom de la collectivité
    • Les livres de toutes les banques soient ouverts
    • Le secteur dans son ensemble soit mis dans les mains du public
    • La gestion de ce secteur et son contrôle soient effectués par un comité élu composé de représentants élus des travailleurs, des clients et du monde du travail en général
    • Il faut rompre avec le capitalisme qui démontre de plus en plus sa faillite. Il faut commencer à construire une alternative socialiste dans laquelle les besoins et les désirs de la majorité de la population sont centraux.


    Tous complices

    Qui sont les représentants de la collectivité qui étaient supposés nous représenter au conseil d’administration de Dexia? Aperçu de quelques complices…

    Le président du conseil d’administration est Jean-Luc Dehaene, député européen du CD&V. Francis Vermeiren n’est pas seulement maire de Zaventem pour le VLD mais aussi président du Holding Communal (46.000 euros par an) et administrateur chez Dexia (pour un montant similaire). Plusieurs politiciens ont fait partie du conseil d’administration de Dexia. Parmi eux se trouvait le président européen Herman Van Rompuy.

    Une petite liste des politiciens qui ont été membres du conseil d’administration de Dexia ces dernières années :

    • PS: Marc Deconinck, Elio Di Rupo,
    • CDH: Benoît Drèze, Jean-Jacques Viseur
    • MR: Antoine Duquesne, Serge Kubla.
    • SP.a: Frank Beke, Patrick Janssens, Jean Vandecasteele, Geert Bervoets
    • Open VLD verres Louis, Francis Vermeiren, Patrick Lachaert, Karel De Gucht, Rik Daems, Jaak Gabriels
    • CD & V: Wivina Demeester, Herman Van Rompuy, Tony Van Parys, Luc Martens, Jef Gabriels, Stefaan Declerck

    Dehaene: politicien ou homme d’affaires ? Ou est-ce le même?

    Yves Leterme s’est trompé quand il a été à la radio en parlant de Dehaene comme un ex-politicien. Le poids lourd du CD&V est toujours eurodéputé, ce qui représente un salaire mensuel de € 6.080 ajouté aux 4.500 euros de frais et d’indemnités de voyage.

    En tant que président de Dexia, Dehaene a reçu une indemnité de 88.000 euros par an (hors primes et bonus). Au conseil d’administration d’Inbev, il recueille € 79.000, chez Umicore € 33.000, chez Lotus € 17.500, … A la FIFA, il reçoit € 70.000 par an. Ce montant a été récemment doublé en raison d’une pression de travail élevée. Ces revenus comptent pour environ 30.000 par mois. Rembourser ce qu’il a reçu de Dexia ne sera donc pas un grand problème pour Dehaene.

    Jean-Luc Dehaene est officiellement de l’aile du Mouvement Ouvrier Chrétien du CD&V. Les membres du MOC (y compris les membres d’Arco) pensent-ils que les intérêts des travailleurs sont bien défendus par de tels représentants ?
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    Pour des logements abordables, un enseignement gratuit et de qualité, des soins de santé,… il n’y a jamais de garantie de l’Etat. Pourquoi le problème des listes d’attente dans les soins de santé n’est-il pas résolu en un weekend en donnant les moyens adéquats ? Pour les banquiers et les spéculateurs, les politiciens trouvent facilement de l’argent en ‘un weekend de courage politique’. Mais pour les manques qui frappent la majorité de la société, il n’y a pas de moyens.

    La collectivité perd

    La décision de scinder Dexia a de lourdes conséquences. Cela est évident rien qu’au regard de la liste des principaux actionnaires:

    • Arco, le holding du Mouvement Ouvrier Chrétien, contrôle 13% des actions
    • Le Holding Communal : 14%
    • L’association d’assurance Ethias : 5%
    • Les gouvernements régionaux : 5,7% et le gouvernement fédéral : 5,7%

    Non seulement les grands actionnaires privés connaissent une perte de valeur, mais tous les niveaux de gouvernement et même la coopérative du mouvement ouvrier chrétien vont payer le prix fort pour avoir rejoint l’idéologie néolibérale avec le casino de Dexia.

    La perte de valeur pour le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux est de 2 milliards d’euros. Pour les 700.000 membres de la société Arco, une solution sera développée correspondant à la garantie de l’Etat pour les comptes d’épargne. La perte du Holding Communal, en théorie, doit conduire à la faillite. Il est possible que les régions et le gouvernement fédéral interviennent pour le maintenir à flot. Mais, pour les communes, cela signifie de toute façon un gouffre financier. Il y a la disparition des dividendes (en 2008, il s’agissait de 8,5 millions d’euros pour Anvers) et aussi la perte de valeur du Holding Communal. Ce holding avait acheté ses actions Dexia à 8,26 € alors que leur valeur boursière a chuté à moins de 1 euro. La collectivité va payer un prix élevé, la seule discussion est de savoir quel niveau va supporter quelle partie du prix.

    Enfin, le gouvernement a également engagé la collectivité pour 54 milliards d’euros pour la ‘bad bank’. Si quelque chose va mal – et le nom de ‘bad bank’ indique que le risque est grand – la collectivité intervient. Parmi les 200 milliards d’euros d’actifs dans cette ‘bad bank’, il y a 12 milliards d’euros en obligations des gouvernements d’Europe du Sud et 7,7 milliards d’actifs toxiques. Comme le dit l’économiste Van de Cloot (Itinera): ‘‘S’il y avait seulement de bons morceaux, pourquoi faudrait-il une garantie du gouvernement ?’’

    Les agences de notation vont bientôt se pencher sur la solvabilité de la Belgique, qui sera réduite après les garanties que l’Etat a prises en charge. Les belles paroles du gouvernement concernant l’argent que les garanties pour la ‘bad bank’ rapporteront à la collectivité ne sont pas prises au sérieux par les économistes des agences de notation.

    La ‘Bad Bank’ : étape vers un scénario grec?

    Dans le quotidien flamand ‘De Morgen’ le rédacteur en chef Yves Desmet a dit que la ‘bad bank’ est un énorme pari. ‘‘Si ça tourne mal, le gouvernement met la prochaine génération devant une dette semblable à celle de la Grèce ou de l’Irlande. C’est ni plus ni moins que mettre l’avenir en péril.’’

    Un scénario grec en Belgique suite à l’éclatement d’une bulle de spéculation et de crédit, c’est ce que la ‘bad bank’ peut nous apporter. Juste un rappel de ce que signifie ce scénario grec : un doublement du taux de chômage, la chute de moitié du revenu moyen d’une famille grecque au cours des quatre dernières années, une montagne de nouveaux impôts pour les travailleurs et leurs familles, la fin des livres scolaires parce qu’ils ne peuvent pas être payés, 200.000 fonctionnaires en moins,…

    De cyniques journalistes placent la responsabilité de ce scénario grec chez les Grecs eux-mêmes. Steven De Foer du ‘De Standaard’ avait écrit le 7 octobre : ‘‘Cette violence, cette protestation arrogante contre les institutions internationales, cette innocence théâtrale, comme si le Grecs sont justes des victimes. (…) Bien sûr, cela n’a pas de sens de réélire pendant des années des politiciens corrompus et de profiter du travail au noir, du népotisme, de la mauvaise gestion,… et après de venir dire que ce n’est pas de sa faute.’’ C’est vrai que le capitalisme met en évidence les éléments les plus mauvais des gens. Dans le cas d’un scénario grec dans notre pays, ce journaleux s’excusera-t-il pour le rôle joué par son journal dans l’élection des politiciens traditionnels ?

    Qui suit après Dexia ?

    Dexia a ouvert la danse dans cette deuxième phase de la crise financière. Beaucoup l’ont vu venir de loin, mais les responsables ont tout fait pour entretenir l’illusion qu’ils avaient tout sous contrôle. Il y a quelque mois, Jean-Luc Dehaene affirmait qu’il n’y avait aucun problème, pour dire aujourd’hui que Dexia est désormais plutôt un hedgefund.

    La garantie de l’Etat pour la ‘bad bank’ de Dexia (une garantie qui représente 15% du PIB) n’est que le début. Que faire si d’autres banques suivent ?

    Le FMI a estimé, avant l’épisode Dexia, qu’il faut 200 milliards d’euros pour protéger le secteur bancaire contre les conséquences de la crise de la dette dans la zone euro. Combien faudrait-il si, après la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne entre aussi en difficulté ? Tout semble indiquer que nous allons bientôt avoir une vue plus claire sur ce scénario. Combien d’argent public sont-ils prêts à donner pour sauver les richesses, la position de pouvoir des grands actionnaires et les spéculateurs du secteur financier ?

    Gagnants et perdants

    Malgré tout l’argent public consacré au sauvetage des banques en 2008, la même culture de la spéculation et de la cupidité est restée à l’ordre du jour. Le manager de Dexia Mariani avait reçu 1,95 million d’euros en 2009 et, en plus de son salaire régulier, il a encore reçu plus de 1 million d’euros en 2010 en cadeau pour sa retraite de 200.000 euros, avec un bonus de 600.000 euros. L’homme avait sans aucun doute travaillé très dur ? Ses notes de frais à l’hôtel – l’hôtel cinq étoiles ‘Amigo’ à Bruxelles – démontrent qu’il était à Bruxelles en moyenne deux fois par semaine. Et c’est bien sûr Dexia qui payait 185 euros par nuit. Sans doute Mariani et Dehaene vont-ils encore encaisser une prime de départ pour quitter le bateau en plein naufrage ?

    Les politiciens veulent maintenant nettoyer les débris des vautours avec l’argent public. Les débris sont soigneusement triés dans les ‘‘toxiques’’ (lire: les pertes) qui sont pour la collectivité et une partie rentable qui, par la suite, peut être retournée aux mêmes vautours à prix d’ami. Alors que les spéculateurs sont sauvés, nous sommes confrontés à des projets d’austérité dans la sécurité sociale, les soins de santé, les services sociaux et publics, l’éducation,…

    Les principaux actionnaires ont encaissé de gras dividendes des années durant et ont consciemment joué les parasites. Leurs complices dans les médias et la politique ont menti au public et quelques personnes se sont laissé tenter pour placer leurs épargnes et participer à la fête boursière. Cela est maintenant utilisé pour dire que chacun est responsable, y compris ceux qui ont été trompés par cette campagne de propagande massive.

    Les responsables de la spéculation, les principaux actionnaires et les managers, n’ont besoin d’aucune compensation pour l’expropriation par le public. Pour les petits actionnaires, une compensation doit être possible sur base de besoins prouvés. Nous ne voulons pas mettre en encore plus grande difficulté ceux qui avaient espéré compléter leur maigre pension avec le revenu de quelques actions.

    Il faut aussi que l’épargne et les prêts des travailleurs et de leurs familles soient garantis. La société Arco doit être dissoute, avec une compensation pour les 700.000 membres victimes de la participation de la direction d’Arco au casino de Dexia.

    Une alternative socialiste

    La nationalisation complète et définitive de Dexia en tant que première étape vers un secteur financier dans les mains du public avec une gestion démocratique

    La première banque entièrement détenue par l’État est un fait. Le ministre Reynders suggère que Dexia Banque Belgique peut rester dans la propriété publique pendant des années. Le rédacteur du ‘De Standaard’ Guy Tegenbos n’est pas d’accord : ‘‘une banque n’est pas une tâche essentielle pour un gouvernement.’’ Bien protéger l’épargne et l’utiliser pour accorder des prêts à ceux qui veulent, par exemple, investir en achetant une maison ou au gouvernement pour investir dans des travaux publics nous semble bien être une tâche essentielle de la collectivité.

    Le système bancaire et de crédit est trop important pour être laissé aux vautours à la recherche de profits rapides. Il est vrai que cela ne sera pas réglé si ‘nationalisation’ signifie que les banques seraient dirigées par des (anciens) politiciens aux attitudes identiques à celles de leurs copains du privé. Tegenbos écrit: ‘‘Même si l’objectif des administrateurs du gouvernement est d’avoir des services bancaires objectifs, il y aura toujours la tentation de poursuivre des objectifs moins honorables’’.

    Une banque publique ne signifie pas automatiquement qu’elle fonctionne au service de la majorité de la population. Ces dernières décennies, de nombreuses entreprises publiques ont été utilisées comme tremplin pour le secteur privé. Elles étaient sellées avec des achats inutiles, une mauvaise gestion et un agenda destiné à servir un noyau d’élite. Pensons à la mauvaise gestion au sommet de la SNCB, où à la faillite orchestrée de la Sabena, après quoi le privé a pu reprendre le morceau intéressant de Brussels Airlines.

    L’ensemble du secteur financier doit être retiré des mains du secteur privé afin de pouvoir jouer un rôle socialement utile. Faire de Dexia Banque une banque publique ne peut être qu’une première étape pour prendre l’ensemble du secteur hors des mains des spéculateurs.

    Mais un Etat servant les intérêts de l’élite capitaliste n’appliquera pas une telle politique dans les pans de l’économie dont il est propriétaire. Pour échapper à la logique du libre marché, une banque, une société ou une industrie dans les mains du public doit être placée sous le contrôle démocratique des travailleurs.


    A lire également:

  • L’entièreté du secteur financier aux mains du public!

    Une “Bad bank” pour collectiviser les dettes et sauvegarder les profits?

    La Grèce est en faillite, c’est peu à peu officiel. La note de solvabilité de l’Italie est revue à la baisse. La foi en l’avenir de la zone euro est au plus bas. Le gouvernement belge a opté pour la création d’une ”bad bank” pour y mettre tous les déchets de Dexia. Lors du stresstest européen pour les banques, Dexia s’est retrouvé à la 12e position sur 91 banques, seules 11 banques sont donc mieux préparées face à la crise. Il est possible que cela ne soit seulement que le début d’une nouvelle tournée d’opérations de sauvetage dans le secteur bancaire.

    “Un clou dans le cercueil de la Belgique”

    La valeur des actions de Dexia a chuté hier de 22%. L’occasion de cette baisse était la crainte que Dexia soit exposée dans une large mesure à la dette publique grecque, à hauteur de 3,4 milliards d’euros. Avec également les dettes grecques privées, Dexia est exposée à concurrence de 4,8 milliards d’euros. Une partie des dettes grecques, 21%, a déjà été amortie, mais il est possible qu’il faille faire de même pour plus de la moitié de celles-ci.

    Juste avant l’été, l’agence de notation Moody’s avait expliqué : ”Dexia est le clou sur le cercueil de la Belgique et peut signifier la fin de la zone euro.” L’effondrement de la valeur de Dexia a également de profondes implications pour le financement des villes et des communes qui représentent 14,4% des actions Dexia. Les communes réussiront-elles à reporter les opérations d’économies au niveau local jusqu’après les élections communales de 2012 ? Ces économies, conséquentes au jeu sur les dettes, viendront s’ajouter aux attaques du fédéral et des régions.

    Les spéculateurs et les banquiers ont reçu carte blanche des politiciens

    Dexia est entremêlée à l’establishment politique, et ce n’est pas une coïncidence si Jean-Luc Dehaene (CD&V) en est le président. Lors de la crise financière de 2008, Dexia avait reçu 6 milliards d’euros des gouvernements français et belge. Les communes et le gouvernement, via Dexia, ont participé au capitalisme-casino et ils veulent maintenant nous en faire payer la facture. À tous niveaux, les élus ont fermé les yeux sur les risques pris au nom de la collectivité.

    La direction de Dexia, avec le soutien des gouvernements français et belge, a élaboré un scénario où les activités à risque seraient regroupées dans une ”bad bank” pendant que les‘’ parties ‘saines’ du groupe seraient vendues pour recapitaliser Dexia. Cela signifie en pratique que les pertes sont nationalisées et que les bénéfices sont privatisés. Le Premier ministre Yves Leterme a immédiatement annoncé que le gouvernement belge accorde une garantie d’Etat pour la ”bad bank”. Il serait question de 57 milliards d’euros.

    L’épargne en danger?

    Nombreux sont ceux qui s’interrogent au sujet de la sécurité de leur épargne. Le gouvernement offre des garanties à hauteur de 100.000 euros par client. Hier, 300 millions d’euros ont été retirés des comptes de Dexia. Ce n’est pas encore une panique bancaire, mais cela indique bien que la méfiance et la peur sont grandissantes.

    Il est exact que nous ne pouvons pas accorder de confiance aux banquiers et aux spéculateurs qui jouent avec notre argent. Les politiciens font tout pour nous rassurer, mais que faire si, après la Grèce, l’Italie glisse elle aussi ? Cela signifierait un nouveau coup dur pour Dexia et d’autres banques belges. Le gouvernement peut bien intervenir pour entièrement ‘nationaliser’ Dexia’. Cela pourrait coûter presque 4 milliards d’euros aux contribuables, mais sur un actif total de 247 milliards d’euros (soit deux tiers du PIB belge). Des opérations de cette taille peuvent difficilement être répétées plusieurs fois.

    Les banques aux mains du public !

    Une banque publique avec toutes les mauvaises dettes ne servirait uniquement qu’à collectiviser les pertes pour que les spéculateurs privés puissent sauvegarder leurs profits futurs. Ce n’est pas ce que nous entendons par ‘nationalisation’. Nous plaidons pour que le secteur financier entier soit placé hors de portée des spéculateurs et des banquiers pour être mis sous contrôle public.

    Comme nous l’avons écrit sur la première page de l’édition d’octobre de notre journal : ”Si nous voulons stopper la dictature des marchés et faire jouer au secteur financier un rôle utile à la société, nous devons reprendre ce secteur hors des mains des requins de la finance et le placer sous contrôle public, non pas pour que les ménages supportent les conséquences de leurs actes, mais pour en finir avec ces spéculateurs qui veulent nous dicter nos conditions de vie. Cela fait partie de la lutte pour une société où les intérêts de la majorité de la population seront centraux.”

    Nationaliser le secteur entier

    Ces dernières années, les grands actionnaires ont reçu dividende après dividende. Les managers ont été récompensés avec des bonus gigantesques. Maintenant qu’ils sont trop grands, les risques doivent êtres repris par les contribuables. C’est une illusion de penser que cela ne nous coûtera rien, comme Leterme le suggère. S’il ne s’agissait pas de crédits problématiques, il y aurait aucune raison pour que le gouvernement les reprenne.

    Au lieu de nettoyer le secteur peu à peu pour le rendre ensuite aux mains des mêmes charognards, le secteur complet doit venir aux mains du public. Les grands actionnaires ne doivent recevoir aucune indemnisation. Ils ont profité assez longtemps du système en parasites. Pour le petit actionnaire, convaincu de placer sont épargne sous forme d’actions dans le secteur financier par une propagande massive, une compensation doit être prévue sur base de besoins prouvés.

    Une fois le secteur financier dans les mains du public, il ne doit pas suivre la même voie que les anciennes banques où les autorités constituaient les actionnaires les plus importants et qui fonctionnaient totalement dans le cadre de la logique du capitalisme. Le secteur doit être placé sous le contrôle et l’administration directs des travailleurs et des clients. Cela doit permettre d’assurer que les banques jouent un rôle socialement utile : assurer notre épargne et permettre des emprunts payables.

    A la place d’être géré par des topmanagers grassement payés, le secteur doit être géré par un comité élu composé de représentants des employés, des clients et du mouvement ouvrier. Ces élus ne doivent avoir aucun privilège lié à leur fonction. C’est la seule façon d’éviter que ces représentants, par le biais de diverses subventions et primes, soient soudoyés pour aller contre les intérêts de la population.

    Le système est malade

    La nouvelle crise bancaire est la conséquence de la nouvelle phase de la récession qui, depuis 2007-08, a la mainmise sur l’économie mondiale. Ces dernières années, le capitalisme a testé toutes sortes de mesures pour y faire face. Tous les remèdes, des mesures de stimulus aux économies –dures, ont échoué. Le capitalisme est très gravement malade, une aspirine n’y changera rien. Le mouvement ouvrier doit aller à l’offensive pour défendre ses intérêts. Sur les plan syndical et politique, nous devons lutter pour que le secteur des banques et du crédit soit placé dans une institution publique forte, en tant que partie d’une politique de relance socialiste.

  • Assainir 22 milliards d’euros d’ici 2015

    Parmi les négociateurs, l’unité règne pour dire qui va payer, mais pas sur la méthode

    Au moment de boucler ce journal, personne ne savait encore ce qui allait bien pouvoir figurer dans la note de Di Rupo. Un chiffre se dégageait toutefois, celui de 22 milliards d’euros à assainir pour 2015. La seule chose que Di Rupo a laissé entendre, c’est qu’il cherche à trouver un équilibre 50/50 entre augmentations des revenus et diminutions des dépenses. La N-VA et les libéraux (des deux côtés de la frontière linguistique) ont alors lancé l’offensive : pour eux, l’accent doit être mis sur l’effort dans les dépenses. Di Rupo se donne un air plus ‘‘social’’, sans avoir précisé où il allait chercher ces nouveaux revenus et quelles dépenses allaient passer à la trappe…

    Par Anja Deschoemacker, article tiré de l’édition de juillet-août de Lutte Socialiste

    Les différences de style dans le paysage politique belge sont bien connues. La N-VA, l’Open VLD et le MR veulent instrumentaliser la crise pour passer à la vitesse supérieure avec la politique néolibérale. Le modèle allemand, avec son augmentation gigantesque du secteur des bas salaires, les rend jaloux, tout comme les petits et moyens patrons de l’Unizo et du Voka. Ce n’est pas non plus une coïncidence si Bart De Wever a eu du succès lors de son passage au cercle patronal wallon le Cercle de Wallonie (le 30 novembre 2010).

    Les patrons wallons auront surtout apprécié cette partie : ‘‘Lorsque les Flamands (pour De Wever, les syndicats n’existent pas en Flandre, alors qu’ils comprennent plus de membres que tous les partis flamands mis ensemble !) disent que nous devons prendre l’exemple de l’Allemagne, où le travail intérimaire a été assoupli, les allocations de chômage réformées, des mesures prises afin de contrer la flambée des coûts du travail et où le gouvernement a introduit des réformes difficiles mais nécessaires, la majorité de la Wallonie se cabre une fois de plus et dénonce des bains de sang sociaux !’’

    Quelle douce musique aux oreilles des partis libéraux ! Les autres partis sont moins ouvertement sur cette ligne, mais c’est largement leur politique qui a introduit modération salariale, démantèlement de la sécurité sociale, privatisations et libéralisations des services publics.

    Au début de l’ère néolibérale, les partis bourgeois ont vite compris qu’une politique de confrontation directe avec les syndicats a souvent un effet contreproductif. La tactique du salami s’est donc imposée comme stratégie privilégiée, une tactique assurant graduellement – mais structurellement – le démantèlement et l’érosion de l’Etat-providence d’un côté et l’augmentation des profits des grandes entreprises de l’autre.

    N’entretenons aucune illusion ! Le PS lui aussi ne reviendra en aucune façon sur la baisse des contributions patronales à la sécurité sociale. A l’instar des autres partis, il souhaite qu’elles baissent encore, probablement plus particulièrement pour les bas salaires. Quant aux ‘‘revenus alternatifs’’ pour la sécurité sociale qui seront alors nécessaires, on ira les chercher chez ‘‘tout le monde’’, surtout dans les salaires nets des travailleurs.

    La presse flamande a attaqué Di Rupo lorsqu’il a défendu l’indexation et l’actuel âge de la retraite contre les recommandations européennes, mais Yves Leterme lui aussi a défendu l’index avec des termes identiques il y a quelques mois. Il ne faut cependant pas s’attendre à ce qu’ils reviennent sur l’index-santé (une manipulation de l’indexation qui assure que le pouvoir d’achat des salaires et des allocations diminue, même malgré l’indexation). A un certain moment, au contraire, le CD&V/CDH et le PS/SP.a accepteront une nouvelle ‘‘adaptation’’ de l’index.

    Ces deux principaux courants – ceux qui veulent immédiatement provoquer la casse sociale et à entrer en confrontation avec les syndicats ainsi que ceux qui prévoient des ‘‘sangsues’’ qui font leur boulot tous les jours, mais qui font moins de bruit au début – n’offrent pas de perspectives agréables.

    Préparons nous à lutter contre ces deux stratégies. Dans les syndicats, il est urgent de briser les liens que la direction continue à entretenir avec des partis qui n’ont à offrir aux travailleurs qu’une dégradation continue de leurs conditions de vie. Leurs partis frères en Grèce, en Espagne et au Portugal indiquent ce à quoi nous devons nous attendre lors d’une nouvelle phase de la crise financière ou économique, ce qui n’est pas à exclure pour la Belgique.

  • Si nous ne voulons pas payer pour la crise : Il est temps de descendre dans la rue

    Il semble qu’il ne reste que l’option d’élections anticipées qui soit capable d’offrir une issue à l’impasse que les partis politiques ont eux-mêmes créée. Plusieurs mois de négociation n’ont pas semblé avoir d’impact négatif sur le pays. Dans cette période, la croissance économique belge est passée de 0,4% (attendu lors de l’élaboration du budget fin 2009) à 2,1%. Le déficit budgétaire est quant à lui passé de 6% en 2009 à 4,8% en 2010. Il en faudrait moins pour se permettre une nouvelle ronde communautaire. Mais cette situation ‘favorable’ n’était dans la crise qu’une petite pause au cours de laquelle la Belgique a surfé sur la croissance économique de l’Allemagne, plus forte et vers où se dirige une bonne part de l’exportation belge.

    Par Bart Vandersteene, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    ‘Les marchés’ règnent sur le pays

    ‘Les marchés’ ont la Belgique dans le collimateur, cette pression externe a ramené De Wever & Co autour de la table de négociation. “Nous devons rassurer les marchés,” répète-t-on partout. Le Roi a ainsi demandé au premier ministre démissionnaire Yves Leterme d’épargner cette année 4 milliards d’euros sur le budget, plus que prévu, pour prouver ‘aux marchés’ que la Belgique peut commencer à appliquer l’austérité même sans nouveau gouvernement.

    Le chômage et la pauvreté croissante sont bien loin de procurer des nuits blanches ‘aux marchés’ et à nos politiciens, au contraire de leur capacité à continuer à garantir les superprofits pour les riches.

    C’est pourquoi il faut couper dans le budget, pour calmer des ‘marchés’ souvent présentés comme une donnée neutre, anonyme. Mais la réalité les montre simplement tels des charognards capitalistes avides de faibles proies sur le dos desquelles plus de profits peuvent être réalisés. Obéir ‘aux marchés’ signifie accepter leur dictature, et pas un seul parti présent au Parlement ne veut y changer quoi que ce soit. Mais ça ne signifie pas pour autant que c’est impossible.

    ‘‘You can’t buck the market’’ (tu ne peux rien faire contre le marché), proclamait Margaret Thatcher il y a 30 ans. Sous son impulsion en tant que premier ministre de Grande-Bretagne, un changement politique important s’est opéré : tout ce qui était aux mains du gouvernement a été privatisé. Le marché libre était destiné à régner sans restriction, avec en conséquence un gigantesque transfert de richesses des pauvres vers les riches. La destruction de l’Etat-providence s’est accompagnée de bénéfices illimités pour les riches. Cette politique est précisément à la base de la crise économique actuelle, dont on nous dit qu’elle nécessite des années d’austérité sévères pour au final se retrouver abandonner dans une société fondamentalement autre.

    Prendre la rue !

    Les syndicats, les mouvements sociaux, et la gauche conséquente doivent se réunir autour d’une plateforme d’action claire: ne pas payer pour leur crise, retirer le secteur financier des mains des requins capitalistes, défendre la sécurité sociale, instaurer un salaire minimum de 2.000 euros bruts/mois, supprimer la Déduction des Intérêts Notionnels, appliquer un impôt sur les fortunes (pour les fortunes supérieures à un million d’euros),…

    Un tel programme combatif pourrait compter sur un grand enthousiasme parmi la population. Finalement, les discussions communautaires seraient réduites à leur juste proportion et les organisations patronales comme le Voka, l’Unizo, la FEB et leurs amis ‘des marchés’ recevraient une bonne réponse sous forme de riposte sociale.

    Ce n’est que si la rue commence à sérieusement remuer que les travailleurs et leurs familles, l’immense majorité de la population, pourront mettre tout leur poids dans la balance. Les 4 milliards à assainir cette année ne sont qu’un avantgoût de ce qui va nous tomber dessus : nous devons refuser de les laisser aller chercher cet argent dans nos poches. La suppression de cadeaux fiscaux pour les patrons, comme la Déduction des Intérêts Notionnels, rapporterait au-delà de ces 4 milliards. Mais ce n’est pas ce genre de politique que défendent les partis traditionnels.

    Ne nous laissons pas faire ! Résistons et affirmons clairement : nous ne voulons pas payer leur crise!

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • Evaluation des élections du 13 juin 2010 : La NVA et le PS ensemble pour assainir 22 milliards d’euros

    Ces élections ont marqué une nouvelle étape de la crise politique. Un seul vainqueur côté flamand : la N-VA de Bart De Wever. Côté francophone, c’est le PS qui a cartonné (35,7% au Sénat et 37,5% à la Chambre). Envolée l’euphorie du Didier Reynders de 2007. Quant à la percée d’Ecolo de 2009, elle ne s’est pas confirmée. D’autre part, le Bureau du Plan estime que 22 milliards d’euros d’assainissement budgétaire seront nécessaire pour retrouver l’équilibre en 2015.

    Texte issu du Comité National du PSL-LSP

    Les résultats électoraux n’étaient pas vraiment surprenant. Ces élections étaient la tantième étape du développement d’une crise politique qui a surtout fait surface depuis 2007 mais qui commençait déjà à bloquer le fonctionnement de l’Etat fédéral en 2004.

    En 2004, des partis différents du niveau fédéral sont arrivés au pouvoir dans les gouvernements régionaux, signe révélateur du fait que la position des différents partis bourgeois devenait constamment plus volatile. Sous la direction d’Yves Leterme, le gouvernement flamand a presque directement entamer une guerre contre le gouvernement fédéral, en mentionnant par exemple la scission de BHV dans l’accord gouvernemental flamand (alors qu’il s’agissait d’une compétence fédérale), mais aussi sur base d’un nombre de dossiers liés au marché de l’emploi. Le gouvernement fédéral avait toujours plus une image d’irrésolution, d’un «gouvernement d’annonces» jamais concrétisées à cause de disputes internes…

    Cette volatilité s’est surtout développée en Flandre. L’année 1999 avait constitué une cassure avec le passé : pour la première fois depuis les années ’50, le CVP n’a pas pu prendre la direction du gouvernement. Guy Verhofstadt est monté au pouvoir avec le gouvernement arc-en-ciel, puis une deuxième fois avec le gouvernement viole. En 2004, le CVP (devenu entretemps) CD&V a regagné la direction en Flandre, de même qu’en 2007 au niveau fédéral, mais en cartel avec la NVA, rentrée au gouvernement flamand en 2009 (après la cassure du cartel imposée par le CD&V). Aujourd’hui, le CD&V (le parti de «monsieur 800.000 voix» en 2007) est tombé sous les 20%, pour la première fois de son histoire et il s’en est fallu de peu que Bart De Wever ne répète le score d’Yves Leterme.

    En comparaison, le paysage politique francophone semble être un oasis de sérénité. L’euphorie de Reynders en 2007 est vite retombée. Ce 13 juin, le PS a cartonné avec un double message : se présenter à la fois comme le défenseur des acquis de l’Etat-providence et comme le défenseur des francophones dans les négociations avec les partis flamands. Son soutien électoral illustre un penchant pour la sécurité et la stabilité, le «vote utile» contre la violence flamande et libérale dans le cadre de l’austérité très dure qui frappe partout en Europe.

    La Belgique est-elle dès lors un «pays à deux pays» ? Oui et non. Les médias, les partis politiques et tout un tas d’institutions sont séparées pour les deux grandes communautés, la situation sociale et économique y est différente, mais les partis politiques bourgeois des deux côtés sont tous au service des intérêts de la même bourgeoisie. Finalement, les intérêts de cette bourgeoisie – stabilité, mais aussi renforcement du taux d’exploitation – forcent les partis à parvenir à un compromis, des deux côtés. Même le dirigeant de la NVA, Bart De Wever, recherche une certaine pacification. Selon ses propres termes, il n’est «pas un révolutionnaire» et la décomposition de la Belgique n’est selon lui pas un processus révolutionnaire, mais bien un processus évolutionnaire dans le cadre du développement de l’unification européenne. Il continue visiblement à croire en une perspective d’unification européenne approfondie sur base capitaliste. Il n’est pas certains que toutes ses troupes sont sur la même ligne mais, pour le moment, Bart De Wever est le roi, y compris vis-à-vis de ses propres rangs.

    Victoire la NVA – un nouveau «parti populaire» en Flandre ?

    Quelle est la stabilité de la position dirigeante de De Wever ? La NVA peut elle remplacer le CD&V comme l’instrument le plus important de la bourgeoisie ? Non. La NVA est un petit parti petit-bourgeois qui représente l’opinion des petits patrons flamands et entre autres «le bons sens» qui dit que quand les choses vont moins bien en Flandre, il faut arrêter de subventionner «la politique socialiste» en Wallonie. Mais il s’agit aussi de la volonté de se débarrasser de certains mécanismes de protection sur le marché de l’emploi (voire de tous), sans trop se soucier de l’impact de ces mesures en termes d’approfondissement de la crise du capitalisme. La NVA combine les revendications de l’organisation patronale flamande Voka – un nationalisme flamand rationnel et chiffré, basé sur l’égoïsme économique – avec une aile plus romantique de nationalistes flamands historiques.

    Il y a une différence entre ces deux ailes. Pour la première, le plus important est une réforme d’Etat socio-économique conduisant à une exacerbation de la concurrence entre régions. Pour la deuxième, il s’agit surtout de dossiers linguistiques ou symboliques. L’échange entre une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité (ce sur quoi le PS serait préparé, selon un article de De Standaard basé sur des déclarations anonymes d’un intime de Di Rupo) et certaines concessions de la Flandre dans le cadre du dossier BHV, du financement de Bruxelles et sans doute aussi dans la réforme d’Etat (entre autre le maintien d’une sécurité sociale nationale) est beaucoup moins évident à avaler pour le deuxième groupe que pour le premier.

    La question à poser est la suivante: Bart De Wever est-il prêt à utiliser sa nouvelle position de force afin de servir les intérêts de la bourgeoisie belge ? Si ce n’est pas le cas, nous allons droit vers une période de pourrissement de la situation, une période de chaos et d’instabilité où la Belgique sera constamment plus dans le collimateur des spéculateurs. Cela donnerait le prétexte aux partis bourgeois, avec les verts, pour prendre les choses en main avec un gouvernement d’unité nationale incluant les verts si nécessaire. Dans ce cas, les médias feront tout pour faire porter le chapeau à la NVA et la présenter comme la responsable de la crise tout en soumettant Bart De Wever au même calvaire médiatique qu’Yves Leterme : passer de héro à zéro.

    Les premiers développements – juste avant les élections déjà, mais aussi les jours après – semblent montrer que Bart De Wever est effectivement prêt à servir la bourgeoisie belge: accepter un premier ministre francophone, déclarer que la réforme d’Etat sera basée sur un compromis, assurer que la NVA n’aspire pas à une décomposition du pays à court terme,… La question est alors : peut-il convaincre son parti et sa base ? La véritable question est : combien de temps faudra-t-il pour que Bart De Wever se soumette au calvaire d’Hugo Shiltz ? Avec le Vlaams Belang qui va attaquer chaque concession et les nationalistes flamands déchainés au sein même de la NVA, le travail de sape peut commencer très tôt même si, dans un premier temps, il ne sera pas fort visible à cause du triomphe de De Wever et des concessions qu’il est capable d’obtenir du PS. Ces concessions vont devoir être substantielles pour ne pas être confronté de ses propres remarques du passée sur le «poisson gras» (à obtenir pour la Flandre) et les «cacahuètes» (qu’il fallait au contraire éviter).

    A côté de cela, son parti sera également responsable du plan d’austérité demandé par la bourgeoisie pour les années à venir. Si la coalition la plus probable actuellement devient réalité – la «coalition calque» avec les partis des gouvernements régionaux, qui rejette les partis libéraux dans l’opposition – son parti serait en effet la composante la plus à droite dans ce gouvernement, celle qui va devoir pousser le plus pour les assainissements et moins d’impôts.

    Il est très peu probable que la NVA soit capable de répéter une deuxième fois son score du 13 juin, que cela soit après une formation et une participation gouvernementale “réussie” ou après une formation “non réussie”. Ce parti ne dispose pas de la large assise dans la société et des nombreux relais dans «la société civile» qui ont permis au CD&V de se rétablir après son déclin de 1999. Sa base électorale est quasi totalement nouvelle et provient de tous les partis – le développent et le déclin ultra-rapide de la LDD illustre à quel point ces votes peuvent repartir aussi vite qu’ils sont venus.

    Il est moins facile de prédire qui va reprendre les affaires en main une fois terminée l’illusion De Wever. Tout le monde reconnait que les 30% de suffrages pour la NVA ne sont pas une expression de soutien pour le programme de la NVA. Cela exprime surtout que l’électeur – après que chaque parti flamand et institution flamande lui ait dit et répété qu’il faut une réforme d’Etat pour garantir la sauvegarde du bien-être – a voté pour le parti, et surtout pour la personnalité, qu’il pensait le plus apte à concrétiser cette réforme d’Etat. De toute façon, il n’y avait pas d’autre alternative. Vers où vont se diriger toutes ces voix une fois qu’il est clair que De Wever ne pourra pas apporter de solution face aux problèmes socio-économiques ?

    Une certaine recomposition du paysage politique flamand s’impose pour pouvoir assurer une stabilité. Le CD&V à nouveau rebondir après le score de ces élections, historiquement le plus bas, mais un retour à sa position passée de valeur sûre seule à décider avec qui former un gouvernement est presque impossible. Le SP.a non plus n’est pas capable de prendre la direction, c’est un partenaire de coalition, pas un dirigeant. Quant à l’Open VLD, il va essayer de rétablir son aile droite (tant dans le cas d’une «coalition calque» que dans le cas d’une coalition d’unité nationale), mais les rêves de parvenir à être un «parti populaire» sont de l’ordre du passé. Groen n’est pas réellement considéré, et le parti vert n’est cité que comme «dépanneur» et en conséquence de son lien avec Ecolo. Après une éventuelle période chaotique avec Bart De Wever, ces partis pourraient jouer sur l’argument de la «stabilité» et obtenir ainsi une certaine restauration de leur soutien. Mais si la victoire du NVA démontre bien quelque chose, c’est qu’en Flandre, tous les partis traditionnels sont discrédités jusqu’à l’os.

    Le PS cartonne en Wallonie – Un modèle de stabilité?

    Les partis traditionnels flamands ne peuvent même pas rêver d’un tel score – un tel soutien électoral, c’est de l’ordre du passé pour eux. Ce score montre que le PS est le seul parti bourgeois qui a réussi à maintenir une position d’autorité en tant que défenseur de l’intérêt général. C’est évidemment un parti bourgeois étrange, un parti qui s’est imposé à la bourgeoisie comme le seul capable de maintenir un contrôle sur le mouvement ouvrier socialiste dans son bastion – la Wallonie – et de lui faire avaler les assainissements.

    C’est ce rôle que le PS a joué (avec le SP.a) au cours du Plan Global. Elio Di Rupo s’y réfère d’ailleurs plusieurs fois, notamment quand il affirme que le PS est contre une politique d’austérité libérale, mais qu’il est capable d’assainir. Il se réfère alors lui-même au Plan Global, le plus grand plan d’austérité structurel de l’histoire de la Belgique. «Structurel», car ce plan a un effet d’assainissement permanent, comme avec la norme salariale et l’index-santé (deux des mesures du Plan Global) qui assurent que nos salaires représentent moins d’année en année.

    Il ne faut avoir aucune illusion: le PS veut assainir et va assainir. C’est une question d’emballage. Aux termes de «plan d’austérité», le PS préfère des termes comme «Pacte Social bis» (qui semblent indiquer qu’il s’agit d’une amélioration et non pas d’une détérioration), dans lequel une érosion ultérieure des revenus de la sécurité sociale est compensée par une «Cotisation Social Généralisée» (ce à quoi appelle d’ailleurs CSC et FGTB!).

    Le PS est un parti bourgeois particulier, un parti qui s’est toujours caché derrière “le CVP” ou “les flamands” et derrière l’Europe (ce que font tous les partis bourgeois belges) pour masquer leur responsabilité dans la politique asociale. Cette fois-ci, le PS a mené campagne sans parler des 22 milliards euros d’assainissements qui, aux dires du Bureau du Plan, sont nécessaires pour obtenir l’équilibre budgétaire en 2015 (les autres partis francophones ont adopté la même attitude, à l’exception du Parti Populaire ultra-néolibéral de Modrikamen). Mais cet objectif est néanmoins accepté par le PS au gouvernement fédéral (et il en va de même, indirectement, avec le CDH et Ecolo au niveau des régions). Maintenant, le programme électoral du PS va pratiquement entièrement disparaître à la poubelle, ou peut-être dans une armoire afin de pouvoir ressortir aux prochaines élections, où le PS affirmera qu’il a bel et bien défendu ces revendications sans arriver à convaincre ses partenaires gouvernementaux.

    Le carton du PS a bien des similitudes avec les 800.000 voix de Leterme en 2007, qui exprimaient la recherche de stabilité et de valeurs sûres. C’était une phase du développement de la crise politique, économique et sociale qui était dominante à ce moment. Aujourd’hui, en Flandre, cela a été remplacé par la volonté de changement qui, faute d’une alternative ouvrière crédible, s’oriente vers la formation petite-bourgeoise la plus remarquable et crédible du moment. Le PS, lui aussi, ne parviendra pas à maintenir cette victoire de façon permanente. Avec Elio Di Rupo comme premier ministre, le tour de passe-passe du PS – «le parti d’opposition au gouvernement» – sera beaucoup plus difficile à reproduire. Dans une «coalition calque», Elio Di Rupo est presque certain de devenir premier ministre. Mais même dans le cas d’une coalition d’unité nationale, la seule alternative si la formation d’un gouvernement calque échoue, Di Rupo serait presque incontournable comme premier ministre.

    Ce nouvel épisode pourrait alors constituer un point tournant du développement du PS, un point où la perte graduelle de sa position de force (qui a précédemment conduit à la victoire du MR en 2007 et aussi à la montée du parti petit-bourgeois Ecolo comme joueur sérieux – au moins temporairement) abouti à une position beaucoup plus précaire comparable, mais pas tout à fait, à l’affaiblissement du CVP/CD&V en Flandre. Ce n’est pas tout à fait comparable car au PS, il y a aussi l’élément de la bourgeoisification qui joue. Cette bourgeoisification a totalement abouti au niveau interne, mais le PS a pu jusqu’à présent préserver sa position électorale ainsi que, dans une mesure sans cesse moindre, son image dans la classe ouvrière wallonne. Avec le PS comme partenaire dirigeant de la coalition, ces illusions peuvent être rapidement brisées, certainement au vu des critiques déjà très dures présentes dans les milieux syndicaux à l’encontre du PS.

    Les libéraux dans les cordes – une famille politique bourgeoise en réserve à l’opposition

    Pour la bourgeoisie, c’est un des grands avantages d’une coalition calque. Les deux partis libéraux peuvent bien traverser une crise interne, ce sont tous les deux de loyaux serviteurs de la bourgeoisie. Ce scénario offre une protection relative contre le développement ou le renforcement d’une autre formation petite-bourgeoise, en conséquence de l’affaiblissement à venir de la NVA. Le candidat le plus probable pour profiter de cet affaiblissement est le Vlaams Belang, un problème bien plus grand que la NVA ou la LDD pour la bourgeoisie belge. La NVA et la LDD sont des formations petite-bourgeoises sur lesquelles la bourgeoisie n’a pas une influence directe et dominante, mais ces partis ne traduisent pas leurs éventuels points de vue radicaux (sur le plan social et communautaire) en action radicale.

    La NVA n’est pas “séparatiste” d’une façon dangereuse pour la bourgeoisie. Une décomposition de la Belgique dans l’Europe comme processus plus ou moins naturel accompagné de compromis, c’est une toute autre chose qu’une déclaration d’indépendance de la Flandre unilatérale, ce à quoi appelle le Vlaams Belang. En principe, la NVA et la LDD peuvent être achetés avec des postes pour ensuite être «gouvernés à mort», comme cela s’est passé déjà produit avec succès dans le cas de la défunte Volksunie et du FDF. Mais il est impossible d’intégrer le Vlaams Belang dans un gouvernement sans provoquer des troubles profonds dans la société.

    Y a-t-il une possibilité de compromis concernant BHV, une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité structurel?

    y a-t-il possibilité d’un compromis sur tout cela entre Elio Di Rupo et Bart De Wever? La presse, qui la veille des élections encore parlait de l’incompatibilité de ces deux-là, semblait penser 24 heures plus tard que ce serait «difficile, mais faisable». A entendre les déclarations publiques de De Wever et Di Rupo, ils semblent être d’accord.

    Nous avons toujours affirmé que les partis traditionnels peuvent arriver à un tel accord parce qu’ils veulent avant tout exécuter le programme de la bourgeoisie – les divergences d’opinion portent sur la manière de faire (à côté des intérêts de carrière personnelle des politiciens en question). Nous verrons dans les semaines et mois à venir si Bart De Wever est lui aussi prêt à presque tout pour servir la bourgeoisie. Mais le pouvoir est une force d’attraction importante : les multiples postes qui pourraient tomber dans les mains de la NVA sont difficiles à refuser.

    Evidemment, Bart De Wever connait mieux que n’importe qui l’histoire du mouvement flamand dans ces relations avec l’Etat fédéral. Mais la NVA se trouve prise en étau. Si la NVA joue le rôle de «sauveur de la patrie» avec le PS en concluant un nouveau compromis (quelque peu) durable sur les relations entre structures fédérées, un compromis où la régionalisation de compétences et le renforcement de l’autonomie fiscale sera compensé par des mesures renforçant la cohérence fédérale (sinon, il n’y a pas de compromis possible avec les partis francophones et la formation de gouvernement échouera). Cela fera des dégâts dans son soutien stable, nationaliste flamand, et peut même à terme mener au départ de certains nationalistes flamands (et peut-être même à court terme, surtout au vu du fait que des développements prennent parfois place de façon ultra-rapide aujourd’hui). Par contre, si la NVA conserve cette base et ses principes, elle devra dans quelques mois faire face à une attaque d’ensemble des institutions bourgeoises qualifiant la NVA de «provocateur d’instabilité» à un moment de risques économiques énormes. Il n’est pas exclu que la NVA décide quand même de rester de côté faute de concessions suffisantes de la part du PS qui, d’une position très forte, va revendiquer un accord «rationnel» et «équilibré» avec le soutien de la bourgeoisie des deux côtés de la frontière linguistique. Dans ces deux derniers cas, il sera impossible à la NVA de reproduire son score de 30% à de prochaines élections, et Bart De Wever en est conscient.

    La coalition calque est possible pour le PS, mais il parlait dans sa campagne d’un gouvernement d’unité nationale, c’est-à-dire avec le MR. Nous n’avons assisté à aucun duel tel que ceux de 2007 entre les deux partis. Les résultats électoraux offrent d’autres solutions, mais selon quelques messages parus dans la presse, il y aurait toujours aujourd’hui des voix dans le PS pour défendre une coalition avec le MR. Cela offrirait une protection contre les attaques inévitables de la part du MR-FDF lors d’un éventuel compromis sur BHV et la réforme d’Etat. De l’autre côté, la coalition Olivier protègerait plus le PS contre une perte à sa gauche (vers Ecolo et, dans une moindre mesure, vers le CDH par le mécontentement au sein de la CSC et du MOC) à cause du programme d’austérité structurel qui arrive. Sur base des résultats électoraux actuels, la coalition calque offre plus d’avantages au PS.

    Le PS a laissé des ouvertures pour un compromis. En ce qui concerne BHV, le PS est beaucoup moins concerné que le MR et le CDH, mais une scission pure ne serait pas défendable pour le PS, certainement après l’instabilité politique de ces dernières années. Le PS va revendiquer le maintien de la sécurité sociale nationale, mais aussi un démantèlement «national» de cette sécurité sociale avec la proposition d’Onkelinx (réduction de la part de financement basée sur les charges sur les salaires jusqu’à 50% des revenus de la sécurité sociale) et avec une «Cotisation Social Généralisée», une «solidarité» des meilleures salaires avec les salaires bas, des meilleures pensions avec les plus basses pensions (on parle ici de charité, pas de sécurité sociale). Le PS va aussi vouloir certaines mesures symboliques contre le grand capital et/ou les spéculateurs. De l’autre côté, le PS est partisan d’une régionalisation ultérieure de la politique du marché de l’emploi.

    Nous ne pouvons pas encore prédire quel accord arrivera exactement, nous n’avons en ce moment que quelques pièces de puzzle en main, certaines ayant des chances de faire partie d’un accord. Généralement, nous pouvons dire que le PS est d’accord sur le principe de pousser, au moins partiellement, un programme d’assainissement vers les régions et les communautés.

    Conclusion provisoire

    Le PS et la NVA vont sérieusement tenter de parvenir à un accord. Aucun des deux ne peut se permettre de saboter les négociations avec des revendications impossibles et des ultimatums. Leur réussite est très incertaine, mais pas impossible non plus. Si cette phase se termine sans réussite, le prochain pas le plus probable ne sera pas de nouvelles élections, mais bien une tentative de formation d’un gouvernement d’unité nationale. Si cela échoue aussi, ou si ce gouvernement éclate par tensions internes ou par pression externe, nous arriverons de nouveau à une situation de crise politique absolue, et il n’est pas exclu que de nouvelles élections soient alors organisées. Au vu du fait que le prochain gouvernement devra assainir 22 milliards, selon la bourgeoisie, le prochain gouvernement risque d’être instable, qu’importe sa composition.

    La façon dont ces assainissements sont introduits a un effet important sur leurs chances de réussir. Une coalition calque – avec seulement un parti de droite «pur» au vu des liens du CD&V (et en moindre mesure du CDH) avec l’ACW/MOC et l’ACV/CSC – ne va pas chercher une confrontation rapide et dure avec le mouvement ouvrier, sauf sous une pression extrêmement lourde (p.ex. une éventuelle nouvelle vague de problèmes chez les banques, une spéculation internationale contre les valeurs belges,…). Tous les partis gouvernementaux, sauf la NVA, ont des doutes sur le moment où doit s’arrêter la politique anticrise (entre autres les mesures de chômage temporaire) pour être remplacée par l’austérité. Différentes institutions, comme le gouverneur de la Banque Nationale actuellement, avertissent contre une politique d’austérité trop dure et plaident pour un mélange dans lequel de nouveaux impôts prennent aussi une place importante. Ces partis ne vont d’ailleurs pas faire de cadeaux à la NVA sur ce plan. Si la NVA essaie trop de contrarier cela, une certaine mobilisation de la part de la direction syndicale avec des actions symboliques n’est pas à exclure.

    Généralement, sur le plan social, nous devons nous attendre à un “compromis à la belge”, c’est-à-dire à un accord présenté comme étant «équilibré», dans «l’intérêt général» et dans lequel tout le monde a sa «dose de sucre» (en réalité, il s’agit toujours d’un kilo pour le patronat et d’un grain pour les travailleurs) et qui exige des sacrifices de «tout le monde». Ce compromis devra aussi impliquer tous les joueurs, en d’autres termes, il devra s’agir d’un compromis impliquant étroitement les directions syndicales. S’il y a quand même une pression pour mener des actions généralisées, l’argument selon lequel «l’alternative, c’est le chaos» est déjà tout prêt après cette dernière série d’élections.

    Les assainissements vont être élaborés et appliqués aussi graduellement que possible. Avec une réforme d’Etat, ces assainissements seront aussi partagés entre les différents niveaux de pouvoir. Les gouvernements essayeront ainsi d’éviter toute confrontation dure, simultanée et générale. Dans un premier temps, une lutte généralisée est le moins probable.

    Mais la situation, tant sur le plan politique que sur le plan économique, est spécialement instable. Sous la surface, à côté de la peur de l’avenir, il y a aussi une colère qui peut éclater à n’importe quelle occasion, à n’importe quel moment. Le point faible de la classe des travailleurs est et reste sa direction, ou mieux, son manque de direction. Même si les syndicalistes ont massivement voté pour le PS en Wallonie, cela n’est pas à cause d’illusions concernant le fait que le PS serait «leur parti», mais parce qu’il s’agit du «moindre mal».

    En différents lieux en Wallonie et à Bruxelles, tant le MOC que des centrales syndicales socialistes n’ont pas seulement invité le PS pour des débats, mais ici et là également le PTB et, dans une moindre mesure, le Front des Gauches. S’ils l’ont fait, c’est d’une part parce cela ne constitue pas un danger dans l’ambiance actuelle de la société, mais aussi parce que, dans leurs rangs, de nombreuses critiques s’élèvent contre l’appel traditionnel à voter pour le PS. Avec l’appel de Luc Cortebeeck (le président de la CSC) à voter pour des «partis responsables» (CD&V, SP.a, Groen et même VLD), la direction de la CSC en Flandre montre surtout dans quelle mesure elle est un agent de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Cela illustre aussi à quel point il est devenu impossible pour cette direction d’appeler seulement à voter pour le CD&V, ce qui va aussi offrir des opportunités pour la gauche à l’intérieur de la CSC.

    Le PSL/LSP doit, dans la situation à venir, attentivement suivre les développements à l’œuvre, et surtout être prêt à intervenir lors des développements rapides de la lutte. Un point central sera notre mot d’ordre que les syndicats doivent rompre leurs liens avec les partis gouvernementaux. Les syndicats et les militants syndicaux en lutte ont un rôle fondamental à jouer dans la construction d’une voix politique capable de représenter la lutte, un outil politique indépendant des partis qui ont choisi le camp du patronat depuis longtemps déjà. D’autre part, si la future réforme d’Etat comprend la régionalisation de secteurs/compétences avec beaucoup de personnel, il faudra aussi mener campagne autour de la nécessité de l’unité syndicale au-delà la frontière linguistique et contre de possibles régionalisations de syndicats.

  • Congrès de la FGTB – Quelle réponse syndicale face à la crise ?

    Le Congrès fédéral statutaire de la FGTB vient de se tenir sous le titre “Solidarité contre l’inégalité.” Les défis pour les syndicats sont immenses. Tous les politiciens et observateurs sont d’accord sur le fait qu’après les élections, de dures économies vont devoir être faites, comme dans le Sud de l’Europe. Quelle réponse syndicale nous faut-il ?

    Par un militant FGTB

    700.000 chômeurs – Salaires réels : -1%

    La préparation des négociations autour d’un nouvel Accord InterProfessionnel (AIP) commence tôt cette année. Yves Leterme a déjà prévenu qu’il n’y avait pas de marge pour des hausses salariales. Le Bureau fédéral du Plan parle de perspectives économiques très incertaines à cause de la hausse de la dette publique, de l’instabilité financière et des mouvements de capitaux entre les blocs économiques et l’Union Européenne elle-même.

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    Et sur le plan politique ?

    Les militants syndicaux ne peuvent accorder aucune confiance aux partis traditionnels. Le mercredi 2 juin, au Congrès de la FGTB, Di Rupo et Gennez vont peut-être se limiter à de vagues appels concernant l’emploi et la sécurité sociale mais, en essence, ils approuvent la logique néolibérale de toutes ces dernières années, ils l’ont non seulement soutenue, mais également appliquée.

    Lors de ces élections, la direction de la FGTB wallonne appelle à voter ‘‘pour des partis de gauche’’.

    Voter PS ou Ecolo ferait penser à la situation des tous premiers syndicats, au dix-neuvième siècle. On parlait alors de voter pour les «libéraux progressistes» ou pour les «catholiques progressistes». Cette tactique n’a pas fait avancer d’un iota la lutte pour les droits syndicaux ou pour le suffrage universel.

    Malgré la lutte syndicale héroïque, ce n’est qu’après la création d’un parti ouvrier indépendant sous la forme du POB en 1885 que des avancées ont pu être obtenues. C’est encore sous la pression de la lutte ouvrière et de la progression des communistes que la sécurité sociale a pu être arrachée après la Deuxième Guerre mondiale.

    Si nous voulons aujourd’hui mettre un terme à l’offensive néolibérale du patronat, nous allons devoir lutter tant sur le plan syndical que politique. Un mouvement syndical combatif serait renforcé par l’existence d’un instrument politique, par l’existence d’un nouveau parti des travailleurs.

    Un tel parti des travailleurs ne peut être mis sur pied dans notre pays que s’il s’appuie sur de larges couches combatives du mouvement syndical.

    Le PSL veut apporter sa propre pierre à ce projet, et c’est une idée que nous voulons également diffuser par notre participations aux listes du Front des Gauches aux élections du 13 juin.
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    Même si l’économie de notre pays peut à nouveau enregistrer une croissance de +1,5% en 2010 et 2011, le nombre d’emplois sur la même période diminuerait quand même de 26.000 unités. Les perspectives de la Banque Nationale concernant la croissance économique sont inférieures à cela, avec pour conséquences une forte hausse des pertes d’emplois (89.000 cette année). Selon le Bureau du Plan, le chômage va monter jusqu’à 13,3% et devrait rester à ce niveau jusqu’en 2015 (les prévisions ne vont pas plus loin que cette date). Dans deux ans, il y aurait 77.000 chômeurs en plus, ce qui signifierait qu’on aurait 128.000 chômeurs en plus en 2012 par rapport à 2008. Le nombre total de chômeurs (avec les chômeurs plus âgés qui ne cherchent plus de travail) dépassera l’an prochain le cap des 700.000 chômeurs.

    Si cela ne dépendait que du Bureau du Plan, les salaires bruts en 2011-2012 n’augmenteraient que de maximum 0,6% par an en plus de l’indexation (qui ne représente déjà pas le coût réel de la vie). L’index-santé monterait de 2,9% sur la même période (tandis que les dépenses de consommation des particuliers, elles, augmenteraient de 3,5%). Qui plus est, on parle ici des salaires bruts. Les primes uniques pour le pouvoir d’achat telles que prévues dans l’AIP précédent menacent à nouveau d’être un objet de discussion plutôt qu’une partie acquise des salaires.

    Il faut enfin tenir compte de la hausse de la productivité (en 2010 et 2011, le Bureau du Plan prévoit une hausse totale de +3% de la productivité). Selon le Bureau du Plan, le salaire horaire réel va baisser de 1% dans cette période. La vision optimiste du Bureau du Plan quant à la croissance économique signifie encore une fois que ce sera aux travailleurs de devoir faire toutes sortes de concessions sur leurs salaires. Avec les plans d’économies générales sur les dépenses publiques, les particuliers vont en outre devoir payer pour des services et une infrastructure qui étaient auparavant financés par la société.

    Pour le Bureau du Plan, les salaires doivent être “modérés”, entre autres à cause de la concurrence de l’Allemagne “qui, depuis déjà des années, mène une politique salariale très stricte”. L’accord salarial passé dans le secteur du métal en Allemagne, qui ne dépasse l’inflation que de peu, est une indication de ce qui nous attend ici à l’avenir.

    Une réponse anticapitaliste

    Le capitalisme est un système de production dans lequel seuls les profits d’une petite majorité comptent, et auxquels tout est subordonné. Au fur et à mesure que les profits sont mis sous pression par la crise de surproduction, la bourgeoisie n’a, selon sa propre logique, pas d’autre choix que de lancer une attaque sur les travailleurs en les faisant travailler plus longtemps et plus dur. Nier la crise de surproduction en faisant du profit sur base de la spéculation a donné lieu à l’éclatement de bulles financières, et c’est encore à nous de payer.

    Accepter la logique de ce système, c’est approuver une attaque contre notre niveau de vie. Pour défendre nos intérêts, nous devons nous dresser contre le capitalisme. Le slogan “Le capitalisme nuit gravement à la santé” est correct, mais il faudrait joindre les actes à la parole et, surtout, construire un rapport de forces.

    Plan d’information et de mobilisation

    Ces derniers mois, divers bains de sang sociaux ont été annoncés : Opel, InBev, Carrefour, Godiva,… Là où l’offensive patronale rencontre une résistance conséquente et combative, elle est arrêtée et, parfois même, nous avons pu obtenir des victoires éclatantes. La clé du succès à InBev et un peu plus tôt à Bayer a consisté en la sensibilisation et l’information du personnel, en la solidarité sur le lieu de travail, dans le secteur et au-delà. Si nous menons la lutte entreprise par entreprise ou, dans le cas de Carrefour, magasin par magasin, nous n’allons jamais arriver à quoi que ce soit.

    Pour éviter une défaite dans les discussions autour du statut unique pour les ouvriers et employés, ou dans le cadre des négociations salariales à la fin de l’année, nous devons résister. Le Congrès fédéral de la FGTB pourrait être utilisé pour organiser une campagne d’information et de mobilisation autour de ces dossiers. Ce n’est pas assez de sans cesse organiser en une semaine une action “coup de feu” qui ne conduit nulle part; pour un rapport de forces plus fort, il faut argumenter, informer et mobiliser sur les lieux de travail.

    Nous avons besoin d’une plateforme de revendications concrète qui comprend la défense de nos conditions de travail grâce à la baisse du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, de vrais emplois avec des contrats fixes et un statut unique ouvrier-employé harmonisé vers le haut. Pour pouvoir financer tout cela, il faut mettre un terme aux cadeaux au patronat (qui s’élèvent cette année à 8,9 milliards d’euros), et la fortune des super-riches doit être remise en question. Enfin, pour obtenir un contrôle sur l’économie, les secteurs-clés doivent être placés sous le contrôle et la gestion du personnel.

    Autour de telles revendications, nous pouvons renforcer et construire le mouvement syndical, également parmi les jeunes et parmi les couches les plus exploitées de la population, desquelles on ne tient pas compte aujourd’hui. Qui lutte peut perdre. Mais qui ne lutte pas, a perdu d’avance !

  • Les véritables enjeux de la course au leadership wallon

    Guéguerre entre le MR et le PS

    Souvenez-vous. C’était le soir des élections du 10 juin 2007. Didier Reynders claironnait à qui voulait l’entendre qu’il avait fait « bouger le centre de gravité en Wallonie » après avoir appris que son MR était devenu le premier parti francophone. Et Reynders s’est pris à rêver d’un gouvernement chrétien/libéral – l’Orange bleue – dont il serait l’artisan.

    Par Thierry Pierret

    Un tel gouvernement aurait eu pour tâche de mener une offensive plus résolue contre les travailleurs et leurs familles. Et de clamer bien fort à l’attention des partis flamands qu’il avait déjà réalisé une réforme de l’Etat en mettant le PS hors jeu.

    Mais le CD&V/NVA ne l’entendait pas de cette oreille. Il tenait absolument à sa réforme de l’Etat. A tel point que les négociations se sont enlisées et que l’Orange bleue chère à Reynders a pourri sur pied. Pour « stopper le compteur de la crise » – dixit le Napoléon du MR – Reynders a dû se résoudre à l’impensable: le retour du PS au gouvernement fédéral. Pour justifier cette volte-face, il n’a pas arrêté de dénoncer le « cartel PS/CDH » indécollable. Et de rappeler à plusieurs reprises que la coalition actuelle n’était pas celle de son choix. En coulisses pourtant, Reynders avait pris des contacts pour élargir au MR la coalition PS/CDH à la Région wallonne et à la Communauté française. Cela aurait permis au MR d’être partie prenante du « dialogue de Communauté à Communauté » qui semblait devoir se mettre en place avant le 15 juillet. Et puis patatras! La pseudo-démission d’Yves Leterme a tout remis en cause. Le dialogue de Communauté à Communauté était au point mort.

    Dès lors, Reynders n’avait plus d’autre choix que de renouer avec un discours de rupture. Dans son interview de rentrée au journal Le Soir, il étrille ses « partenaires » PS et CDH au gouvernement fédéral. Il tire à boulets rouges sur le bilan de la coalition PS-CDH à la Région wallonne et va jusqu’à dire que « la Wallonie est au coeur du mal belge ». Il récidive dans une interview à La Libre Belgique des 13 et 14 septembre où il annonce son ambition de faire bouger une seconde fois le centre de gravité en Wallonie lors des prochaines élections régionales. Il y dénonce pêle-mêle les errements de la politique en matière d’enseignement, d’économie, de logement social, d’urbanisme et de gouvernance. Il utilise même le terme infâmant de « politicaille ». Puis il ajoute: « Or nous avons besoin d’un changement profond. Et encore plus si on croit à l’unité de la Belgique. Parce que l’écart qui se creuse entre le Nord et le Sud accroît les tensions, évidemment. Baisser les charges sur les entreprises, qui en a le plus besoin? Mais la Région qui a le plus besoin de créer de l’activité, c’est évident! ».

    Rattraper la Flandre par une politique de dumping fiscal et social : Reynders veut réduire l’écart entre le Nord et le Sud en élargissant celui qui existe entre les riches et les pauvres ! On ne saurait mieux exprimer la vocation antisociale de la réforme de l’Etat envisagée par les partis traditionnels. Il est grand temps de faire “bouger le centre de gravité de la politique” vers le mouvement social autour du pouvoir d’achat.

  • Le cartel flamand butte sur les frontières de leur propre politique

    Ce qui avait déjà été prédit par beaucoup est maintenant arrivé avec environ un an de retard : le cartel CD&V – N-VA s’est scindé plus rapidement que BHV. Ce nouvel épisode du feuilleton politique est le résultat inévitable de la guerre de position communautaire qu’ont connu ces derniers mois et années.

    Par Bart Vandersteene

    Avec le cartel flamand, le CD&V est redevenu après les élections de 2007 la formation politique flamande la plus importante. La crise qui a suivi la défaite électorale de 1999, quand le CD&V avait obtenu seulement 20,54% au sénat, semblait définitivement du domaine du passé. Avec un score de 31,58% au sénat, le parti chrétien-démocrate flamand était le parti traditionnel le plus important et Yves Leterme, qui à ce moment là personnifiait encore la « bonne gouvernance », avait reçu 733.643 voix de préférence. Peu reste aujourd’hui encore debout de cette image, même si le cartel obtient encore dans les sondages presque 30%.

    Le cartel avait déclaré qu’il allait rapidement remettre les francophones à leur place après les élections et réaliser une grande réforme d’Etat. La N-VA suit une stratégie de confrontation qui doit démontrer l’impossibilité du système belge de fonctionner correctement. Ce n’est pas neuf. Par contre, c’était nouveau de voir entrer à ce point dans cette logique le CD&V, le parti de la gestion par excellence pendant des années, afin qu’il redevienne incontournable.

    La rupture a été préparée

    Jusqu’à cet été, Leterme était le fer de lance du cartel flamand et il a lui aussi dû recevoir des coups pour les échecs consécutifs des négociations communautaires. Le nouveau projet de laisser les communautés « dialoguer », a laisser de côté Leterme pour que Kris Peeters puisse se mouiller. Le Premier ministre flamand a donc lui aussi perdu sa « virginité communautaire ».

    Leterme a pu de cette manière pu rester à l’arrière-plan et transférer la crise du gouvernement fédéral au gouvernement flamand. Le SP.a, dans l’opposition au niveau fédéral, n’a pas eu de problème à marcher dans cette nouvelle voie. C’était beaucoup plus compliqué pour la N-VA, car pour tout le monde il était devenu plus que clair qu’arriver à une réelle réforme d’Etat pour juin 2009 via ce dialogue n’était pas possible. La question était donc de savoir si la N-VA allait continuer à participer encore longtemps au gouvernement fédéral et flamand. Le congrès de la N-VA du 21 septembre a sans surprise repoussé les propositions des trois intermédiaires. Les dominos sont alors tombés les uns après les autres : le retrait de la confiance au gouvernement fédéral (duquel la N-VA ne fait plus partie), la crise au gouvernement flamand et l’appel du SP.a et du VLD au retrait du ministre Bourgeois pour arriver à une rupture du cartel.

    Après une année de mortification, le CD&V s’est enfin débarrassé de son partenaire radical. Cela va donner encore beaucoup de choses à discuter dans le CD&V. La N-VA se présentera comme les meilleurs Flamands chez les nationalistes. Et après ? Les partis francophones vont tout les quatre considérer la disparition de la N-VA du cartel comme une victoire et il n’est pas à exclure qu’ils accepteront plus facilement un compromis maintenant que ces séparatistes ont disparu de la table de négociations. Le CD&V argumentera que sa tactique par étape négociées produit des résultats en opposition à la politique de confrontation de la N-VA. Il ne doit pas être exclut qu’il y ait un accord-cadre pour une future réforme d’Etat pour les élections du 7 juin 2009. Il est cependant fortement douteux que BHV et le cas des 3 bourgmestres francophone de la périphérie y figurent.

    Quid de la N-VA?

    Au congrès de la N-VA, une grande euphorie était présente vis-à-vis de la fermeté au niveau des principes, mais elle disparaitra rapidement quand on commencera à réfléchir au sujet de l’avenir. Le parti exclut aujourd’hui de participer à un cartel dans lequel un partenaire au gouvernement fédéral ou régional et l’autre non. L’idée de participer indépendamment aux prochaines élections a la préférence d’une grande partie du cadre du parti, mais cela comporte beaucoup de dangers. Il ne faudra pas longtemps aux souvenirs des élections de juin 2003 de revenir à la surface. A ce moment, la N-VA n’avait dépassé le seuil électoral qu’en Flandre Occidentale pour obtenir un siège (4,85% pour toute la Flandre). Avec un seul parlementaire et aucun sénateur, une solution de rechange a été cherchée et trouvée avec un cartel avec le CD&V. L’importance de ce cartel avait été démontrée fin 2006, quant Jean-Marie Dedecker, après un flirt éphémère, a été mis de côté de la N-VA pour ne pas brusquer le partenaire de cartel.

    Au sein des partis petits-bourgeois comme la LDD ou la N-VA, l’accent est beaucoup plus mis sur le rôle de l’individu. Les personnalités arrogantes et les comptes à régler pèsent par conséquent souvent plus lourdement qu’auprès des partis traditionnels. Même si la N-VA arrive à genoux chez la LDD, il semble improbable que Dedecker donne suite à une proposition de coopération. Sa position est fondamentalement différente de l’époque où la N-VA l’a rejeté au profit du cartel. Maintenant, le parti personnel de Dedecker se trouve au dessus des 10% dans les sondages tandis que la N-VA ne dépasse le seuil électoral dans aucun. La concurrence entre les formations de droite avec à côté de la N-VA la LDD et le Vlaams Belang n’est pas non plus à l’avantage de la N-VA, malgré ses nombreux militants et une base mieux organisée. Une nouvelle défaite électorale, en n’obtenant pas le seuil électoral, peut annoncer pour la N-VA la fin du parti. De Wever est-il préparé à aller discuter avec ses membres de cette perspective ?

    Qu’arrivera-t-il dans les semaines et mois prochains ?

    Sans les sièges de la N-VA, la famille démocrate-chrétienne possède encore 34 sièges, face à 41 pour les libéraux. En échange de la conservation de son poste de Premier ministre, Leterme va devoir payer un prix. Le gouvernement ne dispose même plus d’une majorité parmi les néerlandophones au sein du parlement fédéral. Avec un partenaire imprévisible tel que Didier Reynders, c’est un recette d’instabilité. Mais il sera tenté d’éviter de nouvelles élections avant celles de juin 2009.

    La présidente du SP.a Caroline Gennez dit qu’elle n’est pas prête à dépanner le gouvernement fédéral en formant une tripartite, comme en Flandre. Dans la pratique pourtant, en participant au dialogue entre communautés, le SP.a permet à Leterme de commencer le boulot. L’opposition du SP.a va donc être constructive pour prouver d’être prêt à de nouveau participer à un prochain gouvernement. Il reste donc peu d’autre choix que de laisser Leterme I jusqu’en juin 2009 dans l’espoir d’arriver alors à un accord-cadre au sujet d’une réforme d’Etat.

    Chaque perspective sur la politique doit toutefois tenir compte de la période turbulente sur le plan social qui se trouve devant nous. Les conséquences de la crise économique et de la politique budgétaire peuvent tout gâcher pour Leterme & Co. Une classe ouvrière en marche pour le pouvoir d’achat et le travail va pousser ses revendications au gouvernement alors que selon la logique néolibérale du gouvernement, des assainissement sont nécessaires. Une fois les thèmes sociaux à l’avant-plan, le caractère asocial et néolibéral des partis au gouvernement sera clair. Ils vont probablement tenter d’éviter cela autant que possible avant les élections.

    Après les élections de 2009, on pourra alors démarrer avec une nouvelle composition – un gouvernement stable qui exigera probablement la participation des trois partis traditionnels – et commencer l’application du programme de la bourgeoisie belge. Une grande réforme d’Etat, dont il est possible d’avoir un cadre pour les élections, il est établi, peut alors rendre la politique néolibérale plus efficace en compliquant la résistance de la classe ouvrière. Nous ne pouvons accorder aucune confiance en ces partis néolibéraux. La classe ouvrière a besoin de son propre parti pour défendre ses revendications sur le terrain politique.

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