Tag: Ukraine

  • En finir avec la guerre et la militarisation. Que signifie la mobilisation en Russie pour la guerre en Ukraine ?

    Une fois de plus, le président Poutine a choqué le monde avec son émission télévisée destinée à la population russe, dans laquelle il a annoncé la “mobilisation partielle” de troupes à envoyer en Ukraine, dans ce qui n’est toujours pas officiellement appelé une “guerre”.

    Par Walter Chambers, (Alternative Socialiste, Russie)

    L’essentiel de son discours reposait sur l’idée que cette “opération militaire spéciale” visait à libérer le Donbas du “régime néonazi” et à “défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Russie”. Il a poursuivi en affirmant que Kiev était favorable aux négociations, mais que les puissances occidentales étaient déterminées à affaiblir, briser et détruire la Russie. Il a ensuite parlé de la ligne de front de mille kilomètres sur laquelle les forces russes doivent combattre “l’ensemble de la machine militaire collective de l’Occident” et des représentants de haut niveau de l’OTAN qui envisagent “d’autoriser l’utilisation d’armes de destruction massive – des armes nucléaires – contre la Russie”. Il a prévenu qu’ils devaient comprendre que la Russie dispose elle aussi de telles armes et qu’elle les utilisera si l’intégrité territoriale de la Russie est remise en cause.

    De nouvelles protestations

    De nombreux Russes ont passé la journée en état de choc et de panique à la suite de ces propos. En quelques minutes, toutes les places dans les avions et les bus quittant la Russie ont été vendues, souvent à des prix dix fois supérieurs à la normale. En raison des sanctions, il n’y a de vols internationaux que pour une poignée de pays. Des files de voitures de plusieurs dizaines de kilomètres de long se sont formées aux frontières finlandaise, géorgienne et même mongole. Les recherches sur Google sur la façon de casser les bras et les jambes ont atteint des sommets.

    Après avoir été repoussées dans le silence en raison de la répression massive mais aussi d’une mauvaise direction après le début de la guerre, de nouvelles manifestations anti-guerre ont eu lieu dans toute la Russie. Pas de l’ampleur de celles de début mars, mais néanmoins significatives. Elles sont également d’un caractère différent : la moitié des participants aux premières manifestations étaient des femmes, et cette proportion a augmenté, car les mères, les sœurs et les grands-mères s’inquiètent pour leurs hommes.

    De nombreuses troupes originaires de Tchétchénie, pays notoirement autoritaire, ont déjà combattu en Ukraine, mais n’ont pas été particulièrement efficaces – les Ukrainiens les appellent les “troupes tik-tok”, car elles sont plus intéressées par se filmer. Elles auraient subi de lourdes pertes.

    La semaine dernière, un groupe de femmes de Grozny, la capitale tchétchène, a appelé à une action de protestation contre la nouvelle mobilisation. Elles ont rapidement été arrêtées. Les autorités ont menacé d’envoyer tous leurs parents masculins au front. Quelques heures plus tard, une campagne intitulée “Les hommes contre la mobilisation” a appelé à une manifestation après les prières du vendredi. Le dictateur Ramzan Kadyrev, qui s’est fait une réputation de seigneur de guerre, a été contraint d’annuler toute nouvelle mobilisation, en affirmant que la Tchétchénie avait déjà “dépassé son plan”.

    Ailleurs dans le Caucase russe, les hommes du Daghestan, confrontés à la menace d’une mobilisation, ont bloqué l’autoroute fédérale. Dans la république voisine de Karbadino-Balkarie, des femmes se sont rassemblées sur la place centrale de la capitale pour chasser le maire de la ville lorsqu’il a tenté de les convaincre de la nécessité d’une mobilisation.

    Une vague d’attaques au cocktail Molotov s’est intensifiée contre des centres de recrutement et des bâtiments municipaux dans toute la Russie, y compris en Crimée.

    Les manifestations qui se sont étendues à plus de 30 villes mercredi soir étaient naturellement plus importantes dans les grandes villes de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Près de 1400 personnes ont été arrêtées et sont actuellement devant les tribunaux, où beaucoup d’entre elles risquent jusqu’à 15 jours de prison. À Moscou, des recruteurs militaires attendaient dans les commissariats de police pour remettre des documents de recrutement aux hommes arrêtés. De nouvelles manifestations ont eu lieu aujourd’hui, samedi, avec déjà près d’un millier d’arrestations.

    Manifestation antiguerre à Moscou

    Dans les régions peuplées principalement de Russes, comme la Bouriatie, qui a déjà envoyé un nombre disproportionné de troupes en Ukraine et subi beaucoup plus de pertes humaines, le régime tente toujours de recruter davantage. On vient chercher les hommes de nuit chez eux ou alors au travail, en ne leur laissant que quelques heures pour se préparer. Les groupes de défense des droits humains disent recevoir des milliers d’appels à l’aide.

    De nouvelles tactiques imposées par la retraite

    Ce changement dans la conduite de la guerre par le Kremlin, pour ne plus s’appuyer sur des soldats professionnels, et l’annonce de la tenue de référendums dans les régions occupées d’Ukraine est une réponse aux revers dramatiques que le régime russe a subis en Ukraine à partir de la mi-septembre.

    Il semble qu’une fois la première percée réalisée par les troupes ukrainiennes, qui se battent contre l’occupation russe et ont un moral élevé, les Russes démotivés et démoralisés ont tout simplement abandonné et se sont retirés en masse. En quelques jours, les forces ukrainiennes étaient déjà à la limite de la région de Louhansk. Selon les estimations ukrainiennes, les Russes ont laissé derrière eux des chars, des véhicules blindés, ainsi que d’autres équipements importants équivalents à une somme de 600 millions de dollars.

    Les commentateurs occidentaux abordent parfois le moral élevé des forces ukrainiennes par opposition à l’état de l’armée russe, qui souffre d’une “corruption endémique, d’un moral bas et d’un leadership médiocre, l’initiative individuelle étant rare et les commandants profondément réticents à accepter une responsabilité personnelle.” [selon le Conseil atlantique]. Mais dans leur grande majorité, ils attribuent la victoire de l’Ukraine à la fourniture d’armes de haute technologie telles que les HIMAR (High Mobility Artillery Rocket System, lance-roquettes multiples de l’United States Army).

    Il ne fait aucun doute que ces armes jouent un rôle. Mais une image plus équilibrée est donnée par la publication “KharkivToday”, un mois avant l’avancée ukrainienne. Elle indique qu’à l’époque, la région de Kharkiv ne comptait qu’un seul HIMAR, qui s’était avéré très efficace dans la destruction initiale des stocks d’armes russes. Mais le commandant du HIMAR a souligné que “les Russes se sont très vite adaptés à la nouvelle arme que les partenaires avaient donnée à l’Ukraine, en déplaçant leurs stocks d’armes plus loin dans le territoire occupé”.

    L’état d’esprit de la population locale est tout aussi important. Il y a, naturellement, une petite couche prête à coopérer, et parfois même à soutenir l’occupation. Mais à l’opposé, il existe un mouvement “partisan” en plein essor qui aurait tenté d’assassiner au moins 19 administrateurs pro-russes dans la seule région de Kherson. Les tracts et les appels aux soldats russes sont courants. En l’absence d’une position de classe consciente, certains de ces appels sont des menaces de mort grossières, mais il y a aussi des appels à la reddition avec des codes QR pour expliquer comment faire. “KharkivToday” publie la photo d’une affichette qui avertit les soldats russes que les partisans ukrainiens poursuivent la tradition de leurs grands-pères en détruisant les forces ennemies sur les territoires occupés.

    La Russie a effectivement perdu le contrôle des parties de la région de Kharkiv qu’elle avait occupées en mars et subit de nouvelles pressions dans le Donbas, en particulier dans le sud de la région de Kherson.

    La réaction de la ligne dure

    Après le retrait forcé de la Russie des environs de Kiev et de la ville de Kharkiv à la fin du printemps, la Russie semblait progresser, bien que très lentement, dans le Donbas. Au cours de l’été, on a assisté à une consolidation de l’opinion publique russe autour de l’opération militaire, avec un soutien croissant dans les sondages d’opinion. Il semble toutefois que le soutien des partisans de la ligne dure n’ait pas augmenté.

    Après que les premières manifestations héroïques contre la guerre aient été contraintes de se retirer, les voix de l’opposition au sein de l’élite dirigeante se sont tues. Ceux qui, comme le Premier ministre Mikhail Mishustin et le maire de Moscou Sergey Sobyanin, étaient censés ne soutenir la guerre qu’à contrecœur, ont choisi de ne faire aucun commentaire. Les élections des gouverneurs régionaux début septembre, au cours desquelles les trois partis d’opposition systémiques, y compris les soi-disant communistes, ont tous soutenu la guerre, ont vu le parti au pouvoir, Russie Unie, remporter toutes les régions. Mais le dernier jour du scrutin a coïncidé avec la nouvelle de la retraite en Ukraine.

    Le Parti de la guerre était furieux, d’autant plus que le Kremlin et les chaînes d’information officielles présentent toujours les choses comme si tout se passait comme prévu. Les commentateurs pro-guerre se déchaînent sur les médias sociaux et critiquent souvent la campagne militaire sur les médias d’État.

    Igor Girkin (Strelkov), un ancien militaire particulièrement désagréable, membre du KGB et mercenaire d’extrême droite, qui a dirigé la prise de contrôle de la Crimée en 2014 et les premières interventions militaires dans le Donbas, a commenté : “Nous avons déjà perdu, le reste n’est qu’une question de temps.” Un autre, Zakhar Prilepin, a commenté : “Les événements dans la direction de Kharkiv peuvent à juste titre être appelés une catastrophe”. Ils accusent le Kremlin et les autorités militaires d’incompétence, et ont passé la semaine à réclamer une mobilisation totale.

    Des politiciens “de poids”, tels que l’ancien président (et prétendument libéral) Dmitri Medvedev, justifient agressivement l’utilisation d’armes nucléaires et suggèrent que la Russie envahira ensuite la Moldavie et le Kazakhstan. Le soi-disant leader communiste Guennadi Ziouganov a proposé que les mobilisés ne reçoivent qu’une formation de deux semaines avant d’être envoyés au front.

    Il est clair qu’au sein de l’élite, les débats sont vifs sur la question de savoir jusqu’où il faut risquer la mobilisation. Le discours télévisé de Poutine a été retardé de 14 heures – certains suggèrent que cela était dû à la mauvaise santé du président. Il était probablement plus probable qu’elle ait été retardée pour parvenir à un accord et avertir les autorités régionales de préparer les mesures de sécurité nécessaires.

    Les référendums

    La décision d’organiser des référendums dans les zones occupées de l’Ukraine est également une réaction de panique. En août dernier, Denis Pushilin, chef de la république de Donetsk (DNR), a déclaré qu’un référendum n’avait de sens que si l’ensemble du Donbas était sous contrôle russe. Le 5 septembre, Kirill Stremousov, porte-parole de l’administration russe du Kherson occupé, a déclaré qu’il ne devait pas y avoir de référendum pour des “raisons de sécurité”. Pourtant, trois jours seulement avant le début du référendum, il a été annoncé que des votes seraient organisés dans quatre régions – Donetsk et Louhansk, et la partie des régions de Kherson et de Zaporizhzhia sous contrôle russe. Deux petits districts de la région de Mykolaiv seront rattachés à Zaporizhzhia.

    Selon les autorités russes, ces quatre régions comptent désormais 5 millions d’habitants. En 2021, elles comptaient près de 9 millions d’habitants. Pour organiser le vote, des systèmes en ligne sont combinés à des visites en porte-à-porte, et le dernier jour du scrutin, les bureaux de vote seront soi-disant ouverts. La police et les forces d’urgence, ainsi que de nombreuses sociétés de sécurité privées, sont mobilisées pour accompagner les “agents électoraux” lors de leurs visites à domicile. L’emplacement des bureaux de vote est tenu secret (on ne sait pas encore comment les gens pourront le découvrir), de peur qu’ils ne soient attaqués par le mouvement partisan ukrainien en pleine expansion.

    Lorsque près de la moitié de la population a été contrainte de fuir les régions où les combats se poursuivent, il ne fait aucun doute que les résultats ne seront pas fiables. Une étude plus réaliste de ce que pense la population d’au moins les régions de Donetsk et de Louhansk est démontrée par les sondages d’opinion réalisés au cours de la dernière décennie. En 2014, lorsque les humeurs anti-Kyiv étaient à leur apogée, 80 % à Louhansk et 87 % à Donetsk étaient favorables à ce que l’Ukraine reste indépendante, et dans les deux régions, moins d’un tiers étaient favorables à une rupture pour rejoindre la Russie. Dans d’autres régions, comme Kherson, le soutien à l’adhésion à la Russie était inférieur à 10 %. Dans les trois sondages d’opinion réalisés en 2021-22 (avant la guerre), le soutien à une Ukraine indépendante avait augmenté, et dans le Donbas, moins de 20 % souhaitaient rejoindre la Russie. Depuis février, il est presque certain que le soutien à la Russie a encore diminué.

    Le régime russe décrit les référendums non pas comme une “campagne électorale”, mais comme une “mobilisation” menée par les administrations pro-russes locales et les services de sécurité. Au cours des premières heures du scrutin, les quelques pro-russes restants sont conduits en bus dans un petit nombre de bureaux de vote pour donner l’illusion d’un vote enthousiaste. Ensuite, le porte-à-porte et les votes électroniques vont envahir le système. Le Kremlin prétendra que d’énormes majorités sont en faveur de l’adhésion à la Russie. Selon des documents internes du Kremlin, ils veulent annoncer un vote “pour” à 90 % avec une participation de 90 % dans les régions de Donetsk et de Louhansk, et un vote “pour” à 90 % avec une participation de 80 % dans les autres régions.

    Probablement le jour suivant l’annonce par le Kremlin de ces votes écrasants (28 septembre), la Douma russe votera l’annexion des régions. Il ne sera pas surprenant, compte tenu de ses antécédents en matière de résolutions favorables à la guerre, que le leader “communiste” Zyuganov présente cette proposition ! Cela changera la nature de la guerre, du moins selon la logique du Kremlin. Dès lors, le Kremlin prétendra que toute “incursion” des forces ukrainiennes dans les quatre régions, ou en Crimée, constituera une attaque contre “l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie”. Cela signifie que les restrictions actuelles concernant les lieux où les soldats conscrits peuvent servir, ou les armes plus dangereuses utilisées, changeront. Si de nombreux dirigeants occidentaux ont considéré le discours de M. Poutine comme un signe de désespoir et de bluff, il est clair que des moments plus dangereux peuvent encore survenir lorsque le Kremlin voit ses objectifs compromis.

    La Russie de plus en plus isolée

    Poutine et le ministre des affaires étrangères Lavrov sont déjà traités comme des parias par les dirigeants et les institutions de ce que le Kremlin appelle désormais les “pays inamicaux”. Après que M. Lavrov a abandonné la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré qu’il “s’enfuyait, tout comme ses soldats”.

    Aujourd’hui, ils sont de plus en plus malmenés par ceux du reste du monde, avant même la fameuse allocution télévisée de Poutine. La retraite de Kharkiv a démontré que la Russie, qui était jusqu’à présent considérée comme la deuxième puissance militaire du monde, est un partenaire peu fiable.

    Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui réunit la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et, depuis la semaine dernière, l’Iran, s’est tenu en Ouzbékistan la semaine dernière. La Turquie, le Belarus, le Sri Lanka et d’autres pays y ont participé en tant qu’observateurs. Avant février, la Chine et la Russie étaient considérées comme des partenaires de premier plan. Pourtant, le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, a rencontré Xi Jinping lors de son arrivée en avion, tandis qu’un sous-fifre était envoyé pour Poutine. Modi a confronté Poutine en disant que “ce n’est pas le moment de faire la guerre”, tandis que Poutine a été forcé de reconnaître que la Chine avait “des questions et des préoccupations”.

    Aujourd’hui, le revirement est encore plus net. Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin, a appelé à un cessez-le-feu “dès que possible” après le discours de Poutine. Le Kazakhstan et les États d’Asie centrale ont tous interdit à leurs citoyens de combattre contre l’Ukraine, après l’ouverture d’un bureau de recrutement à Sakharovo, où tous les étrangers vivant à Moscou doivent demander des documents. Le système de paiement bancaire russe “Mir” [qui signifie ironiquement “paix”], destiné à remplacer Mastercard et Visa, a cessé de fonctionner en Asie centrale et en Turquie. La Chine et la Turquie affirment que les référendums ne seront pas reconnus.

    La mobilisation sera-t-elle utile ?

    Le Kremlin évite toujours la déclaration de guerre, le mot est toujours illégal. Cela reviendrait à reconnaître l’échec de l’”opération militaire spéciale”. De la même manière, il évite la mobilisation totale car il craint le déclenchement d’une opposition de masse. Il a été officiellement déclaré que seuls les hommes ayant déjà une expérience militaire seraient appelés. C’est un mensonge qui est rapidement démasqué. Même dans les universités d’élite de Moscou, des agents de recrutement s’introduisent dans les cours pour distribuer des documents d’appel.

    Malgré cela, la plupart des experts ne croient pas que cette mobilisation puisse tourner les événements à l’avantage du Kremlin. Dans l’armée russe, en héritage de l’État stalinien, les officiers ne font pas confiance aux soldats, et il semblerait que même les décisions tactiques quotidiennes soient prises au Kremlin. Il n’y a pas assez d’équipement, d’officiers ou de sergents/caporaux pour former ceux qui sont mobilisés. Même dans les meilleures périodes, il faut normalement des semaines, voire des mois, pour former de nouvelles unités militaires capables d’être envoyées au front. On voit déjà apparaître des vidéos montrant les terribles conditions dans lesquelles ces nouveaux mobilisés sont censés se trouver. De nombreux experts estiment que ces nouvelles recrues ne seront que de la chair à canon.

    Un nouvel ébranlement du régime de Poutine ?

    Les commentateurs font souvent remarquer que Poutine a réussi à se maintenir au pouvoir parce qu’il a conclu un pacte informel avec un électorat loyal, dans lequel il leur assure la stabilité, bien que sans droits démocratiques, et ils restent en dehors de la politique. Il s’agit d’une compréhension quelque peu simpliste, notamment parce qu’elle ignore le fait qu’il n’y a pas eu d’alternative politique viable construite à son règne. Néanmoins, ces décisions mettent à mal ce pacte – il ne peut guère y avoir aujourd’hui de famille qui n’ait pas été bouleversée par le lancement de l’”opération spéciale”, la mobilisation, et le désastre économique qui se développe.

    Il est trop tôt pour prédire si la dernière embellie du mouvement anti-guerre peut se développer à court terme, avec une base plus large. Il faudra peut-être plus de temps pour que les conséquences de la mobilisation se fassent sentir, car les nouvelles forces sont envoyées en Ukraine, et beaucoup reviennent en tant que “Freight 200” – le terme de l’armée russe pour les sacs mortuaires. Peut-être qu’un nouveau tournant dans la guerre en Ukraine apportera de nouveaux chocs à l’élite dirigeante.

    Le capitalisme n’a pas d’issue

    Poutine, qui représente le capitalisme russe de plus en plus agressif et impérialiste, n’est pas en mesure d’accepter la défaite, ni de retirer ses troupes d’Ukraine et de reconnaître son droit à l’indépendance, car cela serait un signe de faiblesse et pourrait entraîner l’effondrement complet et rapide de son régime bonapartiste. Tant qu’il restera au Kremlin, il se tournera vers des mesures de plus en plus désespérées, notamment une nouvelle escalade possible du conflit en Ukraine. Il a déjà démontré qu’il était prêt à sacrifier les vies et les foyers des Tchétchènes, des Syriens et maintenant des Ukrainiens. En se mobilisant, il a démontré son mépris total pour les nouveaux soldats russes et leurs familles, dont beaucoup verront leur vie détruite pour qu’il puisse rester au pouvoir.

    La question clé est toutefois de savoir qui pourrait le remplacer. Le régime peut croire que la répression massive de l’opposition libérale pro-capitaliste et des autres forces d’opposition, dont certaines sont emprisonnées et beaucoup d’autres en exil, empêchera le développement d’une nouvelle opposition à son pouvoir. Mais ce ne sera pas le cas. Cela signifie cependant que tout mouvement de ce type aura un caractère largement spontané et politiquement confus jusqu’à ce qu’une véritable alternative de masse de la classe ouvrière et des dirigeants viables puissent émerger.

    Cela signifie que toute alternative à Poutine émergera vraisemblablement à ce stade de l’intérieur du régime actuel. Et le choix n’est pas attrayant. Au mieux, elle pourrait s’articuler autour d’une figure plus modérée comme Michoutine ou Sobianine, mais ils hériteraient d’une économie dévastée par la guerre et les sanctions, et seraient toujours les otages des forces mêmes de l’appareil d’État qui ont soutenu Poutine au pouvoir. L’alternative serait une figure plus dure comme Medvedev ou une figure des services de sécurité.

    Selon le général Sir Richard Barrons, ancien chef des forces militaires britanniques, les politiciens occidentaux sont “terrifiés” à l’idée d’un “soi-disant “succès catastrophique” des forces ukrainiennes qui, déjouant tous les pronostics, présagerait une défaite de la Russie menaçant le régime”. Ils pensent qu’alors un Poutine désespéré aura recours à des armes nucléaires tactiques.

    Il est clair que cela ne s’applique pas à tous les politiciens occidentaux. Alors que certains préféreraient voir une forme de compromis qui, selon les mots de Macron, permettrait à Poutine de “sauver la face”, d’autres veulent absolument repousser Poutine aussi loin que possible, tout en évitant un changement de régime. Si toutefois, Poutine décide de tout risquer, alors l’impérialisme occidental n’aura d’autre choix que de rendre la pareille, et le conflit s’intensifiera de manière incontrôlable.

    D’une manière ou d’une autre, ce sont les familles de la classe ouvrière qui subissent les effets directs de cette guerre brutale qui dure déjà depuis 7 mois, et qui pourrait durer bien plus longtemps. Au niveau mondial, elles sont confrontées à l’escalade des crises énergétique, alimentaire et inflationniste. En Ukraine, leurs maisons et leurs emplois sont détruits. C’est pour cette raison que tant d’Ukrainiens sont prêts à soutenir l’armée et la force de défense territoriale, et de plus en plus, à participer au mouvement partisan émergeant dans les zones occupées. Leur combat est celui du droit à l’autodétermination de l’Ukraine.

    Dans le même temps, plus le gouvernement Zelensky se tourne vers les puissances impérialistes occidentales pour obtenir leur soutien, plus il est prêt à hypothéquer l’avenir de l’Ukraine en acceptant les conditions des impérialistes en matière d’approvisionnement et de financement. Depuis l’été, le rythme des mesures proposées contre la classe ouvrière s’est accéléré, y compris les réformes des pensions, la privatisation des secteurs de l’armement, de l’alimentation et de l’énergie, et les réductions de salaires pour ceux qui travaillent dans le secteur public. Comme si cela ne suffisait pas, les élections de l’année prochaine sont susceptibles d’être reportées. Visiblement inquiet que la classe ouvrière apprenne à s’organiser et à résister pendant la guerre, un nouveau registre des propriétaires d’armes est en cours de préparation, sûrement pour s’assurer que les travailleurs seront désarmés à la fin de la guerre.

    Nécessité d’une alternative indépendante de la classe ouvrière

    Il est clair que la classe ouvrière, que ce soit en Russie, en Ukraine ou dans le monde, ne doit avoir aucune confiance dans le capitalisme ou l’impérialisme sous quelque forme que ce soit. Les révolutionnaires socialistes en Russie continueront à plaider pour la construction d’un mouvement anti-guerre organisé démocratiquement, enraciné dans la classe ouvrière, avec des liens avec les protestations des femmes qui se développent. Ils soutiennent le droit de l’Ukraine à l’autodétermination, qui ne peut être possible qu’avec le retrait complet des troupes russes d’Ukraine. Les révolutionnaires socialistes russes voient la nécessité de construire une alternative politique et socialiste claire, capable de s’organiser dans le cadre d’un mouvement de masse de la classe ouvrière pour renverser le régime de Poutine et mettre fin au capitalisme en Russie.

    De la même manière, les révolutionnaires socialistes des pays impérialistes occidentaux se battent pour construire des alternatives socialistes reposant sur la classe ouvrière à leurs propres gouvernements, qui non seulement attaquent les droits des travailleurs, des femmes et de la communauté LGBT+, font baisser les salaires et poussent à l’inflation, mais font également bloc pour augmenter les dépenses militaires et mener des guerres dans l’intérêt du capitalisme multinational.

    Des mouvements ouvriers et politiques forts dans d’autres pays pourraient alors apporter tout le soutien possible à la classe ouvrière en Ukraine, qui lutte pour chasser les troupes russes d’Ukraine, et en même temps l’aider à construire une alternative politique au gouvernement Zelensky, qui prépare clairement de nouvelles attaques contre les intérêts de la classe ouvrière pour aider ses partenaires commerciaux et ses alliés impérialistes. Un tel mouvement pourrait lutter contre les privatisations, les réformes des retraites et les réductions de salaires, garantir une véritable démocratie, y compris les droits à l’autonomie ou à l’autodétermination si une région particulière le souhaite.

    En fin de compte, la clé pour défendre l’autodétermination de l’Ukraine, pour mettre fin à la guerre et aux guerres futures est de construire une alternative internationale de la classe ouvrière pour mettre fin à l’existence des gouvernements impérialistes et capitalistes à travers le monde. Pour cela, nous avons besoin de la solidarité internationale de la classe ouvrière dans la lutte organisée contre tous les bellicistes, pour mettre fin au système capitaliste, source des guerres modernes, et le remplacer par une nouvelle société basée sur une économie planifiée démocratique et durable et une confédération volontaire et égale d’Etats socialistes, où tous les peuples auraient le droit à l’autodétermination, à des niveaux de vie décents et à vivre sans répression, discrimination et autoritarisme.

  • Des millions de personnes fuient l’Ukraine. Face à la solidarité populaire, un monde politique à la traîne

    Les images ont choqué: des enfants et leur mère dormant à proximité de l’Institut Jules Bordet à Bruxelles, transformé en centre d’accueil et d’enregistrement des exilés ukrainiens. Si la solidarité manifestée par la population belge est impressionnante, l’inorganisation officielle de l’accueil est abominable.

    Par Nicolas Croes

    Plusieurs observateurs se sont interrogés : la récente campagne de vaccination n’avait-elle pas fait sortir de terre des infrastructures capables d’accueillir des centaines de personnes dans des conditions correctes ? Dans le cas présent, toutes les structures étaient débordées plus de dix jours avant le début du conflit. Enfin, il a été annoncé que le Palais 8 du Heysel allait prendre le relais. Cette absence de prévoyance malgré l’urgence traduit un problème plus profond : les conditions d’accueil sont depuis longtemps déplorables en Belgique. D’ailleurs, en octobre dernier, le personnel du centre du Petit Château (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Bruxelles) était entré en grève pour dénoncer les conditions de travail difficiles et leurs répercussions humaines.

    Les moyens des structures étaient déjà faméliques avant que n’arrive cette nouvelle crise des réfugiés. Près de 200.000 personnes provenant d’Ukraine devraient arriver en Belgique, selon les estimations du secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Sammy Mahdi (CD&V). Plus de 4 millions d’Ukrainiens devraient fuir leur pays. Pour la Belgique, cela représente dix fois plus que la vague de demandeurs d’asile de 2015 qui fuyaient l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie. Pour l’instant, il est difficile pour l’extrême droite ou la droite populiste de simplement ressortir leurs vieilles rengaines anti-migrants. Le Ministre-Président flamand Jan Jambon (N-VA) a annoncé un subside spécial par place d’accueil que les villes et communes flamandes libéreraient pour des réfugiés ukrainiens. Théo Francken (N-VA) a précisé quant à lui « il faut penser à l’accompagnement psychologique des personnes traumatisées par la guerre ».

    Mais une fois l’émotion passée, la vague de réfugiés ukrainiens servira de prétexte pour toutes les carences budgétaires des CPAS, de l’enseignement, etc. Mais ces budgets vont réellement avoir besoin d’aide. Comme l’explique Sotieta Ngo, directrice de Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers (CIRE) : « En principe, c’est le Fédéral qui compensera les dépenses induites par l’accueil auprès des communes. Le logement social dont la temporalité se décline en années ne bénéficiera pas, dans un premier temps, aux Ukrainiens. Quelle proportion va rester sur le carreau et émarger au Revenu d’Insertion Social (RIS) ? Il n’y a pas de monitoring du profil socio-professionnel des arrivants. Combien de personnes âgées, combien en état de travailler, combien sont des femmes avec des jeunes enfants qui ne seront pas tout de suite disponibles pour le marché du travail ? On en sait rien. Mais il y aura du RIS: 10 ou 15% de cette population ? Cela va, en tous les cas, coûter au Fédéral, aux Régions, aux communes… ».

    La solidarité contre la division et l’exploitation

    En un temps record, 24.000 familles se sont déclarées auprès de leur commune comme disposées à vouloir accueillir des réfugiés ukrainiens. Cela fait écho au développement de la Plateforme citoyenne de Soutien aux Réfugiés, une coordination de bénévoles qui, depuis 2015, a géré la rencontre de dizaines de milliers d’hébergés avec plus de 7.000 familles hébergeuses. Cet élan de solidarité ne peut qu’être renforcé par une lutte en commun visant à arracher les moyens nécessaires pour que toute personne présente sur le sol du pays puisse mener une vie digne.

    Les bâtiments inoccupés pour raisons spéculatives doivent être saisis pour être aménagés de manière à accueillir toute personne en difficulté de logement. Parallèlement à cela, un plan massif de construction de logements sociaux doit être mis en œuvre de toute urgence pour que plus personne ne se retrouve sur liste d’attente pendant des années. Cela ferait d’ailleurs pression à la baisse sur les loyers de chacun tout en offrant des perspectives d’emploi à des milliers de personnes.

    Si ce type d’approche n’est pas adoptée (pour l’enseignement, les soins de santé,…) en allant chercher l’argent là où il est – sur les comptes en banques des grandes entreprises et de leurs actionnaires – les réfugiés ukrainiens, essentiellement des femmes avec enfants, seront les proies de toutes sortes de réseaux d’exploitation d’êtres humains. Les conséquences en seraient terribles.

    Le mouvement ouvrier a son rôle à jouer à cet égard. Les organisations syndicales devraient de toute urgence lancer une vaste campagne de syndicalisation des réfugiés et demandeurs d’asile, d’où qu’ils viennent, notamment en envoyant des militants à tous les centres d’accueil avec tracts et brochures. De cette manière, les demandeurs et demandeuses d’asile pourraient directement savoir vers qui se tourner en cas d’abus de la part de leur patron ou du propriétaire de leur logement.

  • Pour un mouvement de masse contre la guerre et l’impérialisme


    Le 24 février, l’Europe s’est réveillée avec une guerre au cœur de l’Europe de l’Est qui risque de plonger toute la région et le monde dans une déflagration militaire ouverte. L’invasion criminelle de l’Ukraine par le régime russe est un choc dont l’onde se répercute à travers le globe tandis que d’énormes souffrances sont infligées aux travailleurs d’Ukraine et de Russie.

    Par Eugenio (Bruxelles)

    Poutine espérait que l’affaire soit rapide, mais l’armée d’invasion s’est heurtée à une résistance farouche de la part des militaires ukrainiens et des populations civiles. Des comités de défense locaux ont été créés et les gens se sont équipés d’armes de fortune pour saper l’avancée russe. Les vidéos et les photos de civils non armés affrontant des véhicules blindés russes et demandant aux soldats russes de battre en retraite, parfois avec succès, sont peut-être les plus frappantes.

    De nombreux jeunes soldats russes ont été confrontés à la réalité de cette guerre, qui se présente de manière très différente de ce que leur gouvernement leur avait fait croire. La situation est exacerbée par les difficultés logistiques auxquelles l’armée russe est confrontée, les pénuries de gaz et de nourriture signalées ayant un impact profond sur sa capacité à mener efficacement des opérations militaires.

    La guerre de Poutine sous pression

    Le mécontentement couve à tous les niveaux de la société russe, y compris parmi des membres de l’élite proches de Poutine qui exigent une escalade du conflit, comme le brutal dictateur tchétchène Kadyrov. Parallèlement, l’opposition à la guerre se fait de plus en plus entendre. Des manifestations ont eu lieu dans presque toutes les grandes villes du pays en dépit d’une féroce répression. La riposte occidentale a également eu un impact significatif sur l’économie russe, bien qu’elle ait touché de manière disproportionnée la population ordinaire plutôt que l’élite.

    Face à toutes ces pressions, Poutine a dû régulièrement intensifier la brutalité de ses attaques. Le bombardement aveugle des grandes villes ukrainiennes, dont Kiyv, Odessa, Lviv, Mariupol et d’autres, a laissé des quartiers entiers en ruine. Plus de 1,5 million de réfugiés, presque exclusivement des femmes et des enfants, ont fui le pays et quelque 1,8 million d’autres ont été déplacés à l’intérieur du pays. Poutine s’est par ailleurs engagé dans une campagne de terrorisme psychologique pour briser le moral des masses en Ukraine. La menace d’une catastrophe nucléaire, utilisée à la fois en augmentant le niveau d’alerte des défenses nucléaires russes et en bombardant la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporizhzhya, en est un exemple.

    Répondre à la peur par la résistance

    Mais la résistance à l’invasion de la Russie n’a cessé de croître. Alors que les négociations et les contre-mesures occidentales continuent d’échouer, les jeunes et les travailleurs se sont organisés pour exprimer leur opposition à ce massacre insensé. En plus des grandes manifestations en Russie et au Belarus, nous avons vu se développer un mouvement antiguerre en Allemagne et des manifestations ont eu lieu dans la plupart des pays européens.

    Alors que les impérialismes occidental et russe ne parviennent pas à mettre fin à la guerre, c’est à nous, travailleurs et jeunes, de proposer une alternative. Seul un mouvement antiguerre international venant d’en bas peut imposer la fin des combats et défier les élites qui profitent de la guerre. Nous sommes les seuls à pouvoir proposer des solutions capables de protéger des vies et de jeter les bases d’un monde sans guerre, sans impérialisme et sans exploitation. Rejoignez-nous et luttons ensemble pour notre avenir !

    Nos revendications

    – Stop à la guerre en Ukraine ! Retrait immédiat des troupes russes !
    – Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
    – Aucune confiance dans l’impérialisme et la course aux armements des États-Unis et de l’OTAN.
    – Non à la politique raciste de l’UE en matière de réfugiés ! Ouverture de voies sûres et légales pour tous les réfugiés. Accès à un logement décent, aux soins de santé et au travail ou aux allocations pour tous !
    – Aucune illusion envers la diplomatie des fauteurs de guerre ! Pour un mouvement de masse international contre la guerre et l’impérialisme !
    – Soutien aux mobilisations russes contre la guerre et le régime de Poutine !
    – Pour une alternative socialiste et internationaliste aux conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction !

    Journal antiguerre : L’édition d’avril de Lutte Socialiste sort plus tôt et est presque entièrement consacrée à l’opposition à la guerre en Ukraine. Nous y présentons des arguments et des propositions visant à construire un puissant mouvement antiguerre, car c’est la clé du changement. Vous trouvez ce que vous lisez ici digne d’intérêt ? Alors, abonnez-vous à ce journal et ne manquez pas nos prochaines éditions ! Les abonnés qui souhaitent recevoir ces suppléments par courrier peuvent nous envoyer leur adresse postale à redaction@socialisme.be.

  • [tract] STOP AU SEXISME ET A LA GUERRE

    Participons à la construction d’un mouvement anti-guerre international. Organisions des sit-in contre la guerre dans nos écoles, unifs, …

    • Solidarité avec les jeunes et les travailleurs.euses d’Ukraine
    • Stop à la guerre de Poutine – Solidarité avec les manifs anti-guerre en Russie !
    • Stop à toutes les formes d’impérialisme et de guerre !
    • Participons à la construction d’un mouvement anti-guerre international
    • Solidarité avec les manifs anti-guerre en Russie

    Les femmes de la classe travailleuse brutalement frappées par la guerre.

    Elles doivent prendre la société sur leurs épaules tout en affrontant la faim et la perspective du deuil de leur compagnon ou enfant. La guerre signifie aussi la menace de violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre, et l’augmentation de la violence dans la société conduit à l’augmentation des violences domestiques. Dans la région du Donbass où le conflit entre l’Ukraine et la Russie fait rage depuis 2014, elles ont augmenté de 158%.

    Sur qui compter pour mettre fin à la guerre ?

    La guerre sert les intérêts des capitalistes dans leur ensemble. Nous ne pouvons pas compter sur les fauteurs de guerre qui dirigent le monde ni sur leur diplomatie.

    Le maillon faible des calculs de Poutine, c’est la résistance des masses en Ukraine et en Russie. Les mobilisations massives qui ébranlent la Russie peuvent faire tomber Poutine et son régime. Ce potentiel explique la férocité de la répression. Des milliers de militant.e.s ont déjà été arrêté.e.s, les sites internet sont fermés,…

    Même avant l’invasion de l’Ukraine, la répression et son lot de violences policières frappaient durement les activistes, tout particulièrement les féministes et les LGBTQIA+. En Russie, comme ailleurs, les dirigeants sont conscients du potentiel effet boule de neige des mouvements contre le sexisme et la guerre. L’implication des femmes dans un mouvement de masse remet de facto en question le rôle de la famille traditionnelle et, avec elle, la structure-même de la société.

    Que pouvons-nous faire contre la guerre ?

    Nos actions et notre solidarité sont cruciales pour les mouvements qui s’organisent en Russie contre le régime. Construisons un mouvement de masse international contre la guerre, l’impérialisme et le système qui les produit : le capitalisme.

    A travers l’histoire, récente ou lointaine, les femmes travailleuses et pauvres ont souvent été à l’avant-garde des luttes contre la guerre. Non pas parce qu’elles seraient plus pacifiques par nature, mais parce que les guerres les impactent plus durement.

    En février 1917 (le 8 mars de notre calendrier), des ouvrières russes sont massivement descendues dans les rues pour crier “terre, pain, paix”. Le régime tsariste est tombé et cette révolution a rendu la Première Guerre mondiale intenable, notamment en donnant l’impulsion à la révolution allemande de 1918.

    Vous souhaitez entrer en lutte contre la guerre ? Agissez et organisez un sit-in dans votre école ou votre unif !

    Tant que la guerre se poursuit, la vie ne peut pas continuer comme avant. Nous devons organiser des actions partout et nous préparer à de grandes manifestations anti-guerre en Belgique. Organise un sit-in ou die-in dans ton école avec les revendications de ce tract. Le simple fait de prendre un selfie avec d’autres personnes de ton école ou d’avoir tes propres affiches peut aider à construire notre mouvement. => Nous regroupons toutes les actions et les photos sur Instagram et Facebook : « SIT-IN AGAINST THE WAR« . N’oubliez donc pas de nous les envoyer.

    Nous avons des comités ROSA dans une série de villes. N’hésite pas à les rejoindre et à les renforcer !

    Organize & Fight Back…
    23 avril – Conférence nationale de la Campagne ROSA contre le sexisme et la guerre

    S’il y a bien un évènement à ne pas rater, c’est notre conférence annuelle ; l’occasion idéale de rencontrer des activistes de partout en Belgique et d’échanger nos expériences. Nous adapterons cette conférence au plus près de l’actualité pour qu’elle nous outille pour participer à la construction d’un mouvement anti-guerre le plus fort possible. Ça sera aussi l’occasion de lancer la mobilisation pour les “Pride is a Protest”.

    Nous aurons bien-sûr aussi des ateliers contre le sexisme en Belgique parce qu’on a raison d’être en colère et de vouloir agir pour mettre un terme à cette pandémie de l’ombre ! Quel est le lien entre sexisme et capitalisme ? Peut on compter sur le gouvernement et son plan contre les violences de genre de 2,5 millions d’euros ? Le sexisme est-il une fatalité ? Quelles revendications mettre en avant contre le sexisme dans la vie nocturne, dans nos écoles et unifs, au travail ou encore à la maison ? Qui sont nos allié.e.s et nos ennemis ? Comment lier les luttes entre elles ? Comment construire une lutte pour obtenir de vraies victoires ?

    21 mai – Belgian Pride
    26 juin – Pride is a Protest

    La Campagne ROSA est présente chaque année à la Belgian Pride. Nous avons besoin de fêtes, mais il est aussi nécessaire de se battre contre l’oppression des personnes LGBTQIA+. Nous y serons avec nos pancartes, mégaphones et slogans combatifs. Nous voulons aussi à nouveau organiser des “Pride is a Protest” dans différentes villes pour commémorer les luttes de Stonewall et parce que ce combat est toujours d’actualité. Cette année on remet ça. Avec toi ?

    1 au 8 juillet – Camp d’été “A Socialist World is Possible !”

    Une semaine d’intenses discussions et d’échanges avec des activistes de Belgique et d’ailleurs dans le monde. Le but : comprendre le monde pour le changer. Les inégalités, l’oppression, l’exploitation des êtres humains et de la nature, l’impérialisme et ses guerres : nous pouvons mettre fin à tout ça en renversant le capitalisme.

    Lors de notre camp d’été, près de 100 ateliers de discussions (avec traductions vers l’anglais, le français et le néerlandais) permettront d’aborder en profondeur de multiples facettes de cet important combat au travers d’exemples historiques mais aussi d’expériences concrètes. Le camp comportera également diverses activités sportives, ludiques, festives et culturelles.

  • Stoppons la guerre de Poutine !

    • Solidarité avec la population ukrainienne !

    • Pour le retrait des troupes russes !

    • Soutenons les mobilisations anti-guerres en Russie !

    • Construisons un mouvement de masse international contre la guerre et l’impérialisme !

    [button link=”https://fr.socialisme.be/wp-content/uploads/sites/3/2022/03/2022-Tract-Ukraine-FR-3-mars-2.pdf” type=”big” color=”red”] => Tract en version PDF[/button]

    « Non à la guerre en Ukraine ! Les troupes doivent rentrer chez elles. Construisons un mouvement anti-guerre sur les lieux de travail et dans les universités ! » C’est l’appel lancé par des activistes anti-guerre lors des protestations contre la guerre en Russie. Le syndicat libre des métallurgistes du Belarus a déclaré : « Nous nous opposons à cette confrontation entre régimes capitalistes, qui ne fait qu’entraîner la souffrance des travailleurs ordinaires. » L’Union indépendante des journalistes et des travailleurs des médias de Russie a déclaré : « Cette mesure incroyable ne peut que conduire à la mort de nombreuses personnes dans nos pays et à une destruction massive. Pour la majorité des gens, la guerre entraînera une hausse des prix, un effondrement économique et un appauvrissement dans l’isolement international. » Les autorités russes tentent de stopper les mobilisations anti-guerre par la répression. Nos actions et notre solidarité doivent les renforcer.

    L’invasion de l’Ukraine est une catastrophe pour la population, qui souffre depuis des années d’une politique de précarisation des conditions de vie et de corruption. À présent s’y ajoutent la mort, la destruction et la nécessité de quitter son foyer et son pays. Les jeunes russes sont envoyés à la mort dans une guerre qu’ils n’ont pas demandé. Ni à l’Est ni à l’Ouest, on ne soutient l’escalade de la guerre et la menace de destruction. Alors pourquoi ce conflit ? Parce que l’élite dirigeante autour de Poutine a fait un calcul stratégique selon lequel il lui serait désormais possible de gagner du terrain par la guerre. Tout cela dans le contexte d’une nouvelle guerre froide entre la Chine et les Etats-Unis et d’un désordre international croissant. Les calculs géopolitiques des forces impérialistes signifient la mort et la misère pour nous, la classe travailleuse.

    Le gouvernement belge s’est empressé de promettre des armes. Pour l’accueil des réfugiés, en revanche, il compte sur la solidarité de la population ordinaire. Cette solidarité ne fait jamais défaut ; il suffit de voir comment des travailleurs en Pologne se mobilisent clairement pour assister les réfugiés. Alors que la politique d’asile répressive aime à présenter les réfugiés comme des « profiteurs », la guerre en Ukraine démontre de toute évidence que personne ne fuit par plaisir. Le gouvernement belge doit immédiatement organiser l’accueil et l’assistance collective de tous les réfugiés.

    Que pouvons-nous faire ? Espérer une solution diplomatique ? De la part des fauteurs de guerre qui dirigent le monde ? La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. C’est le fruit de la lutte pour l’influence et la suprématie politique et économique inhérente au capitalisme. La guerre ne sera pas non plus stoppée par une nouvelle escalade et la confrontation entre machines de guerre avec armes nucléaires. N’accordons aucune confiance dans l’impérialisme américain, l’UE ou l’OTAN, dont le rôle est ailleurs aussi dévastateur que celui de l’impérialisme russe aujourd’hui en Ukraine.

    Non, nous ne pouvons pas compter sur les pyromanes qui allument des incendies partout à travers le monde. Nous devons construire nos propres mouvements de masse contre la guerre et contre le système qui la produit. Le maillon faible des calculs de Poutine, c’est la résistance des masses ukrainiennes et celle des masses en Russie. Les mobilisations en Russie peuvent faire tomber Poutine et son régime. Le peuple ukrainien doit pouvoir décider de son propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités.

    Est-il impossible de mettre fin à la guerre ? C’est la révolution russe de 1917 qui a rendu la Première Guerre mondiale intenable et la révolution allemande de 1918 qui lui a porté le coup de grâce. L’impérialisme américain a dû se retirer du Vietnam après des pertes militaires, mais surtout après le développement d’un mouvement anti-guerre de masse dans le pays. La mobilisation de masse est nécessaire, mais elle reste insuffisante. C’est ce que nous avons vu en 2003 lorsque des millions de manifestants ne sont pas parvenus à stopper la guerre en Irak. Mais l’entrée en action des masses combinée à l’arme de la grève et du blocage de l’économie, peut remettre en question non seulement la guerre, mais aussi l’ensemble du système capitaliste.

    Vous souhaitez entrer en lutte contre la guerre ? Rejoignez-nous dans la construction des mobilisations anti-guerre ici et à l’échelle internationale. Le PSL/LSP est la section belge d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) qui – dans plus de 30 pays et sur tous les continents – lutte pour une société socialiste sans guerre ni exploitation ni oppression.

    • Stoppons la guerre en Ukraine ! Pour le retour immédiat de toutes les troupes russes dans leurs casernes en Russie ;
    • Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités ;
    • Pour que les pays de l’UE prennent des mesures d’urgence afin de fournir des ressources, des logements et un soutien financier à la vague de réfugiés ;
    • Aucune confiance envers « l’humanisme » des puissances impérialistes ni envers la diplomatie des fauteurs de guerre ;
    • Construisons un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste unissant les travailleurs et les jeunes de tous les pays concernés ;
    • Pour une alternative internationaliste des travailleurs aux conflits capitalistes conduisent à la guerre et à la destruction.

  • La guerre en Ukraine en 6 questions et réponses anticapitalistes et socialistes

    La guerre à un tournant crucial. Qu’en disent les marxistes ?

    Editorial du journal Offensiv, de Rattvisepartiet Socialisterna (section suédoise d’ASI)

    L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe a déjà fait des centaines de morts et contraint des centaines de milliers de personnes à fuir. Le gouvernement suédois, avec le soutien de la droite, réagit en envoyant des armes et en s’enfonçant encore plus dans l’étreinte de l’OTAN.

    Le week-end du 26-27 février a vu plusieurs tournants importants dans la guerre. De violents combats ont eu lieu et le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a averti que 5 à 7 millions de personnes pourraient être contraintes de fuir. Poutine a menacé que la Russie dispose d’armes nucléaires. Les puissances occidentales ont en principe expulsé la Russie du monde financier. Le chancelier social-démocrate allemand, Olaf Scholz, a déclaré que les dépenses militaires du pays devaient être portées à deux pour cent du PIB, soit plus de 80 milliards d’euros.

    L’UE donne au gouvernement ukrainien 450 millions d’euros pour acheter des armes. Un certain nombre d’autres gouvernements, dont la Suède, promettent des armes et des équipements militaires. Cela signifie que, pour la première fois depuis 1939, la Suède envoie des armes dans une guerre.

    Des débatteurs sociaux-démocrates de gauche, comme Daniel Suhonen, évoquent l’idée que la Suède, comme la Finlande, pourrait rejoindre l’OTAN. Les changements se produisent en un clin d’œil, comme une gigantesque “doctrine de choc” – c’est-à-dire un événement majeur qui est utilisé pour faire passer un changement de politique drastique dans l’intérêt du capital. La gauche, le mouvement ouvrier et tous ceux qui sont contre la guerre ont besoin d’une discussion démocratique sur ces questions.

    Qu’est-ce qui peut stopper les guerres ?

    L’invasion russe n’a pas été aussi facile que Poutine l’avait espéré. L’opposition en Ukraine est massive, y compris les groupes de défense locaux. En Russie, les manifestations contre la guerre se sont multipliées, surtout parmi les jeunes. À Berlin, jusqu’à un demi-million de personnes se sont rassemblées contre la guerre.

    La priorité pour le mouvement syndical et le mouvement anti-guerre au niveau international, ainsi que pour la gauche partout dans le monde, est d’apporter un soutien humanitaire au peuple ukrainien et un soutien maximal à la résistance en Russie. Le mécontentement à l’égard du régime de Poutine était largement répandu avant même la guerre. Historiquement, la guerre a été stoppée par des mouvements de masse, des révoltes et des révolutions, de la lutte syndicale de 1905 qui a stoppé la guerre avec la Norvège à la révolution russe de 1917 qui a conduit à la fin de la Première Guerre mondiale, en passant par la retraite des États-Unis du Vietnam où la résistance à la guerre aux États-Unis est devenue décisive.

    Qu’est-ce qui a conduit à la guerre ?

    Vladimir Poutine est un despote impitoyable, prêt à écraser toute opposition et à étendre sa sphère de pouvoir à l’Ukraine, au Belarus, à d’autres pays voisins et à des zones de guerre, comme en Syrie. Le régime de Poutine est le résultat de décennies pendant lesquelles le capital mondial s’est déchaîné librement. Le système stalinien s’est effondré et a été remplacé par des oligarques capitalistes. Pendant un temps, Poutine et l’Occident ont semblé coopérer. Pour les peuples de l’ancienne Union soviétique, cela s’est traduit par une réduction drastique du niveau de vie, notamment par une diminution de l’espérance de vie.

    Dans le même temps, de nouvelles contradictions impérialistes se sont construites. Il s’agit d’une lutte mondiale pour le pouvoir – des batailles pour les zones stratégiques, les ressources et l’économie, ce que l’on appelle aujourd’hui la géopolitique. Le monde actuel est de plus en plus dominé, politiquement et militairement, par la nouvelle guerre froide entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois. Poutine pensait que l’affaiblissement relatif de l’impérialisme américain après l’Irak, l’Afghanistan, la crise financière et la nouvelle guerre froide lui donnerait de l’espace, comme ce fut le cas en Syrie. Mais la guerre n’a pas évolué comme il le pensait et l’Occident a réagi plus durement. Sa campagne va donc s’intensifier.

    La principale victime de la guerre est le peuple ukrainien, tandis que la responsabilité incombe au système capitaliste mondial qui a créé Poutine et le durcissement des contradictions impérialistes.

    L’OTAN a-t-elle changé de nature ?

    L’OTAN est l’alliance de guerre qui a bombardé la population de la capitale serbe Belgrade pendant plus de 70 jours en 1999, qui a également bombardé la Libye en 2011 et qui a mené la guerre en Afghanistan à partir de 2015. Ces efforts de guerre ont été cachés derrière des phrases sur la démocratie et la construction de la nation (même si le bombardement de Belgrade n’avait pas le soutien de l’ONU). Mais, tout comme en Irak, les bombardements n’ont pas réussi à ouvrir la voie aux droits démocratiques. Le résultat est le plus clair en Afghanistan, avec les talibans de retour au pouvoir et une population affamée. En Libye, les bombardements de l’OTAN, avec la participation de la Suède, ont abouti à l’écrasement de la révolte populaire.

    L’OTAN est à l’origine de la course mondiale aux armements militaires, avec une augmentation drastique des dépenses militaires partout dans le monde. L’OTAN est dirigée par l’impérialisme américain et agit dans son intérêt. L’opposition à l’OTAN a été formulée au cours d’un long débat factuel au sein du mouvement syndical et de la société suédoise. Les socialistes combattent la guerre de Poutine et continuent en même temps à s’opposer à l’OTAN.

    Les livraisons d’armes – suédoises ou d’autres États – garantiront-elles la paix et la liberté ?

    Au cours des 12 derniers mois, les États-Unis ont envoyé des armes d’une valeur d’un milliard de dollars à l’Ukraine. Il y a maintenant des drones de la Turquie d’Erdoğan, des missiles d’Allemagne et des gilets pare-balles de l’armée suédoise. L’armée suédoise a déjà formé des soldats ukrainiens. Le Parlement finlandais et le Parlement danois ont décidé à l’unanimité d’envoyer des armes.

    Le fait que les gouvernements envoient maintenant des armes à l’Ukraine ne se fait pas pour des raisons humanitaires. Nous en avons eu une démonstration éclatante en Afghanistan. Les opérations militaires ont été privilégiées pendant plus de 20 ans, avec des résultats dévastateurs.

    Les armes envoyées aujourd’hui peuvent éventuellement ralentir l’attaque russe, mais rares sont ceux qui croient que cela peut décider de la guerre ; c’est plutôt une révolte contre la guerre chez soi en Russie, des protestations de masse au niveau international et un blocus mondial des travailleurs contre la machine de guerre de Poutine qui peuvent avoir le plus grand effet.

    Il est peu probable que les puissances occidentales déploient des forces aériennes et des soldats, ce qui créerait une guerre majeure. Mais la pression s’accentuera pour une intensification des efforts.

    Le fait que l’opinion publique soit massivement favorable à la fin des horreurs de la guerre signifie que les gouvernements peuvent, dans un premier temps, obtenir un soutien pour les livraisons d’armes à l’Ukraine. Ce soutien sera également utilisé pour investir encore davantage dans la Défense dans tous les pays et pour que la Finlande et la Suède rejoignent l’OTAN.

    Les travailleurs et les pauvres ont-ils des intérêts communs avec les gouvernements, le capital et l’armée ?

    L’État n’est pas neutre, il est en fin de compte un outil au service des intérêts de la classe dirigeante (les capitalistes). Les socialistes préviennent que des militaires et des policiers armés seront utilisés contre les luttes des travailleurs et les manifestations de masse dans leur propre pays.

    La politique étrangère est la continuation de la politique intérieure. Malheureusement, plusieurs partis de gauche et de travailleurs au cours de l’histoire ont apporté leur soutien à la guerre et à l’intervention militaire, avec pour résultat qu’ils ont ainsi également légitimé la politique de droite et la dégradation sociale dans leur propre pays.

    Le mouvement ouvrier a émergé dans la lutte contre le militarisme et la guerre. Le mouvement ouvrier suédois a réussi à stopper les plans de guerre contre la Norvège en 1905, en utilisant le slogan “A bas les armes”. Lorsque les dirigeants sociaux-démocrates ont promis la paix sociale (le soutien au gouvernement) pendant la Première Guerre mondiale, la gauche et le syndicat des jeunes ont répondu par une campagne contre la guerre.

    Comment le peuple ukrainien doit-il se défendre ?

    Le président Zelensky est un politicien populiste de droite qui ne représente pas les intérêts du peuple ukrainien. Son gouvernement a réduit les impôts pour les grandes entreprises alors que le niveau de vie de la plupart des travailleurs a continué à baisser. De nombreux Ukrainiens souhaitent une défense populaire, et des milliers de personnes se sont mobilisées, même avec des armes artisanales. Plusieurs vidéos montrent comment les gens ont appelé les soldats russes à ne pas tirer et ont fait rebrousser chemin à certains chars.

    Dans la terrible épreuve à laquelle le peuple ukrainien est aujourd’hui confronté, malgré la nécessité, y a-t-il un moyen, par une lutte politique continue, de prendre les choses en main ? Les comités de défense qui sont maintenant nécessaires pour poursuivre la lutte afin de résister à ce qui apparaît comme une occupation russe exigent une organisation et une coordination démocratiques depuis la base. Une Ukraine dirigée par l’OTAN n’est pas une alternative démocratique ou équitable.

    Pour un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste contre la guerre

    Pour les socialistes, même en temps de guerre, le point de départ est toujours ce qui profite aux travailleurs, aux pauvres et aux gens ordinaires. Les meilleures traditions du mouvement ouvrier sont de résister à la guerre et au militarisme, d’avoir une ligne indépendante – de ne pas s’allier avec la droite, le capital et l’État.

    Indépendamment de l’évolution de la guerre au cours de la semaine prochaine, tout et tout le monde sera affecté pour longtemps : la conscience, les relations de pouvoir et l’économie. Pour tous ceux qui sont contre la guerre, il est important d’analyser et de se mobiliser contre la guerre et le système capitaliste mondial.

  • Comment les bolcheviks ont traité la question nationale

    Dans son discours justifiant l’invasion de l’Ukraine, Poutine s’en est pris aux bolcheviks et à Lénine. Il leur a reproché de ne d’avoir reconnu le droit à l’autodétermination de l’Ukraine, entre autres pays. Poutine s’est en fait placé dans les traces de Staline, qui préconisait une fédération russe centralisée au lieu d’une coopération entre républiques socialistes. Cette attaque contre l’approche bolchevique de la question nationale est l’occasion de revenir dessus plus en détail grâce à ce dossier de Rob Jones, membre de la section russe d’ASI, qui avait été écrit en 2017 à l’occasion du centenaire de la révolution russe.

    Un siècle après la révolution d’Octobre, l’approche des bolcheviks pour résoudre la question nationale reste un exemple brillant de ce qui pourrait être réalisé dans la résolution des conflits nationaux si de véritables gouvernements socialistes arrivaient au pouvoir dans le monde entier.

    C’est particulièrement le cas lorsque, sous la domination capitaliste, le monde du XXIe siècle a été ravagé par des conflits meurtriers au Darfour, au Congo, au Moyen-Orient. La question nationale n’a toujours pas été résolue de manière satisfaisante en Catalogne, en Écosse, en Irlande, en Belgique, au Québec et ailleurs, et a alimenté des conflits brutaux dans les Balkans, le Caucase, l’Asie centrale et l’Ukraine.

    Deux guerres brutales en Tchétchénie et le traitement des minorités nationales démontrent que l’élite dirigeante de la Russie capitaliste moderne n’a rien en commun avec les Bolcheviks. La récente attaque à Sourgout, la ville pétrolière sibérienne, où un jeune musulman a couru avec un couteau dans un centre commercial, est clairement le résultat de politiques d’État racistes et des actions des extrémistes d’extrême droite. Ce n’est que récemment que la police anti-émeute a envahi un café de la ville et y a forcé les jeunes hommes à se raser la barbe, en prétendant qu’ils pouvaient être des wahhabites. Les bolcheviks, dirigés par Lénine, se sont cependant pliés en quatre pour soutenir les droits des minorités nationales et ethniques. Très en avance sur son temps, Lénine a même critiqué l’utilisation dans le langage courant de stéréotypes nationaux tels que l’utilisation du mot « Khokhol » pour décrire les Ukrainiens. Non seulement ce mot est toujours d’usage courant, mais il a récemment été ajouté par la propagande officielle russe qui présentait l’Ukraine comme un État fasciste.

    La question de la langue

    Les Bolcheviks étaient très sensibles à la question linguistique, prenant des mesures conscientes pour soutenir l’utilisation des langues minoritaires. Lénine s’est prononcé contre la reconnaissance de certaines langues comme « langues d’État », en particulier lorsque cela signifie que des minorités linguistiques importantes sont victimes de discrimination. Pourtant, à l’opposé de cette approche, les tentatives des nouveaux gouvernements capitalistes de restreindre l’utilisation de la langue russe ont conduit à un grave conflit ethnique en Moldavie dans les années 1990 et à de graves tensions dans les États baltes. Dans le Kazakhstan du président Nazarbaïev, chaque fois qu’un conflit social a éclaté, en particulier lors de la grève des travailleurs et travailleuses du pétrole de Zhenaozen, il s’est appuyé sur les soi-disant « nationaux-patriotes » et « nationaux-démocrates » (nationalistes de droite) pour demander des restrictions sur la langue russe. Même la menace de restreindre l’utilisation du russe en Ukraine a suffi à accroître les tensions qui ont conduit au conflit dans l’Est de l’Ukraine. Hypocritement, le gouvernement Poutine, qui a utilisé l’attaque contre les droits des russophones en Ukraine pour intervenir en Ukraine orientale, a maintenant annoncé que le financement de l’enseignement des nombreuses langues minoritaires de Russie allait cesser. Cela provoque déjà le mécontentement dans des républiques comme le Tatarstan.

    Déclaration sur les droits des peuples de Russie*

    Par-dessus tout, les Bolcheviks étaient des partisan·es de principe du droit des nations à l’autodétermination. Dans les jours qui ont suivi la révolution d’Octobre, la Déclaration des droits des peuples de Russie a été publiée. Contrairement à l’approche de la diplomatie moderne, dans laquelle les différentes parties manœuvrent et dissimulent leurs véritables intentions à la population, cette déclaration révolutionnaire déclarait de manière claire, transparente et concise que parce que les peuples de Russie ont subi une telle répression et une telle mauvaise gestion, les pogroms, l’esclavage et les attaques devaient être immédiatement cesser, de manière décisive et irréversible. Il devrait y avoir, a-t-il déclaré, l’égalité et la souveraineté des nationalités russes, le droit des peuples russes à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit de former leurs propres États, l’abolition de tous les privilèges et restrictions nationaux et religieux soutenus par le libre développement des minorités nationales et des groupes ethniques qui peuplent le territoire russe.

    *(Dans la langue russe, il y a deux mots pour désigner le russe : « Russkiy » désigne l’ethnie russe, tandis que « Rossiskiy » désigne toute personne vivant en Russie. Sous le tsar, le pays était l’« empire russe », sous les bolcheviks, c’était la « Fédération soviétique des républiques socialistes de Rossiskaïa ». Les « peuples de Russie » désignent toutes les nationalités vivant en Russie.)

    Le gouvernement provisoire

    En soi, cela contrastait vraiment avec la position adoptée par les différents gouvernements qui ont dirigé la Russie après la révolution de février 1917. Le soulèvement spontané et populaire qui a renversé l’autoritarisme tsariste en février a été mené par les masses ouvrières, militaires et paysannes qui croyaient qu’en conséquence, une société libre et démocratique serait établie en Russie – beaucoup croyaient qu’elle mènerait à une société socialiste. Mais la réalité était tout autre. Non seulement la nouvelle coalition bourgeoise refusait de mettre fin à la participation de la Russie à la Première Guerre mondiale ou d’accorder des terres à la paysannerie, mais elle refusait également d’accorder la liberté aux nombreux peuples et nations de l’ancien empire tsariste. Dès le mois de mars, par exemple, elle a envoyé à la Finlande un ordre confirmant son statut de membre de l’empire russe tel que défini par l’ancien tsar au XVIIIe siècle. Lorsqu’en juillet, le Sejm finlandais a adopté une résolution stipulant qu’il est le seul à « décider, affirmer et décréter l’application de toutes les lois finlandaises, notamment celles qui concernent les finances, la fiscalité et les douanes », le gouvernement provisoire russe a envoyé des troupes pour dissoudre le parlement finlandais. Les questions relatives aux droits des peuples russes, décrétées par le gouvernement provisoire, seraient décidées par l’assemblée constituante. Mais lorsqu’il a finalement publié la position sur les droits des nations à présenter à l’assemblée constituante, il a déclaré sans ambages qu’il considérait « l’État russe comme un et indivisible ».

    Les bolcheviks obtiennent le droit à l’autodétermination

    Alors que la « démocratie bourgeoise » qui a régné sur la Russie de février à octobre impliquait que la nouvelle « démocratie » inclurait la liberté pour les différentes nations et les différents peuples mais n’a pas tenu ses promesses, le nouveau gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks a non seulement déclaré mais a fait tout son possible pour mettre en œuvre le droit à l’autodétermination. Il a fallu moins d’une semaine au nouveau gouvernement soviétique pour reconnaître le droit de la Finlande à l’indépendance. Cette reconnaissance a été rapidement suivie par le soutien à l’indépendance de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Transcaucasie, du Belarus, de la Pologne et de la Lettonie. Malgré toutes les complexités et les difficultés, et le fait qu’en général, ces nouveaux pays indépendants étaient nationalistes bourgeois plutôt que soviétiques, le gouvernement bolchevique a respecté ces droits.

    L’Asie centrale, foyer du « Grand jeu » impérialiste, avait, en 1917, à peine émergé d’une forme de féodalisme. Bien que faisant partie de l’empire tsariste, elle était gouvernée par une série de Khans féodaux sans nations consolidées. Une classe ouvrière existait à peine, au mieux elle était composée de travailleurs et travailleuses des chemins de fer et des infrastructures de soutien, dont la plupart étaient russes et russophones. Les élites locales avaient, pendant de nombreuses décennies, été forcées de se soumettre aux diktats tsaristes soutenus par la force armée, elles voyaient donc la révolution comme une opportunité d’échapper à la domination russe. Tout en faisant tout leur possible pour encourager le développement d’une conscience socialiste et d’une démocratie soviétique dans cette région, les bolcheviks ont reconnu la réalité telle qu’elle était alors, et se sont pliés en quatre pour faire preuve de bonne volonté envers les différentes nationalités.

    Le Khan de Khorezm (dans une région aujourd’hui couverte par le Turkménistan) est resté au pouvoir jusqu’en 1920, date à laquelle il a été renversé par un soulèvement populaire soutenu par les troupes de l’Armée rouge. La nouvelle Fédération socialiste russe a reconnu la République soviétique populaire de Khorezm comme un État indépendant – renonçant publiquement à toute revendication territoriale et offrant une union économique et militaire volontaire avec le nouvel État. Tous les biens et terres qui appartenaient autrefois à l’État russe, ainsi que les structures administratives, ont été remis au nouveau gouvernement sans aucune demande de compensation. Une aide financière a été fournie pour la construction d’écoles, pour une campagne visant à mettre fin à l’analphabétisme et pour la construction de canaux, de routes et d’un système télégraphique.

    La Pologne

    À l’autre bout de l’immense empire tsariste, il y avait la Pologne. Pendant plus de cent ans avant 1917, elle avait été divisée sous le contrôle des empires autrichien, prussien et russe. Lorsque ces empires se sont effondrés à la fin de la guerre et que la révolution russe s’est étendue à tous les territoires de l’ancien empire tsariste, la Pologne s’est retrouvée dans une situation nouvelle – capable de s’unifier et de revendiquer son indépendance. Le gouvernement bolchevique a reconnu le Comité national polonais comme représentant de la Pologne.

    Le nouveau gouvernement provisoire polonais dirigé par Pilsudski – alors leader du parti socialiste polonais – sous la pression des masses, a introduit la journée de 8 heures, le vote des femmes et la gratuité de l’enseignement scolaire. Pilsudski a cependant annoncé qu’il « est descendu du tramway socialiste à l’arrêt appelé Indépendance ». Le nouveau gouvernement s’est opposé aux soviets et aux conseils ouvriers qui avaient vu le jour, arrêtant les communistes et profitant de la guerre civile qui faisait rage en Russie pour étendre le territoire polonais. Les troupes polonaises ont envahi la Lituanie et, soutenues par les puissances occidentales, ont formé une alliance avec le nationaliste ukrainien Petlura et se sont installées en Ukraine, pour finalement s’emparer de Kiev. Il a fallu une contre-attaque décisive de l’Armée rouge pour les forcer à retourner à Varsovie. Malgré cela, Lénine a insisté, lors des négociations de paix avec la Pologne, sur le fait que « la politique de la Fédération socialiste russe à l’égard de la Pologne est fondée, non pas sur des avantages militaires ou diplomatiques temporaires, mais sur le droit absolu et inviolable à l’autodétermination. La RSFSR reconnaît et admet sans condition l’indépendance et la souveraineté de la République de Pologne, et ce, depuis le moment où l’État polonais a été formé ».

    La lutte de Lénine

    Lénine s’est battu avec acharnement pour que le « droit des nations à l’autodétermination » soit inclus dans le programme du parti bolchevique. Ses désaccords avec Rosa Luxembourg, qui estimait qu’une telle revendication était une diversion de la lutte des classes, sont bien connus. Ses arguments ont été repris par des bolcheviks de premier plan tels que Karl Radek, Youri Pyatokov et Nikolaï Boukharine.

    Dans le cadre de la polémique sur cette question, Lénine a encouragé Staline à écrire son pamphlet sur la question nationale, bien qu’il ait jugé nécessaire de s’opposer à certains éléments de l’approche de Staline, même à ce stade précoce. Il n’était pas d’accord avec la définition rigide que Staline donnait d’une nation comme « une communauté stable de personnes historiquement constituée, formée sur la base d’une langue, d’un territoire, d’une vie économique et d’une composition psychologique communs se manifestant dans une culture commune », ce qui aurait exclu les droits de nombreux peuples, notamment les Juifs. Lénine n’était pas non plus d’accord avec la position proposée par Staline et Boukharine en 1919 qui réclamait le droit à l’autodétermination de la classe ouvrière de chaque nation. Il soutenait qu’étant donné que de nombreux peuples de l’empire russe – y compris les peuples kouvach, bachkir, turkmène, kirghize et ouzbek – vivaient dans des régions encore sous-développées sur le plan social et économique, ils n’avaient pas encore la possibilité de développer même les classes et encore moins la conscience de classe. Pourtant, dès 1918, Staline affirmait que « le slogan de l’autodétermination est dépassé et devrait être subordonné aux principes du socialisme ». En octobre 1920, il déclarait que les appels à la sécession des régions frontalières de la Russie « doivent être rejetés non seulement parce qu’ils vont à l’encontre de la formulation même de la question de l’établissement d’une union entre les régions du centre et les régions frontalières, mais surtout parce qu’ils vont fondamentalement à l’encontre des intérêts de la masse de la population tant dans les régions du centre que dans les régions frontalières ».

    L’Ukraine

    Malheureusement, Staline n’était pas le seul à occuper cette position. Lorsque la révolution de février a éclaté, le nombre de bolcheviks à Kiev, la capitale et le centre industriel de l’Ukraine, n’était que de 200, et ils étaient à peine organisés. En octobre, leur nombre a atteint 800. En réponse à la révolution de février, les dirigeants de la bourgeoisie ukrainienne ont établi la Tsentralnaya rada (Union soviétique centrale) comme « un gouvernement de tous les Ukrainiens et Ukrainiennes » et ont revendiqué son droit à l’autodétermination. Les dirigeant·es des bolcheviks de Kiev, cependant, n’ont pas reconnu l’importance de la question nationale, disant qu’elle était secondaire par rapport à celle de la lutte des classes. Tout en participant aux luttes générales de toute la Russie contre le gouvernement provisoire de Petrograd, ils ont quitté la rada Tsentralnaya pour poursuivre la construction de la nation – y compris la mise en place de structures gouvernementales et de forces armées. Après octobre, ils ont participé à un bloc avec les mencheviks et les bundistes, qui a reconnu le « Tsentralnaya rada » comme le gouvernement légitime et a déclaré que toute opposition à celui-ci devait être « exclusivement de forme pacifique ». Ils ont refusé d’accepter la position d’autres bolcheviks ukrainiens selon laquelle il était « nécessaire de mener une lutte sans compromis contre le rada et, en aucun cas, de conclure des accords avec lui ». En conséquence, le rada de Tsentralnaya a maintenu une position forte en tant que gouvernement en Ukraine et la prise de pouvoir par les Soviétiques a été retardée et considérablement affaiblie – rendant ainsi la guerre civile en Ukraine beaucoup plus complexe et prolongée que ce n’aurait été le cas si les Bolcheviks de Kiev avaient agi de manière décisive.

    La question nationale et l’armée rouge

    Malgré les difficultés en Ukraine, l’approche de Lénine a joué un rôle essentiel pour assurer la victoire des Soviétiques dans la guerre civile, notamment parce que la plupart des armées de Whiteguard s’opposaient à l’autodétermination sous quelque forme que ce soit.

    Dans le Caucase, le général blanc Deniken a clairement indiqué qu’il s’opposait aux droits nationaux parce que « la Russie devrait être une et indivisible ». Même les groupes nationalistes qui s’opposaient aux bolcheviks en général considéraient la promesse de l’autodétermination comme une raison suffisante pour au moins maintenir la neutralité. Dans de nombreux cas, la promesse était suffisante pour gagner des nationalités entières.

    Une décision critique concernait la décision de baser l’Armée rouge sur des unités territoriales sur la base « vous servez là où vous vivez ». L’ancienne armée tsariste a été russifiée – dans les cas où des membres de minorités nationales servaient, ils étaient, à l’exception des Cosaques, envoyés dans des unités régulières loin de leur propre maison, et devaient parler russe. Mais l’armée rouge sous Trotsky avait une approche différente. Des unités entières de l’Armée Rouge étaient basées sur les différentes nationalités, utilisant leur propre langue et avec de nombreuses publications militaires dans les langues non russes. Cela a aidé l’Armée rouge à gagner les populations des régions où d’autres nationalités dominaient. De nombreux groupes juifs créent leurs propres unités pour s’opposer aux pogroms initiés par le général Kolchak et d’autres. Une école d’officiers musulmans de l’Armée rouge a même été créée à Kazan, la capitale du Tatarstan. En 1919, toute l’armée nationale de Bachkirie, une région musulmane s’étendant de la Volga à l’Oural, s’est jointe à l’Armée rouge et a établi la République socialiste soviétique de Bachkirie.

    Partout où elles ont été établies, ces formations nationales ont reçu une aide matérielle considérable dans le domaine de l’éducation et de la santé, en particulier dans la campagne visant à mettre fin à l’analphabétisme. Malgré la guerre civile, le nombre d’universités dans le nouveau pays socialiste est passé de 63 en 1917 à 248 en 1923. Tout en évitant une confrontation frontale avec les partisans de la religion musulmane, une agitation active est menée contre la polygamie, la vente des épouses et la pratique consistant à n’autoriser les divorces que si le mari est d’accord. Malheureusement, cette approche a été l’une des victimes de la montée du stalinisme qui, dans les années 1930, a réintroduit la langue russe comme langue de commandement et a mis fin aux publications militaires dans d’autres langues.

    Des erreurs ont été commises

    Le maintien d’une approche sensible et flexible des différentes nationalités a nécessité de nombreuses discussions et souvent des interventions directes de Lénine ou de ses partisans pour corriger les erreurs. Alors que les bolcheviks étaient favorables à la collectivisation volontaire des terres, Lénine a averti que dans des régions comme l’Asie centrale et le Caucase, il serait prématuré de pousser la question. Il s’est même prononcé contre la nationalisation de l’industrie pétrolière en Azerbaïdjan, craignant que, la classe ouvrière n’étant pas encore suffisamment développée, cela n’entraîne une rupture des approvisionnements pendant la guerre civile.

    Dans certains domaines, malgré l’approche de Lénine, les nationalités ont été traitées avec maladresse. La révolution bolchevique avait à peine atteint l’Asie centrale que les intellectuels locaux et les élites nationales voyaient l’opportunité de développer l’autonomie ou même de nouvelles républiques nationales. Mais la révolution est arrivée par le biais des cheminots et des troupes dissoutes, presque toutes russophones. Ils ont créé le Soviet des travailleurs et travailleuses et des soldats de Tachkent et ont déclaré le « pouvoir soviétique ». Ils ont fait valoir que les musulman·es ne devaient pas maintenir de positions dans les nouveaux États et qu’il n’était pas nécessaire d’inclure les paysan·nes dans le Soviet en raison de leur « retard ». En conséquence, le Soviet s’est retrouvé isolé de 95 % de la population locale. Sa tentative de recourir à la force militaire pour renverser le nouveau gouvernement Kokland, qui plaidait pour la création d’une « république fédérale démocratique du Turkestan faisant partie de la Fédération de Russie », a eu des conséquences négatives, car beaucoup y voyaient une simple occupation militaire.

    L’approche flexible de Lénine

    Au départ, l’attitude du ministère des nationalités de Staline était que c’était une affaire locale, mais à mesure que les armées blanches étaient défaites dans la région, la question de savoir comment le pouvoir soviétique allait s’établir devint plus urgente. Frunze, qui dirigeait l’avance de l’armée rouge, proposa à l’origine de diviser la région pour la rendre plus facile à gouverner. Cette proposition s’est heurtée à la résistance des communistes locaux, dont beaucoup saisissaient à peine les principes de base de la politique bolchevique. Mais ils ont été encore plus contrariés lorsque Staline a dirigé une commission chargée de proposer la création d’une région autonome unifiée du Turkestan au sein de la Fédération de Russie. Finalement, Lénine dut intervenir et redéfinir la position à adopter : il fallait veiller à égaliser le régime foncier des Russes avec celui des habitantes et habitants locaux tout en réduisant énergiquement l’influence des koulaks russes ; veiller à ce que toute décision prise au niveau central concernant le Turkestan ne soit prise qu’avec le consentement des dirigeants locaux ; préparer systématiquement, « progressivement mais sûrement », le transfert du pouvoir aux Soviets locaux des travailleurs et travailleuses avec la tâche générale définie comme « non pas le communisme, mais le renversement du féodalisme ». Toute décision, a-t-il dit, sur « la question de la division de la République en trois parties ne doit pas être décidée prématurément ».

    La korénisation

    D’autres questions qui ont pris beaucoup de temps et d’énergie à résoudre concernaient la « korénisation » (« koren » signifie racine), principe selon lequel les Bolcheviks s’enracinent dans les nouvelles républiques et zones ethniques en développant des leaderships locaux plutôt qu’en s’appuyant sur des émissaires du centre.

    Une attention particulière a été accordée au développement des cultures nationales, en particulier des langues. Lénine se fâchera lorsqu’il apprendra que les fonctionnaires soviétiques, y compris ceux du centre, continuent à utiliser le russe dans les régions où cette langue n’est pas la langue locale : « Le pouvoir soviétique se distingue de tout pouvoir bourgeois et monarchique en ce qu’il représente pleinement les intérêts quotidiens réels des masses laborieuses, mais cela n’est possible qu’à la condition que les institutions soviétiques travaillent dans les langues indigènes ». Malheureusement, l’un des pires obstacles au développement des langues nationales était le ministère des nationalités lui-même, dont les fonctionnaires soutenaient souvent qu’il suffisait de traduire du russe vers les langues locales. Lénine a répondu qu’au contraire, il s’agissait de veiller à ce que les autorités éducatives fournissent aux enseignantes et enseignants familiers avec les langues et cultures autochtones ainsi que des manuels en langue maternelle. Lors d’un congrès consacré à cette question, un orateur a affirmé que « l’esprit international ne s’obtient pas en regroupant des enfants qui ne se comprennent pas, mais plutôt en introduisant dans la langue maternelle l’esprit de la révolution mondiale ».

    Pour aider à renforcer le soutien dans les régions non russes, les bolcheviks ont adopté une politique consciente de collaboration avec les organisations révolutionnaires de gauche et de tentative de les convaincre. En Ukraine, beaucoup d’efforts ont été déployés et beaucoup de patience a été nécessaire pour travailler avec l’organisation « Borotba », essentiellement un groupement révolutionnaire social de gauche ayant ses racines dans les campagnes. Christian Rakovskii, ami de longue date et allié de Trotsky, a joué un rôle clé dans ce travail. Dans le même temps, dix nouvelles « universités communistes » ont été créées pour former les cadres nationaux bolcheviques. Tout aussi important, un énorme investissement a été réalisé pour ouvrir le système d’éducation publique à l’enseignement dans les langues nationales. En 1921, dix millions de roubles ont été alloués à l’enseignement des langues bélarussienne et ukrainienne. Ce processus a été rapidement mené à bien pour les principales nationalités comme l’arménien, le géorgien et l’azéri. Pour les petites nationalités, le processus a été plus long. Mais la tâche a été traitée avec sérieux. En 1923, 67 écoles enseignaient le mari, 57 le kabardi, 159 le komi, 51 le kalmouk, 100 le kirghiz, 303 le buriat et plus de 2500 la langue tatar. En Asie centrale, le nombre d’écoles nationales, qui était de 300 avant la révolution, a atteint 2100 à la fin de 1920. Ceci est d’autant plus important que de nombreuses langues/dialectes de la région étaient, jusqu’à la révolution, non écrites. L’introduction de nouveaux alphabets, souvent latinisés, ainsi que la modernisation de l’alphabet russe ont facilité cette tâche.

    Cette réalisation est d’autant plus impressionnante que la guerre civile a fait rage pendant la plus grande partie de cette période. Souvent, cela s’est traduit par un manque de ressources. Les écoles étaient souvent utilisées pour le cantonnement des troupes. Et comme de nombreux enseignants et enseignantes volontaires participaient à l’effort de guerre, il était souvent difficile de trouver suffisamment de ressources pour enseigner dans les écoles. En Ukraine, il y avait très peu de professeur·es de langue ukrainienne en 1917, et bien qu’en 1923 il y en avait déjà 45 000, il en fallait deux fois plus. La situation s’est améliorée de façon spectaculaire après la fin de la guerre civile.

    Le Caucase

    Sans l’approche sensible et flexible de Lénine sur la question nationale, il aurait été beaucoup plus difficile de gagner la guerre civile.

    Malheureusement, cette approche est devenue l’une des premières victimes de la dégénérescence bureaucratique de la révolution qui s’est renforcée au début des années 20, avec l’apparition de ce problème dans le Caucase.

    Les régions caucasiennes, principalement la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ont attendu en vain que la révolution de février reconnaisse l’autodétermination et lorsque la révolution d’octobre a eu lieu, elles se sont retrouvées occupées par une combinaison des armées allemande et turque. Après la défaite allemande de 1918, leur place a été prise par les Britanniques et l’Armée blanche de Denikin. En effet, en signant la paix de Brest-Litovsk, non seulement les bolcheviks ont cédé le contrôle des pays baltes et de parties importantes de l’Ukraine et du Belarus, mais ils ont également accepté qu’une partie importante du Caucase soit concédée aux Turcs ottomans.

    Alors que la guerre civile progressait et que les forces de Dénikine étaient finalement repoussées en Crimée, la question de savoir qui devait gouverner le Caucase a été posée. Les Bolcheviks bénéficiaient d’un soutien important dans les grandes villes, telles que Bakou en Azerbaïdjan, Tbilissi en Géorgie, Groznii en Tchétchénie. La révolution a essentiellement atteint la région grâce à la victoire militaire de l’Armée rouge. Des républiques soviétiques ont été créées en Azerbaïdjan et en Arménie.

    La Géorgie, cependant, était le fief d’un gouvernement menchévique, une sorte de cause célebre pour la Seconde Internationale réformiste. Malgré de dures polémiques politiques avec les dirigeants géorgiens, dont plusieurs avaient participé au gouvernement provisoire de Saint-Pétersbourg en 1917, Lénine était favorable à une politique de conciliation. Trotsky s’est lui aussi prononcé contre une intervention militaire – la tâche de renverser le gouvernement géorgien devrait être accomplie par le peuple géorgien, a-t-il estimé. Il a donc préconisé « une certaine période de travail préparatoire à l’intérieur de la Géorgie, afin de développer le soulèvement et de lui venir ensuite en aide ». En mai 1920, le gouvernement soviétique russe a signé un traité reconnaissant l’indépendance et concluant un pacte de non-agression.

    L’inflexibilité de Staline

    Le principal représentant des bolcheviks dans la région, Sergey Ordzhonikdze, un proche camarade de Staline (ils étaient tous deux géorgiens) avait d’autres idées. Après la création d’un Azerbaïdjan soviétique et d’une Arménie soviétique, il a plaidé pour la soviétisation immédiate de la Géorgie. Staline a soutenu cette position. Ignorant les recommandations de Lénine et du gouvernement russe, ils ont utilisé les unités de l’Armée rouge pour provoquer des affrontements à la frontière géorgienne. Le Comité central, mis devant le fait accompli, a été contraint d’adopter une résolution disant qu’il était « enclin à permettre à la 11e armée de soutenir activement le soulèvement en Géorgie et d’occuper Tiflis à condition que les normes internationales soient respectées, et à condition que tou·tes les membres du Conseil militaire révolutionnaire de la 11e armée, après un examen approfondi de toutes les informations, garantissent le succès. Nous vous avertissons que nous sommes obligés de nous passer de pain faute de moyens de transport et que nous ne vous laisserons donc pas disposer d’une seule locomotive ou d’une seule voie ferrée. Nous sommes obligés de ne transporter rien d’autre que des céréales et du pétrole en provenance du Caucase ». Cette information a été cachée à Trotsky, alors dans l’Oural. À son retour à Moscou, il était si furieux de découvrir ce qui s’était passé qu’il a demandé qu’une commission d’enquête examine pourquoi l’Armée rouge était intervenue de cette façon.

    Cette intervention a naturellement suscité l’opposition de la population locale et d’une couche importante de Bolcheviks géorgien·nes. Mais plutôt que de reconnaître les sensibilités nationales à long terme dans la région, dans laquelle il y avait clairement trois identités nationales bien établies, Ordzhonikidze, avec le soutien de Staline, a conçu la création d’une « République soviétique transcaucasienne », qui ferait partie de la RSFSR et aurait une autorité générale sur les trois nouvelles républiques soviétiques. Outre le fait qu’elle pouvait se prononcer sur les questions intérieures géorgiennes, elle a également tenté d’établir une union monétaire, ce à quoi se sont opposés les Géorgiens et Géorgiennes qui estimaient qu’une telle union saperait leur économie relativement plus forte. Compte tenu de cette approche dans l’établissement de la République soviétique transcaucasienne, beaucoup ont également supposé que l’économie serait développée par l’importation d’une main-d’œuvre russe, ce que beaucoup dans la région ont considéré comme une continuation des anciennes pratiques tsaristes.

    Bien entendu, l’approche autoritaire d’Ordzhonikidze, qui prenait souvent ses décisions sans consulter les dirigeants locaux, son recours à des mesures répressives sévères contre les opposant·es et son mode de vie extravagant, notamment sa chevauchée d’un grand cheval blanc, n’ont guère contribué à apaiser les tensions.

    La formation de l’URSS

    La discussion autour de la République soviétique transcaucasienne s’inscrivait dans une question plus large sur l’avenir du nouvel État soviétique.

    À cette époque, il était devenu évident que les positions de Lénine et de Staline sur la question nationale étaient diamétralement opposées. Le premier voyait la formation d’une union d’États soviétiques libres et égaux comme un moyen de consolider le soutien à la révolution parmi les différentes nationalités et comme une base permettant aux futurs États soviétiques, comme l’Allemagne, de s’allier à la Russie sans qu’aucune puissance ne domine l’autre. Cependant, Staline pensait que la question nationale était secondaire et que, de plus, la révolution ne se propagerait pas et que le socialisme devrait être construit en Russie uniquement. Pour lui, l’existence de républiques, comme la république transcaucasienne, était une question de commodité administrative. La question est venue à l’esprit avec la discussion autour de la formation de l’URSS.

    En tant que commissaire aux nationalités, Staline a rédigé le document original qui devait décider des relations entre les nouvelles républiques soviétiques. Dans ce projet, il proposait que les républiques soviétiques indépendantes d’Ukraine, du Bélarus, de Géorgie, d’Azerbaïdjan et d’Arménie soient établies en tant que régions autonomes au sein de la Fédération de Russie, le statut de Boukhara, de Khorezm et de l’Extrême-Orient devant être décidé ultérieurement. Pour toutes les fonctions clés telles que l’économie, le budget, les affaires étrangères et militaires, les décisions seraient prises par les ministères russes. Seules les questions relativement mineures telles que la culture, la justice, les soins de santé et les terres resteraient sous la responsabilité des régions « autonomes ». Toutes les républiques, à l’exception de l’Azerbaïdjan, se sont vivement opposées à ce plan. Pourtant, Staline a fait passer son plan par la mission spéciale mise en place pour approuver la proposition, avant de la soumettre au gouvernement.

    Mais il avait encore un obstacle à surmonter – Lénine. Lors d’une rémission des conséquences de son attaque, Lénine se vit présenter la proposition. Il réagit avec beaucoup de colère et insiste pour que toute l’idée d’« autonomie » telle que proposée par Staline soit abandonnée et que l’URSS soit établie comme une fédération de républiques égales. Bien que Staline ait été forcé de concéder ce point, il s’est battu pour que la nouvelle URSS n’aille pas jusqu’à assurer les droits nationaux que Lénine voulait. Il changea sa position antérieure d’opposition à une structure de pouvoir à deux niveaux pour la nouvelle Union en introduisant un nouveau « Conseil des nationalités » au-dessus de la législature. Il a rempli ce Conseil de ses propres partisan·nes. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, plutôt que de donner aux trois républiques caucasiennes le statut d’Union, il a proposé que la « république soviétique transcaucasienne » rejoigne l’URSS et que les trois républiques se soumettent à cet organe. Cette approche a provoqué l’indignation des Géorgiens et Géorgiennes.

    La colère de Lénine

    Lénine était trop malade pour assister à la réunion du Comité central qui a discuté de ces propositions en février 1923. Lorsqu’il a finalement reçu un rapport, la colère de Lénine a atteint son point d’ébullition. Il écrivit à Trotsky : « Camarade Trotsky ! Je voudrais vous demander de prendre en charge la défense du cas géorgien au sein du Comité central du parti. L’affaire est maintenant poursuivie par Staline et Derzhinskii, sur l’objectivité desquels je ne peux pas compter ».

    Bien que Lénine n’ait pas eu le dernier mot sur la question, sa santé se détériorait rapidement. Il n’a pas pu assister à la réunion à huis clos du Comité central en juin, qui a été consacrée à une discussion approfondie de la question nationale. Les positions contradictoires exprimées par les orateurs lors de cette réunion ont montré clairement les contradictions qui se développent entre ceux et celles qui soutiennent l’approche de Lénine en matière de nationalités et ceux et celles qui, autour de Staline, rejettent tous les grands principes de la position bolchevique. Malheureusement, bien que la proposition de Lénine d’établir l’URSS ait été adoptée, sa mise en œuvre a été laissée entre les mains de la caste bureaucratique qui se cristallise rapidement autour de Staline.

    Les crimes du stalinisme

    Malheureusement, l’approche de la question nationale par la bureaucratie stalinienne, qui a réussi à achever la contre-révolution politique en URSS après la mort de Lénine, a fait basculer la politique nationale de Lénine et des bolcheviks. Les dommages causés par le chauvinisme russe que Lénine critiquait avec tant d’acuité, combinés à l’antisémitisme et aux perspectives racistes de la bureaucratie, ont été aggravés par la politique criminelle de collectivisation forcée qui a conduit à la famine dans de vastes régions de Russie, d’Ukraine et d’Asie centrale. Cela permet aux nationalistes réactionnaires d’aujourd’hui de prétendre qu’il y a eu une politique consciente de génocide, qu’ils appellent « holodomor » contre les nationalités, en l’imputant au « bolchevisme ». L’utilisation des États baltes comme pions dans les négociations avec Hitler, la déportation de nations entières, dont les Tchétchènes et les Tatars de Crimée vers le Kazakhstan pendant la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation de l’armée soviétique pour réprimer les soulèvements dans l’ancienne Allemagne de l’Est, en Hongrie et en Tchécoslovaquie et le refus de reconnaître les droits des nations pendant la période de « perestroïka » n’avaient absolument rien à voir avec la politique nationale de Lénine et du parti bolchevique.

    Cent ans plus tard, la politique de Lénine sur la question nationale a encore plus de pertinence qu’auparavant.

    C’est une erreur fatale d’adopter, comme le font certaines personnes de la gauche moderne, la position de Staline selon laquelle « le slogan de l’autodétermination est dépassé et devrait être subordonné aux principes du socialisme ». Tant que le capitalisme existera, aucune nation ne pourra acquérir une véritable indépendance, car elle sera toujours dominée par les intérêts des sociétés multinationales et les différents intérêts impérialistes, et elle n’est pas non plus capable d’assurer de véritables droits démocratiques et nationaux pour tous et toutes. Pour renverser le système capitaliste, il faut une lutte de la classe ouvrière puissante et unie avec une direction socialiste, dont la construction ne sera possible que si elle a une position claire sur la question nationale.

  • Non à la guerre en Ukraine ! Construisons un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste

     

    Alternative Socialiste Internationale (ASI) exprime sa pleine et entière solidarité avec le peuple ukrainien qui souffre déjà de l’exploitation, de l’oppression, de la corruption et de conditions de pauvreté croissantes, et qui est maintenant confronté à l’horreur de la guerre et du bain de sang.

    Par Социалистическая Aльтернатива (CA, Socialist Alternative, section russe d’ASI)

    Alors que les troupes et les chars russes ont franchi la frontière de l’Ukraine, les premières personnes ont déjà été tuées. Des missiles ont frappé des bases militaires et des aérodromes, notamment à Kiev. Des tirs ont déjà été signalés dans des quartiers résidentiels de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, située dans le nord-est du pays.

    Les troupes russes doivent être immédiatement retirées d’Ukraine.

    La reconnaissance des républiques populaires de Louhansk et de Donetsk par la Douma russe et son approbation ultérieure par Poutine, suivie de leur appel à l’aide russe ont créé le prétexte immédiat pour l’invasion. Les hostilités ont atteint un nouveau et horrible sommet après des semaines d’escalade de la guerre des nerfs entre la Russie d’une part et l’OTAN et les États-Unis d’autre part.

    L’Europe est confrontée à un conflit armé majeur, qui est lié aux multiples contradictions géopolitiques de la nouvelle ère de désordre. Les socialistes internationaux doivent intensifier leur travail et se préparer à prendre position contre les guerres impérialistes et pour l’internationalisme de la classe ouvrière, en opposition de principe à toutes les formes d’impérialisme.

    Les intérêts impérialistes

    La Russie a prétendu que sa sécurité était menacée par l’expansion vers l’Est de l’OTAN avec des armes et des troupes le long de ses frontières. Mais maintenant, le président Poutine prétend que la tâche de l’attaque russe est de “démilitariser” et de “dénazifier” l’Ukraine. Mais ses attaques ne feront qu’accroître la colère du peuple ukrainien. Beaucoup prendront les armes pour s’opposer à ses troupes.

    Poutine a justifié son attaque en affirmant que l’indépendance de l’Ukraine n’était que le résultat de la révolution russe et de la politique bolchevique consistant à accorder le droit à l’autodétermination aux nations opprimées, une politique à laquelle s’opposaient Staline et le régime bureaucratique dont Poutine lui-même est issu. C’est une leçon importante. L’indépendance ne peut être atteinte en faisant appel à l’OTAN ou à l’Union européenne, mais seulement dans une lutte commune contre le nouveau tsar et sa guerre.

    La population qui souffrira le plus d’une guerre, ceux qui risqueront leur vie et leurs membres, la vie de leurs fils et de leurs filles, de leurs mères et de leurs pères, leurs maisons et leurs revenus – ces gens ordinaires de la classe ouvrière qui vivent en Ukraine – ont été réduits à de simples spectateurs dont le sort est décidé par des forces qui échappent à leur contrôle.

    Les dirigeants ukrainiens d’aujourd’hui, l’establishment capitaliste, dont la seule préoccupation a toujours été la défense des intérêts des oligarques et qui ont conduit le pays de crise en crise depuis son indépendance, se sont vendus à l’Ouest au cours de la décennie précédente. Ils espéraient ainsi bénéficier de la protection de l’OTAN, et gagner économiquement en se rapprochant de l’Europe. Ils ont échoué sur tous les plans : le revenu familial moyen est aujourd’hui inférieur de 20% à celui de 2013 et la protection de l’OTAN ne dépendra pas de l’intérêt du peuple ukrainien mais des intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis et des alliés de l’OTAN.

    Les chocs économiques de la guerre seront également ressentis dans le monde entier – les marchés boursiers réagissent déjà – le marché russe a chuté de 40% avant d’être suspendu. Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires vont grimper, ajoutant aux pressions inflationnistes déjà fortes dans l’économie mondiale. Et les générations futures en Ukraine et en Russie, qui vivent déjà avec de faibles revenus, avec des soins de santé médiocres, devront payer le coût de la guerre.

    Cette guerre porte les empreintes du conflit entre les États-Unis et la Chine pour la domination mondiale. L’administration Biden a déclaré ouvertement que la Chine est son “principal concurrent” et la Russie “le plus dangereux”. Au sein de l’OTAN, les États-Unis poussent depuis des années leurs alliés européens à augmenter leurs budgets de guerre. La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Parmi les motivations actuelles des États-Unis, il y a le renforcement des liens entre l’impérialisme américain et européen, prétexte à de futurs conflits avec la Chine – le tout aux dépens du peuple ukrainien.

    L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui sont tous limitrophes de l’ancienne Union soviétique. Les pays de l’OTAN ont armé l’Ukraine jusqu’aux dents. Après avoir crié au loup pendant des semaines, prédisant une opération sous faux drapeau de la part des Russes, Biden et ses alliés bellicistes ont créé une prophétie qui se réalise d’elle-même. Indépendamment du degré d’implication directe de l’OTAN dans la guerre en cours, l’impérialisme occidental partage la responsabilité d’attiser un conflit qui verra les familles ouvrières pleurer leurs proches tombés au combat et payer le prix le plus lourd pour l’effort de guerre et ses retombées économiques.

    L’impérialisme russe, faible, passe à l’offensive

    L’impérialisme russe a calculé que le moment était venu de faire un geste décisif pour servir ses intérêts. L’impérialisme américain est affaibli, l’Union européenne est aux prises avec des divisions internes et la Chine devient la principale préoccupation des États-Unis dans le remodelage de l’ordre mondial. Poutine viole le droit à l’autodétermination des Ukrainiens, il considère l’Ukraine comme une partie intégrante de la Russie, à l’instar des revendications de Xi Jinping sur Taïwan.

    L’importance de ce qui se passe en Ukraine va bien au-delà des frontières de ce pays. La crise économique, les vagues de nationalisme réactionnaire et les millions de réfugiés potentiels vont créer d’autres crises mondiales, au moment même où il semblait que la pandémie entrait dans une nouvelle phase, plus gérable.

    Bien qu’il s’agisse d’un régime autoritaire brutal, le Kremlin doit encore tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre majeure pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. La plupart des Russes, qui n’ont pas le cœur à la guerre contre l’Ukraine, sont déjà aux prises avec la baisse du niveau de vie, l’inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de “morts en trop”. Un sondage d’opinion (23/02/2022) suggère que 40% de la population russe, principalement les jeunes et la population urbaine, sont contre la reconnaissance des républiques, qui a été utilisée comme prétexte pour lancer la guerre.

    La Russie est un géant militaire, mais son économie ne représente qu’environ 6 % des économies de l’OTAN prises ensemble. Son PIB est inférieur à celui de l’Italie. De lourdes sanctions et un effort de guerre pourraient nuire gravement à l’économie et, avec les victimes russes de la guerre, renforcer encore la méfiance croissante à l’égard de tout ce que dit le gouvernement. Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.

    C’est la classe ouvrière et les pauvres qui paient. Lorsque les 500 premiers oligarques de Russie ont vu leur richesse augmenter de 45 % pendant la pandémie pour atteindre 640 milliards de dollars, la perte de quelques milliards provenant de comptes bancaires gelés ne va pas faire une grande différence.

    Cette guerre n’a rien ou presque à voir avec la protection des populations concernées. L’OTAN n’avait et n’a aucun problème avec les dictateurs quand cela l’arrange, et Poutine soutient les partis les plus à droite d’Europe – autant dire “l’antifascisme” ou “la défense des droits démocratiques”. La guerre entraînera de terribles souffrances humaines, se paiera en vies gâchées, en difficultés économiques, en davantage de réfugiés et ne résoudra aucun des problèmes existants et des tensions inter-impérialistes. Malgré les affirmations contraires, ce n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière et des populations ordinaires des nations concernées.

    Nous ne pouvons compter sur aucune des institutions impérialistes ou des machines de guerre impliquées pour créer la paix, et encore moins la prospérité. En effet, depuis des années, l’Ukraine demande une aide réelle de la part de l’OTAN et de l’Occident, mais elle se heurte à un refus. Nous ne devrions avoir aucune confiance dans ces organes impérialistes. Toute “solution diplomatique” convenue entre eux, même si elle serait initialement bien accueillie par les populations du monde entier, se fera en fin de compte aux dépens des gens ordinaires et ne fera que préparer le terrain pour de nouvelles tensions et confrontations. Ces puissances se sont montrées incapables de s’attaquer à la crise sanitaire et climatique dont elles sont responsables, elles ne veulent pas lutter contre l’augmentation du coût de la vie pour les gens ordinaires et maintenant leur guerre va encore aggraver les choses.

    La seule force capable d’arrêter la guerre et la destruction est la classe ouvrière unie. ASI appelle le mouvement des travailleurs du monde entier à lancer une mobilisation internationale massive contre la guerre et l’impérialisme, comprenant le refus de la production et du transport d’armes ainsi que des grèves, tout en soulevant des revendications sociales capables d’offrir une véritable issue à la majorité sociale. Cela pourrait inclure une action unie des travailleurs des entreprises multinationales opérant dans les différents pays directement concernés.

    Ce ne sera pas une entreprise facile. Nous devrons faire face à des machines de propagande massive de toutes parts, et il faudra du temps et malheureusement de la souffrance, avant que les conditions ne mettent à nu la propagande et ne fassent ressortir les véritables problèmes. La guerre est cependant l’accoucheuse de la révolution, elle expose les contradictions de la manière la plus visible et la plus tangible possible. Des initiatives opportunes et audacieuses aux premiers stades des guerres sont cruciales pour déterminer la nature et le programme adoptés lorsqu’un mouvement gagne en force.

    Cette guerre n’est pas dans l’intérêt des travailleurs et des jeunes, où qu’ils vivent. Il s’agit d’ambitions géopolitiques et économiques impérialistes. ASI s’opposera à cette guerre partout où nous sommes présents, en Russie, aux États-Unis, en Ukraine et ailleurs. En particulier, nous soutenons les jeunes et les travailleurs en Russie dans leurs appels à combattre la guerre en construisant un mouvement anti-guerre sur les lieux de travail et dans les universités, pour la solidarité contre les fauteurs de guerre, et pour une guerre contre la pauvreté, et non contre les autres peuples.

    • Non à la guerre en Ukraine ! Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
    • Pour le retour des troupes russes dans leurs casernes en Russie et le retrait de toutes les troupes de l’OTAN d’Europe de l’Est !
    • Aucune confiance dans les forces impérialistes de “maintien de la paix” impliquées !
    • N’entretenons aucune illusion dans la diplomatie des fauteurs de guerre : construisons un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste massif unifiant les travailleurs et les jeunes par-delà des frontières !
    • Pour une alternative socialiste et internationaliste reposant sur la classe ouvrière contre les conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction !
  • Nouvelle guerre froide | Quelles perspectives pour le conflit ukrainien?

    La Russie reconnaîtra l’indépendance des deux régions contestées d’Ukraine – Donetsk et Louhansk. Les troupes russes agiront en tant que «gardiens de la paix». C’est une nouvelle étape extrêmement dangereuse de ce qui pourrait devenir la pire guerre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Par Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’ASI)

    Les bellicistes attisent la folie guerrière depuis plus de trois mois maintenant. Les puissances occidentales ont annoncé que l’occupation russe de l’Ukraine commencerait le 16 février à 3 heures du matin, heure locale. À mesure que l’échéance approchait, les cris des bellicistes se faisaient de plus en plus forts et un certain degré de panique s’est installé en Ukraine. Le gouvernement a annoncé la mobilisation des troupes et des réservistes. Les compagnies aériennes ont cessé de voler, tandis que les places sur les vols encore actifs ont été multipliées par cinq – après tout, la guerre est toujours rentable pour certains ! 40 pays ont annoncé qu’ils évacuaient les familles des diplomates de Kiev – certains vers la ville de Lviv, en Ukraine occidentale. Vingt vols affrétés ont été organisés pour permettre aux VIP, aux oligarques et à leurs familles de fuir, tandis que l’aide et les équipements militaires affluaient en Ukraine.

    Pendant ce temps, la population était invitée à «ne pas paniquer» !

    À l’approche de l’échéance, un journal russe a commenté avec cynisme que «la guerre a été reportée». Plusieurs Ukrainien·nes ont sans doute soupiré de soulagement à leur réveil mercredi. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié de «honteuses» les affirmations américaines concernant une attaque imminente. Elle a demandé aux médias de l’informer des futures dates d’une attaque russe contre l’Ukraine afin qu’elle puisse planifier ses vacances. Le 16 février, le Kremlin a déclaré avoir vaincu «l’hystérie suscitée dans le monde entier, qui n’est rien d’autre qu’une campagne d’information absolument sans précédent visant à provoquer et à alimenter les tensions en Europe».

    Pourtant, les tensions continuent de s’intensifier. La Maison Blanche affirme que l’invasion de l’Ukraine est imminente. Boris Johnson déclare que le Kremlin va s’emparer de tout le pays, et la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss, parle d’une prise de contrôle de l’Europe de l’Est par la Russie.

    Le Kremlin a contredit ces affirmations, niant tout projet d’invasion. Le ministère russe de la défense a diffusé des vidéos montrant des troupes et des équipements rentrant dans les casernes. Mais au lieu de renvoyer les troupes russes en Biélorussie «pour des exercices conjoints», il a été annoncé qu’elles resteraient pour de bon. La Russie a poursuivi ses manœuvres en organisant de nouveaux exercices de guerre au cours du week-end pour tester des missiles balistiques hypersoniques.

    Les combats s’intensifient dans l’est de l’Ukraine

    Le week-end a été marqué par de nouveaux signes inquiétants. La matinée de vendredi a commencé par des échanges d’artillerie le long de la frontière entre le territoire contrôlé par Kiev et les républiques contestées de l’est de l’Ukraine – les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (RPD/RNL). Comme le soulignent les résidents locaux, il ne s’agit pas d’une nouveauté puisque la guerre se poursuit depuis 8 ans et que plus de 14 000 personnes ont perdu la vie, mais cette augmentation est spectaculaire. Les observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) rapportent qu’ils ont eu lieu dans plus de 30 endroits. Plus tard dans la journée, la jeep du chef de la police de Donetsk a explosé devant son bureau, bien qu’un résident local ait fait remarquer qu’il n’avait jamais vu des officiers aussi haut placés conduire une voiture aussi bon marché.

    Lundi, une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe, clairement mise en scène, a eu lieu. L’un après l’autre, les hauts responsables ont appelé à la reconnaissance des deux républiques contestées, la RPD et la RPL. Lorsque le Procureur général a dépassé les bornes en déclarant qu’il soutenait l’appel à l’adhésion de la RPD et de la RPL à la Fédération de Russie, il a été corrigé par Poutine, qui a déclaré qu’il n’en était pas question : nous discutons simplement de la reconnaissance de l’indépendance des deux républiques.

    Plus tard dans la soirée, Poutine est apparu à la télévision pour «s’adresser à la nation». Au cours d’une excursion historique d’une demi-heure remontant au 9e siècle, il a expliqué comment l’Ukraine faisait partie de la Russie. Dans une partie importante de son discours, il a attaqué Lénine et les bolcheviks qui, a-t-il dit, «ont créé l’Ukraine moderne en utilisant des méthodes très brutales par rapport à la Russie elle-même en la séparant, en lui arrachant une partie de son territoire historique.» Staline, cependant, selon Poutine, «à la veille et après la “Grande guerre patriotique” [Seconde Guerre mondiale], l’a ramenée dans l’URSS…». Il a ensuite soutenu l’approche stalinienne de la question nationale après la révolution, lorsque Staline a tenté de mettre en place la Fédération socialiste de Russie avec une Ukraine subordonnée à la Russie, en opposition à la formation de l’URSS par Lénine avec l’Ukraine comme partenaire égal.

    Il a ensuite décrit la vague de corruption qui s’est emparée de l’Ukraine, l’absence de démocratie, et ce qu’il a appelé le coup d’État d’inspiration occidentale qui a pris le pouvoir en 2014. Il s’est plaint que les personnes au pouvoir organisent un harcèlement, une véritable terreur contre ceux qui s’opposent à ces «actions anticonstitutionnelles». Les politiciens, les journalistes, les militants sociaux sont moqués et humiliés publiquement. Les villes ukrainiennes sont frappées par une vague de pogroms et de violence, une série de meurtres ouverts et impunis. Beaucoup de gens, en regardant ce discours, se demanderont s’il ne parlait pas plutôt de la Russie elle-même !

    Il termine en annonçant que la Russie reconnaît désormais officiellement l’indépendance et la souveraineté de la RPD et de la RPL. Les troupes russes ont reçu l’ordre de se rendre dans les deux républiques en tant que «gardiens de la paix». En quelques heures, il a été signalé que des chars russes étaient déjà à Donetsk.

    Il s’agit d’un développement extrêmement dangereux. Un haut diplomate américain a suggéré hier que «l’arrivée de troupes russes dans la région du Donbass ne serait pas nouvelle». Mais c’est remarquablement naïf. Il est déjà clair qu’il y aura un conflit sur les frontières des «républiques indépendantes».

    Ni la RPD ni la RPL n’occupent l’ensemble des anciennes régions de Donetsk et de Louhansk, des parties importantes de la région, dans le cas de Donetsk, plus de 40 % des 4 millions d’habitants et deux tiers de la zone restent sous le contrôle de Kiev. Leonid Kalashnikov, haut responsable de la Douma russe et membre du parti communiste, a appelé les troupes à prendre le contrôle de l’ensemble des deux régions. Si le rôle des «gardiens de la paix» est de confronter les troupes ukrainiennes à la ligne de front actuelle pour qu’elles s’emparent de ces régions au complet, le risque d’une escalade dramatique de la guerre est bien réel.

    Reste-t-il un espoir pour la diplomatie ?

    Après la conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue en fin de semaine, les négociations diplomatiques peuvent se poursuivre, mais il est presque certain qu’il est maintenant trop tard pour faire une différence. La première réaction de Macron et Scholz à l’annonce de Poutine a été d’exprimer leur déception, tout en espérant que les négociations pourraient se poursuivre.

    Pendant la conférence de Munich, le président ukrainien Zelensky a exprimé un réel mécontentement face à l’inaction occidentale. Depuis le début, les États-Unis ont essayé de présenter un front uni avec l’UE contre la Russie. Ils ont dû surmonter la résistance allemande à la menace de sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2. Lors de la rencontre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a félicité la ministre allemande des affaires étrangères et membre du parti vert Annalena Baerbock pour avoir agi de manière coordonnée et complémentaire, tandis que le chancelier Scholz a promis que l’Allemagne avait besoin
    d’avions qui volent, de navires qui peuvent prendre la mer, de soldats qui sont équipés de manière optimale pour leurs tâches dangereuses – ce sont des choses qu’un pays de notre taille, qui porte une responsabilité très spéciale en Europe, doit pouvoir se permettre. Nous le devons aussi à nos alliés de l’OTAN.

    Mais derrière les discours sanguinaires de personnalités comme Johnston, les appels de Zelensky à lancer des «sanctions préventives» contre la Russie sont restés lettre morte.

    L’attention s’est ensuite portée sur le président français Emmanuel Macron. Pendant la conférence de Munich, il a annoncé qu’il avait reçu des «assurances personnelles» du président Poutine. Ce n’est pas la première fois, bien sûr, qu’un dirigeant mondial revient d’une conférence à Munich en revendiquant de telles assurances, comme l’a fait l’ancien Premier ministre britannique Neville Chamberlain en 1938 après avoir rencontré Hitler. Le ministre britannique de la défense a parlé de «l’odeur de Munich», laissant entendre que le résultat était une répétition de l’«apaisement» d’avant la Seconde Guerre mondiale. Au moins, Macron n’a pas brandi un morceau de papier. Néanmoins, la prochaine étape prévue devait être un retour au «format Normandie» – des négociations entre la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de Minsk 2 et le statut de la RPD/RPL. S’il existe aujourd’hui la moindre possibilité d’un accord diplomatique, ce sera dans ce sens.

    Il sera loin d’être facile de parvenir à un accord. La Russie utilisera l’occupation effective des deux républiques pour exercer une pression énorme sur Kiev, même si elle n’empiète pas davantage sur le pays. Zelensky, quant à lui, subira d’énormes pressions pour ne pas céder. Mais l’existence même de la RPD et de la RPL empêchera l’Ukraine de rejoindre l’OTAN ou l’UE, les États qui ne peuvent garantir leurs propres frontières n’étant pas acceptés.

    Souffrances en Ukraine orientale

    Les personnes vivant en RPD et en RPL sont actuellement les plus touchées par la crise. Au cours du week-end, les chefs de guerre pro-russes ont annoncé la mobilisation de leurs forces de défense et l’évacuation des femmes, des enfants et des personnes âgées vers la Russie. Des dizaines de milliers de personnes ont fui pendant la nuit mais ont dû dormir dans des bus vétustes par des températures négatives. Plusieurs ont le sentiment d’avoir été poussé·es par la panique à partir inutilement – une mère de famille a raconté qu’on l’avait persuadée de partir avec ses enfants, sans même avoir le temps d’en parler à son mari.

    Pendant ce temps, les politiciens russes sont cyniquement déconnectés de la réalité. Alors que la télévision russe couvre l’arrivée de bus remplis d’enfants réfugiés et de grands-mères en larmes en provenance de l’Est de l’Ukraine, des députés suggèrent qu’ils soient logés dans les appartements de ceux qui sont morts de la covid. D’autres proposent que les employé·es de l’État perdent leur 13e salaire mensuel (une prime de fin d’année destinée à compenser les mauvais salaires) pour payer cette mesure. Les patients qui se remettent de maladies graves sont renvoyés des hôpitaux et les foyers d’étudiants sont repris pour accueillir les réfugié·es.

    De nombreux rapports émanant de la RPD/RPL suggèrent un grand scepticisme à l’égard des autorités. Des personnes s’adressant anonymement à la presse affirment que les attaques sont exagérées et se plaignent de ne pas pouvoir parler ouvertement par téléphone, sachant qu’elles sont écoutées. L’un d’entre eux a fait le commentaire suivant : «Les nantis, les hommes d’affaires, les banquiers et les bandits – ils ont tous fui en 2014». D’autres parlent d’une guerre attisée par les politiciens.

    Les intérêts des Ukrainiennes et des Ukrainiens ordinaires sacrifiés

    L’Ukraine risque d’en subir les conséquences pendant des mois, voire des années. Les entreprises étrangères ont fui et la fièvre de la guerre a entraîné une fuite de capitaux de 15 milliards de dollars, une somme qui fait oublier l’aide financière d’un peu plus de 2 milliards de dollars promise par les États-Unis et l’UE la semaine dernière.

    C’est ce qu’a reflété le discours de Volodymyr Zelensky lors de la Conférence sur la sécurité de Munich ce week-end. Il a parlé de l’Ukraine comme du «bouclier de l’Europe», mais s’est plaint que depuis 2014, l’OTAN et l’UE refusent de l’accepter comme membre. Il a averti que le «format Budapest» (l’accord de 1994 en vertu duquel l’Ukraine a renoncé aux armes nucléaires en échange de garanties de sécurité) avait laissé le pays sans armes et sans sécurité. Dans ce cas, a-t-il dit, «nous serons libérés de nos obligations». Il poursuit : « Si on nous dit tous les jours qu’il y aura une guerre demain, que se passera-t-il dans le pays à part la panique ? Qu’adviendra-t-il de notre économie ? Vous nous dites : réalisez des réformes, améliorez votre gestion, luttez contre la corruption – et alors nous vous aiderons. Mais à nos frontières, il y a 150 000 soldats. Peut-être devriez-vous faire quelque chose à ce sujet avant d’exiger que nous fassions quelque chose ? »

    Une nouvelle guerre froide

    La situation actuelle s’inscrit dans le cadre de la polarisation et du réalignement croissants du monde entre les intérêts impérialistes américains et chinois. L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est, avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui ont tous une frontière avec l’ancienne Union soviétique. 12 000 soldats de l’OTAN soutiennent le quart de million de personnel local dans ces pays. Depuis 2016, le ministère américain de la défense a envoyé une aide militaire d’une valeur de 1,65 milliard de dollars à l’Ukraine, tandis que le Royaume-Uni a envoyé 1,7 milliard de dollars depuis 2020. D’autres puissances de l’OTAN, comme le Canada, la France et la Turquie, ainsi que les pays baltes, ont également apporté leur aide, mais à une échelle bien moindre. Pendant les tensions actuelles, l’OTAN a rapidement envoyé davantage d’unités et d’équipements en Ukraine et chez ses voisins. Il s’agit d’une conséquence réelle de la politique intransigeante de l’administration Biden, qui désigne la Chine comme le «principal concurrent» et la Russie comme «le plus dangereux».

    Les efforts de Biden pour persuader l’Allemagne et la France de présenter un front uni se heurtent à leurs intérêts. En effet, si une guerre totale se développe, il y aura une crise économique et une vague massive de réfugié·es. L’Allemagne dépend de la Russie pour son approvisionnement en énergie, notamment en gaz. Des sanctions entraîneront des pénuries d’énergie et une hausse massive des prix pour les consommateurs européens. C’est en partie pour cette raison que les États-Unis ont poussé l’UE à diversifier ses fournisseurs d’énergie, afin qu’elle ne soit pas aussi dépendante de la Russie. L’Allemagne a subi des pressions pour qu’elle retire son soutien à Nord Stream 2, qui attend la certification finale pour commencer à fonctionner.

    Dans ce contexte, les États-Unis ont retiré de manière inattendue leur soutien au gazoduc de la Méditerranée orientale, qui aurait permis le transit direct de l’énergie d’Israël et du Moyen-Orient vers l’Europe. Il semble que cela ait été fait pour apaiser la Turquie, car Erdogan a exprimé son soutien ouvert à l’Ukraine dans cette crise, et offre une voie détournée pour transférer des armes à Kiev. Une usine de fabrication de drones turcs a déjà été construite à Kiev.

    Après avoir crié au loup pendant des semaines, la Maison Blanche a doublé la mise, prédisant des opérations sous faux drapeau par les Russes comme prétexte pour envahir. La stratégie militaire du Kremlin comprend la conduite d’une «guerre hybride» – l’utilisation combinée de la guerre électronique, de mercenaires (Moscou pourrait faire valoir l’ignorance et nier sa responsabilité de façon plausible), de l’ingérence politique et des provocations. Il n’est pas le seul à le faire. Les forces impérialistes américaines, britanniques, françaises et autres pratiquent depuis longtemps de telles méthodes. Leur utilisation, cependant, dans les coulisses, rend difficile l’analyse de qui a fait quoi, quand et où. Le dangereux mélange de bellicisme occidental et de cyberguerre russe a créé une situation qui sera bientôt impossible à contrôler.

    L’impérialisme russe

    Les politiques du Kremlin se sont également durcies au cours de la dernière décennie. Lorsqu’il se plaint aujourd’hui de l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, il oublie que pendant la première décennie du mandat de Poutine, il a «coopéré» avec l’OTAN, l’autorisant même à utiliser une base aérienne en Russie comme point de passage vers l’Afghanistan. Lors de sa première élection, Poutine a même évoqué la possibilité que la Russie rejoigne l’OTAN ! En 2019, cependant, la Russie est entrée en concurrence directe avec l’OTAN. Après avoir renforcé sa position au niveau mondial en Syrie et en Afrique centrale, elle a accru son influence en Biélorussie et au Kazakhstan. Le plus inquiétant pour l’impérialisme américain est que la coopération sino-russe s’intensifie. Pendant les jeux d’hiver de Pékin, Xi et Poutine ont signé un nouvel accord pour que la Russie augmente ses exportations d’énergie à la Chine en échange d’une opposition commune à de nouvelles «révolutions de couleur».

    Les photos des longues discussions à la table de Poutine, d’abord avec Macron, puis avec le ministre des affaires étrangères Sergey Lavrov et le ministre de la défense Sergey Shoigu au bout d’une table encore plus longue, sont révélatrices de l’atmosphère dans laquelle le Kremlin prend désormais ses décisions ! Depuis le début de la pandémie, Poutine est isolé de la société et les conseils qu’il reçoit sont de plus en plus déséquilibrés. Lavrov, lors de sa rencontre, a rendu compte des discussions avec Macron et d’autres. Il a déclaré que, bien qu’aucun progrès n’ait été réalisé sur les principales demandes de la Russie, notamment le retrait de l’OTAN aux frontières de 1997, il y a eu des développements intéressants dans d’autres domaines. M. Lavrov a déclaré qu’il y avait encore de la place pour la diplomatie, mais que si Poutine le voulait, il devrait aller de l’avant avec la reconnaissance de la RPD et de la RPL.

    Une décision formelle de reconnaître les deux républiques a été adoptée par la Douma d’État, à l’initiative du parti communiste réactionnaire. Alors que de nombreux députés du parti au pouvoir ont voté en faveur de la résolution, la position du Kremlin a été de prendre note de la décision, de suggérer que les députés de la Douma reflètent l’opinion publique et de laisser à Poutine le soin de décider de la date de signature de la proposition.

    Malgré son caractère autoritaire, le régime doit tout de même tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. Aujourd’hui, la plupart des Russes n’a pas le cœur à une guerre contre l’Ukraine : ils sont aux prises avec une baisse du niveau de vie, une inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de «morts en trop» en Europe de l’Est. La méfiance à l’égard de tout ce que dit le gouvernement s’accroît. Des rapports font état d’une opposition à une invasion totale, même dans les rangs de l’armée et des services spéciaux.

    Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.

    La position des socialistes sur l’Ukraine

    Cette situation démontre ce que nous disions il y a 30 ans, à savoir que lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, ni les économies, ni les droits nationaux et démocratiques des habitants de la région ne seraient protégés par la restauration du capitalisme.

    Les socialistes ne doivent pas prendre parti entre les différentes puissances impérialistes. Il ne nous appartient pas de juger les affirmations des Russes selon lesquelles c’est l’armée ukrainienne qui a déclenché les tirs d’artillerie, ou encore celles de Kiev (reprises par la Maison Blanche) selon lesquelles les forces des républiques contestées sont responsables, que ce sont des opérations sous faux drapeau pour justifier une invasion russe. Il est également possible que les attaques n’aient pas été sanctionnées par le Kremlin, mais que les dirigeants réactionnaires des deux républiques les ont organisées pour pousser la Russie à intervenir.

    Ce qui est important, c’est le droit de l’Ukraine d’être un État indépendant. L’Alternative socialiste internationale défend ce droit de manière inconditionnelle. Toutes les troupes impérialistes, qu’elles viennent de Russie ou de l’OTAN, doivent être retirées immédiatement d’Ukraine et d’Europe de l’Est. Pour réduire la tension, les troupes russes qui se trouvent actuellement le long de la frontière devraient retourner dans leurs casernes.

    Depuis que l’Ukraine est devenue indépendante (soit depuis l’effondrement de l’Union soviétique), son élite dirigeante et les oligarques qui la soutiennent ont entraîné le pays dans le conflit entre les puissances économiques mondiales. Les ressources naturelles du pays, les banques et les grandes entreprises doivent être retirées des mains des oligarques et des multinationales et devenir propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs.

    Dans le même temps, l’Ukraine doit respecter les droits de ses propres minorités et régions. Il convient de rappeler que ce sont les tentatives du gouvernement de l’après-Euromaïdan (mouvement qui a mené à la chute du président pro-russe Ianoukovytch en 2014) de restreindre les droits de la langue russe ainsi que la crainte d’une partie de la population face à la croissance de l’influence de l’extrême droite qui ont créé le mécontentement initial que le régime russe a ensuite exploité. Les droits linguistiques doivent être respectés. Si une minorité ou une région souhaite l’autonomie, voire la sécession, elle doit avoir le droit de le faire. Mais toute décision doit être prise sans aucune présence militaire, et lors de votes démocratiques, contrôlés par la population locale.

    Nous ne pouvons faire confiance à aucune des puissances impérialistes. L’Occident a démontré à maintes reprises – en Irak, en Syrie, en Serbie, en Libye et ailleurs – qu’il n’est pas le garant de la démocratie ou de la souveraineté. Il défend les intérêts de la classe capitaliste qu’il représente. La Russie non plus n’est certainement pas un défenseur du peuple «slave» qu’elle prétend soutenir – ses propres actions contre le peuple russe lui-même le démontrent. L’État russe agit pour soutenir les intérêts de l’oligarchie russe, tout comme l’Occident. Ses «troupes de maintien de la paix» ne sont pas en Ukraine pour «maintenir la paix» mais pour défendre les intérêts économiques et politiques de l’élite dirigeante russe.

    Les socialistes doivent s’exprimer et appeler à un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste. Ce n’est peut-être pas la tâche la plus facile, car beaucoup de militant·es qui se seraient opposé·es aux attaques impérialistes contre des pays comme l’Irak sont maintenant divisé·es. Certains soutiennent la Russie et la Chine dans leur opposition à l’impérialisme américain, d’autres s’opposent à l’agression russe et soutiennent pleinement l’Ukraine et ses bailleurs de fonds impérialistes.

    Cependant, en tant que socialistes, nous ne pouvons pas soutenir l’une ou l’autre des puissances impérialistes qui se disputent le sort de l’Ukraine. Son destin en tant que pays indépendant, libre de toute intervention extérieure, ne peut être confié à l’élite dirigeante du capital occidental ou russe. Seule une lutte unie de la classe ouvrière contre les bellicistes dans chaque pays peut créer la situation dans laquelle l’Ukraine peut être véritablement indépendante.

    La classe ouvrière ukrainienne devrait jouer un rôle majeur à cet égard. Si elle s’organise pour défendre les foyers et les emplois contre les attaques militaires, si elle veille à ce que la lutte ne soit pas détournée vers des lignes nationalistes ou pro-capitalistes en menant une lutte unie de tous les travailleurs d’Ukraine, indépendamment de leur nationalité ou de leur langue, elle pourrait lancer un puissant appel à la solidarité aux travailleuses et aux travailleurs de Russie, d’Europe et des Etats-Unis. Ainsi unis, la classe ouvrière et la jeunesse peuvent mettre fin au cauchemar de la guerre, garantir le droit à l’autodétermination et ouvrir la voie à une société nouvelle, démocratique et socialiste.

  • Non à la guerre en Ukraine ! L’unité des travailleurs est la clé

    Les représentants politiques de la classe capitaliste sont incapables de trouver une issue à la crise sanitaire. Mais pour faire la guerre, pas de souci. Le gouvernement fédéral veut dégager 14 milliards d’euros pour la Défense… et quasiment rien pour nos factures d’énergie ou nos soins de santé. Entretemps, 100.000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne et le Pentagone prévoit d’envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est.

    Tout en expliquant ne pas vouloir de conflit, les deux systèmes impérialistes – les États-Unis à travers l’OTAN et la Russie – s’affrontent, attisant la folie guerrière à un niveau tel qu’un léger accident pourrait déclencher une guerre à l’ampleur inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

    L’enjeu impérialiste

    Le régime de Poutine menace d’une réponse militaire non précisée à moins qu’il ne soit garanti que l’OTAN ne s’étende plus davantage à travers l’Europe de l’Est et retire ses armes aux frontières russes. Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer à l’OTAN.

    Le monde est de plus en plus polarisé entre intérêts impérialistes divergents. Biden considère la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, mais qualifie en même temps la Russie de « plus grande menace » en raison de la manière dont celle-ci utilise sa puissance militaire. Elle a perturbé les projets américains pour l’éviction de Bachar el-Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont reculé en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes. En 2014, le Kremlin a exploité les événements autour de « l’Euromaïdan » pour prendre le contrôle de la Crimée et consolider sa position à l’Est de l’Ukraine. Depuis lors, malgré les cessez-le-feu négociés à Minsk, le conflit militaire s’est poursuivi et a fait 14.000 victimes.

    Le peuple ukrainien, lui, est traité comme un pion. Son destin est décidé par des forces qui échappent à son contrôle. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine et des pays impérialistes qui perdront leurs vies et leurs foyers en raison de cette guerre inutile, tandis qu’une nouvelle vague de réfugiés sera traitée de manière inhumaine. Les menaces de sanctions n’ont pour effet que d’augmenter les tensions et les factures d’énergie tout en faisant craindre des troubles de livraison de gaz.

    Stopper la guerre

    Le conflit entre puissances impérialistes aux intérêts divergents crée les conditions du développement des guerres. Aucune confiance ne doit donc leur être accordée pour négocier. Les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou encore l’OTAN n’ont jamais été capables de stopper une guerre sans en faire payer le prix aux travailleurs et aux pauvres. Les forces et le matériel militaire de toutes les puissances impérialistes – celles de la Russie et celles de l’OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.

    L’Ukraine a le droit de se défendre, mais dans quel intérêt et de quelle manière ? L’élite ukrainienne appelle à « l’unité nationale ». Concrètement, cela signifie la défense du règne des oligarques qui, depuis l’indépendance, ont laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre. Alors qu’ils n’ont cessé de s’enrichir, le revenu moyen des ménages est désormais inférieur de 20 % à ce qu’il était en 2013.

    Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous

    Un puissant mouvement anti-guerre reposant sur l’unité de la classe ouvrière dans la défense de ses foyers et de ses lieux de travail pourrait lancer un appel de classe retentissant aux travailleurs en Ukraine, en Russie, aux États-Unis et ailleurs pour favoriser leur entrée en action afin de stopper la guerre. Cela exige un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Le mouvement ouvrier a un rôle crucial à jouer pour s’opposer à quiconque tenterait de déclencher une guerre entre les peuples, non pas par pacifisme abstrait, mais dans le cadre du combat pour le renversement du système qui cause la guerre : le capitalisme.

    • Non à la guerre en Ukraine !
    • Impérialismes russe et américain : bas les pattes de l’Ukraine !
    • Belgique hors de l’OTAN, l’OTAN hors de Belgique.
    • Pas de militarisation de l’énergie : nationalisation du secteur sous contrôle ouvrier, dans toute la chaîne d’approvisionnement.
    • Pour la construction d’un mouvement anti-guerre qui force les gouvernements impérialistes à :
      ◊ Stopper la course à l’armement et le transport de troupes et de matériel militaire vers l’Europe de l’Est.
      ◊ Stopper la surenchère de provocations et de menaces.
    • Pour un avenir débarrassé des guerres, du terrorisme, de l’oppression et de l’exploitation : un avenir socialiste démocratique.
0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop