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Industrie automobile européenne : Une autre crise est en cours…
Il faut une stratégie syndicale européenne et internationale pour défendre les usines, les emplois et les conditions de travail
‘‘C’est un bain de sang’’, a déclaré Sergio Marchione, le patron de Fiat (une entreprise aujourd’hui en difficulté) et également président du comité des constructeurs européens d’automobiles, en se lamentant de l’état du marché européen. De son côté, le New York Times a titré: ”L’industrie automobile européenne a atteint le jour du jugement dernier”.
Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Avec le ralentissement de la croissance en Chine, l’industrie automobile internationale est confrontée à des temps difficiles. Mais en Europe, c’est un véritable désastre. Les ventes en Europe ont baissé d’un nombre total de plus de 15 millions en 2007 à environ 12,4 millions en 2012. Un nouvelle diminution des exportations vers les marchés chinois va noyer les usines européennes dans la surcapacité.
Étant donné le fait que d’énormes surcapacités existaient déjà avant même le déclenchement de la crise, le coût constant de maintenir les usines instaure une énorme pression pour la fermeture d’environ 8 à 10 sites, aux dires des commentateurs capitalistes. Cela implique de se débarrasser de la capacité à produire au moins 3 millions de véhicules en Europe – l’équivalent de près de 250.000 emplois. Selon les analystes, les usines doivent fonctionner à 75% de leurs capacités de production au moins pour rester rentables.
La destruction de cette capacité de production – et pas automatiquement une production automobile – et la mise à la porte d’une main-d’œuvre très qualifiée venant ainsi grossir les rangs des chômeurs, voilà la ”solution” capitaliste pour ce problème. Cependant, jusqu’à présent, au cours de cette crise, seuls quelques très rares sites ont été fermés en Europe (Opel à Anvers et Fiat en Sicile par exemple) et, en même temps, de nouvelles entreprises ont été installées en Europe de l’Est et à l’étranger.
Gagnants et Perdants
La crise automobile actuelle est en train de frapper les divers producteurs de masse de manières très différentes. Alors que Volkswagen semble avoir augmenté sa part de marché (en dépit de quelques problèmes avec sa filiale Seat), les groupes Peugeot (PSA) et General Motors en Europe (Opel, Vauxhall) semblent avoir le plus souffert. Opel accuse des pertes de l’ordre de 938€ par voiture vendue, Peugeot-Citroën, de 789€. Opel parle de fermer des usines, soit à Eisenach (Est de l’Allemagne) ou à Bochum (Ouest de l’Allemagne). Ford envisage la fermeture de son usine de Genk, en Belgique. Peugeot a annoncé une réduction de 8.000 travailleurs de sa main-d’œuvre en France (100.000 au total), la fermeture de son usine d’Aulnay-sous-Bois près de Paris comprise (au total, 14.000 emplois seront perdus sur 210.000 de la main-d’œuvre mondiale selon ce plan).
Alors que les travailleurs d’Aulnay sont descendus dans les rues pour protester et exiger que leurs emplois soient protégés, un soi-disant expert, au nom du gouvernement français, a proposé de fermer l’usine de Peugeot de Madrid à la place et de licencier les travailleurs là-bas.
L’annonce de licencier les travailleurs dans les usines Peugeot de France en Juin a immédiatement déclenché de vives actions de protestation dans tout le pays. Le 9 octobre, la CGT a appelé à une manifestation des travailleurs de l’automobile à Paris, en affrontant les patrons présentant les nouveaux modèles le même jour. La réunion de délégués originaires de différentes usines de Peugeot, les dirigeants syndicaux a forcé d’organiser cette action ainsi que d’autres, plus décisives, mais aucune stratégie n’existe pour utiliser pleinement la puissance de l’effectif total à Aulnay et dans les autres sites. Alors que les ouvriers d’Aulnay se sont mis en grève, d’autres n’ont pas été appelés à les rejoindre.
Les différences entre sociétés reflètent également les effets inégaux de la crise économique en Europe et les effets dévastateurs des mesures d’austérité imposées à l’Europe du Sud. Alors que les ventes de voitures allemandes stagnent, la France a connu une baisse de 14%, l’Italie de 20%, tandis que le nombre d’achats a baissé de plus de 40% en Grèce et au Portugal. La baisse des ventes en Europe du Sud a eu un effet beaucoup plus important sur les achats de Peugeot et Ford compte tenu de leur parc automobile et de leurs marchés traditionnels. Ford a réduit le temps de travail, par exemple, dans son usine de Cologne, en Allemagne, qui produit pour ces marchés.
Dans le même temps, les travailleurs sont soumis à un chantage qui les force à accepter la dégradation des conditions de travail. Les problèmes actuels de Bochum reflètent la décision de GM en mai en faveur de leur usine Vauxhall d’Ellesmere Port, en Grande-Bretagne. Ils ont forcé les travailleurs à accepter de plus longues heures, des pertes de salaire net et une plus grande flexibilité, avec des temps de travail même le week-end afin que la production ne discontinue pas. Avec cela, la concurrence interne entre les usines Opel en Allemagne (Rüsselsheim, Bochum) et Vauxhall à Ellesmere Port a été à nouveau utilisée avec succès par les patrons contre les travailleurs.
Toute une série d’accords impliquant des travailleurs donnant des concessions pour sauver leurs emplois ont été mises en œuvre dans le passé. Or, malgré les ”garanties” accordées aux travailleurs concernant la sauvegarde de leurs emplois jusqu’en 2016, l’usine de Bochum fait face au danger d’une fermeture, et Rüsselsheim verra une énorme surcapacité dès que les prochains changements de modèles seront entièrement mis en place.
Malheureusement, au lieu de développer une riposte commune, les dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne et en Allemagne ont toujours justifié les concessions, partageant une vision très étroite de la défense de l’emploi, dans le seul cadre de leur État-nation ou même en cherchant à sauver un site et pas l’autre.
Une stratégie patronale calquée sur l’exemple américain?
Les tentatives patronales visant à faire payer la crise aux travailleurs sont évidentes. Mais quel est leur plan pour organiser une sortie ? Des milliards d’euros ont été dépensés après la crise de 2009 pour renflouer l’industrie automobile en Europe. A partir d’un point de vue très américain, le New York Times a commenté : >"Mais au lieu d’avoir utiliser cet argent pour faciliter la douloureuse réduction des effectifs des sites et des fiches de paie, les gouvernements ont fourni des subsides pour que les gens échangent leur ancien modèle pour un nouveau, ont subsidié les salaires des travailleurs afin de dissuader les entreprises d’effectuer des coupes dans les emplois." (New York Times, 26 Juillet)
C’est aussi ce qui s’est passé aux États-Unis. L’administration Obama a pris le contrôle effectif de GM et Chrysler, deux des trois grandes entreprises automobiles américaines, et a organisé une restructuration massive dans le but de restaurer la rentabilité pour les actionnaires. Cette restructuration a impliqué la fermeture de dizaines d’usines à travers tout le Midwest, la perte de milliers d’emplois et la disparition de gains historiques pour les travailleurs en termes de salaires, de pensions et de soins de santé. Les salaires des nouvelles recrues représentent désormais la moitié de ceux des plus anciens! Cette ”restructuration”, faite au détriment des travailleurs du secteur automobile, n’a été possible qu’avec la coopération active de la direction de l’United Auto Workers (UAW), le syndicat autrefois puissant des travailleurs automobiles américains.
Une partie de la bureaucratie syndicale participe à la gestion des entreprises par l’intermédiaire des actions contrôlées par l’UAW à GM et Chrysler. Elle doit aussi gérer leur ”fonds de grève” d’1 milliard de dollars placé à Wall Street et le plan de santé pour les retraités contrôlé par l’UAW.
Dans le cadre du processus de réorganisation des modalités d’exploitation, une forte baisse des salaires des travailleurs de l’automobile aux États-Unis a été mise en œuvre. Les bases industrielles traditionnelles au nord des États-Unis, où existe un niveau élevé d’organisation et de traditions syndicales, ont été défavorisées et la production a été déplacée au sud des États-Unis, là où les syndicats sont peu présents dans l’industrie automobile. Plusieurs sociétés japonaises et allemandes ont maintenant des usines de fabrication automobile à bas salaires aux États-Unis, un pays constamment plus considéré comme un centre de fabrication à bas salaires.
Voilà le plan de restructuration sous l’administration Obama : un coup dévastateur pour le niveau de vie et les conditions de travail des travailleurs américains de l’automobile sous prétexte de ”sauver des emplois”. Mais l’objectif principal est en réalité de réduire les coûts afin de restaurer les profits des actionnaires.
Compte tenu de l’énorme surcapacité du secteur en Europe, Sergio Marchione, patron de Fiat et actuel président de l’association des constructeurs automobiles européens, a appelé à l’application de cette méthode à l’américaine à l’échelle de l’Union Européenne. ”[L’Europe] doit fournir un système unifié, une feuille de route concertée pour y parvenir", a-t-il dit . ”Regardez ce qui s’est passé avec les aciéries dans les années ’90, il faut copier cet exemple.” Cela signifie fermetures d’usines, licenciements et détérioration des conditions de travail pour ceux qui conservent leur emploi, tout cela organisé par les gouvernements européens.
Les capitalistes européens vont-ils mettre en œuvre un plan à l’américaine ?
Incapables de résoudre la crise fondamentale de l’industrie automobile, les patrons européens seront-ils en mesure de suivre la voie américaine ? Les différents États-nations vont essayer d’agir comme en 2009. Mais il est plus qu’improbable que les capitalistes européens parviennent à trouver une approche commune. En 2009, les différents États-nations ont avancé des mesures comme les ”prime à la casse” pour pousser à acheter de nouvelles voitures. Formellement, ils ont traité avec les différents producteurs de manière neutre, mais la conception des différentes mesures est basée sur des intérêts nationaux concurrents.
Si Fiat et Peugeot sont les grands perdants de cette crise, l’Etat allemand, d’un point de vue capitaliste, ne doit pas s’inquiéter de trop. De nouvelles opportunités pourraient même apparaître pour Volkswagen. Dans la logique du capitalisme, les tensions et les différences entre les Etats-nations et les entreprises basées sur ces Etats-nations augmentent. Cela n’exclut toutefois pas que des actions communes puissent voir le jour sous la pression de l’intérêt commun de stabiliser l’économie ou pour empêcher une remontée des luttes et des protestations. Mais, comme le montre la crise de la zone euro, les Etats-nations européens sont les instruments des différentes classes capitalistes. Les diverses bourgeoisies nationales sont capables de coopérer tant que cela sert leurs intérêts, mais les contradictions se multiplient aujourd’hui.
L’utilisation de leur État-nation est une voie à sens unique pour les capitalistes, qui ne les oblige pas à faire quoi que ce soit. Deux ans et demi plus tôt, le patron de Fiat, Marchione, a plaidé en faveur de ce qu’il appelle un ”plan d’investissements” dans les usines italiennes de Fiat sous le nom de ”Fabbrica Italia” (Usine Italie). (A l’origine, ”Fiat” signifie Fabbrica Italiana Automobili – Torino). En jouant la carte italienne, il a plaidé pour une aide de l’État et des concessions massives de la part des travailleurs au niveau de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Les travailleurs des usines italiennes ont déjà été forcés d’adopter une diminution de leur temps de travail avec perte de salaire. Il s’agit parfois même de moins de 4 jours de travail par mois.
Perspectives
Cependant, il est loin d’être certain que les gagnants actuels, les constructeurs automobiles allemands par exemple, puissent tout simplement continuer à l’emporter. Après la crise de 2009, ce sont surtout les marchés chinois qui ont aidé les constructeurs automobiles européens à surmonter leurs problèmes. Compte tenu de ces ventes opérées en Asie, les voitures de gamme supérieure – les allemands Daimler, BMW et Audi – n’ont toujours pas été blessées par une nouvelle crise, mais un ralentissement est bel et bien présent.
Même en plein essor, Volkswagen a annoncé à ses fournisseurs en Allemagne la possibilité d’une baisse de 10% de la production. Daimler a annoncé de nouveaux programmes pour réduire les coûts. Les tentatives de renforcement de la coopération entre les entreprises ont augmenté (par exemple Opel avec PSA, Daimler avec Nissan). L’échec de la fusion Daimler-Chrysler constitue toujours un bon avertissement. Mais la pression sur les entreprises est immense, des fusions supplémentaires ainsi que l’effondrement de sociétés entières sont envisageables.
L’option espérée par les diverses entreprises est que le déclin de l’Europe puisse être amorti par le reste du marché mondial. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce scénario se concrétisera. Même dans ce cas, cela ne pourrait se faire qu’avec de nouvelles réductions de sites et du nombre d’emplois. Une situation bien plus sévère encore ne peut pas être exclue du fait d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise (un taux de croissance tombant à 5%) et d’autres marchés émergents touchés par le ralentissement économique mondial.
Quelle stratégie syndicale?
Durant les premières journées d’horreur qui ont accueilli la crise automobile en 2009, la crainte de perdre des emplois et des usines a renforcé le débat sur une reconversion de l’ensemble de l’industrie vers des voitures électriques et la ”mobilité verte”. Cela a très vite été oublié dès lors que les ventes en Chine ont augmenté, et c’est le schéma des primes à la casse qui a été favorisé.
Les syndicats, tel le puissant syndicat allemand IG Metall, ont signé des accords stipulant que les travailleurs acceptent un travail de durée moindre ainsi que de graves pertes de salaire. Les travailleurs contractuels ont perdu leur emploi et l’effectif de base a payé un lourd tribut. Les dirigeants syndicaux ont accepté le ”système à deux vitesses” où les travailleurs les plus récents sont employés à des salaires beaucoup plus bas et des conditions de travail bien plus mauvaises. Les bureaucraties syndicales allemandes du secteur ont joué un rôle identique à celui de leurs homologues à l’époque du déclin de la sidérurgie et des charbonnages en Allemagne : organiser la fin de l’emploi et des entreprises avec quelques concessions mineures, en évitant ainsi de grands bouleversements sociaux.
La crise est en train de mordre à nouveau les travailleurs des usines automobiles. Il est urgent d’éviter une répétition de ces événements sur une base économique encore pire qu’en 2009. Il nous faut une véritable stratégie syndicale capable de coordonner la résistance des travailleurs à travers toute l’Europe et ailleurs pour défendre l’emploi et les usines, et mettre fin au jeu qui consiste à monter les travailleurs d’une usine contre ceux d’une autre, ou ceux d’un pays donné contre ceux d’un autre.
Une lutte unifiée est nécessaire pour lutter contre toutes les attaques antisociales, contre toutes les concessions, toutes les pertes d’emplois et toutes les fermetures. Toutes les usines où les travailleurs sont menacés de licenciements doivent être collectivisées par les autorités et fonctionner sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Mais, étant donné les liens existants entre les diverses usines, les différentes interdépendances et la surcapacité de production dans l’industrie en général, la lutte pour la nationalisation ne peut se limiter aux usines dont les patrons n’ont plus besoin. L’ensemble de l’industrie a besoin d’être placée sous la propriété de l’Etat et sous la gestion démocratique des travailleurs, des syndicats et de l’Etat.
Il nous faut un plan de réorganisation de l’industrie automobile afin d’utiliser cette main-d’œuvre instruite et qualifiée en fonction de la satisfaction des intérêts des travailleurs en Europe et dans le monde. Si nécessaire, cela pourrait nécessiter de convertir cette production en d’autres produits socialement nécessaires. Une telle gestion permettrait de diminuer le temps de travail sans perte de salaire dans le cadre d’un plan de relance socialiste destiner à vaincre la crise économique capitaliste, non avec le développement du chômage et de la pauvreté, mais en réorganisant la production en fonction des besoins des travailleurs.
Marchione appelle à une ”feuille de route unifiée et concertée” en vue d’abattre l’emploi et les sites, la réponse des travailleurs et des syndicats doit elle aussi être unifiée et concertée. Pour ouvrir ce chemin, les syndicats doivent devenir de réelles organisations de combat, basées sur la démocratie interne, en construisant des liens étroits entre les travailleurs à l’échelle européenne et internationale. Il nous faut un mouvement militant sur les lieux de travail et dans les syndicats afin de lutter pour ces changements, en développant ainsi des liens directs entre les représentants des travailleurs de différentes usines et de différents pays, pour surmonter les obstacles qui se présentent sur la voie d’une lutte menée de concert.
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[DOSSIER] Ce système est pourri… jusqu’à la moelle !
Il y a quinze ans, notre pays a été touché par une explosion massive de protestations et de colère. Après une semaine d’actions spontanées et de manifestations a suivi la Marche Blanche du 20 octobre 1996 à Bruxelles, avec 300.000 manifestants. Le “Mouvement blanc” a illustré la vitesse à laquelle un mouvement peut se développer. Quinze ans plus tard, il est utile de revenir sur ces actions, mais aussi sur le rôle de la Justice. Après quinze années, qu’est-ce qui a réellement changé ? Quelle est la position des marxistes concernant le système judiciaire ? Nous publions ici un dossier de Geert Cool, actif à l’époque dans le mouvement en tant que militant marxiste.
Le mouvement blanc : une explosion de colère dans les rues
Le Mouvement blanc, créé en 1996, est apparu à la suite de l’affaire Dutroux et a exprimé la profonde tristesse éprouvée face au destin des jeunes victimes de Dutroux & Co. Mais au fur et à mesure que les obstacles s’amoncelaient autour de l’enquête, la tristesse est devenue colère.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été le dessaisissement du dossier du juge d’instruction Connerotte après avoir commis le ‘‘crime’’ de manger une assiette de spaghetti lors d’une soirée de soutien aux familles des fillettes disparues… Il ne pouvait dès lors plus être considéré comme “impartial”. Connerotte était considéré comme un personnage dynamique écarté de l’affaire par les manœuvres bureaucratiques de l’establishment judiciaire sur le coup de cet “arrêté spaghetti”. Beaucoup de gens craignaient une nouvelle opération ‘‘sourde oreille’’.
Les actions ont largement démontré que les politiciens avaient perdu tout crédit auprès de la population, tout comme diverses institutions bourgeoises : Justice, police et médias. Les frustrations s’accumulaient et les travailleurs de Volkswagen-Forest ont lancé le mouvement en cessant le travail le 14 octobre. Très vite, ils ont été imités dans l’ensemble du pays, une semaine de manifestations spontanées et de protestations de masse a suivi.
L’establishment a en partie perdu le contrôle sur la situation, et s’est vu contraint de lancer de appels désespérés pour que les élèves retournent en classe et les travailleurs au boulot. L’establishment entier ne faisait qu’un, du gouvernement au Roi en passant par l’Église, dans leur frayeur face au mouvement. Il leur fallait absolument que la Marche blanche reste apolitique. De fait, les politiciens traditionnels n’avaient aucun contrôle sur les idées politiques en développement dans ce mouvement dont l’ampleur, la spontanéité et la rapidité ont surpris tout l’establishment.
Ce n’était pas seulement la Justice, mais l’ensemble de la société qui était remis en question. Nous avons accompagné ce sentiment avec notre slogan “Le système est pourri jusqu’à la moelle”. Là où nous avons su avoir un certain impact, comme à Gand, ce slogan a été repris de manière massive. Nous avons aussi dépensé beaucoup d’énergie pour organiser cette explosion de colère spontanée, avec la mobilisation d’une grande manifestation générale le vendredi 18 octobre 1996 à Gand. L’appel à cette manifestation est venu du Syndicat estudiantin (Studentenvakbond, SVB), dans lequel nos membres jouaient un rôle actif.
Nous nous sommes rendus aux entreprises, écoles et campus tout en intervenant dans les manifestations spontanées. Les journées étaient fort chargées. Le matin, il fallait se lever tôt, attraper un mégaphone et chercher la première manifestation spontanée qui nous tombait sous la main pour la renforcer et appeler la population à la rejoindre. Ce rituel s’est répété pendant plusieurs jours. La manifestation de Gand du 18 octobre 1996 a été massive : avec 25.000 participants, elle a été la plus grande manifestation du mouvement après la Marche blanche nationale.
À ce moment, le mouvement était de plus en plus poussé par les travailleurs et leurs familles, sans que cela n’aie toutefois été consciemment en tant que classe, mais plutôt en tant que parents ou enfants. Pourtant, il était possible d’éveiller leur conscience. Un simple mot d’ordre des directions syndicales aurait suffi à donner une orientation au mouvement et à lui permettre de se développer davantage. Nous défendions qu’il fallait un appel à la grève générale et à la formation de comités d’action pour la préparer, ce qui l’aurait placée sous le contrôle de la base. Mais les directions syndicales étaient aussi effrayées que les politiciens par l’idée d’une grève générale.
Cette attitude a offert à l’establishment l’opportunité de récupérer le mouvement. Faute d’une direction de la part du mouvement syndical, ce sont les parents des enfants disparus, bien souvent contre leur gré, qui ont été proclamés porte-paroles et dirigeants du mouvement. Ils étaient présents dans tous les médias et, tout à coup, toutes les portes – jusqu’à celles du Palais royal ! – leur étaient ouvertes. L’establishment a fait tout son possible pour transformer la Marche blanche en un cortège apolitique où toute critique de l’establishment était interdite. Cela a été couplé avec la répression ad hoc ; nos militants qui, toute la semaine, s’étaient tenus à l’avant des manifestations ont brusquement et impitoyablement été arrêtés pour la simple raison qu’ils avaient des tracts. La liberté d’expression n’était pas permise. Cette récupération a conduit le mouvement à l’impasse.
Justice de classe pour servir les intérêts des riches
L’appareil judiciaire suit des règles et des lois qui servent les intérêts de l’establishment. Indépendamment de la composition ou de la structure exacte des tribunaux, il est certain que toutes les décisions doivent être en accord avec les règles qui protègent les privilèges du Capital. L’État bourgeois tel que nous le connaissons aujourd’hui ne fait que protéger le système capitaliste, dont il est d’ailleurs issu, malgré toute la rhétorique sur l’indépendance et l’impartialité de la Justice.
Sous le capitalisme, le principe central du système législatif est la protection de la propriété privée des moyens de production. Cela vaut aussi bien sur le plan du droit bourgeois (les dettes, les contrats, etc.) que sur le plan du droit pénal. Nous ne défendons clairement pas le fait que les comportements asociaux (tels que la violence, les cambriolages…) ne doivent pas être punis. Mais nous constatons que le droit pénal est appliqué de façon différente en fonction du milieu familial ou de la position sociale. Un grand fraudeur du secteur diamantaire peut bien plus se permettre qu’un simple ouvrier.
La “neutralité” du droit n’est pas évidente. Les règles sont les mêmes pour tous : riches ou pauvres. Voler une pomme est interdit, quand bien même tu crèves de faim. Mais grâce à toute leur technologie légale très chèrement payée, les riches s’en sortent généralement bien – il suffit de voir comment une personnalité telle que DSK se dépêtre aussi facilement d’une affaire de viol. Les décisions sont prises par des juges habituellement eux-mêmes issus du petit monde de l’élite. Beaucoup de juges ont toute une carrière d’avocat derrière eux et peuvent compter sur un revenu fort confortable. Il n’est pas question d’un contrôle démocratique de la Justice par la population.
Les véritables socialistes appellent au démantèlement de l’appareil judiciaire existant. Nous sommes en faveur de la formation de nouveaux tribunaux, avec des juges élus de manière démocratique par la majorité de la population et révocables à tout moment par la base.
Dans une société socialiste, le nombre de conflits diminuera. Aujourd’hui, la plupart des débats sont liées à des conflits sur la propriété. Les cas de criminalité et de comportement asocial seront évidemment punis, mais en gardant un œil sur la prévention de ce genre de comportement, et avec compensation du tort causé à la société. Une approche purement répressive ne résout rien et ne conduit pas à la baisse de la criminalité, comme le prouve la situation aux Etats-Unis. Nulle part ailleurs dans le monde il n’existe un tel pourcentage de la population en prison, sans que le pays ne devienne plus sûr pour autant.
“Tous sont égaux devant la loi”. Certains plus que d’autres…
Exagérons-nous lorsque nous parlons de Justice de classe ? Penchons-nous seulement sur un cas récent.
Selon une estimation faite en Suisse, le secteur du diamant à Anvers a fraudé pour un montant d’au moins 700 millions d’euros. La chance que cela entraîne une condamnation est proche de zéro. Cette fraude est presqu’aussi grande que celles de Beaulieu (du patron du textile De Clerck) et de la KB-Lux prises ensemble – ces deux entreprises ayant chacune fraudé pour environ 400 millions d’euros, sans condamnation. Moralité : pas de soucis pour les gros profits. Faites bien attention à payer vos amendes de circulation, mais dormez tranquille si vous fraudez pour 700 millions d’euros.
Les fraudeurs diamantaires peuvent compter sur leurs soutiens politiques. À Anvers, ce secteur dispose de son propre échevin : Ludo Van Campenhout (N-VA, ex-VLD). Celui-ci a déclaré que l’affaire “a été exagérée par les médias” et que des mesures “très strictes” ont été prises. L’échevin des diamantaires fraudeurs veut empêcher toute possibilité d’enquête. Quant au secrétaire d’État à la lutte contre la fraude (Carl Devlies, CD&V) : ‘‘Il y a déjà beaucoup de mesures, et je pense qu’elles sont suffisantes’’. Pour le secteur du diamant et les autres fraudeurs, ces mesures paraissent effectivement suffisantes.
Le secteur diamantaire a lui-même engagé de coûteux avocats pour obtenir les dossiers du fisc via le Conseil d’État. Ainsi, le secteur veut savoir ce que le fisc sait, afin de pouvoir ensuite conclure un accord avec lui. Voilà comment les riches lavent leur linge sale en famille.
Quand les hauts magistrats d’Anvers déclarent au début de l’année judiciaire que la sécurité sociale est affaiblie par la forte augmentation du travail au noir, ils ne s’attaquent pas aux organisateurs de ces circuits illégaux. Ils se limitent à des appels pour s’en prendre à l’afflux de travailleurs immigrés, les victimes des circuits occultes : les petites victimes du travail au noir sont embarquées tandis que les grands fraudeurs sont libres.
Petite parenthèse ; pour rester dans le cas d’Anvers, les pénuries sont énormes. Des crèches aux écoles, en passant par les loisirs, l’emploi et les services publics, de plus en plus de choses font défaut. De grandes parties de la population perdent pied, et deviennent des proies faciles pour les criminels (tels que les trafiquants de drogue). La politique de droite a conduit au chaos et la réponse pour chaque proposition du type de créer de véritables emplois avec un salaire décent – ou investir dans de véritables logements de même que dans l’enseignement – est invariablement qu’il n’y a “pas de moyens”. Mais qui oserait encore le dire maintenant que l’on sait que les diamantaires peuvent tranquillement frauder pour 700 millions d’euros ?
Encore plus pourris
Notre niveau de vie est attaqué, l’establishment politique ne s’est fait remarquer ces dernières années que par ses chamailleries, la Justice ne s’occupe toujours que de défendre les intérêts des riches (qu’on pense seulement à l’affaire Fortis), et les médias inondent l’ensemble d’un flot de variétés abêtissantes.
Les politiciens se trouvent à des lieues des réalités quotidiennes. En tant que parlementaires, ils gagnent 10.000 euro par mois et reçoivent des dédommagements jusqu’à 300.000 euros en plus d’une pension bien garnie (après seulement 20 ans de travail). Ensuite, ils peuvent boucler leur fin de carrière avec les postes lucratifs que leur proposent les grandes entreprises dans leurs conseils d’administration. L’indignation face au montant de la prime de départ de Sven Gatz en tant que député (300.000 euros) a bien illustré que le mécontentement envers les politiciens traditionnels est aujourd’hui exceptionnellement élevé. Qui croit encore ces politiciens ?
La Justice a été réformée ici et là. Des éléments de la structure ont été supprimés, mais son mode de fonctionnement de base n’a pas été touché. Cela reste aussi un petit univers en-dehors du monde, composé de “gens qui se connaissent”. La manière dont le palais de Justice de la place Poelaert à Bruxelles se dresse au-dessus du centre-ville, symbolise bien la situation. En 2009, on a découvert un vaste système de chantage et de corruption impliquant des avocats, des magistrats et des dirigeants d’entreprise autour de la juge De Tandt à Bruxelles. L’enquête à ce sujet a été perturbée pendant des années par le parquet-général, qui craignait que l’image de la Justice n’en soit ternie. Ces pratiques avaient notamment été révélées quand la juge De Tandt avait rendu un jugement dans l’affaire Fortis qui était un copier/coller d’un projet de condamnation émanant des avocats qui représentaient le gouvernement dans le procès. C’est tout à fait courant. Les syndicalistes savent bien que la justice se laisse facilement atteler au carrosse du patronat pour littéralement prendre le relais des requêtes unilatérales des avocats patronaux pour briser les grèves. Qui croit encore ces juges ?
Entre-temps, la confiance envers les médias est elle aussi en berne. Nous n’avons pas encore eu chez nous de scandales tels que celui de Murdoch au Royaume-Uni (les journalistes mouchardaient les téléphones de particuliers pour obtenir des scoops bien juteux). Le journal de Murdoch, News of the World, a dû fermer boutique. Chez nous aussi, de plus en plus de gens se posent la question : comment pouvons-nous encore croire ces journalistes ?
Au sommet de la police, de la Justice, du monde des affaires et de la politique, tout le monde se connait, des alliances mutuelles existent et vont plus loin que ce que l’on s’imagine d’ordinaire. En vertu du maintien de ces alliances, on joue de manière “créative” avec la législation et la juridiction. Même les interventions policières peuvent être ordonnées de manière elles aussi très créatives. La soi-disant séparation des pouvoirs est une idée plus théorique qu’autre chose, destinée à donner un semblant d’impartialité. Dans la pratique, l’ensemble de l’establishment est absolument uni en un seul grand cercle d’amis cernant les différents pouvoirs.
Dans le contexte d’un système en crise, des divergences d’opinion peuvent se développer au sommet. Mais le développement le plus important est celui d’une défiance croissante envers l’ensemble de l’establishment. Dans leur lutte pour un niveau de vie décent, les travailleurs et leurs familles entrent en confrontation avec cet establishment. Comme ce système n’offre aucun avenir décent à la majorité de la population, tout ce que nous pouvons faire est d’expliquer que ce système est pourri jusqu’à la moelle.
Le Mouvement blanc, 15 ans après
Un large mouvement spontané qui fait trembler l’establishment jusqu’à ses fondations – il y a 15 ans, c’était là un événement absolument exceptionnel. Aujourd’hui, dans le contexte de la vague de révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cela nous parait naturellement un peu moins spectaculaire. Il est pourtant important d’expliquer que chez nous aussi, il est possible de voir apparaitre un véritable mouvement, et que même pour des faits divers en apparence insignifiants, une explosion peut se produire. La vitesse et l’ampleur du Mouvement blanc sont une réponse à tous ceux qui pensent que rien ne se passe jamais dans notre pays, ou que les mouvements n’y sont pas à l’ordre du jour en ce moment. Les conditions pour un mouvement tel que celui de 1996 sont aujourd’hui beaucoup plus présentes. Il y a clairement encore plus de mécontentement, de sorte que la moindre goutte pourrait aboutir à des protestations de rues.
L’absence d’implication active de la direction syndicale a assuré que le mouvement garde un caractère flou quant à sa nature de classe. D’autres couches de la société ont également participé au mouvement. Mais cela est une donnée statique. Le patronat avait déjà décroché à partir du moment où les actions de grève ont commencé. Les classes moyennes avaient auparavant joué un rôle actif dans la diffusion d’affiches des enfants disparus et avaient une sympathie envers les actions, mais n’en avaient pas la direction.
Parmi les intellectuels, il y avait une certaine condescendance envers le caractère “populaire” de ce mouvement. C’est après la grève de Volkswagen à Forest que le mouvement a acquis un caractère de masse, et qu’il a été de plus en plus porté par les travailleurs et leurs familles. Le Mouvement blanc a également montré la force potentielle des travailleurs. C’est pourquoi il est essentiel pour les forces de gauche d’éveiller la conscience et de donner des perspectives au mouvement à partir d’une position de classe.
Le Mouvement blanc n’a pu être récupéré que parce que le mouvement ouvrier n’y a pas donné une direction consciente. Il manquait de mots d’ordre et d’une organisation appropriée. Là où il y avait une direction au mouvement, surtout à Gand, il y a eu une grande manifestation de 25.000 personnes et des slogans clairs tels que “Le système est pourri jusqu’à la moelle”.
Cela montrait le potentiel qui aurait pu se réaliser si seulement les directions syndicales s’étaient impliquées de manière active dans ce mouvement. Voilà pourquoi il est extrêmement important d’organiser les syndicalistes et militants actifs, tant sur le plan syndical que politique. Nous devons refonder tout un nombre de traditions du mouvement ouvrier, de sorte que lors de nouveaux moments décisifs, l’initiative ne puisse pas forcément être abandonnée pour être récupérée par d’autres forces.
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Le CAP doit continuer à avancer !
20 octobre : Assemblée nationale du CAP
Le 20 octobre se tiendra la prochaine conférence nationale du Comité pour une Autre Politique. La conférence nationale a deux objectifs. Doter le CAP d’une structure efficace et transparente avec l’élection d’une direction nationale. Et mener la discussion sur la poursuite de la construction du CAP.
Le résultat électoral du 10 juin n’a pour le moins pas été un franc succès pour le CAP. Mais, malgré le maigre résultat en voix, cette campagne a permis de construire une confiance mutuelle entre les membres qui est maintenant visible dans les discus- sions qui se déroulent au sein du CAP. La campagne électorale était nécessaire pour rassembler ces gens qui veulent construire un nouveau mouvement politique dans les années à venir. Certains – surtout ceux qui étaient restés au balcon – s’en sont détournés. C’est surtout parce qu’ils ne perçoivent pas le potentiel dont dispose le CAP pour donner une voix politique à tous ceux qui ne se sentent plus représentés par les partis traditionnels.
Un nouveau parti des travailleurs qui surgira de la lutte
Le Pacte des Générations a été un moment charnière dans le mouvement ouvrier. Il a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour de nombreux militants syndicaux. Et la sanction électorale subie par le SP.a et le PS en a été une expression partielle. Ce n’est donc pas un hasard si l’initiative de lancer le CAP a été prise dans la foulée du Pacte des Générations. Le CAP a pu s’imposer de plus en plus sur la carte politique sur base d’interventions dans des mouvements de lutte comme à Volkswagen et à Opel. Une participation aux élections en était la suite logique. Hélas, en l’absence de Jef Sleeckx sur les listes, le CAP a vu se fermer nombre de portes et de possibilités.
Le CAP existe aujourd’hui sur la carte politique. Nombreux sont ceux qui observent comment le CAP va franchir la prochaine étape, comment il va se profiler dans le nouveau contexte politique comme un instrument pour construire un contre-pouvoir sur le terrain politique. Ce sera la discussion centrale le 20 octobre. Avec quelles campagnes, avec quelle approche, avec l’oeil sur quel public-cible, le CAP va-t-il s’impliquer dans la lutte politique et sociale. La campagne que nous avons menée contre la fermeture de 16 GB donne déjà un avant-goût de la direction que le CAP veut prendre. Nous voulons interpeller l’homme et la femme de la rue sur des thèmes de la vie quotidienne. Sur cette base, nous voulons engager la discussion politique avec les gens et les inviter à construire avec nous une nouvelle force politique.
Le 20 octobre, les membres du MAS/LSP défendront l’idée que le CAP doit s’orienter en premier lieu vers les mouvements sociaux que nous allons connaître dans les mois qui viennent. Car de tels mouvements de lutte sont propices à la prise de conscience qu’une nouvelle organisation politique à la gauche du PS et d’Ecolo est nécessaire.
Construire le CAP à visage découvert
Le CAP devra être ouvert à la collaboration avec d’éventuelles initiatives qui naîtraient à l’extérieur de lui. Dans une période où rien n’indique que le PS va virer à gauche et où tout indique qu’Ecolo va accentuer son cours gestionnaire le rapprochant des partis traditionnels, où il est clair que les partis de droite au gouvernement et les patrons vont lancer attaques sur attaques, il y aura des luttes et des discussions qui pourront mener à de nouvelles initiatives dont l’objectif sera similaire à celui du CAP. Nous pensons que le CAP devra engager la discussion de façon ouverte avec tous ces groupes pour pouvoir en arriver à ce que veut le CAP, c’est-à-dire la création d’un nouveau parti des travailleurs, d’un parti pour tous ceux qui doivent vivre et faire vivre leur famille d’un salaire ou d’une allocation.
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Les partis traditionnels organisent la précarité de l’emploi
L’emploi est l’un des thèmes privilégiés de cette campagne électorale. Tous les partis y vont de leurs propositions. Le VLD de Verhofstadt veut « de nouveau » créer 200.000 emplois. Vande Lanotte (SP.a) a fait encore plus fort: il fait miroiter 260.000 nouveaux postes de travail.
Peter Delsing
Des milliers d’emplois ont été perdus récemment dans des entreprises comme Arcelor, Volkswagen et Opel. Les « promesses » des partis traditionnels font donc vibrer une corde sensible. Mais, si même des entreprises prospères procèdent à des licenciements massifs, qui donc est encore sûr de garder son emploi ? Le profit maximum pour les grands actionnaires dicte sa loi à tout et à tous. Et pour eux « beaucoup » (de profits) n’est pas encore assez.
Emplois précaires
Verhofstadt joue avec les chiffres pour démontrer que le gouvernement n’est pas loin d’avoir créé les 200.000 emplois promis. Une étude évoquait 158.000 emplois il y a quelques mois. Mais de quels emplois s’agit-il ? D’après la Banque Nationale, le nombre d’emplois fixes a reculé de 2% depuis 2003. Ce sont les dizaines de milliers d’emplois à temps plein et à durée indéterminée que les patrons ont supprimés. Ils ont été remplacés par des contrats d’intérim ou à durée déterminée. Et par les titres-services aux frais de la Sécu.
La seule chose que ce gouvernement a faite, c’est généraliser l’emploi précaire. Prenons les titres-services qui servent surtout à rémunérer l’aide à domicile. En janvier 2007, 4.212.000 titres-services (horaires) avaient été utilisés dans le pays, contre 2.206.564 en janvier 2006 et seulement 903.179 en janvier 2005.
D’après la Banque Nationale, 18.000 nouveaux emplois à temps plein ont été créés en 2005 sous le régime des titres-services. En 2006, 61.759 personnes étaient employées avec des titres-service (dont 60.745 femmes !). Les moyens affectés à tous ces titres-services flexibles et précaires à outrance pourraient servir à créer de 30.000 à 40.000 emplois publics statutaires. Les pouvoirs publics pourraient organiser des services à domicile au niveau local, avec des droits syndicaux complets pour le personnel. Mais ça n’intéresse évidemment pas ce gouvernement néolibéral.
Détricotage
Ce qui l’intéresse en revanche, c’est de détricoter le statut des travailleurs qui ont encore un emploi fixe et bien payé. C’est tout bénéfice pour les patrons. Plus il y a de travailleurs précaires, plus les conditions de travail se détériorent pour tout le monde.
Regardez La Poste. L’entreprise est aujourd’hui partiellement entre les mains du privé et l’une des plus grandes utilisatrices de travail intérimaire du pays. Des travailleurs presque sans droits – un intérimaire y regardera à deux fois avant de protester contre ses conditions de travail – servent ainsi de bélier contre les autres travailleurs, comme ce fut par exemple lors des grèves qui ont éclaté ces dernières années à La Poste.
En 2006, le nombre d’heures de travail intérimaire a augmenté de 13% alors que 2005 avait déjà été une année record pour le secteur. Le nombre d’intérimaires a augmenté jusqu’à 363.000, auxquels il faut encore ajouter 129.000 jobs étudiants. On est loin désormais de « pallier à une hausse temporaire de la production », le motif officiellement invoqué à l’origine pour faciliter le travail intérimaire.
Dans beaucoup d’entreprises, le travail intérimaire est devenu une donnée permanente. Les patrons l’utilisent souvent comme une période d’essai préalable à un contrat à temps plein et à durée déterminée ou indéterminée.
En fait, tout ceci est illégal. Mais la chasse aux entreprises qui organisent la précarité de l’emploi semble moins prioritaire aux yeux du gouvernement et des médias que la chasse aux chômeurs.
Partage du travail
La croissance limitée du nombre d’emplois sous la coalition violette a été due pour moitié à des emplois subsidiés (les titres-services) ou à la prolifération sauvage des emplois intérimaires et à durée déterminée. Comment un travailleur peut-il construire un avenir dans ces conditions ?
Ce que les chiffres ne révèlent pas non plus, c’est le stress et les problèmes psychiques qui affectent beaucoup de gens : d’après une étude récente, 17% de la population belge a déjà connu une dépression. On signale trop rarement que l’augmentation de la précarité de l’emploi y est pour quelque chose.
Ce n’est pas la précarité qu’il faut partager, mais le travail disponible. La semaine des 32 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire pourrait offrir un début de solution et diminuer la pression du travail. Le MAS pense que ce serait un pas en avant. Mais nous pensons aussi qu’une telle mesure ne pourrait être acquise de manière définitive que dans un autre type de société. Dans une société socialiste avec un gouvernement qui soit au service de la majorité de la population et pas d’une minorité de capitalistes.
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Présentation du CAP sur Wikipédia
Nous avons trouvé cet article sur l’encyclopédie libre wikipédia (http://fr.wikipedia.org). Si cela pose un problème à l’auteur, ou aux auteurs, que nous publions l’article sur notre site qu’il n’hésite pas à nous contacter. Dans le cas contraire, nous serions tout de même heureux de rentrer en contact avec lui, car nous avons été agréablement surpris par sa façon précise et honnête de présenter les choses.
Le Comité pour une Autre Politique (CAP), en néerlandais Comité voor een Andere Politiek, est un mouvement politique belge, orienté à gauche, et fondé fin 2005 (bien qu’officiellement lancé le 28 octobre 2006). ·
Création
Les initiateurs sont Jef Sleeckx, ancien député SP.a, Lode Van Outrive, ancien eurodéputé SP.a, et Georges Debunne, ancien président de la FGTB et de Confédération européenne des syndicats. Tous trois ont été actifs pendant des décennies au sein du mouvement socialiste belge.
Un congrès de fondation national a été organisé le 28 octobre 2006 devant un auditoire de l’Université libre de Bruxelles. Divers groupes politiques de gauche tels que le MAS, le PCB, et le POS y étaient présents afin de soutenir l’idée d’une formation de gauche large. Cette tradition d’assemblées nationales se perpétue depuis lors.
Histoire
L’histoire de la collaboration des trois initiateurs a débuté en 2005, après que le gouvernement belge ait annoncé que le projet de Constitution européenne ne serait pas soumis à un référendum, comme dans la plupart des pays d’Europe. Jef Sleeckx et Georges Debunne se rendirent au Parlement flamand le 8 novembre 2005 avec une pétition signée par 15000 citoyens belges, afin de demander qu’un référendum soit organisé en Flandre. Cette action ne porta pas de fruit, apparemment parce que la décision du référendum était d’ordre national, et non pas régional.
Fin 2005, les trois compères se retrouvèrent à nouveau dans le cadre de la lutte contre le Pacte des Générations – un plan de réformes des pensions qui avait été massivement critiqué par la population : les manifestations et grèves organisées en opposition à ce plan étaient les plus grandes qu’ait connues la Belgique depuis la lutte contre le Plan Global du gouvernement Dehaene, en 1992. Les sondages du moment montraient que près de 75% des Belges étaient opposés à ce plan, tandis que seuls 3% des parlementaires votèrent contre ce plan. C’est également dans le cadre de ces événements politiques, que des désaccords frappants furent marqués entre la FGTB et le SP.a – partenaire politique traditionnel de la FGTB en Flandre.
La conclusion tirée par les initiateurs du CAP, était que ces chiffres révélaient un gouffre énorme entre l’avis de la population, et les décisions prises par les personnes censées représentées cette même population.
Tirant l’analyse que ces désaccords provenaient d’un virage à droite du SP.a, qui se coupait ainsi de sa base militante traditionnelle, Jef Sleeckx et ses comparses décidèrent qu’il était temps de créer un nouveau mouvement politique à gauche du SP.a. Ils argumentaient aussi que la montée du parti d’extrême-droite Vlaams Belang était due à la recherche d’une alternative "populaire" de la part de l’électorat, et que seule la création d’un parti de gauche qui exprimerait réellement l’avis populaire pourrait enrayer la montée du VB (et non pas des mesures légales telles que l’établissement de cordons sanitaires et autres procès pour incitation au racisme), et ainsi résoudre la crise de la démocratie.
En cela, ils étaient également inspirés dans cette démarche par les positions et résultats obtenus par le WASG allemand et le SP néerlandais.
Cet avis fut exprimé dans un journal flamand, et attira l’attention de nombreuses personnes – notamment des délégués syndicaux anversois – qui partageaient l’avis des trois initiateurs. Voyant ce soutien, Jef Sleeckx prit la décision de concrétiser cette opinion, sous la forme du "Comité voor Een Andere Politiek", qui s’abrégea tout d’abord sous la forme EAP – Een Andere Politiek, puis sous la forme CAP actuelle. Jeff entreprit donc un tour de Flandre, puis de Belgique, en donnant des conférences prônant la mise en place de cellules CAP locales, qui auraient pour tâche de regrouper les partisans du projet de nouveau parti de gauche, et de commencer à préparer le congrès fondateur du 28 octobre 2006.
La date du samedi 28 octobre 2006 fut choisie pour commémorer la grande manifestation contre le pacte des Générations, qui avait eu lieu un an pile poil auparavant, le vendredi 28 octobre 2005 . La date initialement prévue était celle du 21/10, mais cela tombait, entre autres, en portaufaux avec les concerts contre la violence initiés par le groupe Deus. Ce congrès a donc confirmé le souci des 600 personnes présentes de construire une nouvelle formation politique qui réunirait l’ensemble des gens qui ne se retrouvaient plus ni dans la social-démocratie (PS, SP.a), ni dans l’écologisme politique (Ecolo, Groen!). Toute la "petite gauche" radicale était également présente, avec le MAS, le POS, le PC en tant que participants, et le Vonk et le CCI, qui étaient venus "pour voir". Le Bloc-ML était bien entendu absent, de même que le PTB, qui préféra garder cette date pour son festival cubain annuel.
Participation aux élections de 2007
Lors du deuxième congrès national CAP du 3 février 2007, une large majorité des participants décida de se présenter aux élections fédérales du 10 juin 2007.
Une proposition de Groen!, qui désirait intégrer des candidats CAP sur ses listes électorales, fut massivement rejetée. La raison principale de ce rejet était que le CAP refuse de collaborer avec des partis qui participent ou désirent participer à un gouvernement avec des partis qui appliqueront une politique jugée néolibérale par les membres du CAP ; une autre raison était que les membres du CAP craignaient d’être utilisés par Groen!. Il fut également discuté de la position du PTB vis-à-vis du CAP. Le PTB a en effet refusé de se joindre au CAP pour les élections. Selon certains, ce refus trouve son origine dans le fait que l’absence de Jeff Sleeckx sur les listes ne lui ferait gagner aucune voix. Selon d’autres, la raison de ce refus est que le PTB tente d’éviter les alliances électorales depuis "l’affaire Abou Jajah". Le PTB, quant à lui, a motivé ce choix par le refus du CAP de faire figurer les lettres "PTB" dans le nom de la liste (voir article où est mentionnée "la main tendue par le PTB+").
La troisième assemblée nationale du 14 avril 2007 a confirmé le programme électoral avec ses amendements. Outre les deux listes pour le Sénat (la liste francophone et la liste néerlandophone), le CAP présentera des listes pour la Chambre des Représentants dans toutes les provinces flamandes, ainsi que dans les provinces wallonnes du Hainaut et de Liège, et à Bruxelles. Ces listes, ainsi que l’ébauche de programme, sont accessibles sur le site du CAP.
La polémique autour du CAP en Belgique francophone
Une polémique s’est levée concernant les comités CAP en Wallonie et à Bruxelles. En effet, une autre tentative de rassemblement de la gauche, nommée "Une Autre Gauche" (UAG), s’était créée en Belgique francophone.
Il s’est cependant vite avéré que les objectifs et les méthodes d’UAG divergeaient trop de ceux du CAP que pour pouvoir poursuivre leur collaboration. D’autre part, la direction d’UAG était farouchement opposée à une fusion des deux mouvements pour n’en former qu’un seul sur le plan national. La polémique débuta lors des mobilisations pour la conférence du 28 octobre 2006. Dans le courant du mois de mai, le MAS décida de quitter UAG. Le jour-même du 28 octobre, aucune polémique ne fut ouvertement engagée au sujet des rapports entre UAG et le CAP.
Cependant, après la conférence du 28 octobre, des membres CAP résidant en Belgique francophone (pour la plus grande partie, membres du MAS) prirent l’initiative de lancer des comités CAP en Wallonie et à Bruxelles. La lettre de rupture justifiant cette décision peut être trouvée.
UAG demanda immédiatement à la direction du CAP de rappeler leurs militants à l’ordre, mais cette dernière hésita, et préféra ne pas prendre position, laissant les CAP francophones voler de leurs propres ailes. Il apparaît que la direction du CAP aurait préféré continuer à avancer en invitant à la fois les dirigeants d’UAG et ceux des CAP francophones aux réunions de direction. Mais cela était contesté par les CAPistes francophones qui contestaient la représentativité des délégués UAG. UAG boycotta alors l’assemblée du 3 février. C’est pourtant lors de cette conférence que fut ouvertement posée la question de la collaboration UAG-CAP par les membres du SAP (l’équivalent du POS en Flandre), à laquelle la direction CAP ne fournit à nouveau aucune réponse, tandis que d’autres orateurs décidèrent de s’exprimer à ce sujet, tantôt pour, tantôt contre UAG.
Les CAP wallons et bruxellois connurent ensuite une forte croissance, surtout dans le Hainaut et à Liège, se construisant rapidement autour de la dynamique de la préparation aux élections. Lors de la conférence du 14 avril, plus personne au sein du CAP ne parlait d’UAG.
A ce jour, il semble que la situation soit celle-ci :</b<
1) même s’il a été dit par plusieurs groupements (POS, PTB, PCB, etc.) que le CAP en Wallonie n’était rien d’autre qu’un "MAS+", il s’avère qu’à l’heure actuelle, après seulement trois mois de "vie séparée", la majorité des membres et des dirigeants du CAP wallon ne sont pas membres du MAS (voir, notamment, la composition des listes).
2) plusieurs membres importants d’UAG ont maintenant rejoint le CAP.
3) la majorité des membres du CAP, au niveau national, sont maintenant favorables aux CAP francophones, même si la crainte de les voir dégénérer en "comités MAS+" était forte au début.
4) UAG est maintenant considéré par la majorité des membres CAP comme un simple groupuscule d’activistes de gauche, qui est toujours invité à participer au CAP en tant qu’organisation fédérée, mais certainement plus en tant qu’équivalent CAP francophone, puisque les CAP francophones sont insérés dans les mêmes structures que les autres comités flamands (sans compter le plus grand nombre de membres, etc.).
5) la plupart des dirigeants du CAP (Raf Verbeke, Mon Steyaert, Jeff Sleeckx, Georges Debunne…) soutiennent les CAP francophones, bien que tacitement pour certains.
6) cependant, d’autres membres influents au sein du CAP, bien qu’en minorité, sont toujours opposés à ces comités, et parlent en leur nom en laissant croire qu’ils le font au nom de la majorité du mouvement, donannt de ce fait un poids aux arguments "anti-CAP francophone". C’est le cas notamment de Lode Van Outrive – qui, de ce fait, et pour d’autres raisons, s’isole par rapport au mouvement. Lode Van Outrive était d’ailleurs absent de l’assemblée du 14 avril.
7) au cours de cette polémique, le PCB s’est profondément divisé. En Wallonie, le PCB de La Louvière a déposé ses propres listes pour le Sénat et le Hainaut ; il semble que la section de Liège continue à collaborer avec UAG ; les sections flamandes ont, quant à elles, apparemment rejoint le CAP dans leur majorité.
8) la LCR (ex-POS) a également un rapport ambigu vis-à-vis de sa participation dans le CAP. Ses membres wallons participent toujours à UAG, avec une liste "Gauche" déposée dans le Hainaut. En Flandre, ses membres participent toujours officiellement au CAP, mais semblent être moins présents depuis le 3 février.
9) Enfin, le PTB reste très réservé par rapport à l’initiative du CAP. Voir, par exemple, l’article dans lequel il interviewe Lode Van Outrive sur la situation du CAP.
Perspectives pour le mouvement
Le CAP, jusqu’ici, tire un bilan extrêmement positif de la participation aux élections : le travail de longue haleine pour rassembler les fonds, discuter avec les gens, récolter les signatures, etc. a permis de créer des liens de collaboration au sein de la toute nouvelle équipe dirigeante du mouvement. Sans la construction autour du travail commun des élections, le CAP aurait dû affronter une période de stagnation, au cours de laquelle il n’aurait organisé qu’une réunion par-ci, par-là.
Le CAP a également reçu l’appui de personnalités de la gauche belge telles que Roberto D’Orazio. En Flandre également, c’est l’ancien bourgmestre limbourgeois SP.a Jules D’Oultremont qui a rejoint le CAP pour les listes limbourgeoises.
Des élections, le CAP espère retirer une certaine notoriété au sein de la gauche radicale belge. Les membres CAP attendent énormément des discussions qui pourraient se dérouler au sein de la gauche du PS, d’Ecolo et du PTB.
Outre les élections, le CAP a déjà organisé plusieurs manifestations contre les fermetures des bureaux de poste. Son bus était également présent à de nombreux piquets (Volkswagen, Arjo-Wiggins…) et manifestations (Gay Pride, manif anti-guerre en Iraq…). Le CAP a également le soutien de nombreux délégués syndicaux et du mouvement étudiant du MAS, les Étudiants de gauche actifs (EGA).
Le CAP s’attend maintenant à une nouvelle période favorable pour sa croissance. En effet, cela fait une année que la politique belge est dominée par les périodes électorales (communales en octobre 2006, législatives en juin 2007), et le "spectre" de la lutte contre le Pacte des Générations. Le CAP pense que la période post-électorale sera à nouveau dominée par ce qu’il appelle des "attaques néolibérales", et qu’il aura un important rôle à jouer dans le développement des luttes à venir.
Le CAP devrait tenir son prochain congrès national peu après les élections. Aucune date n’a cependant encore été avancée.
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Une « autre campagne » …
Les partis traditionnels peuvent compter sur des sommes confortables provenant de nos impôts pour porter leurs campagnes (56 millions d’euros en 2006). Les dotations parlementaires leurs permettent de consacrer des millions d’euros aux dépliants colorés et aux grandes affiches de leurs leaders. Ces mêmes dirigeants ont l’opportunité d’encombrer toutes sortes de programmes de télévision. Le CAP, lui, veut non seulement une autre politique, mais aussi une autre campagne.
Les militants au coeur de la campagne
Le CAP n’a fait appel à aucune agence publicitaire pour concevoir son programme électoral et son affiche. Ce sont les militants eux-mêmes qui ont discuté et décidé de tous les aspects de la campagne, entre autres lors des conférences nationales du 3 février et du 14 avril. La conférence du 14 avril s’est déroulée dans un enthousiasme énorme. Elle a adopté les thèmes centraux de la campagne et le tract électoral national. Certains candidats se sont aussi présentés et un vote a eu lieu au sujet des listes. La présentation des candidats n’a pas été pour rien dans le caractère particulièrement vif et enthousiaste de la réunion.
Il a été particulièrement rafraîchissant sous le soleil de cette journée d’entendre des travailleurs, des jeunes, des retraités… expliquer eux-mêmes pourquoi une autre politique est nécessaire. Nous ne pouvons pas laisser la politique aux politiciens des partis établis. La politique s’occupe de notre vie, pourquoi devrait-on, nous, ne pas nous en mêler ? C’est uniquement de cette manière que nos revendications trouveront une expression politique.
Un potentiel énorme
Contrairement aux partis traditionnels, le CAP a conquis le droit de pouvoir se présenter aux élections en étant présent sur le terrain pour collecter les deux fois 5.000 signatures nécessaires et non en demandant des signatures de parlementaires. Ce fut un énorme effort, mais un effort motivant car il nous a permis de tester la réponse des gens face à l’initiative et cette réponse a été plus que positive. Jef Sleeckx souligne déjà depuis quelques mois que l’espace pour une alternative existe. Nos moyens limités feront bien entendu que nous ne pourrons pas entièrement exploiter ce potentiel, mais il est déjà important d’identifier celui-ci et de tâcher de saisir les opportunités qui se présentent.
Le soutien large dont bénéficie le CAP a permis de voir l’arrivée de plusieurs personnalités ayant une longue tradition au sein du mouvement ouvrier ou ayant l’expérience d’une implication dans d’autres domaines. Dans la province du Limbourg, l’ancien bourgmestre SP.a de Houthalen-Helchteren, Jules D’Oultremont tirera la liste pour la Chambre. Tiny Mast, la maman de Kim et Ken – deux enfants disparus dans la même période que Julie et Mélissa – qui était très active dans le mouvement Blanc, se trouve sur la liste du Sénat du côté néerlandophone.
Mais les listes du CAP comprennent surtout beaucoup de travailleurs dont la plupart ont une expérience syndicale appréciable : des travailleurs de Volkswagen, de Ford, du secteur non-marchand, des différents secteurs des transports en commun, de l’enseignement, de La Poste,…
Les médias ont choisi leur camp…
Le CAP ne peut pas compter sur beaucoup d’intérêt de la part des médias. En Flandre, une émission populaire consacrée aux élections (« Doe-de-Stemtest », « Faites le test électoral », à la VRT), a refusé que le CAP participe. Les excuses de la VRT ont changé au fur et à mesure qu’elles se heurtaient au bon sens… Et ne parlons même pas du côté francophone! Les critiques du « pauvre » Didier Reynders sur le manque d’objectivité de la RTBF (qui ne manque pourtant pas de lui accorder la parole bien plus qu’il ne le mérite) ressemblent à autant de caprices d’un enfant beaucoup trop gâté face à la situation que rencontrent les « petites » listes.
Nous ne pouvons pas compter sur les médias et les dons des riches pour faire connaître le CAP à grande échelle. Mais comme Jef Sleeckx le faisait remarquer à la conférence du 14 avril, le CAP dispose d’une arme importante : l’enthousiasme de ses partisans.
Et après les élections ?
Le Comité une Autre Politique (CAP) est un développement bienvenu dans la paysage politique belge. Le MAS/LSP soutient pleinement le CAP et sa campagne. L’initiative est encore jeune et instable et son développement ultérieur n’est pas garanti. Cela dépendra de la manière dont le gigantesque potentiel qui est devant nous sera utilisé.
La campagne électorale peut clarifier un certain nombre de choses pour le CAP : la nécessité d’aller vers l’extérieur, d’élaborer les thèmes centraux, d’avoir un engagement actif. Tout cela est nécessaire pour aller plus loin et, notamment, aborder plus en profondeur le programme par la suite. Sur base de cette campagne électorale, le CAP sera renforcé pour qu’après les élections – espérons-le – on puisse bâtir alors une alternative politique et poser les premiers jalons vers un véritable nouveau parti des travailleurs.
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Référendum à VW. Le couteau sur la gorge
Le 27 février, les travailleurs de VW Forest ont avalisé par référendum, à 76%, le plan de la direction allemande, transformant leur site en nouvelle usine Audi. Médias, politiciens, directions syndicales, tous se sont empressés d’exprimer leur satisfaction, saluant le « bon sens » des travailleurs et présentant comme une décision démocratique ce qui n’est rien d’autre qu’un pur chantage patronal.
Cédric Gérôme
Le spectre de la fermeture de l’usine et la menace de remettre en question les conditions de départ des travailleurs qui ont décidé de quitter l’entreprise ont été brandis comme épouvantail par le patronat de VW afin de contraindre les travailleurs à avaler le recul social : contre le maintien de 2.200 emplois et la production de l’Audi A1 à partir de 2009, la direction obtient une réduction des coûts de 20%, via un allongement du temps de travail de 35 à 38 heures sans compensation salariale, ainsi qu’un accroissement de la flexibilité.
Quant à la garantie des emplois au-delà de 2010, elle sera fonction du succès commercial de l’Audi A1. Autrement dit, si le succès n’est pas au rendez-vous, les licenciements, voire la fermeture pure et simple, pourraient revenir sur la table.
Dans la lignée de l’attitude adoptée par les directions syndicales depuis le début du conflit, Stefaan Van Bockstaele, délégué principal du syndicat libéral, ajoutait : « Celui qui ne peut vivre (avec l’accord) ou ne se sent pas chez lui dans l’usine peut encore signer le registre des départs volontaires, qui restera ouvert jusqu’à la fin de la semaine ». Traduction : les « rebelles » ont encore le temps de foutre le camp, le climat social dans l’usine en sera d’autant plus serein.
« C’est un pas en avant important pour l’usine de Forest », commentait quant à lui Norbert Steingräber, le directeur de l’usine, à l’issue du vote. En 2006, les ventes mondiales du groupe ont augmenté de 9,4%, et son profit net a plus que doublé à 2,75 milliards d’EUR. Pendant que les travailleurs de Forest devront trimer 3 heures de plus par semaine gratuitement, « pour fêter cet exercice encourageant, Volkswagen distribuera un dividende en forte hausse à 1,25 euro par action contre 1,15 euro en 2005 ». (*) Est-ce de ce type de « pas en avant » dont parle M.Steingräber ?
Il est clair qu’à l’avenir, de nouveaux « cas VW » sont à prévoir. Les menaces de licenciements qui planent sur Opel-Anvers n’en sont qu’un exemple. Il faudra s’y préparer, et par nos propres moyens. Car ce n’est pas sur les partis traditionnels que l’on pourra compter pour le faire. La peinture rouge dont certains tentent de se parer juste avant les élections ne permettra pas de camoufler un fait irréversible : il nous faut une autre politique, et surtout un autre parti pour la défendre.
(*) La Libre Belgique du 21 février 2007