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Nouvelle guerre froide : Non à la guerre en Ukraine !

L’unité des travailleurs est essentielle pour lutter contre la menace de guerre
Des tremblements de terre politiques et économiques se préparent à l’échelle mondiale alors que les forces de l’impérialisme américain et chinois passent d’un état de coopération à une concurrence ouverte. Alors que ces forces entrent en collision, l’onde de choc se propage dans le monde entier et désorganise, perturbe et réorganise les relations entre différentes puissances impérialistes. L’épicentre de cette perturbation est actuellement l’Ukraine.
Par Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie)
Bien que les deux parties affirment ne pas vouloir de conflit, les impérialismes américain et russe s’affrontent, attisant la folie guerrière à un tel point que la loi des conséquences involontaires pourrait déclencher une guerre chaude, dont l’ampleur potentielle n’aura pas été vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de tout cela, le peuple ukrainien est traité comme un pion, son destin étant décidé par des forces indépendantes de sa volonté. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine, et des pays impérialistes qui perdront leurs vies, leurs maisons et leurs moyens de subsistance en conséquence de cette guerre inutile.
Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) s’oppose totalement aux plans des vautours impérialistes et appelle à la construction d’un mouvement anti-guerre de masse reposant sur la solidarité entre travailleurs d’Ukraine, des Etats-Unis et de Russie.
En Ukraine, les bellicistes soulignent que l’invasion est imminente. L’ancien chef des forces spéciales ukrainiennes, Sergey Krivonos, a affirmé à la télévision centrale que des plans sont en cours d’élaboration pour faire venir des milliers de parachutistes russes dans les aéroports autour de Kiev afin de s’emparer de la ville. L’ancien président Porochenko estime que l’attaque consistera en des missiles balistiques “Iskander” tirés depuis la mer et au-delà de la frontière pour détruire les principaux actifs ukrainiens. Le président Zelensky voit les envahisseurs faire entrer les chars par Kharkov. Des témoins oculaires rapportent que les aéroports de fret ukrainiens connaissent une augmentation massive des vols, tandis que dans les parcs des villes, des forces volontaires sont entraînées au combat.
Ces derniers jours, peut-être pour calmer la population, des voix plus sobres se sont élevées à Kiev. Après l’évacuation largement médiatisée des familles des diplomates américains, britanniques et australiens de Kiev, une réunion d’urgence du “Conseil pour la sécurité nationale et la défense” de l’Ukraine a été convoquée. Lors du point de presse, son secrétaire Aleksey Danilov a déclaré : « Nous ne voyons aujourd’hui aucune base pour confirmer une invasion à grande échelle. Il est impossible que cela se produise, même physiquement (…) Aujourd’hui, nous pouvons voir (aux frontières de l’Ukraine) environ 109.000 soldats. Nous voyons environ 10 à 11 000 “convois”, des forces d’escorte. Si nos partenaires pensent qu’il s’agit d’une forte augmentation du nombre de troupes, pour nous, ce n’est pas nouveau. Une augmentation de 2 à 3.000 hommes n’est pas critique. »
Sur ICTV également, le ministre ukrainien de la Défense, Aleksey Reznikov, a déclaré : « Aujourd’hui, à l’heure actuelle, pas une seule force de frappe des forces armées de la Fédération de Russie n’a été formée, ce qui confirme qu’elles ne préparent pas une attaque imminente. » Il a comparé la situation à celle d’avril dernier, ajoutant qu’il n’accordait pas une grande importance à l’idée qu’une attaque aurait lieu le 20 février.
Non à l’intervention impérialiste
Les puissances étrangères continuent cependant à faire monter la température. À l’ouest, les États baltes, la Grande-Bretagne, le Canada et la Turquie envoient des armes et de petits contingents de troupes « pour s’entraîner ». Le Pentagone, selon le New York Times, a préparé des plans pour envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est, et on rapporte aujourd’hui que 8.500 d’entre eux ont été placés en « alerte renforcée ».
En Russie, les informations sont plus difficiles à obtenir. Il est clair qu’il y a une augmentation significative des activités militaires. L’arsenal est déplacé, des exercices conjoints Russie-Biélorussie avec utilisation d’artillerie réelle sont menés à 40 kilomètres de la frontière ukrainienne. Des exercices navals impliquant 140 navires ont été annoncés dans toutes les mers entourant la Russie, du Pacifique à la mer Noire. Des navires des puissances occidentales et de la Russie se déplacent en Méditerranée et en mer Noire.
Les pourparlers se poursuivent sous toutes sortes de formes, mais aucune avancée n’a encore été réalisée.
Les scénarios possibles
Une invasion complète de l’Ukraine par la Russie est l’option la moins probable dans cette situation. Cela n’empêche pas les bellicistes occidentaux de parler comme si elle était déjà imminente. L’Institute for the Study of War, qui se présente comme une « organisation de recherche sur les politiques publiques, non partisane et à but non lucratif », engagée à aider les États-Unis à atteindre leurs objectifs stratégiques, a largement diffusé sa carte des « plans potentiels pour une invasion complète de l’Ukraine ».
Selon cette carte, la Russie attaquera à partir de la Crimée et des républiques non reconnues de Donetsk et de Lugansk (DNR/LNR) pour détourner les forces ukrainiennes. Des forces mécanisées descendront ensuite du nord-est pour encercler Kiev, Dnipro et Kharkiv – 3 villes dont la population combinée dépasse les 5 millions d’habitants. Ensuite, des forces navales ou des troupes envoyées par avion dans la république moldave sécessionniste de Transnistrie envahiront l’ouest pour s’emparer d’Odessa et de la côte de la mer Noire. D’autres troupes entreront par la Biélorussie au nord, traversant au passage les terrains radioactifs autour de Tchernobyl.
Si la Russie devait envahir de cette manière, le coût humanitaire serait impensable. Avec une population deux fois plus nombreuse que celle de l’ex-Yougoslavie, qui a éclaté en guerres interethniques au début des années 1990, faisant 140.000 morts et 4 millions de réfugiés, une occupation de l’Ukraine pourrait faire des centaines de milliers de morts et plusieurs millions de réfugiés. Selon toute probabilité, un tel conflit entraînerait les États baltes voisins et la Pologne.
S’agit-il d’un scénario probable ?
Compte tenu de la volatilité de la région, avec les récents soulèvements populaires au Bélarus et au Kazakhstan, la guerre au Nagorny-Karabakh et les manifestations de masse en Russie, en Géorgie et en Arménie, la politique étrangère agressive de l’administration Biden et les politiques autoritaires et expansionnistes du Kremlin, rien ne peut être exclu. Mais comme le soulignait Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Ce qui déterminera les événements sera l’issue de la lutte politique entre les puissances impérialistes, ainsi qu’au sein des pays impliqués.
Le conflit porte peut-être sur le sort de l’Ukraine, mais le fait qu’au cours de la première semaine de négociations, qui a débuté par un dîner entre diplomates américains et russes à Genève, l’Ukraine n’ait même pas été invitée témoigne du cynisme extrême des puissances impérialistes. Bien que nous soyons maintenant dans la troisième semaine, aucune solution n’a été trouvée jusqu’à présent au cours de ces pourparlers.
La Fédération de Russie s’en tient à ce qu’elle appelle ses lignes rouges : L’OTAN ne doit pas s’étendre davantage en Europe de l’Est, l’Ukraine et la Géorgie ne doivent jamais être autorisées à y adhérer, et les armes de l’OTAN ne doivent pas se trouver aux frontières russes.
Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer. Depuis lors, plusieurs pays de l’OTAN ont envoyé des armes à l’Ukraine, tandis que l’OTAN elle-même envoie des navires et des avions de chasse supplémentaires en Europe orientale. L’Ukraine est sacrifiée pour être le théâtre d’une guerre par procuration entre les puissances impérialistes.
L’ensemble du processus s’accompagne de dangereuses manœuvres. L’impérialisme occidental, fidèlement rapporté par les médias grand public, ne connaît aucune limite. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, avant sa rencontre avec le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie avait derrière elle une « longue histoire de comportement agressif ». « Cela inclut l’attaque de la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014, ainsi que « l’entraînement, l’armement et la direction » d’une rébellion séparatiste dans l’est de l’Ukraine. » Il a omis, bien sûr, de mentionner qu’au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont bombardé Belgrade, envahi l’Afghanistan et l’Irak, mené de nombreuses interventions en Syrie, en Libye, au Yémen et dans de nombreuses régions d’Afrique.
Bien que relativement discrets par rapport à la propagande extrême menée lors de la prise de contrôle de la Crimée il y a huit ans, les médias russes diffusent régulièrement des informations sur les provocations prévues par les forces ukrainiennes contre la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk (RPD/RPL). Fidèle à ses habitudes, c’est le parti communiste qui chante le plus fort dans le chœur des bellicistes. Il appelle la Douma d’État à reconnaître officiellement la RPD/RPL. Même le porte-parole du Kremlin prévient que cela serait perçu comme l’agression contre laquelle l’Occident met en garde. Joe Biden a affirmé que toute tentative des forces russes de franchir la frontière serait considérée comme « une invasion ». En retardant l’adoption de la proposition, les personnalités pro-Kremlin suggèrent que cela compromet leur « plan B ». Ils ne précisent pas en quoi consiste le « plan A », mais il est suggéré que cela signifie l’aboutissement des négociations.
L’expansion de l’OTAN
Poutine fait souvent référence à la promesse faite par l’impérialisme américain à l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev en février 1990 selon laquelle si l’armée soviétique se retirait d’Allemagne de l’Est, et qu’elle devenait de facto membre de l’OTAN dans la nouvelle Allemagne unifiée, l’OTAN ne s’étendrait pas davantage à l’Est. Depuis lors, l’OTAN s’est étendue de plus de 800 km jusqu’à la frontière entre la Russie et les États baltes. Partie intégrante de la Russie, l’enclave de Kaliningrad est entourée sur toutes ses frontières terrestres par des États de l’OTAN. En 2008, lors du sommet de Bucarest, l’OTAN a conclu une alliance avec la Géorgie et l’Ukraine, dans le but de les faire adhérer à terme. En cas d’adhésion, les forces de l’OTAN s’étendraient sur plus de 4.000 kilomètres de frontière russe.
Désormais annuels, les exercices « Défendre l’Europe » ont impliqué 28.000 soldats en 2021. Ils ont été mobilisés, selon le chef de l’armée américaine en Europe et en Afrique, le général Chris Cavoli « vers des zones opérationnelles dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Pologne, dans les États baltes, dans d’autres pays d’Europe de l’Est, dans les pays nordiques et en Géorgie. » Ces exercices ne sont qu’une partie des activités des puissances occidentales dans la région. 5.000 soldats, 32 navires et 40 avions ont participé aux exercices des manœuvres maritimes « Sea Breeze » de l’été dernier en mer Noire.
Cela fait partie de la polarisation continue du monde entre les différents intérêts impérialistes. L’administration Biden considère certainement la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, et elle a construit avec détermination des alliances pour la défier au niveau mondial. Dans le même temps, elle considère la Russie comme « la plus grande menace », en raison de la manière dont elle utilise sa puissance militaire pour interférer avec l’expansion des intérêts américains et pour contribuer à diviser les alliés des États-Unis. La Russie a perturbé les plans américains visant à évincer Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont été réduits en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes.
L’Union européenne mise sur la touche
Ces événements ont marqué une nouvelle étape dans la minimisation par les États-Unis de leurs relations avec l’Europe. La mise en place de l’alliance AUKUS et le départ soudain de l’Afghanistan avaient, comme l’a observé un commentateur, confirmé que : « les Chinois de la Maison Blanche conduisent le bus. Et ils ne considèrent pas l’UE en tant que partenaire utile sur les sujets qui comptent pour les États-Unis ». L’UE n’a pas non plus été invitée aux discussions de la semaine dernière, sauf en tant que membre individuel de l’OTAN.
Cette situation reflète en partie les divisions au sein même de l’UE. Le Kremlin cultive depuis plusieurs années le soutien des forces populistes de droite, notamment en Italie, en France et en Autriche, tandis qu’après la crise de 2014, lorsque la Russie s’est emparée de la Crimée et que le RPD/RPL a été créé, la France et l’Allemagne ont rompu les rangs, intervenant pour tenter de résoudre la question dans ce qui est devenu le Format Normandie, responsable des pourparlers de Minsk. La Pologne aussi, déjà en conflit avec Bruxelles sur la question de savoir si les lois de l’UE l’emportent sur la constitution polonaise, est mécontente que l’UE n’agisse pas fermement sur ce conflit.
Les États-Unis souhaitent une approche unifiée avec l’UE pour appliquer les sanctions. Il semble que les sanctions contre des personnalités du régime russe, y compris, semble-t-il, contre Poutine lui-même, soient acceptées. Mais la France vient de prendre la présidence de l’UE pour six mois. Macron a explicitement déclaré que les sanctions contre la Russie ne fonctionnent pas, tandis que d’autres membres de l’UE ne sont pas d’accord sur ce qui devrait déclencher les sanctions. La sanction qui semble être largement acceptée consiste à couper l’économie russe du système d’information bancaire SWIFT.
Le sort du gazoduc Nord Stream 2 est plus controversé. La production de gaz naturel en provenance de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Norvège devrait diminuer dans les années à venir, au moment même où la demande devrait exploser, car le gaz naturel est considéré comme une source d’énergie plus propre. Pour remédier à cette situation, la Russie a construit le nouveau gazoduc Nord Stream 2 sous la mer Baltique, qui permettra d’acheminer le gaz directement vers l’Allemagne. Il présente l’avantage supplémentaire de priver l’Ukraine des revenus qu’elle tire du transit du gaz.
Le gazoduc a été rempli à la fin du mois de décembre et attend maintenant que les autorités allemandes délivrent la certification finale pour pouvoir commencer à fonctionner. Un quart du pétrole et plus de 40 % du gaz de l’UE proviennent actuellement de Russie. On estime que Nord Stream 2 a la capacité de répondre à lui seul à un tiers des futurs besoins en gaz de l’UE. Des sanctions contre Nord Stream 2 signifieraient un sérieux affaiblissement de l’économie, en particulier lorsque les prix de l’énergie s’envolent.
C’est pourquoi les États-Unis se sont heurtés à une résistance pour bloquer Nord Stream 2. La nouvelle coalition fédérale allemande a connu sa première crise majeure sur cette question. Le chancelier Olaf Scholz, du parti social-démocrate, s’oppose publiquement aux sanctions contre Nord Stream 2, ce qui reflète les intérêts de l’élite économique allemande. Merkel a soutenu le projet, et l’ancien chancelier Gerhard Schröder est président du comité des actionnaires de Nord Stream 2. La ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, membre des Verts, appelle toutefois à des sanctions. Elle explique qu’il s’agit d’une “politique étrangère féministe”, bien que si des sanctions et une guerre résultent de cette politique, ce serait un revers majeur pour les femmes en Ukraine et en Russie.
La Turquie, également membre de l’OTAN, est un autre acteur de ce dangereux jeu de guerre. Erdogan a suggéré que le pays pourrait servir d’hôte aux négociations entre la Russie et l’Ukraine, manquant manifestement l’ironie lorsqu’il a critiqué la Russie en disant « Vous ne pouvez pas gérer ces choses en disant ‘je vais envahir quelque chose, je vais le prendre’. »
La Turquie et la Russie ont une relation que l’on peut décrire comme une rivalité coopérative, parfois d’accord lorsqu’il s’agit de critiquer les États-Unis, d’autres fois en conflit comme en Syrie. À la suite de la récente guerre du Haut-Karabakh, où l’Azerbaïdjan a bénéficié d’un soutien important de la part de la Turquie, Erdogan a publiquement soutenu la revendication de Kiev sur la Crimée. Une usine proche de Kiev a commencé à produire des drones de conception turque, qui ont déjà été utilisés dans l’est de l’Ukraine.
Les relations américano-turques sont au plus bas. L’achat par Erdogan de missiles à la Russie en 2019 a entraîné des sanctions de la part des États-Unis. Maintenant, le pays veut acheter des chasseurs américains pour moderniser son armée de l’air. Une partie de l’élite américaine considère toujours Ankara comme un allié potentiel contre la Russie, donc ferme les yeux sur le danger d’un effondrement de l’économie turque, la croissance de l’autoritarisme, et les désaccords précédents par peur de couper complètement les relations, et de laisser la Turquie beaucoup plus proche du pivot Chine-Russie en développement.
Les plans du Kremlin
Conscient que le développement de la guerre froide va, selon toute vraisemblance, pousser le Kremlin à se rapprocher du régime chinois, Biden a intérêt à affaiblir une force militaire aussi importante avant qu’une telle union ne gagne trop de terrain. Les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles cette démarche s’inscrit dans le cadre de sa politique de « promotion d’une action collective mondiale pour stimuler la démocratie » ont été balayées par la précipitation à soutenir la répression brutale du régime du Kazakhstan.
Dans un essai extraordinaire publié par le Kremlin à la mi-2019, Poutine justifie sa conviction que l’Ukraine fait partie de la Russie en se référant, entre autres, à : « Le choix spirituel fait par saint Vladimir… le trône de Kiev [qui] occupait une position dominante dans la Rus antique… la coutume depuis la fin du IXe siècle… le conte des années révolues… les paroles d’Oleg le prophète à propos de Kiev : “Qu’elle soit la mère de toutes les villes russes”. »
À l’approche des temps modernes, il s’en prend aux bolcheviks de Lénine pour avoir permis au peuple ukrainien de décider lui-même de son destin, en disant : « Le droit pour les républiques de faire librement sécession de l’Union a été inclus dans le texte de la Déclaration sur la création de l’Union des républiques socialistes soviétiques et, par la suite, dans la Constitution de l’URSS de 1924. Ce faisant, les auteurs ont planté dans les fondations de notre État la bombe à retardement la plus dangereuse, qui a explosé dès que le mécanisme de sécurité fourni par le rôle dirigeant du PCUS a disparu… »
Ces citations à elles seules réfutent toute suggestion selon laquelle Poutine veut restaurer l’URSS ou, comme le font certaines personnalités de gauche, justifier le soutien à la Russie en tant que régime plus progressiste. Il s’inspire de l’ancien empire russe, évoquant systématiquement une union, selon l’ancienne terminologie tsariste, du Bélarus, de la Malorussie (Ukraine du Nord et de l’Ouest), de la Novorossiya (Ukraine du Sud jusqu’à la Moldavie) et de la Crimée.
Ni dans cet article ni dans la “Stratégie de sécurité nationale” récemment publiée, le Kremlin ne propose une intervention directe pour prendre l’une de ces régions. Mais les commentateurs parlent de “cygnes noirs” – des événements inattendus qui offrent des opportunités d’action. En 2014, le Kremlin a profité des événements autour de l’”Euromaïdan” pour s’emparer de la Crimée et établir une position dans l’est de l’Ukraine. Depuis lors, le conflit militaire s’est poursuivi, faisant jusqu’à présent 14.000 victimes.
Au cours des deux dernières années, d’autres “cygnes noirs” sont apparus. Le soulèvement en Biélorussie, dont la défaite a été provoquée par l’opposition libérale, a ramené le régime bélarusse dans l’orbite du Kremlin. La guerre du Haut-Karabakh a vu la Turquie renforcer son influence en Azerbaïdjan aux dépens de la Russie, mais a permis au Kremlin de renforcer son emprise sur l’Arménie. Le soulèvement au Kazakhstan a vu le régime de ce pays s’éloigner de la stratégie “multi-vecteurs” de Nazarbayev, qui consistait à trouver un équilibre entre la Russie, la Chine et les États-Unis, Tokayev étant devenu dépendant des forces russes pour soutenir son régime.
Mais la nouvelle “stratégie de sécurité nationale” publiée l’année dernière est beaucoup plus affirmative. Selon le directeur du Carnegie Moscow Center, la précédente stratégie écrite en 2015 portait sur une autre époque : « À l’époque, les relations avec l’Occident s’étaient déjà fortement détériorées en raison de la crise ukrainienne, mais étaient encore considérées comme récupérables ; une grande partie de la phraséologie libérale héritée des années 1990 était encore utilisée ; et le monde semblait encore plus ou moins unifié. La version actuelle […] est un manifeste pour une ère différente : une ère définie par la confrontation de plus en plus intense avec les États-Unis et leurs alliés ; un retour aux valeurs russes traditionnelles. »
Il est sans doute vrai que le ton et les ultimatums du Kremlin sont devenus beaucoup plus agressifs.
Comment cela va-t-il se concrétiser dans la pratique ? Le “plan A” semble bien être la poursuite des négociations pour limiter l’expansion de l’OTAN vers l’est. Mais la Maison Blanche ne semble pas prête à accepter un compromis sur cette question. Plus le Kremlin fait monter les enchères avec ses mouvements de troupes et ses jeux de guerre pour faire pression sur l’Ouest, plus l’Ouest déplace des armes vers l’Ukraine et brandit la menace d’une guerre, plus le risque d’une escalade accidentelle est grand. Le “plan B” semble se rapprocher alors que les négociations sont au point mort. Une décision officielle du Parlement et du gouvernement russes de reconnaître les deux républiques confirmerait le processus, par lequel la Russie a commencé à délivrer en masse des passeports russes et à ouvrir les relations commerciales. Les troupes russes se déplaceraient alors dans les deux républiques.
Une nouvelle escalade, si des missiles de l’OTAN sont placés en Ukraine, pourrait entraîner le déplacement des missiles russes vers d’autres pays. Cuba et le Venezuela ont été mentionnés. Une autre option serait une intervention rapide dans la partie principale du pays pour porter un coup à l’armée ukrainienne, avant de se retirer comme cela s’est produit lors de la guerre de 2008 contre la Géorgie, lorsque l’armée russe a attaqué la ville de Gori.
Une escalade plus profonde en Ukraine semble problématique. En 2014, d’âpres combats ont empêché le camp pro-russe d’ouvrir le corridor dans le sud autour de la ville de Marioupol. Poutine a dû renoncer à son objectif initial de s’emparer de l’ensemble de la “Novorossiya”. Aujourd’hui, l’armée ukrainienne est mieux entraînée et équipée, mais surtout, la population ukrainienne considérera une telle attaque comme une invasion et y résistera avec acharnement.
Contrairement à cette époque, où une frénésie patriotique après la prise de contrôle de la Crimée s’est installée, la population russe est aujourd’hui beaucoup plus méfiante à l’égard du Kremlin. L’Omicron a frappé la population largement non vaccinée, tandis que la situation économique et le renforcement spectaculaire de l’autoritarisme ont sapé le soutien au régime. Un sondage d’opinion publié cette semaine suggère que la majorité des Russes ne croit toujours pas qu’il y aura une guerre, bien qu’une majorité la craigne, considérant la situation non pas comme un conflit avec l’Ukraine mais avec l’Amérique, dans laquelle : « L’Ukraine – est un simple pion dans le jeu plus vaste joué par l’Amérique… c’est simplement le jeu des États-Unis, avec les pays occidentaux et l’OTAN, qui utilisent l’Ukraine pour faire pression sur la Russie. »
De manière très significative, les grandes entreprises ont elles aussi peu d’enthousiasme pour une guerre. Le récent krach boursier a fait disparaître 150 milliards de dollars de la valeur des grandes entreprises et le rouble est en chute libre. Pour l’instant, les entreprises ne s’expriment pas. Comme le fait remarquer un banquier d’affaires anonyme : « Si personne ne veut la guerre, ne vous attendez pas à ce que les grandes entreprises se lèvent et expriment leur opposition. Nous sommes devenus des passagers. Les milieux d’affaires ne discuteront de la guerre que dans leurs cuisines. Tout le monde restera silencieux en public. »
Ce commentaire expose cependant un réel danger. Depuis 2014, la base sociale de l’autocratie du Kremlin est devenue de plus en plus étroite. Poutine est de plus en plus isolé, ce qui est aggravé par sa peur du coronavirus. Les visiteurs de sa résidence doivent se mettre en quarantaine pendant deux semaines, avant de passer par un “tunnel de désinfection” spécialement fabriqué. La situation est donc très dangereuse, car il n’y a plus de contrôles, plus de mises en garde pour empêcher le Kremlin de prendre des décisions désastreuses.
L’Ukraine en crise
En apparence, et surtout si l’on écoute les discours du président Volodymyr Zelensky, 2021 a été une bonne année pour l’Ukraine. Le PIB a chuté en 2020 de 4 % pendant la pandémie, il a réussi à croître en 2021 de 3,1 %. Le ministère de l’économie, et Zelensky lui-même, se vantent que le PIB du pays a désormais atteint son plus haut niveau post-soviétique, soit 200 milliards de dollars. Pourtant, cette affirmation ne tient pas la route : selon le même ministère, le PIB en 2020 n’était que de 156 milliards de dollars. En 2008, il était de 180 $ et en 2013 de 183 $.
D’autres statistiques démontrent la situation réelle. Les revenus des ménages sont inférieurs de 20% à ce qu’ils étaient en 2013, l’inflation est officiellement d’environ 10% et le chômage a atteint 9,7%. Lorsqu’il a été élu, Zelensky a promis que le PIB augmenterait de 40% en 5 ans, qu’il ferait pression pour que l’Ukraine rejoigne l’UE et qu’il résoudrait le conflit dans l’Est de l’Ukraine par des négociations avec la Russie. Il a échoué sur tous ces points.
Compte tenu de ces échecs, la cote de Zelensky dans les sondages est en baisse. L’année dernière, dans un élan populiste, il a présenté une loi censée restreindre les droits des oligarques à posséder des entreprises et des médias, ainsi qu’une campagne contre la “corruption”. La première de ces mesures a été considérée comme une attaque contre les oligarques pro-russes, ce qui lui a valu les foudres du Kremlin. Quant aux mesures contre la corruption, comme l’a exprimé un commentateur : « Jusqu’à présent, aucun des principaux corrompus n’a souffert, et il y a une raison concrète à cela : la coopération avec le bureau du président ! »
Alors que les critiques se multipliaient au sein de ses propres cercles, Zelensky a désormais pris des mesures contre certains de ses anciens partisans, limogeant par exemple le président de la Rada, le Parlement, Dmytro Razumkov.
Ces mesures n’ont pas contribué à rétablir sa cote. De fortes augmentations des prix des services publics se profilent également à l’horizon. Selon un sondage d’opinion réalisé en décembre, 67 % de la population estime que le pays va dans la mauvaise direction, contre 36 % il y a deux ans. Seuls 5 % des personnes interrogées ont déclaré que leur situation matérielle s’était améliorée au cours des deux dernières années, tandis que le conflit militaire, la hausse des prix des services publics et les bas salaires ont tous été cités par plus de 60 % des personnes interrogées comme les « problèmes les plus graves ».
C’est dans ce contexte que l’atmosphère guerrière est attisée en Ukraine. En décembre, Zelensky a annoncé qu’un coup d’État pro-russe était sur le point d’avoir lieu. Ce complot semble avoir été régurgité par le Foreign Office de Boris Johnson, qui prétend cette semaine avoir découvert un complot visant à installer un gouvernement pro-russe à Kiev. Cette suggestion est accueillie avec dérision à Kiev. Un ancien porte-parole du ministère ukrainien des affaires étrangères a réagi en déclarant : « Ce scénario ne fonctionnerait que si une véritable invasion prenait le contrôle de Kiev. La ville serait décimée, ses terres brûlées, et un million de personnes fuiraient. Nous avons 100 000 personnes dans la capitale avec des armes, qui se battront… Il y a peut-être un plan, mais ce sont des conneries. »
Cette dernière affirmation du gouvernement de Johnson donne une autre tournure aux divisions en Europe. Essayant sans doute de détourner l’attention de la crise existentielle à laquelle son gouvernement est confronté, Johnson a déclaré que le ministère britannique des Affaires étrangères intensifiait son activité pour faire respecter l’unité de l’OTAN derrière la direction des États-Unis, tout en critiquant la suggestion de Macron selon laquelle il est maintenant temps d’établir une structure de défense européenne, et le flottement du gouvernement allemand sur les sanctions de Nord Stream 2.
En Ukraine, le nombre de personnes qui pensent désormais que la guerre peut être évitée par des négociations est en baisse. Une minorité pense que la Russie prépare une invasion à grande échelle. De l’avis de beaucoup, il est beaucoup plus probable que la Russie fasse une incursion et intensifie son activité militaire dans la zone de conflit entre les républiques non reconnues et le reste de l’Ukraine. Un sondage d’opinion réalisé à la mi-décembre a montré qu’une majorité de personnes vivant en Ukraine résisteraient à une invasion de la Russie, 33 % d’entre elles prenant les armes pour le faire.
La situation est rendue plus complexe par le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Occident. Il y a un sentiment croissant d’anti-OTAN avec des commentaires tels que : « C’est comme s’ils nous avaient abandonnés. Seuls la Grande-Bretagne, les pays baltes et la Pologne se portent bien. Et aux États-Unis, le président est mauvais, une loque, mais il y a aussi des gens bien là-bas, qui devraient se lever pour s’opposer au président. »
La polarisation mondiale qui se développe modifie les relations entre la Russie et la Chine. Il n’y a pas si longtemps, elles se disputaient l’influence. Aujourd’hui, elles se rapprochent – toutes deux ont des régimes autoritaires de droite, ont peur de leurs propres peuples et utilisent l’agression américaine dans la guerre froide qui se développe actuellement pour présenter leurs pays comme étant confrontés à une attaque étrangère. Ils ont tous deux soutenu le coup d’État au Myanmar, Lukashenko au Belarus et le régime du Kazakhstan.
La Chine considère la situation en Ukraine comme un autre exemple d’agression américaine. Il y a toutefois une nuance importante. Elle a demandé à Poutine de ne pas déclencher de guerre en Ukraine avant la fin des Jeux olympiques d’hiver. Poutine prévoit d’assister à l’ouverture des jeux et testera sans doute le soutien qu’il peut attendre de Pékin, tandis que si la situation s’envenime en Ukraine, cela créera un précédent pour les actions de la Chine en mer de Chine méridionale et à Taïwan.
La guerre peut-elle être évitée ?
Les différentes parties n’ont peut-être pas l’intention d’intensifier le conflit. Mais avec leur bellicisme et leurs ultimatums, leurs intérêts nationaux/impérialistes, la situation pourrait facilement devenir incontrôlable. Même si une guerre ne se développe pas, étant donné la polarisation croissante du monde entre les différents intérêts impérialistes, ce n’est qu’une question de temps avant que de nouveaux conflits “par procuration” ne se développent ici ou ailleurs. D’où la nécessité de construire un mouvement anti-guerre de masse. Sur quelle base ?
Il ne peut y avoir aucune confiance dans les négociations de paix menées par les puissances impérialistes. C’est le conflit entre les intérêts des différentes puissances impérialistes qui crée les conditions du développement de telles guerres. Les forces et les équipements de toutes les forces impérialistes – Russie et OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.
L’Ukraine a le droit de se défendre, la question est de savoir dans quel intérêt et de quelle manière. L’élite dirigeante appellera à l’unité nationale, ce qui signifie en réalité la défense du pouvoir des oligarques, qui, depuis l’indépendance, a laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre tandis que les riches deviennent tout simplement de plus en plus riches. L’extrême droite et les bellicistes attiseront les humeurs nationalistes réactionnaires, ce qui laissera les Ukrainiens se battre seuls, et plutôt que de mettre fin au conflit, ils augmenteront la haine et prolongeront le conflit.
Mais la guerre n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière. Une classe ouvrière organisée défendrait ses foyers et ses lieux de travail, et unie dans un mouvement anti-guerre puissant en Ukraine pourrait lancer un appel de classe aux travailleurs de Russie et d’ailleurs pour qu’ils agissent eux-mêmes pour arrêter la guerre.
Pour arrêter réellement la guerre, il faut cependant un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Mais comme l’ont montré les précédents mouvements anti-guerre, même les énormes protestations mondiales contre l’invasion de l’Irak, impliquant des millions de personnes, n’ont pas suffi à arrêter la guerre.
ASI soutient l’appel lancé par nos camarades de Sotsialisticheskaya Alternativa en Russie et en Ukraine pour s’opposer à la guerre : « Les socialistes appellent tous les travailleurs et étudiants conscients à commencer à construire un mouvement anti-guerre fort et international, en le retournant contre quiconque tente d’allumer une guerre entre les peuples. Nous ne nous battons pas pour un pacifisme abstrait, mais pour une lutte unie contre le système qui cause la guerre, la pauvreté, la catastrophe climatique et écologique, les pandémies et l’autoritarisme. »
Pour cela, il faut construire des mouvements politiques puissants pour s’opposer aux élites dirigeantes capitalistes qui profitent de la guerre, pour que les compagnies pétrolières et gazières et les autres ressources détenues par les oligarques deviennent des propriétés publiques démocratiques, et pour mettre fin à la domination des bellicistes impérialistes en garantissant les droits réels à l’autodétermination et la construction d’une fédération socialiste véritablement démocratique en Europe et dans le monde.
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Le conflit en Ukraine se poursuit
En janvier dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a promis 40 milliards de dollars à l’Ukraine. Mais il faudrait au moins deux ou trois fois cette somme pour remettre le pays à flot. D’autre part, cette prétendue aide est liée à des conditions terrifiantes. Ainsi, le prix du gaz va devoir augmenter de 280 %. Après l’accord avec le FMI, la ministre des Finances, Mme Yaresko, a déclaré que ‘‘Tout ce qui peut être privatisé sera privatisé’’.Résumé d’un article de Rob Jones, Komitiét za rabotchiy internatsional (section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière et organisation-sœur du PSL)
Pendant ce temps, la surenchère militaire se poursuit. L’Otan a renforcé sa présence dans la Baltique avec 3.000 soldats américains, des centaines de tanks, etc. Conformément à l’accord signé à Minsk à la mi-février, les deux camps ont affirmé avoir retiré l’artillerie lourde de la ligne de front. Mais les combats continuent en plusieurs endroits.
Les différences d’opinion entre les États-Unis et l’Union européenne se sont encore fortement exprimées avant les négociations. Les Américains voulaient voir un renforcement de l’armement dans l’ouest de l’Ukraine, mais Angela Merkel a refusé tout renfort en expliquant que cela ne ferait qu’encourager la Russie à envoyer encore plus de troupes. Toute une série d’entreprises européennes souffrent grandement des sanctions prises contre la Russie et des contre-sanctions avec lesquelles riposte Vladimir Poutine.
La disparition momentanée de Poutine – introuvable une dizaine de jours durant, même pour une rencontre programmée avec le Kazakhstan – a renforcé les rumeurs d’une lutte pour le pouvoir au Kremlin. Il est certain que des intérêts divergents sont en présence. Les entreprises russes qui perdent de l’argent à cause des sanctions et de la crise économique sont très mécontentes ; mais d’autres entreprises bénéficient de la dévaluation de la monnaie nationale (le rouble), ce qui leur permet d’exporter plus de marchandises à l’étranger. Certains pensent que la Russie a trahi les rebelles ukrainiens avec la signature du premier accord de cessez-le-feu en septembre 2014 tandis qu’une grande majorité de la population russe est opposée à toute intervention russe directe en Ukraine.
D’autres éléments pourraient indiquer une lutte au sein de l’élite. Ainsi, les services secrets russes (le FSB) ont annoncé qu’un groupe de Tchétchènes a été arrêté pour le meurtre de l’opposant libéral Boris Nemtsov. Cette annonce était en soi inhabituelle et il semble de plus que le principal suspect est un commandant des troupes spéciales du président tchétchène Kadyrov, fidèle partisan de Poutine. Plusieurs membres de ces troupes ont été impliqués dans les combats en Ukraine du côté des forces pro-russes. L’arrestation des Tchétchènes pourrait suggérer l’existence d’un conflit entre les services de sécurité et Kadyrov et, par extension, Poutine.
La situation en Ukraine n’est guère meilleure. Le président Porochenko a exclu toute décentralisation et a menacé de déclarer l’état d’urgence dans tout le pays au cas où l’accord de cessez-le-feu ne serait pas respecté. Ainsi, l’armée pourrait prendre tout le pouvoir dans le pays. Les personnalités les plus extrémistes au sein du gouvernement ukrainien, comme le Premier ministre Yatseniouk, sont pour une ‘‘mobilisation de l’armée’’ afin de ‘‘défendre la frontière’’.
Les politiciens libéraux et d’extrême-droite pro-occidentaux veulent poursuivre la guerre contre la rébellion à l’est du pays, mais la population est de plus en plus désespérée et de moins en moins enthousiaste pour ce conflit. À Ternopil, moins de la moitié des 14.000 personnes appelées pour entrer dans l’armée se sont présentées. La faiblesse de l’armée officielle fait que les ‘‘bataillons de volontaires’’, souvent contrôlés par l’extrême-droite, jouent un très grand rôle. La question reste posée de savoir dans quelle mesure le gouvernement de Kiev peut tenir ces bataillons sous son contrôle.
La guerre est loin d’être terminée. Les conséquences économiques vont se faire longtemps ressentir. En janvier, la production industrielle était de 21 % inférieure à celle de l’an dernier. À Donetsk, on enregistre une baisse de l’industrie de 49 % et à Lougansk, de 87 %. La faillite de l’économie ukrainienne est renforcée par le pillage de la Russie, même si cela ne contribue pas beaucoup à l’économie russe. On estime que le chômage va augmenter de 40 % cette année, tandis que des centaines de milliers d’immigrés d’Asie centrale retournent chez eux. L’activité du secteur du bâtiment à Moscou devrait diminuer de 30% cette année.
Tant que la situation sera dominée par les intérêts des oligarques et de leurs amis militaires, aucune solution durable ne sera possible pour l’Ukraine. Même si les négociations pour la paix peuvent être réactivées et conduire à un troisième accord de cessez-le-feu à Minsk, la pauvreté, la corruption et le désespoir seront toujours là. En outre, la Russie et l’Otan continuent à s’opposer dans toute la région. Seul un mouvement de masse sous la direction d’un parti des travailleurs indépendant pourra faire dégager les régimes autoritaires de la région et amener au pouvoir un gouvernement des travailleurs poursuivant une politique socialiste afin de partir des besoins réels de la majorité de la population.
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Ukraine : Les élections accentuent la division
Les travailleurs ont besoin d’une alternative socialiste à la guerre que se livrent les oligarques et les puissances étrangères
Cela fait aujourd’hui un peu plus d’un an depuis que les premiers manifestants se sont rassemblés à Kiev sur le “maïdan Nezalejnosti” (place de l’Indépendance) en guise de protestation contre le refus du gouvernement de Mykola Azarov de signer un “Accord d’association” entre l’Ukraine et l’Union européenne. Depuis lors, le pays n’a cessé de se diriger vers la catastrophe économique, politique, sociale et ethnique. Le mois passé, des élections ont été organisées dans la plupart du pays par le gouvernement de Kiev. Ces élections ont eu pour résultat la consolidation d’un parlement encore plus pro-Europe et pro-guerre. Les élections ukrainiennes ont été suivies le 2 novembre par des élections organisées dans les républiques rebelles. Malgré le cessez-le-feu déclaré en septembre de part et d’autre, l’état de guerre continue à l’est du pays. Plus de 300 personnes ont été tuées rien qu’à la fin octobre, avec une bataille prolongée autour de l’aéroport de Donetsk, et dernièrement autour du village de Debaltsevo.Par Rob Jones, Komitiet za rabotchiï internatsional (CIO-Russie)
Plusieurs pays européens font état d’une hausse des incursions de chasseurs et bombardiers russes dans l’espace aérien européen. Selon le haut commandant de l’Otan, on observe des « formations plus grandes, plus complexes d’avions qui suivent des routes plus “provocatrices” que par le passé » ; on signale également ici et là une présence accrue des troupes russes dans la sous-région. Tout cela est une conséquence de la politique constante d’élargissement de l’Otan vers l’Est et de soutien militaire au régime de Kiev.
Les élections parlementaires ukrainiennes
Les résultats des élections à la Rada suprême (parlement) du 26 octobre ont certainement brisé les espoirs de tous ceux qui ont participé à l’Euromaïdan dans le but de contester le pouvoir des oligarques. Avec un taux de participation d’à peine 50 %, six partis ont dépassé le seuil des 5 % requis pour pouvoir être représentés. Tous ces partis sont liés aux oligarques, y compris le parti du président Petro Porochenko (qui s’appelle tout simplement « Bloc Porochenko »), lui-même magnat de l’industrie l’agro-alimentaire. Son parti a reçu 22 % des voix, de même que le parti de son premier ministre, Arseniï Yatseniouk, baptisé Narodnyï front (« Front populaire). Trois autres partis pro-européens ont ensemble obtenu 23 % des voix (y compris le parti de Youlia Tymochenko, qui ne fait plus que 6 %). L’Opozytsiïnyï blok (« Bloc de l’opposition » au mouvement du Maïdan), considéré comme le successeur politique de l’ex-Parti des régions de l’ancien président Yanoukovitch, a fait 10 %. Quant à lui, le Parti “communiste” (Komounistitchna partiya Ukrayiny), qui avait défendu le président déchu Yanoukovitch, a été sévèrement puni : son vote est passé de 14 % à moins de 4 % – c’est la première fois depuis la chute de l’URSS qu’aucun député “communiste” n’est présent au parlement – et la première fois qu’aucun “communiste” ne participe à un gouvernement ukrainien depuis 1918.
Il est important de prendre en compte le fait que le pour Bloc Porochenko est relativement faible : il y a moins de six mois, le même Porochenko avait pourtant fait plus de 50 % lors des élections présidentielles. Même si les médias ukrainiens sont à présent presque entièrement monopolisés par le nouveau président (suivant l’exemple de la Russie…), les électeurs, qui espéraient en mai de l’an dernier que la victoire de Porochenko amènerait à une résolution rapide du conflit dans l’Est et permettrait de remettre le pays sur les rails de la croissance économique, ont clairement déchanté depuis.
L’extrême-droite entre par la petite porte
Les deux principaux partis d’extrême-droite, Svoboda (« Liberté ») et Pravyï sektor (« Secteur droite ») ont tous deux obtenu un très mauvais score. Le vote en faveur de Svoboda est passé de 10 % en 2012 à moins de 5 % aujourd’hui ; Pravyï Sektor quant à lui n’obtient même pas 2 %. Une partie des voix pour Svoboda sont cependant passées au Radika?na partiya, un parti de droite populiste radical, dirigé par Oleh Liachko (un individu dénoncé par Amnesty International en tant que criminel de guerre).
Mais cela ne nous donne pas tout le tableau. Car seulement la moitié des sièges sont attribués en fonction des résultats des votes pour les partis en tant que liste. L’autre moitié va aux candidats sur base des votes de préférence individuels. C’est ainsi que les blocs de Porochenko et de Yatseniouk ont obtenu 90 sièges supplémentaires, et que 100 soi-disant « candidats indépendants » ont été élus également. Svoboda a pu obtenir six sièges, et Dmytro Yaroch, le dirigeant de Pravyï sektor, a été élu dans une circonscription à proximité de la région rebelle de Donetsk. Toute une série de chefs paramilitaires de divers « bataillons volontaires » ont également élus de cette manière, y compris le commandant et le vice-commandant du « bataillon de l’Azov », une milice pro-nazie.
Pas d’élections dans 15 circonscriptions
Comme si la situation n’était pas assez compliqué comme ça, aucun scrutin n’a été organisé dans de nombreuses régions du pays. Sans même parler de la Crimée (maintenant rattachée à la Russie), le scrutin n’a pas pu être organisé dans 15 circonscriptions des régions de Donetsk et Lougansk – vu que ces régions, où vivent 5 millions de gens, sont au contrôle des forces armées rebelles.
Malgré cela, le vote a clairement suivi des lignes régionales. Le Sud et le Centre (y compris les régions d’Odessa et de Kiev) ont voté pour le Bloc Porochenko ; le Nord-Est a voté pour l’Opozitsiïnyï blok pro-Yanoukovitch, et l’Ouest a voté pour le Narodnyï front de Yatseniouk.Le contrôle des oligarques et la corruption continuent
La nouvelle Rada suprême est maintenant le théâtre de toutes sortes d’arrangements et de transactions entre politiciens. Certains n’ont même pas attendu le jour des élections avant de changer de parti. Comme on pouvait le lire sur le site ukrainien korrespondent.net : « La nouvelle Rada suprême n’a même pas encore commencé à fonctionner, qu’on y dénonce déjà toute une série de scandales “carriéristes”… » Mis à part la position déjà dominante de Porochenko, une lutte d’influence a éclaté entre deux oligarques, Kolomoïskyï (le gouverneur de la province de Dnipropetrovsk, troisième homme le plus riche d’Ukraine, réputé financer l’extrême-droite et pour avoir constitué sa propre armée) et Firtach (président de la Fédération des employeurs ukrainiens, etc., oligarque plutôt pro-Est, actif dans le secteur de l’énergie, recherché aux États-Unis pour tentatives de corruption). « Tant que ce processus d’achat et de vente de sièges parlementaires n’est pas terminé, aucune coalition gouvernementale stable ne peut être formée », disait korrespondent.net.
Cependant, il est probable qu’une coalition semblable à celle du gouvernement actuel soit à nouveau formée sur base de l’alliance des partis de Porochenko et de Yatseniouk. Le Radika?na partiya de droite populiste participerait lui aussi aux négociations. Cela signifie que le gouvernement pourra présenter un visage d’unité apparente à présenter aux gouvernements occidentaux dans le cadre d’une politique de « réformes économiques et d’austérité » afin de pouvoir recevoir l’aide financière des institutions internationales telles que l’UE et le FMI.
L’économie continue à s’enfoncer
Leur État a certainement besoin d’aide, parce que son économie continue à s’enfoncer dans le trou noir. Selon certaines prédictions, le PIB devrait encore chuter de 10 % cette année, en partie à cause de l’effondrement de l’industrie lourde (-30 %) dans l’Est du pays. Seules 24 des 93 mines de charbon de l’Est sont encore opérationnelles. De nombreux mineurs vont travailler sous les bombardements. Ils n’ont pas été payés depuis des mois, et ont commencé à organiser des manifestations à Kiev pour réclamer leurs salaires. Le charbon qu’ils produisent est pris par l’organisation étatique d’achat de charbon, mais quand ils demandent leur paiement, on leur dit que l’argent a été utilisé pour les dépenses de guerre. L’Ukraine a même commencé à importer du charbon sud-africain.
La monnaie nationale, la hryvna, a chuté de 40 % depuis le début de cette année. Mais les puissances occidentales tardent toujours à apporter l’assistance économique dont l’Ukraine a tant besoin. Au cours d’une récente visite aux États-Unis, Porochenko a tout fait pour persuader le Congrès américain de soutenir l’Ukraine dans sa lutte contre « l’impérialisme russe ». Mais tout ce qu’il a pu obtenir est un petit chèque de 53 millions de dollars – à peine suffisant pour financer neuf jours de combats.
Les partis pro-guerre dominent
Bien que les partis de Porochenko et de Yatseniouk soient plus ou moins d’accord en ce qui concerne l’économie, ils ont cependant des positions différentes par rapport à la situation dans l’Est. Porochenko se présente comme un partisan de la paix et de la négociation – même si son discours devant le Congrès américain était extrêmement belliqueux. Tous les autres partis pro-européens élus à la Rada sont pour lancer une offensive militaire pour reprendre le contrôle de l’Est. Ces forces politiques sont soutenues par des commandants militaires et par des chefs locaux. Elles ne contribueront certainement pas à trouver une solution négociée au conflit. Au moment où nous écrivons, la Rada est en train de débattre de la suppression du « status spécial » pour la région de Donetsk qui lui a été accordé en septembre lors des négociations à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les chefs rebelles. À présent, Porochenko a de nouveau ordonné à ses chefs militaires d’envoyer les troupes dans les zones stratégiques de l’Est.
La position des groupes d’extrême-droite et de certains militants du mouvement de l’Euromaïdan est que le gouvernement Porochenko-Yatseniouk ne répond pas à leurs attentes. Ces groupes parlent à présent de mobiliser pour un nouveau « Maïdan ». Même si cela ne se passe pas, la menace d’un tel mouvement suffit à maintenir la pression sur Porochenko et pourrait le forcer à adopter une attitude plus guerrière que lui-même ne le souhaiterait.
Les élections dans les républiques rebelles
Cette décision de Porochenko de contre-attaquer survient à la suite des élections qui ont été organisées dans les deux républiques rebelles de Donetsk et de Lougansk, mais aussi de rumeurs selon lesquelles les forces russes seraient de nouveau en train de s’amonceler dans la sous-région. Ces élections ont été organisées en violation de l’accord conclu en septembre à Minsk.
Dans chaque région, le scrutin a été remporté par le chef militaire à la tête de la rébellion locale. À Donetsk par exemple, Aleksandr Zakhartchenko aurait obtenu 80 % des voix. Il a obtenu sa position en septembre, après que les dirigeants les plus imprévisibles et incontrôlables, tels que Strelkov, aient été écartés – apparemment sous pression du régime de Poutine. Zakhartchenko pourrait donner une image plus modérée que celle de son prédécesseur, mais il reste directement lié aux forces de l’extrême-droite russe et à l’Armée orthodoxe grand-russe (« Rousskaïa pravoslavnaïa armiya »), une force réactionnaire qui a joué un rôle majeur dans le conflit armé.
Selon Russia Today, une agence de presse pro-Poutine, Roman Liaguine, président de la Commission électorale de Donetsk, a déclaré que Zakhartchenko a reçu plus de 765 340 voix, mais a refusé de donner un pourcentage, se justifiant en disant « parce que je pense que les chiffres absolus sont plus ouverts et plus précis ».
Afin de tenter d’obtenir une certaine crédibilité, on a invité des observateurs internationaux de l’“Association pour la sécurité et la coopération en Europe”, une organisation “clone” dont le but est d’imiter l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Le plus ironique, considérant que les « républiques populaires » de Donetsk et Lougansk ont censément été constituées pour résister à la « montée du fascisme » en Ukraine occidentale, est que parmi les observateurs de l’“ASCE”, on retrouvait un membre du FPÖ autrichien, ainsi qu’Alexandra Mussolini, la petite-fille de l’ancien dictateur fasciste italien.
L’ambiance dans les républiques rebelles
De tous ceux qui ont voté pour les élections dans la république de Donetsk, plus de 80 % auraient voté pour Zakhartchenko. Selon le registre électoral officiel, il y aurait 3,2 millions d’électeurs dans la zone contrôlée par la république rebelle, mais seulement un million est parti voter – un taux de participation inférieur à 33 % donc. Et cela, malgré toutes les mesures spéciales qui ont été mise en place pour favoriser la participation, comme le fait de donner le vote aux habitants qui ne sont pas originaires de la région, d’abaisser la majorité électorale à 16 ans (« comme en Écosse »), et de permettre aux électeurs de voter dans n’importe quel bureau de vote. Dans le reste de la région de Donetsk, 400 000 personnes ont été voter en octobre pour les élections au parlement de Kiev.
Les résultats électoraux ne sont jamais rien de plus qu’un reflet de l’humeur de la population à un moment déterminé. Ces élections se sont déroulées dans une région ravagée par la guerre, de laquelle une grande partie de la population s’est enfuie. Moins d’un tiers de la population de la ville de Donetsk s’y trouvait toujours à la fin de l’été. Nazariï Sergueïev, journaliste à Donetsk, décrivait ainsi l’ambiance dans la ville : « La réalité politique dans la “république indépendante” de Donetsk repose sur un sentiment d’impossibilité de s’enfuir. Il y a de véritables enthousiastes qui croient vraiment dans l’avenir de la république. Mais il y a aussi tous ceux qui ont tout perdu au cours de ce cataclysme politique : leur position, leur emploi, leur entreprise, leur famille… et qui haïssent en silence les nouvelles autorités. Au final, il n’existe aucun mouvement particulièment en faveur de l’indépendance ou des nouveaux « dirigeants », que beaucoup disent manquer de charisme. Mais les habitants disent aussi ne plus vouloir vivre « comme avant », « soumis aux oligarques et aux fascistes ». Ils craignent particulièrement Pravyï sektor. Trop de sang a été versé récemment. Il est difficile de dire quel est exactement le sentiment des masses. Ce sentiment change constamment. Au printemps, il y avait beaucoup plus de partisans d’un État unitaire avec le reste de l’Ukraine. Mais ceux qui étaient pour une Ukraine unie ont fui depuis, ou bien restent chez eux sans rien dire, parce qu’aujourd’hui, exprimer son opinion est devenu dangereux – très dangereux. En même temps, les habitants ont du mal à comprendre comment la situation va se développer : qui va payer les pensions et les salaires, qui va réparer les dégâts, qui va faire fonctionner les usines… D’un autre côté, la mort de tant de gens après tous les combats et bombardements ne fait qu’accroitre l’antagonisme. »
C’est surtout les personnes âgées qui sont venues voter, qui ne peuvent pas fuir et qui sont les plus susceptibles de céder à la « nostalgie de l’URSS ». D’autres commentateurs font état d’une minorité qui veut un Donbass indépendant, mais qui a perdu la foi dans cette idée parce que la Russie n’a pas utilisé la position favorable qu’elle avait en été. De plus, de plus en plus de gens se rendent bien compte que la Rusise, dans son état économique actuel, ne pourra tout simplement pas renflouer une région de 5 millions d’habitants. Il y a toujours toute une couche de la population qui rêve d’une Ukraine fédérale qui leur permettrait de vivre sans intervention de l’armée de Kiev. Si Kiev lance un assaut, ces gens pourraient se réfugier du côté du Kremlin, mais si la Russie est perçue comme étant celle qui provoque un nouveau conflit, l’opinion pourrait se retourner contre Poutine. La presse russe rapporte qu’à part la crainte de nouvelles sanctions occidentales, la principale raison pour laquelle la Russie s’est retenu d’intervenir en Ukraine en été est que la population de Donetsk ne soutenait pas l’idée d’une intervention.
Ce qui semble se produire dans les régions russophones qui n’ont pas encore été annexées par les républiques rebelles (y compris une grande partie de la région de Donetsk), est une consolidation du sentiment contre l’intervention de la Russie. Ce sentiment est alimenté par la crainte de l’arrivée chez eux d’un conflit militaire semblable à celui qui a détruit la ville de Donetsk. C’est ce sentiment qui anime à présent surtout les villes “pro-russes” comme Marioupol, Kharkov, Zaporijia et Dnipropetrovsk.
Crimée – l’hiver approche
Il est toujours probablement vrai que la position du Kremlin est de maintenir les républiques de Donetsk et Lougansk en tant que “conflits gelés”, qui pourront servir de moyen de pression sur les autorités de Kiev. Mais quand bien même ce serait le souhait du Kremlin, la situation réelle sur le terrain fait que cette approche devient de jour en jour de plus en plus intenable. En Crimée, alors que l’hiver approche, qui promet d’être particulièrement rude cette année, les perspectives sont fort moroses. Après que les autorités ukrainiennes ont coupé les accès de l’eau potable, le maire de Sebastopol a annoncé que l’eau ne sera disponible que pour quelques heures par jour. On dirait qu’on est revenu à la situation qui a suivi l’effondrement de l’URSS. Le réseau électrique ukrainien a aussi déclaré que vu qu’il ne reçoit plus le charbon de Donetsk pour alimenter ses centrales, il cessera d’alimenter la Crimée.
Le secteur touristique en Crimée s’est effondré cet été. À présent, les usines d’armement de la péninsule se plaignent du fait qu’elles ne reçoivent pas les commandes qui leur avaient été promises par l’État russe. De ce fait, elles se voient à présent contraintes de vendre un quart de leurs actions à des conglomérats russes. Les vignobles de Crimée sont eux aussi au bord de la faillite, puisqu’ils ont énormément de mal à se réajuster au système légal russe. Sur les 20 banques russes qui sont venues s’installer dans la péninsule après l’annexation par la Russie, plusieurs ont déjà commencé à se retirer, se plaignant du montant des loyers et de l’étroitesse du marché, vu la faiblesse des salaires.
Malgré les promesses selon lesquelles on allait rapidement construire un pont entre la Crimée et le reste de la Russie, le Kremlin n’a que des problèmes à ce niveau. Les entreprises chinoises et canadiennes candidates disent que la construction de ce pont sera très difficile, car il sera soumis à de rudes tensions en hiver, lorsque le golfe de Kertch est pris par les glaces et est régulièrement battu par les tempêtes. En ce moment d’ailleurs, la Crimée est coupée du reste du monde par ces mêmes tempêtes. À présent, le ministère du Transport est en train d’envisager l’idée de mobiliser de force les étudiants pour accomplir le travail nécessaire – une politique qui rappelle la manière dont les prisonniers du goulag étaient exploités comme des esclaves sous le régime stalinien. Cette mesure ne sera certainement pas populaire parmi les étudiants. Les bacheliers de première année sont déjà menacés de perdre leurs bourses (qui ne valent déjà pas grand-chose) du premier semestre, l’argent devant être utilisé pour « soutenir » les universités criméennes !
L’euphorie se calme
Deux des trois principales agences de sondage russes qui, tout comme les médias, tendent à refléter la position du Kremlin, notent cependant une baisse importante du soutien à Poutine dans l’opinion publique, après le pic record qui avait été atteint au début de l’été. Le centre Levada enregistre un taux d’approbation de 49 % en septembre (contre 57 % en aout) ; le VTsIOM quant à lui note un soutien en baisse de 66 % à 62 %. Un autre sondage réalisé par la même organisation début novembre indique que, bien qu’une vaste majorité de la population de Russie soutient l’annexation de la Crimée, 68 % sont contre le fait d’envoyer l’armée russe participer au conflit militaire aux côtés des rebelles de l’Ukraine orientale.
Même si le soutien à Poutine pourrait bien remonter en fonction de l’évolution de la crise ukrainienne et au son de son tambour nationaliste, les organisations de sondage avertissent du fait que le déclin de soutien actuel pourrait bien se poursuivre. Il pourrait même selon elles retomber jusqu’au niveau de janvier passé (25-35 %), du fait de la hausse des tensions au sein de la société russe.
Une des principales raisons de tout ceci est la situation économique désespérée qui est en train de se développer en Russie. Même avant l’arrivée des sanctions, l’économie russe était en train de se diriger rapidement vers la récession. Selon les chiffres officiels, la croissance aura été de 0 % de cette année, tandis qu’une récession est prévue pour l’an prochain. Les perspectives ne sont pas bonnes. L’année 2014 a été une année record en ce qui concerne la fuite des capitaux hors de Russie. Le rouble a perdu 20 % de sa valeur cette année, malgré un soutien énorme de la part de la banque centrale. À présent, c’est le prix du pétrole qui est en train de s’effondrer, avec une perte de 25 % depuis juin. Et tout cela était avant que les sanctions ne soient arrivées. Ces sanctions rendent à présent quasi impossible l’obtention d’un crédit bon marché pour la plupart des entreprises (le taux directeur de la banque centrale russe est de 9,5 % !). Tous ces facteurs critiques, en plus du cout de l’intégration de la Crimée et du financement des républiques rebelles en Ukraine, ont ouvert un gouffre béant dans les finances de l’État. Le fonds national pour les pensions a déjà été pillé pour compenser les pertes subies par les grandes banques à la cause des sanctions occidentales.
Plus encore, les budgets fédéraux et régionaux sont en train d’être réduits à la hache. Alors que la part du budget de l’armée et de la police est passé de 29 % du PIB à 35 %, la part des soins de santé va être sabré pour passer de 4,4 % à 2,7 % du PIB. En avril 2015, 26 des 46 hôpitaux seront fermés ou fusionnés – 7000 travailleurs de la santé perdront leur emploi. Il y a déjà eu deux grands meetings de protestation à Moscou contre ces coupes budgétaires ; un autre meeting est prévu fin novembre.
Une élite unie ?
En surface, l’élite dirigeante autour de Poutine a l’air soudée. Mais il est clair qu’il y a des intérêts conflictuels au sein du cercle dirigeant, que Poutine cherche à contenir. Les sections de l’élite qui sont liées aux banques et aux grandes institutions financières sont celles qui souffrent le plus des sanctions et qui ont le moins à gagner de nouvelles incursions en Ukraine. Afin de les apaiser, une loi spéciale a été adoptée afin de compenser leurs pertes dues aux sanctions.
D’un autre côté, on a ceux qui dirigent les forces armées et le complexe industrialo-militaire en pleine croissance. Ces personnes propagent l’idée selon laquelle les puissances occidentales sont dirigées par les États-Unis, qui comploteraient constamment contre la Russie.
À la suite de la répression étatique qui s’est abattue sur les dirigeants du mouvement de protestation contre la fraude électorale à Moscou d’il y a deux ans, l’aile “libérale” de l’élite a été complètement écartée.
Si Poutine décide d”intensifier son intervention en Ukraine orientale, baptisée du doux nom de « Novorossiya » (« Nouvelle-Russie »), ce qui pourrait se produire parce que la situation dans l’Est aura échappé à tout contrôle, ou parce qu’il aurait un plan d’ouvrir un couloir terrestre vers la Crimée, les divergences au sein du cercle dirigeant vont s’accroitre. Vu la situation de l’économie, cela veut dire que quelle que soit l’approche choisie à présent par Poutine vis-à-vis de l’Ukraine, il court de très grands risques.Il faut une lutte unie de la classe des travailleurs
À Kiev, à Donetsk ou à Moscou, ce sont les travailleurs qui payent le prix de cette crise, tandis que les diverses élites dirigeantes, leurs armées et leurs chefs de guerre continuent à s’entre-déchirer pour le contrôle des richesses et des ressources de l’Ukraine et de la Russie.
La classe des travailleurs dans la sous-région est peu organisée. Les organisations qu’elle possède, sous la forme de syndicats indépendants, ne représentent qu’une minorité et se limitent à des enjeux purement économiques. Il faut pourtant que les travailleurs puissent apposer leur marque sur la situation, en organisant une lutte unie contre les tentatives de restreindre les droits des minorités nationales, de liguer les travailleurs de différentes ethnies les uns contre les autres, contre la guerre et contre les coupes budgétaires. Il faut une alternative des travailleurs contre la crise économique, pour construire de puissants partis politiques, armées d’un programme socialiste afin de trouver une issue à ce cauchemar. Cela ne peut se faire que par la fin du règne du capitalisme oligarchique et son remplacement par une fédération volontaire et démocratique d’État socialistes.
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Seules les actions de masse peuvent arrêter les conflits impérialistes
Environ 10.000 personnes ont participé à la manifestation contre la guerre à Gaza du 27 juillet dernier à Bruxelles. Moins d’un mois plus tard, 5000 personnes se rassemblaient à nouveau dans la capitale pour protester contre la violence de l’État israélien. Ces manifestations et la vague d’actions locales qui ont pris place dans notre pays témoignent de l’indignation et du soutien grandissant pour la cause palestinienne.
Par Elise (Charleroi)
Cette colère du public s’est rapidement manifestée à la suite de l’offensive «Bordure protectrice» déclenchée le 8 juillet dernier par le gouvernement Netanyahu. Ce dernier a instrumentalisé la mort de trois jeunes israéliens comme prétexte pour justifier la nécessité d’une intervention militaire à Gaza. Depuis le début de l’offensive, près de 2.000 Palestiniens ont trouvé la mort, dont une grande proportion d’enfants étant donné que l’âge moyen des 1,8 million d’habitants de la bande de Gaza n’est que de 17 ans. Plus de 460.000 personnes ont été déplacées.
Une situation dans l’impasse
Selon le gouvernement israélien, cette attaque était nécessaire pour neutraliser la force militaire du Hamas à Gaza et supprimer les tirs de roquettes. En réalité, cette vague de violence ne fait que renforcer le désespoir du peuple palestinien, encourageant le sentiment de vengeance et le risque d’actes terroristes envers les citoyens israéliens. De plus, l’offensive à Gaza a déjà causé la mort de 53 soldats israéliens, un bilan bien supérieur au nombre de victimes des tirs de missiles effectués par le Hamas et autres milices palestiniennes dans les douze dernières années.
Les négociations n’offrent que peu d’espoir, étant donné que le gouvernement israélien exige une démilitarisation
totale de Gaza par le Hamas comme condition pour un cessez-le-feu, tandis qu’Israël garderait l’ensemble de ses moyens d’agression militaire envers les Palestiniens. Les revendications du Hamas et du Djihad islamique concernent principalement la levée du siège sur Gaza et la fin des agressions israéliennes. Mais celles-ci ne son pas acceptables pour le gouvernement Netanyahu qui s’est engagé dans une guerre de prestige présentée comme la seule solution pour garantir la sécurité du peuple israélien.Même si une trêve durable est finalement négociée, les conditions de vie des Palestiniens resteront épouvantables étant donné les conséquences dévastatrices des attaques des deux derniers mois : pénurie d’eau potable et d’électricité, destruction des systèmes d’évacuation, destruction d’un tiers des hôpitaux… Le risque d’apparition de maladies est augmenté et la population devra affronter une grave crise humanitaire.
Le rôle des puissances impérialistes
Face à cette crise, les gouvernements occidentaux hésitent à prendre position. Il faut dire que ces pays ont du mal à cacher leurs relations lucratives avec Israël. Ainsi, alors que la Maison-Blanche a timidement regretté les attaques de l’armée israélienne sur les écoles de l’ONU, les États-Unis octroient toujours une énorme aide économique et militaire à Israël, ayant ainsi contribué à la création de l’une des plus puissantes armées du monde. Pour la Grande-Bretagne, c’est le commerce d’armes très lucratif avec Israël qui justifie la position pro-Israël du premier ministre David Cameron.
À force de briser et de diviser les différentes autorités palestiniennes qui se sont succédé et de multiplier les colonies et le contrôle sur Gaza, le gouvernement israélien a favorisé la radicalisation du peuple palestinien et la montée de forces islamistes telles que le Hamas ou le Djihad islamique. Une fois de plus, les puissances impérialistes se retrouvent confrontées au monstre de Frankenstein qu’elles ont elles-mêmes contribué à développer. En Syrie et en Irak, aux frontières d’Israël, les milices de l’État islamique sèment la terreur et menacent les intérêts des puissances occidentales dans la région. Comble de l’ironie quand on sait que ces milices djihadistes trouvent leurs racines dans la résistance des sunnites suite à l’invasion américaine de l’Irak en 2003, et qu’elles ont été financées et armées par la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar avec l’approbation des USA, qui voyaient là un moyen d’affaiblir le pouvoir de Assad en Syrie et de créer un futur ennemi pour l’Iran.
Le peuple palestinien n’a donc rien à espérer des puissances impérialistes pour son salut. La stratégie du Hamas repose pourtant sur des alliances avec les puissances arabes et a déjà montré ses limites. Ainsi, le Hamas a cesser d’avoir le soutien de l’Égypte lorsque les Frères musulmans ont été chassés du pouvoir par l’armée de Sissi. Il a également perdu celui de la Syrie et de l’Iran après avoir refusé d’accorder son soutien au régime d’Assad. Par ailleurs, la stratégie des tirs de roquettes du Hamas n’apporte aucune avancée au peuple palestinien; au contraire, elle permet au gouvernement israélien de justifier ses attaques et, en tuant des civils israéliens, crée une division et diminue le soutien pour la cause palestinienne parmi les Israéliens.
Déjà dans les années 1980, la stratégie de l’OLP de Yasser Arafat était de s’appuyer sur les pays arabes pour mener une lutte armée de libération de l’extérieur. Cependant, le soutien des pays arabes n’était lié qu’à leur propre intérêt économique. Ainsi, le Roi de Jordanie négociait en secret avec Israël pour récupérer la Cisjordanie qu’il considérait comme une province de son royaume. Cette stratégie a causé une faillite complète de la lutte palestinienne, menant à une insurrection des masses et à la première intifada en 1987.
Seules des actions de masse pourront arrêter le massacre
En 1987, la première intifada a mené à une situation de double pouvoir dans les territoires palestiniens, qui n’étaient plus contrôlés ni par l’administration civile israélienne ni par les autorités municipales palestiniennes. Le pouvoir était entre les mains de comités populaires élus dans les villes, les villages et les camps de réfugiés. Le mouvement n’a pu être arrêté que par la trahison de l’OLP de Yasser Arafat qui a repris le pouvoir des comités et créé l’Autorité palestinienne, ce qui n’a pas empêché Israël de continuer à créer des colonies. Cette impasse a débouché sur la Seconde Intifada en 2000, dominée par les attentats-suicides organisés par le Hamas, sans participation des masses et sans processus démocratique.
En Afrique du Nord, seuls les mouvements de masse des travailleurs et des jeunes ont été capables de faire tomber les dictateurs avec qui les puissances impérialistes collaboraient depuis des décennies. Le peuple palestinien ne peut compter que sur ses propres forces et celles des travailleurs israéliens pour mettre fin au conflit. Le 26 juillet dernier, une manifestation antiguerre a rassemblé 6.000 personnes à Tel-Aviv, et une autre près de 10.000 en août, dont une majorité de juifs, et ce malgré la propagande du gouvernement. Cela montre le potentiel pour des mouvements de masse dans la région.
Le monde dans la tourmente
Les minorités nationales ne peuvent espérer la fin de leur oppression sous le système capitaliste. En effet, les impératifs de profits de ce système sont antagonistes à l’octroi de droits démocratiques pour les différentes minorités d’un pays, tels que les droits linguistiques. De plus, dans une période de crise du capitalisme comme celle que nous traversons aujourd’hui, les tensions inter-impérialistes sont brutalement ravivées et donnent lieu à une multitude de conflits locaux. Dans de telles situations, chaque puissance impérialiste instrumentalise chaque nationalité, chaque ethnie pour mieux défendre ses intérêts, et ce y compris militairement. On le voit en Ukraine, où les droits de la population russophone sont utilisés comme prétexte par Poutine qui n’est en réalité guidé que par les intérêts économiques que représentent le passage du gaz russe vers l’Europe ou la base marine russe en Crimée. De la même manière, l’Union européenne utilise le sentiment anti-Poutine pour tenter de développer une emprise sur l’économie ukrainienne. Les tensions impérialistes créées par le système capitaliste mènent inévitablement à la guerre et à la misère pour les masses.
C’est pour cette raison que le Mouvement Socialiste de Lutte, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël-Palestine, section soeur du PSL, soutient non seulement la fin du siège de Gaza et des attaques israéliennes, mais également la création d’organisations indépendantes de travailleurs en Palestine et en Israël, ainsi que la lutte de masse des Palestiniens sous leur propre contrôle démocratique pour leur droit à l’auto-détermination, avec comme objectif la création d’un État palestinien indépendant, socialiste et démocratique, au côté d’un État d’Israël socialiste et démocratique, dans le cadre de la lutte pour un Moyen-Orient socialiste.
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Socialisme et droits nationaux
Contribution au débat autour de la situation en Ukraine, Israël-Palestine et autres pays
manifestation contre la guerre à Gaza, 17 août 2014, délégation du PSL et des Étudiants de Gauche Actifs. Photo : MediActivista.Avec le conflit sanglant en Ukraine et le massacre du peuple palestinien à Gaza, la “question nationale” revient une fois de plus en force à l’avant-plan du débat. Quelle feuille de route pour résoudre des conflits apparemment vieux de plusieurs siècles ? C’est la question qui est directement posée au mouvement des travailleurs, dans les régions immédiatement affectées par la guerre mais aussi à l’échelle internationale.
Article de Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et Pays de Galles.
L’Ukraine
Les évènements de ces derniers mois ont fort bien illustré le fait que les différentes puissances capitalistes n’ont pas la moindre volonté ni d’ailleurs la moindre capacité à trouver une solution démocratique et équitable à la situation en Ukraine. D’un côté, l’hypocrisie éhontée du capitalisme américain et du capitalisme européen ; de l’autre, le régime oligarchique de Poutine en Russie – et ces deux camps cherchent à se faire passer pour le défenseur des “minorités et nations opprimées” – bien que peu de travailleurs conscients en soient dupes. Tout cela n’est que pur calcul, couplé à des enjeux cruciaux sur le plan stratégique, politique et militaire. Le “droit à l’auto-détermination” n’est pour ces puissances qu’un slogan vide de toute substance, une petite monnaie politique facilement jetable au cas où elle irait à l’encontre de leurs intérêts.
« Nous allons mettre la Russie à genoux avec nos sanctions », crient les puissances impérialistes occidentales, États-Unis en tête. « Nous répondrons par nos propres sanctions, en confisquant les actifs des entreprises britanniques comme Shell ou British Petroleum », leur répond le régime poutinien.
Si les capitalistes, leurs partis et leurs représentants politiques n’offrent aucune solution, certains militants de gauche, dont certains se considèrent même marxistes, révèlent une profonde confusion idéologique et une totale incapacité à s’y retrouver parmi ces graves conflits ethniques et nationaux en Ukraine et au Moyen-Orient. Au Royaume-Uni, il n’y a pas une once de socialisme – et encore moins de marxisme – dans l’approche et l’analyse mises en avant par la plupart des forces qui se réclament pourtant de la “gauche”.
Par exemple, un tract distribué à Londres par la campagne “Solidarité avec la résistance antifasciste en Ukraine” lors de la dernière manifestation de soutien à la population de Gaza, proclamait : « Nous sommes contre le soutien accordé au régime d’extrême-droite de Kiev par les gouvernements britannique et occidentaux ». Nous sommes d’accord avec cela, surtout vu que le gouvernement de Kiev se base sur des forces de droite radicale, voire néofascistes, pour mener sa campagne meurtrière dans l’Est ukrainien.
Mais pourquoi ne pas également condamner le régime oligarchique impérialiste russe dirigé par Poutine, en donnant une critique de son intention de dominer le “proche étranger”, ce qui inclut plusieurs pays de l’ex-Union soviétique, en mettant de côté les droits nationaux et démocratiques de ces pays ?
Nulle mention de cela dans ce tract. Par contre, un des principaux dirigeants de cette campagne est intervenu lors du meeting de lancement pour dire : « Ce n’est pas mon rôle de critiquer l’oligarchie russe ; mais si je devais le faire, alors ma critique porterait non pas sur le fait qu’elle intervient trop, mais sur le fait qu’elle n’intervient pas du tout ! ». Poursuivant sur sa lancée, cette même personne a été jusqu’à dire que « il n’y a pas de question nationale » en Ukraine, et que « Quand je vois arriver en face l’impérialisme américain, l’Otan, Angela Merkel, le gouvernement britannique et les fascistes ukrainiens – moi je connais mon camp ». L’idée donc est que le mouvement des travailleurs – puisque cette intervention vient d’un “marxiste” – devrait se ranger du côté du régime oligarchique de Poutine et soutenir son intervention en Ukraine.
Notre analyse est que nous soutenons sans réserve les aspirations nationales légitimes des peuples de l’Ukraine, de Crimée, etc. tout en nous opposant et en combattant les forces d’extrême-droite et ouvertement fascistes en Ukraine, qui n’ont en réalité pas obtenu plus de 3 % des voix lors des dernières élections. En même temps, nous cherchons à forger et renforcer une unité de classe, en donnant un soutien critique aux forces véritablement socialistes sur le terrain, même si elles sont faibles.
Pas de formule toute faite
Il est extrêmement important de soutenir les aspirations nationales et démocratiques authentiques des peuples de l’Ukraine et de la sous-région. Par exemple, si on prend la question de la Crimée, il était correct de soutenir le droit à l’auto-détermination – y compris la sécession d’avec l’Ukraine, ce qui semblait être le souhait de l’immense majorité de la population. Mais en même temps, les marxistes ont pour devoir, lorsqu’ils donnent leur soutien critique à tout mouvement pro-indépendance authentique, de défendre les droits de toutes les minorités : dans le cas de la Crimée, cela inclut les Ukrainiens de Crimée, les Tatars, et les autres minorités nationales (Biélorusses, Arméniens, Juifs, Grecs, Rroms)
Des voix ont dénoncé le fait que le référendum en Crimée n’a pas été organisé de manière équitable et pacifique. Mais il ne fait aucun doute que la majorité de la population désirait réellement revenir à la Russie. Tous ces doutes auraient pu cependant être dissipés par l’élection d’une assemblée constituante – ou parlement – révolutionnaire composé de délégués élus lors d’assemblées de masse locales afin de faire respecter la décision populaire ou d’organiser un référendum démocratique.
Cela signifie-t-il que nous sommes pour le séparatisme et la désagrégation de tout État multinational ? Non, pas de manière automatique. Devant la question nationale, il n’existe aucune solution ou formule toute faite. La situation sur le terrain en Ukraine est d’ailleurs extrêmement fluide : ce qui peut être une revendication correcte aujourd’hui pourrait se voir demain emporter par les évènements.
Par contre, nous sommes contre la rétention par la force d’un groupe ou d’une nationalité au sein d’un État qui est considéré par ce groupe ou cette nationalité comme étant un oppresseur. Nous sommes pour une confédération socialiste sur base volontaire. C’est en suivant cette méthode qu’a été créée la véritable Union soviétique fondée par Lénine et Trotsky – pas sa caricature sanglante stalinienne qui ne faisait en fait que masquer la domination de l’élite bureaucratique russe centralisée.
Mais comme Lénine le disait d’ailleurs il y a un peu plus de cent ans, la société nouvelle, qui devrait nécessairement être démocratique tout autant que socialiste, ne pourra être ba?tie sur base de “la moindre contrainte” envers un groupe ou une nationalité. De manière générale, le droit à l’auto-détermination s’applique à une nationalité liée à une entité territoriale bien définie. Cependant, cette entité peut aussi parfois prendre la forme d’une ville, ou d’une entité plus petite qui se considère malgré tout comme différente et à part des autres pays ou régions l’entourant. Par exemple, nous avons déjà envisagé l’éventualité de voir apparaitre dans le futur une entité spéciale pour la ville de Bruxelles – au sein d’une confédération socialiste belge –, vu que la population de cette ville se considère clairement ni flamande, ni wallonne.
De même, la lutte en Ukraine, et en particulier dans l’Est, pourrait se voir si fragmentée par le conflit sanglant en cours aujourd’hui, que cela pourrait avoir pour résultat non pas un État ni un micro-État continu, mais un processus de “cantonisation” de la région. Dans la grande ville de Donetsk, bombardée par les forces du gouvernement ukrainien et dont la majorité de la population (autrefois d’un million de personnes) a pris la fuite, on pourrait voir se développer une situation où la population réclamerait une séparation de l’Ukraine comme de la Russie. Il incombera dans ce cas aux marxistes, si c’est la volonté de la population de la ville, de soutenir cette aspiration, tout en liant cette revendication à celle d’une confédération socialiste d’Ukraine et de la sous-région.
Une telle solution n’est pas du tout utopique, comme le suggèrent nos adversaires. Le monde unipolaire des dernières décennies, dans lequel les États-Unis étaient en mesure d’imposer leur volonté et d’influencer directement le cours des évènements sur la scène mondiale, n’est plus. Les États-Unis restent, il est vrai, la première puissance économique et militaire, et le resteront encore pendant un certain temps. Mais cette puissance a des limites. Un nouveau “syndrome” post-iraqien est apparu aux États-Unis, où la population est fatiguée de la politique guerrière menée par son État et exprime de plus en plus son opposition à l’interventionnisme. C’est pourquoi les bombardements aériens et l’utilisation de drones sont devenues les méthodes d’intervention préférées. D’un autre côté, de tels bombardements ne produisent bien souvent que l’effet inverse de celui qui était désiré.
Israe?l-Palestine
Tel un fil d’Ariane, seule une analyse marxiste consistante peut nous mener à travers le dédale de la question nationale. Ceci vaut en particulier pour la question très complexe des droits nationaux des peuples palestinien et israélien, une fois de plus mis en avant par la dernière offensive sur Gaza – qui ressemble maintenant plus à Grozny en Tchétchénie, avec d’innombrables morts et dont un quart de la population de 1,2 millions d’habitants a fui.
Le CIO a toujours et patiemment expliqué que la seule issue par rapport à ce conflit sanglant qui puisse satisfaire les droits des Palestiniens comme des Israéliens serait de mettre en avant une solution à deux États sur le long terme – une Palestine et un Israël socialiste – avec la possibilité d’une capitale partagée à Jérusalem, en liant cela au concept d’une confédération socialiste. C’est cette idée, ainsi que notre opposition à des sanctions non ciblées envers Israël – parce que cela pourrait avoir pour conséquence de pousser les travailleurs israéliens encore plus dans les bras de la droite et du gouvernement israélien – qui est maintenant attaquée aux États-Unis par l’Organisation socialiste internationale (ISO).
Cette organisation a émis le 17 aout une critique de nos camarades américains du groupe Socialist Alternative, selon laquelle “Leur attitude envers les travailleurs juifs israéliens coïncide avec la position traditionnelle de ce groupe et du CIO selon laquelle l’existence d’Israël serait légitime (…) C’est cette croyance dans le droit des Israéliens à former leur propre nation qui justifie également le CIO à s’opposer au boycott d’Israël. Mais cette approche se base sur une compréhension fondamentalement erronée du principe socialiste du droit des nations à l’auto-détermination. Dans toute la tradition du marxisme authentique, il n’y a jamais eu le moindre soutien envers le droit à l’existence d’un État colonisateur – qui est par définition un État d’apartheid, que ce soit un État juif dans lequel les non Juifs sont privés de droits politiques, ou que ce soit l’État d’apartheid sud africain dans lequel les non-blancs étaient également privés de ces droits.”
Le droit à l’auto-détermination n’est pas un “principe socialiste”, comme l’affirme l’ISO, mais une tâche démocratique ; même s’il est vrai qu’à notre époque, les véritables principes démocratiques ne peuvent plus être défendus et résolus que par la révolution socialiste. Nous avons déjà répondu à de nombreuses reprises à ces arguments et à beaucoup d’autres. Dans notre ouvrage “Marxism in Today’s World”, nous écrivions ceci : « La loi la plus importante de la dialectique est que la vérité est concrète. Si on prend les débats historiques, il est clair que le trotskisme, en partant de Trotsky lui-même, s’est opposé à la formation d’un État juif sur le territoire de la Palestine. C’était la position qu’il a adoptée dans la période de l’entre-deux-guerres. Cependant, il a modifié sa position après que la persécution des Juifs par les Nazis soit devenue évidente. Une nouvelle situation était survenue. Trotsky a toujours été très flexible lorsqu’il fallait prendre en compte de nouveaux facteurs importants. Il y avait réellement un sentiment de la part de la population juive qu’il fallait absolument quitter l’Allemagne et l’Europe, et cela était accompagné du rêve d’une nouvelle terre promise.”
« Sous le socialisme, raisonnait Trotsky, si les Juifs désiraient un État, disons, quelque part en Afrique, avec l’accord des populations africaines, ou en Amérique latine – cela pourrait être considéré ; mais pas en Palestine. Car il s’agirait là pour les Juifs d’une véritable souricière ». Il est surprenant de voir à quel point cette prédiction s’est réalisée… Le mouvement trotskiste s’est opposé à la création d’un État juif séparé en Israël, parce qu’il aurait constitué un frein à la révolution arabe. Israël a été créé sur base de la colonisation des terres arabes en en chassant les Palestiniens et en utilisant un mélange de rhétorique nationaliste radicale, voire “socialisante”, destinée à la population juive qui avait échappé au cauchemar de l’Holocauste et de la Seconde Guerre mondiale.
Sur la question des États colonisateurs, nous avons déclaré : « Un État ou une série d’États peuvent être établis par le déplacement brutal de populations. Jetons un œil par exemple à la déportation forcée de la population grecque de nombreuses régions d’Asie mineure ou à celle des Turcs de Grèce à la suite de l’effondrement de l’Empire ottoman. Si on revenait en arrière pour redessiner la carte, on aurait de nouveau d’énormes échanges de population. Ailleurs, les crimes terribles commis en Europe à l’encontre des Juifs sous le capitalisme nazi ont été utilisés en tant que justification pour un nouveau crime à l’encontre du peuple palestinien. Cela demeure un fait historique indiscutable.”
“Cependant, la réalité aujourd’hui est que, au fil du temps, nous avons vu se former une conscience nationale juive ou israélienne. Que disent les marxistes à ce sujet ? Devrions-nous simplement ignorer la situation réelle et maintenir coute que coute notre vieille position ? La solution de [l’ISO] et d’autres militants de gauche est d’avoir un seul État palestinien – ce qui était notre position au début –, un État palestinien unifié avec des droits à l’autonomie pour les Juifs en son sein. Cependant, ces gens ont mis en avant cette revendication dans un cadre capitaliste, alors que nous ne l’avions jamais envisagé autrement que sur base du socialisme. Nous n’avons pas non plus une position d’une solution à deux États sur base capitaliste, comme le font certains petits groupes. Car il s’agit là d’une utopie ».
“D’autres propositions considéraient seulement de donner une petite portion de la Palestine historique au peuple palestinien. La proposition de l’ancien Premier ministre israélien Olmert, pour une redivision de la Palestine (dont plus personne ne parle à présent), n’aurait laissé que 10 % du territoire aux Palestiniens pour y former leur État : un véritable bantoustan. Et certainement pas une solution pour un État viable du point de vue des Palestiniens. Dans le cadre du capitalisme, il n’y a pas la moindre possibilité de parvenir à une solution viable à deux États. On ne peut exclure un arrangement temporaire, mais cela ne serait pas non plus une solution aux problèmes nationaux des Palestiniens ni des Israéliens. Néanmoins, l’idée d’une solution à deux États, d’une Palestine socialiste et d’un Israël socialiste dans le cadre d’une confédération socialiste du Moyen-Orient est, à ce stade, une revendication programmatique correcte.” (Marxism in Today’s World, édition 2013, pp. 29-30)
Il ne fait aucun doute que l’ISO et autres rejettent l’idée d’une confédération socialiste du Moyen-Orient en tant que solution irréalisable par rapport aux souffrances des masses à travers la sous-région. Mais les capitalistes eux-mêmes se rendent bien compte des énormes retombées économiques qui pourraient provenir de la mise en place d’une telle confédération : « Par exemple, l’Égypte bénéficie d’une main d’œuvre à bon marché mais a un taux de chômage élevé. La Libye a du capital en excès, d’immenses projets d’infrastructures et une demande insatiable de main d’œuvre. La Turquie a l’expertise pour la construction d’aéroports, de ponts et de routes. Tous ces éléments doivent être rassemblés. Selon notre recherche, au moins 20 milliards de dollars ont été promis à l’Égypte par les pays du Golfe au cours des derniers mois, mais sans aucun plan sur le long terme. La Ligue arabe, en tant que structure régionale, ne possède pas non plus ni la crédibilité, ni la capacité, ni la créativité nécessaires au rassemblement de toutes ces nations ». (Financial Times, 20 June 2014)
Les capitalistes du Moyen-Orient sont incapables de réaliser un tel projet. Mais la classe des travailleurs, œuvrant de manière unifiée tout en instaurant le socialisme démocratique à travers toute la sous-région, serait bien capable de mettre sur pied une confédération socialiste.
Les campagnes de boycott d’Israël
L’ISO compare de manière grossière Israël aujourd’hui à l’Afrique du Sud de l’apartheid. Cependant, cela ne renforce pas sa critique du CIO, bien au contraire. Contrairement à ce que prétend l’ISO, il y a de profondes différences entre le régime d’apartheid sud-africain et Israël, surtout du point de vue démographique. En Afrique du Sud, il y avait sept fois plus de Noirs et “colorés” que de Blancs. Cela ne correspond pas du tout à la situation actuelle en Israël-Palestine. Si elle se sent menacée de destruction, la population israélienne ripostera.
Nous écrivions dans Marxism in Today’s World (p. 32) que : « Même le “camp de la paix” prendra les armes si il voit remis en question le droit des Juifs à un État séparé. La classe des travailleurs israéliens se battra si elle se voit menacée de se faire jeter à la mer. Par conséquent, il nous faut employer des revendications transitoires afin d’approcher les masses. Pour nous, la population doit décider d’elle-même quelles seront les frontières du futur État dans le cadre d’une confédération socialiste. Nous pourrions même voir, à la suite d’une révolution socialiste au Moyen-Orient, les Israéliens et Palestiniens décider de vivre ensemble dans le cadre d’un seul État avec une autonomie pour les deux peuples. Nous ne pouvons rien prédire à l’avance. Mais la dialectique de cette situation est que, dans le contexte actuel, si vous tentez d’imposer un État unique à ces peuples, cette proposition sera rejetée.
Israël est une plaie béante au beau milieu de la sous-région. Un enjeu vital pour la révolution au Moyen-Orient est de trouver une méthode pour dissocier les travailleurs israéliens de leur classe dirigeante. Mais si vous les menacez ou remettez en question l’idée d’un “foyer” israélien, alors il n’y a aucune chance d’arriver à cet objectif ».
En ce moment, nous devons assumer le fait que les peuples palestinien et juif ont décidé qu’ils ne peuvent pas vivre ensemble au sein d’un même État. C’est ce que leur dicte leur conscience. Que doivent dire les marxistes ou les trotskistes dans une telle situation ? L’ISO se contente tout bonnement de répéter des formules abstraites qui n’ont absolument aucun lien avec la situation sur le terrain. Les socialistes et marxistes ne peuvent forcer différents peuples à vivre au sein d’un même État.
À propos des campagnes de boycott, l’ISO a maintenant commencé à s’en prendre à un article de Judy Beishon, publié il y a un an dans notre magazine Socialism Today (nº 169). Une fois de plus, leurs arguments sont non seulement erronés, mais tombent en plus à côté de la plaque. Ni Judy, ni le CIO n’est contre le boycott de manière générale. Nous préférons, il est vrai, insister sur le fait que seule une action de masse et unie de la part des travailleurs israéliens et palestiniens pourra donner naissance à une force capable de renverser les capitalistes, en Israël comme en Palestine. Cependant, des boycotts ciblés peuvent jouer un rôle auxiliaire afin d’affaiblir l’État israélien : par exemple, le boycott des exportations d’armes israéliennes, ainsi que des marchandises produites dans les territoires occupés, ou des universités qui y sont situées. De telles mesures pourraient être utiles, car elles serviraient à dénoncer l’oppression des Palestiniens. Mais en elles-mêmes, elles ne seront jamais suffisantes pour sérieusement saper l’emprise du gouvernement et de la classe dirigeante israéliens – pas plus que les sanctions et boycotts de produits sud-africains n’ont véritablement affaibli le régime d’apartheid. En outre, cette campagne ciblée, qui pourrait acquérir un nouveau soutien vu la vague d’horreur qui vient de déferler à Gaza, devrait être discutée non seulement avec les Palestiniens, mais surtout avec les travailleurs israéliens. Tout cela était décrit et détaillé dans l’article de Judy, avec lequel nous sommes en plein accord.
La même approche unilatérale a été adoptée par l’ISO par rapport aux tirs de missiles lancés par le Hamas sur Israël en guise de représailles. Nous ne nous sommes jamais opposés au droit des Palestiniens à se défendre contre les attaques israéliennes, y compris à organiser une défense armée de Gaza et à lancer des attaques légitimes sur des cibles militaires en Israël même. Mais nous avons toujours par contre souligné non seulement l’inefficacité des méthodes employées actuellement – c’est comme lancer des cailloux sur des tanks – mais aussi leur caractère carrément contre-productif lorsque ces méthodes sont employées envers des civils, car elles ne font que repousser les travailleurs israéliens dans les bras de leur propre pire ennemi : le gouvernement de droite de Netanyahu – tout comme les attaques d’Israël envers des civils ne fait en réalité que renforcer le Hamas plutôt que l’affaiblir.
La question nationale est incomparablement plus compliquée aujourd’hui que celle qui existait à l’époque de Lénine et Trotsky. Pour les marxistes, elle a deux facettes. D’un côté, nous sommes opposés au nationalisme bourgeois, qui cherche à diviser la classe des travailleurs. Nous sommes pour l’unité maximale de la classe des travailleurs au-delà des frontières et des continents et à l’échelle mondiale. Mais de l’autre côté, nous sommes contre toute incorporation forcée de nationalités distinctes au sein d’un même État contre leur volonté. Nous sommes pour l’indépendance de l’Ukraine, mais sommes totalement opposés au régime de Kiev et à sa politique de répression des droits des minorités tout en s’appuyant sur des éléments de droite néofasciste et nationalistes ukrainiens. De même, nous sommes contre le chauvinisme grand-russe de Poutine et de ses partisans, et luttons pour une indépendance de classe dans la lutte pour une confédération socialiste de la sous-région.
Ce n’est que de cette manière, avec un programme de classe et des perspectives nettes, qui évitent la propagande abstraite, que nous pourrons tracer un chemin afin de gagner les travailleurs aux idées du socialisme et du marxisme, même dans des situations objectives difficiles faites de guerres et de conflits.
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La crise en Ukraine : Une opportunité pour le lobby du gaz de schiste
‘‘Never waste a good crisis’’ disait Winston Churchill (ne jamais perdre l’opportunité d’une crise), une devise parfaitement comprise par les conservateurs et le monde patronal, notamment autour de la crise ukrainienne et des tensions grandissantes entre les États-Unis et l’Union européenne d’une part et la Russie de l’autre.
Par Paul Murphy, député européen du Socialist Party (CIO-Irlande) et Tanja Niemeier
La ‘‘sécurité énergétique’’ s’est fait une place de choix dans le débat public suite aux menaces de sanctions à l’encontre de la Russie et des potentielles représailles. Puisque Poutine et les autorités russes utilisent les ressources naturelles du pays et le géant énergétique Gazprom (premier exploitant et premier exportateur de gaz au monde) comme des ‘‘armes politiques’’, les autorités occidentales désirent accroitre leur indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, particulièrement dans le cas du gaz.
En 2012, Gazprom représentait à elle seule 34% des importations de gaz naturel en Union européenne. L’an dernier, l’entreprise russe a livré un record de 162 milliards de mètres cubes de gaz en Union européenne et en Turquie, dont 86 milliards de mètres cubes ayant transité via l’Ukraine. Voilà qui illustre directement pourquoi l’UE a tant d’intérêts en Ukraine et à quel point les intérêts économiques occupent une place prépondérante dans ce conflit.
Au cours d’une réunion avec Angela Merkel, le Premier ministre conservateur polonais Donald Tusk a d’ailleurs déclaré : ‘‘La question de l’Ukraine est celle de l’avenir de l’UE, de la sécurité de l’UE et d’une correction de la politique énergétique de l’UE. Nous ne pourrons pas à l’avenir répondre à de potentielles nouvelles mesures agressives de la part de Russie si tant de pays européens restent dépendants du gaz russe.’’
La Pologne est l’un des plus fervents partisans du gaz de schiste. Actuellement, Gazprom est responsable de 60% du pays, mais certaines études estiment que la Pologne constitue le plus grand réservoir de gaz de schiste d’Europe. Pour stimuler le secteur et attirer les investissements étrangers, le gouvernement polonais a déjà annoncé que les entreprises d’extraction de gaz de schiste bénéficient de six ans d’exonération fiscale. Même le Premier ministre britannique David Cameron a déclaré qu’il fallait accepter l’exploitation du gaz de schiste, alors que la Grande-Bretagne est pourtant beaucoup moins dépendante du gaz russe.
Les collectivités locales, les militants écologistes et les défenseurs des idées du socialisme sont résolument opposés à l’exploitation du gaz de schiste et à la méthode de la fracturation hydraulique. Les risques que cela représente pour la santé et l’environnement sont énormes et les preuves ne manquent pas. Cette méthode affecte l’eau potable, l’air, les sols et le climat, elle peut même favoriser les tremblements de terre et maintient par ailleurs la dépendance aux combustibles fossiles pour de nouvelles décennies. Et en plus du développement de ces techniques catastrophiques socialement et écologiquement, il est également question d’importer du gaz de schiste américain.
Les conservateurs, les réactionnaires et les négationnistes du changement climatique au Parlement européen ne cachent pas leurs positions. Par exemple, le parti Pologne Unie (qui fait partie du groupe autour de l’UKIP britannique) a défendu une résolution affirmant que ‘‘Le gaz de schiste occupe une partie importante du marché nord-américain et a fait baisser les prix. Cela peut être reproduit en Europe pour garantir l’approvisionnement énergétique et améliorer la compétitivité économique.’’
L’Union Européenne et les Etats-Unis sont en train de négocier un accord visant à créer la plus grande zone de libre-échange au monde, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Si cet accord devait être finalisé, il ouvrirait grand la porte à la fracturation hydraulique, ce que Barack Obama a ouvertement expliqué à Bruxelles en marge des discussions UE-USA portant sur les relations commerciales et la situation en Ukraine.Dans le cadre du capitalisme, la seule manière d’aborder une crise est la fuite en avant. Parvenir à de réelles solutions pacifiques au sujet de l’énergie nécessite de rompre avec la logique de profit et de cupidité de l’actuel système de production. Des investissements publics massifs doivent être réalisés dans les énergies renouvelables et dans la recherche scientifique et le secteur énergétique doit être nationalisé et placé sous contrôle et gestion de la collectivité. Sans cela, les intérêts des actionnaires primeront toujours sur ceux de la collectivité, au risque de courir droit à la catastrophe.
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Ukraine: La situation dégénère en un conflit sanglant
Seule l’action de la classe ouvrière unie peut stopper la catastrophe
Rob Jones, Moscou. Article publié initialement le 9 mai sur le site socialistworld.net
Les événements qui prennent actuellement place en Ukraine ont adopté un tour tragique, la situation du pays dégénérant en un conflit violent. L’armée ukrainienne, avec le soutien des puissances occidentales, est entrée en mouvement afin de violemment désarmer les militants essentiellement pro-russes ayant occupé des bâtiments clés tout au long de l’Est de l’Ukraine, en particulier dans la région de Donetsk. Le nombre de morts augmente de façon constante. A Odessa, une ville traditionnellement multinationale de la mer Noire, plus de quarante personnes ont été tuées lorsque le bâtiment syndical dans lequel ils étaient réfugiés a été incendié. Le président Poutine, en un recul apparent, a conseillé aux régions de Donetsk et de Kharkov de ne pas poursuivre sur leur lancée avec le référendum de dimanche, mais ce conseil a été repoussé par les militants locaux.
La vérité, première victime de la guerre.
Une propagande de guerre sans limite accompagne ces événements à Odessa et en Ukraine, d’un côté du fait du gouvernement de Kiev et de ses bailleurs de fonds européens et américains, d’autre part du fait des manifestants de l’Est de l’Ukraine et des médias du gouvernement russe. Chaque côté semble surpasser l’autre en cynisme.
L’enquête initiale de la police ukrainienne concernant la tragédie d’Odessa déclarait que ”les manifestants anti-Maidan ont fait irruption dans le bâtiment du syndicat et se sont barricadés à l’intérieur. Ils ont ensuite commencé à jeter des cocktails Molotov du toit. Certains des dispositifs incendiaires ont touché le bâtiment, ce qui pourrait avoir causé l’incendie qui a finalement tué plus de 40 personnes.” Le journal de langue anglaise Kyiv Post a rapporté ces événements le 3 mai en changeant les “manifestants anti-Maidan” en ”séparatistes pro-russes” et en ajoutant qu’ils avaient “tiré à l’arme à feu sur des citoyens pacifiques”, en retirant de leur description tout terme conditionnel.
La télévision russe, de son côté, est remplie de rapports à glacer le sang au sujet de la lutte menée en Ukraine contre les fascistes et les ”Banderaists” (terme désignant les collaborateurs nazis ukrainiens durant la deuxième guerre mondiale). Elle décrit la tragédie d’Odessa comme un nouveau “Katyn”, en référence au massacre par le régime stalinien de milliers d’officiers polonais au beau milieu des bois.
La tragédie d’Odessa
Des témoins locaux donnent cependant une meilleure idée de ce qui s’est passé. Selon le journaliste d’Odessa Sergiy Dibrov, le conflit a commencé suite à une manifestation de supporters de football qui se trouvaient en ville pour assister à un match entre les “Chernomoretz” d’Odessa et les “Metallist” de Kharkov (Est ukrainien). Ils ont défilé dans la ville en faveur de l’unité ukrainienne en chantant l’hymne national et des chansons anti-Poutine. Une partie du cortège était composée d’un important contingent ”d’escouades d’auto-défense” Euromaidan armés de barres de fer, de boucliers et de casques.
Tous les rapports conviennent bien que la manifestation a rencontré la résistance de “manifestants anti-Maidan”, un groupe mixte composé d’opposants à ce qu’ils qualifient de “junte fasciste de Kiev” et de partisans de la fédéralisation ou de l’unification avec la Russie. L’échauffourée a commencé avec des lancers de briques, de grenades paralysantes et de cocktails Molotov et il y a ensuite eu des coups de feu, du camp anti-Maidan disent certains, de provocateurs disent d’autres. Une vidéo montre que des coups de feu ont été tirés de l’arrière des lignes de police par quelqu’un armé d’une Kalachnikov. Des témoins rapportent que, à ce stade, les supporters ordinaires, en particulier d’Odessa, avaient quitté la marche pro-Ukraine, ne voulant pas être impliqués dans des combats.
Une bataille de rue a fait rage quatre heures durant, avec au final quatre morts et plus d’une centaine de blessés. En colère suite aux tirs subis par leurs partisans, environ 2000 membres des ”escouades d’autodéfense Euromaidan”, qui auraient été soutenus par des combattants de “Secteur Droit”, se sont dirigés vers les tentes du camp de protestation. Ce camp, occupé par environ 200 personnes, a été détruit, les tentes ont été incendiées et ses occupants ont été contraints de fuir se réfugier dans le bâtiment syndical à proximité.
Des cocktails Molotov ont été lancés dans l’entrée de l’immeuble ce qui a donné lieu à de violents incendies. Nombreux parmi ceux qui étaient venus trouver refuge dans le bâtiment ont donc été pris au piège. Il n’était pas possible de sortir par l’entrée principale, mais d’autres issues étaient également bloquées par des voyous d’extrême-droite et de Secteur Droit. En désespoir de cause, beaucoup sont montés sur les rebords de fenêtre pour sauter, parfois pour être tabassés une fois arrivés en bas. La télévision russe a montré des images d’un militant d’extrême-droite essayant de tirer sur des gens alors qu’ils se tenaient sur les rebords des fenêtres.
L’une des victimes de cette attaque brutale est Aleksei Albu, dirigeant du groupe de gauche “Borotba”. Il explique ce qui s’est passé: “Lorsque nous avons quitté le bâtiment en feu, nous avons été attaqués par une foule de nationalistes. Je pense qu’il y a eu une centaine de victimes. Des gens ont sauté des fenêtres, il y avait de la fumée partout. Ils ont donné des coups de pied à ceux qui gisaient sur le sol. Un de nos militants et moi-même ont été frappés à la tête. (…) Secteur Droit a attaqué le bâtiment du syndicat bien armé et chargé de munitions. Ils étaient bien préparés. Ces combattants néo-nazis ont brutalement traités les défenseurs d’Odessa.”
Parallèlement, des participants à la manifestation initiale, en voyant les horreurs auxquelles étaient confrontées les personnes prises au piège dans le bâtiment du syndicat, se sont réunis et la petite foule s’est dirigée sur place pour permettre à certains d’entre eux de s’échapper.
L’opération anti-terreur de Kiev
Ailleurs dans l’Est de l’Ukraine, la situation s’est gravement détériorée, en particulier dans la région de Donetsk, le centre industriel du pays. Des troupes ukrainiennes tentent de reconquérir les bâtiments gouvernementaux dans pas moins de dix villes occupés par des partisans de la ”République populaire de Donetsk” autoproclamée (RPD).
Maintenant que la guerre des mots a dégénéré en fusillade, le nombre de décès est en augmentation rapide. Selon certaines sources, au moins trois hélicoptères de l’armée ukrainienne ont été abattus. La télévision russe rapporte que l’armée ukrainienne est souvent réticente à se battre et affirme que dès qu’une intervention contre les civils est nécessaire, l’armée se retire afin que la ”Garde nationale” nouvellement formée intervienne. Dans une large mesure, cette ”Garde nationale” est composée de membres des milices d’extrême-droite des manifestations de la place Maidan. Des rapports font de l’arrivée de soutien extérieur pour les opposants à l’armée ukrainienne à Slavyansk, y compris de Crimée, dorénavant russe.
Un sondage d’opinion réalisé à Donetsk à la fin mars rapporte que 50% de la population de la ville est favorable au maintien d’une Ukraine unie, mais plus de la moitié d’entre eux pensent que la région devrait tout de même avoir plus d’autonomie concernant les questions économiques et fiscales. Seuls 16% pensent que la région devrait avoir un statut fédéral au sein de l’Ukraine. Le reste est divisé entre ceux qui estiment que la région devrait rejoindre la Russie et ceux pour qui l’Ukraine devrait adhérer à nouveau à une formation similaire à l’ancienne URSS. Bien sûr, tous ces sondages d’opinion doivent être traités avec une grande prudence, en particulier dans le cadre de changements rapides.
Cela souligne la situation à laquelle fait face l’élite ukrainienne. Il est loin d’être certain que l’Etat ukrainien puisse disposer des forces nécessaires pour restaurer l’ordre à l’Est alors que la population souffre de plus en plus de la crise économique. Actuellement, seule une minorité de la population regarde avec espoir vers la Russie pour résoudre ses problèmes, la plupart des gens ont peur d’une intervention militaire qui ne fera que conduire tout droit à la guerre civile. Mais si le désordre et le chaos continuent de croître et que la tragédie d’Odessa se répète, l’atmosphère pourrait rapidement se développer et changer pour exiger une plus franche séparation de Kiev, le soutien pour une ”aide” russe visant à rétablir la stabilité pourrait augmenter.
L’atmosphère parmi les mineurs
Donetsk est au cœur de l’industrie charbonnière ukrainienne, qui emploie encore 500.000 travailleurs. Cette section puissante de la classe ouvrière conserve ses traditions de luttes de la fin des années ’80 et du début des années ’90.
Des milliers de mineurs dans la région voisine de Lugansk se sont mis en grève pour quelques jours la semaine dernière, autour de la question de leurs salaires. Alors qu’ils gagnent moins de 400 euros par mois, le gouvernement de Kiev a menacé d’imposer plus encore leurs salaires afin de financer la restauration de la zone autour de la place Maidan. Les médias russes et les militants pro-russes affirment que les mineurs sont maintenant fermement de leur côté, mais des groupes de mineurs ont été vus à la fois du côté des séparatistes et parmi les pro-Maidan, mais pas de façon organisée ou de manière massive.
Les mineurs sont préoccupés par la situation. Nombreux parmi eux désirent une Ukraine unie, mais pensent qu’un référendum est nécessaire pour forcer le gouvernement central à concéder plus de droits et un certain degré d’autonomie, certains soutiennent aussi l’idée d’une fédéralisation. Mais, souvent, ils disent qu’ils sont plus préoccupés par la croissance de l’instabilité dans la région.
L’annonce de Poutine
L’Est de l’Ukraine semble être sur le point d’entrer dans une période de conflit total entre rebelles et forces armées du gouvernement de Kiev. Les combattants pro-russes espéraient clairement que le “référendum” de ce week-end à Donetsk verrait l’émergence d’un grand ”oui” en soutien de la République populaire de Donetsk auto-proclamée, ouvrant la voie à un appel au “soutien” de la Russie.
Dans un changement de ton apparent, Poutine a annoncé mercredi dernier qu’il pensait que le référendum devrait être reporté. Il a en outre déclaré que les troupes russes seraient retirées de la frontière ukrainienne et qu’il approuvera sous conditions l’élection présidentielle de mai en tant qu’étape vers la résolution de la crise.
Une fois de plus, il semble que Poutine a pris les puissances occidentales par surprise. Mais si elles sont méfiantes face à ses motivations, elles auront du mal à décider d’une troisième série de sanctions ou à facilement rejeter la Russie de toute proposition de solution.
Les motivations de Poutine sont encore sujettes à question. L’économie russe ressent certainement l’effet des sanctions, qui s’ajoutent à une récession déjà en développement. Les coûts économiques et sociaux d’un approfondissement du conflit tout autant que la perspective d’un conflit militaire tous azimuts inquiètent jusqu’aux plus farouches faucons russes.
En Russie et en Ukraine, beaucoup considèrent cette annonce de Poutine comme une manœuvre tactique. Bien qu’il ait appelé au report du référendum de dimanche, les militants pro-russes à Donetsk ont déclaré qu’ils le tiendront de toute façon. Mais quel que soit l’issue de cette question, le génie du chaos et du conflit ethnique est déjà sorti de sa bouteille, et il sera difficile de l’y faire rentrer.
Une alternative de gauche
La gauche est malheureusement faible en Ukraine. Le principal parti ”de gauche”, le Parti Communiste, a été le principal partenaire de la coalition gouvernementale de l’ancien président aujourd’hui déchu Ianoukovitch. Sa politique étrangère est fermement pro-russe et basée sur la revendication d’une adhésion de l’Ukraine à une l’union douanière avec la Russie et sa politique intérieure a été à la remorque du Parti des Régions de Ianoukovitch.
Alors que la gauche non-parlementaire recourt à des phrases bien radicales sur la nécessité de combattre le fascisme, elle a rapidement été divisée en deux camps. Les dirigeants du groupe Opposition de Gauche réclament ouvertement que le gouvernement de Kiev soit traité comme un gouvernement légitime basé sur “une authentique révolution qui a attaqué les oligarques”. Ils soutiennent la signature de l’accord de partenariat avec l’Union Européenne, en demandant simplement une “politique d’austérité plus juste.” Ils écartent de la main l’importance de la participation de Secteur Droit et de l’extrême-droite dans le mouvement Maidan.
Le groupe ”Borotba”, dans le camp anti-Maidan, dit qu’il est opposé à toute intervention russe en Ukraine et utilise une phraséologie et des revendications de gauche radicale. Il dirige cependant toute sa colère contre ce qu’il appelle la “Junte de Kiev” et travaille en étroite collaboration avec des groupes pro-russes. Il explique être contre l’intervention russe, mais il livre sur son site des rapports totalement dénués de critiques d’actions pro-russes. Ainsi, le 5 mai dernier, ils ont publié une vidéo sur leur site intitulée “Deux bataillons de défenseurs de Crimée viennent aider Slavyansk”. Le dirigeant de cette formation militaire clairement bien formée déclare dans la vidéo que ”Notre tâche est de ne faire aucun prisonnier. Personne. Nous sommes ici pour détruire. Nous y allons (à Slavyansk) et nous balayerons tout ce qui se dressera sur notre chemin.”
La classe des travailleurs doit réagir
Pour la classe ouvrière à travers l’Ukraine, la seule manière d’éviter la catastrophe imminente est de passer au-delà de la fracture nationale et d’intervenir de façon unifiée par l’organisation de comités anti-guerre et de défense trans-ethniques commun pour mobiliser une opposition de masse contre les nombreuses organisations d’extrême-droite et les fauteurs de guerre de tous côtés. Ces derniers essayent de diviser les travailleurs ukrainiens et de plonger le pays dans la guerre. Il faut lutter contre les fermetures d’usines et de mines, contre l’austérité et pour un niveau de vie décent pour tous. Il faut s’opposer aux mesures d’austérité sévères exigées par l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International mais également s’opposer aux tentatives du capital russe de prendre en main l’industrie du pays à son propre avantage, ce qui ne ferait que conduire à davantage de restructurations et de fermetures. Les mineurs peuvent clairement jouer un rôle central dans ce processus de lutte.
Un tel combat commun pourrait poser les bases de la construction d’un parti de masse des travailleurs basé sur l’activité de syndicats démocratiques préparés à défendre les droits de tous les travailleurs ukrainiens, quelle que soit leur origine ethnique, et qui insiste pour la garantie des droits démocratiques et nationaux de tous les groupes ethniques du pays (y compris l’élection de dirigeants régionaux, le droit d’utiliser les langues russes et autres, l’augmentation des pouvoirs économiques et politiques pour les régions qui le souhaitent,…)
Plutôt que d’accepter la situation actuelle, une situation où les élections se tiendront sans aucun candidat ou parti pour représenter les intérêts des travailleurs, il faut se battre pour une assemblée constituante où les travailleurs seraient représentés à travers leurs syndicats, leurs partis politiques et leurs représentants élus sur les lieux de travail et dans les quartiers pour décider de la manière de démocratiquement gouverner l’Ukraine.
L’écrasante majorité des travailleurs ne veut pas être entraînée plus profondément dans un conflit. Un parti de masse des travailleurs s’opposerait aux tentatives des différentes forces impérialistes et de leurs amis oligarques de diviser l’Ukraine. La richesse du pays et les ressources naturelles doivent être mises sous propriété publique, sous contrôle et gestion démocratique, pour s’assurer que tous les travailleurs d’Ukraine puissent avoir de bonnes pensions, de bonnes conditions de vie, de bons soins de santé et un enseignement gratuit et de qualité, au sein d’une économie socialiste démocratiquement planifiée.
Au niveau international, le système capitaliste ne s’est toujours pas remis de la pire crise mondiale depuis les années 1930. Les différentes puissances impérialistes – États-Unis, UE ou Russie – se battent entre pour savoir qui contrôlera les ressources de la planète. L’Ukraine s’est maintenant retrouvée au beau milieu de ce combat entre forces impérialistes.
La classe ouvrière ukrainienne doit agir, créer un véritable parti de la classe des travailleurs capable d’unir toute cette classe autour d’une véritable alternative socialiste contre les forces pro-capitalistes et oligarchiques qui dominent actuellement la politique ukrainienne. Ce parti se battrait pour un gouvernement socialiste démocratique qui permettrait d’instaurer une Ukraine socialiste dans laquelle les droits de toutes les minorités seraient assurés, dans le cadre d’une alliance plus large des Etats socialistes démocratiques.
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Après le référendum de Crimée
Le référendum du 16 mars dernier en Crimée s’est soldé par un vote à une écrasante majorité en faveur de l’annexion à la Russie. Selon le résultat officiellement proclamé, 96,77 % des votants se seraient prononcés pour l’intégration à la Russie, avec un taux de participation ‘‘officiel’’ de 83,1 %. Des dizaines de milliers de personnes ont fait la fête à Simferopol, la capitale de la Crimée.
Par Niall Mulholland
Le 17 mars, le parlement régional a déclaré l’indépendance de la république de Crimée. Le président russe Poutine et les dirigeants criméens ont ensuite signé un accord formalisant l’incorporation de cette région à la Russie. Le parlement de Crimée a décidé que l’ensemble des actifs de l’État ukrainien se trouvant sur la péninsule seront nationalisés, et que les unités militaires ukrainiennes se trouvant sur le territoire criméen seront “démobilisées”.
Le référendum a été dénoncé par les dirigeants occidentaux comme “illégitime et illégal”. Ils ont condamné Poutine pour provocation de divisions ethniques. L’UE et les États-Unis ont décidé de quelques sanctions complètement inoffensives (interdictions de visa, gels de compte en banque) à l’encontre de quelques dirigeants russes et criméens, en menaçant d’aller plus loin. Mais la plupart des États européens craignent que des sanctions trop hâtives à l’encontre de la Russie n’aggravent encore plus l’état de l’économie européenne.
Les États-Unis et les puissances européennes se déclarent outragés par rapport à l’intervention russe en Crimée alors qu’eux-mêmes ne sont pas vite gênés de faire pareil. Violant leurs propres lois internationales, les puissances
impérialistes occidentales ont envahi et occupé l’Irak et l’Afghanistan ‘‘afin d’organiser des élections’’ dans ces pays (et la Libye, le Mali, la Centrafrique,…). Les puissances occidentales ont elles aussi organisé un référendum très contesté pour l’indépendance du Kosovo en 1999, après des mois de bombardement de la Serbie.Il ne fait aucun doute que le référendum en Crimée n’a pas été organisé dans des conditions qui permettent un
réel débat démocratique. Le parlement de Crimée, en tant que province à majorité russophone, a voté la sécession d’avec l’Ukraine et le rattachement à la Russie. Le référendum a été organisé seulement par après, dans le but de faire valider par la population une décision en réalité déjà prise, en ne donnant que deux options : l’intégration à la Russie, ou une autonomie accrue. Tous les médias pro-Ukrainiens ont été fermés et, pendant des semaines, les médias d’État n’ont plus fait que balancer de la propagande nationaliste pro-russe. Les populations minoritaires de Crimée (Tatars et ukrainophones, qui constituent 40 % de la population) se sont plaintes de l’ambiance d’intimidation, et la plupart ont boycotté le référendum (ce qui permet de douter de la participation ‘‘officielle’’ au référendum). Malgré tout cela, il est clair que le vote pour l’adhésion à la Russie a été immensément populaire parmi la majorité des Criméens. C’est en très grande partie dû au caractère réactionnaire du nouveau régime de Kiev et à la manière dont il est arrivé au pouvoir.Des mois de manifestations
Le mouvement de masse contre Ianoukovitch était surtout alimenté par des années de stagnation économique et de misère croissante, en plus d’une profonde colère contre le régime autoritaire et corrompu et contre ses sponsors milliardaires.
Cette révolte comportait de nombreux aspects de révolution ; elle a rapidement révélé au grand jour l’absence de tout soutien parmi la population pour le régime pourri de Ianoukovitch. La brutalité avec laquelle le mouvement a été réprimé par les gendarmes sur la place de l’Indépendance (Maïdan Nezalejnosti) a provoqué le dégout de larges couches de la population, et le régime a fini par s’effondrer.
Cependant, en l’absence d’organisations de masse des travailleurs capables de suivre une ligne d’action indépendante de la bourgeoisie, ce sont des politiciens réactionnaires de l’opposition, y compris des ultra-nationalistes ukrainiens et l’extrême-droite, qui ont fini par dominer le mouvement de contestation. Les membres de Svoboda (“Liberté”), un parti antisémite, et du Pravy Sektor (“Secteur droit”), une organisation fasciste, ont joué le rôle de brigades de choc sur le terrain à Kiev et ailleurs. Ils ont attaqué physiquement tout syndicaliste ou militant de gauche qui cherchait à rejoindre le mouvement.
La rhétorique anti-russe du nouveau régime de Kiev et l’implication de l’extrême-droite, dont certains membres ont reçu des postes ministériels très importants, a provoqué la frayeur des Ukrainiens d’ethnie russe, qui vivent
surtout dans l’est (le Donbass) et dans le sud du pays (Crimée, etc.). Une des premières décisions du parlement ukrainien a été de faire perdre à la langue russe son statut de seconde langue officielle du pays. Il a également décidé d’interdire le Parti “communiste”, dans les faits un parti bourgeois pro-russe. Alors que la Crimée est déjà une des régions les plus pauvres d’Ukraine (l’Ukraine étant elle-même le plus pauvre pays d’Europe après la Moldavie), de nombreux Criméens craignaient que le nouveau régime de Kiev ne décide de signer les accords financiers avec l’Union européenne et avec le FMI, ce qui engendrerait une politique d’austérité très dure, et donc une nouvelle baisse du niveau de vie pour la population.Mais le résultat de ce référendum n’apportera pas la paix, la stabilité et la prospérité pour le peuple de Crimée. L’intégration de la Crimée à l’économie russe, qui n’est pas loin de la crise, n’apportera pas la moindre amélioration de son niveau de vie.
Si le régime autoritaire de Poutine a décidé d’intervenir en Crimée, ce n’est pas pour la population, mais uniquement dans le but de défendre ses propres intérêts géostratégiques (tout en administrant au passage une nouvelle dose énorme de nationalisme à la population russe). La péninsule est devenue le point focal des tensions croissantes entre la Russie et Kiev et ses soutiens occidentaux – dont le but est d’étendre l’influence de leur puissance impérialiste jusqu’aux frontières russes.
Toute cette situation a mené à une dangereuse escalade militaire. Washington a déjà entamé des exercices militaires en Pologne, en Lituanie et dans la mer Noire. Les deux camps disent ne pas vouloir aller jusqu’à la guerre, mais l’aggravation des tensions pourrait tout de même mener à des conflits “localisés”.
La démagogie des politiciens
Les travailleurs d’Ukraine payeront le prix fort pour toute escalade de la crise. Plusieurs personnes ont été tuées le week-end du référendum lors de bagarres entre manifestants et miliciens pro-ukrainiens et pro-russes à Donetsk
et à Kharkiv, deux villes à forte présence russophone. De telles bagarres pourraient faire boule de neige et mener à de nouveaux appels au référendum dans d’autres régions à majorité russophone, à des tentatives de sécession et potentiellement à un repartage sanglant du pays sur base de nettoyages ethniques en série.Seule la classe ouvrière unie et organisée selon une ligne internationaliste et indépendante des politiciens bourgeois, peut contrer de manière décisive le nationalisme réactionnaire et mettre un terme à l’intervention des grandes
puissances capitalistes.Les politiciens nationalistes démagogues à Kiev, Simferopol et Moscou pourraient bénéficier d’un soutien populaire tant qu’ils instrumentalisent à leur propre compte les craintes de la population mais leur politique néolibérale et leur nationalisme ne permettront pas d’améliorer le niveau de vie du peuple ni de mettre un terme à la corruption et à l’oppression. Déjà nombre de ceux qui s’étaient opposés à Ianoukovitch se plaignent du fait que c’est une nouvelle bande qui s’est emparée du pouvoir et qui a donné les postes de gouverneurs à leurs amis milliardaires.
Comme l’a montré la récente révolte des travailleurs et des jeunes en Bosnie, de nouvelles vagues de protestation contre la situation sociale et économique et contre les politiciens corrompus sont inévitables, mais elles requièrent
une expression politique organisée afin d’apporter à la classe ouvrière une alternative socialiste. -
Tensions grandissantes entre les puissances occidentales et Moscou
Au moins 6.000 soldats russes ont pris position dans la péninsule de Crimée, officiellement république autonome de l’Ukraine. Le régime russe affirme que cette mesure a été prise à la demande du gouvernement de Crimée, désireux que la Russie intervienne pour défendre les droits des citoyens russes. Le Kremlin a explicitement indiqué qu’il envisageait d’envoyer des troupes dans d’autres régions d’Ukraine si les droits de l’ethnie russe étaient «lésés», même si Vladimir Poutine a déclaré que pareille mesure ne serait prise qu’en ‘‘dernier recours’’.
Le régime de Poutine s’est vu servir sur un plateau le prétexte pour son intervention : la décision hautement provocatrice du nouveau gouvernement de Kiev de diminuer les droits linguistiques de la population russe et d’autres minorités. Le parti d’extrême-droite antisémite Svoboda dispose de quatre postes ministériels au sein du nouveau gouvernement de Kiev, dont celui de vice-premier ministre. Un co-fondateur de Svoboda dirige également le Conseil national de sécurité et un de ses adjoints est à la tête du mouvement paramilitaire et fasciste Secteur Droit. Le ministère de l’Intérieur a affirmé que la milice instaurée par Secteur Droit allait être intégrée dans les forces de police. La Douma russe s’est précipitée pour décréter une nouvelle loi permettant de délivrer des passeports russes à tout membre de l’ethnie russe en Ukraine. Une loi a également été adoptée pour autoriser qu’une région d’un autre pays soit annexée à la Russie pour autant que le gouvernement de ce pays soit considéré comme ‘‘instable’’.
Ces mouvements militaires russes surviennent après l’éviction du président ukrainien Ianoukovitch et l’arrivée au pouvoir d’un régime pro-occidental. L’ingérence irresponsable des puissances occidentales en Ukraine et la riposte de la Russie ont créé la plus grave crise militaire en Europe depuis la guerre russo-géorgienne en 2008. Ces dernières semaines, un mouvement de masse s’est développé contre le régime corrompu et autoritaire de Ianoukovitch et des oligarques. Ce mouvement avait les traits d’une révolution, et la force des masses a conduit à la désintégration du régime de Ianoukovitch et de l’appareil d’Etat. Mais en l’absence d’organisations représentant les intérêts de la classe des travailleurs, le vide politique a été occupé par des politiciens réactionnaires de l’opposition, des nationalistes ukrainiens radicaux et par le parti d’extrême-droite Svoboda ainsi que par le groupe Secteur Droit, ce qui a suscité de profondes craintes au sein de l’ethnie russe.
L’hypocrisie US
Avec une hypocrisie à peine masquée, le Secrétaire d’État américain John Kerry a condamné ‘‘la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine’’. Mais lorsque leurs intérêts impérialistes sont en jeu, les États-Unis n’hésitent pas à intervenir militairement et à violer des territoires ‘‘souverains’’. La superpuissance US a ainsi envahi et occupé l’Irak et l’Afghanistan, interventions au coût humain désastreux. Les puissances occidentales hurlent de rage au sujet de la prise de contrôle de la Crimée par les forces russes, mais les forces de l’OTAN ont occupé le Kosovo après avoir armé et soutenu militairement l’Armée de libération du Kosovo dans son conflit avec le régime serbe en 1999.
Face à des mouvements de troupes russes en Crimée, l’impérialisme occidental s’est trouvé militairement paralysé et divisé quant aux mesures à adopter. Les gouvernements européens résistent à la prise de sanctions graves. De nombreux pays européens comptent beaucoup sur le commerce avec la Russie (l’Allemagne reçoit par exemple 40% de son gaz et de son pétrole à partir de la Russie) et ils sont réticents à prendre des mesures qui aggraveraient les problèmes économique de l’Union Européenne. Une photographie d’un document secret détaillant les délibérations des autorités britanniques a révélé une proposition visant à ‘‘ne pas soutenir, pour l’instant, des sanctions commerciales (…) ou à fermer le centre financier de Londres aux Russes.’’
Le nouveau gouvernement de Kiev a déjà de graves problèmes à gérer qui auront une grande incidence, et pas uniquement concernant les droits des russophones, mais concernant ceux de l’entièreté des travailleurs en Ukraine. L’économie est au bord du gouffre et le gouvernement a annoncé d’importantes réductions des dépenses de l’État. Toute aide financière de l’ouest s’accompagne invariablement de sévères exigences en termes d’application de l’austérité.
Afin de mobiliser un soutien à son intervention militaire, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes russes, dont l’une forte de 20.000 à 30.000 personnes à Moscou. Le régime de Poutine instrumentalise les inquiétudes des Russes et promeut un patriotisme très cru alimenté par les sentiments anti-occidentaux qui vivent parmi la population. De nombreux Russes sont, bien entendu, véritablement préoccupés par le sort de l’ethnie russe en Ukraine étant donné le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime ukrainien. Mais l’intervention militaire russe n’est pas motivée par le souci du bien-être des travailleurs russophones, de même que les manœuvres cyniques des puissances occidentales ne visent en rien à aider la classe des travailleurs de langue ukrainienne. Le Kremlin est gravement préoccupé par l’arrivée d’un régime pro-Otan et pro-occidental à Kiev, aux frontières occidentales de la Russie. Cela menace les intérêts géostratégiques et économiques vitaux de l’impérialisme russe.
L’intervention de Poutine en Crimée est à considérer dans le cadre des tentatives visant à restaurer le pouvoir et l’influence de l’élite russe qui, après l’effondrement de l’ancienne Union soviétique, s’est transformé en élite capitaliste. En réponse, l’Union européenne et les États-Unis menacent de prendre des sanctions économiques. Le régime ukrainien soutenu par l’Occident a quant à lui ordonné la mobilisation générale pour contrer l’intervention. Les travailleurs d’Ukraine auront cher à payer pour toute escalade du conflit.
Conflits ethniques et nationaux
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) appelle à mettre fin à toute ingérence impérialiste et à toute intervention militaire en Ukraine. Ces forces réactionnaires menacent de pousser la crise jusqu’à la guerre, avec la terrible perspective de conflits ethniques et nationaux similaires ceux qui ont démembré la Yougoslavie dans le sang au cours des années 1990. Le CIO appelle à la constitution de comités anti-guerre en Russie et en Ukraine, y compris en Crimée. Des comités au fonctionnement démocratique peuvent organiser la défense inter-ethnique de n’importe quel groupe de la population menacé par l’extrême-droite ou le chauvinisme russe.
Ce dimanche 3 mars, des protestations anti-guerre ont eu lieu en Russie, mais de nombreux manifestants ont été arrêtés, dont des camarades de la section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière (photo)Il y a une semaine, un sondage d’opinion indiquait que 73% de la population russe était opposée à une intervention russe. Ce dimanche 3 mars, des manifestations anti-guerre ont eu lieu, mais des centaines de personnes ont été arrêtés par la police, y compris des membres du CIO. Tout comme cela avait été le cas en Ossétie du Sud avant la guerre avec la Géorgie, le régime russe a intensifié sa campagne pour la ‘‘défense’’ de l’ethnie russe en Ukraine. Cette rhétorique va très probablement pouvoir profiter d’un soutien temporaire en Russie tandis que la répression s’abattra sur les voix d’opposition.
Des dizaines de milliers de manifestants pro-russes ont défilé le week-end dernier dans la ville portuaire de Sébastopol, base de la flotte russe en mer Noire, ainsi qu’ailleurs en Crimée et ailleurs et à l’Est de l’Ukraine, notamment à Donetsk. Des groupes ‘‘d’autodéfense’’ apparemment soutenus par Moscou ont été instaurés et ils ont saisi les offices gouvernementaux. Les dirigeants locaux et régionaux ont été rapidement remplacés par d’autres, pro-russes. Un référendum sur la sécession de la Crimée est en préparation. La mobilisation de jusqu’à 130.000 troupes russes à la frontière avec l’Ukraine a rapidement suivi.
En l’absence d’un mouvement indépendant des travailleurs, le danger est réel que de nouvelles manifestations de masse à travers l’Ukraine adoptent de plus en plus un caractère ethnique.
Même si nombreux sont les travailleurs à l’Est du pays à craindre la politique du nouveau régime de Kiev et notamment la participation de l’extrême-droite, l’inquiétude est également grande face à l’intervention russe en Crimée et face au risque de guerre en Ukraine et dans la région. Beaucoup de villes de l’Est ont connu des mobilisations restreintes mais néanmoins importantes contre l’escalade du conflit. Les autorités russes affirment que les russophones fuient la région vers la Russie et que plus de 140.000 personnes ont déjà demandé asile en Russie.
La Crimée doit pouvoir si elle le désire faire usage de son droit à l’auto-détermination. Cette région a longtemps été un pion dans le jeu d’intrigues des élites dirigeantes des grandes puissances. En 1944, Staline a expulsé par la force la population tatare de la péninsule. En 1954, le dirigeant soviétique Khrouchtchev a remis la Crimée et ses habitants à l’Ukraine, sans qu’aucune consultation ne soit organisée. Les peuples de l’ex-Union soviétique n’ont pas non plus été consultés quand leurs dirigeants régionaux ont décidé de prendre le pouvoir au début des années 1990 au sein de nouvelles républiques.
Le CIO soutient le droit du peuple de Crimée de décider librement de son avenir, sans aucune coercition, que ce soit vers une autonomie accrue ou carrément jusqu’à l’indépendance. Une assemblée constituante démocratiquement organisée, représentant toutes les couches de la classe ouvrière, permettrait d’assurer qu’un référendum sur l’avenir de la Crimée soit supervisé par des comités démocratiquement élus de travailleurs. Les droits de 300.000 Tatars de la région et de toutes les autres minorités doivent également être pleinement garantis, y compris concernant leur langue et leur religion. Tout cela est impossible en restant au sein du système capitaliste avec sa pauvreté, son chômage et son exploitation, de même qu’en raison de la logique des élites concurrentes de ‘‘diviser pour régner’’. Seul un gouvernement des travailleurs pourra remplacer ce système capitaliste pourri par une société garante des intérêts des masses, y compris en termes de droits des nationalités et de protection des minorités, dans le cadre d’une fédération socialiste des Etats de la région.
Ce qui se déroule actuellement sous nos yeux ne conduira à aucune réelle autodétermination. La Crimée deviendra simplement un protectorat russe, à l’instar de l’Ossétie du Sud, ou, pire encore, une région occupée sous la poigne d’autorités dictatoriales, comme c’est le cas en Tchétchénie avec le gouvernement Kadyrov. L’expérience du Kosovo et de l’Ossétie du Sud illustrent que l’impérialisme, qu’il soit russe ou occidental, est incapable d’assurer la sécurité économique ou l’unité entre les différents groupes ethniques.
Il existe sans aucun doute une profonde atmosphère d’opposition au nouveau régime de Kiev parmi les Russes ethniques de Crimée. Mais le référendum proposé par le gouvernement pro-russe de Crimée, soutenu par les forces armées russes, ne prendra pas place dans une atmosphère de débat réellement libre, sans considération pour les autres groupes ethniques de Crimée, comme les 300.000 Tatars.
Les travailleurs ont bien plus en commun que de choses qui les séparent
La pauvreté, le chômage, l’exploitation et la dévaluation de la monnaie affectent tous les travailleurs. Les élites dirigeantes des deux pays sont prêtes à instrumentaliser les différences ethniques pour empêcher les travailleurs de s’unir au sein d’une lutte commune. Il semble maintenant qu’elles sont préparées à aller jusqu’à la guerre pour défendre leurs intérêts. Les travailleurs et les jeunes doivent s’unir à travers l’Ukraine pour riposter contre les attaques économiques et sociales qui vont arriver de la part du nouveau gouvernement. Cette lutte ne sera couronnée de succès que si la classe ouvrière est unie contre les oligarques et leurs amis d’extrême-droite actuellement dans le gouvernement de Kiev.
La question clé aujourd’hui est celle de la construction d’un parti de masse des travailleurs armé d’un programme socialiste et internationaliste et visant à la mise sous propriété publique des secteurs-clés de l’économie et des richesse des oligarques et hauts fonctionnaires, afin de garantir à chacun un bon niveau de vie, de bonnes pensions, des soins de santé, un enseignement de qualité et un logement, dans le cadre d’une économie socialiste démocratiquement planifiée.